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Il s'agît de l'Anthologie de la poésie tchèque de Hanuš Jelínek (1930),

actualisée et complétée. Sauf mention spéciale, les traductions sont de M.


Jelínek.

Page en cours d'élaboration (2001).     Toute aide : textes, conseils,


traductions... seront les bienvenus.

Anthologie de la poésie
tchèque
 Chant de St Venceslas
 Légendes
 Ján Kollár
 Manuscrits RKZ
 F.-L. Čelakovský
 Karel Hynek Mácha
 Karel Havlíček
 Karel Jaromír Erben
 Vítězslav Hálek
 Jan Neruda
 Adolf Heyduk
 Svatopluk Čech
 Josef Sládek
 Julius Zeyer
 Jaroslav Vrchlický
 Josef Svatopluk Machar
 Otakar Březina
 Antonín Sova
 Petr Bezruč
 Viktor Dyk
 Vítězslav Nezval
 Jaroslav Seifert
Svatý Vojtěch (Saint Adalbert)
( 10e siècle )

Elu en 982 second évêque de Prague, Saint Adalbert était une des plus illustres
personnes de son époque; certains historiens lui attribuent une chronique signée
Kristian, ainsi que le chant O Domine, miserere, une sorte de hymne national.
D'autres pensent, que ce chant est plus ancien, adapté du vieux slave.

Martyr des païens de Prusse Orientale (997), St Adalbert est le patron de l'état polonais catholique: sur sa tombe il
fut créé en 1000 l'évêché de Cracovie.

Původní česká hymna (kolem 10e


Hymnus S. Woytiechi
s.)
O Domine, miserere
Hospodine pomiluj ny
O Domine, miserere,
Hospodine, pomiluj ny,
Iesu Christe, miserere,
Jezu Kriste, pomiluj ny,
Salus es totius mundi,
ty Spase všeho míra,
salva nos et percipe,
spasiž ny, i uslyšiž,
o Domine, voces nostras ;
Hospodine, hlasy nášě ;
da cunctis, o Domine,
daj nám všém, Hospodine,
panem, pacem terrae ;
žizň a mír v zemi ;
panem, pacem terrae.
žizň a mír v zemi.
Kyrie eleison !
Krleš, Krleš, Krleš !
(traduit par M. B. Boleluczky)
(orthographe actuel)
Au 12e siècle apparu le Chant de la Saint Venceslas, d'un auteur inconnu, qui durant des siècles a servi de
réconfort dans les moments difficiles pour la nation.

Původní česká hymna (asi z 12e s.) Hymne tchèque (depuis 12e s.)

Svatý Václave Ô, Saint Venceslas

Svatý Václave, O, Saint Venceslas,


vévodo české země. chef des armées de la Bohême,
kníže náš, notre prince,
pros za nás Boha, prie pour nous auprès le Seigneur
svatého Ducha, et le Saint Esprit,
Kriste eleison ! Kyrie eleison !

Ty jsi dědic české země, Tu es l'héritier de la terre tchèque,


rozpomeň se na své plémě : pense à ton peuple :
nedej zahynouti ne permet pas qu'il périsse
nám ni budoucím, ni ses descendants,
svatý Václave, ô Saint Venceslas,

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Kriste eleison ! Kyrie eleison !
/. . . / /.../

L'hymne national tchèque vient du théâtre. A la suite de la forte germanisation au 18e


siècle, le théâtre en langue tchèque n'existait pratiquement pas. En 1834 J. K. Tyl a écrit
une opérette contenant une scène, où un chanteur aveugle décrit à une jeune fille le
chemin pour retrouver sa maison. Sans se concerter, les spectateurs se levaient en
silence. Les autorités autrichiennes ont interdit la pièce, mais la notoriété de la chanson
était acquise.

J. K. Tyl : Kde domov můj J. K. Tyl : Où est mon pays

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Státní hymna (od 1918) Hymne tchèque (depuis 1918)

Kde domov můj ? Kde domov můj ? Où est mon pays, où est ma maison ?
Voda hučí po lučinách, C'est où l'eau bruit dans le prairies,
bory šumí po skalinách, Où le vent mugit dans les pins,
v sadě skví se jara květ, Où les fleurs dans les jardins
zemský ráj to na pohled. Embaument dès le printemps.
A to je ta krásná země Et cet Eden, ce pays charmant,
země česká, domov můj ! C'est ma maison, la Bohême,
Země česká, domov můj. La Bohême, ma patrie.
/. . . / / . . . / (tr. Eugène Billaudeau)

Anonyme : Légendes
( 1306 )

Probablement inspiré par la Legenda aurea de Jacques de Voragine, un prêtre inconnu a écrit un cycle de légendes
de la vie des personnages du Nouveau Testament, néanmoins très originales par leur forme et par la beauté de la
langue. Seuls quelques fragments se sont conservés.

Cyklus Legend (1306) Les légendes (vers 1306)

Legenda o Iudaschovi La légende de Judas

/.../ /.../
Wzplaka otecz, wzkuieli matka, Le père pleure, la mère gémit :
vizze kazdy kak iezt wratka sachons combien instables sont les éloges
zzeho zwieta chzezt hi chwala, et la gloire de ce monde.
kak iezt na male pozztala Combien peu a duré
chzaka sscariotczke wlazzti ! l'espoir de la patrie d'Iscariote.
Znamenaymy przi tom zwalzzti, En particulier notons à cette occasion
ies zzie stalo v Chzechach nenye, ce que vient d'arriver en Bohême,
gdes prsiwuznych kralow nenye, où le roi est resté sans famille,
pochznucz ot Prsiemyszla krale, de la lignée de Przemysl.
kak ho zzyn, kak wnuk na male Et comment son fils et son petit fils
zzie yzzu zzbyli na zzem zzwietie ; ont peu vécu dans ce monde ;
pozzledny byl geschze dyetye, le dernier était encore enfant,
pochzen zze sschezdr hi udaten généreux et brave,
a uzza zzwym liudem pozztaten, utile à son peuple,
wssaks nemohl toho usity, mais il n'a pas pu en profiter,
muzzil z mladych dnexh zznyty ; il a dû partir dans ses jeunes années ;
kaks koli byl wssiem powolil, bien que conciliateur,
wsskas newinnye zwu krew prolil. il a versé son sang innocent.
Wsse pro tye, proradne plemie, Mais pour toi, race du traitre
puzzthy o zzu ne yedny zemie ! nombreux pays sont interdits !
Zrado, viedye, snycz neminess, Perfidie, je sais que tu n'a rien manqué,

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wssaks zama potom plyness. tu disparaîtras !

Ján Kollár
(1793-1852)

Slovaque d'origine, Kollár étudia à l'Université d'Iéna. Jeune théologien protestant,


il assista à l'imposante manifestation de la jeunesse romantique allemande à la
Wartburg (1817). C'était l'époque de la plus grande effervescence patriotique en
Allemagne. Élève de professeurs herdériens et rousseauistes, Kollár prit
conscience, ainsi que son ami, le futur savant Šafařík, de son origine slave. Leur
patriotisme prend une teinte d'exaltation, fortifiée encore de souvenirs historiques.
Dans les environs d'Iéna, Kollár trouve partout, dans les noms des villages, des
villes et des rivières, les traces des tribus slaves exterminées ou germanisées.
Devant ses yeux éblouis par les rêves humanitaires de la philosophie herdérienne,
la vision grandiose se dressa d'une Slavie future réunissant les millions de Slaves
déchirés par les discordes, éloignés de la civilisation, pour en faire un seul peuple,
fort et jeune, destiné à jouer un rôle brillant dans l'histoire et à inaugurer le règne
de la fraternité et de l'amour. S'étant épris d'une jeune fille, il voit en elle une
personnification de la race éteinte et, dans son imagination, la fiancée du poète se
transforme peu à peu en une sorte de génie protecteur des Slaves, la "fille de
Slava". Le poème qui porte ce titre est une longue série de sonnets (645). C'est
comme un pèlerinage child-haroldesque à travers les pays slaves, où se mêlent
des réminiscences de la Divine Comédie. Si l'oeuvre, dans son ensemble, est
manquée, il n'en reste au moins quelques sonnets d'un beau pathétique, d'une
sagesse pondérée, et surtout, le Prologue qui est une douloureuse et sombre
rhapsodie. Le panslavisme de Kollár, bien que chimérique, fut, non seulement pour
les Tchèques, mais aussi pour les autres nations slaves opprimées, d'un précieux réconfort moral.

Slávy dcera

Prologue (fragment)

Oh ! la voilà donc, devant mes yeux noyés de larmes, cette terre,
berceau jadis, aujourd'hui tombeau de ma nation !...
De l'Elbe traîtresse aux plaines de l'infidèle Vistule,
du Danube aux yeux écumants de la dévorante Baltique,
la langue harmonieuse des vaillants Slaves retentissait jadis.
Victime de l'envie, elle est aujourd'hui muette.
Qui donc a commis ce rapt impardonnable ?
Qui donc a, dans un seul peuple, déshonoré toute l'humanité ?
Rougis, jalouse Teutonie, voisine de la Slavie :
ce sont tes mains qui, autrefois, ont commis tous ces attentats.
Jamais, en effet, ennemi plus implacable n'a fait
couler autant de sang que l'Allemand n'en a répandu pour anéantir le
Slave.
Celui-là seul est digne de la liberté qui respecte la liberté de chacun ;
celui qui met les esclaves aux fers est lui-même un esclave.
Que, par ses entraves, il asservisse la main ou la langue,
c'est tout un, car il ne sait pas respecter les droits d'autrui...

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Qu'êtes-vous devenus, chers peuples Slaves qui habitiez ici,
peuples qui vous désaltériez sur les rivages de la Poméranie ou sur
les rives de la Saale ?...
Je regarde au loin, à ma droite ; à gauche je jette un regard aigu :
c'est en vain que dans la Slavie mon oeil cherche un Slave.
(traduit par Jules Chopin)

Aj, zde leží zem ta před okem mým slzy ronícím,


někdy kolébka, nyní národu mého rakev.
Stůj noho, posvátná místa jsou, kamkoli kráčíš,
k obloze, Tatry synu, vznes se, vyvýše pohled !
Neb raději k velikému přichyl tomu tam se dubisku,
jež vzdoruje zhoubným až dosaváde časům.
Však času ten horší je člověk, jenž berlu železnou
v těchto krajích na tvou, Slávie, šíji chopil.
Horší nežli divé války, hromu, ohně divější
zaslepenec, na své když zlobu plémě kydá.
Ó věkové dávní, jako noc vůkol mne ležící,
ó krajino všeliké slávy i hanby plná !
Od Labe zrádného k rovinám až Visly nevěrné,
od Dunaje k hltavým Baltu celého pěnám,
krásnohlasý zmužilých Slovanů kde se někdy ozýval,
aj, oněmělť již, byv k úrazu zášti, jazyk !

Anonyme : Les Manuscrits


(1817)

Le Manuscrit de Králové Dvůr, ainsi que Le Manuscrit de Zelená Hora sont des
manuscrits de poèmes épiques et lyriques qu'on datait de la moitié du 13e siècle,
et qui furent trouvés en 1817. La découverte fut saluée par un enthousiasme
général. Ils furent traduit dans toutes les langues européennes ; Goethe lui-même
ne cachait pas son admiration pour ces poèmes qui semblaient le fragment d'un
vaste recueil de la vieille poésie tchèque. En fait, il s'agît vraisemblablement d'une
supercherie patriotique analogue à celle de Macpherson en Angleterre ou à celle
de Vrain-Lucas en France. Les savants groupés autour de T. G. Masaryk
prouvèrent que les auteurs probables sont Joseph Linda, pour les poèmes épiques,
et Václav Hanka, pour les poèmes lyriques. Pourtant, les Manuscrits ont joué dans
l'histoire du mouvement national tchèque un rôle des plus importants. Ils ont inspiré
des oeuvres les plus représentatives de l'art et de la musique tchèques, ils ont
fortifié, pendant soixante ans, la conscience patriotique dans le pays. La lutte qui
s'engagea autour d'eux en 1885 et qui fut menée au nom de la vérité contre le
mensonge, au nom de la raison critique contre le chauvinisme, contribua
puissamment au développement intellectuel de la Bohême moderne. Les
Manuscrits ont paru dans la traduction française de Louis Léger en 1866 sous le
titre : Chants héroïques et Chansons populaires des Slaves de Bohême (Paris,
Librairie Internationale).

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Le Manuscrit de Králové Dvůr

La Rose

Ah ! Rose, belle rose !


Pourquoi t'est-tu épanouie si tôt ?
Epanouie, pourquoi as-tu gelé ?
Gelée, pourquoi t'es-tu fanée ?
Fanée, pourquoi t'es-tu effeuillée ?

Le soir, je me suis assise : longtemps,


Jusqu'au chant du coq je suis restée,
et dans ma vaine attente,
j'ai brûlé tout mon bois de résine.
Je me suis endormie. J'ai fait un rêve.
Infortunée, j'ai rêvé qu'une bague d'or
a glissé du doigt de ma main droite
et que la pierre précieuse en est tombée.

Je n'ai plus retrouvé la pierre.


Mon bien-aimé n'est pas venu.

