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Anthologie de la poésie
tchèque
Chant de St Venceslas
Légendes
Ján Kollár
Manuscrits RKZ
F.-L. Čelakovský
Karel Hynek Mácha
Karel Havlíček
Karel Jaromír Erben
Vítězslav Hálek
Jan Neruda
Adolf Heyduk
Svatopluk Čech
Josef Sládek
Julius Zeyer
Jaroslav Vrchlický
Josef Svatopluk Machar
Otakar Březina
Antonín Sova
Petr Bezruč
Viktor Dyk
Vítězslav Nezval
Jaroslav Seifert
Svatý Vojtěch (Saint Adalbert)
( 10e siècle )
Elu en 982 second évêque de Prague, Saint Adalbert était une des plus illustres
personnes de son époque; certains historiens lui attribuent une chronique signée
Kristian, ainsi que le chant O Domine, miserere, une sorte de hymne national.
D'autres pensent, que ce chant est plus ancien, adapté du vieux slave.
Martyr des païens de Prusse Orientale (997), St Adalbert est le patron de l'état polonais catholique: sur sa tombe il
fut créé en 1000 l'évêché de Cracovie.
Původní česká hymna (asi z 12e s.) Hymne tchèque (depuis 12e s.)
2
Kriste eleison ! Kyrie eleison !
/. . . / /.../
3
Státní hymna (od 1918) Hymne tchèque (depuis 1918)
Kde domov můj ? Kde domov můj ? Où est mon pays, où est ma maison ?
Voda hučí po lučinách, C'est où l'eau bruit dans le prairies,
bory šumí po skalinách, Où le vent mugit dans les pins,
v sadě skví se jara květ, Où les fleurs dans les jardins
zemský ráj to na pohled. Embaument dès le printemps.
A to je ta krásná země Et cet Eden, ce pays charmant,
země česká, domov můj ! C'est ma maison, la Bohême,
Země česká, domov můj. La Bohême, ma patrie.
/. . . / / . . . / (tr. Eugène Billaudeau)
Anonyme : Légendes
( 1306 )
Probablement inspiré par la Legenda aurea de Jacques de Voragine, un prêtre inconnu a écrit un cycle de légendes
de la vie des personnages du Nouveau Testament, néanmoins très originales par leur forme et par la beauté de la
langue. Seuls quelques fragments se sont conservés.
/.../ /.../
Wzplaka otecz, wzkuieli matka, Le père pleure, la mère gémit :
vizze kazdy kak iezt wratka sachons combien instables sont les éloges
zzeho zwieta chzezt hi chwala, et la gloire de ce monde.
kak iezt na male pozztala Combien peu a duré
chzaka sscariotczke wlazzti ! l'espoir de la patrie d'Iscariote.
Znamenaymy przi tom zwalzzti, En particulier notons à cette occasion
ies zzie stalo v Chzechach nenye, ce que vient d'arriver en Bohême,
gdes prsiwuznych kralow nenye, où le roi est resté sans famille,
pochznucz ot Prsiemyszla krale, de la lignée de Przemysl.
kak ho zzyn, kak wnuk na male Et comment son fils et son petit fils
zzie yzzu zzbyli na zzem zzwietie ; ont peu vécu dans ce monde ;
pozzledny byl geschze dyetye, le dernier était encore enfant,
pochzen zze sschezdr hi udaten généreux et brave,
a uzza zzwym liudem pozztaten, utile à son peuple,
wssaks nemohl toho usity, mais il n'a pas pu en profiter,
muzzil z mladych dnexh zznyty ; il a dû partir dans ses jeunes années ;
kaks koli byl wssiem powolil, bien que conciliateur,
wsskas newinnye zwu krew prolil. il a versé son sang innocent.
Wsse pro tye, proradne plemie, Mais pour toi, race du traitre
puzzthy o zzu ne yedny zemie ! nombreux pays sont interdits !
Zrado, viedye, snycz neminess, Perfidie, je sais que tu n'a rien manqué,
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wssaks zama potom plyness. tu disparaîtras !
Ján Kollár
(1793-1852)
Slávy dcera
Prologue (fragment)
Oh ! la voilà donc, devant mes yeux noyés de larmes, cette terre,
berceau jadis, aujourd'hui tombeau de ma nation !...
De l'Elbe traîtresse aux plaines de l'infidèle Vistule,
du Danube aux yeux écumants de la dévorante Baltique,
la langue harmonieuse des vaillants Slaves retentissait jadis.
Victime de l'envie, elle est aujourd'hui muette.
Qui donc a commis ce rapt impardonnable ?
Qui donc a, dans un seul peuple, déshonoré toute l'humanité ?
Rougis, jalouse Teutonie, voisine de la Slavie :
ce sont tes mains qui, autrefois, ont commis tous ces attentats.
Jamais, en effet, ennemi plus implacable n'a fait
couler autant de sang que l'Allemand n'en a répandu pour anéantir le
Slave.
Celui-là seul est digne de la liberté qui respecte la liberté de chacun ;
celui qui met les esclaves aux fers est lui-même un esclave.
Que, par ses entraves, il asservisse la main ou la langue,
c'est tout un, car il ne sait pas respecter les droits d'autrui...
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Qu'êtes-vous devenus, chers peuples Slaves qui habitiez ici,
peuples qui vous désaltériez sur les rivages de la Poméranie ou sur
les rives de la Saale ?...
Je regarde au loin, à ma droite ; à gauche je jette un regard aigu :
c'est en vain que dans la Slavie mon oeil cherche un Slave.
(traduit par Jules Chopin)
Le Manuscrit de Králové Dvůr, ainsi que Le Manuscrit de Zelená Hora sont des
manuscrits de poèmes épiques et lyriques qu'on datait de la moitié du 13e siècle,
et qui furent trouvés en 1817. La découverte fut saluée par un enthousiasme
général. Ils furent traduit dans toutes les langues européennes ; Goethe lui-même
ne cachait pas son admiration pour ces poèmes qui semblaient le fragment d'un
vaste recueil de la vieille poésie tchèque. En fait, il s'agît vraisemblablement d'une
supercherie patriotique analogue à celle de Macpherson en Angleterre ou à celle
de Vrain-Lucas en France. Les savants groupés autour de T. G. Masaryk
prouvèrent que les auteurs probables sont Joseph Linda, pour les poèmes épiques,
et Václav Hanka, pour les poèmes lyriques. Pourtant, les Manuscrits ont joué dans
l'histoire du mouvement national tchèque un rôle des plus importants. Ils ont inspiré
des oeuvres les plus représentatives de l'art et de la musique tchèques, ils ont
fortifié, pendant soixante ans, la conscience patriotique dans le pays. La lutte qui
s'engagea autour d'eux en 1885 et qui fut menée au nom de la vérité contre le
mensonge, au nom de la raison critique contre le chauvinisme, contribua
puissamment au développement intellectuel de la Bohême moderne. Les
Manuscrits ont paru dans la traduction française de Louis Léger en 1866 sous le
titre : Chants héroïques et Chansons populaires des Slaves de Bohême (Paris,
Librairie Internationale).
