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Cours : Éducation, transmission et émancipation

Éducation, transmission et…


Cours

Sommaire

I Les nouvelles idées éducatives


des Lumières
A L'idéal éducatif des Lumières

B La reprise des idées des Lumières par les


romantiques

II Le nouveau rôle de l'école dans la


transmission du savoir
A La formation du citoyen

B Les souvenirs d'écoliers

III L'éducation : un moyen vers


l'émancipation
A L'éducation pour libérer l'homme

B L'émancipation sociale

C L'émancipation des femmes

RÉSUMÉ
L'éducation est généralement exercée par les
adultes sur les enfants pour leur donner les
facultés de raisonner par eux-mêmes, développer
leurs connaissances et leur permettre de forger
leur propre personnalité. On peut se demander
quels sont les principes fondamentaux de
l'éducation. Pourquoi éduquer l'homme ? Comment
éduquer l'homme ? Quels sont les bénéLces de
l'éducation ? Ces questions se posent depuis
l'Antiquité et prennent une véritable importance au
XVIIIe siècle, puis particulièrement aux XIXe et
XXe siècles avec une éducation ouverte à tous.
L'école publique joue alors un rôle primordial dans
la transmission du savoir. L'éducation est perçue
comme un moyen pour s'émanciper.

I Les nouvelles idées


éducatives des Lumières
Au XVIIIe siècle, les philosophes des
Lumières proposent une nouvelle façon d'éduquer
les enfants en rupture avec les idées humanistes de
la Renaissance. L'inFuence de la pensée des
Lumières se fait sentir au XIXe siècle avec l'idée
d'une éducation qui doit se centrer sur l'utile.

A L'idéal éducatif des Lumières


Les philosophes des Lumières proposent une
nouvelle méthode d'éducation et insistent sur
l'importance de se montrer bienveillant avec l'enfant.
La toute-puissance des tuteurs est remise en
question.

Au moment de la Renaissance (XVe-XVIe siècles), les


humanistes accordent de l'importance à une
éducation plurielle (plusieurs matières enseignées) et
critique (on n'apprend pas par cœur inutilement). Au
siècle des Lumières, l'idéal de l'éducation est
différent : il faut que l'éducation soit pour tous, qu'elle
permette de former des individus qui pourront se
montrer utiles à la société. C'est une éducation
méthodique et pratique.

Jean-Jacques Rousseau a accordé beaucoup


d'importance au thème de l'éducation dans son livre
Émile ou De l'éducation. Il propose des idées
pédagogiques nouvelles et insiste sur l'importance de
trouver une nouvelle méthode pour éduquer les
enfants. Il imagine une éducation Lctive avec une
méthodologie bien détaillée.

« Je hais les livres ; ils n'apprennent qu'à parler de


ce qu'on ne sait pas. On dit qu'Hermès grava sur
des colonnes les éléments des sciences, pour
mettre ses découvertes à l'abri d'un déluge. S'il
les eût bien imprimées dans la tête des hommes,
elles s'y seraient conservées par tradition. Des
cerveaux bien préparés sont les monuments où
se gravent le plus sûrement les connaissances
humaines.
N'y aurait-il point moyen de rapprocher tant de
leçons éparses dans tant de livres, de les réunir
sous un objet commun qui pût être facile à voir,
intéressant à suivre, et qui pût servir de
stimulant, même à cet âge ? Si l'on peut inventer
une situation où tous les besoins naturels de
l'homme se montrent d'une manière sensible à
l'esprit d'un enfant, et où les moyens de pouvoir à
ces mêmes besoins se développent
successivement avec la même facilité, c'est par
la peinture vive et naïve de cet état qu'il faut
donner le premier exercice à son imagination.
Philosophe ardent, je vois déjà s'allumer la vôtre.
Ne vous mettez pas en frais ; cette situation est
trouvée, elle est décrite, et, sans vous faire tort,
beaucoup mieux que vous ne la décririez vous-
même, du moins avec plus de vérité et de
simplicité. »

Jean-Jacques Rousseau
Émile ou De l'éducation - 1762

L'auteur rejette l'idée d'une


éducation uniquement
fondée sur les livres. Il
INTERPRÉTATION utilise une métaphore pour
comparer les cerveaux à
des monuments : « Des cerveaux bien
préparés sont les monuments où se gravent
le plus sûrement les connaissances
humaines. » Rousseau pense que si les
enfants ont assez développé leurs
capacités, leur cerveau devient plus dur que
de la pierre et ce que l'on y grave ne peut
disparaître. Il utilise une question rhétorique
pour mettre en avant l'idée selon laquelle il
faudrait récéchir à la publication d'un
ouvrage universel qui pourrait servir à tout
le monde : « N'y aurait-il point moyen de
rapprocher tant de leçons éparses dans tant
de livres, de les réunir sous un objet
commun qui pût être facile à voir,
intéressant à suivre, et qui pût servir de
stimulant, même à cet âge ? »

Pour Jean-Jacques Rousseau, l'éducation morale des


enfants est très importante, mais il faut respecter
l'enfant, ne pas l'éduquer avec violence, au risque de
l'effrayer.

