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FACULTE DES LETTRES ET DES
SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES
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DEPARTEMENT DE PHILOSOPHIE
Mémoire de Maîtrise
Présenté par: FAKIHIDDINE Oussene
Sous la direction du Docteur RAZAFINDRAKOTO Pierre.
Maître de Conférences à l’Université de Toliara.
22 Septembre 2011
2
INTRODUCTION
Depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours, nombreux sont les philosophes qui ont écrit
des ouvrages philosophiques sur l’éducation. En effet, l’éducation constitue l’objet
fondateur de la réflexion de ces philosophes dont le souci majeur est de former, par la
médiation de l’éducation, des élites ou des hommes complets capables de mener une
vie digne au sein de la cité. C’est dans cette perspective que se situe La République
de Platon qui contient déjà une philosophie de la connaissance liée à celle de
l’éducation. Pour Rousseau, La République de Platon est l’œuvre par excellence sur
l’éducation, plutôt que d’être une oeuvre sur la politique.
Sur le plan matrimonial, le jeune Jean-Jacques fut [un] père des cinq enfants
qu’il eut avec sa femme Thérèse Levasseur. A défaut de moyens pour mieux prendre
en charge ses enfants, et malgré son souci de la vocation éducative, Rousseau a
abandonné ces derniers, et tous furent mis aux Enfants-Trouvés. Une telle attitude a
1
Jean-Jacques Rousseau, Emile ou l’Education, Editions Garnier-Flammarion, Paris, 1966, p. 5
3
provoqué une foule de questionnements sur la prise aux sérieux de son ouvrage
l’Emile.
PREMIÈRE PARTIE
Ce texte atteste le rôle primordial que joue la mère dans l’éducation de l’enfant.
En ce sens, la signification susmentionnée du verbe materner ne laisse pas
méconnaître la place de la mère dans le processus éducatif de l’enfant. Si l’accent est
mis sur la maternité, c’est parce que la mère est l’individu qui porte l’enfant durant
toute sa grossesse. Il sera aussi de sa responsabilité de veiller pour une grande partie
aux soins de l’enfant jusqu’à sa maturité. De cette primauté accordée à la mère,
Rousseau dit :
« C’est à toi que je m’adresse, tendre et prévoyante mère, qui sus t’écarter
de la grande route et garantir l’arbrisseau naissant du choc des opinions
humaines ! Cultive, arrose le jeune plante avant qu’elle meure : ses fruits
feront un jour tes délices. Forme de bonheur une enceinte autour de l’âme
2
Jean-Jacques Rousseau, Emile ou de l’Education, Editions Garnier-Flammarion, Paris, 1966, p. 587
7
de ton enfant ; un autre en peut marquer le circuit, mais toi seule y doit
poser la barrière. »3
« Ceux qui ont mécru n’ont-ils pas vu que les cieux et la terre formaient une
masse compacte ? Ensuite nous les avons séparés et fait de l’eau toute
chose vivante. »4
Il convient de noter que ce premier stade de l’éducation ne vise rien d’autre que
l’édification du corps de l’enfant. Par nature, l’épanouissement du corps du nouveau-
né passe par la consommation de lait maternel. Le lait qui vient des seins de la mère
est le meilleur aliment pour le bien-être de l’enfant qui vient de naître. Il ne faut pas
méconnaître le concept de ″nature″ dans la philosophie de Rousseau. Par ce concept,
l’auteur reconnaît que le lait maternel est naturellement la production directe de la
mère. L’enfant est conçu par le père et la mère, mais la mère seule pouvant donner le
lait, elle devient le parent dont l’acte de nourrir le bébé est vital.