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Le Manuscrit de Králové Dvůr
La Rose
F.-L. Čelakovský
(1799-1852)
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Toman a lesní panna Toman et la fée
8
causeries.
Smutkem Toman
obklopen Toman, en proie à la tristesse,
patří s koně do oken ; de son cheval regarde les
Děvče láskou jen fenêtres :
rozplývá, la jeune fille, toute amoureuse
na ženicha se usmívá ; sourit à son fiancé ;
otec jedná námluvy, le père négocie le mariage,
matka hledí obsluhy. la mère s'occupe du ménage.
Jedli, pili, rozprávěli, Ils buvaient, mangeaient, se
dobrou vůli spolu měli, régalaient,
žádný na to nic nedbal, à merveille ils s'entendaient,
kůň že venku zařehtal et personne ne prenait garde
a mládenec zavzdychal. que, dehors, un cheval hennit,
qu'un jeune homme soupira.
Panna jenom snoubená
najednou se zarděla ; /.../
svědomí ji přece tlačí,
šeptá cosi sestře
mladší.
Sestřička od večeře
vyšla rychle za dveře :
„Na věky se, Tomane,
milá s tebou rozstane,
jinému se dostane.
Najezdil jsi se k nám
dosti,
dnes tu máme bližší
hosti,
hledej sobě jined štěstí.”
9
ze tmy jsou se
prosypaly,
proč vy, moje mladé
dni,
ve tmách jste se
zasypaly !„
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panna Tomanu po boku
vyrovnává v plavném
skoku :
„Švarný hochu, skloň
se, skloň,
jenom dále se mnou
hoň ;
líbí-li se ti mé líce,
dám radostí na tisíce.
Švarný hochu, skloň se,
skloň,
jenom dále se mnou
hoň !”
To když panna zpívala,
za ruku ho ujala ;
Tomanovi rozkoš
proudem
prolila se každým
oudem.
11
Slunce vyšlo nad horu,
skáče koník do dvoru,
smutně hrabe
podkovou,
řehce zprávu nedobrou.
Karel Havlíček
(1821-1856)
I. I.
12
Ne va pas encore te coucher !
nechoď ještě spat,
Je voudrais un petit moment
bych s tebou jen chvilinku moh'
faire, avec toi, un bout de causette.
diškurirovat.
Je ne suis pas d'ici, ma petite lune,
Nejsem zdejší, můj měsíčku !
tu as dû le reconnaître à mon accent,
to znáš podle křiku
Ne te sauve pas, je ne suis pas „treu und
neutíkej, nejsem „treu und bieder,”
bieder”,
jsem zde jen ve cviku.
Je ne suis là qu'en apprentissage.
II. II.
13
même quand je suis à jeun :
„Excusez-moi, éminente Commission
impériale
Ale Džog, můj černý buldog,
de me trouver en chemise.”
ten je grobián,
na „habeas corpus” tuze zvyklý -
Mais Jack, mon bouledogue noir,
on je Angličan.
est un grossier personnage,
trop partisan du Habeas-corpus,
Málem by byl chlap přestoupil
- c'est qu'il est Anglais.
jeden paragraf,
již na slavný ouřad zpod postele
Il a failli, le misérable,
uďál : Vrr ! haf, haf !
effreindre un paragraphe :
du dessous du lit, il a fait,
Hodil jsem mu tam pod postel
contre l'illustre Administration, un : Vrr !
říšský zákoník
Haf ! Haf !
dobře, že jsem měl ten moudrý
nápad,
Je lui jetai, sous le lit,
jíž ani nekvik.
le Code de l'Empire.
Ce fut une excellente idée :
il est resté à quia.
III.
14
A žandarmům že nařídil,
ať mne hodně nutí,
kdybych nechtěl ze skromnosti
přijmout
jeho nabídnutí.
IV.
V. V.
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tu les connais et tu sais
dobře znáš a víš,
combien elles nous donnent souvent
jaký s nimi člověk na tom světě
du fil à retordre.
často mívá kříž.
Tu as été le témoin secret
Také´s mnohého loučení
de plus d'un adieu ;
tajným svědkem byl,
tu connais mieux qu'aucun nouvelliste
ty znáš líp než každý novelista
l'amertume de tels moments.
hořkosť těchto chvil.
Ma mère, ma soeur, ma femme, ma fille,
Matka, žena, sestra, dcerka,
ma petite Zdentchinka
malá Zdenčinka
m'entouraient, pleurant doucement -
stály okolo mne v tichém pláči -
quel moment amer !
hořká chvilinka.
Je suis, il est vrai, un vieux cosaque
Já jsem sice starý kozák,
durci dans les batailles,
v půtkách tužený,
mais ce jour-là, ma poitrine était un peu
tenkrát jsem měl trochu těsná prsa
oppressée
a zrak zkalený.
et mes yeux un peu troubles.
Vtisknul jsem si poděbradku
J'ai baissé mon bonnet de fourrure
silně do čela,
tout bas sur le front
aby se těm policajtům slza
pour empêcher ces policiers de voir
nezablyštěla,
briller une larme,
neb ti všichni blíže dveří
car ils montaient encore tous la garde
posud stáli stráž
près de la porte,
aby měla tato smutná scéna
pour donner à cette triste scène
císařskou stafáž.
un cadre impérial.
/.../
/.../
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Karel Jaromír Erben
(1811-1870)
Kytice Guirlande
17
Où iras-tu chercher cette fleur,
A kde najdeš toho květu,
ma fille,
dcero má,
où iras-tu chercher cette fleur
a kde najdeš toho květu
dans ce large et vaste monde ?
po všem široširém světu,
Quel est le jardin où elle pousse ?
v které roste zahrádce ?
„Au delà de la porte de ville, sur la colline,
„Tam za branou nad vršíkem,
ma mère,
matko má,
Au delà de la porte de ville, sur la colline,
tam za branou nad vršíkem,
sur le poteau, où il y a un clou,
na tom sloupu se hřebíkem,
sur la hart de chanvre.”
na konopné oprátce !”
Et que feras-tu dire à ce garçon,
A co vzkážeš hochu tomu,
ma fille,
dcero má,
et que feras-tu dire à ce garçon
a co vzkážeš hochu tomu,
qui venait chez nous, à la maison,
jenž chodíval k nám do domu
et qui s'égayait avec toi ?
a s tebou se těšíval ?