F.-L. Čelakovský
(1799-1852)

Čelakovský, François-Ladislas (pron. Tchélakovski), fut d'abord précepteur dans


plusieurs familles nobles de Bohême, rédacteur de plusieurs journaux, professeur
de langues slaves à l'Université de Breslau (1841), puis à l'Université de Prague
(1849). Avec Jan Kollár, Čelakovský est le fondateur de la poésie tchèque
moderne. Partisan des théories de Herder sur la poésie populaire, il se consacra
dès sa jeunesse à l'étude de la poésie populaire slave et publia, de 1822 à 1827,
trois volumes de Chants populaires slaves suivis d'un recueil de Chants lithuaniens
et d'un beau recueil de 15.000 proverbes et dictons populaires : La Philosophie du
peuple slave en proverbes, disposés d'après la méthode comparative (1852), rééd.
en 1893 et en 1910. Dans les chants populaires, Čelakovský trouva une source
limpide d'inspiration poétique : l'Écho des Chants russes (1829) et l'Écho des
Chants tchèques (1959) sont des chefs-d'oeuvre et donnent, avec un art très sûr,
l'essence même de la psychologie des deux peuples. Parmi les autres oeuvres de
Čelakovský, citons encore : La Rose aux cent feuilles (1840), recueil de poésies et
un grand nombre d'épigrammes, genre où il excellait, ainsi qu'une volumineuse
correspondance, très importante pour la connaissance de son époque.

Écho des chansons tchèques

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Toman a lesní panna Toman et la fée

Večer před svatým La veille de la Saint-Jean,


Janem sa soeur dit à Toman :
mluví sestra s „Où veux-tu aller cher frère
Tomanem : à cette heure, si tard dans la
„Kam pojedeš, bratře soirée,
milý, sur ton cheval bien sellé,
v této pozdní na noc si joliment attifé ?”
chvíli
na koníčku sedlaném, „Il faut que j'aille à Podhájí
čistě vyšperkovaném?” chez le forestier, voir ma mie,
une inquiétude soudaine m'ai
„Do Podhájí k myslivci, saisi.
musím ke své děvčici ; Attends-moi, à l'aube je
znenadání nemám reviens.
stání, Passe-moi, petite soeur,
zas mě čekej o svítání. passe-moi
Dej, sestřičko, dej une chemise toute neuve en
novou toile fine,
kamizolku růžovou.” et ma veste couleur de rose.”

Jiskra padla pod Une étincelle jaillit sous le pas


koníčkem, du cheval.
sestra volá za La soeur appelle encore son
bratříčkem : frère :
„Slyš, Tománku, radu „Écoute mon conseil, mon petit
mou, Toman,
nedávej se doubravou. ne traverse pas le bois de
Objeď dolem k Svaté chênes.
hoře, Fais plutôt le détour du côté de
ať nemám po tobě hoře, Svatá Hora
que je n'aie pas à te pleurer,
dej se raděj v zápolí, fais le détour par les champs
ať mě srdce nebolí.” pour que mon coeur n'ait pas
de chagrin.”
Nejel Toman
doubravou, Toman n'a pas passé par le
dal se cestičkou bois de chênes,
pravou ; il a pris le bon chemin.
a v Podhájí u myslivce À Podhájí, chez le forestier,
nový domek jedna à la maison nouvelle, partout
svíce, des bougies ;
hostí mnoho pospolu, la chambre est pleine d'invités,
jizba plna hovoru.
la chambre est pleine de

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causeries.
Smutkem Toman
obklopen Toman, en proie à la tristesse,
patří s koně do oken ; de son cheval regarde les
Děvče láskou jen fenêtres :
rozplývá, la jeune fille, toute amoureuse
na ženicha se usmívá ; sourit à son fiancé ;
otec jedná námluvy, le père négocie le mariage,
matka hledí obsluhy. la mère s'occupe du ménage.
Jedli, pili, rozprávěli, Ils buvaient, mangeaient, se
dobrou vůli spolu měli, régalaient,
žádný na to nic nedbal, à merveille ils s'entendaient,
kůň že venku zařehtal et personne ne prenait garde
a mládenec zavzdychal. que, dehors, un cheval hennit,
qu'un jeune homme soupira.
Panna jenom snoubená  
najednou se zarděla ; /.../
svědomí ji přece tlačí,
šeptá cosi sestře
mladší.
Sestřička od večeře
vyšla rychle za dveře :
„Na věky se, Tomane,
milá s tebou rozstane,
jinému se dostane.
Najezdil jsi se k nám
dosti,
dnes tu máme bližší
hosti,
hledej sobě jined štěstí.”

Toman koněm zatočil,


v širé pole poskočil,
zaťal zuby, smračil čelo,

kolem bylo neveselo.


Půlnoc byla, měsíc
zašel,
sotva jezdec cestu
našel ;
prudce hned, pak
loudavě
ubíral se k doubravě.
Všecky krásné
hvězdičky

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ze tmy jsou se
prosypaly,
proč vy, moje mladé
dni,
ve tmách jste se
zasypaly !„

Jede, jede doubravou,


les šumí mu nad
hlavou,
větřík chladný z noci
fouká,
nad ouvalem sova
houká ;
koník blýská ušima,
koník stříhá ušima.

Cupy dupy z houštiny


letí jelen v mejtiny,
na jelínku podkasaná
sedí sobě lesní panna ;
šaty půl má zelené,
půl kadeřmi černěné
a ze svatojánských
broučků
svítí pásek na
kloboučku.

Třikrát kolem jak střela


v běhu koně objela,
pak Tomanovi po boku
vyrovnává v plavném
skoku :
„Švarný hochu,
nezoufej,
bujným větrům žalost
dej !”
To když sladce zpívala,
v oči se mu dívala
lesní panna na jelenu.
Toman cítí v srdci
změnu.

Jedou, jedou pospolu


měkkým mechem do
dolu,

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panna Tomanu po boku
vyrovnává v plavném
skoku :
„Švarný hochu, skloň
se, skloň,
jenom dále se mnou
hoň ;
líbí-li se ti mé líce,
dám radostí na tisíce.
Švarný hochu, skloň se,
skloň,
jenom dále se mnou
hoň !”
To když panna zpívala,
za ruku ho ujala ;
Tomanovi rozkoš
proudem
prolila se každým
oudem.

Jedou, jedou dál a dál


podle řeky, podle skal,
panna Tomanu po boku
vyrovnává v plavném
skoku :
„Švarný hochu, můj jsi,
můj !
K mému bytu se mnou
pluj ;
světla denního v mém
domě
věčně nezachce se
tobě.
Švarný hochu, můj jsi,
můj !
K mému bytu se mnou
pluj !”

To když panna zpívala,


v ústa jezdce líbala,
v náručí ho objala.
Tomanovi srdce plesá,
uzdu pouští, s koně
klesá
pod skalami prostřed
lesa.

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Slunce vyšlo nad horu,
skáče koník do dvoru,
smutně hrabe
podkovou,
řehce zprávu nedobrou.

Sestra k oknu přiskočila


a rukama zalomila :
„Bratře můj, bratříčku
můj !
Kde skonal sji život svůj
!”

Karel Havlíček
(1821-1856)

(Pron. Havlitchèque). Les paroles d'un croyant, de Lamennais, éveillèrent l'esprit


de révolte chez ce jeune séminariste. Fidèle à l'évangile de slavisme de Kollar, il
part pour la Russie d'où il revient, un an et demi plus tard, guéri du panslavisme et
ennemi juré de tout absolutisme, mais admirateur de Gogol. Havlíček est le
véritable fondateur du journalisme politique et de la critique littéraire en Bohême.
Élu député à la Diète et au Parlement de Vienne en 1848, il devient le porte-parole
du mouvement national tchèque. Il fonde le journal Národní Noviny et, après sa
suppression, le Slave, où il attaque héroïquement la réaction absolutiste en
Autriche. En décembre 1851, sur l'ordre du ministre Bach, il est déporté et interné à
Brixen dans le Tyrol. Séparé de sa patrie et des siens, il tombe malade et ne
revient dans son pays que pour y trouver le tombeau de sa femme et pour l'y
suivre. Esprit très indépendant et courageux, disciple et traducteur de Voltaire, il
combattait l'obscurantisme ultramontain avec la même véhémence que la réaction
politique et l'oppression nationale exercée par le gouvernement de François-
Joseph. Son ouvrage satirique en vers : Le baptême de Saint Vladimir, est
étincelant de verve et d'esprit ; ses Élégies Tyroliennes, où il raconte, sous forme
humoristique, son voyage d'exil, sont, avec Mes Prisons, de Silvio Pellico, la plus
terrible dénonciation du despotisme autrichien.

Tyrolské elegie Élégies Tyroliennes

I. I.

Sviť, měsíčku, polehoučku Regarde, ma petite lune, tout doux


skrz ten hustý mrak  à travers cet épais nuage :
jak pak se ti Brixen líbí ? Comment trouves-tu Brixen ?
Neškareď se tak ! Voyons ! Ne fais pas grise mine !

Nepospíchej, pozastav se, Ne te dépêche pas tant ! Arrête-toi !

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Ne va pas encore te coucher !
nechoď ještě spat,
Je voudrais un petit moment
bych s tebou jen chvilinku moh'
faire, avec toi, un bout de causette.
diškurirovat.
Je ne suis pas d'ici, ma petite lune,
Nejsem zdejší, můj měsíčku !
tu as dû le reconnaître à mon accent,
to znáš podle křiku 
Ne te sauve pas, je ne suis pas „treu und
neutíkej, nejsem „treu und bieder,”
bieder”,
jsem zde jen ve cviku.
Je ne suis là qu'en apprentissage.

II. II.

Jsemť já z kraje muzikantů, Car je suis du pays des musiciens,


na pozoun jsem hrál, j'ai joué du trombone
a ten pořád ty Vídeňské pány qui empêchait de dormir
ze sna burcoval. ces messieurs de Vienne.

By se po svých těžkých pracech Pour pouvoir, après leurs durs travaux,


hodně vyspali, dormir à volonté,
jednou v noci kočár policajtů ils envoyèrent, une belle nuit,
pro mne poslali. une calèche pleine de policiers, pour me
chercher.
Dvě hodiny po půlnoci,
když na třetí šlo, Il était deux heures après minuit,
tu mi dával žandarm u postele entre deux et trois du matin ;
šťastné dobrýtro. un gendarme, près de mon lit,
me disait bonjour.
Se žandarmem slavný ouřad
celý v parádě, Avec le gendarme, toute l'éminente
pupek kordem pevně obvázaný, Administration
zlato na krágle. comme à la parade,
une épée suspendue au ventre,
„Vstávají, pane redaktor, de l'or sur le col.
nelekají se,
jdeme v noci, nejsme však zloději, „Levez-vous, m'sieu le rédacteur,
jenom komise. faut pas vous effrayer ;
bien que venus la nuit, nous ne sommes
Od všech z Vídně pozdravení, pas des voleurs,
pan Bach je líbá mais une simple Commission.
jsou-li prý zdráv ? a tuhle to psaní
po nás posílá.” Meilleurs souvenirs de tout le monde à
Vienne,
Já jsem i na lačný život Monsieur Bach vous embrasse ;
vždycky zdvořilý : il espère que vous êtes en bonne santé
„Odpusť slavná císařská komise, et vous envoie la lettre que voici.”
že jsem v košili.”
Moi, je suis toujours poli

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même quand je suis à jeun :
„Excusez-moi, éminente Commission
impériale
Ale Džog, můj černý buldog,
de me trouver en chemise.”
ten je grobián,
na „habeas corpus” tuze zvyklý -
Mais Jack, mon bouledogue noir,
on je Angličan.
est un grossier personnage,
trop partisan du Habeas-corpus,
Málem by byl chlap přestoupil
- c'est qu'il est Anglais.
jeden paragraf,
již na slavný ouřad zpod postele
Il a failli, le misérable,
uďál : Vrr ! haf, haf !
effreindre un paragraphe :
du dessous du lit, il a fait,
Hodil jsem mu tam pod postel
contre l'illustre Administration, un : Vrr !
říšský zákoník 
Haf ! Haf !
dobře, že jsem měl ten moudrý
nápad,
Je lui jetai, sous le lit,
jíž ani nekvik.
le Code de l'Empire.
Ce fut une excellente idée :
il est resté à quia.

III.

Občan zvyklý na pořádek -


bylo to v prosinci -
především jsem si obul punčochy
v slavně asistenci.

Pak jsem teprv četl psaní -


však to tuhle mám 
rozumíš-li ouřední němčině,
přečti si je sám !

Bach mi píše jako doktor,


že mi nesvědčí
v Čechách zdraví, že prý potřebuju
změnu povětří 

že je v Čechách tuze dusno,


horké výpary,
mnoho smradu po té oktrojírce,
holé nezdraví.

Že on tedy schválně pro mne


kočár sem poslal,
abych se hned na státní outraty
na cestu vydal.

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A žandarmům že nařídil,
ať mne hodně nutí,
kdybych nechtěl ze skromnosti
přijmout
jeho nabídnutí.

IV.

Což je dělat ? že pak musím


hloupý zvyk ten mít,
že nemohu žandarmům s flintami
pranic odepřít !

Dedera mne také nutil,


abych jel jen hned,
že by chtěli Brodští, až se zbudí,
třeba s námi jet.

Pravil mm, že nemám s sebou


zbraně žádné brát,
neb že oni mají nařízení
mne ochraňovat.

Že mám též, pokud jsem v


Čechách,
inkognito jet,
sic nám dají dotíraví lidé
hrůzu komis hned.

Ještě mí dal pan Dedera


více moudrých rad,
dle nichž se Bachovi pacienti
mají spravovat.

Tak mne vábil jak Siréna,


až jsem obul boty,
oblík' vestu, kabát pak i kožich,
dříve však kalhoty.

Koně a žandarmi stáli


dávno před domem :
„Milí braši, maličké strpení,
hned již pojedem !”

