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Aspects de la contrebasse solitaire

par Anne Salliot


Mémoire de maîtrise
Sous la direction de Geneviève Mathon, maître de conférence à l'Université de Tours

Année 1993 - 94

Département de musicologie
Université François
Rabelais
Tours

Membres du jury : Jean-Pierre Robert, contrebassiste et Geneviève Mathon

 
Table des matières

Avant-propos
Introduction

PREMIERE PARTIE : PRESENTATION DE L'INSTRUMENT

I- Un instrument instable
    A- Bref historique
    B- Facture instable de la contrebasse
    C- Techniques d'archet diverses
II- Le répertoire de la contrebasse
    A- De l'époque classique au début du dix-neuvième
    B- Le répertoire pour contrebasse seule, à partir des années cinquante
III- L'apport du jazz
    A- Evolution du rôle de la contrebasse dans le jazz.
    B- Vélocité
    C- Recherches de sonorités
    D- Le rapport instrument-instrumentiste

DEUXIEME PARTIE : QUELQUES ASPECTS DE L'ECRITURE

I- Scelsi et l'exploration du son


    A- A propos de Scelsi
    B- Les procédés employés
        1- La scordatura
        2- Timbres et modulation de timbres
            a- Dynamiques
            b- Jeux d'archet
            c- Jeux de cordes
        3- L'épaisseur du son
        4- Utilisation des ressources de la contrebasse et de l'interprète
II- La dimension polyphonique
    A- L'effet d'amas sonore
        1- Doubles cordes et arpèges
            a- Quelques intervalles spécifiques
            b- L'arpège
        2- Exploitation des harmoniques
    B- Conduite des voix
        1- Polyphonie de notes
            a- Polyphonie réelle
            b- Polyphonie virtuelle
        2- Jeux de timbres
            a- La contrebasse multiple
            b- L'interprète, source sonore
III- Virtuosité
    A- Quelques considérations techniques
        1- Bref historique du niveau instrumental
        2- Longueur de la touche
        3- Epaisseur des cordes
    B- L'exemple de deux oeuvres : Trittico per G. S. de Ferneyhough, Théraps de Xénakis
        1- Lecture de la partition
        2- Virtuosité de l'exécution
            a- Trittico per G. S.
            b- Théraps : le glissando
            c- L'investissement physique
    C- Nouvelles techniques pour des nouveaux modes de jeu
TROISIEME PARTIE : EXPLORATION DE L'INSTRUMENT

I- Le timbre de la contrebasse
    A- Situation du timbre traditionnel
    B- Enrichissement du timbre et nouveaux modes de jeu
        1- Jeux traditionnels et recherche de timbre
            a- Qualité du timbre
            b- Les registres extrêmes
            c- Les harmoniques
            d- Le pizzicato
        2- Modes de jeu exceptionnels
II- La contrebasse, instrument de percussion
    A- Atouts de résonance de la contrebasse
    B- Utilisation des ressources de la contrebasse-percussion
            1- Fonction de la contrebasse-percussion
            2- Recherche de timbres différents
            3- Notation

QUATRIEME PARTIE : THEATRE

I- Importance de la théâtralité dans le répertoire pour contrebasse seule


    A- Le contrebassiste
    B- La contrebasse
    C- Les oeuvres concernées
II- Les traditions du concert reniées
    A- Entrée et sortie de l'artiste
    B- A propos des prémices du concert
III- Le geste instrumental
    A- Présentation du geste
    B- Notation du geste
    C- Intention du geste
        1- Le geste et l'instrument
        2- Présence du geste dans l'espace
IV- Le geste vocal
    A- Ressources vocales utilisées
        1- Présence d'un texte
        2- La voix comme timbre supplémentaire
    B- Le rapport texte-musique
        1- La contrebasse, complémentaire du texte
        2- Procédés d'imitation
V- La relation instrument-instrumentiste

Conclusion
Bibliographie
Annexes
Avant-propos

La littérature pour instrument seul

La seconde partie du vingtième siècle assiste au développement d'une littérature pour instrument seul, écartée du
répertoire musical occidental depuis quelques siècles. Les pièces pour instrument seul témoignent d'une démarche
nouvelle. Le compositeur se détourne d'une grande tradition musicale de l'art occidental : la polyphonie, impliquant
plusieurs voix, plusieurs instruments. Il ne s'en éloigne qu'implicitement, car l'écriture pour instrument seul, nous le
verrons, permet "une pluralité interne"1.

Les pièces pour instrument seul sont nées du désir de découvrir les richesses de l'instrument unique ; des ressources
instrumentales jusqu'alors insoupçonnées se développent, et par là, un nouvel espace de jeu s'ouvre pour l'interprète.

Ces oeuvres suggèrent au compositeur de nouvelles possibilités d'écriture, en permettant l'exploration du timbre et du
son d'un instrument unique (puis de deux instruments, lorsque l'interprète devient source sonore).

La relation entre le compositeur et l'interprète contribue au développement du répertoire pour instrument seul. Jean-
Yves Bosseur souligne que des musiciens comme "Cathy Berberian, Severino Gazzeloni, Heinz Holliger, Siegfried Palm,
Vinko Globokar, [...] ont déclenché tout une "littérature" musicale soliste [...] " 2. Le compositeur a besoin du savoir
instrumental de l'interprète. L'interprète lui-même souhaite utiliser le talent du compositeur, afin qu'une nouvelle
littérature pour son instrument puisse exister. L' interprète peut se faire lui-même compositeur, en exploitant "sans
intermédiaire" les ressources de son propre instrument. Citons Stripsody de Cathy Berberian, Pneuma de Heinz
Holliger, Taxi de Joëlle Léandre. Pour certains instruments, comme la contrebasse, jusqu'alors confinés dans leur
fonction
d'instruments d'orchestre, l'idée d'une mise en valeur totale de l'instrument, de ses ressources spécifiques, et de
l'interprète représente un intérêt considérable.

Le compositeur profite par des recherches diverses (sonores, gestuelles, théâtrales) des particularités offertes par
l'unicité d'un instrument, et de son interprète.

Le travail du son constitue un aspect primordial de l'écriture du répertoire pour instrument seul. A l'orchestre, le
timbre existe comme composant d'une couleur sonore, d'un ensemble ; dans le répertoire pour instrument seul, il
existe pour lui-même, il est "pur". A propos des musiques de Scelsi, Tristan Murail écrit : "Beaucoup de pièces sont
d'ailleurs écrites pour instrument seul, non pas dans un dessein mélodique, mais afin d'y travailler le son dans toute sa
pureté."3

Les richesses contenues dans le son "pur" permettent d'évoquer "une multiplicité du son". "La distinction entre
monodie et polyphonie est en acte et non en puissance ; virtuellement, l'une et l'autre sont plongées dans la
multiplicité du son"4.

L'avènement du répertoire pour instrument seul ne symbolise pas un rejet de la pratique polyphonique. Celle-ci
demeure très présente. Elle est largement mise en valeur par l'unicité de l'instrument. Philippe Albera, dans une étude
des Sequenzas de Berio, met en évidence plusieurs types de polyphonie :

"La polyphonie réelle (écriture à plusieurs voix), la polyphonie virtuelle (par le jeu des répétitions dans une monodie,
par le retour périodique sur des hauteurs gelées, par la similitude de structures réparties sur la totalité de la forme)
enfin la polyphonie d'actions (lorsque plusieurs couches musicales sont superposées : une succession de hauteurs et
une succession d'intensités autonomes, ou comme dans Sequenza III, les hauteurs, les activités expressives, le travail
sur le texte)."5

Ainsi les instruments monodiques par tradition deviennent polyphoniques par l'agencement (succession, simultanéité)
des notes, ou des événements sonores. Les instruments à archet, à vent sont considérés comme avant tout
monodiques. Chaque instrument développe ou crée des techniques diverses pour obtenir les effets d'une polyphonie
réelle : doubles cordes, arpèges pour les instruments à archet, multiphoniques pour les instruments à vent (utilisées
également par les instruments à archet)... Dutilleux, à propos du concerto pour violon L'arbre des songes explique :
"L'aventure m'a beaucoup intéressée à partir du moment où j'ai considéré les possibilités polyphoniques de
l'instrument de manière qu'il se suffise à lui-même." 6 Par l'élargissement des timbres, des modes de jeux, bref, de la
palette sonore de l'instrument, l'oeuvre tend à simuler la présence de plusieurs instruments de même nature, ou
même de nature différentes. De Density 21,5 (Varèse, 1933), Odile Vivier écrit : "II semble à l'auditeur que plusieurs
instruments se répondent [...] certains effets de percussion (les clefs frappent sur la flûte où l'exécutant n'entretient
qu'un souffle léger) dépassent les possibilités sonores que l'on avait coutume d'attendre d'une flûte." 7

Enfin, évoquons le rôle de l'interprète qui devient instrumentiste multiple. L'écriture virtuose propre aux pièces pour
instrument seul, la sollicitation de l'interprète en tant que source sonore, (et acteur) exige de l'interprète un
investissement extrême.

Il résulte de cette nouvelle forme d'investissement, une relation plus forte entre instrument et instrumentiste. Ivanka
Stoianova écrit : "C'est par la relation extrêmement importante entre le musicien et son instrument que les possibilités
techniques peuvent être élargies [...] la relation entre le musicien et son instrument s'avère génératrice de nouvelles
modalités d'émission du son qui demandent l'extension de la virtuosité traditionnelle." 8

De nombreux aspects du répertoire pour instrument seul sous-tendent une théâtralité. La mise en valeur du geste de
l'interprète, de son investissement, la relation qui s'instaure entre instrumentiste et instrument et parfois la présence
d'une véritable dramaturgie marquent l'aspect théâtral des pièces. Ajoutons que ces pièces sont fréquemment
composées à l'attention d'un interprète précis. Si cette collaboration consacre un "accord particulier entre compositeur
et interprète, le témoignage d'un rapport humain"9, elle permet encore au compositeur de s'inspirer directement de la
personnalité d'un interprète, à des fins théâtrales.
1- G. Mathon. Les Rumeurs de la voix, thèse de doctorat, Paris VIII Saint Denis, 1988, p. 28.
2- J. Y. et D. Bosseur. Révolutions musicales, Paris : Minerve, 1986, p. 133.
3- Tristan Murail. "La musique de Scelsi", Journal de la fondation de Royaumont, 2, p. 3.
4- Geneviève Mathon. Op cit., p. 28.
5- Philippe Albera. "Introduction aux 9 Sequenzas", Musique en jeu, 1, septembre 1983, p. 91.
6-Cité par Anne Penesco. Les instruments à archet dans les musiques du vingtième siècle, Paris : Champion, 1992, p. 272.
7- O. Vivier. "Innovations instrumentales d'Edgard Varèse", La revue Musicale, 226, 1955, p. 193.
8- I. Stoianova. "Luciano Berio, chemins en musique", La revue musicale, 375-7, 1985, p. 392.
9- Cité par I. Stoianova. Ibid., p. 392.

Introduction

La contrebasse ne fait pas partie des instruments qui ont inspiré les écrivains musicologues. Certes, Raymond Elgar,
Bertram Turetzky, Paul Brun, Jean-Pierre Robert au vingtième siècle se sont attachés dans leur ouvrage 1 à divers
aspects de la contrebasse. Mais cet instrument semble rester en marge des autres instruments à archet.

La présente étude n'a pas l'ambition de compléter cette trop courte liste d'ouvrages précieux, mais plutôt de faire
prendre conscience des richesses de cet instrument, au sein d'un répertoire défini. L'avènement d'un répertoire pour
contrebasse seule, reflet d'un regain d'intérêt certain pour cet instrument, permet une étude des atouts spécifiques de
la contrebasse, et des caractéristiques de la littérature pour instrument seul.

Après une présentation de l'instrument, de son histoire confrontée à de nombreux préjugés défavorables, quelques
aspects de l'écriture du répertoire pour contrebasse seule sont évoqués. Polyphonie, virtuosité semblent communes à
toutes les oeuvres ; en revanche, la recherche de la profondeur du son est rattachée aux oeuvres de Scelsi. Un rappel
de techniques ou de conceptions diverses des siècles précédents, semble primordial, pour comprendre l'évolution de
la contrebasse, et sa situation dans la musique, actuellement. L'écriture des pièces pour contrebasse seule est encore
marquée par la quête de timbres, de sonorités, de modes de jeu nouveaux. L' importance accordée au geste, la
recherche d'effets théâtraux élargit le rôle de l'interprète, et instaure une relation plus forte entre le contrebassiste et
son
instrument.
1- R. Elgar. Introduction to the Double Bass, Sussex : R. Elgar, 1960.
                    Looking at the Double Bass, Sussex : R. Elgar, 1967.
                    More obout the double Bass, Sussex: R. Elgar, 1963.
B. Turetzky. The contemporary contrabass, Berkeley : University of california press, 1974.
P. Brun. Histoire des contrebasses à cordes, Paris : La flûte de Pan, 1982.
J. P. Robert. Modes de jeu de la contrebasse, éd. J. P. Robert, 1992.
Première Partie

Présentation de l'instrument
I- Un instrument instable
II- Le répertoire pour contrebasse
III- L'apport du jazz

I- Un instrument instable

A- Bref historique

Dès le seizième siècle, deux familles d'instruments à cordes frottées se côtoient : celle des violons et celle des violes.
Cette existence parallèle nourrit une ambiguïté quant à l'origine de la contrebasse actuelle. Pour certains
musicologues, la contrebasse actuelle est affiliée à la contrebasse de viole. Seuls auraient changés le nombre de
cordes, la forme des ouïes, la caisse de résonance. Dolmetsh en conclut que la "sonorité vigoureuse mais impure et
vulgaire de la contrebasse"1 provient de cette métamorphose de l'instrument original.

Pour d'autres, et depuis le siècle des lumières avec Diderot et D'Alembert, il parait plus probable que la contrebasse
actuelle provienne de la famille des violons. Des études de lutherie argumentent ce point de vue. Nous ne pouvons
que soulever ce problème, sans apporter de réponses, qui entraîneraient quelques polémiques vaines.

La contrebasse, "compromis formel"2 entre les violes et la silhouette du violon fut d'abord appréciée à l'église pour sa
fonction de basse continue. Ce n'est que dans la seconde moitié du dix-septième siècle que la contrebasse fait son
entrée parmi "les violons du roi". Au dix-huitième siècle, elle entre à l'Opéra de Paris. La seconde moitié du dix-
huitième et surtout le dix-neuvième siècle, auront leur premier virtuose, avec l'avènement d'oeuvres concertantes
pour cet instrument.

B- Facture instable de la contrebasse

La contrebasse apparaît comme un instrument bâtard. Son origine est certes ambiguë, mais ses dimensions, son
nombre de cordes, la tenue de son archet constituent encore des éléments non déterminés dans l'histoire de la
contrebasse et encore aujourd'hui.

Les "bassettes", petites contrebasses de chambre sont couramment utilisées jusqu'au début du dix-neuvième siècle.
Les quelques essais pour remplacer la bassette par la suite ne parvinrent pas à s'imposer. A coté de ces petites
contrebasses, la construction de contrebasses géantes séduit les luthiers dès le dix-septième siècle. Divers
témoignages rendent comptent de l'utilisation de ces contrebasses. Citons au
dix-neuvième siècle la célèbre octo-basse de Jean Baptiste Vuillaume, mesurant 3,48 m de haut (elle ne descend en
fait que de deux tons la corde grave d' une contrebasse à quatre cordes). Berlioz admirait "ses sons d'une puissance et
d'une beauté remarquable, pleins et forts, sans rudesse." 3 La contrebasse, telle qu'elle est pratiquée aujourd'hui n'est
plus marquée par ces différences flagrantes. Cependant, elle n'a pas de forme fixe déterminée, contrairement aux
autres instruments du quatuor. La contrebasse de facture allemande est souvent la plus grosse (contrebasse 4/4, caisse
de résonance 130 cm, longueur de corde vibratoire 112 cm). La contrebasse 3/4 est fréquemment utilisée en France
par les solistes classiques, et en musique de chambre (caisse de résonance 110 cm, longueur de corde vibratoire 106
cm).

Le nombre de cordes de la contrebasse oscille depuis le seizième siècle entre trois et six. Avec les virtuoses Dragonetti,
Bottesini, au dix-neuvième siècle, la contrebasse à trois cordes s'impose face à d'autres contrebasses. Elle disparaît
cependant peu à peu pour laisser place à la contrebasse actuelle à quatre cordes. Une cinquième corde est
fréquemment rajoutée pour élargir le registre grave de la contrebasse (la contrebasse à cinq cordes d'orchestre est
accordée do mi la ré sol). Aujourd'hui, contrebasses à quatre et cinq cordes se côtoient. A ce nombre de cordes
instable, s'ajoute un accord qui varie selon la fonction de la contrebasse et le goût de l'instrumentiste (accord
d'orchestre, accord de soliste).

Les discussions autour de cette instabilité de la facture de la contrebasse ne cessent depuis plusieurs siècles. La
contrebasse est un instrument en perpétuelle évolution. Comme Paul Brun, nous pouvons nous interroger sur son
avenir : "Les décennies à venir nous révéleront si le processus n'est qu'une mode passagère ou s'il doit conduire à
l'élimination pure et simple de la contrebasse à quatre cordes des grandes formations orchestrales... dans le passé, la
contrebasse à trois cordes a cédé la place à la contrebasse à quatre cordes. Espérons que cette dernière ne disparaîtra
pas au profit de la contrebasse à cinq cordes."4

C- Techniques d'archets diverses

Au dix-huitième siècle, deux techniques d'archet se confrontent : paume vers le haut (technique de la viole), paume
vers le bas (technique du violoncelle). Cette dernière tenue d'archet constitue une nouveauté au dix-huitième siècle,
qui ne va sans polémiques. Encore aujourd'hui subsistent deux techniques d'archet différentes pour les contrebassistes
: main sur la baguette (archet français), main sous la baguette (archet allemand). Chaque école défend sa technique de
jeu. Ainsi défauts et mérites de chaque tenue d'archet peuvent être brièvement énoncés. L'archet allemand offrirait
une plus belle sonorité, pour une pression nécessaire plus faible. L'archet français permettrait une plus grande
souplesse dans le jeu, un phrasé plus subtil... Quelques essais d'assemblages de deux techniques différentes dans un
même pupitre
de contrebasses à l' orchestre (exemple Hans Fryba et Pierre Delecluse dans l'orchestre de la Suisse Romande) se
révèlent positifs. Paul Brun juge ces expériences trop rares, et conclut : "Cette profonde incompréhension comme
l'absence de toute volonté de coopération entre les tenants des différentes écoles d'archet représentent les aspects
les moins positifs de la coexistence des ces techniques qui pourraient s'avérer si enrichissante par ailleurs." 5
1- Cité par Paul Brun. Histoire des contrebasses à cordes, Paris : La flûte de Pan, 1982, p. 31.
2- Alain de Chamburre. "Contrebasse", Encyclopédie de la musique, dir. François Michel, Paris : Fasquelle, 1958-61, vol.1, p. 583.
3- Cité par Paul Brun. Op. cit., p. 1 38.
4- Paul Brun. Op. cit., p. 218.
5-Paul Brun. Op. cit., p. 236.

II- Le répertoire de la contrebasse

A- De l'époque classique au début du vingtième siècle

La contrebasse, dans un répertoire fort peu connu se détache de sa fonction de soutien harmonique,
d'accompagnement pour acquérir une fonction d'instrument soliste. Certes, si le répertoire pour contrebasse seule
n'apparaît que dans la seconde moitié du vingtième siècle, les concertos pour contrebasse voient le jour dès l'époque
classique. L'école viennoise contribue largement au développement de ce répertoire naissant. Les premiers concertos
furent composés par Karl von Dittersdorf, W. Bilch. Haydn composa également un concerto pour contrebasse, qui fut
partiellement perdu.

En cette même époque, plusieurs contrebassistes virtuoses-compositeurs écrivent pour leur instrument : Joseph
Kaempfer, Karl Sperger, Franz Anton Hoffmeister laissent une littérature abondante pour cet instrument trop souvent
oublié. Le dix-neuvième siècle doit ses quelques concertos aux contrebassistes Domenico Dragonetti, Giovanni
Bottesini, Achille Gouffé. Puis Edouard Nanny, Serge Koussevitzky, dans la première moitié du vingtième siècle.

Malgré les efforts des contrebassistes-compositeurs pour mettre en valeur leur instrument, le répertoire pour
contrebasse jusqu'en 1950 reste maigre. Les nombreuses transcriptions réalisées par les contrebassistes eux-mêmes
aujourd'hui, sont le reflet de cette carence de littérature pour la contrebasse (notons une abondance de transcriptions
d'oeuvres romantiques). Certains contrebassistes (Bertram Turetzky, Joëlle Léandre) collaborant largement à
l'extension du répertoire actuel pour contrebasse s'opposent au principe de la transcription. Celui ci révèle une
frustration du contrebassiste, un non-respect du compositeur (lorsqu'il s'agit évidemment de transcriptions d'oeuvres
antérieures au vingtième siècle, qui ne peuvent résulter d'une collaboration avec le compositeur lui-même), et surtout
un désintérêt pour les musiques de notre temps. Bertram Turetzky dit : "Dans six ans, on atteint un nouveau
millénaire, il est temps de prendre en considération le vingtième siècle. On vit une époque contemporaine dans tous
les domaines (télévision, radio, informatique) sauf dans celui de la musique, ou l'on vit au dix-neuvième siècle. C'est
suicidaire ! "1

B- Le répertoire pour contrebasse seule : à partir de 1950

C'est grâce à la démarche de contrebassistes auprès des compositeurs qu'un tel répertoire a pu voir le jour. Citons
Bertram Turetzky aux Etats-Unis, Joëlle Léandre en Europe, comme véritables propagateurs des musiques de notre
époque.

Bertram Turetzky réagit contre l'image de la contrebasse de concert, amplifiée par " L'éléphant de Saint Saens, Le
ballet des sylphes de Berlioz, ou Le songe d'une nuit d'été de Mendelssohn."2 Dans les années cinquante, Turetzky fait
des recherches sur son propre instrument, afin de faire prendre conscience aux compositeurs des ressources de la
contrebasse : "Je peux assurer que la contrebasse est l'instrument à cordes aux possibilités les plus
diversifiées."3proclame t'il. Ses efforts ne furent pas vains. En 1974, lorsqu'il publie son ouvrage The contemporary
contrabass, plus de 150 pièces de compositeurs divers ont déjà été écrites pour lui, ou grâce à lui.

La démarche de Joëlle Léandre fut similaire, vingt ans plus tard. S'inquiétant dans les années 70 pour l'avenir de son
instrument, dotée d'une personnalité curieuse, elle fait appel aux maisons d'éditions en Europe. Mais c'est aux Etats
Unis, qu'elle découvre "que l'on pouvait écrire pour la basse seule" 4. Commence alors une période de découverte de
ce répertoire. De retour en Europe, elle sollicite à son tour les compositeurs comme l'avait fait Bertram Turetzky, vingt
ans plus tôt. Nous avons pris l'exemple de ces deux contrebassistes, symbole de la recherche de musiques nouvelles
mais de nombreuses autres pièces furent écrites pour d'autres contrebassistes :

- In et Out de Dusapin, Fantasia Oscura de Marc Monnet pour Jean Paul Céléa
-Théraps de Xénakis, Convergence II de Taira pour Fernando Grillo
- Zab de Philippe Boivin pour Jean Pierre Robert
- Crypte de Daniel Meier pour Elisabeth Vanthomme

Après s'être attardé sur la manière dont ce répertoire s'est constitué, il convient de définir le répertoire lui-même ou
du moins les pièces qui ont retenu notre attention pour la présente étude (voir liste ci-après) 5.

1949 Sérénade HENZE


 Improvisations pour contrebasse
1968 KURTZ
seule
1969 Valentine DRUCKMAN
1969 Hommage à J. S. Bach ZBINDEN
1971 A. Mi. K. Giao Trahn DAO
1972 Nuits SCELSI
1974 Lignes interrompues RICHER
1975 Alice FINISSY
1975 Essay LOMBARDI
1975 Sonate SCHROEDER
1976 Cestique I COLIN
1977 Sonate ELUS
1976 Percorso F MANZONNI
1976 Capriccio MASTROCIOVANNI
1976 Macknongam SCELSI
1976 Convergence II TAIRA
1976 Théraps XENAKIS
1978 Comme Shirley PIECHOWSKA
1979 J'ai tant rêvé KANACH
1979 Piège I RICHER
Zab, ou la passion selon Saint
1981 BOIVIN
Nactaire
1983 Lem DONATONI
1984 Episode huitième JOLAS
1985 La signature, la date, etc... APERGHIS
1986 Processus II FINZI
1986 Crypte MEIER
1987 Mantram SCELSI
1989 In et Out DUSAPIN
1989 Trittico per G. S. FERNEYHOUGH
1989 Fantasia Oscura MONNET
1990 Cinq algorithmes BOIVIN
1991 Silence IV LEANDRE
1991 Taxi LEANDRE
Le nombre de pièces choisies ne constitue qu'une petite parcelle du répertoire. Des compositeurs tels que Philippe
Hersant, Philippe Fénélon, Jean-Yves Bosseur... se sont également intéressés à la contrebasse. Le manque
d'information à propos de ces oeuvres, inédites, non enregistrées nous contraint à les passer sous silence. Une liste
plus complète des oeuvres pour contrebasse seule les cite, en annexe.