„Je lui envoie ma bénédiction,
„Vzkazuji mu požehnání,
ma mère,
matko má,
Je lui envoie ma bénédiction,
vzkazuji mu požehnání -
un ver dans l'âme jusqu'à la fin de ses jours,
červa v duši do skonání,
pour avoir trahi mon amour !”
že mi zrádně mluvíval !”
Que laisseras-tu à ta mère,
A co necháš svojí matce,
ma fille,
dcero má,
que laisseras-tu à ta mère,
a co necháš svojí matce,
qui t'a aimé si doucement,
jež tě milovala sladce
qui t'a élevée dans la peine ?
a draze tě chovala ?
„Je te laisse ma malédiction,
„Kletbu zůstavuji tobě,
ma mère,
matko má,
Je te laisse ma malédiction,
kletbu zůstavuji tobě,
afin que tu ne trouves pas de repos dans la
bys nenašla místa v hrobě,
tombe,
žes mi zvůli dávala !”
pour m'avoir donné toute liberté !”
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(1810-1836)
Mai
Byl pozdní večer - první máj -
večerní máj - byl lásky čas. Il état tard - le premier mai -
Hrdliččin zval ku lásce hlas, un soir de mai - le temps d'aimer.
kde borový zaváněl háj. Et la voix de la tourterelle
si frêle invitait à l'amour
O lásce šeptal tichý mech ; parmi les pins qui embaumaient.
květoucí strom lhal lásky žel,
svou lásku slavík růži pěl, D'amours les mousses chuchotaient ;
růžinu jevil vonný vzdech. l'arbre en fleur semblait un regret,
le tendre rossignol chantait
/.../ à la rose qui soupirait.
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Triomphe de la pensée.
Silence profond. La goutte qui tombe
myšlenku překonává.-
Par son bruit, de nouveau, mesure le
Hluboké ticho. - Kapky hlas
temps.
svým pádem opět měří čas.
„Une nuit plus sombre !... Ici, au sein de la
„Temnější noc ! - - - Zde v noční
nuit,
klín
le clair de lune, le scintillement des étoiles
ba lůny zář, ba hvězdný kmit
se glisse, là-bas, rien que l'ombre déserte.
se vloudí - - tam - jen pustý stín,
tam žádný - žádný - žádný svit,
Aucune lueur, aucune, aucune.
pouhá jen tam přebývá.
La nuit noire seule y demeure.
Tam všecko jedno, žádný díl -
Tout est uni là-bas, point de division.
vše bez konce - tam není chvíl,
Tout est sans fin, point de moments,
nemine noc, nevstane den,
La nuit ne finit pas, le jour ne se lève pas,
tam času neubývá. -
Le temps ne passe point.
Tam žádný - žádný - žádný cíl -
Là-bas, aucun but, aucun, aucun,
bez konce dál - bez konce jen
Sans fin toujours, toujours sans fin,
se na mne věčnost dívá.
L'éternité me regarde.
Tam prázdno pouhé - nade mnou
Là-bas, rien que le vide, au-dessus de
a kolem mne i pode mnou
moi,
pouhé tam prázdno zívá. -
autour de moi, au-dessous de moi,
il n'y a que le vide.
Bez konce ticho - žádný hlas -
bez konce místo - noc - i čas - - -
Silence sans fin, aucune voix,
to smrtelný je mysle sen,
Espace sans fin, et nuit, et temps...
toť, co se "nic" nazývá.
C'est le rêve mortifiant l'esprit,
A než se příští skončí den,
C'est ce qui s'appelle "rien" !
v to pusté nic jsem uveden.” - - -
Et avant que le jour prochain se termine,
Vězeň i hlas omdlívá.
Je serai introduit dans ce vide néant...”
Le prisonnier et le bruit s'évanouissent.
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svit,
zašlé bludice pouť, mrtvé milenky corde cassée,
cit, Les fastes d'un siècle évanoui, la lueur
zapomenutý hrob, věčnosti skleslý d'une étoile morte,
byt, La course d'un feu follet éteint, la voix
vyhasla ohně kouř, slitého zvonu d'une cloche fondue,
hlas, Le chant d'un cygne mort, le paradis perdu
mrtvé labutě zpěv, ztracený de l'humanité,
lidstva ráj, voilà mon enfance.
to dětinství můj věk.
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Vítězslav Hálek
(1835-1874)
Mon village
(Pron. Nérouda). Né à Prague en 1834 d'une pauvre famille. Ayant terminé ses
études de lettres, et après un court stage dans l'enseignement secondaire, il se
consacra au journalisme et à la littérature et se trouva bientôt à la tête de la
jeunesse littéraire, qui publia, en 1858, l'almanach intitulé Mai, en l'honneur du
grand précurseur Mácha ; il fonda et dirigea plusieurs revues ; cependant son
recueil de vers Fleurs de cimetière, mélange assez curieux de romantisme et
d'ironie, écrit dans une langue encore assez dure, n'obtint pas de succès. Il en
publia un choix très sévère dans son second recueil Le livre de vers qui contenait
quelques inoubliables pièces consacrées à la mémoire de la mère que le poète
venait de perdre. Entré à la rédaction du Národní Listy, il devint bientôt un
chroniqueur de premier ordre : il a créé ce genre dans la littérature tchèque. Il signa
22
près de 2.300 causeries, réunies plus tard en volumes : voyage, politique,
littérature, théâtre, arts et jusqu'aux questions de la vie quotidienne, il savait traiter
toute chose avec esprit et humour. C'est à cette époque qu'il fit ses voyages à
Paris (1863) et en Orient (1870), décrits dans ses brillantes causeries : Tableaux
de l'étranger et Petits voyages. Observateur très pénétrant, il vint à la nouvelle
réaliste et donna ses Arabesques, ses Terrassiers qui sont un petit chef-d'oeuvre
de réalisme, et surtout, ses Contes de Malá Strana, puisés dans ses souvenirs de
jeunesse et évoquant avec un art exquis ce pittoresque quartier de Malá Strana où
il avait passé son enfance, et les moeurs des petites gens qui l'habitent. Après un
intervalle de onze ans, Neruda revint à la poésie par les Chants Cosmiques (1878),
livre où une profonde réflexion philosophique s'exprime sous forme de petites
pièces souvent humoristiques, sur le thème du ciel étoilé. Les Ballades et
Romances, composées presque exclusivement sur des sujets tchèques, sont la
pureté d'inspiration et la fraîcheur des légendes franciscaines des Fioretti. Les
Simples motifs, petit livre de poésie lyrique très personnelle, sont une confession
touchante, très noble dans son austère sobriété et sous laquelle on sent frémir la
douleur humaine du poète dont la vie se consumait solitaire. Le dernier livre de
Neruda, Les Chants du Vendredi Saint, la Bible du patriotisme belliqueux, du
nationalisme épuré, constitue le testament du poète.