V. V.

Ó, měsíčku, však ty ženské Ô ma bonne lune, les femmes,

15
tu les connais et tu sais
dobře znáš a víš,
combien elles nous donnent souvent
jaký s nimi člověk na tom světě
du fil à retordre.
často mívá kříž.
Tu as été le témoin secret
Také´s mnohého loučení
de plus d'un adieu ;
tajným svědkem byl,
tu connais mieux qu'aucun nouvelliste
ty znáš líp než každý novelista
l'amertume de tels moments.
hořkosť těchto chvil.
Ma mère, ma soeur, ma femme, ma fille,
Matka, žena, sestra, dcerka,
ma petite Zdentchinka
malá Zdenčinka
m'entouraient, pleurant doucement -
stály okolo mne v tichém pláči -
quel moment amer !
hořká chvilinka.
Je suis, il est vrai, un vieux cosaque
Já jsem sice starý kozák,
durci dans les batailles,
v půtkách tužený,
mais ce jour-là, ma poitrine était un peu
tenkrát jsem měl trochu těsná prsa
oppressée
a zrak zkalený.
et mes yeux un peu troubles.
Vtisknul jsem si poděbradku
J'ai baissé mon bonnet de fourrure
silně do čela,
tout bas sur le front
aby se těm policajtům slza
pour empêcher ces policiers de voir
nezablyštěla,
briller une larme,
neb ti všichni blíže dveří
car ils montaient encore tous la garde
posud stáli stráž
près de la porte,
aby měla tato smutná scéna
pour donner à cette triste scène
císařskou stafáž.
un cadre impérial.
/.../
/.../

16
Karel Jaromír Erben
(1811-1870)

Archiviste de la ville de Prague. Profond connaisseur de la poésie populaire,


doublé d'un savant archiviste, il donna dans sa Guirlande (Kytice, 1853), recueil de
ballades et de légendes tchèques, une oeuvre mûre, étonnante de pureté
d'intonation et classique dans son genre. Parmi ses travaux d'érudition, citons :
Chansons populaires de Bohême, en 3 volumes, avec airs ; Cent contes
populaires et légendes slaves ; Regesta diplomatica, nec non epistolaria Bohemiae
et Moraviae, et des éditions de vieux monuments littéraires, notamment des oeuvres de Jean Hus.

Kytice Guirlande

Dceřina kletba La mère maudite

Což jsi se tak zasmušila, Pourquoi es-tu devenue si triste,


dcero má, ma fille.
což jsi se tak zasmušila ? Pourquoi es-tu devenue si triste ?
Vesela jsi jindy byla, Jadis, tu étais toute guillerette,
nyní přestal tobě smích ! à présent, tu as cessé de rire !

„Zabila jsem holoubátko, „J'ai tué un pigeonneau,


matko má, ma mère !
zabila jsem holoubátko - J'ai tué un pigeonneau -
opuštěné jediňátko - tout petit, pauvre délaisse 
bílé bylo jako sníh !” il était blanc comme de la neige !”

Holoubátko to nebylo, Ce ne fut pas un pigeonneau,


dcero má, ma fille,
holoubátko to nebylo - ce ne fut pas un pigeonneau -
líčko se ti proměnilo tes belles joues sont toutes changées,
a potrhán je tvůj vzhled ! ton visage est tout ravagé !

„Oh, zabila jsem děťátko, „Oh ! j'ai tué un petit bébé,


matko má, ma mère,
oh, zabila jsem děťátko, Oh ! j'ai tué un petit bébé,
své ubohé zrozeňátko - Mon pauvre petit nouveau-né -
žalostí bych pošla hned !” j'en voudrais mourir de douleur !”

A co míníš učiniti, Et qu'entends-tu faire,


dcero má, ma fille,
a co míníš učiniti, Et qu'entends-tu faire ?
kterak vinu napraviti Comment veux-tu réparer ta faute,
a smířiti boží hněv ? apaiser le courroux de Dieu ?

„Půjdu hledat květu toho, „J'irai chercher la fleur,


matko má, ma mère,
půjdu hledat květu toho, J'irai chercher la fleur
kterýž snímá viny mnoho qui répare bien des fautes,
a zbouřenou chladí krev.” qui fait glacer le sang bouillant.”

17
Où iras-tu chercher cette fleur,
A kde najdeš toho květu,
ma fille,
dcero má,
où iras-tu chercher cette fleur
a kde najdeš toho květu
dans ce large et vaste monde ?
po všem široširém světu,
Quel est le jardin où elle pousse ?
v které roste zahrádce ?
„Au delà de la porte de ville, sur la colline,
„Tam za branou nad vršíkem,
ma mère,
matko má,
Au delà de la porte de ville, sur la colline,
tam za branou nad vršíkem,
sur le poteau, où il y a un clou,
na tom sloupu se hřebíkem,
sur la hart de chanvre.”
na konopné oprátce !”
Et que feras-tu dire à ce garçon,
A co vzkážeš hochu tomu,
ma fille,
dcero má,
et que feras-tu dire à ce garçon
a co vzkážeš hochu tomu,
qui venait chez nous, à la maison,
jenž chodíval k nám do domu
et qui s'égayait avec toi ?
a s tebou se těšíval ?
„Je lui envoie ma bénédiction,
„Vzkazuji mu požehnání,
ma mère,
matko má,
Je lui envoie ma bénédiction,
vzkazuji mu požehnání -
un ver dans l'âme jusqu'à la fin de ses jours,
červa v duši do skonání,
pour avoir trahi mon amour !”
že mi zrádně mluvíval !”
Que laisseras-tu à ta mère,
A co necháš svojí matce,
ma fille,
dcero má,
que laisseras-tu à ta mère,
a co necháš svojí matce,
qui t'a aimé si doucement,
jež tě milovala sladce
qui t'a élevée dans la peine ?
a draze tě chovala ?
„Je te laisse ma malédiction,
„Kletbu zůstavuji tobě,
ma mère,
matko má,
Je te laisse ma malédiction,
kletbu zůstavuji tobě,
afin que tu ne trouves pas de repos dans la
bys nenašla místa v hrobě,
tombe,
žes mi zvůli dávala !”
pour m'avoir donné toute liberté !”

Karel Hynek Mácha

18
(1810-1836)

Au milieu de l'idylle patriotique de la poésie tchèque renaissante, le jeune auteur du


poème Mai apparaît comme un étranger. Cet étudiant en droit, issu d'une famille
d'ouvriers, mort prématurément, est le premier génie poétique de la Renaissance
tchèque. Bien que subissant l'influence de Byron, Mácha (pron. Mâc'ha) a montré
une hardiesse d'idées, une ardeur de passion et une maîtrise de forme inconnues
jusqu'alors dans la poésie tchèque. Il s'attaqua aux plus inquiétants problèmes
métaphysiques et il sut dire son désespoir, son horreur du néant et le désir
inassouvi de son amour avec une intensité surprenante. Incompris par ses
contemporains, il fut salué comme un grand précurseur par les générations futures.
Il a vécu trop peu pour pouvoir donner sa pleine mesure ; néanmoins, ses poésies
lyriques, ses essais de roman (Les Tziganes) et de nouvelle (Mariette) ainsi que
des fragments inachevés témoignent de son génie. Au point de vue de langue, Mai
est une merveille de douceur musicale.

Mai
Byl pozdní večer - první máj -
večerní máj - byl lásky čas. Il état tard - le premier mai -
Hrdliččin zval ku lásce hlas, un soir de mai - le temps d'aimer.
kde borový zaváněl háj. Et la voix de la tourterelle
si frêle invitait à l'amour
O lásce šeptal tichý mech ; parmi les pins qui embaumaient.
květoucí strom lhal lásky žel,
svou lásku slavík růži pěl, D'amours les mousses chuchotaient ;
růžinu jevil vonný vzdech. l'arbre en fleur semblait un regret,
le tendre rossignol chantait
/.../ à la rose qui soupirait.

Kudy plynete u dlouhém dálném / . . . / (auteur parle aux nuages)


běhu, Toujours en poursuivant votre longue
i tam, kde svého naleznete břehu, dérive,
tam na své pouti pozdravujte et même là, où vous trouverez votre rive,
zemi. où vous passez, partout, saluez notre
Ach zemi krásnou, zemi terre.
milovanou, Ah ! belle terre, terre entre toutes chérie,
kolébku mou i hrob můj, matku mon berceau et ma tombe, ô ma mère
mou, bénie,
vlast jedinou i v dědictví mi danou, mon héritage, ô toi mon unique patrie,
unique terre, ô ma terre infinie !
širou tu zemi, zemi jedinou !                (traduit par Ch. Moisse)
 

/ . . . / (fragment) / . . . / (monologue du condamné à mort)


„Jak dlouhá noc - jak dlouhá noc - „Quelle longue nuit, quelle longue nuit,
však delší mně nastává. - - - Une nuit plus longue m'attend...
Pryč myšlenko !” - A hrůzy moc Va-t'en, pensée !” Et l'effroi

19
Triomphe de la pensée.
Silence profond. La goutte qui tombe
myšlenku překonává.-
Par son bruit, de nouveau, mesure le
Hluboké ticho. - Kapky hlas
temps.
svým pádem opět měří čas.
„Une nuit plus sombre !... Ici, au sein de la
„Temnější noc ! - - - Zde v noční
nuit,
klín
le clair de lune, le scintillement des étoiles
ba lůny zář, ba hvězdný kmit
se glisse, là-bas, rien que l'ombre déserte.
se vloudí - - tam - jen pustý stín,
tam žádný - žádný - žádný svit,
Aucune lueur, aucune, aucune.
pouhá jen tam přebývá.
La nuit noire seule y demeure.
Tam všecko jedno, žádný díl -
Tout est uni là-bas, point de division.
vše bez konce - tam není chvíl,
Tout est sans fin, point de moments,
nemine noc, nevstane den,
La nuit ne finit pas, le jour ne se lève pas,
tam času neubývá. -
Le temps ne passe point.
Tam žádný - žádný - žádný cíl -
Là-bas, aucun but, aucun, aucun,
bez konce dál - bez konce jen
Sans fin toujours, toujours sans fin,
se na mne věčnost dívá.
L'éternité me regarde.
Tam prázdno pouhé - nade mnou
Là-bas, rien que le vide, au-dessus de
a kolem mne i pode mnou
moi,
pouhé tam prázdno zívá. -
autour de moi, au-dessous de moi,
il n'y a que le vide.
Bez konce ticho - žádný hlas -
bez konce místo - noc - i čas - - -
Silence sans fin, aucune voix,
to smrtelný je mysle sen,
Espace sans fin, et nuit, et temps...
toť, co se "nic" nazývá.
C'est le rêve mortifiant l'esprit,
A než se příští skončí den,
C'est ce qui s'appelle "rien" !
v to pusté nic jsem uveden.” - - -
Et avant que le jour prochain se termine,
Vězeň i hlas omdlívá.
Je serai introduit dans ce vide néant...”
Le prisonnier et le bruit s'évanouissent.

/.../ / . . . / (ici, monologue de l'auteur)


Dalekoť jeho sen, umrlý jako stín, L'âge de mon enfance,
obraz do bílých měst u vody La fureur des temps l'a emporté au loin.
stopen klín, Son ombre est lointaine, telle une ombre
takť jako zemřelých myšlenka défunte,
poslední, Telle l'image des villes blanches
tak jako jméno jich, pradávných submergées au sein des eaux,
bojů hluk, Telle la dernière pensée des trépassés,
dávná severní zář, vyhaslé světlo Tel leur nom, tel le bruit des batailles
s ní, antiques,
zbortěné harfy tón, ztrhané strůny Telle l'aurore boréale, sa lumière éteinte,
zvuk, Le ton d'une harpe brisés, le son d'une
zašlého věku děj, umřelé hvězdy

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svit,
zašlé bludice pouť, mrtvé milenky corde cassée,
cit, Les fastes d'un siècle évanoui, la lueur
zapomenutý hrob, věčnosti skleslý d'une étoile morte,
byt, La course d'un feu follet éteint, la voix
vyhasla ohně kouř, slitého zvonu d'une cloche fondue,
hlas, Le chant d'un cygne mort, le paradis perdu
mrtvé labutě zpěv, ztracený de l'humanité,
lidstva ráj, voilà mon enfance.
to dětinství můj věk.

Nynější ale čas


jinošství mého - je, co tato báseň,
máj. Mais le temps présent
Večerní jako máj ve lůně pustých De mon adolescence est ce qu'est ce
skal ; poème, mai,
na tváři lehký smích, hluboký v Comme un soir de mai au sein des
srdci žal. rochers déserts,
Vidíš-li poutníka, an dlouhou rire léger au visage, peine profonde au
lučinou coeur.
spěchá ku cíli, než červánky Vois-tu le pèlerin qui par le vaste pré
pohynou ? Se hâte vers son but, avant que le soleil
Tohoto poutníka již zrak neuzří ne meure ?
tvůj, Ton regard ne le reverra plus
jak zajde za onou v obzoru Dès qu'il aura disparu derrière ce rocher à
skalinou, l'horizon.
nikdy - ach, nikdy ! To budoucí Jamais, oh jamais ! C'est ma vie à venir.
život můj. Qui consolera jamais un tel coeur ?
Kdo srdci takému útěchy jaké dá ? L'amour est sans fin ! Mon amour est
déçu !
Bez konce láska je ! - Zklamánať
láska má ! C'est l'heure tardive, le premier mai,
Un soir de mai, le temps d'aimer.
Je pozdní večer - první máj - À l'amour invite le chant de la tourterelle :
večerní máj - je lásky čas ; Hynek ! Guillaume !! Jarmila !!!
hrdliččin zve ku lásce hlas :
„Hynku ! - Viléme !! - Jarmilo !!!”