La plupart des oeuvres proviennent (intentionnellement) de compositeurs européens (beaucoup proportionnellement


sont italiens). Cependant certaines pièces d'auteurs américains comme Valentine de Druckman, Improvisations pour
contrebasse seule de Eugène Kurtz constituent des œuvres maîtresses du répertoire, et s'intègrent dans notre corpus
d'étude. Ces œuvres sont d'ailleurs composées avant 1970, ce qui correspond au résultat (même indirect) des
recherches de Bertram Turetzky effectuées à partir des années cinquante. Dès les années soixante-dix, les œuvres se
font plus nombreuses en Europe. La contrebasse se fait remarquer, "connaître" auprès des compositeurs.

Sans constituer une présentation de chaque compositeur, il semble important de les situer, chronologiquement. Deux
générations peuvent se distinguer :
- Une première regroupe les compositeurs nés avant 1940 : Cage, Henze, Kurtz, Druckman, Scelsi, Donatoni, Xénakis,
Aperghis, Femeyhough, Jolas...
- Une seconde regroupe les "jeunes " compositeurs : Dusapin, Kanach, Boivin, Léandre...

Les pièces Valentine, de Druckman, Improvisations pour contrebasse seule de Kurtz représentent une exploitation
nouvelle des ressources de la contrebasse. Elles ont fait largement avancer l'écriture de la contrebasse. Avec ces
œuvres, et le potentiel créatif qui accompagne encore les suivantes, on peut parler d'une évolution flagrante de
l'écriture pour la contrebasse. Evolution de sa fonction : accompagnatrice, elle devient soliste ; ce qui implique
inévitablement une évolution dans l'exploration de ses ressources sonores.

Le répertoire pour contrebasse seule est constitué de pièces les plus diverses, dans leur conception, leur objectif.
Cependant, plusieurs axes de recherche émergent, et qui le plus souvent s'entrecroisent au sein d'une même oeuvre :
- Recherche de théâtralité : Kurtz, Druckman, Richer, Kanach, Léandre...
- Travail sur le son (l'intérieur du son) : Scelsi
- Performance technique : Xénakis, Ferneyhough...
- Écriture plus traditionnelle : Henze, Ellis, Zbinden, Meier, Donatoni...
- Interaction avec le jazz : Dusapin...
1- Bertram Turetzky. Conférence, Festival international de contrebasse, Avignon, août 1994.
2- Bertram Turetzky. The contemporary contrabass, Berkeley : University of California Press, 1974, p. vii
3- Bertram Turetzky.Conférence, Op. cit.
4- Joëlle Léandre. La revue de la contrebasse en France, 6, juin-juillet 1994, p. 6.
5- Les œuvres pour contrebasse et dispositif électronique ne font pas partie des œuvres considérées dans cette étude. Elles créent une trop grande ouverture sur un
domaine spécialisé.

III- L'apport du jazz

A- Evolution du rôle de la contrebasse dans le jazz

La contrebasse dans les petites ou grandes formations de jazz assure une double fonction : harmonique et rythmique.
Harmonique car sa ligne est basée sur des chiffrages d'accord ; rythmique car elle assure avec fermeté les rythmes
fondamentaux. Ce soutien du "walking bass" est d'ailleurs fréquemment comparé à celui des "basses continues" de la
musique du dix-septième siècle.
Joachim Ernst Berendt situe l'histoire de la basse moderne avec Jimmy Blanton 1. "Son lyrisme lui a permis d'en
découvrir les potentialités" affirme Michel Gaudry2, ex-contrebassiste de l'orchestre de Duke Ellington. Avec Jimmy
Blanton, la contrebasse devient déjà instrument soliste ; c'est-à-dire qu'elle crée une voix supplémentaire pouvant
jouer par exemple un thème avec un instrument dit mélodique comme le trombone, la trompette... Charlie Mingus,
Slam Steward par la suite développent ce nouvel aspect de la contrebasse. Mingus exécute des improvisations comme
soliste (non accompagné), Slam Steward (et Major Holley) des solos utilisant archet et voix. A partir des années
cinquante, "la contrebasse est délivrée de son rôle systématique d'accompagnement dans les sections rythmiques des
ensembles, elle assume sa position de soliste majeure dans le free et les styles d'avant garde du jazz." 3 Les
contrebassistes de jazz sont nombreux : Red Mitchell ("un merveilleux soliste qui phrase avec une intensité et une
mobilité égales à celle d'un saxophoniste"4), Scott La Faro, Ron Carter, Gary Peacock, Barre Philips, NHOP, Jean François
Jenny Clarck, et une multitude d'autres ont su adhérer à ce concept de contrebasse soliste, et faire ainsi découvrir au
public des ressources sonores insoupçonnées.

Le jazz a montré que la contrebasse était largement capable, digne, d'assumer d'autres fonctions que celle
d'accompagnement. Il faut alors s'interroger sur la part de responsabilité du jazz dans l'avènement du répertoire pour
contrebasse seule "classique" (ce terme est employé en opposition à celui de jazz ; il désigne la musique écrite
contemporaine).

Le fait que la contrebasse ait pu prendre une telle ampleur dans le jazz a-t'il collaboré à l'apparition du répertoire pour
contrebasse seule ? Nous posons des questions sans être en mesure d'apporter des réponses précises.
Indéniablement, cependant, l'interprète devenu soliste dans la musique jazz a développé des techniques, des
sonorités qui ont beaucoup apporté à la musique écrite.

B- Vélocité

Lorsque la contrebasse est instrument soliste en jazz, le désir d'accomplir des improvisations mélodiques plus libres et
plus rapides tend à faire progresser la technique de la main gauche (plus de précision, de dextérité) et de la main
droite avec le pizz. Alors que le pizz ne demandait qu'un doigt de la main droite, l'utilisation de deux ou trois doigts
devient nécessaire pour répondre aux exigences de la ligne mélodique. L'objectif est de pouvoir construire une ligne
mélodique aussi rapide et complexe que celle d'un instrument à vent, à clavier. Niels Henning Orsted-Pedersen (NHOP)
considère qu'un solo "ne doit pas être déterminé par l'instrument. Ce qui me plaît aujourd'hui c'est qu'on a dépassé le
point où on se heurte à des difficultés techniques."5

Dans plusieurs œuvres écrites pour contrebasse seule, le pizz en succession rapide est utilisé, demandant une maîtrise
de cette technique empreinte du jazz. C'est le cas dans In et Out de Dusapin, dans Fantasia Oscura de Marc Monnet.
Ces deux œuvres sont d'ailleurs composées pour le contrebassiste Jean Paul Céléa, qui se consacre beaucoup au jazz et
aux musiques improvisées.

C- Recherches de sonorités

Avec Scott La Faro, Charlie Haden, Barre Philips, les recherches sur l'instrument s'orientent différemment : les effets
sonores sont de plus en plus recherchés, plutôt que les effets de vélocité.

La contrebasse possède dès ses débuts dans le jazz une fonction rythmique, qui implique des effets percussifs sur
l'instrument. Michel Gaudry évoque "une sorte de batterie souple qui serait accordée" 6 pour désigner la contrebasse.
Les modes de jeu tels que le slap, qui fait claquer la corde contre la touche peut aller jusqu'à simuler la présence de
deux instruments. A partir des années 50-60, la contrebasse est utilisée réellement comme instrument de percussion.
La caisse de l'instrument frappée produit des effets inouïs. Les harmoniques, les sons entre chevalet et cordier sont
encore des sources d'exploration. Alyn Shipton cite encore des "improvisations simultanées sur plusieurs cordes." 7 Un
enregistrement de Dave Holland et Barre Philips (Music for two basses) rend compte de ces effets prodigieux.

Scott La faro, Jimmy Garrison, David Izenzon donnent à la contrebasse les sonorités de la guitare. Scott La Faro fait de
son instrument une "sorte de guitare super dimensionnelle à registre grave dont la sonorité possède une diversité de
possibilités qui aurait été jugée impossible avant lui, mais qui n'en satisfait pas moins toujours aux fonctions
traditionnelles de la basse."8
D- Le rapport instrument- instrumentiste

Un autre aspect qui est en fait à l'origine du développement technique et musical de la contrebasse dans le jazz
concerne la relation entre l'interprète et son instrument. Joachim Ernst Berendt définit le musicien de jazz comme plus
investi, car plus sensible à ce qu'il joue que le musicien classique 9 (nous ne parlons pas ici spécifiquement de la
musique contemporaine). Hodeir remarque alors que "le compositeur de tradition européenne pense sa phrase dans
l'absolu et s'efforce ensuite de la plier aux exigences d'un instrument donné. L'improvisateur de jazz ne créé qu'en
fonction de l'instrument dont il joue : dans les cas d'assimilation les plus poussées, cet instrument est en quelque sorte
une partie de lui-même."10 De toute évidence, une relation s'instaure entre l'interprète et son instrument,
incontournable. Dans la musique contemporaine, et notamment dans le répertoire pour instrument seul, on assiste
également à une personnalisation des œuvres. Comme Shirley de Alina Piechowska est ainsi inspirée de la personnalité
de Joëlle Léandre. Un lien véritable existe donc entre la contrebassiste (J. Léandre) et son instrument.

Une comparaison entre musique du jazz et celle du répertoire pour contrebasse seule, montre une recherche d'effets
similaires. De nombreuses œuvres utilisent la contrebasse en tant qu'instrument de percussion ( Zab de Philippe
Boivin, Valentine de Jacob Druckman). Les improvisations simultanées rappellent la recherche de polyphonie (A. Mi. K.
Ciao Trahn de Dao). En fait, l'esprit même de recherche de l'interprète de jazz (trouver des sonorités toujours plus
étonnantes, faire de la contrebasse un instrument multiple, créer une relation avec l'instrument) est similaire à celui
du compositeur ou de l'interprète des musiques écrites de notre époque. Joëlle Léandre, comparant les musiciens
"classiques" aux musiciens friands de musique contemporaine dit : "Même les classiques ne peuvent pas ne pas être
au courant du jazz. Le jazz a énormément apporté à la basse. Je souhaite pour eux qu'ils sache comment jouer Scott La
Faro..."11
1- Joachim-Ernst Berendt. Le grand livre du jazz, éd. du Rocher pour la trad. française, 1986, p.386
2- Michel Gaudry. "La contrebasse chez Duke Ellington", jazz magazine, 510, mai 1994, p. 29.
3- Alyn Shimpton. "Double bass", New Grove jazz, London : Mac Millan, 1988, p. 303.
4- Joachim-Ernst Berendt. Op.cit., p. 389.
5- Cité par Joachim Ernst Berendt. Op cit., p. 393.
6- Michel Gaudry. Op. cit., p. 29.
7- Alyn Shipton. Op cit., p. 303.
8- Joachim Ernst Berendt. Le grand livre du jazz, éd. du Rocher pour la trad. française, 1986, p.39O.
9- Ibid. p. 180.
10- André Hodeir. Hommes et problèmes du jazz, Marseille : Parenthèses pour la trad. française, 1981, p.143.
11 - Joëlle Léandre. Entretien, août 1994.
Deuxième partie

Quelques aspects de l'écriture


I- Scelsi et l'exploration du son
II- La dimension polyphonique
III-Virtuosité

I- Scelsi et l'exploration du son

A- A propos de Scelsi

Nous ne voulons pas tenter d'élaborer une biographie de Giacinto Scelsi. Le compositeur ne souhaitait guère parler de
lui-même. Par contre, une présentation (brève) de sa conception de la musique, de la composition, de ses recherches
concernant le son est nécessaire. C'est à partir des années cinquante que Scelsi se fait créateur d'un nouveau langage,
du langage que nous lui connaissons, celui de l'exploration du son. Le son n'est plus défini uniquement par son timbre,
sa hauteur, son intensité, et sa durée. Une déclaration de Scelsi rend compte de son point de vue.

"En plus le son est sphérique, mais en l'écoutant, il nous semble posséder seulement deux dimensions :
hauteur et durée. La troisième, la profondeur, nous savons qu'elle existe mais dans un certain sens, elle
nous échappe. Les harmoniques supérieurs et inférieurs nous donnent parfois l'impression d'un son
vaste et plus complexe autre que celui de la durée ou de la hauteur, mais il nous est difficile d'en
percevoir la complexité. D'ailleurs, musicalement, on ne saurait la noter. En peinture, on a bien
découvert la perspective qui donne l'impression de la profondeur, mais en musique jusqu'à présent,
malgré toutes les expériences stéréophoniques et les essais successifs de toutes sortes, on a réussi ni à
échapper aux deux dimensions durée et hauteur, ni à donner l'impression de la réelle dimension." 1

Cette réflexion du compositeur représente le coeur de sa démarche compositionnelle. L'intérêt est alors de savoir
comment ce projet cohérent dans sa conception, mais complexe dans sa réalisation va se développer et avec quels
moyens.

Une pluralité de notes s'avère inutile : les célèbres Quatro pezzi su una sola note convainquent de la richesse offerte
par l'unicité du son. L'étude partielle des pièces de Scelsi pour contrebasse seule considèrent le traitement de ce son
"unique".

Quatre œuvres de Scelsi nous intéressent plus particulièrement : C'est bien la nuit, Le réveil profond, Macknongam, et
Mantram. C'est bien la nuit (1972) et Le réveil profond (1976, dédiée à Joëlle Léandre) sont regroupées dans le recueil
Nuits. Macknongam (1976) n'est pas écrite spécifiquement pour la contrebasse, mais pour instrument grave (avec voix
non obligato), ou voix de basse. L’œuvre la plus récente, Mantram (1987) est confiée à Joëlle Léandre. Avec
l'indication, "fais en ce que tu voudras", Joëlle Léandre se permit de transcrire la pièce une quinte au-dessus du ton
original. La tessiture est ainsi plus favorable à la basse. Alors que les trois œuvres précédentes s'attachent à une note,
parfois deux, Mantram revêt un caractère différent. Une mélodie simple, d'allure monodique, reposant sur les notes
do ré mi, se développe, mais animée d'un esprit de recherche similaire aux autres œuvres.
1- G. Scelsi, cité par E. Restagno."Scelsi et les sphinx sonores", livret du CD "Giacinto Scelsi", Salabert actuel, 1990, p.11.

B- Les procédés employés

La recherche de l'intérieur du son se traduit par le travail d'une note (d'un son) ou plusieurs au cours d'une pièce. Par
des procédés divers, le son est travaillé dans son épaisseur, par son timbre.

1 - La scordatura

Avant tout, notons que l'instrument est "préparé", apportant par une scordatura de nouvelles richesses à la note, au
son privilégié. Dans C'est bien la nuit, l'accord traditionnel mi la ré sol est remplacé par fa la ré sol. La corde grave est
haussée d'un demi-ton. Anne Penesco remarque que cette scordatura (qui consiste à hausser la corde la plus grave)
est devenue rare au vingtième siècle. Scelsi l'utilise pour permettre la réalisation de double corde indispensable au
travail du son.
Exemple 1 : octave en double corde (la note privilégiée est dans cette pièce le fa)

Exemple 1. C'est bien la nuit, de G. Scelsi

Dans Le réveil profond, le nouvel accord fa la fa sol se révèle propice aux intervalles rapprochés, en double corde. La
scordatura permet de jouer simultanément fa et sol sur deux cordes à vide. Inévitablement, la scordatura implique de
nouvelles harmoniques, et suscite des effets de timbres se rapportant à la note qui est l'objet de recherche.

Exemple 2. Le réveil profond, de G. Scelsi

2- Timbres et modulation de timbres

Schoenberg, à la fin de son traité1 parle de mélodie de timbres (Klangfarbenmelodie), dont il pressent l'importance. "Il
semblerait que cela soit une fantaisie futuriste [...] mais une fantaisie dont j'ai la ferme conviction qu'elle se réalisera."
écrit-il. Hauteur et couleur sonore sont deux dimensions du son. La hauteur est encore une dimension de la couleur
sonore (le timbre). Ainsi, (il doit être possible) "à partir de pures couleurs sonores de produire ainsi des successions de
sons dont le rapport entre eux agit avec une logique en tous points équivalente à celle qui suffit à notre plaisir dans
une simple mélodie de hauteurs." Pour Schoenberg, la mélodie de timbres est un moyen d'explorer un paramètre du
son délaissé et pourtant primordial (le timbre) ; avec Scelsi, la mélodie de timbres devient un procédé d'ouverture sur
un cinquième paramètre du son : sa profondeur.

a- Dynamiques

Le son travaillé peut être affecté d'une valeur longue (note tenue) ou d'une valeur courte. Dans tous les cas, nuances,
dynamiques d'attaque, corde(s) choisie(s), emplacement de l'archet sur la corde... caractérisent chaque instant et
assurent une diversité de timbre, davantage mise en valeur par l'unicité de la note.

La pression d'archet sur les cordes, l'emplacement de l'archet sur les cordes permettent une gamme très riche de
nuances. Le timbre d'une nuance près de la touche est différent du timbre de cette même nuance près du chevalet.
Les nuances ont une place primordiale dans les pièces de Scelsi. Le crescendo ou le decrescendo qui s'intercale entre
deux nuances semble l'intéresser autant que l'effet de contraste même, entre deux nuances.

Exemple 3. C'est bien la nuit, de G. Scelsi

Dans l'exemple ci-dessus, la note tenue est dotée de cinq indications de nuances. Deux phénomènes confèrent à la
nuance son rôle primordial :
- l'unicité de la note amplifie l'effet de la nuance. Le passage d'une nuance à l'autre est totalement indépendant de la
hauteur puisqu'il n'y a pas de variation de hauteur. Le changement de timbre ne dépend que de la nuance.
- certaines phrases, comme celle de l'exemple donné sont reprises au cours de la pièce, avec des nuances encore
différentes. Le retour d'une phrase appelle à comparer et à se rendre compte qu'une fois encore, la même note
possède un caractère différent.

La note tenue n'est pas seule à profiter des choix de nuances. Une même note peut être répétée, ou brodée,
accompagnée d'une diversité de nuances analogue.
La nuance, outre sa capacité de moduler le timbre, peut permettre d'intensifier une note. C'est le cas dans
Macknongam. Le la est associé à la nuance ff ou fff. Une fois seulement, il est pianissimo. Cette intensité de la nuance
est ici amplifiée par un cri (non obligato) du contrebassiste, qui précède le la (nous évoquerons à nouveau ce cri dans
un prochain chapitre, p. 41-2 ).

Exemple 4. Macknongam, de G. Scelsi

Les dynamiques d'attaque (accents (>), sforzando (sf), appuis (-)) s'associent aux nuances et contribuent aux effets de
timbres.

Toutes les dynamiques énoncées ci-dessus occupent une place importante car elles donnent vie à la note. Elles
permettent de percevoir des timbres différents donc de prendre conscience des différents aspects que peut revêtir
une même note. La nuance agit sur le timbre. L'exemple 1 p. 34 constitue donc une mélodie de timbres. Mais ne peut-
on pas affiner davantage cette notion de mélodie de timbres, et évoquer une "mélodie de nuances" ? De même que la
mélodie de timbres explore les richesses du timbre d'une même note, la mélodie de nuances explorerait celles des
intensités. Autrement dit, "les coordonées d'articulations"2, (timbres et intensités) définies par Boulez, acquièrent une
valeur quasi-structurelle dans la musique de Scelsi.

b- Jeux d'archet

Dans Macknongam, Scelsi demande à l'interprète de marquer la différence entre les sons sombres (cupo) et les sons
clairs (chiaro). "Il faudrait trouver une solution afin de mettre en évidence l'alternance indispensable entre le sombre
et le clair. Selon les techniques et l'instrument utilisés, la pièce pourra être transposée afin de favoriser une sonorité
entre sons sombres et clairs."3 Cette pièce étant pour instrument grave, la technique pour obtenir ces sons n'est pas
spécifiée par le compositeur, pour la contrebasse. Mais Scelsi voulait davantage par cette information prévenir
l'interprète de l'importance portée aux timbres des sons. Le réveil profond emploie également les termes suivants
dans la partition : scuro (obscur) chiaro (clair), ovattato (ouatté traduction littérale), sont inscrits sans autres
explications que leur propre signification. C'est au contrebassiste d'interpréter les exigences subjectives du
compositeur (évoquées d'ailleurs parfois par des termes picturaux) et de les traduire par divers jeux d'archets.
    Dans C'est bien la nuit, et Le réveil profond, les modes de jeu plus courants comme tasto, ponticello (et normale)
sont indiqués dans la partition. Les effets de timbres qui en résultent se succèdent rapidement, comme pour les
nuances.

c- Jeux de cordes

Une même hauteur de note peut se jouer sur chaque corde, à des positions différentes. La tension de la corde étant
différente, le timbre est lui aussi transformé. Le réveil profond utilise ce principe fréquemment avec la note fa. Le fa
corde à vide (scordatura) et le fa sur la corde III sont joués simultanément, chaque voix ayant en plus des indications
différentes.
Dans l'exemple ci-dessous, les timbres "s'interchangent", comme la flèche l'indique.

Exemple 5. Le réveil profond, de G. Scelsi


1- Arnold Schoenberg. Traité d'harmonie, Paris : J. C. Lattes pour la trad. française, 1983, p. 516.
2- Pierre Boulez. Penser la musique aujourd'hui, Mayence : Gonthier, 1963, pp. 34,64, 71. Boulez distingue les "coordonées d'intégration" (durée et hauteur) des
"coordonées d'articulation" (timbre et intensité). Notons simplement que les premières forment "l'ossature d'une partition" 4.
3- Giacinto Scelsi. Nuits, Paris : Salabert, 1972, p. 2.
4- François Nicolas, "Visages du temps", Entretemps, 1, avril 1986, p. 46.

3- L'épaisseur du son

Une note privilégiée est entourée d'autres notes qui évoluent autour, de part et d'autre de cette note, créant une
épaisseur de son. Systématiquement, une note particulière resurgit dans la phrase. C'est bien la nuit oscille entre deux
notes privilégiées, le la et le fa. Le réveil profond explore le son de la note fa...

Cette exploration du son se traduit par l'utilisation de procédés tels que le vibrato, le glissando, par l'emploi de notes
qui semblent broder autour d'une note plus particulière. Le réveil profond associe à ces éléments une écriture
polyphonique (écriture sur deux portées, et simultanéité des sons), qui amplifie leurs effets, et leur confère de
nouvelles richesses.
Harry Halbreich évoque à propos des œuvres vocales de Scelsi, "un vibrato tel qu'on le rencontre également dans le musique d'Orient, et qui produit
un son épais transformant le son linéaire occidental en un coup de pinceau oriental, épaississant le son, donnant une bande de fréquences."1
Nous
sommes loin du vibrato expressif du dix-neuvième siècle, qui ne se faisait guère dans les successions de notes, et dont
"l'ondulation était inconvenable à une certaine vitesse." 2 Le vibrato tel que l'emploie Scelsi n'est pas expression des
sentiments mais expression d'un des aspects de l'expérience du son sphérique. Dans C'est bien la nuit, le compositeur
demande un vibrato (noté dans la partition) qui doit être toujours très rapide. Ce même signe se retrouve dans
Le réveil profond et dans Mantram. Le vibrato est utilisé fréquemment sur les valeurs longues (peu en sont totalement
dépourvue) ou courtes (lorsqu'il ne s' agit pas de la même note répétée).

Exemple 1. Mantram, de G. Scelsi

(vibrato sur une succession de notes courtes , puis sur note plus longue) Le réveil profond demande en plus de
l'indication du vibrato (qui doit avoir la même signification que dans l'oeuvre précédente), d'autres variantes du vibrato
: vibrato molto, vibrato irregolare, vibratissimo, ou non vibrare.
La précision même du vibrato dans les partitions de Scelsi, par un signe, ou par le mot lui-même impose à l'interprète
un geste, qui dans un jeu traditionnel est "spontané". Cette notation confère au vibrato une importance, une fonction
particulière, au sein de ces pièces.

Le glissando est un autre procédé pour explorer l'épaisseur du son. Il permet de faire entendre la totalité des hauteurs
existantes d'une note à l'autre, mais sans qu'il n'y ait de sons fixes. Comme pour le vibrato, il crée un son épais.
François Winckel explique que "la reproduction sur bande magnétique d'un tel son montre que les fréquences sont
effectivement étalées sur une bande"3.
Dans les pièces de Scelsi, le glissando affecte la hauteur de la note, du son privilégié. Plusieurs exemples montrent
dans C'est bien la nuit que le glissando s'effectue de part et d'autre de la note la.

Exemple 1. C'est bien la nuit, de G. Scelsi Exemple 2. Id.

Le réveil profond montre des glissandi qui concernent une des voix (et non des glissandi parallèles), créant ainsi des
effets à l'intérieur de la polyphonie. Dans cette même pièce, la nature du glissando est parfois précisée. Exemple :
glissando quasi impercettile du sol bb au fa.

Le principe du trémolo apparaît à plusieurs reprises, comme un autre moyen pour créer un son épais. Dans Mantram,
les appoggiatures sont également très présentes, toujours dans cette même quête.

Exemple 1. Mantram de G. Scelsi

Enfin, citons l'emploi de micro-tons dans Le réveil profond. Le micro-ton est utilisé en "glissement expressif plutôt que
pour créer réellement des harmonies"4. Un sol bb représente un sol bémol baissé d'un quart de ton. Scelsi dans cette
pièce, fait entendre simultanément un fa bécarre, et un sol bb, ce qui crée des effets de battements. Ces battements se
font entendre sur toute la durée de la pièce, car l'intervalle est toujours minime. Malgré l'écriture à deux voix sur deux
portées, nous ne pouvons pas discerner une conduite de deux voix, nous sommes en présence d'une polyphonie
épaissie par les éléments cités ci-dessus (vibrato...), par les battements incessants et par les harmoniques qui résultent
de l'écriture, que le jeu soit ponticello ou non.