Livre de vers
À maman
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Adolf Heyduk
(1835-1923)
Ce poète a débuté avec le groupe de Neruda, dont il devint l'ami intime. Éloigné
des luttes littéraires, il passa sa vie de tranquille professeur de lycée à Písek
(Bohême). Pendant plus de soixante ans, une intarissable source de lyrisme,
limpide et fraîche, jaillit de son âme : l'amour, la famille, la nature, la patrie, mais
surtout la Slovaquie gémissante encore sous le joug magyar et puis les immenses
forêts de la Šumava trouvèrent en lui leur poète tendre, doux et harmonieux. Une
grande partie de son oeuvre appartient à la poésie épique, idylle ou conte en vers.
Cependant, c'est dans la poésie lyrique qu'il a donné le meilleur de son talent. Les
oeuvres complètes de Heyduk comptent 50 volumes.
Cymbalon et violon
La reine
Slovaquie, soeurette,
qui est-ce qui t'égale ?
Je sais, tu es sûrement
la plus belle des reines.
Ta mère, la Terre
t'a enfantée dans la douleur,
le soleil ardent éclaire
ton front mélancolique.
La bouche de pourpre -
quand elle se met à chanter,
elle fait épanouir
sentiments et pensées.
24
t'ont réduite en esclavage ;
on veut mettre au tombeau
la plus belle des reines.
Avec le romancier Alois Jirásek, Čech était le dernier des poètes vraiment
populaires et aimés de toute la nation. Héritier de Kollár et de Hálek, il clôt
glorieusement l'époque romantique, idéaliste, d'inspiration patriotique. La plus
grande partie de son oeuvre poétique appartient à la poésie épique : sa belle
éloquence un peu académique, qu'animent de brillantes descriptions, se plaisait
surtout dans le genre du conte poétique ; il maniait avec une maîtrise incomparable
ce genre aujourd'hui désuet et s'en servait tantôt pour des compositions historiques
et patriotiques comme Les Adamites (1871) ; Václav z Michalovic, Dagmar, tantôt
pour de charmantes fantaisies satiriques ou humoristiques ou allégoriques comme
Primevères, Hanuman, Le Lutin, La Vérité, tantôt pour des poèmes philosophiques
et politiques comme Europe et Slavia, ou bien pour composer un petit roman à
tendance patriotique et sociale Le Forgeron de Lešetín, qui fut confisqué par la
Censure et circulait subrepticement. Les mêmes idées généreuses inspirent ses
poèmes lyriques, comme Chants du matin, Nouveaux chants ou les Prières à
l'Inconnu. Les Chants d'un Esclave (1894), qui atteignirent à une trentaine
d'éditions en peu de temps, eurent la portée d'une action politique.
Václav de Michalovic
Debout, ô peuple asservi, debout !
Du joug avilissant libère donc ta nuque !
Lève-toi ! Écrase ce vampire noir
Qui, depuis si longtemps, boit ton sang !
25
Josef Václav Sládek
(1845-1912)
Au soleil de l'hiver
La Montagne Blanche
26
Julius Zeyer
(1841-1901)
Poésies
27
tous les jours, au soir, venait s'arrêter
pour regarder vers les étoiles à travers le branchage.
Maintenant, pour la défunte, les astres sont le seuil
au delà duquel se cache le mystère de Dieu ;
Les regards de ceux qui sont partis sont remplis
d'une lueur indicible. Mais leurs ombres
pèsent, hélas, si lourdement sur les coeurs
de ceux qui sont encore là à attendre la mort.
Jaroslav Vrchlický
(1853-1912)
Vrchlický (pron. Veurkh'litski) est, sans conteste, la plus grande figure dans
l'histoire de la poésie moderne tchèque et un des plus vastes esprits du dix-
neuvième siècle. Doué d'un génie poétique prodigieux et d'une fécondité qui fait
songer à Lope de Vega, il a laissé une oeuvre qui forme une bibliothèque : plus de
cent ouvrages originaux dont une soixante de volume de poésie, une trentaine de
pièces de théâtre, une série de livres de critique littéraire ; son oeuvre de
traducteur dépasse encore en importance son oeuvre originale. Poète épique,
Vrchlický a donné une longue série de rhapsodies, mythes, légendes, ballades et
romances embrassant toutes les étapes de l'histoire et de la pensée humaines,
pour en dégager la philosophie de l'évolution de l'humanité ; c'est ce qu'il appelle
les Fragments d'Épopée, qui forment un pendant à la "Légende des siècles" de
Victor Hugo. Depuis le chaos primitif, depuis les mythes antiques, tous les pays,
toutes les religions, toutes les civilisations ont trouvé leur écho dans ce vaste
ensemble : une foi généreuse dans le triomphe final de l'esprit sur la matière, de
l'amour sur la douleur et le désespoir : Hilarion, Twardowski, Bar Kochba, Chanson
de Vineta, ... Poésie méditative : Vittoria Colonna, Symphonies, Sphinx, Héritage
de Tantale, Bréviaire de l'homme moderne, La Vie et la Mort, Chardons de
28
Parnasse, Chants du Pèlerin, Taches au soleil, Pas silencieux, Couchers de soleil,
J'ai laissé passer le monde... Théâtre : Une nuit au château de Karlštejn (comédie),
Hippodamie (mis en musique par Fibich), Julien l'Apostat. Traductions : Hugo
(Hernani, Anthologie), Leconte de Lisle (Caïn, Poésies), Baudelaire, Corneille (Le
Cid), Rostand (Cyrano), A. Dumas (Les trois mousquetaires), Dante (La Divine
Comédie, La Vie nouvelle), Pétrarque (Le Canzonière), Tasse (La Jérusalem
délivrée), Arioste (Le Roland furieux), Calderon (Romances sur le Cid), Verdaguer
(L'Atlantis), Camoëns (Les Lusiades), Sheley, E.A. Poe, Tennyson, Walt, Whitman,
Byron, Goethe (Faust), Mickiewizc (Les Ancêtres), ...
Perspectives
Akmé
29
J.-S. Machar
(1864-1942)
Les Apôtres
30
Otakar Březina
(1868-1929)
Les Mains
31
zlomeny prací.
Brisées par le travail.
Však jejich ruce
duchové k hvězdám Mais leurs mains spirituelles
se rozepjaly, étaient tendues vers les
miliony duší na zemi étoiles,
a ve všech světech Étreignant des millions
objaly d'âmes sur la terre et dans
a dlouhý oddech tous les mondes,
radostných Et un long soupir des réveils
procitnutí, joyeux,
sváteční vření Un bouillonnement solennel
věčného města, de la ville éternelle.
duchových křídel Un bruit d'ailes spirituelles,
šumění, hra větrů v un jeu de vents dans les blés
mystickém osení, mystiques,
orchestrů Des airs d'orchestres
neviditelných zapění invisibles
zdvihlo se v taktu S'élevèrent à la mesure de
jejich tajuplného leur geste mystérieux.
gesta.