« Connaître le bien et le mal, sentir la raison des


devoirs de l'homme, n'est pas l'affaire d'un
enfant.
La nature veut que les enfants soient enfants
avant que d'être hommes. Si nous voulons
pervertir cet ordre, nous produirons des fruits
précoces, qui n'auront ni maturité ni saveur, et ne
tarderont pas à se corrompre ; nous aurons de
jeunes docteurs et de vieux enfants. L'enfance a
des manières de voir, de penser, de sentir, qui lui
sont propres ; rien n'est moins sensé que d'y
vouloir substituer les nôtres ; et j'aimerais autant
exiger qu'enfant eût cinq pieds de haut, que du
jugement à dix ans. En effet, à quoi lui servirait la
raison à cet âge ? Elle est le frein de la force, et
l'enfant n'a pas besoin de ce frein.
En essayant de persuader à vos élèves le devoir
de l'obéissance, vous joignez à cette prétendue
persuasion la force et les menaces, ou, qui pis
est, la catterie et les promesses. Ainsi donc,
amorcés par l'intérêt ou contraints par la force,
ils font semblant d'être convaincus par la raison.
Ils voient très bien que l'obéissance leur est
avantageuse, et la rébellion nuisible, aussitôt que
vous vous apercevez de l'une ou de l'autre. Mais
comme vous n'exigez rien d'eux qui ne leur soit
désagréable, et qu'il est toujours pénible de faire
les volontés d'autrui, ils se cachent pour faire les
leurs, persuadés qu'ils font bien si l'on ignore leur
désobéissance, mais prêts à convenir qu'ils font
mal, s'ils sont découverts, de crainte d'un plus
grand mal. La raison du devoir n'étant pas de leur
âge, il n'y a homme au monde qui vînt à bout de
la leur rendre vraiment sensible ; mais la crainte
du châtiment, l'espoir du pardon, l'importunité,
l'embarras de répondre leur arrachent tous les
aveux qu'on exige ; et l'on croit les avoir
convaincus, quand on ne les a qu'ennuyés ou
intimidés. »

Jean-Jacques Rousseau
Émile ou De l'éducation - 1762

Dans cet extrait, Rousseau


évoque l'éducation morale
de l'enfant mais
INTERPRÉTATION également le respect de
l'enfant. Il utilise le champ
lexical de la force et souligne qu'il ne faut
pas chercher à dresser les enfants, car ils
ne feraient que « semblant d'être
convaincus par la raison » : « contraints par
la force, l'obéissance, crainte, châtiment,
intimidés ». Ainsi, l'enfant qui aurait subi une
telle intimidation ne serait pas capable de
distinguer le bien du mal. Rousseau suggère
donc de laisser la nature suivre son cours, il
faudrait donc laisser le temps à l'enfant
d'être un enfant avant de devenir un adulte.

Le philosophe Emmanuel Kant propose également


une nouvelle éducation pour tous.

« Dans l'éducation donc, l'homme doit : 1) être


discipliné. Discipliner signiLe : chercher à
empêcher que l'animalité ne soit la perte de
l'humanité, aussi bien dans l'homme privé que
dans l'homme social. La discipline ne consiste
qu'à dompter la sauvagerie. 2) L'homme doit être
cultivé. La culture comprendre l'instruction et les
divers enseignements. Elle procure l'habileté.
Cette dernière est la possession d'une faculté
suhsante pour toutes les Lns que l'on peut se
proposer. Elle ne détermine donc elle-même
aucune Ln, mais laisse ce soin aux
circonstances. »

Emmanuel Kant
RéFexions sur l'éducation - 1803

Dans cet extrait, Kant


donne des règles à suivre
en matière d'éducation. On
INTERPRÉTATION remarque une notion de
civisme (« l'homme
social »), le détachement du côté animal en
chaque homme (« dompter la sauvagerie »)
et une éducation pour tous basée sur la
culture (« faculté suhsante pour toutes les
Lns que l'on peut se proposer »).

Kant souligne notamment qu'il faut se détacher des


tuteurs (les professeurs) qui ne doivent pas dicter la
manière de penser mais seulement transmettre un
savoir. Il est important de développer l'esprit critique
des enfants.

« Les "Lumières" se déLnissent comme la sortie


de l'homme hors de l'état de tutelle dont il est lui-
même responsable. L'état de tutelle est
l'incapacité de se servir de son entendement
sans être dirigé par un autre. Elle est due à notre
propre faute lorsqu'elle résulte non pas d'une
insuhsance de l'entendement, mais d'un manque
de résolution et de courage pour s'en servir sans
être dirigé par un autre. Sapere aude ! Aie le
courage de te servir de ton propre entendement !
Telle est la devise des Lumières. Paresse et
lâcheté sont les causes qui expliquent qu'un si
grand nombre d'hommes, alors que la nature les
a affranchis depuis longtemps de toute tutelle
étrangère, restent cependant volontiers, leur vie
durant, mineurs ; et qu'il soit si facile à d'autres
de les diriger. »

Emmanuel Kant
Qu'est-ce que les Lumières ? - 1784

Kant Lxe comme règle


universelle le fait que
l'homme doit absolument
INTERPRÉTATION penser par lui-même et se
détacher de ce qu'il
nomme les « tuteurs », ou « l'état de
tutelle ». Il utilise de fait une maxime latine
Sapere aude ! qui a valeur d'argument
d'autorité, pour intimer les hommes de
récéchir par eux-mêmes.