Harry Halbreich explique, résumant nos propos sur l'épaisseur du son : "Quand Scelsi écrit une pièce sur une seule
note, c'est en fait autour d'une note qui devient épaisse, et qui peut comprendre soit en cluster soit en vibrato rapide
tout le spectre compris entre un quart de ton au-dessus et un quart de ton au-dessous, ce que j'appelle un son épais." 5
1 - Harry Halbreich. "Giacinto Scelsi", Journal de la fondation Royaumont, 2, p. 5.
2- Baillot, cité par Anne Penesco. Les instruments à archet dans les musiques du vingtième siècle, Paris : Minerve, 1986, p. 77.
3- François Winckel cité par F. Bayer. De Schoenberg à Cage, Paris : Klincksieck, 1981, p. 124.
4- Tristan Murail. "Giacinto Scelsi", Journal de la fondation Royaumont, 2, p. 12.
5- Harry Halbreich. "Giacinto Scelsi", Journal de la Fondation de Royaumont, 2, p. 5.

4- Utilisation des ressources de la contrebasse et de l'interprète

Les pièces de Scelsi utilisent des ressources propres aux instruments à archet : les jeux sul ponticello, sul tasto, en
double corde, les indications du numéro de corde... en sont la preuve. Il faut alors s'interroger sur l'exploitation des
ressources caractéristiques de la contrebasse. Peu d'éléments sont flagrants. Scelsi ne cherche pas comme dans de
nombreuses pièces à théâtraliser l'instrument (J'ai tant rêvé de S. Kanach), à exploiter ses registres extrêmes (Théraps
de I. Xenakis), ses ressources percussives (Valentine dej. Druckman). Certes, C'est bien la nuit utilise le fa grave (corde
IV à vide), mais moins pour explorer ce registre grave, que pour exploiter le timbre particulier de cette note grave.
Scelsi semble intéressé par cette qualité du son de la contrebasse. Le son de la contrebasse est "granuleux", épais, de
par la nature même de la contrebasse. Macknongam pour instrument grave recherche cette qualité de son. Dans ses
oeuvres vocales, Scelsi demande fréquemment aux chanteurs "de forcer la voix, et particulièrement dans le grave" 1. Le
registre grave serait-il plus propice aux recherches sonores du compositeur ?
Les ressources sonores de l'interprète sont sollicitées dans Macknongam. Macknongam est une oeuvre avec cri non
obligato. Nous nous intéressons à l'interprétation fascinante de la contrebassiste Joëlle Léandre. Celle-ci a travaillé de
façon personnelle avec Giacinto Scelsi. De multiples essais et recherches ont abouti à un cri intense, presque
insoutenable pour l'auditeur. De son propre cri, la contrebassiste parvient à faire surgir la note la comme une
harmonique ressort d'un cluster. Le cri constitue alors un appel du la aigu qui suit à la contrebasse. En même temps, il
permet d'enrichir la palette de timbre conférée au la. Ce cri personnalise l'exécution d'un telle oeuvre, nulle indication
le concernant n'étant écrite.

Les oeuvres pour contrebasse de Scelsi, Le réveil profond, C'est bien la nuit, Macknongam, Mantram, sont chacune
particularisées par quelques éléments qui leur sont propres : écriture polyphonique pour l'une, monodique pour
l'autre, présence de la voix... L'écriture, subtile, se renouvelle d'une oeuvre à l'autre, bien que soumise à une
recherche unique, celle de l'intérieur du son.
1- Ibid.

Deux types d'écriture polyphonique se distinguent. Le premier privilégie l'effet de simultanéité, dans une recherche de
sonorités inouïes. L'empilement de notes crée l'effet sonore (partie A). Le second cherche une conduite de plusieurs
voix, plusieurs parties (partie B).

A- L'effet d'amas sonore

1- Double corde et arpège

"Les doubles cordes sont possibles sur toutes les cordes conjointes et sur les cordes I et IV en passant l'archet entre les
cordes et la table... les triples cordes ne sont réalisables telles qu'elles : on les joue soit arpeggiato, soit 2 par 2
arpeggiato en utilisant éventuellement les résonances."1 Dans une échelle tempérée, et pour une contrebasse
accordée par quarte (mi la ré sol), les intervalles réalisables entre deux cordes conjointes (jusqu'au bout du manche)
sont : la tierce mineure, majeure, la quarte juste, la quinte diminuée, la quinte juste. 2 Après le manche, les intervalles
se resserrent sur la touche, les possibilités se multiplient. De même, l'utilisation d'une corde à vide offre d'autres
possibilités diverses, et un avantage technique. Improvisations de Kurtz exploite ce procédé dans plusieurs passages en
double corde.

Exemple 1. Improvisations pour contrebasse seule, de E. Kurtz

Le jeu en double corde sur les cordes extrêmes (I et IV) est possible mais sa maîtrise est difficile. Turetzky note qu'une
collaboration entre
compositeur et interprète est préférable pour l'exécution d'un tel mode de jeu. 3

Les scordaturas, les micro-tons enrichissent encore le répertoire des intervalles réalisables.
a- Quelques intervalles spécifiques

Nous avons déjà énuméré la multitude de possibilités qu'offrent les doubles cordes. Dans la recherche d'effets
sonores, certains intervalles sont privilégiés.

L'unisson permet d'associer deux timbres différents pour une hauteur de note unique. Au dix-huitième siècle, l'unisson
est utilisé dans un souci de puissance sonore, nécessaire "dans les notes longues et aux finales" 4. A une époque où le
niveau instrumental est jugé fort bas, il est d'ailleurs étonnant de solliciter cet intervalle qui demande une justesse
rigoureuse.

Au vingtième siècle, dans les Improvisations pour contrebasse seule, il semble qu'E. Kurtz utilise l'unisson dans ce
même souci de puissance sonore : le la corde à vide est joué avec un la sur la corde IV, l'effet de double corde est
accentué par un sforzando. Dans le quatrième des Cinq algorithmes (Boules de neige) de Philippe Boivin, l'unisson est
présent par l'association d'une harmonique et d'une note appuyée. Les deux notes sont jouées avec un tremollando.
Auparavant, à la quatrième mesure, lorsque deux la se succèdent, le compositeur conseille : "la seconde corde peut
être légèrement haussée pour accentuer la différence de timbre avec la troisième corde." 5 Philippe Boivin exploite les
richesses sonores de deux notes jouées sur deux cordes différentes. Scelsi utilise fréquemment dans Le réveil profond
l'unisson en double corde pour "épaissir" le son 6. Nous sommes en présence de deux voix qui ont chacune leur propre
jeu de nuances.

En fait, l'unisson dont nous vantons les possibilités de richesses sonores est peu présent dans les partitions du
répertoire pour contrebasse seule, où l'écriture polyphonique est pourtant si prisée. L'emploi de l'unisson cité dans
Improvisations et Boules de neige est très ponctuel. L'effet engendré par l'unisson est subtil, parfois à peine
perceptible, si, comme dans ces deux oeuvres, il est utilisé sur une valeur rythmique courte. Scelsi laisse le temps de
l'apprécier (valeur longue) ; dans ses pièces, l'unisson constitue un des procédés de la recherche sur le son. Cette
utilisation de l'unisson en double corde révèle une démarche précise et originale de la part du compositeur.

L'intervalle resserré (du micro-intervalle au ton) constitue un intérêt majeur dans la recherche d'effets sonores. Jouées
simultanément, deux notes rapprochées provoquent un effet de battement (deux fréquences proches entraînent un
phénomène de renflement. Plus les deux notes sont rapprochées, plus le battement est rapide jusqu'à devenir
imperceptible -unisson-). Seul le mode de jeu en double corde est nécessaire pour la réalisation de l'effet. Il crée une
épaisseur supplémentaire à l'accord de deux notes et transcende la note écrite sur la partition. Philippe Boivin dans
Cinq algorithmes explore le registre aigu, à l'aide d'harmoniques, Betsy Jolas le registre grave dans Episode huitième.
L'écriture de Le réveil profond de Scelsi est fondée sur les intervalles resserrés (du micro-ton au demi-ton), pour les
effets d'épaisseur qu'ils confèrent au son. Dans l'oeuvre Essay, Lombardi utilise également des notes rapprochées en
double corde, notamment lorsque le contrebassiste réalise simultanément une partie vocale, et une partie
instrumentale. Les intervalles sont mis en valeur par la durée des notes.

Exemple 1. Essay, de L Lombardi

Les autres intervalles n'offrent pas de caractéristiques particulières, bien que associés à une écriture contemporaine,
leur effet sonore puisse être encore exceptionnel.

b- L'arpège

L'arpège est assimilé à un effet de simultanéité, et fréquemment à l'effet d'"amas sonore". Ce caractère est accentué
par l'utilisation fréquente du registre grave (ou médium) de la contrebasse. Si pendant plusieurs siècles, les graves de
la contrebasse furent dénigrés parce qu'ils "résonnaient confusément" 7, ils constituent aujourd'hui un atout essentiel
de l'instrument. Les compositeurs savent exploiter ce qui était considéré comme une défectuosité de la contrebasse.
Les cordes les plus graves par leur capacité de vibration (oscillation de la corde) créent individuellement un son épais,
davantage marqué sur les cordes à vide. Ainsi plusieurs notes simultanées, ou arpégées (effet de simultanéité)
accentuent ce caractère du registre grave. La sonorité de l'accord (ou de l'agrégat) est dite complexe car de
l'assemblage de notes graves résulte un effet sonore plus qu'un effet "harmonique". Koechlin, au dix-neuvième siècle,
écrit : "les triples et quadruples cordes pourraient être bien utiles dans les ff, elles donneraient une percussion
menaçante non sans caractère. Il en résulterait une sonorité un peu confuse et telle qu'on ne percevrait pas tellement
les harmonies."8 L'effet d'amas sonore semble reconnu, mais "inutilisable" comme tel.

L'arpège associé au registre grave et à une nuance fortissimo reflète l'intention d'une force intense. La dernière
mesure de Théraps de Xénakis confirme nos précédents propos. L'arpège sur les cordes à vides (les notes sonnent
comme écrit) est enchaîné promptement à un autre accord, accentuant ainsi le phénomène de confusion des notes. Le
mode de jeu pesant-heavily spécifié par le compositeur contribue encore à l'effet du discours.

Exemple 1. Théraps, de Xénakis


1- Jean-Pierre Robert. Modes de jeu de la contrebasse, éd. J-P Robert, 1992.
2- Nous tenons compte ici d'une technique de jeu "classique". D'autres techniques peuvent élargir le choix des intervalles réalisables.
3- Bertram Turetzky. The contemporary contrabass, Berkeley : University of California press, 1974, p. 22.
4- Michel Corette. Méthode pour apprendre la contrebasse à 3, 4, ou 5 cordes, Genève : Minkoff, 1977, p.7. facsim. de l'éd. Paris, 1781.
5- Philippe Boivin. Cinq algorithmes, Paris : Salabert, 1991, notes pour l'interprétation.
6-cf. chapitre I, p. 37-40.
7- Paul Brun, Histoire des contrebasses à cordes, Paris : La flûte de Pan, 1982, p. 106.
8- Koechlin. Traité de l'orchestration, Paris : Eschig, 1954-55, vol. 1, p. 197.

2- Exploitation des harmoniques

    Avec l'exploitation des harmoniques, il n'y a pas réellement d'écriture polyphonique (en opposition avec une
écriture en double corde, à deux portées...). L'effet polyphonique est cependant recherché.
    Le mode de jeu sul ponticello implique dans des oeuvres antérieures au vingtième siècle un jeu d'archet vers le
chevalet. Berlioz défini ainsi des "sons un peu âpres que tire l'archet quand on le rapproche du chevalet 1" Cet
emplacement de l'archet sur les cordes agit sur la nuance, sur la qualité du son. Encore utilisé dans la musique
contemporaine d'une telle façon, le mode de jeu sul ponticello se trouve fréquemment adapté aux exigences du
compositeur. L'archet doit se situer beaucoup plus proche du chevalet, voire sur le chevalet. Il en résulte un
empilement complexe d'harmoniques, qui varie selon la pression de l'archet, l'emplacement de l'archet sur la corde, la
vitesse d'archet... La fondamentale (qui est la note écrite sur la partition) peut disparaître, au profit d'une complexité
plus grande. Xénakis écrit dans les notes d'interprétation de Théraps : "Le son Pont, doit être plein d'harmoniques
supérieures de sorte que le son fondamental n'émerge qu'à peine." 2 L'exemple d'un extrait de C'est bien la nuit de
Scelsi est lui aussi révélateur :

Exemple 1. C'est bien la nuit, de G. Scelsi

Le jeu ponticello implique un effet polyphonique, puisqu'il y a empilement d'harmoniques ; mais il ne peut prévoir
quelles harmoniques vont être concernées. Les sons multiphoniques, qui résultent eux aussi d'un empilement
d'harmoniques sont anticipés. Jean-Pierre Robert dans son ouvrage sur les modes de jeu de la contrebasse propose un
tableau des sons multiphoniques. Il remarque que "s'agissant de la première communication sur ce sujet, toute étude
gagnera à être confrontée au temps, à l'expérience d'autres contrebassistes, aux traitements électroniques... " 3
Exemple 1. Modes de jeu de la contrebasse, de J. P. Robert

Le dernier des Cinq algorithmes de Philippe Boivin explore les richesses harmoniques du son (la pièce s'intitule
d'ailleurs Spectral). Le compositeur utilise entre autres, les sons multiphoniques.

Exemple 2. "Spectral", Cinq algorithmes, de P. Boivin

La main gauche effleure donc les notes marquées par un losange. Philippe Boivin spécifie : "les cordes effleurées à la
quarte augmentée et sur les doigtés notés en quarts de tons produisent des multiphoniques." 4

La pièce J'ai tant rêvé de Sharon Kanach utilise ce même principe. La notation est différente : le compositeur précise
pour quelques notes "sons multiphoniques".
1- Cité par Anne Penesco. Les instruments à archet dans les musiques du vingtième siècle, Paris : Champion, 1992, p. 177.
2-lannis Xénakis. Théraps, Paris : Salabert, 1976, notes d'interprétation.
3- Jean-Pierre Robert. Modes de jeu de la contrebasse, éd. J. P. Robert, 1992.
4- Philippe Boivin. Cinq Algorithmes, Paris : Salabert, 1991, notes pour l'interprétation.

B- Conduite des voix

1- Polyphonie de notes

Cette partie traite de l'exploration d'une écriture polyphonique, caractérisée par une conduite des voix. Plusieurs
écritures polyphoniques se manifestent : polyphonie réelle, polyphonie virtuelle.

a- Polyphonie réelle

Les techniques instrumentales sont semblables à celles énoncées précédemment : doubles cordes, arpèges sont
encore exploités , mais à des fins différentes. Ainsi la recherche de l'amas sonore (partie A) se distingue de celle d'une
conduite des voix.
Les systèmes de notations diffèrent d'une pièce à l'autre, suivant l'intention du compositeur, le degré de complexité de
la polyphonie, et concrétisent ce type de polyphonie envisagé.
- Plusieurs portées superposées pour plusieurs voix. Ce système de notation est utilisé dans Théraps de Xénakis, Nuits
de Scelsi, A mi. K. Giao Trahn de Dao (jusqu'à cinq portées), La signature, la date... d'Aperghis... Presque
systématiquement, le numéro de corde est indiqué par le compositeur, pour chaque note, ou pour une ligne entière.
Dans l'oeuvre de Scelsi, la notation elle-même indique qu'il y a conduite de deux voix . Pourtant, c'est l'effet d'amas
sonore qui s'impose à l'oreille. Les notes rapprochées, les sonorités complexes, tendent à réunir les effets énoncés
dans la première partie (polyphonie harmonique).
- Une seule portée avec une disposition des notes précise

ex:

La présence de deux voix (ou plus) permet des effets polyphoniques. Dans son oeuvre Crypte, Daniel Meier utilise une
technique polyphonique contrapuntique :

Exemple 1. Crypte, de D. Meier

Dans cette même oeuvre, une deuxième technique consiste à mettre en valeur une phrase mélodique sur une note
tenue à la basse (exemple 1) Plus loin, le même système d'écriture est utilisé (exemple 2). Le geste instrumental est
différent, car les voix sont renversées.

Exemple 1. Crypte, de D. Meier

Exemple 2. id.

La polyphonie utilise les différents registres de la contrebasse. Les différentes voix sont alors davantage marquées. A.
MI. K. Giao Trahn semble utiliser un instrument aigu, et un instrument grave, comme effet polyphonique. La ligne
mélodique de l'extrême aigu de la contrebasse (écriture en notes réelles) est ponctuée par des ré (corde à vide, qui
permettent de garder la voix supérieure), par des accords en double corde (deux cordes à vide). La voix grave devenant
elle-même polyphonique , le compositeur suggère de "quitter (si nécessaire) momentanément et brièvement la (les)
notes (s), et d'y revenir le plus vite possible, pour le jeu polyphonique." 1 Pour clarifier l'exécution, chaque note est
affublée de son numéro de corde. Le système est parfois formé de deux portées, la première correspond à la corde I, la
seconde à la corde II. La signature, la date... d'Aperghis, exploite d'une façon similaire les registres contrastés de la
contrebasse. Il s'agit d'un système à quatre portées, chaque portée correspondant au jeu sur une corde.
Ces deux oeuvres, sont fondées sur une polyphonie complexe, atteignant les limites du réalisable, par le nombre de
voix qui s'enchevêtrent, et la difficulté technique qui en découle.

Exemple 1.La signature, la date... de G. Aperghis

Un autre aspect de la virtuosité du jeu polyphonique concerne le mode de jeu (notamment jeu de nuance) qui s'exerce
sur chaque voix. Dans Le réveil profond de Sceisi, chaque voix possède son propre jeu de nuances. Dès la première
mesure, la voix supérieure, est mezzo forte, la voix inférieure mezzo piano. Puis à la troisième mesure, l'interprète doit
exécuter un crescendo sur la corde I, et un decrescendo sur la corde II, simultanément. A Mi. K. Giao Trahn de Dao
adopte un principe d'écriture similaire par le jeu des nuances.

Exemple 2. A. Mi. K. Giao Trahn, de N. T. Dao

La difficulté technique apparaît clairement. La pression de l'archet doit être plus forte sur une corde que sur l'autre,
simultanément. L'emplacement de l'archet sur les cordes agit également sur la nuance.

Dans les oeuvres telles que La signature, la date... (exemple 1 p. 54), A. Mi. K. Giao Trahn (exemple 2 p. 54), !a
partition elle-même suggère une conduite des voix. L' effet engendré permet il à l'auditeur qui ne connaît pas la
partition, de percevoir une conduite de chaque voix ; l'effet d'amas sonore ne s'impose-t'il pas parfois plutôt comme
résultat de la complexité de l'écriture ?
1- N. T. Dao. A. Mi. K. Giao Trahn, Paris : Salabert, 1976, p. 1.

B- Conduite des voix

1- Polyphonie de notes

Cette partie traite de l'exploration d'une écriture polyphonique, caractérisée par une conduite des voix. Plusieurs
écritures polyphoniques se manifestent : polyphonie réelle, polyphonie virtuelle.

a- Polyphonie réelle
Les techniques instrumentales sont semblables à celles énoncées précédemment : doubles cordes, arpèges sont
encore exploités , mais à des fins différentes. Ainsi la recherche de l'amas sonore (partie A) se distingue de celle d'une
conduite des voix.
Les systèmes de notations diffèrent d'une pièce à l'autre, suivant l'intention du compositeur, le degré de complexité de
la polyphonie, et concrétisent ce type de polyphonie envisagé.
- Plusieurs portées superposées pour plusieurs voix. Ce système de notation est utilisé dans Théraps de Xénakis, Nuits
de Scelsi, A mi. K. Giao Trahn de Dao (jusqu'à cinq portées), La signature, la date... d'Aperghis... Presque
systématiquement, le numéro de corde est indiqué par le compositeur, pour chaque note, ou pour une ligne entière.
Dans l'oeuvre de Scelsi, la notation elle-même indique qu'il y a conduite de deux voix . Pourtant, c'est l'effet d'amas
sonore qui s'impose à l'oreille. Les notes rapprochées, les sonorités complexes, tendent à réunir les effets énoncés
dans la première partie (polyphonie harmonique).
- Une seule portée avec une disposition des notes précise

ex:

La présence de deux voix (ou plus) permet des effets polyphoniques. Dans son oeuvre Crypte, Daniel Meier utilise une
technique polyphonique contrapuntique :

Exemple 1. Crypte, de D. Meier

Dans cette même oeuvre, une deuxième technique consiste à mettre en valeur une phrase mélodique sur une note
tenue à la basse (exemple 1) Plus loin, le même système d'écriture est utilisé (exemple 2). Le geste instrumental est
différent, car les voix sont renversées.

Exemple 1. Crypte, de D. Meier

Exemple 2. id.
 

La polyphonie utilise les différents registres de la contrebasse. Les différentes voix sont alors davantage marquées. A.
MI. K. Giao Trahn semble utiliser un instrument aigu, et un instrument grave, comme effet polyphonique. La ligne
mélodique de l'extrême aigu de la contrebasse (écriture en notes réelles) est ponctuée par des ré (corde à vide, qui
permettent de garder la voix supérieure), par des accords en double corde (deux cordes à vide). La voix grave devenant
elle-même polyphonique , le compositeur suggère de "quitter (si nécessaire) momentanément et brièvement la (les)
notes (s), et d'y revenir le plus vite possible, pour le jeu polyphonique." 1 Pour clarifier l'exécution, chaque note est
affublée de son numéro de corde. Le système est parfois formé de deux portées, la première correspond à la corde I, la
seconde à la corde II. La signature, la date... d'Aperghis, exploite d'une façon similaire les registres contrastés de la
contrebasse. Il s'agit d'un système à quatre portées, chaque portée correspondant au jeu sur une corde.
Ces deux oeuvres, sont fondées sur une polyphonie complexe, atteignant les limites du réalisable, par le nombre de
voix qui s'enchevêtrent, et la difficulté technique qui en découle.

Exemple 1.La signature, la date... de G. Aperghis

Un autre aspect de la virtuosité du jeu polyphonique concerne le mode de jeu (notamment jeu de nuance) qui s'exerce
sur chaque voix. Dans Le réveil profond de Sceisi, chaque voix possède son propre jeu de nuances. Dès la première
mesure, la voix supérieure, est mezzo forte, la voix inférieure mezzo piano. Puis à la troisième mesure, l'interprète doit
exécuter un crescendo sur la corde I, et un decrescendo sur la corde II, simultanément. A Mi. K. Giao Trahn de Dao
adopte un principe d'écriture similaire par le jeu des nuances.

Exemple 2. A. Mi. K. Giao Trahn, de N. T. Dao

La difficulté technique apparaît clairement. La pression de l'archet doit être plus forte sur une corde que sur l'autre,
simultanément. L'emplacement de l'archet sur les cordes agit également sur la nuance.

Dans les oeuvres telles que La signature, la date... (exemple 1 p. 54), A. Mi. K. Giao Trahn (exemple 2 p. 54), !a
partition elle-même suggère une conduite des voix. L' effet engendré permet il à l'auditeur qui ne connaît pas la
partition, de percevoir une conduite de chaque voix ; l'effet d'amas sonore ne s'impose-t'il pas parfois plutôt comme
résultat de la complexité de l'écriture ?
1- N. T. Dao. A. Mi. K. Giao Trahn, Paris : Salabert, 1976, p. 1.

2- Jeux de timbres

Une définition du timbre de Schaeffer révèle une dualité de celui-ci : au sein d'une même oeuvre, timbre de
l'instrument et timbre du son se confrontent. D'une façon traditionnelle, le timbre de la contrebasse provient du
frottement de l'archet sur les cordes. L'exploitation des ressources de l'instrument conduit à évoquer fréquemment le
timbre de la percussion à propos d' une oeuvre pour contrebasse. Une polyphonie naît, non plus de notes, mais de
timbres d'instrument. L'interprète, source sonore dans certaines pièces, constitue encore une voix supplémentaire,
dotée de son propre timbre.

a- La contrebasse multiple

Il ne s'agit plus de considérer la diversité de timbre de l'instrument à cordes, mais celle qui fait de la contrebasse un
instrument multiple évoquant successivement, ou simultanément l'instrument à corde (c'est à dire abordé de façon
traditionnelle), et l'instrument de percussion.

Si l'impression de confrontation de deux instruments est déjà présente dans A. Mi. K. Giao Trahn de Dao, par l'écriture
polyphonique, elle l'est davantage dans des oeuvres telles que Zab de Boivin, Valentine, de Druckman, J'ai tant rêvé de
Kanach, qui utilisent les ressources percussives de la contrebasse.

Premier exemple :
Les capacités percussives de la contrebasses sont telles, qu'une polyphonie autour de la contrebasse devenue
instrument de percussion se développe.

Exemple 1. Zab, de P. Boivin

Voix supérieure : "frappe ordinaire : gras du troisième doigt à plat et bien raide".
Voix inférieure : "roulement pouce et doigt par rotation (frémissement) du poignet.

Deuxième exemple :
La polyphonie est à trois voix : deux voix de contrebasse (utilisation traditionnelle), une voix de contrebasse-
percussion.

Exemple 1. Zab, de P. Boivin

Première voix : "pizz main gauche" (l'archet à été posé ultérieurement)


Deuxième voix : "pizz normal" (le mi), et "doigté main gauche non appuyé"
Troisième voix : "frappe ordinaire..."
L'écriture polyphonique implique une polyphonie de timbres, et également de gestes. Au geste traditionnel de
l'interprète contrebassiste (arco, ou pizzicato), se joint le geste de l'interprète devenu percussionniste (à propos de
Zab, nous pouvons évoquer le geste du joueur de zarb).

b- L'interprète, source sonore

Avec l'utilisation de la contrebasse devenue instrument de percussion, la polyphonie de sons homogènes disparaît,
même si les voix concernées proviennent de la même "cause instrumentale" 1, la contrebasse. La polyphonie s'étend,
elle intègre l'interprète lui-même dans son jeu.

