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Nikolaus Bruhns (16

65-1697)

Deutsche Kantaten
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Nikolaus Bruhns (1665-1697), organiste de la ville de Husum, était considéré vers la fin de sa
courte vie comme un des musiciens les plus doués de son époque. Egalement, la musicologie
moderne a maintes fois souligné la qualité de ses compositions. Le grand Jean-Sébastien Bach
lui-même avait, selon le témoignage de son fils Carl Philipp Emanuel, “aimé et étudié” les œuvres
de Bruhns, les choisissant avec celles d’autres maîtres allemands et français comme “modèles”
pour ses propres créations. Jusqu’à une époque récente, les milieux musicaux s’intéressaient
surtout aux compositions pour orgue de Bruhns ; depuis quelques années, toutefois, on redécouvre
ses cantates, leur riche palette sonore, leur expressivité. Il nous en est parvenu douze, dont six
sont enregistrées ici.
Bruhns est originaire d’une famille de musiciens installée dans le Schleswig-Holstein depuis le
début du xviie siècle. Il reçut d’abord les leçons de son père, élève du célèbre organiste Franz
Tunder, avant de poursuivre sa formation auprès de Dietrich Buxtehude. Les leçons de ce derniers
eurent sur son jeune disciple une influence déterminante, car depuis, relate Johann Mattheson,
“il s’efforça tout particulièrement de modeler ses compositions sur celles du célèbre Dietrich
Buxtehude”. Au printemps 1684, après un passage à Copenhague, Bruhns, qui avait à peine
vingt-quatre ans, fut nommé à l’unanimité organiste de la ville de Husum “car aussi bien en ce
qui concerne la composition que la façon de jouer de toutes sortes d’instruments, on n’avait
encore jamais rien entendu de comparable en cette cité”. Il ne devait toutefois exercer ces
fonctions que pendant huit ans, jusqu’à sa mort survenue prématurément le 29 mars 1697.
Les œuvres vocales de Bruhns qui nous sont parvenues datent toutes de la période de Husum.
Si elles rappellent sur plus d’un point le style du maître de Lübeck, elles n’en présentent pas
moins des traits originaux qui en font un sommet dans l’histoire de la cantate antérieure à Jean-
Sébastien Bach. Cette empreinte personnelle est décelable par exemple dans le choix des
poésies, dans la ligne fluide et chantante de la mélodie, et surtout dans la subtilité du traitement,
qui d’une part épouse avec exactitude la diversité des textes et d’autre part, sur le plan purement
musical, structure et cimente l’ensemble pour lui donner une cohérence aboutie. À cet égard,
l’influence de Bruhns se fait nettement sentir chez les compositeurs du début du xviiie siècle et
notamment chez le jeune Jean-Sébastien Bach.
Les particularités du langage musical de Bruhns se manifestent déjà dans l’exploitation,
vraisemblablement précoce, de textes tirés de la Bible, par exemple la belle cantate funèbre Die
Zeit meines Abschieds ist vorhanden, “Le temps de mon départ est arrivé”, qui traite comme en
se jouant les sujets les plus divers tantôt avec d’une manière concertante et avec légèreté,
tantôt sous forme de contrepoint serré. Le psaume Wohl dem, der den Herrn fürchtet, “Heureux
celui qui craint le Seigneur” prévoit une distribution vocale appréciée déjà par Monteverdi et plus
tard en Allemagne du Nord : deux sopranos et une basse ; ils sont accompagnés ici par les cinq
parties d’un ensemble de cordes bien fourni. La proximité des modèles italiens y est aussi
sensible dans les détails mélodiques ; le traitement des versets médians sous forme d’un solo
aux allures d’aria frappe par sa modernité. La cantate en latin Paratum cor meum sur le Psaume 56
suit le même principe, à ceci près que les sopranos y sont remplacés par deux ténors.
L’instrumentation, un violon et deux violes de gambe, joue également sur le contraste entre les
registres grave et aigu. L’originalité de cette pièce est due au traitement résolument concertant
des parties vocales et instrumentales.