32
Antonín Sova
(1864-1928)
Ty české rybníky jsou stříbro slité, Les étangs de Bohême ont l'air d'argent
žíhané temnem stínů pod oblaky, fondu
vloženy v luhy do zeleně syté Légèrement strié par l'ombre des nuages ;
jsou jako krajů mírné, tiché zraky. Avec leur flot moiré par les prés épandu,
Tu sluka steskne v rákosí blíž kraje Ils sont comme les yeux des calmes
a kachny vodní s peřím zelenavým, paysages.
jak duhovými barvami když hraje, La bécasse s'y plaint dans les roseaux du
se nese v dálce prachem slunce bord
žhavým; Et le canard sauvage au plumage de soie,
chlad s dechem puškvorců lukami Dont s'irise parfois le vert en reflets d'or,
stoupá, S'envole dans l'ardeur du soleil qui
a s vůní otavy po kraji dýchá, poudroie.
vzduch mírně chlazen vlnami se À l'odeur des foins verts étendus dans les
houpá, prés
a něco jako věčný stesk v tom Se mêle la fraîcheur d'un doux parfum
vzdychá. d'acore :
L'air passe, souffle, chaud d'avoir touché les
flots moirés,
33
Et là-dessus le vol d'un morne ennui
s'essore
Luttes et Destinées
Strophes simples
À présent que les soirs arrivent trop tôt, je me retire dans mon coin
Et serrant bien contre moi mon fils qui demande que je l'amuse
Je lui racconte les joies folles de ma jeunesse,
J'évoque le bruit des forêts et le mugissement des vaches.
Petr Bezruč
(1867-1958)
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Za temným oknem, v květníku sivém À une obscure fenêtre, en un pot grisâtre,
hrubý a ostnatý mračil se kaktus. difforme, épineux, grimaçait un cactus.
Jednoho jitra Un jour au matin,
červený z lodyhy vyrazil kalich, jaillit sur sa tige un rouge calice,
červený květ. une rouge fleur.
Byl u nás básník, co jiné měl oči, Nous avions un poète aux yeux différents,
co měl rád vonné a nádherné růže. qui aimait l'odeur et la splendeur des roses.
Distichem zvučným En deux vers sonores
pochválil růži a odsoudil pyšně il loua la rose, et fier, condamna
ten rudý květ. cette fleur de pourpre.
Jsou duše drsné, co samy šly žitím, Il est des âmes rudes qui vont dans la vie,
hroty a ostny je zalily vrchem. et qui sont hérissées de dards et d'épines.
Co měly v srdci ? Qu'ont-elles au fond du coeur ?
Kvetly-li jednou a kvetly-li v noci Si elles n'ont fleuri qu'une fois dans la nuit,
hleď, rudým květem... la fleur était pourpre.
(traduit par Ch. Moisse)
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srdce taky qu'il ait, comme toi,
tak jako ty, Maryčko un coeur, Maryčka Magdónova
Magdonova ? ?
36
Jak je ti, Maryčko
Magdonova ?
qui prendra soin d'eux, qui leur
donnera à manger ?
V mrazivé chýši, tam
Le maître ne se soucie pas
ptáčata zbyla,
des misérables.
kdo se jich ujme a kdo
Quelle voix a retenti dans ton
jim dá jísti ?
coeur,
Nedbá pán bídných. Co
pendant que tu cheminais,
znělo ti v srdci
Maryčka Magdónova ?
po cestě, Maryčko
Magdonova ?
Le long du chemin, Maryčka,
les rochers sont à pic,
Maryčko, po straně
et, en bas, l'Ostravice,
ostré jsou skály,
écumante, sauvage,
podle nich kypí a utíká k
bouillonne et court vers
Frydku
Frydek.
šumivá, divoká
L'entends-tu, comprends-tu
Ostravice.
son language,
Slyšíš ji, rozumíš,
fillette des montagnes ?
děvucho z hor ?
Un saut à gauche, tout est fini,
Jeden skok nalevo, po
fini.
všem je, po všem.
Tes cheveux noirs se sont
Černé tvé vlasy se na
accrochés au rocher,
skále chytly,
tes mains blanches se sont
bílé tvé ruce se zbarvily
teintes de sang.
krví,
Adieu, Maryčka Magdónova !
s Bohem buď, Maryčko
Magdonova !
Dans le cimetière de Staré
Hamry, sans croix ni fleurs,
Na Starých Hamrech na
des tombes se blotissent près
hřbitově při zdi
du mur :
bez křížů, bez kvítí krčí
là reposent des suicidés, des
se hroby.
gens sans foi.
Tam leží bez víry
Là repose Maryčka
samovrazi.
Magdónova.
Tam leží Maryčka
Magdonova.
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Hideux fantôme
38
Victor Dyk
(1877-1931)
Poète, romancier, dramaturge, journaliste, polémiste, homme politique, Dyk est une
des plus intéressantes physionomies de la littérature tchèque. Dès ses débuts, il se
distinguait, parmi une génération qui affectait de se désintéresser de la politique,
par un sentiment patriotique très aigu qui devait, plus tard, faire de lui le poète de
l'énergie et de la fierté nationale et lui assigner un rôle rappelant celui que Maurice
Barrès a joué en France. L'idée de l'honneur de la Nation est comme l'axe de sa
pensée et de sa poésie. Pendant vingt ans, il poursuivit, par de cinglants
sarcasmes, tout ce qui était mesquin et lâche dans la vie publique tchèque,
brandissant très haut le drapeau de l'indépendance nationale. "Maudite soit la terre
qui porte les lâches, s'écriait-il, et la mère qui leur donne la vie ! Maudit soit le
bourreau qui martyrise sa victime, mais trois fois maudit qui se laisse martyriser !" Il
continua à défendre cet idéal pendant la guerre et du fond de la "tour de mort" de
Vienne où il était emprisonné, il adressait à la nation son admirable missive : La
terre parle, qu'on lira plus loin. L'appel du poète fut entendu, Dyk rentra dans son
pays. Il siégea à l'Assemblée Législative, puis au Parlement, pour passer au Sénat,
où il continua à être le gardien de l'honneur national. Il ne faudrait cependant pas
que l'homme politique fit oublier le poète, auteur de chansons lyriques d'une ironie
douloureuse, libéré, tendre sensitif doublé d'un froid analyste, irrémédiable
sceptique qui a su exprimer son amour de la chimère en des chansons d'une
concision laconique, des ballades symboliques d'une exquise finesse spiritualiste ;
ni le romancier d'un génie très large qui a fixé, pour l'avenir, quelques étapes de
l'évolution morale et politique de son pays, et l'auteur dramatique, un des plus
originaux de son temps, qui base son théâtre sur le contraste tragi-comique de la
vie et du rêve. Citons, parmi ses livres de poésie : A porta inferi (1897), Force de
la vie (1898), Vanités, L'amie de sept brigands (1906), Guiuseppe Moro (1911),
Satires et sarcasmes (1906), Contes de mon village (1910), Campagnes perdues
(1914), Pas lourds et légers (1915), Nuits de Chimère (1917), Ou bien... (1918),
Fenêtre (1921), La neuvième vague (1930).