L'intervention de l'interprète, en tant que source sonore n'est pas systématiquement vocale : claquement de doigts,
claquement de langue... sont des effets parfois sollicités.
La polyphonie réelle qui résulte de ce nouvel investissement du contrebassiste suscite des effets nouveaux dans leur
réalisation (car l'interprète est à la fois source sonore et contrebassiste). L'effet sonore est un reflet de la symbiose
entre l'interprète et son instrument. Une pièce pour contrebassiste et chanteur (deux exécutants) enlève ce caractère
particulier que peut conférer une écriture polyphonique. Dans J'ai tant rêvé de Sharon Kanach, voix et contrebasse
s'associent de façon simultanée (exemple 1) ou linéaire (exemple 2). La voix se fait percussion.

Exemples 1 et 2. J'ai tant rêvé, de S. Kanach

Un aspect de l'écriture polyphonique de Valentine de Druckman est d'associer deux timbres traditionnels (voix
chantée, mode de jeu traditionnel pour la contrebasse), provenant de sources différentes (l'interprète, la contrebasse).
L'effet d'une polyphonie de sons homogènes s'impose alors (même s'il s'agit effectivement de deux sources sonores
distinctes), en contraste avec la polyphonie de timbres qui s'imposait jusqu'alors. Aucun des deux timbres n'est
privilégié par rapport à l'autre, il n'y a pas de hiérarchie préexistante entre la voix et la contrebasse.

Conclusion :

Tout comme la contrebasse peut être à la fois instrument à percussion, et instrument à cordes, l'interprète peut
également lui-même par la richesse de ses ressources sonores, créer une polyphonie de timbre. Chaque source
sonore, dans le répertoire pour contrebasse seule, offre des ressources polyphoniques diverses. Lorsque la polyphonie
se généralise, qu'elle associe les deux sources sonores, les possibilités se multiplient encore. Dans le répertoire pour
instrument seul, la polyphonie constitue un procédé d'écriture primordial, et dément ainsi certains propos apprenant
qu' "un instrument tout seul est grêle, pauvre, pitoyable"2.
1- Pierre Schaeffer, cité par Claude Cadoz. "Réalité du timbre ? Virtualité de l'instrument ! ", Analyse musicale, 18, janvier 1990, p. 68.
2- Edgard Varèse. Ecrits, Paris : C. Bourgois, 1983, p. 95.

III- Virtuosité

La virtuosité correspond à la capacité de l'interprète à résoudre les plus grandes difficultés d'une oeuvre. Définir de
façon précise la virtuosité reviendrait à la limiter à une difficulté. Si la virtuosité a longtemps été associée au terme de
vélocité et performance technique, sa notion s'est élargie au vingtième siècle : de la lecture de la partition à son
exécution, la virtuosité s'impose dans la totalité du travail d'une oeuvre. Cependant, notre présente étude s'attache
davantage aux problèmes techniques, ceux de l'interprétation impliquant une trop large ouverture. Avec l'étude d'une
oeuvre de Ferneyhough, le problème de la lecture de la partition est également abordé.

A- Quelques considérations techniques propres à la contrebasse

1- Bref historique du niveau instrumental

Ce n'est qu'à partir du dix-huitième siècle qu'apparaissent les premières méthodes de contrebasse. Celle de Michel
Corette (1781)1 constitue davantage un intérêt historique que pratique. Loin d'encourager le contrebassiste à parfaire
sa technique, la méthode reflète le manque de motivation pour transformer la contrebasse "refuge des incompétents"
2, en instrument capable de virtuosité. L'auteur conseille par exemple de faire le "ré d'en haut" sur la deuxième corde

à vide, "pour ne point démancher."3 Il ajoute qu'à l'orchestre, "vouloir exécuter toutes les notes, c'est vouloir faire du
charivari"4. Dès 1760 cependant, le contrebassiste autrichien Joseph Kaempfer subjugue le public par ses prestations
instrumentales. L'interprète "jouait sur la contrebasse non seulement aussi rapidement mais aussi dans une tessiture
aussi haute que les meilleurs violonistes pouvaient le faire, ce qui est réellement stupéfiant." 5 Les différents
témoignages nous font part de l'étonnement général envers cet instrument peu maniable. Certes si la contrebasse ne
fait pas l'unanimité, elle est capable de "réaliser des solos qui valent même la peine d'être entendus." 6 Ces solos
valorisent les qualités de la contrebasse. Sa tessiture s'élargit, (Paul Brun dans son ouvrage Histoire des contrebasses à
corde remarque qu'avant le dix-huitième siècle, les notes les plus graves et les plus aiguës étaient presque bannies.
"Les premières résonnaient confusément, les dernières étaient d'une exécution difficile" 7) ; l'emploi fréquent des
harmoniques, la recherche de vélocité, l'exploitation des ressources instrumentales font de l'interprète un virtuose.

Les premiers traités didactiques dignes d'intérêt (Hause, Asioli ) datent du début du dix-neuvième siècle et révèlent un
intérêt réel pour cet instrument. A cette même époque, la contrebasse encore accablée de préjugés défavorables
commence seulement à être enseignée dans les conservatoires.

Il est clair que la contrebasse semble pendant plusieurs siècle comme handicapée par ses dimensions et ce qu'elles
impliquent. Les musiciens considéraient comme un obstacle, ce qui représentait en fait un atout spécifique, une
richesse de l'instrument. Il convient alors de s'attacher à l'origine des difficultés majeures de l'instrument (longueur de
la touche, épaisseur des cordes).
1 - Michel Corette, Méthode pour apprendre à jouer de la contrebasse à 3, 4 et 5 cordes,Genève : Minkoff, 1977. fac sim. de l'éd. Paris, 1781.
2- Paul Brun. Histoire des contrebasses à cordes, Paris : La flûte de Pan, 1982, p. 105.
3- Michel Corette, cité par Paul Brun. Op. cit., p. 106.
4- Michel Corette. Op. cit., p. 5.
5- Cité par Paul Brun. Histoire des contrebasses à cordes, Paris : La flûte de Pan, 1982, p. 115
6- Paul Brun. Ibid., p. 116.
7- Paul Brun. Ibid., p. 106.

2- Longueur de la touche

La longueur de touche implique un écart considérable entre deux notes conjointes sur la même corde. La main sans
effectuer de déplacement, ne peut réaliser qu'un ton. Sur la corde la plus haute (corde de sol pour un accord
traditionnel), chaque ton supplémentaire demande un changement de position. Sur les autres cordes, les rapports de
positions peuvent limiter ces déplacements. Les démanchés font parcourir de grandes distances sur la touche. Dans sa
méthode de contrebasse (Nouvelle technique de la contrebasse) François Rabbath explique : "L'utilisation des
positions, la réduction des distances sur la touche [...] permettent la vélocité." 1
Au dix-huitième siècle, Michel Corette propose de "mettre des points d' ivoire pour marquer les tons" 1. Actuellement,
François Rabbath remarque qu'il est inutile de tenter de "visualiser l'invisible", car "c'est se contraindre à une aventure
constante. Je ne dis jamais qu'une note est fausse, je dis que l'espace n'est pas correct" 3.

Malgré une nouvelle perception des difficultés techniques, le problème des grands déplacements de la main gauche
est toujours présent dans les pensées. Chaque instrument présente des difficultés qui lui sont propres. Le tort en ce
qui concerne le contrebasse a peut-être été de vouloir assimiler sa technique à celle des autres instruments à archet.
"Quiconque sait jouer du violoncelle, à bientôt appris la contrebasse." 4 !

3- Epaisseur des cordes

L'épaisseur des cordes demande au contrebassiste une certaine vigilance dès l'instant où il aborde quelques mesures
virtuoses. Gouffé dans une méthode de contrebasse prévient le contrebassiste de la difficulté des cadences et des
brisés, sur la contrebasse. "Plus difficiles sur le violoncelle que sur le violon, elles le sont bien davantage sur la
contrebasse par la nécessité de serrer fortement et vivement les grosses cordes." 5 De même, au vingtième siècle,
Anne Penesco évoque la gravité du registre et "le calibre" des cordes qui "offrent davantage de résistance aux doigts".
Une forte pression est nécessaire. "Il faut en quelque sorte pétrir la corde." 6

La difficulté réside dans l'association de cette pression nécessaire avec la finesse d'un jeu virtuose.
1- François Rabbath. Nouvelle technique de la contrebasse, Paris : Leduc, 1977.
2- Michel Corette. Op . cit., p. 6.
3- François Rabbath, Op.cit., vol. III p. 2.
4- Michel Corette, Op. cit., p. 5.
5- Achille Gouffé. 45 études pour contrebasse, Paris : Billaudot, 1983, p. 39.
6- Anne Penesco. Les instruments à archet dans les musiques du vingtième siècle, Paris : Champion, 1992, p. 27.

2- Longueur de la touche

La longueur de touche implique un écart considérable entre deux notes conjointes sur la même corde. La main sans
effectuer de déplacement, ne peut réaliser qu'un ton. Sur la corde la plus haute (corde de sol pour un accord
traditionnel), chaque ton supplémentaire demande un changement de position. Sur les autres cordes, les rapports de
positions peuvent limiter ces déplacements. Les démanchés font parcourir de grandes distances sur la touche. Dans sa
méthode de contrebasse (Nouvelle technique de la contrebasse) François Rabbath explique : "L'utilisation des
positions, la réduction des distances sur la touche [...] permettent la vélocité." 1

Au dix-huitième siècle, Michel Corette propose de "mettre des points d' ivoire pour marquer les tons" 1. Actuellement,
François Rabbath remarque qu'il est inutile de tenter de "visualiser l'invisible", car "c'est se contraindre à une aventure
constante. Je ne dis jamais qu'une note est fausse, je dis que l'espace n'est pas correct" 3.

Malgré une nouvelle perception des difficultés techniques, le problème des grands déplacements de la main gauche
est toujours présent dans les pensées. Chaque instrument présente des difficultés qui lui sont propres. Le tort en ce
qui concerne le contrebasse a peut-être été de vouloir assimiler sa technique à celle des autres instruments à archet.
"Quiconque sait jouer du violoncelle, à bientôt appris la contrebasse." 4 !

3- Epaisseur des cordes

L'épaisseur des cordes demande au contrebassiste une certaine vigilance dès l'instant où il aborde quelques mesures
virtuoses. Gouffé dans une méthode de contrebasse prévient le contrebassiste de la difficulté des cadences et des
brisés, sur la contrebasse. "Plus difficiles sur le violoncelle que sur le violon, elles le sont bien davantage sur la
contrebasse par la nécessité de serrer fortement et vivement les grosses cordes." 5 De même, au vingtième siècle,
Anne Penesco évoque la gravité du registre et "le calibre" des cordes qui "offrent davantage de résistance aux doigts".
Une forte pression est nécessaire. "Il faut en quelque sorte pétrir la corde." 6

La difficulté réside dans l'association de cette pression nécessaire avec la finesse d'un jeu virtuose.
1- François Rabbath. Nouvelle technique de la contrebasse, Paris : Leduc, 1977.
2- Michel Corette. Op . cit., p. 6.
3- François Rabbath, Op.cit., vol. III p. 2.
4- Michel Corette, Op. cit., p. 5.
5- Achille Gouffé. 45 études pour contrebasse, Paris : Billaudot, 1983, p. 39.
6- Anne Penesco. Les instruments à archet dans les musiques du vingtième siècle, Paris : Champion, 1992, p. 27.

2- Virtuosité de l'exécution
a- Trittico per G. S.

L'exécution de Théraps semble s'organiser autour du geste, celle de Trittico per G. S. semble provenir d'une
décortication extrême de chaque note, de chaque événement sonore. Reprenons l'exemple 1 p. 67, révélateur de la
pièce toute entière. Le premier accord ne présente pas une difficulté technique (mi corde à vide, sib corde III).
Cependant, il est doté d'une multitude d'indications, concernant :
- la nuance : fff
- la pression d'archet : "pression excessive de l'archet résultant d'une distorsion de l'attaque", accent.
- coup d'archet : tiré
- emploi de l'archet : "au talon"
- emplacement de l'archet sur la corde : ordinaire (mais qui va rapidement évoluer vers le chevalet).

François Nicolas explique : "Pour Ferneyhough, il n'y a jamais que du multiple [...] Ainsi une simple note est l'ensemble
d'une hauteur, d'une durée [...] , d'une intensité et d'une expression qui lui sont propres à l'égal du timbre
parfaitement spécifique qui l'affecte."1 La maîtrise de cette quantité d'instructions, par note, constitue une première
difficulté. La deuxième est liée aux enchaînements d'actions. La partition n'est que "superposition et interférences
entre plusieurs couches d'activités"2. L'enchaînement est concrétisé par une ligne verticale reliant l'élément d'une
portée à celui d'une autre portée. Ferneyhough précise dans les notes d'interprétation que les changements brusques,
de registres, de textures, ne doivent pas constituer un obstacle dans le jeu de l'interprète.

De cette densité d'information, découle inévitablement un jeu sélectif, ou approximatif. "Ferneyhough conçoit
l'interprétation comme une décision."3
1- François Nicolas. "L'éloge de la complexité", Entretemps, 3, février 1987, p. 64.
2- Brian Ferneyhough. Trittico per G. S., Londres : Peters, 1989, notes d'interprétation.
3- François Nicolas. Op. cit., p. 66.

b- Théraps : le glissando

L'exécution de cette oeuvre mène l'interprète "jusqu'au gouffre, et au-delà" 1. Les premières mesures semblent
d'emblée atteindre les limites physiques de l'interprète.

Exemple 1. Théraps, de I. Xénakis

Les doubles croches sont affublées chacune d'un glissando. La main gauche doit glisser sur la touche du ré dièse (sur la
corde de la) jusqu'au sillet. La distance à parcourir en l'espace d'une double croche est (à titre purement indicatif) de
environ trente centimètres. L'interprète peut également utiliser la corde IV. La nuance fff et l'indication crushing the
string contribue à cette performance physique.

Théraps fait alterner deux "zones contrastantes". Une zone dans laquelle la musique est en état de flux", une autre
constituée de "paires de son harmoniques"2 (jeu en double corde). La première zone nous intéresse particulièrement
pour ce chapitre. C'est donc à partir de la notion de glissando que Xénakis développe un caractère véloce.

Traditionnellement, le glissando est une "courbe lisse"3 (espace continu). Il est représenté par le signe .
Présent sous cet aspect dans Trittico per G. S. , ou dans le début de Théraps (exemple 1), il apparaît ici sous un aspect
différent. La vélocité dans Théraps réside justement dans cette différence. Le glissando est réalisé par le glissement
d'un doigt sur la touche de la contrebasse, entre deux notes déterminées. Pour qu'il y ait effet de glissando dans un
espace strié, les notes conjointes (micro-tons) doivent se succéder avec vélocité. Les hauteurs sont précisément
déterminées. A propos des jeux de main droite et main gauche, Xénakis propose :

"Les traits chromatiques sont joués, autant que possible avec un seul doigt qui glisse par saccades d'une
note à la suivante sans quitter la corde tout en respectant au maximum les durées des notes pendant les
arrêts des doigts. L'archet ne devra pas articuler chaque note du trait, mais il faudra user d'un exécution
legato, en changeant l'archet quand c'est nécessaire et en des points judicieux de la musique en prenant
grand soin de ne pas casser la ligne."4

La finalité de cet exercice de performance est elle l'effet réel du glissando, ou l'effet d'un glissando virtuel ? Le fait de
n'utiliser qu'un seul doigt, et non l'articulation des doigts sur la touche donnerait l'idée d'un glissando réel. Mais les
"saccades" , les "arrêts du doigt", (d'ailleurs très nets dans l'interprétation de Kaiso Misoiri 5) stoppent ici cette
comparaison. Les notes d'interprétation tendent à associer le "glissando strié" à un glissando doté d'une dimension
expressive particulière, recherchée.
 
1- Barry Guy cité dans Iannis Xénakis. Théraps, Paris : Salabert, 1976, notes d'interprétation.
2- Barry Guy. Ibid.
3- G. Mathon. Les rumeurs de la voix, thèse de doctorat, université Paris VIII Saint Denis p. 29.
4- Iannis Xénakis. Théraps, Paris : Salabert, 1976, notes d'interprétation.
5- Festival international de contrebasse, Avignon, août 1994.

c- L'investissement de l'interprète

Théraps et Trittico per G. S. ont en point commun l'investissement physique extrême de l'interprète. Barry Guy,
interprète de Théraps, écrit : "Réalisant le plus totalement possible le désir de sauvagerie et de raffinement de Xénakis,
on se trouve confronté à des problèmes sérieux, mais intéressants concernant le réajustement musculaire, car on
rencontre rarement de pareils extrêmes dans le cours normal des événements. [...] Les limites physiques de la nature
humaine peuvent à peine faire face à l'intensité de la musique." 1 L'investissement de l'interprète constitue un
"paramètre musical"2dans la musique de Xénakis.

Il est encore inévitable dans Trittico per G. S. autant par la rapidité d'enchaînements d'événements sonores, que par le
combat que l'interprète doit mener avec sa partition. Peut être l'investissement de l'interprète possède-t-il une
fonction comparable à celle évoquée dans Théraps.

L'interprète doit atteindre les limites de ses possibilités physiques. Il explore son instrument de façon inaccoutumée,
une relation plus forte entre le contrebassiste et son instrument se créée. L'exécution de pièces telles que Théraps de
Xénakis et Trittico per G. S. de Ferneyhough débouche alors sur "une théâtralité virtuelle de la performance" 3.
1- Barry Guy, cité dans I. Xénakis. Théraps, Paris : Salabert, 1976, notes d'interprétation.
2- Jean Vriend. "Le monde ouvert des sons et ses ennemis". Entretemps, 6, février 1988, p. 86.
3- Philippe Albera. "Introduction aux neuf Sequenzas de Berio", Musique en jeu, 1, septembre 1983, p. 91.

C- Nouvelles techniques pour des nouveaux modes de jeu

L'exécution d'une oeuvre de musique contemporaine demande à l'interprète de s'adapter à un nouveau langage. La
notation est souvent transformée, les exigences du compositeur différentes, de nouvelles techniques se développent
que le contrebassiste doit maîtriser. La frontière entre techniques du passé et techniques récentes est floue. Une étude
des modes de jeu montre l'emprise du passé, les techniques traditionnelles ne sont pas reniées, elles subissent une
réactualisation.

Le développement du pizzicato implique un jeu de main droite particulier, directement empreint de techniques qui
semblaient spécifiques au jazz. Les oeuvres In et Out de Dusapin, Fantasia Oscura de Marc Monnet, Cinq algorithmes
de Philippe Boivin (Interpolation) utilisent le mode de jeu pizzicato traditionnel de façon virtuose (sans que les pièces
ne s'apparentent systématiquement au style jazz). Marc Monnet, par exemple, précise dans la partition Fantasia
Oscura : "le plus rapide possible avec un pizz le plus sec possible en gardant une articulation la plus claire possible."

Le développement des ressources percussives de la contrebasse amène encore l'interprète à découvrir, à se soumettre
à de nouveaux modes de jeu qui s'éloignent de l'utilisation traditionnelle de la contrebasse. La recherche du son
demandé est inaccoutumée pour un instrumentiste à cordes. Techniquement, les modes de jeux percussifs peuvent
représenter une réelle difficulté. Dans Zab, les exigences gestuelles sont extrêmement précises, le contrebassiste doit
par son jeu évoquer le joueur de zarb.

Le mode de jeu peut consister à faire participer l'interprète lui même, devenu source sonore. Une nouvelle forme de
virtuosité se développe. Nous ne parlons pas ici des qualités théâtrales, que doit posséder le contrebassiste, mais de la
difficulté pour lui, de mener deux actions simultanées : celle de jouer tout en parlant, en chantant, tout en utilisant
son propre corps à des fins sonores. Cette écriture demande de la part de l'interprète une indépendance entre sa voix
et son jeu instrumental. Dans le répertoire pour contrebasse seule, les compositeurs s'attachent fréquemment à ce
type d'écriture qui donne à l'interprète une double fonction. Bertram Turetzky évoque à ce propos, la pièce Failing du
compositeur américain, Johnson1. Cette pièce associe jeu instrumental et voix de l'interprète d'une façon très virtuose.
Le sujet du texte à réciter concerne lui-même cette virtuosité, et les risques pour le "récitant-contrebassiste" de se
tromper. Joëlle Léandre explique : "La pièce est très difficile , et on a le droit de se tromper, de s'arrêter puisque c'est le
fait même de la pièce. Mais en même temps, le texte dit qu'il faut continuer à se tromper, donc la pièce continue..! " 2

Les techniques appelées "nouvelles" ne relèvent pas systématiquement de la performance technique. La virtuosité
reste présente, car l'interprète doit toujours s'adapter à l'écriture en respectant les exigences du compositeur. Jouer
sur les éléments rattachés à la contrebasse (attache-cordier, cordier, pique, sillet...) constituent une difficulté dès
l'instant où le contrebassiste s'attache à traduire les intentions du compositeur. D'autres difficultés apparaissent dans
l'enchaînement de modes de jeu différents.

Un tableau situé en annexe3 répertorie quelques modes de jeu propres à la musique contemporaine.

La virtuosité n'est pas simplement performance technique, elle correspond également à la qualité d'interprétation du
contrebassiste, à sa capacité "d'intégrer les techniques traditionnelles aux techniques récentes, et de passer des unes
aux autres dans une oeuvre avec vélocité." 4 La virtuosité peut encore être recherchée , pour la dimension expressive
qu'elle confère à l'oeuvre. Elle constitue une source d'émotion, et "stimule de nouvelles possibilités d'écriture." 5

1- Conférence, Festival international de contrebasse, Avignon, août 1994.


2- Ibid.
3- Annexe 2 p. VII
4- Philippe Albera. "Introduction aux neuf Sequenzas de Berio", Musique en jeu, 1, septembre 1983, p. 91.
5- Martine Cadieu, "Entretien avec Betsy jolas", Les lettres françaises, février 1968.

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I- Le timbre de la contrebasse
II- La contrebasse, instrument de percussion

I- Le timbre de la contrebasse

Depuis les années cinquante, le rôle du timbre s'affirme "non seulement complémentaire des autres attributs du
son mais prédominant, déterminant de tous les aspects de l'oeuvre." 1 Cette évolution du timbre apporte de
nouvelles réflexions. Schaeffer écrit : "le timbre d'un son peut se considérer comme une caractéristique propre de
ce son (référence à un instrument donné) sans être clairement rapporté à un instrument déterminé. Ainsi les
instruments ont un timbre particulier, et chaque objet sonore qu'on en tire a son timbre particulier." 2 Dans les
pièces pour instrument seul, il y a donc coexistence de timbres différents provenant d'une même source, et non de
timbres différents provenant de sources différentes (si l'instrumentiste ne devient pas instrument lui-même). Cette
prise de conscience du double aspect du timbre collabore à la richesse de l'oeuvre contemporaine.

A- Situation du timbre traditionnel

Le timbre traditionnel est obtenu par un mode de jeu classique : "Le son normal de la contrebasse est produit par
l'archet tiré ou poussé à une pression et une vitesse qui varient selon l'intensité ; l'archet est à un emplacement
proportionnel à la longueur de la corde vibrante (quand on joue vers l'aigu d'une corde, l'archet va
proportionnellement vers le Pont.) Ce son est traditionnellement orné d'un léger vibrato de la main gauche." 3

Le timbre traditionnel, celui qui se réfère aux musiques antérieures s'impose comme couleur principale dans
quelques oeuvres. Nous pouvons citer Sérénade de Henze (1949), Hommage à J. S. Bach de Zbinden (1969), la
Sonate op. 42 de Ellis (1975), la Sonate pour contrebasse seule de Schroeder (1975). Après les années quatre-vingt,
Lem de Donatoni (1983), In et out de Dusapin (1989), Mantram de Scelsi (1992), sont caractéristiques de cette
tendance. Gérard Condé dans un article sur la musique de Donatoni écrit à ce propos : [l'écriture instrumentale]
"est tout à fait classique : pas de recherches de sonorités pour elles-mêmes, un jeu "normal" en opposition radicale
avec presque tout ce qui est fait depuis trente ans dans dans le domaine de l'exploration des possibilités
nouvelles."4 In et Out, (première partie pizzicato sempre ; deuxième partie arco sempre) se consacre à l'emploi des
modes pentatoniques, et de quelques rythmes caractéristiques du jazz. Mantram se présente comme une monodie
simple, ornée d'appoggiatures. Les préoccupations principale de ces oeuvres ne concernent pas la recherche de
timbres inouïs. Si elles utilisent parfois différents modes de jeu (arco normal, sul ponticello, pizz) , ceux-ci ne
constituent pas une rupture avec le mode de jeu classique défini par Jean-Pierre Robert.

Rappelons que les qualités expressives de la contrebasse soliste (soliste face à un orchestre) n'ont guère été
exploitées avant les années cinquante qui ont marqué l'avènement d'une littérature pour cet instrument oublié.

Le timbre traditionnel constitue un centre d'intérêt considérable. Son utilisation permet de focaliser l'attention sur
d'autres éléments.

La recherche de timbres nouveaux ne signifie pas abandon total du timbre traditionnel. Celui-ci devient un timbre
parmi d'autres. Il s'associe à d'autres timbres provenant de la même "cause instrumentale" 5. Jean Pierre Robert dit
de sa définition du timbre traditionnel qu'elle sert de référence. Cette référence constitue un point de départ pour
les recherches sonores et du timbre.