B La reprise des idées des Lumières


par les romantiques
Les romantiques du XIXe siècle accordent également
une grande importance à l'éducation. Ils rejettent
une éducation austère, avec un tuteur violent et dur.
Ils insistent sur l'importance de prendre en compte le
caractère de l'enfant, sa sensibilité. Les idées
pédagogiques de Rousseau sont reprises.

Dans les romans des auteurs romantiques, on trouve


une dénonciation des méthodes d'éducation trop
violentes et une gloriLcation d'une éducation
bienveillante. Ainsi, dans Le Rouge et le Noir,
Stendhal met en scène un jeune précepteur qui
rassure la mère des enfants en proposant une
éducation qui ressemble à celle que Rousseau
préconise dans Émile ou De l'éducation.

« — Vous ne gronderez pas trop ces pauvres


enfants ?
— Moi, les gronder, dit Julien étonné, et
pourquoi ?
— N'est-ce pas, monsieur, ajouta-t-elle après un
petit silence et d'une voix dont chaque instant
augmentait l'émotion, vous serez bon pour eux,
vous me le promettez ?
[…]
Madame de Rênal trouva que Julien avait l'air fort
méchant, il s'était arrêté à deux pas d'elle. Elle
s'approcha et lui dit à mi-voix :
— N'est-ce pas, les premiers jours, vous ne
donnerez pas le fouet à mes enfants, même
quand ils ne sauraient pas leurs leçons ?
Ce ton si doux et presque suppliant d'une si belle
dame Lt tout à coup oublier à Julien ce qu'il
devait à sa réputation de latiniste. La Lgure de
Madame de Rênal était près de la sienne, il sentit
le parfum des vêtements d'été d'une femme,
chose si étonnante pour un pauvre paysan.
Julien rougit extrêmement et dit avec un soupir,
et d'une voix défaillante :
— Ne craignez rien, madame, je vous obéirai en
tout. »

Stendhal
Le Rouge et le Noir - 1830

Julien est le nouveau


précepteur des enfants de
Madame de Rênal. Cette
INTERPRÉTATION scène a lieu après la
rencontre du héros, Julien
Sorel, avec Madame de Rênal. Rassurée par
l'agréable apparence du jeune homme,
Madame de Rênal ose une série de
questions qui trahissent son inquiétude :
elle rejette une éducation violente et austère
où les enfants seraient battus ou grondés.
Elle est rassurée par Julien qui se montre
bienveillant et compréhensif, et qui sera
d'ailleurs très apprécié des enfants.

IILe nouveau rôle de l'école


dans la transmission du savoir
À partir du XIXe siècle, l'idée que l'école a un rôle
à jouer dans la transmission du savoir s'impose.
L'éducation n'est plus réservée à une minorité même
si elle n'est pas encore accessible à tous, il faut
attendre le XXe siècle pour cela. Cependant,
l'instruction devient la clé de la démocratie, puisque
l'éducation permet de former les citoyens. En
littérature, principalement au XXe siècle, on voit
apparaître des souvenirs d'écoliers dans les romans
ou dans les autobiographies : l'école a une place
primordiale.

A La formation du citoyen
Au XIXe siècle, l'éducation est au cœur de la société
et de la construction de la République. Il s'agit de
former les enfants à devenir de futurs citoyens libres
et égaux. C'est la raison pour laquelle l'éducation doit
être publique et dispensée à tous.

À partir de 1791, le Comité d'instruction publique de


l'Assemblée législative lance une vaste enquête sur
les établissements d'instruction publique. Les enjeux
de ce nouveau système scolaire sont de donner une
culture à tous les citoyens pour qu'une fois éclairés,
ils ne tombent pas sous le joug de tyrans.

« L'égalité d'instruction que l'on peut espérer


d'atteindre mais qui doit suhre, est celle qui
exclut toute dépendance, forcée ou volontaire.
Nous montrerons, dans l'état actuel des
connaissances humaines, les moyens faciles de
parvenir à ce but, même pour ceux qui ne
peuvent donner à l'étude qu'un petit nombre de
leurs premières années, et, dans le reste de leur
vie quelques heures de loisir. Nous ferons voir
que, par un choix heureux, et des connaissances
elles-mêmes, et des méthodes de les enseigner,
on peut instruire la masse entière d'un peuple de
tout ce que chacun a besoin de savoir pour
l'économie domestique, pour l'administration de
ses affaires, pour le libre développement de son
industrie et de ses facultés, pour connaître ses
droits, les défendre et les exercer ; pour être
instruit de ses devoirs, pour pouvoir les bien
remplir ; pour juger ses actions et celles des
autres d'après ses propres lumières, et n'être
étranger à aucun des sentiments élevés ou
délicats qui honorent la nature humaine ; pour ne
point dépendre aveuglément de ceux à qui il est
obligé de conLer le soin de ses affaires ou
l'exercice de ses droits, pour être en état de
choisir et de les surveiller ; pour n'être plus la
dupe de ces erreurs populaires qui tourmentent
la vie de craintes superstitieuses et d'espérances
chimériques ; pour se défendre contre les
préjugés avec les forces de sa raison ; enLn pour
échapper au prestige du charlatanisme, qui
tendrait des pièges à sa fortune, à sa santé, à la
liberté de ses opinions et de sa conscience, sous
prétexte de l'enrichir, de le guérir et de le sauver. »

Nicolas de Condorcet
Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain
-
1795

Selon Condorcet, tous les


hommes doivent être
éduqués, comme en
INTERPRÉTATION témoigne l'expression :
« l'égalité d'instruction ».
Cette éducation a de multiples objectifs
comme l'indique l'énumération dans la
longue phrase qui termine l'extrait. C'est
grâce à cela que l'homme pourra « échapper
au prestige du charlatanisme », métaphore
pour désigner les despotes.