21
Vítězslav Hálek
(1835-1874)

Rédacteur au Národní Listy, ami de Jan Neruda, et l'un des fondateurs de la


société d'artistes "Umělecká Beseda", Hálek fut un poète très admiré de son vivant.
La facilité éloquente de ses débuts qui se ressentaient encore de l'influence
byronienne, son optimisme souriant et idéaliste ont inspiré une série de poèmes
épiques d'un romantisme échevelé et d'un lyrisme libertaire (Alfred, Mejrima et
Husejn, Le Drapeau noir, Goar, La fillette de Tatra ). Les Chants du soir, recueil de
courtes chansons d'amour très douces et même sentimentales, obtinrent un très
grand succès. Cependant, les livres Dans la Nature et Les Contes de mon Village,
affranchis du byronisme romantique, sont des oeuvres tout à fait remarquables,
pleines d'un beau sentiment de la nature. Ses drames et tragédies en vers, écrits
sous l'inspiration shakespearienne, n'eurent pas de succès. En revanche, ses
contes et nouvelles villageoises, ses chroniques littéraires et ses croquis de
voyages sont écrits avec beaucoup de verve, d'esprit et de coeur.

Contes de mon village

Mon village

Mon vieux village dans la pleine tranquille


quand je te revois, pèlerin fatigué,
tu es toujours aussi beau pour me souhaiter la bienvenue
que le visage ridé d'une mère.

Je passe près de tes cabanes de couleur grisâtre :


partout où je regarde, un peu de mon coeur pousse un cri de joie,
de tous les côtés, ma jeunesse court à ma rencontre,
mon âme se souvient des bonds légers de mon jeune âge.
/.../
Jan Neruda
(1834-1891)

(Pron. Nérouda). Né à Prague en 1834 d'une pauvre famille. Ayant terminé ses
études de lettres, et après un court stage dans l'enseignement secondaire, il se
consacra au journalisme et à la littérature et se trouva bientôt à la tête de la
jeunesse littéraire, qui publia, en 1858, l'almanach intitulé Mai, en l'honneur du
grand précurseur Mácha ; il fonda et dirigea plusieurs revues ; cependant son
recueil de vers Fleurs de cimetière, mélange assez curieux de romantisme et
d'ironie, écrit dans une langue encore assez dure, n'obtint pas de succès. Il en
publia un choix très sévère dans son second recueil Le livre de vers qui contenait
quelques inoubliables pièces consacrées à la mémoire de la mère que le poète
venait de perdre. Entré à la rédaction du Národní Listy, il devint bientôt un
chroniqueur de premier ordre : il a créé ce genre dans la littérature tchèque. Il signa

22
près de 2.300 causeries, réunies plus tard en volumes : voyage, politique,
littérature, théâtre, arts et jusqu'aux questions de la vie quotidienne, il savait traiter
toute chose avec esprit et humour. C'est à cette époque qu'il fit ses voyages à
Paris (1863) et en Orient (1870), décrits dans ses brillantes causeries : Tableaux
de l'étranger et Petits voyages. Observateur très pénétrant, il vint à la nouvelle
réaliste et donna ses Arabesques, ses Terrassiers qui sont un petit chef-d'oeuvre
de réalisme, et surtout, ses Contes de Malá Strana, puisés dans ses souvenirs de
jeunesse et évoquant avec un art exquis ce pittoresque quartier de Malá Strana où
il avait passé son enfance, et les moeurs des petites gens qui l'habitent. Après un
intervalle de onze ans, Neruda revint à la poésie par les Chants Cosmiques (1878),
livre où une profonde réflexion philosophique s'exprime sous forme de petites
pièces souvent humoristiques, sur le thème du ciel étoilé. Les Ballades et
Romances, composées presque exclusivement sur des sujets tchèques, sont la
pureté d'inspiration et la fraîcheur des légendes franciscaines des Fioretti. Les
Simples motifs, petit livre de poésie lyrique très personnelle, sont une confession
touchante, très noble dans son austère sobriété et sous laquelle on sent frémir la
douleur humaine du poète dont la vie se consumait solitaire. Le dernier livre de
Neruda, Les Chants du Vendredi Saint, la Bible du patriotisme belliqueux, du
nationalisme épuré, constitue le testament du poète.

Livre de vers

À maman

Tu t'en es allée et dans notre chambrette


je vis maintenant tout seul -
oh mère, ma douce mère,
comment vas-tu là-bas, sous terre ?

Notre petite chambrette


semble vaste, terriblement vide.
Contre sa voûte se cognent
des pensées, des chauves-souris.
Je me tiens blotti près du lit
et mes lèvres tremblent.
Hors d'ici, loin dans le monde !
Chez nous, j'ai si froid !

23
Adolf Heyduk
(1835-1923)

Ce poète a débuté avec le groupe de Neruda, dont il devint l'ami intime. Éloigné
des luttes littéraires, il passa sa vie de tranquille professeur de lycée à Písek
(Bohême). Pendant plus de soixante ans, une intarissable source de lyrisme,
limpide et fraîche, jaillit de son âme : l'amour, la famille, la nature, la patrie, mais
surtout la Slovaquie gémissante encore sous le joug magyar et puis les immenses
forêts de la Šumava trouvèrent en lui leur poète tendre, doux et harmonieux. Une
grande partie de son oeuvre appartient à la poésie épique, idylle ou conte en vers.
Cependant, c'est dans la poésie lyrique qu'il a donné le meilleur de son talent. Les
oeuvres complètes de Heyduk comptent 50 volumes.

Cymbalon et violon

La reine

Slovaquie, soeurette,
qui est-ce qui t'égale ?
Je sais, tu es sûrement
la plus belle des reines.

Ta mère, la Terre
t'a enfantée dans la douleur,
le soleil ardent éclaire
ton front mélancolique.

Oh ! Cette divine flamme,


qu'elle est éblouissante,
lorsque les cimes des Tatras
s'illuminent d'une lueur rouge !

Oh ! Ces beaux yeux gris !


Celui qu'ils blessent
voudrait mourir de désir
là-bas, sur le Kriváň.

La bouche de pourpre -
quand elle se met à chanter,
elle fait épanouir
sentiments et pensées.

Je sais : La colère et la fierté

24
t'ont réduite en esclavage ;
on veut mettre au tombeau
la plus belle des reines.

Mais un héros viendra


et la force de son amour
finira par te libérer,
ô belle créature !

Puis aucune haine


ne pourra plus vous désunir.
Oh ! Puissé-je être le témoin
de votre mariage !
Svatopluk Čech
(1846-1908)

Avec le romancier Alois Jirásek, Čech était le dernier des poètes vraiment
populaires et aimés de toute la nation. Héritier de Kollár et de Hálek, il clôt
glorieusement l'époque romantique, idéaliste, d'inspiration patriotique. La plus
grande partie de son oeuvre poétique appartient à la poésie épique : sa belle
éloquence un peu académique, qu'animent de brillantes descriptions, se plaisait
surtout dans le genre du conte poétique ; il maniait avec une maîtrise incomparable
ce genre aujourd'hui désuet et s'en servait tantôt pour des compositions historiques
et patriotiques comme Les Adamites (1871) ; Václav z Michalovic, Dagmar, tantôt
pour de charmantes fantaisies satiriques ou humoristiques ou allégoriques comme
Primevères, Hanuman, Le Lutin, La Vérité, tantôt pour des poèmes philosophiques
et politiques comme Europe et Slavia, ou bien pour composer un petit roman à
tendance patriotique et sociale Le Forgeron de Lešetín, qui fut confisqué par la
Censure et circulait subrepticement. Les mêmes idées généreuses inspirent ses
poèmes lyriques, comme Chants du matin, Nouveaux chants ou les Prières à
l'Inconnu. Les Chants d'un Esclave (1894), qui atteignirent à une trentaine
d'éditions en peu de temps, eurent la portée d'une action politique.

Václav de Michalovic
Debout, ô peuple asservi, debout !
Du joug avilissant libère donc ta nuque !
Lève-toi ! Écrase ce vampire noir
Qui, depuis si longtemps, boit ton sang !

Frappe cette canaille étrangère qui fait une débauche éhontée


Avec le butin arraché à ce pays
Et qui, pour t'humilier, a exposé au haut d'une tour
Les têtes les plus chères de tes héros !
Frappe cette racaille qui se chauffe, couverte de soie et d'or,
Au sein de ta patrie,
Tandis que tant de tes meilleurs fils
Prennent le chemin de l'exil, le bâton du mendiant à la main !
/ . . . / (fragment)

25
Josef Václav Sládek
(1845-1912)

Après une jeunesse vagabonde - il connut l'Amérique du Nord - ce fils de paysans


du centre de la Bohême se consacra à la littérature. Directeur de la revue Lumír qui
fut l'organe du groupe cosmopolite, Sládek créait, pour ainsi dire, le lien entre les
tendances nationales et cosmopolites. Comme poète, il se rattache à la tradition de
Čelakovský et de Neruda par la simplicité sincère de la forme et la virilité profonde
et sérieuse de son inspiration. Comme Robert Burns, dont il donna une très belle
traduction, il chantait la glèbe, l'âpre odeur de la terre natale, la rude besogne et les
joies saines du campagnard. Armé d'un stoïcisme souriant, fort de sa foi et de sa
confiance en Dieu, le poète a bravé, pendant de longues années, une douloureuse
maladie sans fléchir, et, grave et souriant, il attendait l'heure suprême : „Pour mon
amour des pauvres, pour l'élan de mon désir, pour la beauté de mon rêve... pour
mille nuits passées dans le tourment et dans l'insomnie, pour la lourdeur de mes
jours, qu'il me soit pardonné.” Citons, parmi les recueils de poésie de Sládek :
Chansons paysannes et Sonnets tchèques (1889) ; Au Soleil d'hiver (1897) ; Au
Crépuscule (1907) et rappelons son bel effort infatigable de traducteur de
Shakespeare, de Longfellow, de Bret Harte et de Mickiewicz.

Au soleil de l'hiver

La Montagne Blanche

La bataille est perdue et l'armée en déroute.


Trois cents braves encore, près d'un mur, sont restés
Vous résistez en vain. Rendez-vous, entêtés !...
Mais, appuyés au mur, aucun brave n'écoute.

Autour d'eux l'ennemi s'étend de tous côtés...


Ils voient, là-bas, des monts que le lointain veloute,
Des fermes aux murs blancs, des chaumières, la route...
Ils résistent toujours, à leur mur accotés.

Les piques, les mousquets résonnent et bataillent.


Les chênes, dans le parc, se brisent en tremblant.
Un des braves sur deux meurt contre le mur blanc

Un sur deux, mais debout, meurt contre la muraille.


Lâche, leur prince a fui. La Bohême est à bout,
Mais dans ses héros morts elle reste debout.

26
Julius Zeyer
(1841-1901)

Descendant d'une famille alsacienne immigrée en Bohême au XVIIIe siècle, et fils


d'une mère juive, Jules Zeyer se sentait comme étranger au milieu d'un peuple qu'il
aimait cependant d'un amour douloureusement profond. Toute sa vie, il oscilla
entre ces deux influences ataviques, l'idéalisme chevaleresque de l'Occident et la
sensualité ardente de l'Orient, auxquelles il faut ajouter un troisième élément, dû au
milieu et à l'éducation, celui de la rêverie slave. Une aversion presque maladive
pour la réalité moderne, pour tout ce qui n'est pas le rêve, fournit l'explication de
son oeuvre qui embrasse toute l'étendue de la civilisation humaine depuis les
vieilles légendes celtiques, russes ou islandaises jusqu'à la poésie des
troubadours, des poésies religieuses bouddhiques aux romans de chevalerie, des
traditions druidiques à Sainte-Thérèse. Les poèmes épiques dus à cette inspiration
du passé forment la plus grande partie de son oeuvre, qu'il appelait lui-même
Images restaurées ou plutôt renouvelées. Ainsi, il compose de vastes cycles
épiques de l'histoire de son pays : Vyšehrad, L'Arrivée de Čech, L'Épopée
Carolingienne qui reprend le thème de la Chanson de Rolland et des chansons de
geste, ou bien des légendes comme la pieuse Légende de Saint Brandan ou de
Soeur Pascaline, Le Chant de la vengeance d'Igor ou des contes en vers, comme
Les Annales de l'Amour. Souvent, délaissant les vers, il se fait poète en prose ;
ainsi, il crée, dans son Jan-Maria Ploïhar, un beau type de décadent tchèque avant
la lettre. Parmi ses drames poétiques, citons au moins Neklan, inspiré par la
mythologie tchèque et Radouz et Mahouléna, très beau poème scénique,
évoquant, avec une rare force dramatique, un conte slovaque. Vers la fin de sa vie,
Zeyer tomba dans une sorte de mysticisme catholique dont on trouve les traces
dans ses proses : Légendes du Crucifix et dans son dernier grand poème Mémoire
de Vít Choráz. La production proprement lyrique ne présente qu'un volume
(Poésies). Avec Vrchlický, il a le plus puissamment contribué à libérer la poésie
tchèque de l'influence allemande, à la rapprocher de la pensée occidentale.