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La sombre cantate funèbre Ich liege und schlafe, “Je me couche et m’endors”, se distingue
particulièrement. Un passage du Ps. 4 traité en tutti y encadre trois strophes pour voix soliste
que sépare une ritournelle confiée aux cordes. Quant à la cantate Muss nicht der Mensch auf
dieser Erde in stetem Streite sein, “Les jours que le mortel passe sur cette terre sont épreuve sans
fin”, sa forme est beaucoup plus complexe. Le texte en est un madrigal basé sur le Livre de Job
7,1. C’est une composition grandiose, dont le caractère ambitieux est déjà perceptible dans la
longue symphonie du début ; cette ouverture est suivie de deux séries d’airs avec refrain choral.
Le champ tonal de la fondamentale ut majeur s’ouvre largement en maint endroit, de façon
particulièrement hardie dans le troisième couplet de la première partie, qui module jusqu’en ut
dièse majeur. On retrouve cette même ampleur dans la cantate de Pâques Hemmt eure Tränenflut,
“Ne pleurez plus”, qualifiée de madrigal dans son unique source, et dont le texte est extrait d’un
cycle de cantates publié en 1690 qui a inspiré également d’autres compositeurs. Avec son tutti
introductif, la diversité de ses couplets et la citation musicale du choral pascal de Luther Christ
lag in Todesbanden, “Jésus était prisonnier de la mort” dans le finale, cette œuvre annonce la
cantate d’église du xviiie siècle.
Peter Wollny
Traduction Brigitte Hébert

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1 | Die Zeit meines Abschieds ist vorhanden Le temps de mon départ est arrivé
2 Thimotheus 4, 6-8 2 Timothée 4, 6-8

Die Zeit meines Abschieds ist vorhanden. Le temps de mon départ est arrivé.
Ich habe einen guten Kampf gekämpfet. J’ai combattu le bon combat.
Ich habe den Lauf vollendet. J’ai achevé la course.
Ich habe Glauben gehalten. J’ai gardé la foi.
Hinfort ist mir beigelegt Au reste est préparée pour moi
die Krone der Gerechtigkeit, la couronne de justice
welche mir der Herr an jenem Tage que me rendra le Seigneur en ce jour,
der gerechte Richter geben wird. le juste juge.
Nicht mir aber allein, sondern auch allen, Et non seulement à moi, mais à tous ceux
die seine Erscheinung lieb haben. qui ont aimé sa manifestation.

2 | Muß nicht der Mensch auf dieser Erden in stetem Streite sein Les jours que le mortel passe sur cette terre sont épreuve sans fin
(Nach Hiob 7, 1) (d’après Job 7, 1)

Muß nicht der Mensch auf dieser Erden in stetem Streite sein? Les jours que le mortel passe sur cette terre sont épreuve sans fin.
Ja wenn wir nur geboren werden, da find’ sich Furcht und Pein. À peine est-il sorti du ventre de sa mère qu’il connaît le chagrin.
Da gibt es schon auf allen Seiten zu kämpfen und zu streiten. L’homme de tous côtés doit se battre et lutter. [commencent :
Sind wir gelangt zu unseren Jahren, da geht die Unruh an, À la fleur de son âge et pour son grand malheur les alarmes
da müssen wir alsdann erfahren, was die Begierde kann. Il ressent l’aiguillon tout au fond de son cœur de la concupiscence.
Dann gibt es auch auf allen Seiten zu kämpfen und zu streiten. Il doit de tous côtés et se battre et lutter.
Läuft unser Lebenslauf zu Ende, o weh, Au terme de sa vie quand s’ouvre le tombeau,
da findet sich Welt, Satan, Sünd und Tod behende, Le monde et Belzébuth, la mort et le péché
die sind uns hinderlich, Sur son chemin dressés,
die machen uns auf allen Seiten zu kämpfen und zu streiten. Le font de tous côtés et se battre et lutter.