Dans de nombreuses oeuvres, le timbre traditionnel est utilisé au même titre que les autres. Il n'y a pas de
hiérarchie préexistante entre timbre traditionnel, et timbre "nouveaux". Improvisations pour contrebasse seule de
Eugène Kurtz (1968) regorge de couleurs timbriques différentes. Le jeu "ord" marquant un retour au mode de jeu
traditionnel est présent dans la partition, mais sans avoir plus d'importance que d'autres modes de jeu
caractéristiques de l'écriture contemporaine.

1- Claude Cadoz. "Virtualité du timbre ? Réalité de l'instrument ! ", Analyse musicale, 18, janvier 1990, p. 68.
2- Cité par Claude Cadoz. Ibid.
3- Jean-Pierre Robert. Modes de jeu de la contrebasse, éd. J. P. Robert, 1992.
4- Gérard Condé. Le monde, supplément radio-télé, 9-25 novembre 1990, p. 22.
5- Pierre Schaeffer, cité par Claude Cadoz. Op. cit.

Exemple 1. Improvisations pour contrebasse seule, de E. Kurtz

B- Enrichissement du timbre, et nouveaux modes de jeu.

La recherche d'effets nouveaux engendre une exploration totale de l'instrument : exploration de ses modes de jeu et
de ses ressources spécifiques.

Les modes de jeu ne sont pas spécifiques à un instrument mais plutôt à une famille d'instruments. Les modes de jeu de
la famille des cordes ont ainsi des appellations communes, mais les timbres engendrés sont différents selon
l'instrument. Ce chapitre ne présente pas une étude exhaustive des modes de jeu que la musique contemporaine a
développé pour les instruments à cordes. Mais il veut rendre compte de l'exploitation des qualités spécifiques de la
contrebasse dans un tel répertoire.
- Exploration d'un jeu traditionnel
- Modes de jeu exceptionnels

1- Jeux traditionnels et recherches de timbres

a- Qualité du timbre

Un mode de jeu d'apparence traditionnel, peut selon la volonté du compositeur engendrer un timbre inhabituel,
"dénaturé". Théraps de Xénakis (1976) utilise un mode de jeu classique (mèche de l'archet frottant les cordes entre la
touche et le chevalet). Cependant, Xénakis écrit : "l'arco devrait produire un son épais (complexe), plein de bruit, assez
éloigné du son pur." Le son pur est le son traditionnel défini au début de ce chapitre. Il sert de référence. L'arco normal
n'engendre pas un son et un timbre traditionnel, mais un son complexe. Les indications concernant les timbres pour un
mode de jeu d'apparence traditionnel sont multiples et diverses. Sons complexes (Théraps, de Xenakis), sombres ou
clairs (Macknongam, de Scelsi), flasque rauque, brumeux et suave (A. Mi. K. Giao Trahn, de Dao), détimbrés (Cinq
algorithmes de Boivin)... c'est à l'interprète de tenter de se rapprocher de l'intention du compositeur (par des jeux de
pression, d'emplacement de l'archet sur les cordes...). Une collaboration avec le compositeur lui-même peut s'avérer
nécessaire.
1- Iannis Xénakis. Théraps, Paris : Salabert, 1976, notes d'interprétation.

b- Les registres extrêmes

L'utilisation des registres extrêmes, toujours avec un mode de jeu classique, révèle des qualités sonores méconnues.

La contrebasse dans l'orchestre traditionnel, ou en musique de chambre est appréciée pour son registre grave. Les
graves constituent un soutien de l'harmonie. Dans les pièces pour contrebasse et orchestre, ou même contrebasse et
piano, le registre grave est peu prisé, car il ne parvient pas à s'imposer face à l'accompagnement. Au vingtième siècle,
malgré le rejet des fonctions traditionnelles de la contrebasse, marqué par le développement des pièces pour
contrebasse seule, les graves ne sont pas reniés . L'exploration du registre grave permet d'obtenir des sonorités
méconnues. "Le grave a l'image de la dramaturgie, l'expression d'une certaine violence, d'un fourmillement qui
déplace, qui va gêner, qui contient toute une tragédie."1

La limite grave dépend de l'accord de la corde grave. Jean Pierre Robert définit la note la plus grave comme étant le ré
-2 (son entendu). Pour descendre encore l'accord, il faut surélever le chevalet. 2 Dans Théraps, de Iannis Xénakis , le
grave est associé à une image de force et d'investissement physique hors du commun (c'est l'esprit même de la pièce).
Le registre grave constitue un des éléments contribuant à cette image. Observons la première mesure :

Exemple 1. Théraps, de Xénakis

Le grave peut servir un axe de recherche différent. Dans Convergence II de Taïra, le registre grave est étendu par une
scordatura (accord de la contrebasse : mib si fa sib). Le timbre du mi bémol est exploré à l'aide de jeux de nuances (de
p à fff), de pression d'archet (de arco normal, à "écraser la mèche à plat"), de dynamiques diverses. La recherche est
totalement différente de celle de Théraps. Episode huitième de Betsy Jolas exploite également "les tréfonds "3 de
l'instrument.

Exemple 2. Convergence II, de Y. Taira


Par la scordatura, le registre grave va au-delà de la limite imposée par l'accord traditionnel. Dans A. Mi. K. Giao Trahn,
Dao demande à l'interprète de dévisser la corde grave au maximum, de façon à obtenir un son "flasque". Les
propriétés du grave (son épais) sont amplifiées à des fins particulières. Les notes exécutées sur cette corde, sont alors
ainsi notées :

Exemple 3. A. Mi. K. Giao Trahn, de Dao

Si le registre grave est utilisé abondamment à l'orchestre, lorsque la contrebasse recouvre sa fonction de soutien
harmonique, le registre aigu est plus spécifique au répertoire pour contrebasse soliste (même soliste face à un
ensemble instrumental), et aux pièces pour contrebasse seule. La limite aiguë dépend de la longueur des touches.
Généralement, elles vont jusqu'à4:

(Nous évoquons ici, les notes appuyées, et non les harmoniques)

Dans Théraps, l'interprète doit aller au-delà de la touche, donc au-delà du si. L'écriture en micro-tons, la rapidité
d'exécution s'associent à l'utilisation du registre aigu. Le son obtenu est à la limite du grincement. Au cours des
oeuvres pour contrebasse seule que nous considérons, jamais pareil extrême de l'aigu, par des notes appuyées n'est
atteint. Lorsque Taïra demande à l'interprète dans Convergence II d'atteindre une note la plus aiguë, (symbole

), son utilisation est succincte.

La réalisation de notes aiguës, exige de l'interprète un geste du bras, (la main doit atteindre le bas de la touche), et du
corps tout entier, qui peut être recherché , au même titre que la sonorité acide de l'extrême aigu.
1- Joëlle Léandre. Documentation CDMC.
2- Jean-Pierre Robert. Op. cit.
3- Jean-Noël von der Weid. Livret du CD "Joëlle Léandre contrebasse et voix", 1988, p. 2.
4- Jean-Pierre Robert. Op cit.

TROISIEME PARTIE : Exploration de l'instrument > Harmoniques

c- Harmoniques

Le registre aigu de la contrebasse est souvent atteint avec les sons harmoniques, et non plus par des notes appuyées.
Si l'effort physique est alors moins spectaculaire, (la corde est touchée), la virtuosité reste présente, dans la précision
de l'emplacement du doigt sur la corde. La notation consiste à inscrire un petit rond au dessus de la note à jouer en
harmonique (exemple 1). L'harmonique peut être encore symbolisée par une note "losange" (exemple 2).

Exemple 1. Cinq algorithmes de P. Boivin


Exemple 2. Convergence II, de Taïra

Les sons harmoniques sont des partiels du spectre harmonique. Ils peuvent être naturels ou artificiels. Dans les sons
harmoniques naturels, c'est la corde à vide qui donne le son fondamental ; dans les sons harmoniques artificiels, le
premier doigt joue le rôle de sillet mobile, appuie sur la corde pour produire le son fondamental, tandis qu'un autre
doigt effleure la corde. "Les sons harmoniques sonnent très bien à la contrebasse et sont fiables jusqu'au douzième
partiel."1

Ce mode de jeu constituait un exercice de virtuosité dans les Concertos pour contrebasse. Il est utilisé par Dittersdorf
(1739-1799) dans le Concerto pour contrebasse en mi majeur. Employées jusqu'alors en accord brisés ou en arpèges,
les harmoniques sont capables de créer une mélodie avec Bottesini (Fantasia de l'opéra Lucia)2.

Aujourd'hui, Bertram Turetzky déplore le fait que les harmoniques soient souvent jouées de façon pauvre. "Crescendo
et diminuendo sont possibles et nécessaires, ils peuvent être maîtrisés facilement par la pression et la vitesse
d'archet."3

Les harmoniques sont utilisées à l'archet, ou en pizzicato. A l'archet, "les variations Tasto Pont produisent peu d'effet.
On joue l'archet un peu plus rapidement et un peu plus Pont, pour le jeu normal"4

A l'archet, le glissando d'harmoniques artificiels produit "l'effet mouette". Il se fait de l'aigu vers le grave. Il est possible
du grave vers l'aigu mais "l'effet est moins animalier"5. Ce mode de jeu créant un tel effet de timbre se retrouve par
exemple dans Improvisations pour contrebasse seule, de E. Kurtz.

Exemple 1. Im provisations pour contrebasse seule, de E. Kurtz

Les harmoniques sont utilisés également en pizz dans cette même oeuvre : "pizz harmonique doigté par le pouce, la
corde étant tirée par le deuxième doigt ou troisième doigt." Valentine de J. Druckman a recours à un mode de jeu
similaire : "harmonique pizz, main gauche seule, pouce sur l'harmonique, pincer la corde avec le deuxième ou
troisième doigt en deçà de l'harmonique." Pour un même effet recherché, la notation est différente.
1-Jean-Pierre Robert. Op. cit.
2- cité par Bertram Turetzky. The contemporary contrabass, Berkeley : University of california press, 1974, p. 61.
3-Bertram Turetzky. Ibid., p. 68.
4- Jean-Pierre Robert. Op. cit.
5- Ibid.

d- Le pizzicato

Le pizzicato est "aussi riche que le jeu arco et permet de grandes subtilités de phrasé". Jean-Pierre Robert dénonce la
mauvaise connaissance de ce mode de jeu, dont les qualités de timbre se trouvent souvent ignorées. "On peut jouer
les jeux Pont, Tasto, près du sillet."1 Le pizzicato est utilisé à des fins diverses. Dans la première pièce de In et Out de
Dusapin, {pizzicato sempre), le pizz reste dans la tradition du jazz (bien qu'il s'agisse d'une musique écrite). L'oeuvre
Fantasia Oscura, de Marc Monnet, écrite en 1989 "sans aucune raison autre que le plaisir d'imaginer pour le
dédicataire"2, fait alterner les modes de jeu pizz et arco. Les séquences en pizz demandent une grande dextérité de la
main droite au contrebassiste, rappelant ainsi les contrebassistes de jazz. Rappelons à ce propos que l'oeuvre est
dédiée à Jean Paul Celea, contrebassiste ouvert sur la musique jazz.
Le pizz est noté par le mot lui-même, ou par un signe, surtout lorsqu'il offre une particularité. Le pizz Bartok, utilisé

fréquemment, est noté communément . ( dans Percorso F de Manzonni). La notice de Zab de P. Boivin montre
une grande diversité de modes de jeux pizz réunis dans la même oeuvre :

Exemple 1. Zab, de P. Boivin


1- Jean-Pierre Robert. Modes de jeu de la contrebasse, éd. J. P. Robert, 1992.
2- Marc Monnet. Fantasia Oscura, Paris : Salabert, 1989.

2- Modes de jeu exceptionnels

Les modes de jeu dits exceptionnels résultent d'une exploration, d'une exploitation extrême des qualités sonores de la
contrebasse. Le développement de modes de jeu parfois uniques, et extravagants reflète le désir d'utiliser au
maximum les richesses de l'instrument, et celui d'obtenir toujours des sonorités nouvelles. Les dimensions mêmes de
l'instrument donnent à certaines sonorités engendrées un caractère particulier, d'autres modes de jeu deviennent
spectaculaires, toujours par la taille de l'instrument (ex : jeu sur l'attache cordier). Nous pouvons de façon schématique
les répertorier en plusieurs catégories.

- L'archet sur les cordes : en amont de la main gauche, derrière le chevalet, archet renversé (double corde I IV), jeux de
pression d'archet.
- Emplacement de l'archet : sur le sillet, sur le chevalet, l'attache cordier, le cordier, la pique... chaque parcelle de la
contrebasse capable d'entrer en vibration, donc de produire un son est explorée.
- Abandon de l'archet : modes de jeux pizzicato divers, modes de jeux percussifs (cf. chapitre II), utilisation d'une
baguette de timbale (Valentine de Druckman).
- Chaque geste inscrit dans une oeuvre musicale peut être considéré comme un mode de jeu. Jouer contrebasse
retournée, regarder son instrument, le coucher à terre... sont encore d'autres mode de jeu.

De nombreuses informations sur les qualités sonores de chaque mode de jeu, sur les limites de ces modes de jeu
existent dans l'ouvrage du contrebassiste Jean-Pierre Robert, Modes de jeu de la contrebasse. En annexe1, figure un
tableau récapitulatif, de modes de jeu rencontrés dans les oeuvres étudiées, du répertoire pour contrebasse seule.

Outre l'exploration de l'instrument, ces modes de jeu ont en commun une notation peu standardisée, une notation
individualisée. Les systèmes de notation varient eux-mêmes d'une partition à l'autre : idéogrammes, dessins, texte,
symboles divers peuvent exprimer un mode de jeu d'allure similaire. Chaque compositeur tente de traduire sur le
papier la sonorité, le timbre, ou le geste envisagés. Quelques exemples choisis illustrent ce phénomène.

- pizzicato harmonique doigté par le pouce, la corde étant tirée par le 2 ème ou 3ème doigt (Improvisations, Kurtz)

- pizzicato harmonique, main gauche seule, doigté par le pouce, pincer la corde avec le 2 ème ou 3ème doigt
(Valentine, Druckman)

- jouer sur les cordes derrière le chevalet (Zab, Boivin)


  - derrière le chevalet (A. Mi. K. Giao Trahn, Dao)
- jouer derrière le chevalet (Gestique I, Colin)

L'apparition de ces modes de jeu caractéristiques des musiques récentes provient d'une évolution de la démarche des
compositeurs. La première étape primordiale de cette évolution réside dans la conception même d'un répertoire pour
contrebasse seule. De là, naît un désir de transcender cet instrument d'accompagnement, de faire prendre conscience
non seulement de ses possibilités mélodiques, mais encore de richesses sonores multiples, qui doivent leur existence à
la facture même de l'instrument. De cette démarche, découle la création de modes de jeu exceptionnels.

Avant les années soixante-dix, dans Improvisations pour contrebasse seule de E. Kurtz, Valentine de J. Druckman, les
modes de jeu apparaissent déjà extrêmement diversifiés. Joëlle Léandre considère Valentine comme l'oeuvre centrale
du vingtième siècle3. Le compositeur, par sa recherche personnelle sur les qualités sonores de la contrebasse, a
énormément apporté à l'instrument. Bien évidemment, ces oeuvres maîtresses Improvisation, et Valentine, ne
représentent pas les limites de l'exploration de l'instrument. D'autres oeuvres introduisent encore, et pourront
toujours introduire d'autres modes de jeu. L'imagination propre de chaque compositeur crée de nouveaux gestes
instrumentaux, de nouvelles idées sonores. Cependant, Valentine, constitue une référence dans le domaine de la
recherche de modes de jeu exceptionnels. Dans les pièces que nous avons répertoriées, une autre oeuvre se distingue
par la multiplicité des modes de jeu exceptionnels employés : Zab, de Philippe Boivin, composé en 1981, avec la
collaboration du contrebassiste Jean-Pierre Robert. Dans d'autres oeuvres, ils peuvent apparaître, en moins grand
nombre, mais tout aussi uniques.

Tracer une courbe de l'évolution de l'utilisation de modes de jeux exceptionnels, parait difficile, car les préoccupations
des compositeurs, si elles concernent l'effet sonore, ne s'attachent pas systématiquement à la recherche de tels modes
de jeux. Les sonorités engendrées n'en sont pas moins riches. Nous avons déjà évoqué Théraps de Xénakis, les oeuvres
de Scelsi, A. Mi. K. Giao Trahn de Dao, Episode huitième de Jolas... qui donnent au son une dimension nouvelle par
l'assemblage de notes dérivées d'un jeu traditionnel.

Les effets extravagants, s'ils peuvent sembler caractéristiques du jeu de contrebasse, ne sont qu'un des aspects de
l'écriture des oeuvres considérées. Chaque compositeur fait évoluer la recherche de l'exploration de l'instrument. C'est
cette individualisation des modes de pensée, des systèmes d'écriture, qui crée la richesse du catalogue des sonorités
de la contrebasse.
1- Annexe 2 p. VII.
2- F. Nicolas. "Visages du temps : rythme, timbre et forme.", Entretemps, 1, avril 1986, p. 48.
3- Joëlle Léandre. Entretien, août 1994.

II- La contrebasse, instrument de percussion

La recherche d'effets percussifs sur les instruments n'est pas caractéristique du vingtième siècle. La musique baroque y
a parfois recours pour évoquer l'instrument de percussion. Les compositeurs contemporains ne se contentent pas
d'évoquer l'instrument de percussion, mais sont capable de transformer la contrebasse en véritable instrument de
percussion. "On trouve chez les autres instruments [à vent, à cordes] des pratiques qui s'inspirent directement de la
percussion ; les instruments deviennent purs objets, univers sonores potentiels plutôt que spécialisés dans un seul
timbre appelés à être excité par des modes de production multiple ou la percussion tient une place de choix." 1

Le présent chapitre propose une approche de l'utilisation de la contrebasse à cordes, devenue "contrebasse -
percussion". Certes, des actions telles que ...
- "frapper le manche de l'instrument très fort (par conséquent les quatre cordes) à pleine main" (Improvisations pour
contrebasse seule, E. Kurtz)
- "faire claquer la corde sur la touche" (Id.)
- "Impulsion du doigt frappant sur la corde" (Trittico per G.S. de Brian Ferneyhough)
- Col legno battuto
...produisent des effets percussifs, mais qui utilisent encore la contrebasse en tant qu'instrument à cordes.

A- Atouts de résonance de la contrebasse


Les dimensions imposantes de la caisse de la contrebasse constituent un élément primordial, un atout spécifique de
cet instrument.

E. Diamente explique les raisons qui poussent à utiliser cet instrument à cordes en instrument à percussion : "Je trouve
que le corps de la contrebasse est parfait pour avoir un véritable effet de bongo en tapant sur le haut de l'instrument à
côté des épaules et en revenant au milieu de la caisse. Aucun tambour n'obtient ce son unique." 2 Joëlle Léandre, à la
recherche de toutes les richesses de son instrument dit également : "j'en recherche toutes les possibilités, y compris
percussionnelles. Il y a près d'une vingtaine de sons sur le bois." 3 La richesse d'un tel mode de jeu provient non
seulement de la résonance naturelle de l'instrument mais aussi de la variété de timbres sur cette même caisse. Zab est
une partition qui utilise de façon très complète ces richesses sonores :

Exemple 1. Zab, de P. Boivin

La position de l'interprète par rapport à son instrument semble favorable à l'exécution d'une oeuvre explorant les
ressources percussives de la contrebasse. Placé derrière son instrument, l'archet posé, frapper la caisse avec les mains
ou les doigts ne représente pas un geste démesuré, "anti-naturel", mais approchant celui du joueur de tambour.
Même si les pièces contemporaines ne craignent pas et recherchent la mise en exergue du geste, cet aspect
représentant une commodité technique pour l'interprète ne peut être négligeable.
1- Jean-Charles François. Percussion et musique contemporaine, Paris : Klincksieck,1991.
2- Cité par Bertram Turetzky. The contemporary contrabass, Berkeley : University of california press, 1974, p. 29.
3- Joëlle Léandre. Documentation CDMC.

B- Utilisation des ressources percussives

1- Fonctions de la contrebasse-percussion

La contrebasse dans les ensembles de jazz se voit souvent attribuer une fonction harmonique certes, mais également
une fonction percussive. Bertram Turetzky explique qu'en jouant de la contrebasse dans un ensemble de jazz, on joue
avec la famille des percussions.1 La contrebasse assure en effet un soutien rythmique par le débit de son discours, ou
réellement percussif (mode de jeu slap ou frappé sur la caisse).

La contrebasse-percussion constitue un atout favorable à l'élaboration d'une polyphonie de timbres : timbre de


l'instrument de percussion, timbre de l'instrument à cordes. Le mode de jeu percussif, comme reflet de l'éclatement de
l'identité de l'instrument, semble intéresser particulièrement les compositeurs.
Exemple 1. Zab, de P. Boivin

Le système d'une ligne dans la zone la plus basse, représente la partie de percussion.

Dans cette même oeuvre, l'auditeur assiste à de véritables solos de percussion, remarquables, dans leur conception
même, dans la recherche de timbre différents et contrastés, et dans l'exécution de l'interprète.

Dans Alice de Finissy, oeuvre théâtrale, mettant en valeur la relation entre le contrebassiste et son instrument, la
contrebasse-percussion est utilisée beaucoup plus ponctuellement. L'effet percussif revêt un caractère expressif. La
contrebasse-percussion devient un moyen d'exprimer, de traduire l'état psychologique de l'interprète. Après avoir
exécuter quelques notes dans une nuance ffffff, "avec grande passion et énergie", l'interprète doit frapper violemment
la caisse. Ce caractère particulier de l'utilisation de jeux percussifs ne prend son véritable sens, que replacé dans son
contexte.

Une fois de plus, de chaque oeuvre, se dégage un intérêt particulier, dans l'utilisation de la contrebasse devenue
véritable instrument de percussion.
1- Bertram Turetzky, Conférence, Festival international de contrebasse, Avignon, août 1994.

2- Recherche de timbres différents

Les variations de timbres se trouvent fréquemment exigées dans les partitions. Elles naissent d'un agencement des
différents timbres engendrés par la diversité des générateurs, et des endroits de frappe.
La main constitue le principal générateur du son. Bertram Turetzky distingue cinq techniques différentes qui
produisent cinq timbres différents : le pouce, la paume, le bout des doigts, les ongles, le dos de la main. 1 Joëlle
Léandre explique : "J'emploie les mains, les os, sur le côté, partout." 2 D'une oeuvre à l'autre, les exigences concernant
les générateurs sont différents, et exprimés avec plus ou moins de précisions.

- Improvisations pour contrebasse seule, de Kurtz : articulation, plat de la main, les doigts, le pouce.
- Valentine, de Druckman : doigts de la main droite ou de la main gauche. Une baguette de timbale constitue un autre
générateur du son (présence "rare" d'un objet extra-instrumental).
- Piège I, de Richer : les ongles.
- Zab, de Boivin : la précision semble maximale, avec l'utilisation du gras du deuxième doigt à plat et bien raide, le
tranchant extérieur du pouce, la deuxième phalange..., la tête (Philippe Boivin spécifie dans la partition "attention aux
bosses" ! )

D'autres oeuvres, Gestique I de Colin, J'ai tant rêvé de Kanach, ne nomment pas de générateurs précis, il est sous-
entendu qu'il s'agit alors de la main.

La plupart des oeuvres citent comme endroit de frappe, la caisse, la table, laissant le soin à l'interprète de chercher
une localisation précise, pour un timbre approprié. De même que les générateurs sont extrêmement précis dans Zab
de Boivin, les endroits de frappe y sont soigneusement décrits (cf. exemple 1 p. 93 ).

Les exigences concernant les variations de timbres s'affirment dans les partitions et reflètent cette préoccupation
commune aux compositeurs. Dans les oeuvres, où seule la caisse est nommée comme endroit de frappe, l'interprète
prend conscience de l'importance de la richesse des timbres, par des indications diverses. Dans Improvisations pour

contrebasse seule, le contrebassiste, par le symbole doit déplacer ses deux mains de haut en bas. Valentine,
de Druckman, Gestique 1 de Jean-Marie Colin font apparaître encore plus nettement la recherche de timbres différents
successifs. La première oeuvre indique : "la frappe sur la table doit changer de place pour que le timbre change."
(symbole )

Exemple 1. Valentine, de J. Druckman

J. M. Colin écrit dans Gestique 1 : "exécuter des effets variés sur la caisse et les différentes parties de l'instrument, bien
marquer les diverses sonorités possibles."

Dans une partition, comme celle de Zab de Boivin, ou chaque endroit, et technique de frappe sont indiqués par un
symbole, l'interprète n'est pas libre dans la recherche de variation de timbre ; il traduit gestuellement la succession de
symboles écrits.

Exemple 2. Zab, de P. Boivin

Différents modes de jeux s'enchaînent, avec des rythmes différents : frappe simple (doigts 1, 2, 3, serrés à plat), frappe
sourde (articulation paume poignet), frappe sèche (tranchant extérieur du pouce)...

L'écriture percussive de Zab, est fondée sur la technique du zarb iranien, d'un extrême raffinement, basée sur la
diversité des attaques, et permettant plusieurs hauteurs de sons. Philippe Boivin demande effectivement, d'"accorder
la plus grande importance à la qualité de la frappe, aux accents, ainsi qu'aux nuances, afin de bien faire ressortir les
différents plans. Ne pas hésiter à exagérer les contrastes." 3
1- Bertram Turetzky. Op. cit., p. 29.
2- Joëlle Léandre. Documentation CDMC.
3- Philippe Boivin. Zab, ou la passion selon Saint Nectaire, inédit, notes d'interprétation.