Otázky Questions
Já k svému citu kdysi děl : Puis à mon coeur un jour j'ai dit :
„Co toužil bys a co bys chtěl ?” „Quel secret désir te remplit ?”
39
„A co chce tělo počíti ?” „Et quel est, ô corps, ton désir ?”
To dělo : „Já chci zemříti !” - Rien d'autre, dit-il, que mourir.
Okno Fenêtre
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neslyšel jsi můj hlas. Tu n'as pas pensé à moi avec amour.
A já přec mluvila, vidou tvou psotu, Quand le vent grondait, quand le froid
bídu, jež věčně tě štve. craquait
A z úst mých zamlklých zaznělo tu : tu n'entendais pas ma voix.
Vezmi si své ! Et cependant, je parlais, voyant ta peine,
Ta misère qui te poursuit éternellement.
Těžké břímě nosím. Alors, ma bouche silencieuse a dit :
Přichází radost anebo děs ? Prends ce qui t'appartient.
Slyšíš mne dnes ?
Matka syna prosím. Je porte un lourd fardeau,
Haj si mne. Braň si mne. Neoslyš Est-ce la joie ou l'horreur qui vient ?
matky. M'entends-tu aujourd'hui ?
Haj si mne. Brň si mne : Ať shoří Mère, je prie mon fils.
statky, Défends-moi. Protège-moi. Écoute ta mère.
pole ať udupou, zničí. Défends-moi. Protège-moi : Que les
Zítra zas símě vzklíčí. maisons brûlent,
Chystala jsem ti úděl, děcko. qu'on piétine les champs, qu'on les
Úděl jsem tobě chystala. détruise !
Chraň si mne. Haj si mne. V moci tvé Demain, une semence nouvelle poindra.
všecko : Je te préparais ton partage, mon enfant.
aby ztroskotala loď, anebo přistála. Ton partage est préparé.
Protège-moi. Défends-moi. Tout dépend de
Neoslyš slova varující : toi :
neprodej úděl za čočovici. Le navire peut sombrer, ou arriver à bon
Třeba mne opustíš, port.
nezahynu.
Ale víš, Ne néglige pas mes paroles. Prends garde.
kolik sem přijde stínů ? Ne vends pas ton partage pour un plat de
Kolikrát pěst bude potomek zatínat, lentilles.
a syn tvůj kolikrát tě bude proklínat ? Si tu m'abandonnes
je ne périrai pas.
Nezahynu, věčna jsem, Mais sais-tu
ale žít budu s trapným úžasem : combien il surgira d'ombres ?
kterak jsi zapomněl dědičný na díl ? Combien de fois tes fils serreront les
Kterak jsi váhal ? A kterak jsi zradil ? poings ?
Jak možno kletý čin provésti Combien de fois tes fils te maudiront ?
vědomky ?
Sebe jsi zradit moh. Ale své Je ne périrai pas, je suis éternelle,
potomky ? mais je vivrai dans un étonnement pénible :
Dokavad dýchal jsi, proč ses vzdal ? Comment as-tu pu oublier ton partage ?
čeho ses bál ? Comment as-tu pu oublier ? Comment as-tu
Co je to smrt ? pu trahir ?
Smrt znamená jít ke mně. Comment peut-on, à bon escient,
Tvá matka země commettre une lâcheté ?
otvírá náruč : možno, bys jí zhrd ? Libre à toi de te trahir toi-même. Mais trahir
Pojď, poznáš, jak je země náruč ta descendance ?
měkká Tant que tu respirais, comment as-tu pu te
41
rendre ?
De quoi avais-tu peur ?
Qu'est-ce donc que la mort ?
La mort, cela veut dire, venir à moi.
pro toho, který splnil, co čeká. Ta mère, la terre
Prosím tě, matka tvá ; braň si mne, ouvre ses bras : la pourrais-tu mépriser ?
synu ! Viens, tu verras combien le sein de la terre
Jdi, třeba k smrti těžko jdeš. est doux
Opustíš-li mne, nezahynu. pour celui qui a fait ce qu'elle attend.
Opustíš-li mne, zahyneš. Moi ta mère, je te supplie : défends-moi,
mon fils.
En avant, et fût-ce dur jusqu'à la mort :
Si tu m'abandonnes, je ne périrai pas.
Si tu m'abandonnes, tu périras.
Vítězslav Nezval
(1900-1958)
Le chef de l'école poétique a débuté, en 1922, dans le groupe qui se donnait le titre
de Devětsil (Les Neuf forces, nom tchèque d'une fleur de printemps : Pétasiles),
par le recueil Le Pont, dont le titre exprimait sa conception de la poésie qui est un
pont entre le subconscient et le conscient, entre la réalité et le souvenir. Cette
poésie qui tenait du rêve et de l'hallucination créait une réalité absurde, mais
chatoyante et mélodieuse. En 1924 Nezval publia La Pantomime, livre très curieux,
plein à la fois de réminiscences et d'originalité, livre qui est une confession et un
programme. C'est en se basant sur ce livre que le théoricien du groupe Charles
Teige a formulé, avec Nezval, le manifeste du poétisme qui rompait d'une façon
définitive avec la poésie prolétarienne, qui voulait renouveler la joie, la fantaisie, la
vie sentimentale et qui réclamait la poésie pure, jeu de belles paroles, féérie
d'images sans tendance et sans idéologie. Il y a, dans cette théorie, des souvenirs
du futurisme et des parentés étroites avec le dada et le surréalisme. Quoi qu'il en
soir, le poétisme rendit la poésie tchèque, qui devenait dangereusement assujettie
aux conceptions communistes, à la vie et à la liberté. Nezval est doué d'une facilité
d'écriture qui rappelle celle de Jaroslav Vrchlický, dont il possède aussi la virtuosité
de forme. À côté des petits bouts rimés insignifiants, à côté de blagues apparentes,
il y a une richesse étonnante d'images nouvelles, de petites merveilles de grâce et
d'harmonie musicale. La fantaisie difficilement contrôlable, qui déconcertait souvent
à ses débuts, se plie volontiers à la logique, le caprice cède le pas à la discipline. Il
en résulte des poèmes d'une forme régulière, voire des sonnets ou des rondeaux,
où s'exprime nom plus le prestigieux rimeur, mais un être humain qui a connu des
angoisses et l'horreur de la mort. Citons, parmi les nombreux recueils : Poèmes de
la Nuit, Adieu et le Mouchoir, 52 ballades de l'éternel étudiant Robert David, Cinq
minutes de la ville, Les villes et les bleuets. Les pièces de théâtre ayant le plus de
succès : Les amants de kiosque, Manon Lescaut, Les trois mousquetaires, Le
soleil se couche encore sur l'Atlantide. Les livres de souvenirs : De ma vie, La rue
Gît-le-Coeur, Moscou invisible. Les traductions : Rimbaud, Mallarmé, André Breton,
E. A. Poe, Heinrich Heine, Pablo Neruda. Sur ce site : Edison, Poe, Le corbeau et
La romance du boureau Jan Mydlář.