3
Jean-Jacques Rousseau, Emile ou de l’Education, Editions Garnier-Flammarion, Paris, 1966, pp. 35-36
4
Saint Coran, chapitre 21, verset 30
8
premier précepteur est notre nourrice. Aussi ce mot éducation avait-il chez
les anciens un autre sens que nous ne lui donnons plus : il signifiait
nourriture. »5
Il a été admis par les anciens qu’éducation et nourriture sont deux concepts de
même signification. La nourriture fait donc partie intégrante de la condition humaine,
plus particulièrement pour le développement de la corporéité humaine. A ce devoir
maternel d’allaiter le nouveau-né, s’ajoute un autre travail, celui qui consiste à faire du
nouveau-né ou de l’enfant un être naturel capable de s’adapter aux divers climats qui
peuvent se présenter. A ce propos, Rousseau écrit :
« On ne songe qu’à conserver son enfant ; ce n’est pas assez ; on doit lui
apprendre à se conserver étant homme à supporter les coups du sort, à
braver l’opulence et la misère, à vivre s’il le faut, dans les glaces d’Islande
ou sur le brulant rocher de Malte. »6
5
Jean-Jacques Rousseau, Emile ou de l’Education, Editions Garnier-Flammarion, Paris, 1966, p. 42
6
Jean-Jacques Rousseau, Emile ou de l’Education, Editions Garnier-Flammarion, Paris, 1966, pp. 42-43
9
7
H. BENAC, Guide pour la recherche des idées dans les dissertations et les études littéraires, Editions Librairie
Hachette, 1961, p. 233
8
H. BENAC, Guide pour la recherche des idées dans les dissertations et les études littéraires, Editions Librairie
Hachette, 1961, p. 234
9
Cité dans Sociologie politique du sport, de Jean-Marie Brohm, Editions Presses Universitaires de Nancy, 1992,
p. 29
10
Cette imperfection s’explique par le fait que le nouveau-né ou l’enfant est doté
d’une fragilité laquelle doit être évacuée par la nourrice ou même le précepteur. Il
incombe donc à celui qui veille aux soins de l’enfant de lui procurer tout au long de sa
croissance une capacité d’endurcissement qui est nécessaire pour sa robustesse.
C’est la raison pour laquelle Rousseau écrit :
10
Gaston Mialaret, l’Education approches philosophiques, publié sous la direction de Pierre Kahn, André
Ouzoulias et Patrick Thierry, PUF, France, 1990, p. 248
11
Jean-Jacques Rousseau, Emile ou de l’Education, Editions Garnier-Flammarion, Paris, 1966, pp. 49-50
11
A cette adaptation aux intempéries, s’ajoute une autre qui est l’accommodation
à la famine, à la soif ou même à la fatigue. En tant que partie de la nature vivante,
sujette à l’imperfection, le corps humain est soumis à ces fatalités. Si Rousseau parle
d’exercice (« Exercez-les ! »), c’est parce qu’on ne peut pas résister à ces fléaux sans
exercice préalable. Ainsi, l’endurcissement et l’adaptation deviennent des nécessités
sans lesquelles la vie humaine risque d’être mise en danger.
« Les membres d’un corps qui croît doivent être tous au large dans leur
vêtement ; rien ne doit gêner leur mouvement ni leur accroissement, rien
de trop juste, rien qui colle au corps, point de ligatures. L’habillement
français, gênant et malsain pour les hommes, est pernicieux, surtout aux
enfants. Les humeurs, stagnantes, arrêtées dans leur circulation,
croupissent dans un repos qu’augmente la vie inactive et sédentaire, se
corrompent et cause le scorbut. »12
12
Jean-Jacques Rousseau, Emile ou de l’Education, Editions Garnier-Flammarion, Paris, 1966, pp. 158-159
12
13
LAGARDE & MICHARD, Collection Littéraire, Editions Bordas, 1970, p. 296
14
Gaston Mialaret, l’Education approches philosophiques, publié sous la direction de Pierre Kahn, André
Ouzoulias et Patrick Thierry, PUF, France, 1990, p. 184
13
que formation qui s’opère de l’enfance jusqu’à la maturité est une succession
d’enseignements d’un certain âge à un autre. Dans l’intervalle qui est compris entre la
naissance et l’âge de cinq ans, la base de l’éducation est d’abord de viser à
l’épanouissement physique de l’enfant. Ceci s’explique avant tout par cette liberté
corporelle, c’est-à-dire la liberté pour l’enfant de se mouvoir.
En fait, l’éducation physique n’est pas une invention de Rousseau : c’est aussi
au fondement d’un système éducatif aussi vieux que le monde.