3 | Doch wer sich tapfer hält, behält das Feld, Mais l’homme courageux remporte la victoire
und überkommt zum Lohne den Kranz der Ewigkeit, Et reçoit la couronne de l’éternité,
die wunderschöne Krone, die unser Siegesfürst den Diadème étincelant que notre roi de gloire
Kämpfern selbst bereit’. Pour ses vaillants soldats lui-même a préparé.
Drum so lasset uns mit Haufen, auf den rauhen Kampfplatz laufen, Courons sans plus attendre au cœur de la bataille
daß wir bis ans Ende kämpfen und die stolzen Feinde dämpfen. Pour abaisser l’orgueil de nos fiers ennemis.
Ach, aber ach! wir sind ja viel zu schwach, Las ! nos forces chétives ne sont pas de taille
des Geistes Schwert zu führen, À brandir vaillamment le glaive de l’esprit.
drum steh’ uns bei, du starker Held, Seigneur, prête assistance à notre armée humaine,
der du bezwungen hast Tod, Sünde, Höll’ und Welt, Toi qui sus vaincre mort, enfer, monde et péché.
sonst müssen wir verlieren. De nos armes sans toi la défaite est certaine ;
Du mußt uns und unsern Waffen, selber Glück und Sieg verschaffen. Tu nous assureras la chance et le succès.
Ja, du mußt uns helfen ringen, Si tu te bats à nos côtés
bis wir fröhlich können singen. Nous pourrons entonner un hymne triomphal :
Triumph! Der Kampf ist gekämpfet, Nous avons combattu le bon combat. Victoire !
die Feinde gedämpfet, Nos ennemis sont en déroute
der Lauf ist vollendet, Et au terme de notre route
weil alles zu unserm Vergnügen sich endet. Triumph! La lutte est achevée pour ta plus grande gloire.

Wohl dem, der den Herren fürchtet Heureux celui qui craint le Seigneur
(Psalm 128) (Psaume 128)

4 | Wohl dem, der den Herren fürchtet Heureux celui qui craint le Seigneur
und auf seinen Wegen gehet. et qui marche dans ses sentiers.
Du wirst dich nähren deiner Hände Arbeit; Tu te nourriras alors du travail de tes mains ;
wohl dir, du hast es gut. heureux seras-tu dans la prospérité.
5 | Dein Weib wird sein wie ein fruchtbarer Weinstock Ton épouse sera comme une vigne féconde
um dein Haus herum, und deine Kinder wie dans l’intérieur de ta maison, et tes fils seront
Ölzweige um deinen Tisch herum. comme les rejetons de l’olivier à l’entour de ta table.
6 | Siehe also wird gesegnet der Mann, Vois, ainsi sera béni l’homme
der den Herren fürchtet. qui craint le Seigneur.
7 | Der Herr wird dich segnen aus Zion, Que de Sion le Seigneur te bénisse,
daß du siehest deine Kinder puisses-tu voir les enfants de tes enfants.
und deiner Kinder Kinder Friede über Israel. La paix soit sur Israël.
Amen. Amen.

Ich liege und schlafe Je me suis couché et je dors en paix


(Psalm 4/9) (Psaume 4, 9)

8 | Ich liege und schlafe ganz mit Frieden, denn du allein, Herr, hilfest mir, Je me suis couché et je dors en paix, car toi seul, Seigneur, fais que
[daß ich sicher wohne. [je demeure dans la confiance.
9 | Ich hab, Gottlob, das mein vollbracht, Welt, gute Nacht, wir müssen uns J’ai accompli ma tâche humaine : je dis adieu au monde, nos
[nun scheiden. [chemins se séparent.
In Jesu Namen sanft und still ich wandern will zur Seligkeit mi Frieden. Au nom de Jésus dans la paix je veux aller vers la félicité.
In dieser Welt war mir bestellt nur Angst und Not, zuletzt der Tod, jetz Mon lot sur terre ne fut qu’angoisse et misère ; la mort m’attend. Ma
[endet sich mein Leiden. souffrance a pris fin.
10 | Ritornello

11 | In Jesu Namen schlaf ich ein, er führt allein mich aus dem Tod ins Leben. Au nom de Jésus, je m’endors. Il me conduit hors de la mort.
Am Kreuzesstamm vergossnes Blut kommt mir zu gut, macht fröhlich Sur l’arbre du Calvaire, le sang m’a racheté, et au pied de la croix, je me
[mich daneben; tiens plein de joie.
der edle Saft gibt rechte Kraft, stärkt mir mein Herz im Todesschmerz, Ce sang précieux donne la vie et fortifie dans le bonheur mon cœur à
[kann Freud und Wonne geben. l’agonie.

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12 | Ritornello

13 | In Jesu Namen fahr ich hin, denn mein Gewinn ist Christus, wenn ich Au nom de Jésus, je m’en vais. J’ai mérité de mourir dans le Christ.
[sterbe. Je sais qu’il me sera fidèle. Oui, je le crois : la mort ne vaincra pas.
Ich weiß, daß er mich nicht verläßt, und glaube fest: im Tod ich Le fils de Dieu m’a préparé l’éternité et la couronne du céleste trésor.
[nicht verderbe.
Mir ist bereit in Ewigkeit von Gottes Sohn die Ehrenkron’, das
[rechte Himmelserbe.