Accueil de la bibliothèque > Aspects de la contrebasse solitaire par Anne Salliot (1994)

TROISIEME PARTIE : Exploration de l'instrument > Notation

3- Notation

Une mise en évidence de l'effet de percussion est nécessaire pour l'interprète. Passer d'un jeu arco ou pizz à un jeu de
percussion implique un système d'écriture particulier. La portée de cinq lignes peut disparaître, en même temps que la
notion de note. Kurtz utilise une clef spécifique, sur une portée de trois lignes, Druckman ajoute des lignes
supplémentaires sous la portée traditionnelle, ou inscrit un symbole sur celle-ci. Dans J'ai tant rêvé de Kanach, une voix
"percussion" se rajoute au système..

La notation des effets souhaités par le compositeur n'est pas standardisée comme nous l'avions déjà remarqué, pour
d'autres modes de jeux (cf. chapitre I, de cette même partie p.89).

Valentine de Druckman, Improvisations pour contrebasse seule de Kurtz utilisent des symboles se référant à une notice.
Les différences existant dans les gestes exigés, dans les effets, les degrés de précisions, empêchent d'aboutir à une
normalisation des symboles. Un même symbole peut également exprimer des modes de jeu différents. La croix
demande dans Valentine de "frapper sur la table avec le bout des doigts", alors que dans J'ai tant rêvé, le symbole ne se
réfère à aucune explication. "Jeu de vie" des Cinq Algorithmes de P. Boivin utilise ce même symbole pour un son joué col
legno tratto.

Toujours dans un souci permanent d'extrême précision, Zab de Boivin dote le symbole d'une explication textuelle, d'un
dessin du geste de la main, et de la localisation de l'endroit de frappe.

Exemple 1. Zab, de P. Boivin

Dans Lignes interrompues de J. Richer, le dessin apparaît dans la partition à l'endroit concerné, avec l'indication "fouillis
d'ongle".

Jean Marie Colin utilise le "texte programme-d'action'" dans Gestique 1 2.

Un tableau récapitulatif 3 répertorie les oeuvres concernées par ces modes de jeu percussifs, leur notation, leur effet.

Conclusion :

Une des préoccupations du compositeur est l'innovation notamment dans le domaine sonore, par l'exploitation
maximale des ressources de l'instrument. L'étude de quelques aspects de la contrebasse dans la musique
contemporaine, et particulièrement dans le répertoire pour contrebasse seule, pose le problème du "respect de
l'instrument, témoin d'une histoire spécifique." 4 Peut on considérer que la liberté totale d'utilisation des possibilités
d'un instrument, entraîne une "dissolution de toute tradition instrumentale" 5 ? Philippe Albera écrit à propos des
Sequenzas de Bério : "Le respect de l'instrument, de son histoire, s'affirme dans le fait que Bério n'a jamais cherché à
modifier les instruments d'une manière ou d'une autre (à l'exemple du piano préparé de John Cage). Les nouvelles
techniques de jeu apparaissent, comme une extension , non comme une modification." 6

Cependant, cette "extension", associée à une rupture de la frontière entre son et bruit, à une exploration extrême de
l'instrument, aboutit en fait à un éclatement de l'identité de l'instrument. "L'instrument reste limité, il a un ambitus très
vaste mais du point de vue de la puissance sonore, ce n'est pas une clarinette ou un trombone mais il y a dans mon
expérience de l'instrument à faire qu'il s'assimile à des tas d'autres instruments, d'autres sonorités pour finalement
aboutir à en faire une contrebasse transformée par ces identifications, ces extensions." 7

1- I. Stoianova. Geste texte musique. Paris : C. Bourgois, 1978, p. 86.


2- "Exécuter des effets variés sur la caisse et les différentes parties de l'instrument, bien marquer les différentes sonorités possibles."
3- Annexe 3, p. IX.
4- Philippe Albera. "Introduction aux neuf Sequenzas de Berio", Musique en jeu, 1, septembre 1983, p. 91.
5- Frédéric Stochl, entretien avec Jean-Pierre Robert. Modes de jeu de la contrebasse, éd. J. P. Robert, 1992.
6- Philippe Albera. Op. cit.
7- Frédéric Stochl. Op. cit.
Théâtre
I- Importance de la théâtralite dans le répertoire pour contrebasse seule
II- Les traditions du concert reniées
III- Le geste instrumental
IV- Le geste vocal
V- La relation instrument-instrumentiste

I- Importance de la théâtralité dans le répertoire pour contrebasse seule

L'élément théâtral est extrêmement présent dans les pièces pour contrebasse seule. Il semble d'ailleurs davantage
s'insérer dans un tel répertoire, que dans des pièces pour autres instruments à cordes. Plusieurs phénomènes peuvent
expliquer cette particularité du répertoire pour contrebasse seule.

A- Le contrebassiste

Kagel écrit à propos du contrebassiste : "Plus que d'autres, il est ouvert à toutes sortes d'expériences nouvelles parce
qu'il n'a pas de littérature."1 La pratique théâtrale, peut être considérée comme une "expérience nouvelle", qui suscite
largement l'intérêt du contrebassiste. Cette expérience correspond certes à un genre musical ouvert sur d'autres
formes d'art, mais elle constitue également un moyen de mettre en valeur le contrebassiste et son instrument, et de
faire découvrir des richesses insoupçonnées.

Joëlle Léandre faisant part de son expérience de contrebassiste d'orchestre observe que le fait même de "compter les
mesures trop souvent pendant que messieurs les violons se parlent et se répondent" peut créer "l'ouverture
d'entendre" et d'observer, (du haut du tabouret !) les autres instrumentistes, leurs "attitudes, tics et autres" 2. Cette
condition du contrebassiste dans l'orchestre attise encore sa curiosité et engendre une ouverture d'esprit plus grande.

D'autre part, la plupart des pièces pour instrument seul sont écrites pour un instrumentiste précis, ce qui favorise
encore le développement d'une écriture à tendance théâtrale. Philippe Boivin utilise ainsi les expressions physiques du
contrebassiste Jean Pierre Robert, dans l'oeuvre Zab. D'autres pièces sont également empreintes de la personnalité
même du contrebassiste.

B- La contrebasse

Jacques Demierre écrit à propos du théâtre musical de Kagel : "L'instrument n'est plus exclusivement de musique, il
peut devenir de théâtre, son échelle est mobile et s'adapte aux besoins du compositeur." 1 Tout instrument possède
ainsi des qualités théâtrales. La contrebasse pour plusieurs raisons, semble favorable à l'instauration d'une théâtralité.

Par tradition, la contrebasse est un instrument d' accompagnement. De ce fait, elle reste assez méconnue du public.
Les pièces pour contrebasse seule, apparues dans la seconde moitié du vingtième siècle permettent une mise en
valeur totale de l'instrument (et de l'instrumentiste). L'exécution de telles oeuvres revêt ainsi un aspect spectaculaire
car il y a au départ une mauvaise connaissance de l'instrument, de ses ressources spécifiques, ce qui engendre une
certaine curiosité de la part du spectateur.

Spectaculaires aussi sont ces modes de jeu apparus avec l'avènement d'un répertoire pour la contrebasse.
Spectaculaires par le geste qui les engendre, ou par leurs effets. Les dimensions de l'instrument sont responsables de
gestes parfois démesurés : jouer sur le cordier, la pique, ou le sillet oblige l'interprète à réaliser des gestes inhabituels
dans un jeu traditionnel. Les effets sonores, nous l'avons vu dans le chapitre consacré au timbre de la contrebasse,
sont des plus divers, et parfois encore favorable à l'effet théâtral. La contrebasse n'imite-t'elle pas tour à tour l'agneau,
le bébé, le tigre, le lion, dans La dernière contrebasse à Las Vegas, de E. Kurtz ? Ces effets sont parfois spectaculaires
mais pas systématiquement théâtraux, du moins dans l'intention du compositeur. Mais le public reçoit d'une façon
différente les sonorités, les effets visuels.

Par son aspect même, la contrebasse peut être considérée comme théâtrale. "La contrebasse, c'est gros, c'est lourd,
quand quelqu'un entre en scène, on a envie de rire... c'est burlesque en même temps." 2 explique Joëlle Léandre. Les
contrebassistes parlent de son "cou de girafe", de sa "petite tête"... La contrebasse est physiquement très présente.
Patrick Süskind exagère t'il alors vraiment lorsqu'il fait dire à son personnage dans La contrebasse, que cet instrument
est une personne supplémentaire dans une pièce : "elle est là qui surveille tout." 3 Et de même, lorsque E. Kurtz écrit
pour le récitant de La dernière contrebasse à Las Vegas : "Et si jamais vous vous sentez seul, elle vous tient compagnie
tellement bien." La contrebasse assure une présence dans l'espace, favorable à l'élaboration d'une oeuvre théâtrale.
Brian Ferneyhough écrit que "la prise de conscience de cette présence corporelle de l'instrument assimile celui-ci au
décor scénique.4

1- J. Demierre. "Mauricio Kagel, entre musique et théâtre", Contrechamps, 4, avril 1985, p. 102.
2- Joëlle Léandre. Documentation CDMC.
3- Patrick Suskind. La contrebasse, Paris : Fayard pour la trad. française, 1989, p. 27.
4- Brian Ferneyhough, entretien avec Philippe Albera. "Parcours de l'oeuvre", Contrechamps, 8, février 1988, p. 29.

1- Mauricio Kagel. Tam-tam, Paris : C. Bourgois, 1983, p. 135.


2- Joëlle Léandre. Documentation CDMC.

C- Les oeuvres concernées

Certaines oeuvres considérées dans cette partie revêtent quelques aspects théâtraux sans être réellement
apparentées au théâtre instrumental défini par Kagel. D'autres affichent plus franchement leur appartenance à un tel
genre. Dans tous les cas, deux éléments caractéristiques des tendances théâtrales se distinguent, qui impliquent une
nouvelle forme d'investissement de l'interprète :
- Le rejet des traditions du concert.
- La primauté du geste (geste instrumental, geste vocal).

Ces éléments constituent des critères décisifs dans le choix des oeuvres étudiées. Ils sont nécessaires (les deux
éléments ne sont pas systématiquement réunis) et suffisants pour engendrer des effets théâtraux. La théâtralité qui
s'instaure ne correspond pas systématiquement à l'effet recherché par le compositeur. Sharon Kanach écrit à propos
de J'ai tant rêvé : "Des éléments considérés comme extra-musicaux (présence de l'interprète dans l'espace, le corps de
l'instrument, voix de l'instrumentiste) sont intégrés pour définir un matériau purement musical et non pas théâtral."
Comment considérer alors l'entrée sur scène de l'artiste portant sa contrebasse comme une croix ?

Voici un tableau des oeuvres répertoriées. Les oeuvres Concerto pour piano et orchestre de John Cage, Sonant de Kagel
(pour guitare, harpe, contrebasse et instruments à peau) bien que n' appartenant pas au répertoire pour contrebasse
seule, sont prises en compte, car elles ont introduit le geste instrumental et théâtral dans l'oeuvre musicale.

Les aspects théâtraux sont mis en valeur par un geste vocal (v.), un geste instrumental (i.), ou les deux (i. v.).

i.
Date Oeuvre Compositeur i. v.
v.
Concerto pour
1959 Cage   X  
piano et orchestre
1960 Sonant Kagel X    
1968 Improvisations Kurtz   X  
1969 Valentine Druckman X    
Lignes
1974 Richer X    
interrompues
1975 Alice Finissy   X  
1976 Gestique I Colin   X  
1978 Comme Shirley Piechowska     X
1979 J'ai tant rêvé Kanach X    
1979 Piège I Richer   X  
1981 Zab Boivin X    
1986 Processus II Finzi     X
1990 Silence IV Léandre     X
1991 Taxi Léandre     X
La théâtralisation de l'oeuvre musicale implique plusieurs faits. L'instrumentiste devient instrument, il est sollicité non
seulement en tant que contrebassiste, mais également en tant que source sonore et théâtrale, comme son instrument.
La contrebasse, dont la présence scénique est alors réellement considérée comme moyen de créer des effets, évolue
dans l'espace. La notation est directement touchée par ces préoccupations (spatialisation, expressions théâtrales...).
Elle doit pouvoir répondre aux nouvelles exigences du compositeur, et traduire ses intentions, les plus extravagantes
parfois.
1- Sharon Kanach. Documentation CDMC.

II- Les traditions du concert reniées

Au concert, l'entrée sur scène de l'artiste, les prémices de l'exécution (installation de l'interprète, accord de
l'instrument), puis la sortie de l'interprète, sa prestation finie, constituent une part du rituel du concert. La musique
contemporaine rompt dans de nombreuses oeuvres avec ces traditions du concert.

A- Entrée et sortie de l'artiste

J'ai tant rêvé de Sharon Kanach est un exemple d'abandon volontaire des traditions du concert, dans l'arrivée et le
départ de l'instrumentiste : celui-ci entre sur scène portant la contrebasse comme une croix pour l'amener devant le
pupitre ; il quitte ensuite la scène en laissant traîner sa contrebasse derrière lui. Dans Piège I, J. Richer demande à
l'interprète de sortir sans son instrument, la contrebasse doit alors quitter la scène seule (tirée par des fils...). Citons
encore Suite surréaliste de Pillinger1, ou le contrebassiste sort de la housse de contrebasse en pyjama et bonnet de
nuit !

Ces déplacements de l'instrumentiste, ou de son instrument sont caractéristiques d'une recherche d' indépendance
face aux usages établis, mais ils ne sont pas spécifiés comme tels dans la partition. L'effet théâtral découle pour le
public inévitablement du reniement des traditions du concert. Le public applaudit lors de l'entrée ou delà sortie de
l'instrumentiste. Le spectateur est alors inscrit dans l'action de l'oeuvre, puisque ses réactions sont anticipées par le
compositeur, qui peut ainsi les exploiter. En 1965, la Sequenza III pour voix de Berio rend compte de cet axe de
recherche du compositeur ; lorsque la chanteuse entre, les applaudissements doivent recouvrir le début de l'oeuvre.

B- A propos des prémices du concert

L'accord de l'instrument, à l'aide des harmoniques pour la contrebasse, s'effectue fréquemment devant le public. Cette
action fait donc partie encore une fois du rituel du concert.

Improvisations pour contrebasse seule de E. Kurtz accorde une grande place à l'accord de la contrebasse. E. Kurtz écrit :
"L'interprète doit donner l'impression que l'oeuvre prend naissance à l'instant même où il accorde son instrument." 2
Trois parenthèses figurent alors dans la partition. La parenthèse A demande à l'interprète "d'attacher beaucoup de
soin à la vérification de l'accord, faisant preuve d'initiative et d'imagination... il est néanmoins reconnu d'observer une
certaine sobriété, un effet volontairement comique serait déplacé." Dans la parenthèse B, l'interprète vérifie de
nouveau la justesse des premières cordes. Malgré cette intégration de l'accord dans la partition, le compositeur signale
que l'oeuvre commence véritablement après la parenthèse C. 3 Cette attitude du compositeur semble quelque peu
ambiguë : l'effet comique est rejeté, l'oeuvre débute réellement après les différents accords, qui font pourtant partie
de cette œuvre ! En fait, le public reçoit le début de l'oeuvre avec une attitude de surprise, puisque le rituel de l'accord
est répété trois fois. J. M. Colin au cours de l'oeuvre Gestique I renouvelle également trois fois l'accord au cours de
l'oeuvre en spécifiant : "l'action doit être perçue par
l'auditeur."

L'accord, élément indispensable d'une représentation, devient un moyen de joindre l'utile (car l'accord garde sa
fonction première) au théâtral.

Le début de Valentine, de J. Druckman "petite pièce à la manière de Kagel" 4, constitue encore un exemple de rejet des
habitudes. Il est demandé au contrebassiste de jouer des séquences dans un ordre quelconque, à la la limite de
l'audible pour le public. Celui-ci doit donc percevoir la particularité de l'action de l'interprète ("the performer making
furiously passes at the instrument"5). Après vingt secondes de jeu théâtral, "plus visuel qu'auditif" 6, le contrebassiste
sans la moindre interruption, reprend "normalement" le cours de la pièce.
A l'interprète, est confié le rôle d'évaluer la proportion du comique, du théâtral, dans les effets recherchés par le
compositeur. Il s'agit d'une interprétation peu commune de la notation, qui peut résulter de la collaboration entre
compositeur et interprète.
1- Franz Pillinger compositeur et interprète, a remporté avec cette pièce le concours de composition organisé par MC2 Octo Bass. Suite surréaliste a été créée au festival
international de la contrebasse, à Avignon, août 1994.
2- Eugène Kurtz. Improvisations pour contrebasse seule, Pais : Jobert, 1968, notes d'interprétation.
3- Ibid.
4- (article non signé). "Festival", Le Monde, 29 juin 1984.
5- Jacob Druckman. Valentine, New York : MCA, 1970, notes d'interprétation.
6- Ibid.

III- Le geste instrumental

A- Présentation du geste

La volonté de mise en exergue du geste s'affiche avant de décrire le geste même, par des allusions diverses dans les
partitions : dans le titre (Gestique I, de Colin), dans la partition ("Gesti prima parte", Zab de P. Boivin), dans un avant-
propos ("De ton geste naît le son, de ce son vivra ton geste", Zab), par des effets de notation... L'interprète est averti
de l'importance qu'il doit accorder au geste. A propos du théâtre musical de Kagel, Jacques Demierre explique : "Le fait
que l'instrument devienne espace de jeu et que les mouvements des instrumentistes prennent une importance
structurelle n'est pas le fruit du hasard, mais résulte d'un continuité de pensée visant à élargir, dans une écriture
instrumentale, la notion de son et d'instrument."1 Jacques Demierre parle d' "élargissement", la théâtralisation du
geste ne constitue pas une rupture avec une écriture plus traditionnelle. Elle permet de faire prendre connaissance de
qualités diverses sonores et scéniques, de l'instrument. Ainsi, nous ne parlerons pas ici du geste de l'instrumentiste
strictement nécessaire à la production du son dans sa définition classique, mais de celui qui implique une dimension
théâtrale supplémentaire ; par la "continuité de pensée", il est parfois difficile de dresser une frontière entre le geste
purement instrumental et le geste théâtral. Tous deux peuvent avoir une fonction commune, celle de produire un son.

Le mode de jeu "mouvement circulaire de l'archet sur les cordes, avec déplacement touche-chevalet-touche" dans
Percorso F de Manzonni est spectaculaire ; le geste qu'il implique peut capter l'attention de l'auditeur-spectateur. Peut
on parler réellement d'un effet théâtral même succinct ? Kagel explique à propos du Concerto pour piano de J. Cage :
"Insensiblement, le public dirige son attention de plus en plus sur les actions des exécutants et néglige les bruits et les
sons qui en résultent"2 Bien que cette oeuvre (et comme certaines oeuvres du répertoire pour contrebasse seule) ne
s'apparente pas au genre du "théâtre instrumental", le geste théâtral agissant sur le public est présent. Son effet
sonore subsiste, mais pour le spectateur, il reste en arrière-plan au profit du geste qui l'engendre.

Zab de Philippe Boivin utilise beaucoup le mouvement de l'interprète, cette partition est ainsi souvent citée au cours
de ce chapitre, pour sa recherche de gestes, leur notation, le rôle de l'interprète... Voici un exemple éloquent de
l'importance du geste dans Zab :

Exemple1. Zab, de P. Boivin


L'expérience de l'enregistrement de Zab par le contrebasssiste jean-Pierre Robert témoigne de cette préoccupation du
rapport entre effet sonore et effet gestuel. L'interprète tente de transposer par les outils informatiques de
spatialisation l'émotion visuelle en émotion auditive.
1- Jacques Demierre. Op cit., p. 101.
2- Mauricio Kagel. "Le théâtre instrumental", Cahiers Renaud-Barrault, "La musique et ses problèmes contemporains", 1963, p. 289.

B- Notation du geste

La notation du geste est problématique car le geste implique la notion d'espace.

A propos de la notation chorégraphique (en danse, le mouvement est primordial) Paul Virilio explique : "L'espace, c'est
le mouvement, c'est la qualité d'un volume, donc c'est très difficile à noter." Toute manifestation gestuelle appartenant
à d'autres domaines (que celui de la danse cité ci-dessus), comme celui du théâtre musical, se confronte à des
problèmes similaires.

Les principes de notation peuvent de façon schématique se répartir en deux catégories , définies par la fréquence du
geste dans la partition. Un même mode de jeu repris plusieurs fois au cours de la même oeuvre, est souvent
représenté par un symbole dans la partition. Ce symbole (idéogramme, ...) renvoie à la notice , qui le rend explicite. La
notice précise l'intention du compositeur quant au mode de jeu, ou à l'effet sonore escompté.

Le geste théâtral est fréquemment associé au phénomène d'unicité. (Un geste peut ne pas être reproduit au cours de
l'oeuvre). Le geste est unique, et est alors rarement répertorié dans la notice. Citons cependant Piège I de Richer :
quelques chiffres romains (I à VI) s'intègrent dans la partition, renvoyant à la notice. Chaque chiffre n'apparaît qu'une
fois, chaque geste est unique.

Exemple :
II = "Passer l'archet dans la main gauche, le reprendre à la fin de la seconde ligne dans la main droite, lentement."
III = "décrire un demi-cercle de gauche à droite très lentement en tournant l'archet pour jouer crins et bois ; chacun
des gestes doit être suivi du regard par l'interprète, dont l'attitude doit être très soignée."

Dans d'autres oeuvres, le geste unique est défini dans la partition, à l'endroit concerné. La description peut être :
- texte seul
- dessin seul
- texte et dessin réunis pour exprimer un même geste

Le texte révèle des qualités différentes d'une pièce à l'autre. Sortant (Fin II) de Kagel (1960/...) est constitué
entièrement de textes où "il n'y a ni notes, ni signes graphiques, ou symboliques, ni aucune de toutes les dernières
conquêtes de la notation actuelle, mais où l'on trouve des mots qui décrivent des actions que les interprètes doivent
accomplir ensemble."2 Dans cette oeuvre, plusieurs éléments marquent l'importance du geste :

- le texte décrit des gestes qui impliquent "un certain résultat sonore prévisible" 3. Kagel ne part pas du son qui
suppose un geste, mais du geste qui produit un son.
Exemple : (partie de contrebasse) "retirez le doigt lentement pour produire comme un bruit de crécelle et tapez sur la
caisse de l'instrument avec la main droite."
- La séquence Fin II peut être jouée virtuellement, c'est-à-dire "en reproduisant exactement les mouvements
nécessaires à l'exécution du texte musical." 4
La présence d'un texte programme-d'actions, rattache l'oeuvre "exclusivement au théâtre instrumental qui considère
l'action comme l'aspect primordial du spectacle." 5 jean-Marie Colin, dans Gestique I alterne textes programmes-
d'actions, avec une notation plus traditionnelle. En début de partition, il spécifie : "Bien marquer les gestes". Ainsi,
l'interprète peut lire : "Tenir le do grave, jusqu'à la double barre, pizz même corde d'une seule main."

L'instruction peut traduire un effet plus visuel qu'auditif. Au début de J'ai tant rêvé, de S. Kanach "l'interprète doit
porter sa contrebasse comme une croix". La fin de l'oeuvre Lignes interrompues de J. Richer indique : "L'archet
continue sa course au-delà de l'instrument et reste fixe cinq secondes." L'effet théâtral se situe dans le prolongement
direct de l'effet sonore. Le geste qui a impliqué l'effet sonore est ainsi mis en valeur.

Le dessin est un autre procédé de traduction du geste. Le dessin peut être concret (représentation de la contrebasse,
de l'interprète), ou abstrait (dessin suggestif). Dans Zab, Alice, le dessin concret est très présent. La partition de Zab est
truffée de "petites figurines" qui s'intègrent à la notation purement musicale. "Le théâtre du Nô utilise un système de
représentation analogue."6 L'attitude du contrebassiste est représentée, jusqu'à certaines expressions de son visage.

Exemple 1. Zab de P. Boivin

Le mouvement (comme un ensemble de gestes) peut être suggéré par une décomposition des gestes, c'est-à-dire par
une succession de dessins.

Exemple 2. Zab, de P. Boivin

Souvent, le dessin s'accompagne d'un symbole suggestif, (flèche, courbe...) qui traduit l'idée de mouvement.

Dans l'oeuvre Lignes interrompues, de J. Richer, le geste est fréquemment suggéré, par des traits, ascendants,
descendants, obliques,... :

Exemple 3. Lignes interrompues, de J. Richer


Le texte s'associe également au dessin dans un même but, pour traduire l'intention du compositeur. Dessin et texte se
complètent.
Exemple 4. Piège I, de J. Richer

Une fois encore, le phénomène d'individualisation des systèmes de notation resurgit. Nous n'évoquons pas la notation
elle-même. Il ne peut y avoir unification des symboles puisque les procédés d'écriture sont eux -même différents d'une
pièce à l'autre. Texte, symboles, dessins, intégration ou non du geste dans la partition, représentent la diversité des
moyens d'écriture.

1- Paul Virilio, entretien avec Laurence Louppe. Danses tracées, Paris : Dis voir, 1991, p. 47.
2- Mauricio Kagel, "Le théâtre instrumental". Cahiers Renaud-Barrault, "La musique et ses problèmes contemporains ", 1963, p. 294.
3- Caroline Delume. "AproposdeSonant (1960/...) de Kagel", Cahiers du CREM, 4-5, juin septembre 1987, p. 84.
4- Ibid.
5- Ivanka Stoianova. Geste texte musique, Paris : C. Bourgois, 1978, p. 86.
6- Philippe Boivin. Notice CDMC.