Une loi promulguée le 28 mars 1882 par Jules Ferry,


ministre de l'Instruction publique, rend l'école primaire
obligatoire pour tous les enfants. L'école va permettre
de former les nouveaux citoyens, il faut leur inculquer
des nouvelles valeurs et une morale.

« La loi du 28 mars se caractérise par deux


dispositions qui se complètent sans se
contredire : d'une part, elle met en dehors du
programme obligatoire l'enseignement de tout
dogme particulier, d'autre part elle y place au
premier rang l'enseignement moral et civique.
L'instruction religieuse appartient aux familles et
à l'église, l'instruction morale à l'école. Le
législateur n'a donc pas entendu faire une œuvre
purement négative. Sans doute il a eu pour
premier objet de séparer l'école de l'église,
d'assurer la liberté de conscience et des maîtres
et des élèves, de distinguer enLn deux domaines
trop longtemps confondus, celui des croyances
qui sont personnelles, libres et variables, et celui
des connaissances qui sont communes et
indispensables à tous. Mais il y a autre chose
dans la loi du 28 mars : elle ahrme la volonté de
fonder chez nous une éducation nationale et de
la fonder sur des notions du devoir et du droit
que le législateur n'hésite pas à inscrire au
nombre des premières vérités que nul ne peut
ignorer. Pour cette partie capitale de l'éducation,
c'est sur vous, Monsieur, que les pouvoirs publics
ont compté. En vous dispensant de
l'enseignement religieux, on n'a pas songé à vous
décharger de l'enseignement moral : c'eût été
vous enlever ce qui fait la dignité de votre
profession. Au contraire, il a paru tout naturel que
l'instituteur, en même temps qu'il apprend aux
enfants à lire et à écrire, leur enseigne aussi ces
règles élémentaires de la vie morale qui ne sont
pas moins universellement acceptées que celles
du langage et du calcul. »

Jules Ferry
« Lettre aux instituteurs » -

Dans cet extrait, Jules


Ferry s'adresse à tous les
instituteurs pour leur
INTERPRÉTATION rappeler leur rôle auprès
des enfants, leur
enseigner les « règles élémentaires de la vie
morale ». Il construit sa lettre de manière
méthodique : « d'une part », « d'autre part »,
« Mais », « Au contraire ».

B Les souvenirs d'écoliers


On constate le nouveau rôle qu'a l'institution scolaire
dans les récits, où l'école occupe désormais une
place importante. L'autobiographie s'impose comme
moyen d'expression privilégié pour raconter
l'enfance et les souvenirs d'écoliers. Ces récits,
parfois romancés, permettent de comprendre les
nouveaux enjeux de l'institution scolaire à partir de la
in du XIXe siècle et au XXe siècle. Ils montrent
également qu'en pratique, l'éducation ne correspond
pas à l'idéal recherché.

Jules Vallès dépeint son enfance malheureuse et


partage la souffrance qui a été la sienne dans son
œuvre aux accents autobiographiques, L'Enfant. On y
trouve en effet plusieurs extraits qui se déroulent à
l'école.

« J'entre en quatrième. Professeur TurLn.


Il a été reçu le second à l'agrégation ; il est le
neveu d'un chef de division, il porte de grands
faux-cols, des redingotes longues, il a la lèvre
d'en bas grosse et humide, des yeux bleus de
faïence, des cheveux longs et plats.
Il a du mépris pour les pions, du mépris pour les
pauvres, maltraite les boursiers, et se moque des
mal vêtus.
Il fait rire les autres à mes dépens ; je crois qu'il
veut faire rire de ma mère aussi.
Je le hais…
[…]
Des lignes, des lignes ! — des arrêts et des
retenues, du cachot !
Je préfère le cachot à la retenue.
Je suis libre entre mes quatre murs, je sive, je
fais des boulettes, je dessine des bonshommes,
je joue aux billes tout seul.
Avec des morceaux de bois et des bouts de
Lcelle je monte des potences auxquelles je
pends TurLn, je me remets à la besogne vers le
soir et je fais mon pensum.
On me renvoie à neuf heures à la maison.
[…]
— Je suis si maladroit ! — C'est mon encrier que
je renverse, c'est mon porte-plume qui tombe,
mes papiers qui s'envolent, mon pupitre que je
démanche.
"Vingtras, cent lignes !"
Patatras ! mon paquet de livres qui dégringole et
fait un tapage d'enfer !
"Cent lignes de plus.
— M'sieu !
— Vous répliquez ? Cinq pages de grammaire
grecque."
Encore ! Toujours !
Ils veulent me faire mourir sous le pensum, ces
gens-là !
C'est à peine si je vois le soleil ! »

Jules Vallès
L'Enfant - 1869

On perçoit ici une vision


violente de l'éducation,
l'enfant est décrit comme
INTERPRÉTATION un prisonnier que l'on
maltraite moralement :
« cachot », « quatre murs ». Vallès met en
avant des sanctions démesurées : « cent
lignes », « Cent lignes de plus », « Cinq
pages de grammaire grecque ». Ces
sanctions sont disproportionnées et
punissent de simples maladresses
enfantines, comme l'indique l'énumération :
« C'est mon encrier que je renverse, c'est
mon porte-plume qui tombe, mes papiers
qui s'envolent, mon pupitre que je
démanche. ». En utilisant la forme du
dialogue et un langage familier (« M'sieu ! »,
« Patatras »), l'auteur rend son récit
authentique.