14 | Ich liege und schlafe… Je me suis couché et je dors en paix…

Paratum cor meum Mon cœur est affermi


(Psalm 57, 8-12) (Psaume 57, 8-12)

15 | Alleluja! Alléluia !
Paratum cor meum, Deus. Mon cœur est affermi, ô Dieu,
Cantabo et psallam in gloria mea. chantons sur la harpe,
Exsurge, gloria mea. courage, mon âme.
Exsurge, psalterium et cithara; Réveillez-vous, la harpe et le psaltérion,
exsurgam diluculo. réveillons-nous dès l’aurore.
16 | Confitebor tibi in populis, Domine, O Seigneur, je veux te louer à la face des peuples,
et psallam tibi in natibus. te chanter à la face des nations :
Quia magna est sub coelo misericordia tua, Car ta bonté est plus grande que le ciel,
et usque ad nubes veritas tua. ta fidélité haute comme les nuées :
17 | Exaltare super coelos, Deus, O Dieu, dresse-toi par-dessus les cieux,
et super omnem terram gloria tua. que ta gloire resplendisse par-dessus toute la terre.

Hemmt eure Tränenflut Ne pleurez plus,

18 | Hemmt eure Tränenflut und trocknet ab die nassen Wangen, séchez vos joues baignées de larmes,
die ihr bei Jesu seid zu Grabe mitgegangen, Vous qui avez conduit le Christ à son tombeau !
der heutge Tag ist unvergleichlich gut. Le jour en se levant met fin à nos alarmes :
Das Grab ist leer, die Leich ist nicht vorhanden, Le sépulcre est ouvert, le linceul en lambeaux ;
der Herr ist ganz gewiß von Toten auferstanden. Le Seigneur était mort, il est ressuscité.

Nun hat es keine Not! Die Feinde sind all überwunden. L’ennemi est vaincu ! Soyez dans l’allégresse ;
Der große Siegesfürst, der führt mit sich gebunden Le Messie victorieux enchaîna pour jamais
und träget schon die Sünde, Teufel, Tod. Pour qu’enfin leur folie et leurs vacarme cessent
Nun höret auf ihr Drohen, Wüten, Morden, Le prince des enfers, la mort et le péché.
weil Jesus hat gesiegt, ist ewger Friede worden. Gloire à Jésus vainqueur qui fait régner la paix.

19 | Der Stein war allzu groß. Die Zentnerlast der schweren Sünden, La pierre était trop lourde et le poids du péché
die drückt und ließe mich gar nirgends Ruhe finden. M’accablant à jamais m’eût ravi la quiétude.
Gott sei gedankt, nun bin ich solcher los, Je rends grâces à Dieu : il m’en a délivré.
weil Jesus lebt, so lagern sich die Schmerzen, Jésus qui est vivant apaise ma douleur,
der allzu große Stein ist abgewälzt vom Herzen. Allège le rocher qui écrasait mon cœur.

20 | Die Christi Grab bewacht sind weg und haben sich verkrochen, Les gardiens du sépulcre, épouvantés, ont fui.
der starke Simson hat die Tor entzweigebrochen Le vigoureux Samson a brisé les colonnes
und trägt sie fort bei finstrer Mitternacht. Et dans la nuit obscure il les porte avec lui.
So wird er auch, wie er mir hat verheißen, Sa main, j’en suis certain car il me l’a promis,
mich noch mit starker Hand aus allen Nöten reißen. Saura bien me soustraire aux tourments qui me broient.

21 | Verlaß ich gleich die Welt, mir grauet nicht für meinem Grabe, À l’ombre du tombeau, je ne tremblerai point ;
weil ich dies Leben selbst im Tode bei mir habe Je suis encore vivant même au sein de la mort,
und Engel sich im Grab zu mir gesellt. Les anges du Seigneur sont toujours avec moi.
Von Mund auf soll die Seel’ zum Himmel gehen, Ma bouche exhalera mon âme vers le Ciel
der Leib wird auch gewiß von Toten auferstehen. Et Dieu au dernier jour relèvera mon corps.

22 | Amen. Amen.
Traduction Brigitte Hébert (2-3, 8-14, 18-22)

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