C- Intention du geste

1 - Le geste et l'instrument

Kagel écrit à propos du mouvement de l'interprète : "L'idée fondamentale, c'est de mettre la source sonore dans un
état de modification : tourner, voltiger, glisser, cogner, faire de la gymnastique, se promener, remuer, pousser, bref tout
est permis qui influence le son sur le plan dynamique et rythmique ou qui provoque la naissance de nouveaux sons." 1
Kagel rappelle la relation entre le geste et le son engendré. Par le geste de l'instrumentiste, de nouvelles sonorités sont
créées. Tout geste est créateur d'un son, même si, comme nous l'avons dit précédemment, le spectateur n'en est pas
systématiquement conscient. Le geste de l'instrumentiste contribue à théâtraliser la contrebasse. La caisse par
exemple devient un lieu de cachette pour l'interprète. M. Finissy, dans Alice, demande à l'interprète de s'accroupir
derrière la contrebasse, en essayant de se cacher. Dans Zab, le contrebassiste doit jouer, la tête rentrée derrière la
caisse. Enfin, J. Richer suggère à l'interprète pour la fin de Piège I de s'allonger derrière son instrument.

Exemple 1. Alice, de M. Finissy

Le manche, les clefs de la contrebasse deviennent espace d'un jeu théâtral, toujours par le geste de l'interprète. Dans
l'exemple 1 p. 119 , la tête glisse le long du manche.

Exemple 1. Zab, de P. Boivin


La pique elle-même permet des mouvements de rotation de l'instrument. Exemple : Piège I de J. Richer
" Les fa # doivent être joués en faisant faire un tour complet à l' instrument sur lui-même. On peut inverser le sens."

Les exemples pourraient être multiples car chaque geste est unique.

Les exemples d'indépendance entre interprète et contrebasse sont rares. Le geste du contrebassiste existe pour la
contrebasse. Certains gestes, qui n'engendrent pas directement un son sont tout de même liés à la contrebasse.

Exemple. Zab, de P. Boivin

Certains sons en revanche, ne dépendent pas de l'instrument, lorsque l'interprète devient lui-même source sonore
(claquement de doigts, claquement de langue, utilisation de la voix), ou qu'il utilise un élément extérieur pour
produire un son.

Exemple : J'ai tant rêvé, de S. Kanach, où l'interprète doit accentuer ses pas.

Kagel écrit : "Les mouvements sont exécutés principalement par le musicien. Il est pour cela l'instrument idéal. En
outre, on peut imaginer l'emploi d'autres moyens [...]" 2 Il arrive alors que la contrebasse se déplace dans l'espace sans
l'aide du contrebassiste. A la fin de la pièce Piège I, la contrebasse doit quitter la scène. J. Richer suggère : "Couchée au
sol, à plat ou sur l'éclisse, la contrebasse est tirée à l'extérieur par un fil de nylon invisible. S'il y a des cintres, elle sera
tirée vers le haut." Ce dernier effet de la pièce est alors plutôt spectaculaire, par une sortie de scène non
traditionnelle, certes, mais aussi par l'envolée de cet instrument plutôt encombrant. Ces exemples d'indépendance de
la contrebasse par rapport au contrebassiste ne sont cependant pas très répandus.

2- Présence du geste dans l'espace

Par ses gestes, "l'interprète crée sa vie scénique de façon intense et nuancée" 3. Un espace scénique naît des
mouvements du corps de l'interprète, et par eux (le plus souvent) des déplacements de l'instrument. L'existence de cet
espace scénique implique inévitablement un élargissement de l'espace sonore, puisque le son est indissociable du
geste qui le produit. Kagel écrite propos du "podium", élément nécessaire à l'élaboration du théâtre musical : "Les
nouvelles pratiques d'exécution tendent à une synthèse du jeu instrumental, ce qui ne nécessite ni décors, ni
éclairages spéciaux, ni meubles, ni autres accessoires; la scène nue, la scène par elle-même offre un stimulant
suffisant."4 Dans les pièces pour contrebasse seule que nous étudions, la scène n'est effectivement pas encombrée
d'éléments "extra-musicaux". Zab impose certes une disposition scénique : un grand tapis, deux pupitres en bois côte
à côte ou une table basse (environ 50 cm du sol), un tabouret haut pour poser l'archet. La notice ne précise pas si "le
grand tapis" délimite un espace scénique, ou si les gestes du contrebassiste l'emmèneront au-delà de ce tapis. Dans j'ai
tant rêvé, de S. Kanach, le pupitre constitue une référence concrète dans l'espace scénique. Le compositeur demande
à l'interprète de rester à quelques pas du pupitre, puis d'amener la contrebasse devant le pupitre.

Les objets restent cependant fonctionnels, ils ne participent pas directement à l'action théâtrale. Le geste représente
ainsi l'élément primordial de l'occupation de l'espace.
1- Mauricio Kagel. "Le théâtre instrumental", Op. cit., p. 287-8.
2- Mauricio Kagel. "Le théâtre instrumental", Op. c it., p. 288.
3- Mauricio Kagel, "Le théâtre instrumental". Op. cit., p. 288.
4- Ibid, p. 289.

IV- Le geste vocal

Nous parlions jusqu'à présent du répertoire pour contrebasse seule, il conviendrait en fait de l'appeler répertoire pour
contrebasse et contrebassiste. Car le contrebassiste lui-même est sollicité pour pallier les besoin vocaux de certaines
oeuvres. Au geste instrumental évoqué ci-dessus s'ajoute un geste vocal.
Les recherches constantes de sonorités inouïes, la collaboration plus étroite entre compositeur et interprète favorisent
l'élaboration d'un tel répertoire. Donald Erb écrit à ce propos : "la musique est créée par l'interprète, elle vient de lui
plutôt que de son instrument. L'instrument est simplement un moyen. Alors il semble logique que tous les sons que
l'instrumentiste est capable de produire puissent être intégrés à une oeuvre musicale." 1 Une fonction essentielle de la
voix est de véhiculer un sens, par un discours verbal intelligible. Bien que présente dans certaines oeuvres sous cet
aspect, la voix peut se voir assigner un tout autre rôle, lorsque ses qualités verbales sont ignorées. L'instrumentiste
devient alors instrument. La voix est utilisée pour ses qualités timbriques et non plus pour ses qualités verbales.

A- Ressources vocales utilisées

1- Présence d'un texte

Regroupées dans ce même chapitre, les oeuvres suivantes ont en point commun, l'utilisation d'un texte par
l'intermédiaire du contrebassiste. Le texte constitue un intérêt dramatique, voire un fil conducteur dans l'oeuvre.
- Taxi de Joëlle Léandre,
- Comme Shirley de A. Piechowska,
- Lignes interrompues de J. Richer,
- Processus II de G. Finzi
- Essay de Lombardi

La récitation, la déclamation du texte ne sont pas systématiquement inhérentes au contrebassiste lui-même. A.


Piechowska précise que Comme Shirley peut être jouée par deux interprètes (un contrebassiste, un récitant) ou par un
seul interprète (un contrebassiste-récitant). De même pour l'oeuvre Lignes interrompues, il est possible d'utiliser une
bande avec le texte préenregistré, ou bien l'interprète ou une autre personne peuvent dire le texte en direct. Le texte
sans perdre pour autant de son importance ne mène pas d'action psychologique auprès d'un personnage déterminé.
Au contraire, dans La dernière contrebasse à Las Vegas, de E. Kurtz "sketch musical pour un homme , une femme, et
une contrebasse", chaque interprète est marqué par un rôle particulier, dépendant du texte. La femme (récitante) a un
problème psychologique. Le contrebassiste doit rester serein, imperturbable, il ne doit pas réagir aux propos de la
femme. La contrebasse est l'autre pôle d'attraction, c'est elle qui parle et réagit aux propos de la femme. Faire jouer
cette pièce par un unique exécutant serait impensable, ou alors, le sens en serait profondément modifié.

A propos de Taxi, J. Léandre ne cite qu'un seul interprète. Il "doit trouver son tempo, ses propres réactions au texte
parlé, tout en suivant le jeu de chaque partie musicale." 2 Processus II, Essay nécessitent également un interprète
unique pour la partie récitée ou chantée et la partie de contrebasse.

La nature du texte peut être différente d'une pièce à l'autre. Le texte de Taxi est un témoignage de la contrebassiste
elle-même (J. Léandre). : "Peut-on prendre un taxi lorsqu'on est contrebassiste ?" Il s'agit d'un assemblage de
réflexions de chauffeurs de taxi. "Cette pièce devrait se jouer avec l'authenticité qu'ont eue les taxis de Paris mais idem
j'imagine à New-York, Londres, Tokyo... ou bien Moscou !"3 Exemple :

"Qu'est-ce que c'est votre truc ?" "Ca doit pas rentrer dans beaucoup de voitures" "C'est pas souvent qu'on prend des
machins comme ça" [...]
"C'est un cadavre ?" "On attrape de gros bras avec ça"

Le thème du discours est donc directement lié avec celui de la contrebasse. La dernière contrebasse à Las Vegas
présente cette même caractéristique. Le texte des oeuvres Taxi et Processus II, bien que n'ayant pas le même sujet
initial, s'achève dans un drame commun, celui de la folie. La déstructuration des phrases, voire des mots, l'incohérence
du discours sont le reflet de cet état d'angoisse.
Exemple : Processus II, de G. Finzi "In qui sur quelque chose Remontera du trou pris traquenard"

Comme Shirley, de Piechowska est pourvue d'un poème de Michel Butor, chanté. Le texte de Lignes interrompues,
présente trois extraits d'un texte philosophique de Paul Kaufman tiré de L'expérience émotionnelle de l'espace.

Le texte à encore une présence différente dans Valentine de J. Druckman. Il s'agit d'instructions que le contrebassiste
doit lire : "chuchoter ces instructions de façon à peine audible, le plus vite possible...". Un procédé similaire existe dans
Sonant de Kagel. "Par contre, je vous prie Mr le contrebassiste de lire ce texte à haute voix pendant que vous jouez."Le
texte perd de son intelligibilité à l'audition ; car il est chuchoté dans Valentine, et mêlé à d'autres sons dans Sonant.
Cette utilisation de la voix dans ces deux oeuvres s'associe à des effets vocaux que nous étudierons dans une seconde
partie (partie 3-b).
1- D. Erb, cité par Bertram Turetzky. Op. cit. p. 44.
2- Joëlle Léandre. Taxi, Londres : Yorke, 1986, p. 1
3- Ibid.

2- La voix comme timbre supplémentaire

Privée de ses paroles intelligibles, la voix devient un instrument au même titre que les autres, ou plutôt elle semble le
devenir, comme nous le verrons plus loin. Quelques effets sont caractéristiques de l'élargissement de la fonction
traditionnelle de la voix.

En fait, le timbre traditionnel de la voix n'est pas rejeté. Comme nous l'avions vu pour le timbre traditionnel de la
contrebasse, il peut s'associer à une écriture contemporaine. Dans Valentine (Druckman), J'ai tant rêvé (Kanach),
Processus II (Finzi), Silence IV (Léandre), le timbre traditionnel de la voix est accompagné de syllabes diverses, ou mots
emprunts au langage courant (sans rapport sémantique).

Exemple 1. Silence IV, de J. Léandre

L'interprète n'assure pas une fonction de soliste. La voix, même dans une technique traditionnelle constitue alors un
complément de timbre. Nous pouvons rapprocher cette utilisation de la voix, du quatuor de Betsy Jolas pour soprano
et trois instruments à archet. Bien que souhaitant traiter la voix comme un instrument, Betsy Jolas ne parvient pas à lui
ôter toute connotation extra-musicale, parce que "la voix est une émanation permanente de la vie, une des preuves de
notre existence."1

Dans d'autres séquences, la voix utilise ce pouvoir émotionnel, expressif de façon explicite. Il existe "au delà des mots,
un lien étroit entre le timbre de la voix et différents états expressifs [...]" 2 Ainsi Macknongam de Scelsi ne semble pas a
priori appartenir au genre du théâtre musical. Pourtant la présence d'un cri, renouvelé plusieurs fois au cours de
l'oeuvre, engendre une dimension extra-musicale extrêmement marquante. De même, le début de l'oeuvre J'ai tant
rêvé de Kanach indique : "faire un râle en aspirant". L'interprète réalise une recherche de timbre sur sa propre voix,
pour tenter de s'approcher au maximum de l'intention du compositeur. Il doit transmettre au spectateur-auditeur une
information expressive. A l'inverse, si l'indication d'un état implique un timbre caractéristique, le mode de jeu peut
suggérer à l'interprète (d'une façon alors subjective, si le compositeur ne donne pas d'autres indications que celle du
mode de jeu) ou à l'auditeur, un état expressif.

Exemple 1. Valentine, de J. Druckman

Nous pourrions par exemple traduire le son vocal entendu par un effet de surprise 3. Pour l'auditeur quelle que soit la
notation, la voix garde son pouvoir suggestif.

Outre ces effets émotionnels, la voix sous-entend des effets instrumentaux. Comme la contrebasse, elle semble se
faire percussion. Dans la notice de Zab , Philippe Boivin écrit : "En général, la voix est traitée comme un complément
de timbre à la percussion." De même, certaines onomatopées doivent être comprises comme un apport d'énergie
supplémentaire aux percussions. Sans parler directement d'effets percussifs de la voix, ceux ci sont suggérés.
L'exemple ci-dessous tend encore à faire de la voix un complément de timbre percussif.

Exemple 2. J'ai tant rêvé, de S. Kanach

Comme le geste instrumental, chaque geste vocal est unique. Il existe une multiplicité d'effets vocaux, qui ne sont pas
répertoriés dans ce chapitre. Pour une mise en parallèle entre voix et contrebasse, il était important de privilégier
quelques effets particuliers. Un tableau4 permet de prendre connaissance d'autres effets vocaux rencontrés dans le
répertoire pour contrebasse seule.
1- Betsy Jolas. "Voix et musique", Revue des sciences humaines, 20, janvier- mars 1987, p.121.
2- Ibid., p. 128.
3- Dans l'interprétation de Joëlle Léandre, CD "Joëlle Léandre, contrebasse et voix".
4- Annexe 4 p. X.

B- Le rapport texte-musique

"La voix parlée ou chantée peut ajouter une partie supplémentaire à l'oeuvre, renforcer les sons produits par
l'instrument, les colorer, se combiner à eux, ou même naître d'eux" 1.

L'instrumenta archet laisse une "entière" liberté vocale à l'instrumentiste, (en opposition à l'instrument à vent, qui
cependant n'empêche pas l'interprète de chanter et jouer simultanément, créant des sonorités exceptionnelles).
Contrebasse et voix peuvent s'associer simultanément sans que leurs timbres respectifs soient altéré.

1- La contrebasse, complémentaire du texte

L'oeuvre Taxi de Joëlle Léandre est dotée d'un texte dont l'idée générale s'apparente directement à la contrebasse.
Ainsi, avant toute analyse musicale, un lien s'instaure entre le texte et l'instrument. La contrebasse constitue un
support visuel, une illustration des propos récités par l'interprète. En cela, nous pouvons déjà dire que la contrebasse
figure le texte. La dernière contrebasse à Las Vegas de E. Kurtz présente cette même caractéristique, puisque le texte
est une conférence sur la contrebasse. La contrebasse a pour mission de justifier les paroles prononcées par la
récitante :

Exemple 1. La dernière contrebasse à Las Vegas, de E. Kurtz

Si ces procédés de concrétisation du texte sont évidents dans cette oeuvre, ils dépendant davantage de la sensibilité de
chaque auditeur dans Taxi, de J. Léandre ou dans Processus II de G. Finzi. Dans Taxi, une des réflexions (rapportée par
le compositeur) d'un chauffeur est : "On ne peut pas jouer tout seul ! " Puis sont évoquées avec ironie les "cordes
vocales" de la contrebasse. Comme pour se justifier face à ces propos désobligeants proférés à son égard, la
contrebasse déploie une phrase chargée de lyrisme (timbre traditionnel, registre aigu, valeur longue, vibrato). Dans
Processus II, l'interprète récite : "Impression de buter sur quelque chose." La contrebasse bute elle aussi sur un motif
de deux notes :

Exemple 2. Processus II, de G. Finzi

La contrebasse témoigne également de l'état psychologique de l'interprète-récitant (acheminement vers un état de


folie dans Taxi, Processus II). Dans Taxi, on assiste certes à un resserrement de l'écriture, mais moins spectaculaire que
dans Processus II. Au début de cette pièce, la contrebasse adopte un jeu calme et imperturbable (malgré les propos
déjà angoissants du récitant). Avec le discours incohérent de l'interprète, elle se "déchaîne". Cette folie de l'instrument
se traduit par une montée vertigineuse dans l'extrême aigu ("Monter le plus haut possible"), dans une nuance fff.
D'autres procédés se succèdent et qui mettent en valeur l'état du personnage.
1- Anne Penesco. Les instruments à archet dans les musiques du vingtième siècle, Paris : Champion, 1992, p. 295.

2- Procédés d'imitation

Une analyse des deux parties contrebasse et voix, fait apparaître que cette dernière elle-même cherche à reproduire
par ses propres moyens quelques sonorités de la contrebasse. Comme par mimétisme, la voix s'associe aux jeux de la
contrebasse. Les oeuvres Zab, de P. Boivin, J'ai tant rêvé de S. Kanach, Valentine de J. Druckman, semblent être les plus
représentatives de cette tendance. A propos de cette dernière pièce, Bertram Turetzky précise que la voix semble
provenir de la contrebasse1.

Exemple 1. Valentine de J. Druckman

Exemple 2. id.

Exemple 1 : Le jeu col legno, spécifique aux instruments à archet est présent dans la partie de contrebasse mais
également dans la partie vocale. Celle-ci utilise des syllabes choisies, pour refléter la légèreté du mode de jeu, et le
rebond de la baguette sur la corde. L'écriture montre deux mouvements parallèles descendants.

Exemple 2 : La voix, par une onomatopée, et le signe (son nasal), semble encore imiter la contrebasse, qui exécute
avant un "pizz-glissando".
Nous avons déjà évoqué l'utilisation de la voix comme complément de la percussion dans Zab. Le compositeur insiste
alors sur l'énergie qui doit alors être apportée par l'interprète dans ses effets vocaux ("un apport d'énergie
supplémentaire à la percussion [...] toute l'énergie est obtenue par de violents coups de diaphragme"). Marquant
encore le rapport entre la partie de contrebasse et la partie vocale, Philippe Boivin exige que"les expirations (aient)
toujours lieu pendant les frappes de la main droite, et les inspirations pendant les coups de main gauche. Les doigtés
de percussion induiront donc tout naturellement l'alternance expiration/inspiration. " 2

Dans Valentine de J. Druckman, J'ai tant rêvé de S. Kanach, elle ne semble plus constituer un renfort de la partie de
contrebasse, comme dans Zab de P. Boivin, mais une partie indépendante.

L'association de deux timbres traditionnels, ne résulte plus certes d'effets d'imitation, mais toujours d'une recherche
de symbiose, de correspondance entre la partie vocale, et la partie de contrebasse. Dans les années quarante, certains
contrebassistes de jazz utilisent cette technique de jeu qui consiste à jouer et chanter en même temps. "Slam Stewart
est surtout connu pour la manière dont il fredonne la ligne de basse qu'il joue à l'archet, provoquant ainsi un effet
évoquant le bruit d'une abeille [...]" Si les effets recherchés dans des oeuvres telles que Valentine, Silence IV, Processus
II, ne correspondent pas aux effets produits par les jazzmen, nous retrouvons une même idée : celle de ne pas
privilégier un timbre par rapport à l'autre.

Exemple 1. Silence IV de J. Léandre.

Dans cet exemple, plusieurs éléments favorisent la recherche de symbiose entre l'interprète et la contrebasse :
- recherche d'homogénéité rythmique entre les deux parties
- utilisation de registres communs (registre aigu pour la partie vocale et la partie de contrebasse, avec l'emploi
d'harmoniques).

Les valeurs de notes longues permettent d'apprécier chaque sonorité engendrée par l'association de deux timbres
différents.

Le double rôle de l'interprète marque l'avènement d'une nouvelle virtuosité. Malgré le rapport qui s'instaure entre
voix et contrebasse, l'interprète, au-delà des difficultés de chaque partie, doit maîtriser l'indépendance entre son geste
vocal et son geste instrumental.
1- Bertam Turetzky. Op. cit., p. 46.
2 -Philippe Boivin. Zab ou la passion selon Saint Nectaire, inédit, notes d'interprétation.

V- La relation instrument-instrumentiste

La littérature pour instrument seul contribue à l'élaboration d'une relation entre interprète et instrument.

Au répertoire pour contrebasse seule, on associe la présence d'un soliste sur scène. En fait, l'interprète n'est pas
soliste, il est "duettiste", ce qui suppose une relation déjà existante entre l'interprète et son instrument. Joëlle Léandre
explique : "Dans duettiste, il y a duo et duel [...] avant de parler au public, je parle à ma basse, elle est mon
partenaire."1 Pour la contrebassiste, un instrument moins imposant, moins présent physiquement, que la contrebasse,
ne peut donner d'emblée cette même impression de deux "êtres" sur scène.

Dans le déroulement de l'oeuvre, un relation s'instaure dès l'instant où le contrebassiste prend conscience que de son
propre geste naît le son. Le théâtre musical accorde une importance majeure à cette liaison entre le geste et le son
engendré, donc à la relation entre l'instrumentiste et son instrument. De même, lorsque l'interprète devient source
sonore lui-même, de nouveaux liens se créent entre le contrebassiste et son instrument : lien sémantique, lien de
complémentarité de deux sources sonores.

Une autre dimension nous intéresse particulièrement dans ce chapitre : la relation psychologique entre l'interprète et
sa contrebasse, notamment dans les oeuvres suivantes :
- Valentine de J. Druckman
- Alice de M. Finissy
- Zab de P. Boivin

La relation psychologique s'instaure avec l'apparition de véritables sentiments de l'interprète envers sa contrebasse.

Le regard du contrebassiste est un des éléments de la relation instrument-instrumentiste dans Zab et Alice. Le regard,
lorsque l'écriture le spécifie et le met en valeur, constitue un symbole d'attachement à l'instrument. En même temps, il
représente une attention particulière de l'interprète pour la contrebasse, un procédé pour l'explorer, la connaître
davantage. Dans Alice, le compositeur ne demande pas explicitement au contrebassiste de regarder son instrument,
mais de garder les yeux ouverts en faisant face directement à la contrebasse. Puis vers la fin de l'oeuvre, l'interprète
doit détacher son regard de la contrebasse. L'action de regarder s'inscrit dans une évolution explicite du
comportement du contrebassiste face à son instrument. Dans Zab, le regard est également sollicité : regard sur la
"tête" de l'instrument, sur les clefs, regard à travers l'archet. Le regard est lié à d'autres actions, comme celle de faire
pivoter la contrebasse, celle de frapper la contrebasse.

Exemple 1. Zab, de P. Boivin

Dans Alice, une relation de tendresse transparaît, par le jeu théâtral du contrebassiste et la présence de la contrebasse.
La pièce entière semble être une confrontation entre les deux acteurs. Une véritable dramaturgie s'impose de façon
explicite aux yeux du spectateur. Plusieurs gestes s'enchaînent, donnant un véritable sens aux actions de l'interprète :
- "Prendre le bout de l'archet dans la bouche, faire semblant de le mâcher."
- "Expression de l'incapacité à déterminer le plaisir provoqué par la pause chewing. "
- "Alors finalement, dégoût."
- "Laissez l'archet, dégoûté sur le plancher."
- "Brève pause pendant que vous considérez votre action."
- "Alors penchez vous en avant et tendrement, embrassez les épaules de la contrebasse."
- [•••]
- "Serrez la contrebasse, passionnément, embrassez-la, les yeux fermés, puis émettez un gargouillement (gurgling) de
plaisir."

Plusieurs actions sont concrétisées par un dessin (exemple du contrebassiste enlaçant sa contrebasse).

Exemple 1. Alice, de M. Finissy


Le comportement de l'interprète face à son instrument est encore suggéré dans Zab. Le contrebassiste doit être
affectueux (con affeto). Un dessin montre alors (similitude avec Alice) l'expression du visage que l'interprète doit
adopter.

Exemple 1. Zab, de P. Boivin

Dans Valentine, (de J. Druckman), la relation semble plus forte encore qu'une relation de tendresse. Valentine, c'est
pour le jour de la Saint-Valentin, patron des amoureux. Le compositeur écrit que "l'homme doit assaillir son
instrument". 2 De l'investissement extrême du contrebassiste, qui "attaque l'instrument avec l'archet, avec une
baguette de timbales [...]"3, de son utilisation comme source sonore découle cette relation, plutôt tendancieuse. Zab
aussi représente un véritable corps à corps avec l'instrument. L'interprète joue debout, à genoux, couché, avec sa
contrebasse qui suit ses mouvements. N'oublions pas le titre véritable de l'oeuvre : "Zab ou la passion selon Saint
Nectaire".

Une écriture "traditionnelle" marque déjà inévitablement la relation instrument-instrumentiste, par l'investissement
de l'interprète, l'allure de l'instrument. L'écriture théâtrale contribue largement au développement de cette relation, le
geste de l'interprète traduit des actions psychologiques, qui impliquent une confrontation réelle entre le
contrebassiste et son instrument.

Conclusion :

Contrebasse et contrebassiste sont favorables aux effets théâtraux. La contrebasse, par sa forme même, le
contrebassiste par sa curiosité, son désir de voir son instrument mis en valeur. Pour le public, cette nouvelle
sollicitation de son attention, de sa participation, offre un regain d'intérêt. L'effet théâtral instaure une relation entre le
public et l'oeuvre exécutée, que le développement d'oeuvres dites "hermétiques" avait rompu.
1- Joëlle Léandre. Entretien, août 1994.
2- J. Druckman, Valentine, New York : MCA, 1969.
3- Ibid.