Jean-Paul Sartre, au XXe siècle, raconte lui aussi ses


souvenirs d'écolier dans son œuvre autobiographique
Les Mots. Inscrit dans une institution, l'auteur va
montrer que l'instruction reçue n'est pas la meilleure
possible.

« L'automne suivant, ma mère prit le parti de me


conduire à l'institution Poupon. Il fallait monter
un escalier de bois, pénétrer dans une salle du
premier étage ; les enfants se groupaient en
demi-cercle, silencieusement ; assises au fond
de la pièce, droites et le dos au mur, les mères
surveillaient le professeur. Le premier devoir des
pauvres Llles qui nous enseignaient, c'était de
répartir également les éloges et les bons points à
notre académie de prodiges. Si l'une d'elles avait
un mouvement d'impatience ou se montrait trop
satisfaite d'une bonne réponse, les demoiselles
Poupon perdaient des élèves, elle perdait sa
place. Nous étions bien trente académiciens qui
n'eûmes jamais le temps de nous adresser la
parole. À la sortie, chacune des mères s'emparait
farouchement du sien et l'emportait au galop,
sans saluer. Au bout d'un semestre, ma mère me
retira du cours : on n'y travaillait guère et puis elle
avait Lni par se lasser de sentir peser sur elle le
regard de ses voisines quand c'était mon tour
d'être félicité. Mlle Marie-Louise, une jeune Llle
blonde, avec un pince-nez, qui professait huit
heures par jour au cours Poupon pour un salaire
de famine, accepta de me donner des leçons
particulières à domicile, en se cachant des
directrices. Elle interrompait parfois les dictées
pour soulager son cœur de gros soupirs : elle me
disait qu'elle était lasse à mourir, qu'elle vivait
dans une solitude affreuse, qu'elle eût tout donné
pour avoir un mari, n'importe lequel. Elle Lnit, elle
aussi, par disparaître : on prétendait qu'elle ne
m'apprenait rien, mais je crois surtout que mon
grand-père la trouvait calamiteuse. »

Jean-Paul Sartre
Les Mots -

Dans cet extrait, le


narrateur donne une
image particulière de
INTERPRÉTATION l'institution Poupon. On
remarque que l'éducation
n'est pas la même pour tous. En effet, alors
que certains vont à l'école publique, d'autres
vont dans cette « académie de prodiges ».
On constate la pression sur la haute société
qui mise désormais tout sur l'éducation :
« les éloges et les bons points », « sentir
peser sur elle le regard de ses voisines
quand c'était mon tour d'être félicité ».

III L'éducation : un moyen vers


l'émancipation
Aux XIXe et XXe siècles, l'éducation est perçue
comme un moyen vers l'émancipation. Elle permet à
l'homme de se libérer, de sortir de sa condition
sociale. Elle permet plus particulièrement aux
femmes de s'émanciper des hommes.

A L'éducation pour libérer l'homme


Dès le XVIIIe siècle, Diderot écrit dans l'Encyclopédie
qu'aucun homme n'a reçu de la nature le droit de
commander aux autres. L'éducation est perçue
comme un moyen pour retrouver sa liberté. Grâce à
l'éducation, l'homme peut remettre en cause toute
autorité qui serait illégitime.

DÉFINITION

Émancipation
D'un point de vue étymologique l'émancipation, du
verbe latin emancipare, désigne le fait d'affranchir un
esclave, de lui rendre sa liberté. Plus tard, il s'agit
d'une action juridique qui soustrait un mineur à la
tutelle parentale. Quoi qu'il en soit, l'émancipation est
l'action d'affranchir une personne d'une forme
d'autorité à laquelle elle est soumise.

Selon Rousseau, l'homme naît libre et doit tout faire


pour le rester. Cette acquisition de liberté permet à
chacun d'atteindre le bonheur et de devenir plus
heureux. L'homme s'émancipe petit à petit des jougs
de la société et retrouve sa liberté naturelle et son
autonomie grâce à l'éducation qui lui est dispensée.
Cette éducation doit lui apprendre à penser par lui-
même. Dans Du contrat social, Rousseau met en
avant l'idée selon laquelle l'homme naît libre mais
peut perdre, petit à petit, cette liberté naturelle à
cause du despotisme.

DÉFINITION

Despotisme
Le despotisme est le pouvoir autoritaire et absolu
qu'un individu ou un groupe d'individus peut exercer
sur la société.