Poésies

À une blanche maison au fond du vieux jardin

Le pèlerin s'arrêta sur la route ;


fatigué, il s'appuya sur son bâton,
ses regards parcouraient tout l'horizon ;
poussant un soupir, il murmura :

„Ô ma blanche maison au fond du vieux jardin,


là-bas, au delà du rempart des montagnes abruptes,
voilà que les hirondelles reviennent, venant du sud,
elles viendront retrouver leurs vieux nids
sur les corniches et tu leur diras la bienvenue.
Mais moi, je ne reviendrai plus jamais,
je ne franchirai plus ton seuil qui m'est si cher,
sur lequel celle qui m'a donné la vie

27
tous les jours, au soir, venait s'arrêter
pour regarder vers les étoiles à travers le branchage.
Maintenant, pour la défunte, les astres sont le seuil
au delà duquel se cache le mystère de Dieu ;
Les regards de ceux qui sont partis sont remplis
d'une lueur indicible. Mais leurs ombres
pèsent, hélas, si lourdement sur les coeurs
de ceux qui sont encore là à attendre la mort.

Ô ma blanche maison au fond du vieux jardin


dis-moi si l'âme des choses ressemble
à notre âme humaine qui ne peut
jamais apprendre à oublier ?
Ô ma blanche maison au fond du vieux jardin
dis-moi, es-tu triste quand dans tes murs
résonne le pas des étrangers ? Et n'attends-tu pas
que je te revienne comme ces hirondelles
pour reprendre sous ton vieux toit
mes vieilles, belles rêveries ? Pour écouter
les paroles de bénédiction de la défunte
qui planent toujours dans ton cher espace
et qui, la nuit, quand des gens-là s'endorment,
se mêlent doucement aux bruits du feuillage ?

Ainsi parla le pèlerin, et une larme tomba


dans la poussière de la route sans fin
qui partait au loin. Où allait-elle ? Hélas, où ?

Jaroslav Vrchlický
(1853-1912)

Vrchlický (pron. Veurkh'litski) est, sans conteste, la plus grande figure dans
l'histoire de la poésie moderne tchèque et un des plus vastes esprits du dix-
neuvième siècle. Doué d'un génie poétique prodigieux et d'une fécondité qui fait
songer à Lope de Vega, il a laissé une oeuvre qui forme une bibliothèque : plus de
cent ouvrages originaux dont une soixante de volume de poésie, une trentaine de
pièces de théâtre, une série de livres de critique littéraire ; son oeuvre de
traducteur dépasse encore en importance son oeuvre originale. Poète épique,
Vrchlický a donné une longue série de rhapsodies, mythes, légendes, ballades et
romances embrassant toutes les étapes de l'histoire et de la pensée humaines,
pour en dégager la philosophie de l'évolution de l'humanité ; c'est ce qu'il appelle
les Fragments d'Épopée, qui forment un pendant à la "Légende des siècles" de
Victor Hugo. Depuis le chaos primitif, depuis les mythes antiques, tous les pays,
toutes les religions, toutes les civilisations ont trouvé leur écho dans ce vaste
ensemble : une foi généreuse dans le triomphe final de l'esprit sur la matière, de
l'amour sur la douleur et le désespoir : Hilarion, Twardowski, Bar Kochba, Chanson
de Vineta, ... Poésie méditative : Vittoria Colonna, Symphonies, Sphinx, Héritage
de Tantale, Bréviaire de l'homme moderne, La Vie et la Mort, Chardons de

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Parnasse, Chants du Pèlerin, Taches au soleil, Pas silencieux, Couchers de soleil,
J'ai laissé passer le monde... Théâtre : Une nuit au château de Karlštejn (comédie),
Hippodamie (mis en musique par Fibich), Julien l'Apostat. Traductions : Hugo
(Hernani, Anthologie), Leconte de Lisle (Caïn, Poésies), Baudelaire, Corneille (Le
Cid), Rostand (Cyrano), A. Dumas (Les trois mousquetaires), Dante (La Divine
Comédie, La Vie nouvelle), Pétrarque (Le Canzonière), Tasse (La Jérusalem
délivrée), Arioste (Le Roland furieux), Calderon (Romances sur le Cid), Verdaguer
(L'Atlantis), Camoëns (Les Lusiades), Sheley, E.A. Poe, Tennyson, Walt, Whitman,
Byron, Goethe (Faust), Mickiewizc (Les Ancêtres), ...

Perspectives

Akmé

Sur ses genoux, Septime tient Akmé enivrée,


il sent sa gorge se soulever, ardente ;
midi ; silence dans la maison.
Au jardin, la cigale chante sur un arbre desséché.
Akmé, troublée, demande ce qui c'est que l'amour.
Il n'y a personne. Seul, dans le vieux mur, le masque d'un faune
les surveille de son visage de pierre.

Lentement, Septime dégrafe la simarre d'Akmé.


Il voit, tourterelles dans leur nid, la gorge innocente :
Akmé hésite, tremble de peur.
Les ailes des tourterelles en sont tout empourprées.
Akmé, troublée, demande ce que c'est que l'amour.
Dans le vieux mur, le masque du faune,
ému, rêveur, se met à verser des larmes.

Silence. Par moments, le bruit des baisers s'envole.


tourbillon de pétales de roses, emporté par le vent ;
la flûte sonne au loin, dans les rochers ;
l'eau coule, paresseuse, dans le porphyre de la fontaine.
Akmé ne demande plus ce que c'est que l'amour.
Dans le vieux mur, le masque du faune
au soleil de midi éclate d'un rire bruyant.

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J.-S. Machar
(1864-1942)

Un romantisme sceptique, où les influences de Musset se mêlent à un rationalisme


ironique, caractérise les premiers vers de Machar (pron. Mac'har) réunis sous le
titre de Confiteor.... Le séjour dans le milieu étranger et hostile de Vienne (il y était
pendant 17 ans un employé de banque) l'a amené à passer de l'individualisme
subjectif aux problèmes nationaux et sociaux : Tristium Vindobona (1893), beau
livre d'amère et ardente poésie politique, puis Des roses devraient fleurir ici...,
petits drames lyriques de la vie des femmes ; Magdeleine, un roman en vers qui
traite la question de la réhabilitation d'une courtisane. Se détachant peu à peu du
présent, le poète évoque du passé : Golgotha, Aux rayons du Soleil hellénique, Le
Poison de Judée, Les Barbares, Les flammes païennes, Les Apôtres. Il y donne la
synthèse philosophique des civilisations mortes. Le livre intitulé Eux est consacré à
la Révolution française, tandis que le recueil Lui chante Napoléon Ier. Chroniqueur
fécond et polémiste redouté, il publia une longue série de livres où il réunit ses
esquisses tracées en marge des événements au journal Čas (Le Temps) ; très
personnel, très méchant souvent, spirituel toujours, il y montre un criticisme
impitoyable. Dans l'évolution intellectuelle de la Bohême le rôle de Machar a été
des plus importants et son influence des plus fécondes.

Les Apôtres

A. Dürer peignant la tête du Christ

C'est vous que je cherche, ô mon Seigneur martyrisé,


de par le monde - je cherche sans trouver ;
les hommes ici-bas, autant des tigres ou des serpents,
rien que le troupeau que le démon fait paître.
Et cependant, - si vous daignez habiter le monde -
seule, l'âme humaine pour être Votre demeure,
une âme comme celle de Luther, homme et serviteur de Dieu,
ou Melanchton, cette abeille de Votre sagesse.

Ô Seigneur martyrisé, je ne suis pas digne


que tu entres sous mon toit. Mais toi, Amour,
tu entres quand même. Dans les plus beaux moments
je sens que dans la chambre de mon âme tu daignes te reposer,
de regarder par mon oeil,
de respirer, doucement, dans ma respiration.
C'est pour cela que je me permets, ô Seigneur plein de grâce,
de prêter mes traits à ta très Sainte tête.

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Otakar Březina
(1868-1929)

Le plus grand poète spiritualiste tchèque a passé sa vie de philosophe solitaire en


tant que simple instituteur d'école primaire d'une petite ville. Bien que membre de
l'Académie tchèque, il ne venait presque jamais à Prague et lorsque l'Université lui
offrit une chaire, le poète refusa de quitter sa solitude. Son spiritualisme mystique
est de la plus haute envolée, nourri de la pensée des Hindous autant que par le
mysticisme chrétien et par les sciences exactes. S'étant libéré de tout égotisme et
pessimisme, ayant vaincu l'obsession de la mort et de la douleur, c'est par l'amour,
par le travail qu'il arrive à l'apaisement. Une lumière surnaturelle inonde l'âme du
poète qui a compris la loi mystérieuse de l'harmonie cosmique, la loi de l'unité
intérieure de toute la création. Cette conception moniste conduit le poète à une
religion de l'amour, car, dit-il, "il n'y a qu'une seule unité mystique dans les millions
d'êtres qui ont existé, qui existent et qui existeront". Jamais, avant Březina, la
poésie tchèque n'avait atteint à cette élévation de pensée ; jamais elle n'était
arrivée à une telle splendeur d'images, à une telle hardiesse d'architecture, à une
telle puissance d'instrumentation, jamais la langue tchèque n'avait été maniée avec
plus d'éclat et avec plus de pieuse maîtrise. Avec Mácha et Vrchlický, Březina
marque le sommet du lyrisme. Lointains mystérieux, Aube à l'Occident, Vents
venant des pôles, Constructeurs du Temple, Les Mains, ces cinq recueils
englobent toute la pensée du poète. Un volume d'essais, La musique des sources,
écrit en une prose somptueuse, est une sorte de commentaire des vers de Březina
et ouvre des perspectives sur le travail du poète.

Les Mains

Jarní noc La nuit de printemps

Noc tiše zpívala, La Nuit chantait doucement ;


šum prvních zelení a le bruit de la première
jarních vod verdure et les eaux de
byl její printemps
melancholické písně accompagnaient sa chanson
doprovod ; mélancolique ;
ve výši hvězdy, Là-haut les étoiles,
světelné kalichy immenses calices de
nesmírné, lumière,
dýchaly těžkou vůni Respiraient le lourd parfum
nadzemských des végétations
vegetací ; supraterrestres.
a ruce bratří mých, Et les mains de mes frères,
jak při smrti na prsou croisées sur leur poitrine
zkřížené, comme les mains des morts,
ležely tiché a
zklamané a jako Gisaient inertes, déçues,
kámen ztížené, lourdes comme des pierres,

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zlomeny prací.
Brisées par le travail.
Však jejich ruce
duchové k hvězdám Mais leurs mains spirituelles
se rozepjaly, étaient tendues vers les
miliony duší na zemi étoiles,
a ve všech světech Étreignant des millions
objaly d'âmes sur la terre et dans
a dlouhý oddech tous les mondes,
radostných Et un long soupir des réveils
procitnutí, joyeux,
sváteční vření Un bouillonnement solennel
věčného města, de la ville éternelle.
duchových křídel Un bruit d'ailes spirituelles,
šumění, hra větrů v un jeu de vents dans les blés
mystickém osení, mystiques,
orchestrů Des airs d'orchestres
neviditelných zapění invisibles
zdvihlo se v taktu S'élevèrent à la mesure de
jejich tajuplného leur geste mystérieux.
gesta.

32
Antonín Sova
(1864-1928)

Né à Pacov, près de Tábor (Bohême). Après ses études à Písek et à Prague, il a


été fonctionnaire de la ville de Prague (bibliothécaire). Depuis 1920 cloué dans un
fauteil par une grave maladie, il ne cessa pas de créer jusqu'à sa mort. Ce grand
poète symboliste a débuté vers 1890 par de fines poésies réalistes et par des
paysages impressionnistes (Strophes réalistes, Mon pays). Il passe, avec Pitié et
Révolte (1896), à un impressionisme nerveux qui s'accentue et s'approfondit dans
le lyrisme et le pessimisme : Âme brisée, Tristesses apaisées (1897). Puis, quittant
les hauteurs glacées des solitudes où il s'était réfugié, il revient vers l'homme. Avec
une force de visionnaire, il salue, en une éloquence quelque fois un peu diffuse, un
avenir plus heureux pour l'humanité, l'utopie d'une société nouvelle, fondée sur la
solidarité et la fraternité. Avec un lyrisme profondément humain et une prodigieuse
douceur musicale, Sova chante sa souffrance personnelle, son amour et ses
haines, Aventures du Courage, Vers lyriques de l'amour et de la vie, pour atteindre,
dans les Luttes et Destinées (1910) à des accents d'un optimisme hymnique et
spiritualiste, analogue à celui de Březina. Ayant vaincu sa souffrance humaine, le
poète retrouve la joie simple de ses souvenirs d'enfance. Il s'incline humblement
devant Dieu, il se penche vers la terre natale. Une sécurité ardente, une vague
d'amour pour tous les vivants, une foi généreuse dans l'avènement final de la
fraternité humaine baignent les derniers recueils du poète (Fraternité saignante, Le
Printemps du poète, Poème d'un coeur non égoïste, Espérances et douleurs).

Z mého kraje Mon pays (1893)

Rybníky Les étangs de Bohême

Ty české rybníky jsou stříbro slité, Les étangs de Bohême ont l'air d'argent
žíhané temnem stínů pod oblaky, fondu
vloženy v luhy do zeleně syté Légèrement strié par l'ombre des nuages ;
jsou jako krajů mírné, tiché zraky. Avec leur flot moiré par les prés épandu,
Tu sluka steskne v rákosí blíž kraje Ils sont comme les yeux des calmes
a kachny vodní s peřím zelenavým, paysages.
jak duhovými barvami když hraje, La bécasse s'y plaint dans les roseaux du
se nese v dálce prachem slunce bord
žhavým; Et le canard sauvage au plumage de soie,
chlad s dechem puškvorců lukami Dont s'irise parfois le vert en reflets d'or,
stoupá, S'envole dans l'ardeur du soleil qui
a s vůní otavy po kraji dýchá, poudroie.
vzduch mírně chlazen vlnami se À l'odeur des foins verts étendus dans les
houpá, prés
a něco jako věčný stesk v tom Se mêle la fraîcheur d'un doux parfum
vzdychá. d'acore :
L'air passe, souffle, chaud d'avoir touché les
flots moirés,

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Et là-dessus le vol d'un morne ennui
s'essore

Luttes et Destinées

Strophes simples

Je n'ai jamais été tant aimé que par mon enfant...