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Jumeaux
Blíženci
Krajina
Paysage
Mezi jahodami v lese
je atlasový divan Un divan de soie
Nad ním se třese Parmi les fraises au bois.
a zpívá skřivan Au-dessus une alouette
Frémit et chante
Na té louce je španělská stěna
a na otomanu v dolíčku Sur ce pré un paravent
spí nahá žena Sur le sofa dans une fossette
a na prsou má rosničku Une femme nue dort
Sur sa gorge il y a une rainette.
Rosnička zpívá
pomněnky se krčí La rainette chante,
dáma spí a zívá Des myosotis se blottissent,
Zvolna prší La dame dort et bâille
Lentement il pleut.
Ange gardien
Anděl strážný
La fièvre sévit dans ton lit
V tvém loži řádí zimnice bien qui l'air soit tiède.
ač vzduch je vlažný Au-dessus de toi plane
Nad tebou vznáší se l'ange gardien.
anděl strážný
Il couvre ton corps de baisers
Líbá tvé tělo od nohou depuis les pieds jusqu'à la bouche, oh ! le
až k ústům ach ten se vyzná malin
K ránu se propadne podlahou Le matin il disparaît par le plancher,
když budíš se ze sna lorsque tu te réveilles.
Áž budeš mít dceru nediv se Quand tu auras une fille ne sois pas
Anděl je falešný strážce étonnée.
Dnes ráno mi říkal o dívce L'ange est un faux gardien ;
již podvedl v lásce ce matin il m'a parlé d'une jeune fille
qu'il a trompée en amour.
Vajíčko L'oeuf
Jak snáší křepelka vejce na zimu Telle une caille qui pond des oeufs pour
tak kladu slovo k slovu do rýmů l'hiver
Z každého vyletí kropenatý ptáček je pose un mot à côté de l'autre pour les
43
faire rimer ;
de chacun d'eux un petit oiseau grivelé va
s'envoler ;
si vous ne faites pas de bruit, il se mettra à
budete-li zticha sladce rozzpívá se chanter.
Cukr Le sucre
Deštník Le parapluie
Deštníku optimista nosí tě rád v duši Un optimiste aime à te porter dans son âme,
ráno svítí slunce večer na to prší ô parapluie !
Když zmokneš občas na kůži le matin de soleil brille, le soir il tombe de
nezoufej bratře to se usuší l'eau
si parfois tu es mouillé jusqu'aux os
Píšťalka ne te désespère pas, mon frère, cela va
Ve světě slavných milostnic a králů sécher.
hvízdám si jako Giotto na píšťalu
Le sifflet
Chudobky rostou v zahrádce
a mně se stýská po lásce Au milieu des célèbres amoureuses et des
rois
je joue comme Giotte d'un petit sifflet,
des pâquerettes poussent dans le jardin
et moi, j'ai la nostalgie de l'amour.
Edison Edison
I I
Naše životy jsou truchlivé jak pláč Notre vie est telle qu'un pleur morne et
Jednou k večeru šel z herny mladý terne.
hráč Un joueur sortait un soir de la taverne,
venku sněžilo nad monstrancemi La neige poudrait les ostensoirs des bars,
barů Le printemps était proche en l'aire moite
vzduch byl vlhký neboť chýlilo se k épars,
jaru Mais la nuit frissonnait comme une prairie
avšak noc se chvěla jako prérie Sous les éclats d'une australe artillerie
pod údery hvězdné artilérie Qu'écoutaient à table, aux bancs crasseux
které naslouchali u politých stolů figés,
44
pijáci nad sklenicemi alkoholů Les buveurs d'alcool sur leurs verres
polonahé ženy v šatě z pávích per penchés
melancholikové jako v podvečer Et des femmes vêtant leurs corps presque
nus
Bylo tu však něco těžkého co drtí De plumes de paon, tous par le soir émus.
smutek stesk a úzkost z života i smrti
Un poids lourd qui écrase pesait là sur le
Vracel jsem se domů přes most Legií sort,
zpívaje si v duchu malou árii Spleen, tristesse, angoisse de la vie et de la
piják světel nočních bárek na Vltavě mort.
z hradčanského dómu bilo dvanáct
právě Rentrant par le Pont des Légions, tout bas
půlnoc smrti hvězda mého obzoru Je chantais pour moi seul des airs d'opéras,
v této vlahé noci z konce únoru Buveur de feux nocturnes aux barques
fantomales
Bylo tu však něco těžkého co drtí Minuit était tombé de la cathédrale.
smutek stesk a úzkost z života i smrti Minuit, heure de mort, étoile à mon horizon
Dans cette nuit douce de l'avant-saison.
Skláněje se z mostu uviděl jsem stín
sebevrahův stín jenž padal do hlubin Mais un poids qui écrase pesait là sur le
bylo tu však něco těžkého co pláče sort,
byl to stín a smutek hazardního hráče Spleen, tristesse, angoisse de la vie et de la
řekl jsem mu probůh pane co jste zač mort.
odvětil mi smutným hlasem nikdo
hráč Par-dessus le parapet je vis une ombre,
bylo tu však něco smutného co mlčí Une ombre d'homme plongeant au néant
byl to stín jenž jako šibenice trčí sombre,
stín jenž padal z mostu ; vykřikl jsem Mais là quelque chose était lourd et pleurait,
ach !
ne vy nejste hráč ! ne vy jste L'ombre triste d'un joueur que l'enfer attirait.
sebevrah ! „Qui, dis-je, êtes-vous, Monsieur ? Dieu
vous pardonne !”
Šli jsme oba ruku v ruce oba Il répondit lugubre : „Un joueur, personne.”
zachránění Là pesait un chagrin lourd qui se taisait.
šli jsme ruku v ruce v otevřeném Une ombre comme un gibet qui se dressait,
snění Une ombre tombant du pont. J'ai fait : „Ah !”
za město kde počínaly Košíře Puis, livide :
z dálky mávaly nám noční vějíře „Non, tu n'es pas un joueur, tu es un
nad kiosky smutku tance alkoholů suicide.”