« L'homme est né libre, et partout il est dans les


fers. Tel se croit le maître des autres, qui ne
laisse pas d'être plus esclave qu'eux. Comment
ce changement s'est-il fait ? Je l'ignore. Qu'est-ce
qui peut le rendre légitime ? Je crois pouvoir
résoudre cette question. Si je ne considérais que
la force, et l'effet qui en dérive, je dirais : tant
qu'un peuple est contraint d'obéir et qu'il obéit, il
fait bien ; sitôt qu'il peut secouer le joug et qu'il le
secoue, il fait encore mieux ; car, recouvrant sa
liberté par le même droit qui la lui a ravie, ou il est
fondé à la reprendre, ou l'on ne l'était point à la lui
ôter. »

Jean-Jacques Rousseau
Du contrat social - 1762

Rousseau utilise des


questions rhétoriques qui
soulignent que la liberté
INTERPRÉTATION est un droit humain
naturel que l'homme a
perdu. Il est de son devoir de le retrouver en
refusant le despotisme ou toute forme de
tyrannie.

Certains penseurs estiment


que l'instruction publique, au
lieu d'aider à l'émancipation et
REMARQUE à l'acquisition de la liberté,
uniformise et entraîne ainsi de
nouvelles formes de despotisme.

« L'éducation, aussi bien que la charité, est


devenue, chez la plupart des peuples de nos
jours, une affaire nationale. L'État reçoit et
souvent prend l'enfant des bras de sa mère pour
le conLer à ses agents ; c'est lui qui se charge
d'inspirer à chaque génération des sentiments, et
de lui fournir des idées. L'uniformité règne dans
les études comme dans tout le reste ; la diversité,
comme la liberté en disparaissent chaque jour. »

Alexis de Tocqueville
De la démocratie en Amérique - 1835-1840

B L'émancipation sociale
De nombreux écrivains et philosophes pensent que
l'éducation peut permettre de se soustraire à sa
condition sociale. Ils s'intéressent à l'importance du
développement de la culture dans l'éducation, ce qui
permet l'émancipation sociale.

Les romanciers du XIXe siècle, réalistes, naturalistes


ou romantiques, imaginent des héros de basse classe
sociale qui parviennent à grimper les échelons de la
société française grâce à l'éducation. C'est
notamment le cas de Julien Sorel dans Le Rouge et le
Noir.

« — Je suis ici, messieurs, leur dit-il en Lnissant


son allocution, pour vous apprendre le latin. Vous
savez ce que c'est que de réciter une leçon. Voici
la sainte Bible, dit-il en leur montrant un petit
volume in-32, relié en noir. C'est particulièrement
l'histoire de Notre-Seigneur Jésus-Christ, c'est la
partie qu'on appelle le Nouveau Testament. Je
vous ferai souvent réciter des leçons, faites-moi
réciter la mienne. Adolphe, l'aîné des enfants,
avait pris le livre.
— Ouvrez-le au hasard, continua Julien, et dites-
moi le premier mot d'un alinéa. Je réciterai par
cœur le livre sacré, règle de notre conduite à
tous, jusqu'à ce que vous m'arrêtiez.
Adolphe ouvrit le livre, lut un mot, et Julien récita
toute la page, avec la même facilité que s'il eût
parlé français. M. de Rênal regardait sa femme
d'un air de triomphe. Les enfants voyant
l'étonnement de leurs parents, ouvraient de
grands yeux. Un domestique vint à la porte du
salon, Julien continua de parler latin. Le
domestique resta d'abord immobile, et ensuite
disparut. Bientôt la femme de chambre de
madame, et la cuisinière, arrivèrent près de la
porte ; alors Adolphe avait déjà ouvert le livre en
huit endroits, et Julien récitait toujours avec la
même facilité.
— Ah mon Dieu ! le joli petit prêtre, dit tout haut la
cuisinière, bonne Llle fort dévote.
L'amour propre de M. de Rênal était inquiet ; loin
de songer à examiner le précepteur, il était tout
occupé à chercher dans sa mémoire quelques
mots latins ; enLn, il put dire un vers d'Horace. »

Stendhal
Le Rouge et le Noir - 1830

Julien Sorel, simple Lls de


charpentier, devient le
précepteur des enfants du
INTERPRÉTATION maire de Verrière. Pour ce
jeune garçon, il s'agit d'une
véritable ascension sociale. Julien suscite
l'admiration des enfants, mais également de
leur père, jaloux, qui tente de l'égaler
intellectuellement. Julien connaît le latin à
la perfection, comme le souligne le
narrateur à deux reprises : « Julien récita
toute la page, avec la même facilité que s'il
eût parlé français, Julien récitait toujours
avec la même facilité ». En utilisant une
personniLcation, Stendhal montre
l'inquiétude de Monsieur de Rênal, à l'idée
qu'un garçon de basse classe sociale
puisse le dépasser : « L'amour propre de M.
de Rênal était inquiet ».

Au XXe siècle, la philosophe Hannah Arendt


s'intéresse à l'éducation dans le chapitre intitulé « La
crise de l'éducation » de son ouvrage La Crise de la
culture. Elle met en avant l'idée selon laquelle
l'éducation doit se montrer conservatrice pour être
révolutionnaire et atteindre une forme d'émancipation
par rapport au passé.