Conclusion
Jusqu'alors relégués au fond de l'orchestre, ou parfois solistes accompagnés (pièces pour contrebasse et piano, ou
pour contrebasse et orchestre), contrebasse et contrebassiste affrontent à présent, seuls, la scène. Le développement
d'un répertoire pour contrebasse seule n'a pu être abordé sans évoquer quelques aspects de son passé. Celui-ci révèle
effectivement une situation particulière. Instrument d'orchestre, la contrebasse parvient difficilement avant le
vingtième siècle à se détacher de considérations malveillantes proférées à son égard. Quelques contrebassistes
virtuoses ont su convaincre un public surpris de découvrir les richesses de cet instrument "d'orchestre". Cependant, il
ne parvient pas à cette époque à s'imposer comme instrument soliste. Le passé de la contrebasse à lui seul pourrait
ainsi justifier le désir de développer un répertoire pour contrebasse seule. D'autres facteurs contribuent encore à la
mise en place du répertoire pour instrument seul.

L'effet sonore et l'effet théâtral se dégagent plus particulièrement de l'exécution de pièces pour contrebasse seule. Ils
résultent d'une démarche compositionnelle, ou stimulent cette même démarche.

L'effet sonore provient avant tout d'une recherche constante de timbres inouïs. Avant même de s'attacher à une
exploration maximale des ressources instrumentales, l'effet sonore original s'impose, parce que la contrebasse est
seule, écoutée pour elle-même. Puis de la recherche de sonorités nouvelles découlent des modes de jeu divers , (du
mode de jeu traditionnel au mode de jeu extravagant). L'effet sonore est lié au geste qui l'accompagne. Cette prise de
conscience de la relation geste-son suggère deux démarches différentes : la pensée d'un geste peut provoquer un son ,
la pensée d'un son peut induire un geste. Dans ces deux processus, la sonorité est affectée. L'effet sonore résulte
encore du type d'écriture adopté : écriture polyphonique (exemple de l'effet "d'amas sonore"), recherche de la
profondeur du son... L'impact de l'effet sonore est permanent.

L'effet théâtral peut être réellement recherché ou alors il peut s'imposer comme une conséquence inévitable de
l'écriture pour instrument seul. Dans les deux cas, il résulte d'un investissement hors du commun de l'interprète. Ainsi,
la virtuosité "performance technique", caractéristique de la plupart des oeuvres pour instrument seul, entraîne
l'interprète aux confins de ses possibilités. De cette sollicitation extrême découle une théâtralisation de la pièce. La
fonction de l'interprète s'élargit : le contrebassiste "traditionnel" devient lui même source sonore, et acteur, par
l'importance accordée à son geste. Cette nouvelle forme d'investissement suscite encore l'effet théâtral.

Effet sonore et effet théâtral ont ainsi constitué deux directions dans notre étude des oeuvres pour contrebasse seule,
au détriment peut-être des aspects spécifiques de chaque oeuvre : les séquences d'"harmoniques éthérées" de
Théraps de Xénakis , la construction parabolique de Episode huitième de Betsy Jolas, les éléments purement musicaux
d'Alice M. Finissy... sont passées sous silence.

De même nous avons évoqué le répertoire pour contrebasse seule, comme témoin d'un regain d'intérêt pour cet
instrument. Cependant, cette littérature est loin de constituer l'unique intérêt du répertoire. Pour une étude
approfondie de la situation de la contrebasse au vingtième siècle, il s'avérerait enrichissant de considérer tous les
genres de musique (musiques improvisées, musiques écrites), et dans des formations les plus diverses.

- contrebasse et dispositif électronique, contrebasses électriques


- contrebasse, et ensembles instrumentaux. La contrebasse peut être soliste, ou mêlée à d'autres
instruments. A-t-elle alors une fonction particulière ?
- ensembles de contrebasses (Orchestre de contrebasses, Carré de basses, oeuvres pour plusieurs
contrebasses...)

Enfin, le comportement spécifique des contrebassistes (dynamisme, potentiel créatif...)pourrait constituer un nouvel
axe de recherche dans l'étude de la situation de la contrebasse.

L'existence d'associations telles que l' International society of bassists aux Etats-Unis, l'Association des contrebassistes
de France, MC2 Octo-Bass, la mise en place de festivals et de rencontres (Festival international de la contrebasse,
Rencontres internationales de contrebasses de Cap Breton), l'illustrent admirablement.
1- Barry Guy, cité dans Xénakis. Théraps, Paris : Salabert, 1976, notes pour l'interprétation.

Bibliographie
I-Partitions musicales et enregistrements sonores
II- Ouvrages généraux et spécialisés

I- Partitions musicales et enregistrements sonores

APERGHIS, G. La signature, la date, etc., Paris : Salabert, 1985.


BOIVIN, P. Cinq algorithmes, Paris : Salabert, 1991.
BOIVIN, P. Zab, ou la passion selon Saint Nectaire..., inédit. *
DAO, Nguyen Thien . A. MI. K. Giao Tranh, Paris : Salabert, 1976. *
DONATONI, F. LEM, inédit. *
DUSAPIN, P. In et Out, Paris : Salabert, 1990. *
DRUCKMAN, J. Valentine, New York : MCA, 1969. **
ELLIS, D. Sonata op. 42, Londres : Yorke, 1978.
FERNEYHOUGH, B. Trittico per G. S., Londres : Peters, 1989.
FINISSY, M. Alice, Munich : Modem, 1975.
FINZI, M. Processus II, Inédit. *
HENZE, H. Sérénade für Kontrabass, Mainz : Schott, 1949.
JOLAS, B. Episode huitième, Paris : Leduc, 1984. **
KANACH, S. J'ai tant rêvé, inédit. **
KURTZ, E. Improvisations pour contrebasse seule, Paris : Jobert, 1968.
LEANDRE, Joëlle. Silence IV, inédit.
LEANDRE, J. Taxi, Mainz : Schott, 1991. ***
MANZONNI, G. Percorso F, Milan : Ricordi, 1976.*
MASTROGIOVANNI, M. Capriccio , inédit*
MEIER, D. Crypte, inédit. *
MONNET, M. Fantasia Oscura, Paris : Salabert, 1989. *
PIECHOWSKA, A. Come Shirley, inédit. *
RICHER, J. Lignes interrompues, inédit*
RICHER, J. Piège I, inédit. *
SCELSI, G. Maknongam, Paris : Salabert, 1986. **/****
SCELSI, G. Mantram, inédit. ****
SCELSI, G. Nuits, Paris : Salabert, 1988. **/****
SCHROEDER, H. Sonate für Kontrabass, Wiesbaden : Breitkopf und Härtel, 1975.
TAIRA, Y. Convergence II, Paris : Rideau Rouge, 1977.
XENAKIS, I. Théraps, Paris : Salabert, 1976. * ,
ZBINDEN, H. Hommage à J. S. Bach op. 44, Wiesbaden : Breitkopf und Härtel, 1969.

* : enregistrements disponibles au Centre de musique contemporaine (CDMC, Cité de la musique - 16, place de la
fontaine aux lions - 75019 Paris), CD non réédités, ou audio-cassettes Radio-France.

** : Joëlle Léandre, Contrebasse et voix. ADDA, p 1988. 1 d.c. (56min ) + 1 livret (7 p.). Contient : Episode huitième de
Betsy Jolas, C'est bien la nuit, Le réveil profond, de G. Scelsi, The wonderful window de J. Cage, Valentine de J.
Druckman, Réflexions de J. Léandre, Naked Angel face, de S. Bussoti, Macknongam de G. Scelsi, A flower, de J. Cage,
J'ai tant rêvé, de S. Kanach.

*** : Joëlle Léandre, Urban Bass. ADDA, p 1991. Id. c. (62 min) + 1 livret (7 p. ). Contient : Ouverture, Témoignage, Taxi,
Séraphine duo, Part two, Part Three, Final, Cri, Bass drum, de Joëlle Léandre.

**** : Giacinto Scelsi/Joëlle Léandre. Hat hut, p 1993. Id. c. (62 min 38 s) + 1 livret (7 p. ). Contient : Macknongam pour
contrebasse, Tre pezzi, Wo ma, C'est bien la nuit, Le réveil profond, Macknongam pour tuba, Et maintenant c'est à vous
de jouer, Ockanagon, Mantram, de G. Scelsi.

II- Ouvrages généraux et spécialisés

ALBERA, Philippe. "Introduction aux neuf Sequenzas", Musique en jeu, 1, septembre 1983, (90-122).
ALBERA, Philippe. "Parcours de l'oeuvre", Contrechamps, 8, février 1988, (8-40).
BAYER, Francis. De Schoenberg à Cage, Paris : Klincksieck, 1981.
BERENDT, Joachim-Ernst. Le grand livre du jazz, éd. du Rocher pour la trad. française, 1986.
BOIVIN, Philippe. Documentation CDMC.
BOSSEUR, Jean- Yves et Dominique. Révolutions musicales, Paris : Minerve, 1986.
BOULEZ, Pierre. Penser la musique aujourd'hui, Mayence : Gonthier, 1963.
BRUN, Paul. Histoire des contrebasses à cordes, Paris : La flûte de Pan, 1982.
CADIEU, Martine. "Entretien avec Betsy Jolas ", Les lettres françaises, février 1968.
CADOZ, Claude. "Réalité du timbre ? Virtualité de l'instrument !", Analyse Musicale, 18, janvier 1990, (68-72).
CHAMBURRE, Alain de. "Contrebasse", Encyclopédie de la musique, dir. F. Michel, Paris : Fasquelle, 1958-61, vol.1,
(583-4).
CONDE,Gérard. Le monde, supplément radio-télé 9-25 novembre 1990.
CORETTE, Michel. Méthode pour apprendre la contrebasse à 3, 4, ou 5 cordes, Genève : Minkoff, 1977. fac. sim. de l'éd.
Paris, 1 781.
DELUME, Caroline. "A propos de Sonant (1960/..) de Kagel", Cahiers du CREM, 4-5, juin septembre 1987, (81-94).
DEMIERRE, Jacques. "Mauricio Kagel entre musique et théâtre", Contrechamps, 4, avril 1985, (100-6).
ELGAR, Raymond. Introduction to the double bass, Sussex : R Elgar, 1960.
                                Looking at the double bass, Sussex : R. Elgar, 1967.
                                More about the double bass, Sussex : R. Elgar, 1963.
FRANÇOIS, Jean-Charles. Percussion et musique contemporaine, Paris : Klincksieck, 1991.
GAUDRY, Michel. "La contrebasse chez Duke Ellington", Jazz magazine, 510, mai 1994(28-33).
GOUFFE, Achille. 45 études pour la contrebasse, Paris : Billaudot, 1983.
HALBREICH, Harry. "Giacinto Scelsi", journal de la fondation de Royaumont, 2, (2-6).
HODEIR, André. Hommes et problèmes du jazz, Marseille : Parenthèses pour la trad. française, 1981.
JOLAS, Betsy. "Voix et musique", Revue des sciences humaines, 205, janvier mars 1987, (121-29).
KAGEL, Mauricio. "Le théâtre instrumental", Cahiers Renaud-Barrault, "La musique et ses problèmes contemporains",
1963.
KAGEL, Mauricio. Tam tam, Paris : C. Bourgois, 1983. KANACH, Sharon. Documentation CDMC.
KOECHLIN, A. Traité d'orchestration, Paris : Eschig, 1954-55.
LEANDRE, Joëlle. Documentation CDMC.
LEANDRE, Joëlle. "Profil : Joëlle Léandre", La revue de la contrebasse en France, 6, juin juillet 1994, (4-9).
LOUPPE, L , DOBBELS, D. , VIRILIO,P. , et al. Danses tracées, Paris : Dis voir, 1991.
MATHON, Geneviève. Les rumeurs de la voix, thèse de doctorat, Paris VIII Saint Denis, 1988.
MURAIL, Tristan. "La musique de Scelsi", Journal de la fondation de Royaumont, 2, (9-12).
NICOLAS, François. "L'éloge de la complexité", Entretemps, 3, février 1987, (55-68).
NICOLAS, François. "Visages du temps, rythme timbre et forme", Entretemps, 1, avril 1986, (35-53).
PENESCO, Anne. Les instruments à archet dans les musiques du vingtième siècle, Paris : Champion, 1992.
RABBATH, François. Nouvelle technique de la contrebasse, Paris : Leduc, 1977.
RESTAGNO, Enzo. "Giacinto Scelsi et les sphinx sonores", livret du CD "Giacinto Scelsi", Salabert actuel, 1990.
ROBERT, Jean-Pierre. Modes de jeu de la contrebasse, éd. j. P. Robert, 1992.
SCHOENBERG, Arnold. Traité d'harmonie, Paris : J. C. Lattes pour la trad. française, 1983.
SHIMPTON, Alyn. "Double bass", New Grove jazz, Londres : Mac Millan, 1988.
STOIANOVA, Ivanka. Geste texte musique, Paris : C. Bourgois, 1978.
STOIANOVA, Ivanka. "Luciano Berio, des chemins en musique", La revue musicale, 375-7, 1985.
SÙSKIND, Patrick. La contrebasse, Paris : Fayard pour la trad. française, 1988.
TURETZKY, Bertram. Conférence, Festival international de contrebasse, Avignon, août 1994.
TURETZKY, Bertram. The contemporary contrabass, Berkeley : University of california Press, 1974.
VARESE, Edgard. Ecrits, Paris : C. Bourgois, 1983.
VIVIER, Odile. "Innovations instrumentales d'Edgard Varèse", La revue musicale, 226, 1955, (188-197).
VRIEND, Jean. "Le monde ouvert des sons et ses ennemis", Entretemps, 3, février 1988, (77-104).
WEID, Jean-Noël von der. Livret du CD "Joëlle Léandre contrebasse et voix", 1988, p. 2.

Annexes

Table des annexes


Annexe 1- Liste des oeuvres pour contrebasse seule
Annexe 2- Quelques modes de jeu "exceptionnels"
Annexe 3- Modes de jeu percussifs
Annexe 4- Modes de jeu vocaux

Annexe 1- Liste d'oeuvres pour contrebasse seule

COMPOSITEUR Titre de l'oeuvre (Edition de la partition, année)*


ACKER Oraker 1974 (Yorke, 1974)
ALKEMA Solo (Donemus, 1973)
APERGHIS La signature, la date, etc.. (Salabert, 1985)
BAINES Grounds (Yorke)
BOIVIN Cinq algorithmes (Salabert, 1990)
BOIVIN Zab, ou la passion selon Saint Nectaire (1991)
BOSSEUR Sans partage (1994)
BUSSOTI Naked Angel Face (1982)
CAGE 59" 1/2 ' (1953)
CAGE 26'1. 1499 for a string player (Peters, 1955)
CAGE Solo for double bass (Peters, 1969)
CALTABIANO Ellington Sonata
CAMPANA Intersicios
CHIHARA Logs (Peters, 1969)
CHILDS Jack's new bag (American composer alliance, 1967)
CHILDS Mr T, his Fancy (American composer performer, 1966)
CHILD Sonata for Bass Alone (Mc Ginnis and Marx, 1960)
COLIN Gestique I (1976)
CLEMENTI Canzona
CORNELISSEN Double bass dexterity (Donemus, 1977)
CORNELISSEN Musical magazine (Donemus, 1977)
CORNELISSEN Short therapy (Donemus, 1 981 )
CORNELISSEN The anniversary song (Donemus, 1976)
DAO A. Mi. K. Giao Trahn (Salabert, 1976)
DEAK Color Studies for contrabass (1969)
DENHOF Meine kleine Haffner-Serenade (Breitkopf, 1978)
DENIS Deux pièces pour contrebasse seule (Rideau rouge)
DONATONI Lem (1983)
DOWNEY Silhouette (Theodor press)
DREWRY Musique pour Maroussia
DRUCKMAN Valentine (Yorke, 1969)
DUSAPIN In et Out (Salabert, 1989)
ELLIS Sonate (Yorke, 1978)
ERB Basspiece (Theodor press, 1969)
ESTRADA Nahui (Salabert, 1966)
FELCIANO Spectra (Shirmer, 1966)
FELICE From quasimodo Sunday (Yorke)
FENELON Noti
FERNEYHOUGH Trittico per G. S. (Peters, 1989)
FINISSY Alice (Modem édition, 1976)
FINZI Processus II (1986)
FISHER Concert Piece (Peters, 1969)
FREDERICKSON Music for double bass alone (1963)
FRYBA Suite in alten still (Weinberger)
GABURO Inside (C/0 composer, 1969)
GIRAUD Bleu et ombre (1994)
HALL Statements and variants (Yorke, 1965)
HARTMAN Rhapsodie 1983 (Yorke, 1985)
HEKSTER Five Images (Donemus, 1981)
HEKSTER Windows (Donemus, 1971)
HENZE Ricordo per un contrabass (1977)
HENZE Sérénade (Schott, 1949)
HERSANT Melancolia I/II/II/IV
IATAURO Deux pièces
JOHNSON Failing (Johnson, 1975)
JOLAS Episode huitième (Leduc, 1984)
HARTZEL Considérations (Doblinger)
KAGEL General bass
KOBLITZ Nomos (Yorke, 1971)
KANACH J'ai tant rêvé (1979)
KUPFERMAN In finities 24
KURTZ Improvisations pour contrebasse seule (Jobert, 1968)
LACY Vêtement
LEACH Suite (Yorke, 1965)
LEANDRE Comme un vent de mémoire
LEANDRE Hey Baby
LEANDRE Hommage à John (1986)
LEANDRE Jeux
LEANDRE Piece for dog (1991)
LEANDRE Pour Joseph
LEANDRE Réflexions
LEANDRE Silence I & IV (1991)
LEANDRE Taxi (Yorke, 1971)
LEITERMEYER Op. 55. Basskontraste (Doblinger)
LEEUW Music for double bass (Donemus, 1991)
LEWIS Shadowgraph 5 (1978)
LOMBARDI Essay (Sunny Zerbonni, 1978)
LUYKENAAR For harmonics only (Donemus, 1972)
MANZONNI Percorso F (Ricordi, 1976)
MASTROGIOVANNI Capriccio (1976)
MAW The old King's Lament (Yorke)
MEIER Crypte (1986)
MEIJERING Scrnaco sowàan canàssa (Donemus, 1975)
METIANU Evolutio"73" (1973)
MIZELLE Degree of Change
MONNET Fantasia Oscura (Salabert, 1989)
MORYL Systems
NOVAK Adventus (1985)
OCK MI HAN Une contrebasse dans l'atelier rouge (1994)
PECK Automobile (1965)
PECK One double bass (Composer C/O 1968)
PERLE Monody II for Solo Double bass (Theoder press,1962)
PEZZATI Elegia
PFLUGER Capriccio (Plural)
PIECHOWSKA Comme Shirley (1978)
PILLINGER Sonate (Doblinger)
PILLINGER Suite surréaliste (1994)
PORADOWSKI Trois caprices (1985)
RABBATH Ode d'Espagne (1960)
RABBATH Poucha-Dass (1970)
RANDS Memo I
RENOSTO Pagina II (Ricordi, 1976)
RICHER Lignes interrompues (1974)
RICHER Piège I (1979)
RONCHETI Furiosa
RUITER Energico, voor solo-strijker (Donemus, 1979)
SCELSI Macknongam (Salabert, 1986)
SCELSI Mantram (1987)
SCELSI Nuits (Salabert, 1988)
SCHROEDER Sonate (Breitkopf, 1975)
SCHWARTZ Dialogue for solo contrabass (Cari fisher, 1966)
SMIT Solo for Gé (Donemus, 1985)
STOCKHAUSEN Zodiaque
STRAESSER Sight seeing IV (Donemus, 1970)
SYDEMAN For Double Bass Alone (Mc Ginnis and Marx, 1958)
SZREDER Devil's pass (1985)
TAIRA Convergence II (Rideau Rouge, 1977)
TERPSTRA Till the end (Donemus, 1972)
TURETZKY Collage I
TURETZKY Poems Portrait, Baltad and Blues (Elkan Vogel)
WHITTENBERG Conversation for solo contrabass (Peters, 1968)
WUORINEN Concerto for Double Bass Alone (American aompserallianœ, 1961)
WUORINEN Turetzky pieces (Me Ginnis and Marx, 1960)
XENAKIS Théraps (Salabert, 1976)
YUASA Triplicity for contrabass
ZBINDEN Hommage à J S. Bach (Breitkpopf, 1969)
* Certaines oeuvres ne possèdent pas d'indications concernant l'édition de la partition, la date d'édition ou de
composition : l'oeuvre peut être inédite, ou l'information reçue incomplète.

nnexe 2- Quelques modes de jeu exceptionnels

Année Oeuvre (Compositeur) Symbole Explication


1968 Improvisations pour
frapper le manche de l'instrument très fort (par conséquent les quatre
cb. seule (E. Kurtz)
cordes à pleine main)

1969 Valentine (J. buzz : frapper la corde avec le bois de la baguette, créant un
Druckman) roulement serré en faisant un arpège entre le chevalet et le cordier

jouer sur le chevalet

jouer entre le chevalet et le cordier

jouer sur le cordier

1971 A. Mi. K. Giao Trahn derrière le chevalet


(N.T. Dao)
corde IV : medium-aigu-grave

1976 Gestique I (J. M. Colin) texte


jouer derrière le chevalet

1976 Percorso F (G.


mouvement circulaire de l'archet sur les cordes, et déplacement
Manzonni)
continu touche-chevalet-touche

archet entre les cordes et la table (crin sur cordes I et IV)

1976 Convergence II (Y.


écraser l'archet mèche à plat
Taira)

jouer avec le bouton de l'archet sur les cordes indiquées

une note la plus aiguë et faire le portamento


1981 Zab ou la passion selon jouer avec un plectre
Saint Nectaire (P.
Boivin) pousser la corde latéralement (sorte de rugissement)
coups d'archet circulaires variés

jouer sur les cordes derrière le sillet

jouer sur les cordes derrière le doigté main gauche

jouer sur le bois du chevalet

jouer sur les cordes derrière le cordier

mettre l'archet sous le bras (comme une canne)


 
1989 Trittico per G. S. (B.
pression d'archet excessive résultant d'une distorsion de l'attaque
Ferneyhough)
1990 Cinq algorithmes (P.
déphasage spectral
Boivin)
Annexe 3- Modes de jeu percussifs

Œuvre Symbole / système de


Année Explication
(compositeur) notation
la zone la plus basse dans la partition suggère les effets
1959 59" 1/2 (J. Cage) notation spatiale
percussifs
1968 Improvisations pour frapper la table sèchement comme à une porte avec les quatre
contrebasse seule articulations
(E. Kurtz)

frapper la table du plat de la main ou bien du plat des quatre


doigts raides, selon la nuance voulue

triller sur la table avec les doigts raides en déplaçant les deux
mains de haut en bas ou de bas en haut

1969 Valentine (J.


sur la caisse, devant (main droite uniquement)
Druckman)

sur la caisse, sur le côté

   
frapper sur la table avec le bout des doigts (main gauche)

    frapper sur la table avec le bout des doigts (main droite)  dans
ce cas avec un trémolo
    indique que la frappe sur la table doit changer de place pour
que le timbre change (bout des doigts ou baguette de timbales)
 
1974 Lignes
interrompues (J. Dessin non systématique ex : fouillis d'ongles
Richer)
1975 Alice (M. Finissy) Texte percussion violemment sur la caisse, avec la main droite
1976 Gestique 1 (J.M. Texte programme- exécuter des effets variés sur la caisse et les différentes parties
Colin) d'actions de l'instrument. Bien marquer les diverses sonorités possibles
1979 J'ai tant rêvé (S.
Kanach) (aucune)
1981 Zab, ou la passion
frappe ordinaire : gras du troisième doigt à plat et bien raide
selon Saint Nectaire
(P. Boivin)
frappe sourde : articulation paume / poignet

frappe sèche : tranchant extérieur du pouce

frappe simple : Doigt 1, 2, et 3 serrés à plat

pichenette sonore (vers l'intérieur gras du 3ème doigt main


gauche)

a : 2ème phalange
b : articulations 2ème et 3ème phalange

poser et maintenir le contact : a


lâcher le contact (frottement) : b
roulement : dos de la main droite sous la touche/plat sur la
table

Crescendo d'énergie dans le roulement : vitesse et dynamique

Annexe 4- Modes de jeu vocaux

Oeuvre
Année Symbole Explication Nature du texte Mode d'émission
(Compositeur)
1969 Valentine (J. chanté (hauteur onomatopées chanté
Druckman) déterminée)
texte chuchoté
chuchoté
parlé mi- voix
mi-voix

chanté (hauteur
indéterminée)

mi-parlé

bouche fermée

a...a...i... changement progressif


d'une voyelle à l'autre

1974 Lignes interrompues renvoie au texte A de la texte (extrait d'un récité


(J. Richer) notice ouvrage
A
renvoie au texte B de la philosophique)
B
notice
C
renvoie au texte C de la
notice
1975 Essay (L Lombardi) notation texte (extrait d'une
  chanté
traditionnelle chanson)
1978 Comme Shirley (A. chanté texte (poème ) récité
Piechowska) chanté
parlando parlando

1979 J'ai tant rêvé (S. Voix haute - médium - onomatopées chanté comme un
Kanach) râle
basse

râle

1981 Zab, ou la passion petit ou violent coup de onomatopées  


selon Saint Nectaire diaphragme selon la
(P. Boivin) nuance indiquée : "son"
plutôt sourd se
rapprochant d'une toux
bouche fermée

inspiration audible

staccato du diaphragme
(respiration haletante du
chien après l'effort)
1986 Processus II (G. Finzi) notation texte parlé comme un râle
 
traditionnelle onomatopées mi-voix
1991 Silence IV (J. notation onomatopées chanté
 
Léandre) traditionnelle phonèmes
1991 Taxi (J. Léandre) notation texte chanté
 
traditionnelle récité

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