šli jsme ruku v ruce nemluvíce spolu
Nous marchions tous deux sauvés la main
bylo tu však něco těžkého co drtí dans la main,
smutek stesk a úzkost z života i smrti Main dans la main nous marchions rêveurs
sans frein,
Odemkl jsem dveře rozžal svítiplyn Hors la ville où le faubourg de Kochir
veda na nocleh svůj pouliční stín commence,
řek jsem pane pro nás pro oba to Au signal des éventails de la nuit dense,
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stačí Par-dessus bals, kiosques, bars, tristes
nebylo tu však už stínu po mém hráči lieux,
či to byl jen přízrak nebo sebeklam ? Nous marchions main dans la main
stál jsem nad svým každodenním silencieux.
lůžkem sám
Mais un poids qui écrase pesait là sur le
bylo tu však něco těžkého co drtí sort,
smutek stesk a úzkost z života i smrti Spleen, tristesse, angoisse de la vie et de la
mort.
Usedl jsem za stůl nad kupy svých
knih J'ouvris la porte, allumai le gaz, du geste
pozoruje oknem padající sníh Offris à l'Ombre ma couchette modeste :
pozoruje vločky jak své věnce vijí „Monsieur, dis-je, à nous deux cela peut
se svou věčně chimérickou nostalgií suffire.”
piják nezachytitelných odstínů L'ombre du joueur avait fui sans mot dire,
piják světel potopených do stínů Songe illusoire ou spectre ? je n'en sais
piják žen jichž poslouchají sny a hadi rien,
piják žen jež pochovávají své mládí J'étais seul devant mon lit quotidien.
piják krutých hazardních a krásných
žen Mais un poids qui écrase pesait là sur le
piják rozkoše a zkrvavělých pěn sort,
piják všeho krutého co štve a drtí Spleen, tristesse, angoisse de la vie et de la
piják hrůz a smutku z života i smrti mort.
46
Je me dis : „Il faut vite oublier les ombres.”
J'ouvre les journaux dont ma table
s'encombre,
Parmi les relents d'encre grasse apparaît
Edison l'inventeur, émouvant portrait
Qui évoque à mon esprit la noble image
D'un prêtre en simarre comme au Moyen
Âge.
Racheli Rachel
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Jsem unaven Racheli dans le lit que cette banquette vous rappelle
jako vaše chimérická rasa
jako naše příliš staré kostely Je suis fatigué Rachel
jako poesie jako krása Comme votre vieille race chimérique
jako smutek jako veselí Comme nos trop vieilles églises
Comme la poésie comme la beauté
Jsem unaven Racheli Comme la tristesse comme le rire
Je suis fatigué Rachel
Sbohem a šáteček (traduit par F. Kérel)
Bylo to překrásné žel všecko má svůj Cela fut merveilleux hélas tout doit finir
konec Que se taise le glas je connais sa tristesse
Mlč umíráčku mlč ten smutek já už Baiser mouchoir sirène et cloche du navire
znám Deux ou trois fois sourire après quoi on se
Polibek kapesník siréna lodní zvonec laisse
tři ètyři úsměvy a potom zůstat sám
Adieu et si les mots nous semblent trop
Sbohem a kdybychom si neřekli už banals
více Qu'un petit souvenir des jours qui nous
ať po nás zůstane maličká památka émurent
vzdušná jak kapesník prostá jak plus léger qu'un mouchoir qu'une carte
pohlednice postale
a trochu mámivá jak vůně pozlátka nous grise de l'arôme envoûtant des dorures
A jestli viděl jsem co neviděli jiní Et si j'ai vu ce que n'ont pas vu d'autres
tím lépe vlaštovko jež hledáš rodný yeux
chlév tu m'as montré le sud et le nid qui t'attend
Ukázalas mi jih kde máš své hnízdo v Tant mieux belle hirondelle en quête du ciel
skříni bleu
Tvým osudem je let mých osudem je ton destin c'est le vol mon destin c'est le
zpěv chant
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Sbohem a šáteček Vyplň se osude !
Traductions de V. Nezval
Jednou o půlnoci, maje horečku a Once upon a midnight dreary, while I pondered,
rozjímaje weak and weary,
nad divnými svazky vědy prastaré a Over many a quaint and curious volume of forgotten
záslužné - lore,
když jsem klímal v polospaní, ozvalo se While I nodded, nearly napping, suddenly there
znenadání came a tapping,
velmi jemné zaťukání na dveře - a pak už As of some one gently rapping, rapping at my
ne. chamber door.
"Je to návštěva, či zdání, bylo to tak "'Tis some visitor," I muttered, "tapping at my
nezvučné - chamber door-
jednou jen a pak už ne." Only this, and nothing more."
Une page spéciale est dédiée à ce poème. Vous y trouverez les traductions
complètes.
Jaroslav Seifert
(1901-1986)
Fils d'un faubourg populaire de Prague, Seifert était prédestiné à devenir le poète
du prolétariat. Il en a adopté le point de vue sans essayer de le juger et il 'a
exprimé avec une spontanéité brutale et presque barbare de naïveté, parfois avec
un primitivisme criard et bariolé : La Ville en larmes (1922) et Rien que l'amour.
Après un voyage à Paris, embrassant la doctrine poétiste, il écrit Sur les ondes de
T. S. F., inauguré par une belle apostrophe de Guillaume Apollinaire. Oubliant les
programmes politiques, il laisse parler son lyrisme frais. Sans avoir la richesse de
Nezval, il trouve souvent des vers d'une beauté limpide et teintés d'une profonde
souffrance humaine. Seifert n'est pas un penseur, mais c'est un coeur de poète. Le
rossignol chante mal (1926, intitulé ainsi par une citation de Cocteau) est influencé
par le Dada et le surréalisme, ainsi que par des slogans politiques, chers à V.
Maïakovski. Déçu par Moscou, Seifert est exclu du parti communiste (1929). Le
poète devient plus discret et sa mélodie, si elle a perdu en sonorité, a gagné en
douceur et en finesse. De ses livres, citons au moins Éteignez les lumières (1938,
exprimant la crainte de l'avenir après l'accord de Munich), L'éventail de Božena
Němcová (1940), Prague vêtue de lumière (1942), Mozart à Prague (1951),
Maman (1954). Ayant désapprouvé l'invasion soviétique en 1968, il n'est
pratiquement plus publié ; ses mémoires Toutes les beautés du monde ne
paraissent qu'à l'étranger. Cosignataire de la pétition "Charte 77" sur les droits de
l'homme (1977), son nom fait apparition dans la presse occidentale. Peu avant sa
mort, malade, Seifert reçoit le prix Nobel (1984).
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Rien que l'amour
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