« Au fond, on n'éduque jamais que pour un


monde déjà hors de ses gonds ou sur le point
d'en sortir, car c'est là le propre de la condition
humaine que le monde soit créé par des mortels
aLn de leur servir de demeure pour un temps
limité. Parce que le monde est fait par des
mortels, il s'use et parce que ses habitants
changent continuellement, il court le risque de
devenir mortel comme eux. Pour préserver le
monde de la mortalité de ses créateurs et de ses
habitants, il faut constamment le remettre en
place. Le problème est tout simplement
d'éduquer de façon telle qu'une remise en place
demeure effectivement possible, même si elle ne
peut jamais être déLnitivement assurée. Notre
espoir réside toujours dans l'élément de
nouveauté que chaque génération apporte avec
elle ; mais c'est précisément parce que nous ne
pouvons placer notre espoir qu'en lui que nous
détruisons tout si nous essayons de canaliser cet
élément nouveau pour que nous, les anciens,
puissions décider de ce qu'il sera. C'est
justement pour préserver ce qui est neuf et
révolutionnaire dans chaque enfant que
l'éducation doit être conservatrice ; elle doit
protéger cette nouveauté et l'introduire comme
un ferment nouveau dans un monde déjà vieux
qui, si révolutionnaires que puissent être ses
actes, est, du point de vue de la génération
suivante, suranné et proche de la ruine. »

Hannah Arendt
« La crise de l'éducation », La Crise de la culture - 1961

Selon Hannah Arendt, il


faut dépasser les
enseignements des
INTERPRÉTATION générations précédentes
qui ne conviendraient pas
à la société actuelle. Toutefois, il faut
continuer d'enseigner les anciens principes
pour permettre aux nouveaux d'émerger :
« C'est justement pour préserver ce qui est
neuf et révolutionnaire dans chaque enfant
que l'éducation doit être conservatrice ».
Ainsi, pour la philosophe, il faut s'émanciper
des anciennes générations pour acquérir
une nouvelle forme de liberté, mais en ayant
la connaissance de celles du passé.

Selon Durkheim, l'éducation est primordiale pour la


société car elle transforme un être asocial en être
social, dans la mesure où elle permet à l'homme de
rompre avec la nature et ses instincts. L'éducation
l'aide en lui faisant percevoir des choses auxquelles il
n'aurait pas eu accès seul.

« L'enfant, en entrant dans la vie, n'y apporte que


sa nature d'individu. La société se trouve donc, à
chaque génération nouvelle, en présence d'une
table presque rase sur laquelle il lui faut
construire à nouveaux frais. Il faut que, par les
voies les plus rapides, à l'être égoïste et asocial
qui vient de naître, elle en surajoute un autre,
capable de mener une vie morale et sociale.
Voilà quelle est l'œuvre de l'éducation, et l'on en
aperçoit toute la grandeur. Elle ne se borne pas à
développer l'organisme individuel dans le sens
marqué par sa nature, à rendre apparentes des
puissances cachées qui ne demandaient qu'à se
révéler. Elle crée dans l'homme un être
nouveau. »

Émile Durkheim
Éducation et sociologie - 1922

L'éducation est à
considérer au même titre
que la socialisation, l'un
INTERPRÉTATION n'allant pas sans l'autre.
L'enfant est un être neuf,
brut, qu'il faut façonner comme le montre la
métaphore qui compare l'enfant à une table
rase : « en présence d'une table presque
rase sur laquelle il lui faut construire à
nouveaux frais ». C'est l'éducation et les
éducateurs qui doivent alors, comme des
sculpteurs, créer un être social et nouveau :
« Elle crée dans l'homme un être nouveau. »

C L'émancipation des femmes


Un grand combat ébranle l'éducation depuis le
XVIIIe siècle : celui de l'éducation des femmes. Ce
débat est particulièrement important dans la
République, au nom de la démocratie et de la
défense des libertés.

En 1687, Fénelon écrit un ouvrage défendant


l'éducation des femmes, tout comme Condorcet et
Olympe de Gouges. La société a conditionné la
femme depuis l'enfance à se préparer à être une
épouse Ldèle et une mère aimante. Au XIXe siècle et
au XXe siècle, grâce à l'éducation, les femmes
s'émancipent davantage et réclament l'égalité.

Au XXe siècle, on découvre l'œuvre révolutionnaire de


Simone de Beauvoir, Le Deuxième Sexe, dans laquelle
elle montre que l'inégalité qui existe entre les
hommes et les femmes est historiquement et
idéologiquement construite. C'est ainsi que
l'éducation tient un rôle primordial, car elle doit aider
les femmes à acquérir leur liberté et à devenir les
égales des hommes.

« L'immense chance du garçon, c'est que sa


manière d'exister pour autrui l'encourage à se
poser pour soi. Il fait l'apprentissage de son
existence comme libre mouvement vers le
monde ; il rivalise de dureté et d'indépendance
avec les autres garçons, il méprise les Llles.
Grimpant aux arbres, se battant avec des
camarades, les affrontant dans des jeux violents,
il saisit son corps comme un moyen de dominer
la nature et un instrument de combat ; il
s'enorgueillit de ses muscles comme de son
sexe ; à travers jeux, sports, luttes, déLs,
épreuves, il trouve un emploi équilibré de ses
forces ; en même temps, il connaît les leçons
sévères de la violence ; il apprend à encaisser les
coups, à mépriser la douleur, à refuser les larmes
du premier âge, Il entreprend, il invente, il ose.
Certes, il s'éprouve aussi comme « pour autrui »,
il met en question sa virilité et il s'ensuit par
rapport aux adultes et aux camarades bien des
problèmes. Mais ce qui est très important, c'est
qu'il n'y a pas d'opposition fondamentale entre le
souci de cette Lgure objective qui est sienne et
sa volonté de s'ahrmer dans des projets
concrets. C'est en faisant qu'il se fait être, d'un
seul mouvement. Au contraire, chez la femme il y
a, au départ, un concit entre son existence
autonome et son « être autre » ; on lui apprend
que pour plaire il faut chercher à plaire, il faut se
faire objet ; elle doit donc renoncer à son
autonomie. On la traite comme une poupée
vivante et on lui refuse la liberté ; ainsi se noue
un cercle vicieux ; car moins elle exercera sa
liberté pour comprendre, saisir et découvrir le
monde qui l'entoure, moins elle trouvera en lui de
ressources, moins elle osera s'ahrmer comme
sujet ; si on l'y encourageait, elle pourrait
manifester la même exubérance vivante, la
même curiosité, le même esprit d'initiative, la
même hardiesse qu'un garçon, C'est ce qui arrive
parfois quand on lui donne une formation virile ;
beaucoup de problèmes lui sont alors épargnés.
Il est intéressant de noter que c'est là le genre
d'éducation qu'un père dispense volontiers à sa
Llle ; les femmes élevées par un homme
échappent en grande partie aux tares de la
féminité. Mais les mœurs s'opposent à ce qu'on
traite les Llles tout à fait comme des garçons. »