Et c'est à l'heure tardive, lorsque ma tête blanchit de soucis...
Poète toujours inconnu, comme du temps de ma jeunesse, je sais bien
Que la gloire m'a évité, polie, mais prudente...

À présent que les soirs arrivent trop tôt, je me retire dans mon coin
Et serrant bien contre moi mon fils qui demande que je l'amuse
Je lui racconte les joies folles de ma jeunesse,
J'évoque le bruit des forêts et le mugissement des vaches.

Et faisant revivre les histoires des cabanes écroulées,


Je file des contes antiques de bonnes et mauvaises heures,
Je marche sur la crête des montagnes et dans la terre glaise jaune des tuileries,

Je traverse les vallées chaudes, je marche à l'ombre fraîche des aulnes,


Je me repose près des maisons désertes ; là, avec mon fils, nous nous partageons
le pain
Et dans des sources cristallines nous trempons notre pauvre verre...

Petr Bezruč
(1867-1958)

Petr Bezruč (pron. Bezroutch), pseudonyme de M. Vladimír Vašek, fonctionnaire


des P.T.T. à Brno, est l'auteur d'un seul volume de vers : Chants de Silésie, mais
ce livre est incomparable par se grandeur tragique. Paru sous un pseudonyme
impénétrable, ce fut, vers 1900, un cri d'alarme et de désespoir venant du pays noir
de houille et rouge de hauts-fourneaux d'Ostrava, où 70.000 mineurs tchèques
agonisaient sous le triple joug de la germanisation, de la polonisation et de
l'exploitation sociale par des propriétaires juifs. Tel un prophète de l'Ancien
Testament, Bezruč surgit pour secouer les consciences endormies, pour réveiller la
vigilance des gens de Prague et pour lancer au visage de l'oppresseur la terrible
accusation de milliers de parias. Toute la souffrance de sa rac e condamnée à mort s'est
concentrée dans le coeur du poète ; il la chante en rythmes frustes, martelés, en une langue rude, colorée de patois
silésien. Sur la corde unique de son violon, le rhapsode anonyme du désespoir, de la haine et de la révolte a joué
quelques mélodies qui marquent un des sommets de la poésie sociale de l'époque.

Slezské písně Chants silésiens

Červený květ La fleur rouge

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Za temným oknem, v květníku sivém À une obscure fenêtre, en un pot grisâtre,
hrubý a ostnatý mračil se kaktus. difforme, épineux, grimaçait un cactus.
Jednoho jitra Un jour au matin,
červený z lodyhy vyrazil kalich, jaillit sur sa tige un rouge calice,
červený květ. une rouge fleur.

Byl u nás básník, co jiné měl oči, Nous avions un poète aux yeux différents,
co měl rád vonné a nádherné růže. qui aimait l'odeur et la splendeur des roses.
Distichem zvučným En deux vers sonores
pochválil růži a odsoudil pyšně il loua la rose, et fier, condamna
ten rudý květ. cette fleur de pourpre.

Jsou duše drsné, co samy šly žitím, Il est des âmes rudes qui vont dans la vie,
hroty a ostny je zalily vrchem. et qui sont hérissées de dards et d'épines.
Co měly v srdci ? Qu'ont-elles au fond du coeur ?
Kvetly-li jednou a kvetly-li v noci Si elles n'ont fleuri qu'une fois dans la nuit,
hleď, rudým květem... la fleur était pourpre.
(traduit par Ch. Moisse)

Slezské písně Chant silésiens

Maryčka Magdónova Maryčka Magdónova

Šel starý Magdon z Le vieux Magdón revenait


Ostravy domů, d'Ostrava :
v bartovské harendě il s'arrêta, le soir, à l'auberge
večer se stavil, de Bartov
s rozbitou lebkou do et, le crâne fendu, tomba dans
příkopy pad. le fossé.
Plakala Maryčka Maryčka Magdónova pleura.
Magdonova.
Un wagonnet chargé de
Vůz plný uhlí se v koleje charbon se renversa sur le
zvrátil. rail ;
Pod vozem zhasla la veuve de Magdón y expira,
Magdonova vdova. écrasée.
Na Starých Hamrech Cinq orphelins sanglotaient à
pět vzlykalo sirot, Staré Hamry :
nejstarší Maryčka L'aînée est Maryčka
Magdonova. Magdónova.

Kdo se jich ujme a kdo Qui prendra soin d'eux, qui


jim dá chleba ? leur donnera du pain ?
Budeš jim otcem a Seras-tu pour eux un père,
budeš jim matkou ? seras-tu pour eux une mère ?
Myslíš, kdo doly má, má Celui qui a des mines, crois-tu

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srdce taky qu'il ait, comme toi,
tak jako ty, Maryčko un coeur, Maryčka Magdónova
Magdonova ? ?

Bez konce jsou lesy Les forêts du marquis Géro


markýze Géra. s'étendent à l'infini.
Otcové když v jeho Quand les pères ont été tués
pobiti v dolech, dans ses mines,
smí si vzít sirotek do les orphelins peuvent-ils
klínu drva, prendre une brassée de bois,
co pravíš, Maryčko qu'en penses-tu, Maryčka
Magdonova ? Magdónova ?

Maryčko, mrzne a není Maryčka, il gèle et il n'y a pas


co jísti... de quoi manger...
Na horách, na horách La montagne, la montagne,
plno je dřeva... c'est tout plein de bois...
Burmistr Hochfelder Le bourgmestre Hochfelder t'a
viděl tě sbírat. vu en ramasser,
Má mlčet, Maryčko doit-il se taire, Maryčka
Magdonova ? Magdónova ?

Cos to za ženicha Quel est ce fiancé qui tu as


vybrala sobě ? choisi ? Baïonnette au fusil,
Bodák má k rameni, na chapeau orné de plumes, front
čapce peří, rude, il t'emmène à Frydek...
drsné má čelo, ty jdeš s Est-ce l'attitude d'une
ním do Frydku, fiancée ? La tête penchée,
půjdeš s ním, Maryčko le tablier pressé sur tes yeux,
Magdonova ? tes larmes coulent,
amères et brûlantes, sur tes
Cos to za nevěstu ? joues...
Schýlená hlava,
fěrtoch máš na očích, Qu'as-tu donc, Maryčka
do něho tekou Magdónova ?
hořké a ohnivé krůpěje Les gros bourgeois, les dames
s lící, de Frydek
co je ti, Maryčko vont, méchamment, se
Magdonova ? moquer de toi,
le juif Hochfelder t'apercevra
Frydečtí grosbyrgři, de son vestibule,
dámy ze Frydku Qu'en dis-tu, Maryčka
jízlivou budou se máti ti Magdónova ?
řečí,
ze síňky uzří tě Dans la chaumière glacée, là-
Hochfelder žid. bas, les oisillons sont restés,

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Jak je ti, Maryčko
Magdonova ?
qui prendra soin d'eux, qui leur
donnera à manger ?
V mrazivé chýši, tam
Le maître ne se soucie pas
ptáčata zbyla,
des misérables.
kdo se jich ujme a kdo
Quelle voix a retenti dans ton
jim dá jísti ?
coeur,
Nedbá pán bídných. Co
pendant que tu cheminais,
znělo ti v srdci
Maryčka Magdónova ?
po cestě, Maryčko
Magdonova ?
Le long du chemin, Maryčka,
les rochers sont à pic,
Maryčko, po straně
et, en bas, l'Ostravice,
ostré jsou skály,
écumante, sauvage,
podle nich kypí a utíká k
bouillonne et court vers
Frydku
Frydek.
šumivá, divoká
L'entends-tu, comprends-tu
Ostravice.
son language,
Slyšíš ji, rozumíš,
fillette des montagnes ?
děvucho z hor ?
Un saut à gauche, tout est fini,
Jeden skok nalevo, po
fini.
všem je, po všem.
Tes cheveux noirs se sont
Černé tvé vlasy se na
accrochés au rocher,
skále chytly,
tes mains blanches se sont
bílé tvé ruce se zbarvily
teintes de sang.
krví,
Adieu, Maryčka Magdónova !
s Bohem buď, Maryčko
Magdonova !
Dans le cimetière de Staré
Hamry, sans croix ni fleurs,
Na Starých Hamrech na
des tombes se blotissent près
hřbitově při zdi
du mur :
bez křížů, bez kvítí krčí
là reposent des suicidés, des
se hroby.
gens sans foi.
Tam leží bez víry
Là repose Maryčka
samovrazi.
Magdónova.
Tam leží Maryčka
Magdonova.

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Hideux fantôme

Fi donc ! Quel hideux fantôme !


Voilà ce que diront les édiles de la ville d'or.
Voilà ce que dira l'éminent chef de la nation.
Les dames patriotes secoueront leurs petites têtes
Et Rothschild et Gutmann et le Compte Šonovský, Wilczek
Et le Sérénissime Sire, le marquis Géro
Diront la même chose, lorsqu'ils m'auront vu me lever
De la masse de soixante-dix mille. Que de coups de fouet !

Tels les hauts-fourneaux de Vítkovice mes yeux flamboyaient,


Un manteau sanglant pendait à mes épaules.
Sur l'une, je portais l'école allemande ;
Sur l'autre, je portais l'église polonaise.
Dans ma lourde droite je serrais un marteau
(un bloc de houille m'avait enlevé ma main gauche,
la flamme m'avait brûlé un oeil).
Et dans mon coeur, la malédiction et la haine des soixante-dix mille.
Dieu sait si je suis hideux !
Au loin, je répands une odeur de cadavre,
Sur mes bras, sur mes jambes ma chair est fendue
- tu connais les forges de Baška ? Mon oeil flamboyait,
Un manteau sanglant pend à mes épaules,
Ma droite porte un marteau de mineur
- un bloc de houille m'avait enlevé ma main gauche,
La flamme m'avait brûlé un oeil.

Cent assassins du Côté Bleu se cramponnent à mon dos


(Comme des rats furieux ils mordent ma nuque)
Cent juifs polonais se cramponnent à mes reins.
Riez donc, mon Dieu, riez donc ! Qui, c'est bien moi,
Moi, Pierre Bezruč, Bezruč de Těšín,
Barde d'un peuple asservi.
Que fait la jeunesse de la Vltava d'une chauve-souris captive ?
Comment les Romains ont-ils élevé Spartacus ?
Ainsi, je me tiendrai debout - depuis longtemps mon peuple a péri -
Cent ans, je me tiendrai debout, droit contre le ciel,
Je toucherai l'azur de ma nuque massacrée,
Moi, Pierre Bezruč, Ahasvérus de la conscience des Tchèques,
Fantôme hideux et barde d'un peuple disparu.
Rotschild, Gutmann, ... - propriétaires des mines et des forges
Géro - était un baron allemand qui a exterminé les Slaves de Poméranie, mais le poète désigne ainsi
Frédéric de Habsbourg
Côté Bleu - signifie évidemment la Prusse

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Victor Dyk
(1877-1931)

Poète, romancier, dramaturge, journaliste, polémiste, homme politique, Dyk est une
des plus intéressantes physionomies de la littérature tchèque. Dès ses débuts, il se
distinguait, parmi une génération qui affectait de se désintéresser de la politique,
par un sentiment patriotique très aigu qui devait, plus tard, faire de lui le poète de
l'énergie et de la fierté nationale et lui assigner un rôle rappelant celui que Maurice
Barrès a joué en France. L'idée de l'honneur de la Nation est comme l'axe de sa
pensée et de sa poésie. Pendant vingt ans, il poursuivit, par de cinglants
sarcasmes, tout ce qui était mesquin et lâche dans la vie publique tchèque,
brandissant très haut le drapeau de l'indépendance nationale. "Maudite soit la terre
qui porte les lâches, s'écriait-il, et la mère qui leur donne la vie ! Maudit soit le
bourreau qui martyrise sa victime, mais trois fois maudit qui se laisse martyriser !" Il
continua à défendre cet idéal pendant la guerre et du fond de la "tour de mort" de
Vienne où il était emprisonné, il adressait à la nation son admirable missive : La
terre parle, qu'on lira plus loin. L'appel du poète fut entendu, Dyk rentra dans son
pays. Il siégea à l'Assemblée Législative, puis au Parlement, pour passer au Sénat,
où il continua à être le gardien de l'honneur national. Il ne faudrait cependant pas
que l'homme politique fit oublier le poète, auteur de chansons lyriques d'une ironie
douloureuse, libéré, tendre sensitif doublé d'un froid analyste, irrémédiable
sceptique qui a su exprimer son amour de la chimère en des chansons d'une
concision laconique, des ballades symboliques d'une exquise finesse spiritualiste ;
ni le romancier d'un génie très large qui a fixé, pour l'avenir, quelques étapes de
l'évolution morale et politique de son pays, et l'auteur dramatique, un des plus
originaux de son temps, qui base son théâtre sur le contraste tragi-comique de la
vie et du rêve. Citons, parmi ses livres de poésie : A porta inferi (1897), Force de
la vie (1898), Vanités, L'amie de sept brigands (1906), Guiuseppe Moro (1911),
Satires et sarcasmes (1906), Contes de mon village (1910), Campagnes perdues
(1914), Pas lourds et légers (1915), Nuits de Chimère (1917), Ou bien... (1918),
Fenêtre (1921), La neuvième vague (1930).