Simone de Beauvoir
Le Deuxième sexe - 1949

Dans cet extrait, Simone


de Beauvoir met en
évidence une nette
INTERPRÉTATION opposition entre les
garçons et les Llles :
« L'immense chance du garçon », « Au
contraire, chez la femme il y a, au départ, un
concit ». Elle dénonce un grand déséquilibre
entre les deux sexes, avec les termes
antithétiques « chance » et « concit ». Le
pronom « on » est répété, il a une valeur
universelle : Simone de Beauvoir se fait la
porte-parole de toutes les femmes qui
semblent condamnées à subir ce « cercle
vicieux » de l'éducation (« Mais les mœurs
s'opposent à ce qu'on traite les Llles tout à
fait comme des garçons »), sauf quelques
femmes « élevées par un homme ».

À la Ln du XXe siècle, Elena Gianini Belotti publie un


essai sociologique, Du côté des petites Llles, dans
lequel elle met en avant les formes de stéréotypes qui
persistent quant à l'éducation des Llles et des
garçons.

« Le Petit Chaperon rouge est l'histoire d'une


Lllette à la limite de la débilité mentale, qui est
envoyée par une mère irresponsable à travers
des bois profonds infestés de loups, pour
apporter à sa grand-mère malade de petits
paniers bourrés de galettes. Avec de telles
déterminations, sa Ln ne surprend guère. Mais
tant d'étourderie, qu'on n'aurait jamais pu
attribuer à un garçon, repose entièrement sur la
certitude qu'il y a toujours à l'endroit et au
moment voulus un chasseur courageux et
ehcace prêt à sauver du loup la grand-mère et la
petite Llle.
Blanche-Neige est une autre petite oie blanche
qui accepte la première pomme venue, alors
qu'on l'avait sévèrement mise en garde de ne se
Ler à personne. Lorsque les sept nains acceptent
de lui donner l'hospitalité, les rôles se remettent
en place : eux iront travailler, et elle tiendra pour
eux la maison, reprisera, balaiera, cuisinera en
attendant leur retour. Elle aussi vit comme
l'autruche, la tête dans le sable, la seule qualité
qu'on lui reconnaisse est la beauté, mais puisque
ce caractère est un don de la nature, et non un
effet de la volonté individuelle, il ne lui fait
nullement honneur. Elle réussit toujours à se
mettre dans des situations impossibles, et pour
l'en tirer, comme toujours, il faut l'intervention
d'un homme, le prince charmant, qui l'épousera
fatalement.
Cendrillon est le prototype des vertus
domestiques, de l'humilité, de la patience, de la
servilité, du sous-développement de la
conscience, elle n'est pas très différente des
types féminins décrits dans les livres de lecture
aujourd'hui en usage dans les classes primaires
et dans la littérature enfantine en général. Elle
non plus ne bouge pas le petit doigt pour sortir
d'une situation intolérable, elle ravale les
humiliations et les vexations, elle est sans dignité
ni courage. Elle aussi accepte que ce soit un
homme qui la sauve, c'est son unique recours,
mais rien ne dit que ce dernier la traitera mieux
qu'elle ne l'était jusqu'alors.
Pour autant qu'on prenne la peine de le chercher,
il n'existe pas de personnage féminin intelligent,
courageux, actif et loyal. Même les bonnes fées
n'ont pas recours à leurs ressources
personnelles, mais à un pouvoir magique qui leur
a été conféré et qui est positif sans raison
logique, de même qu'il est malfaisant chez les
sorcières. »

Elena Gianini Belotti


Du côté des petites illes - 1973

Dans cet extrait, Elena


Gianini Belotti souligne
qu'il y a une forme de
INTERPRÉTATION violence faite aux Llles,
dès le premier moment de
l'éducation. La société façonne les Llles
comme elle le désire en leur assignant des
rôles bien précis. Ainsi, Elena Gianini Belotti
remarque que dans les contes de fées de
Perrault et de Grimm qu'on lit aux enfants
pour les éduquer, les femmes sont souvent
mauvaises, les qualités qu'on leur accorde
parfois ne dépendent pas d'elles et les
héroïnes n'ont bien souvent qu'un rôle de
domestique attendant le prince charmant.

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