A porta inferi A porta inferi

Otázky Questions

Já k svému duchu kdysi děl : À mon esprit un jour j'ai dit :


„Co toužil bys a co bys chtěl ?” „Que voudrais-tu donc, mon esprit ?”

„Řešiti temné problémy, - Élucider l'obscur mystère


záhady všecky na zemi !” Des grands problèmes de la terre.

Já k svému citu kdysi děl : Puis à mon coeur un jour j'ai dit :
„Co toužil bys a co bys chtěl ?” „Quel secret désir te remplit ?”

„Jmout všecku lásku v objetí - Être tout amour, et puis prendre


a všecku krásu vypěti !” Toute beauté pour la répandre.

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„A co chce tělo počíti ?” „Et quel est, ô corps, ton désir ?”
To dělo : „Já chci zemříti !” - Rien d'autre, dit-il, que mourir.

Les nuits de la Chimère

Chanson de la pièce "Don Quichotte assagi" :


Noci chiméry Vaincu

Poražený La lance de Don Quichotte est cassée.


Comme c'est ridicule ! Comme c'est
Zlomený oštěp Quijota, ridicule !
jak je to k smíchu ! Jak je to k Comment ne pas cracher sur la fierté
smíchu ! vaincue
Jak nepoplivat poraženou pýchu de l'amant de la vie abattu ?
kleslého milence života.
Ton corps si vain et maigre
Tvé tělo marné, hubené est tombé dans le sable de l'arène.
v arény kleslo písek. On entend l'Angélus des villes et des
Zní klekání teď z měst a vísek. villages.
Všem, všemu život. Tobě ne. La vie à tous, à tout. Pas à toi.
Zlomený oštěp Quijota. La lance de Don Quichotte est cassée.
Jak tě to pálí, jak to zebe. Comme cela te brûle et comme cela te
Neumíš, brachu, přežít sebe. gèle !
Taj nepochopils života ! Pauvre vieux, tu ne sais pas survivre à toi-
même.
Tu n'as pas compris le secret de la vie !

Okno Fenêtre

Země mluví La terre parle

Tvrdá matka byla jsem tobě. Je te fus une mère rude.


Těžce chléb jísti dala. Je te faisais manger un pain dur.
Nehýčkala jsem robě, Je ne dorlotais pas le bébé,
muže jsem zraňovala. Je blessais l'homme.
Když prohlédly po prvé tvé oči Lorsque, pour la première fois, tu ouvris tes
vyjevené, yeux ébahis,
smutný se obzor před tebou šířil. un triste horizon s'étendait devant toi.
Mluvila jsem o ráně zasazené, Je parlais d'un coup dont on m'a, jadis,
které čas neusmířil. frappé,
et que le temps ne m'a pas fait pardonner.
Na nás oba padal těžký stín.
Matka tvrdá byla jsem, ty tvrdý syn. Une ombre lourde tombait sur nous deux.
Nepozdvihl ji pro mne rámě. Je fus une dure mère, toi, un fils dur.
S láskou jsi nepomyslil na mě. Tu n'as pas levé ton bras pour me défendre,
Když vítr zahučel, zapraštěl mráz,

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neslyšel jsi můj hlas. Tu n'as pas pensé à moi avec amour.
A já přec mluvila, vidou tvou psotu, Quand le vent grondait, quand le froid
bídu, jež věčně tě štve. craquait
A z úst mých zamlklých zaznělo tu : tu n'entendais pas ma voix.
Vezmi si své ! Et cependant, je parlais, voyant ta peine,
Ta misère qui te poursuit éternellement.
Těžké břímě nosím. Alors, ma bouche silencieuse a dit :
Přichází radost anebo děs ? Prends ce qui t'appartient.
Slyšíš mne dnes ?
Matka syna prosím. Je porte un lourd fardeau,
Haj si mne. Braň si mne. Neoslyš Est-ce la joie ou l'horreur qui vient ?
matky. M'entends-tu aujourd'hui ?
Haj si mne. Brň si mne : Ať shoří Mère, je prie mon fils.
statky, Défends-moi. Protège-moi. Écoute ta mère.
pole ať udupou, zničí. Défends-moi. Protège-moi : Que les
Zítra zas símě vzklíčí. maisons brûlent,
Chystala jsem ti úděl, děcko. qu'on piétine les champs, qu'on les
Úděl jsem tobě chystala. détruise !
Chraň si mne. Haj si mne. V moci tvé Demain, une semence nouvelle poindra.
všecko : Je te préparais ton partage, mon enfant.
aby ztroskotala loď, anebo přistála. Ton partage est préparé.
Protège-moi. Défends-moi. Tout dépend de
Neoslyš slova varující : toi :
neprodej úděl za čočovici. Le navire peut sombrer, ou arriver à bon
Třeba mne opustíš, port.
nezahynu.
Ale víš, Ne néglige pas mes paroles. Prends garde.
kolik sem přijde stínů ? Ne vends pas ton partage pour un plat de
Kolikrát pěst bude potomek zatínat, lentilles.
a syn tvůj kolikrát tě bude proklínat ? Si tu m'abandonnes
je ne périrai pas.
Nezahynu, věčna jsem, Mais sais-tu
ale žít budu s trapným úžasem : combien il surgira d'ombres ?
kterak jsi zapomněl dědičný na díl ? Combien de fois tes fils serreront les
Kterak jsi váhal ? A kterak jsi zradil ? poings ?
Jak možno kletý čin provésti Combien de fois tes fils te maudiront ?
vědomky ?
Sebe jsi zradit moh. Ale své Je ne périrai pas, je suis éternelle,
potomky ? mais je vivrai dans un étonnement pénible :
Dokavad dýchal jsi, proč ses vzdal ? Comment as-tu pu oublier ton partage ?
čeho ses bál ? Comment as-tu pu oublier ? Comment as-tu
Co je to smrt ? pu trahir ?
Smrt znamená jít ke mně. Comment peut-on, à bon escient,
Tvá matka země commettre une lâcheté ?
otvírá náruč : možno, bys jí zhrd ? Libre à toi de te trahir toi-même. Mais trahir
Pojď, poznáš, jak je země náruč ta descendance ?
měkká Tant que tu respirais, comment as-tu pu te

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rendre ?
De quoi avais-tu peur ?
Qu'est-ce donc que la mort ?
La mort, cela veut dire, venir à moi.
pro toho, který splnil, co čeká. Ta mère, la terre
Prosím tě, matka tvá ; braň si mne, ouvre ses bras : la pourrais-tu mépriser ?
synu ! Viens, tu verras combien le sein de la terre
Jdi, třeba k smrti těžko jdeš. est doux
Opustíš-li mne, nezahynu. pour celui qui a fait ce qu'elle attend.
Opustíš-li mne, zahyneš. Moi ta mère, je te supplie : défends-moi,
mon fils.
En avant, et fût-ce dur jusqu'à la mort :
Si tu m'abandonnes, je ne périrai pas.
Si tu m'abandonnes, tu périras.

Vítězslav Nezval
(1900-1958)

Le chef de l'école poétique a débuté, en 1922, dans le groupe qui se donnait le titre
de Devětsil (Les Neuf forces, nom tchèque d'une fleur de printemps  : Pétasiles),
par le recueil Le Pont, dont le titre exprimait sa conception de la poésie qui est un
pont entre le subconscient et le conscient, entre la réalité et le souvenir. Cette
poésie qui tenait du rêve et de l'hallucination créait une réalité absurde, mais
chatoyante et mélodieuse. En 1924 Nezval publia La Pantomime, livre très curieux,
plein à la fois de réminiscences et d'originalité, livre qui est une confession et un
programme. C'est en se basant sur ce livre que le théoricien du groupe Charles
Teige a formulé, avec Nezval, le manifeste du poétisme qui rompait d'une façon
définitive avec la poésie prolétarienne, qui voulait renouveler la joie, la fantaisie, la
vie sentimentale et qui réclamait la poésie pure, jeu de belles paroles, féérie
d'images sans tendance et sans idéologie. Il y a, dans cette théorie, des souvenirs
du futurisme et des parentés étroites avec le dada et le surréalisme. Quoi qu'il en
soir, le poétisme rendit la poésie tchèque, qui devenait dangereusement assujettie
aux conceptions communistes, à la vie et à la liberté. Nezval est doué d'une facilité
d'écriture qui rappelle celle de Jaroslav Vrchlický, dont il possède aussi la virtuosité
de forme. À côté des petits bouts rimés insignifiants, à côté de blagues apparentes,
il y a une richesse étonnante d'images nouvelles, de petites merveilles de grâce et
d'harmonie musicale. La fantaisie difficilement contrôlable, qui déconcertait souvent
à ses débuts, se plie volontiers à la logique, le caprice cède le pas à la discipline. Il
en résulte des poèmes d'une forme régulière, voire des sonnets ou des rondeaux,
où s'exprime nom plus le prestigieux rimeur, mais un être humain qui a connu des
angoisses et l'horreur de la mort. Citons, parmi les nombreux recueils : Poèmes de
la Nuit, Adieu et le Mouchoir, 52 ballades de l'éternel étudiant Robert David, Cinq
minutes de la ville, Les villes et les bleuets. Les pièces de théâtre ayant le plus de
succès : Les amants de kiosque, Manon Lescaut, Les trois mousquetaires, Le
soleil se couche encore sur l'Atlantide. Les livres de souvenirs : De ma vie, La rue
Gît-le-Coeur, Moscou invisible. Les traductions : Rimbaud, Mallarmé, André Breton,
E. A. Poe, Heinrich Heine, Pablo Neruda. Sur ce site : Edison, Poe, Le corbeau et
La romance du boureau Jan Mydlář.

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Jumeaux
Blíženci

Krajina
Paysage
Mezi jahodami v lese
je atlasový divan Un divan de soie
Nad ním se třese Parmi les fraises au bois.
a zpívá skřivan Au-dessus une alouette
Frémit et chante
Na té louce je španělská stěna
a na otomanu v dolíčku Sur ce pré un paravent
spí nahá žena Sur le sofa dans une fossette
a na prsou má rosničku Une femme nue dort
Sur sa gorge il y a une rainette.
Rosnička zpívá
pomněnky se krčí La rainette chante,
dáma spí a zívá Des myosotis se blottissent,
Zvolna prší La dame dort et bâille
Lentement il pleut.

Ange gardien
Anděl strážný
La fièvre sévit dans ton lit
V tvém loži řádí zimnice bien qui l'air soit tiède.
ač vzduch je vlažný Au-dessus de toi plane
Nad tebou vznáší se l'ange gardien.
anděl strážný
Il couvre ton corps de baisers
Líbá tvé tělo od nohou depuis les pieds jusqu'à la bouche, oh ! le
až k ústům ach ten se vyzná malin
K ránu se propadne podlahou Le matin il disparaît par le plancher,
když budíš se ze sna lorsque tu te réveilles.

Áž budeš mít dceru nediv se Quand tu auras une fille ne sois pas
Anděl je falešný strážce étonnée.
Dnes ráno mi říkal o dívce L'ange est un faux gardien ;
již podvedl v lásce ce matin il m'a parlé d'une jeune fille
qu'il a trompée en amour.

Básně na pohlednice Poèmes écrits sur cartes postales

Vajíčko L'oeuf

Jak snáší křepelka vejce na zimu Telle une caille qui pond des oeufs pour
tak kladu slovo k slovu do rýmů l'hiver
Z každého vyletí kropenatý ptáček je pose un mot à côté de l'autre pour les

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faire rimer ;
de chacun d'eux un petit oiseau grivelé va
s'envoler ;
si vous ne faites pas de bruit, il se mettra à
budete-li zticha sladce rozzpívá se chanter.

Cukr Le sucre

Cukr sněženka kuchyně Le sucre perce-neige de cuisine


Led v květnu šálků roztaje la glace se fondra en mai des tasses
Vidina rozplývající se v bdění une vision se fondant en état d'éveil
Sladkosti prchavé sladkosti douceurs passagères, douceurs de chaque
každodenní jour.

Deštník Le parapluie

Deštníku optimista nosí tě rád v duši Un optimiste aime à te porter dans son âme,
ráno svítí slunce večer na to prší ô parapluie !
Když zmokneš občas na kůži le matin de soleil brille, le soir il tombe de
nezoufej bratře to se usuší l'eau
si parfois tu es mouillé jusqu'aux os
Píšťalka ne te désespère pas, mon frère, cela va
Ve světě slavných milostnic a králů sécher.
hvízdám si jako Giotto na píšťalu
Le sifflet
Chudobky rostou v zahrádce
a mně se stýská po lásce Au milieu des célèbres amoureuses et des
rois
je joue comme Giotte d'un petit sifflet,
des pâquerettes poussent dans le jardin
et moi, j'ai la nostalgie de l'amour.

Básně noci Poèmes à la Nuit

Edison Edison

I I

Naše životy jsou truchlivé jak pláč Notre vie est telle qu'un pleur morne et
Jednou k večeru šel z herny mladý terne.
hráč Un joueur sortait un soir de la taverne,
venku sněžilo nad monstrancemi La neige poudrait les ostensoirs des bars,
barů Le printemps était proche en l'aire moite
vzduch byl vlhký neboť chýlilo se k épars,
jaru Mais la nuit frissonnait comme une prairie
avšak noc se chvěla jako prérie Sous les éclats d'une australe artillerie
pod údery hvězdné artilérie Qu'écoutaient à table, aux bancs crasseux
které naslouchali u politých stolů figés,

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pijáci nad sklenicemi alkoholů Les buveurs d'alcool sur leurs verres
polonahé ženy v šatě z pávích per penchés
melancholikové jako v podvečer Et des femmes vêtant leurs corps presque
nus
Bylo tu však něco těžkého co drtí De plumes de paon, tous par le soir émus.
smutek stesk a úzkost z života i smrti
Un poids lourd qui écrase pesait là sur le
Vracel jsem se domů přes most Legií sort,
zpívaje si v duchu malou árii Spleen, tristesse, angoisse de la vie et de la
piják světel nočních bárek na Vltavě mort.
z hradčanského dómu bilo dvanáct
právě Rentrant par le Pont des Légions, tout bas
půlnoc smrti hvězda mého obzoru Je chantais pour moi seul des airs d'opéras,
v této vlahé noci z konce únoru Buveur de feux nocturnes aux barques
fantomales
Bylo tu však něco těžkého co drtí Minuit était tombé de la cathédrale.
smutek stesk a úzkost z života i smrti Minuit, heure de mort, étoile à mon horizon
Dans cette nuit douce de l'avant-saison.
Skláněje se z mostu uviděl jsem stín
sebevrahův stín jenž padal do hlubin Mais un poids qui écrase pesait là sur le
bylo tu však něco těžkého co pláče sort,
byl to stín a smutek hazardního hráče Spleen, tristesse, angoisse de la vie et de la
řekl jsem mu probůh pane co jste zač mort.
odvětil mi smutným hlasem nikdo
hráč Par-dessus le parapet je vis une ombre,
bylo tu však něco smutného co mlčí Une ombre d'homme plongeant au néant
byl to stín jenž jako šibenice trčí sombre,
stín jenž padal z mostu ; vykřikl jsem Mais là quelque chose était lourd et pleurait,
ach !
ne vy nejste hráč ! ne vy jste L'ombre triste d'un joueur que l'enfer attirait.
sebevrah ! „Qui, dis-je, êtes-vous, Monsieur ? Dieu
vous pardonne !”
Šli jsme oba ruku v ruce oba Il répondit lugubre : „Un joueur, personne.”
zachránění Là pesait un chagrin lourd qui se taisait.
šli jsme ruku v ruce v otevřeném Une ombre comme un gibet qui se dressait,
snění Une ombre tombant du pont. J'ai fait : „Ah !”
za město kde počínaly Košíře Puis, livide :
z dálky mávaly nám noční vějíře „Non, tu n'es pas un joueur, tu es un
nad kiosky smutku tance alkoholů suicide.”
šli jsme ruku v ruce nemluvíce spolu
Nous marchions tous deux sauvés la main
bylo tu však něco těžkého co drtí dans la main,
smutek stesk a úzkost z života i smrti Main dans la main nous marchions rêveurs
sans frein,
Odemkl jsem dveře rozžal svítiplyn Hors la ville où le faubourg de Kochir
veda na nocleh svůj pouliční stín commence,
řek jsem pane pro nás pro oba to Au signal des éventails de la nuit dense,

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stačí Par-dessus bals, kiosques, bars, tristes
nebylo tu však už stínu po mém hráči lieux,
či to byl jen přízrak nebo sebeklam ? Nous marchions main dans la main
stál jsem nad svým každodenním silencieux.
lůžkem sám
Mais un poids qui écrase pesait là sur le
bylo tu však něco těžkého co drtí sort,
smutek stesk a úzkost z života i smrti Spleen, tristesse, angoisse de la vie et de la
mort.
Usedl jsem za stůl nad kupy svých
knih J'ouvris la porte, allumai le gaz, du geste
pozoruje oknem padající sníh Offris à l'Ombre ma couchette modeste :
pozoruje vločky jak své věnce vijí „Monsieur, dis-je, à nous deux cela peut
se svou věčně chimérickou nostalgií suffire.”
piják nezachytitelných odstínů L'ombre du joueur avait fui sans mot dire,
piják světel potopených do stínů Songe illusoire ou spectre ? je n'en sais
piják žen jichž poslouchají sny a hadi rien,
piják žen jež pochovávají své mládí J'étais seul devant mon lit quotidien.
piják krutých hazardních a krásných
žen Mais un poids qui écrase pesait là sur le
piják rozkoše a zkrvavělých pěn sort,
piják všeho krutého co štve a drtí Spleen, tristesse, angoisse de la vie et de la
piják hrůz a smutku z života i smrti mort.

Řekl jsem si zapomeň už na stíny De ma table où s'entassaient journaux et


otvíraje týden staré noviny livres,
kde jsem v pachu novinářské černi Je regardai par la fenêtre le givre
tona Et les neigeux flocons tresser leurs
uzřel velkou podobiznu Edisona couronnes
byl tu jeho nejnovější vynález Avec ma chimère et mon spleen
seděl v taláru jak středověký kněz monotones,
Buveur de nuances que jamais l'on ne saisit,
bylo tu však něco krásného co drtí
odvaha a radost z života i smrti. Buveur de lumière qui dans l'ombre
/.../ s'engloutit,
Buveur de femmes, du rêve et des serpents
maîtresses.
Buveur de femmes, fossoyeuses de leur
jeunesse,
Buveur de femmes, belles, cruelles,
hasardeuses,
Buveur de volupté, de sang, d'écumes
fielleuses,
Buveur de tout ce qui est cruel, écrase,
mord,
Buveur d'épouvante et de pleurs, de vie et
de mort.

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Je me dis : „Il faut vite oublier les ombres.”
J'ouvre les journaux dont ma table
s'encombre,
Parmi les relents d'encre grasse apparaît
Edison l'inventeur, émouvant portrait
Qui évoque à mon esprit la noble image
D'un prêtre en simarre comme au Moyen
Âge.

Le poids écrasant du Beau pesait là sur le


sort.
Courage, allégresse de la vie et de la mort.
(traduit par F. Baumal et J. Palivec)

Il existe une traduction réalisée en collaboration avec l'auteur, celle de François


Kérel : texte complet

Buveur de cruautés qui traquent et qui


broient Nos vies nous consolent comme le rire
Buveur de la vie de la mort et de l'effroi Penché une nuit au-dessus du monceau de mes
Les ombres me dis-je n'en valent pas la livres
peine Et noyé dans la senteur âcre d'un journal
Ouvrant les journaux vieux d'une semaine J'ai vu soudain la neige et un grand portrait d'Edison
Je me noyai dans l'encre noire des colonnes C'était minuit un jour au déclin de février
Où je vis une grande photo d'Edison Je me surpris me parlant à moi-même
On parlait de sa toute dernière invention Comme si j'étais ivre d'un vin trop fort
Il avait l'air d'un prêtre au temps des Et je parlai à mon ombre invisible
processions Il reste ce que je ne sais quoi de beau qui nous
Mais on sentait peser la beauté qui nous dévore
broie l'oubli de la douleur de la vie et la mort
Le courage de vivre et mourir et la joie (trad. Miloš Sova)
(trad. F. Kérel et V. Nezval)

Sbohem a šáteček L'Adieu et le Mouchoir

Racheli Rachel

Jsem unaven Racheli Je suis fatigué Rachel


Nakonec nám stačí úzká lavice On va dans un instant dédoubler notre train
Spěte Zde je moje pravice Venez sur la banquette et donnez-moi la
Spěte klidně buďme přáteli main
Dormez sur la banquette étroite et soyez
Jsem unaven Racheli belle
za chvíli se rozdvojí náš společný
vlak Je suis fatigué Rachel
Spěte na lavici spánkem smrti Tak Dormez sur la banquette d'un sommeil de
Spali jsme dost dlouho v posteli mort
Et longuement comme si nous étions encore

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Jsem unaven Racheli dans le lit que cette banquette vous rappelle
jako vaše chimérická rasa
jako naše příliš staré kostely Je suis fatigué Rachel
jako poesie jako krása Comme votre vieille race chimérique
jako smutek jako veselí Comme nos trop vieilles églises
Comme la poésie comme la beauté
Jsem unaven Racheli Comme la tristesse comme le rire
 
Je suis fatigué Rachel
Sbohem a šáteček (traduit par F. Kérel)

Sbohem a kdybychom se nikdy L'Adieu et le mouchoir


nesetkali
bylo to překrásné a bylo toho dost Adieu et si c'était pour ne plus nous revoir
Sbohem a kdybychom si spolu cela fut merveilleux et cela fut parfait
schůzku dali Encore un rendez-vous mais combien
možná že nepřijdem že přijde jiný dérisoire
host Ce ne serait pas moi peut-être qui viendrais

Bylo to překrásné žel všecko má svůj Cela fut merveilleux hélas tout doit finir
konec Que se taise le glas je connais sa tristesse
Mlč umíráčku mlč ten smutek já už Baiser mouchoir sirène et cloche du navire
znám Deux ou trois fois sourire après quoi on se
Polibek kapesník siréna lodní zvonec laisse
tři ètyři úsměvy a potom zůstat sám
Adieu et si les mots nous semblent trop
Sbohem a kdybychom si neřekli už banals
více Qu'un petit souvenir des jours qui nous
ať po nás zůstane maličká památka émurent
vzdušná jak kapesník prostá jak plus léger qu'un mouchoir qu'une carte
pohlednice postale
a trochu mámivá jak vůně pozlátka nous grise de l'arôme envoûtant des dorures

A jestli viděl jsem co neviděli jiní Et si j'ai vu ce que n'ont pas vu d'autres
tím lépe vlaštovko jež hledáš rodný yeux
chlév tu m'as montré le sud et le nid qui t'attend
Ukázalas mi jih kde máš své hnízdo v Tant mieux belle hirondelle en quête du ciel
skříni bleu
Tvým osudem je let mých osudem je ton destin c'est le vol mon destin c'est le
zpěv chant

Sbohem a bylo-li to všechno Adieu et si c'était pour la dernière fois


naposledy tant pis pour mon espoir il ne nous reste rien
tím hůř mé naděje nic vám už Pas d'au revoir et tant mieux si je vous
nezbude revois
Chcem-li se setkati nelučme se radši L'adieu et le mouchoir accomplis-toi destin
tedy (traduit par F. Kérel)

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Sbohem a šáteček Vyplň se osude !
 

Traductions de V. Nezval

E. A. Poe : Havran E. A. Poe : The raven

Jednou o půlnoci, maje horečku a Once upon a midnight dreary, while I pondered,
rozjímaje weak and weary,
nad divnými svazky vědy prastaré a Over many a quaint and curious volume of forgotten
záslužné - lore,
když jsem klímal v polospaní, ozvalo se While I nodded, nearly napping, suddenly there
znenadání came a tapping,
velmi jemné zaťukání na dveře - a pak už As of some one gently rapping, rapping at my
ne. chamber door.
"Je to návštěva, či zdání, bylo to tak "'Tis some visitor," I muttered, "tapping at my
nezvučné - chamber door-
                 jednou jen a pak už ne."                  Only this, and nothing more."

Une page spéciale est dédiée à ce poème. Vous y trouverez les traductions
complètes.

Jaroslav Seifert
(1901-1986)

Fils d'un faubourg populaire de Prague, Seifert était prédestiné à devenir le poète
du prolétariat. Il en a adopté le point de vue sans essayer de le juger et il 'a
exprimé avec une spontanéité brutale et presque barbare de naïveté, parfois avec
un primitivisme criard et bariolé : La Ville en larmes (1922) et Rien que l'amour.
Après un voyage à Paris, embrassant la doctrine poétiste, il écrit Sur les ondes de
T. S. F., inauguré par une belle apostrophe de Guillaume Apollinaire. Oubliant les
programmes politiques, il laisse parler son lyrisme frais. Sans avoir la richesse de
Nezval, il trouve souvent des vers d'une beauté limpide et teintés d'une profonde
souffrance humaine. Seifert n'est pas un penseur, mais c'est un coeur de poète. Le
rossignol chante mal (1926, intitulé ainsi par une citation de Cocteau) est influencé
par le Dada et le surréalisme, ainsi que par des slogans politiques, chers à V.
Maïakovski. Déçu par Moscou, Seifert est exclu du parti communiste (1929). Le
poète devient plus discret et sa mélodie, si elle a perdu en sonorité, a gagné en
douceur et en finesse. De ses livres, citons au moins Éteignez les lumières (1938,
exprimant la crainte de l'avenir après l'accord de Munich), L'éventail de Božena
Němcová (1940), Prague vêtue de lumière (1942), Mozart à Prague (1951),
Maman (1954). Ayant désapprouvé l'invasion soviétique en 1968, il n'est
pratiquement plus publié ; ses mémoires Toutes les beautés du monde ne
paraissent qu'à l'étranger. Cosignataire de la pétition "Charte 77" sur les droits de
l'homme (1977), son nom fait apparition dans la presse occidentale. Peu avant sa
mort, malade, Seifert reçoit le prix Nobel (1984).

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Rien que l'amour

Chanson des jeunes filles

Une longue rivière traverse la ville,


ses rives sont reliées par sept ponts,
mille belles filles se promènent sur le quai
et toutes sont différentes.

On va d'un coeur à l'autre pour se chauffer les mains


dans des rayons d'un grand amour ardent,
mille belles filles se promènent sur le quai
et toutes sont pareilles.

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