Dire que l’éducation est aussi vieille que le monde, c’est affirmer qu’elle est un
phénomène naturel. Par son caractère naturel, le corps humain est doté de la
capacité de se mouvoir. L’ensemble de tous les mouvements du corps sont à la base
de l’exécution de toute une série de mouvements mettant en jeu un certain nombre
d’articulations. C’est dans et par le libre jeu de ces articulations que se réalise la
liberté corporelle. Le respect d’une telle liberté chez le nouveau-né est un droit pour
ce qui concerne l’éducation de l’enfant. Faisant allusion à cette liberté octroyée par la
nature, Rousseau écrit :
15
Jean-Marie Brohm, Sociologie politique du sport, Edition Presse universitaire de Nancy, 1992, p. 79
14
« vivre, ce n’est pas respirer, c’est agir ; c’est faire usage de nos organes,
de nos sens, de nos facultés, de toutes les parties de nous-mêmes, qui
nous donnent le sentiment de notre existence. »17
16
Jean-Jacques Rousseau, Emile ou de l’Education, Editions Garnier-Flammarion, Paris, 1966, p. 101
17
Jean-Jacques Rousseau, Emile ou de l’Education, Editions Garnier-Flammarion, Paris, 1966, p. 43
15
Il est admis que toute éducation est une formation conduite de telle sorte que
l’éduqué devienne autre. Devenir autre signifie nier l’enfance par la voie éducative
pour devenir adulte. D’une manière plus précise, elle est un processus au cours
duquel toutes les facultés physiques et intellectuelles des nouveau-nés et des enfants
se développent. Tel est le dessein de l’éducation en général.
La sensibilité est une faculté commune à toute être humain vivant. Elle est faite
pour la réception des impressions. La sensibilité est l’« aptitude d’un organisme à réagir
à des excitations externes ou internes. »18 Dans cette analyse, la terminologie
rousseauiste de l’éducation ne laisse pas inaperçue la corrélation entre éducation et
sensibilité corporelle. Cette corrélation implique que toute éducation sans
développement d’une telle faculté est vouée à l’échec. L’échec s’explique s’il y a
atrophie d’une des facultés fondamentales constituant la personnalité humaine. Or,
l’éducation ne peut se comprendre qu’à partir du moment où elle forme le tout de
l’homme et non une partie.
« S’il tombe, s’il se fait une bosse à la tête, s’il saigne du nez, s’il se coupe
les doigts, au lieu de m’empresser autour de lui d’un air alarmé, je resterai
tranquille, au moins pour un peu de temps. Le mal est fait, c’est une
nécessité qu’il l’endure ; tout mon empressement ne servirait qu’à l’effrayer
davantage et augmenter sa sensibilité. »19
18
LAROUSSE, Dictionnaire de français, Editions Printed in France, en 2008
19
Jean-Jacques. Rousseau, Emile ou de l’Education, Editions Garnier-Flammarion, Paris, 1966, p. 89
16
souffrance que l’homme parvient à sa dignité. La souffrance est décrite comme une
nécessité. A la différence d’autres nécessités vitales (nécessités de travailler, de se
reposer, de manger, voire de faire l’amour), la souffrance se présente comme un cas
particulier. Savoir résister à la souffrance appelle l’endurance. En d’autres termes, la
sensibilité est quelque part inséparable de la notion d’affectivité. L’affectivité embrasse
tous les phénomènes ayant trait à la sentimentalité et à l’émotivité. Cette émotivité
n’est rien d’autre que la « tendance à éprouver certaines émotions : […] peur, phobie, trac,
crainte, inquiétude, anxiété, angoisse, épouvante, effroi, terreur. »20 Si Rousseau préconise
une éducation basée sur la sensibilité corporelle, c’est parce que la série d’émotions
précitée affecte le plus souvent le non initié à certains phénomènes depuis son
enfance.
Il faut noter cependant que toute émotion n’est pas forcément source de
douleur, car elle peut également être source de plaisir. Cependant, l’éducation de
Rousseau met l’accent sur les émotions qui sont sources de douleur. C’est pourquoi
une pédagogie de dépassement a vu le jour sous la plume de Rousseau. Elle est une
manière de chercher à soustraire l’enfant à des émotions qui peuvent produire en lui
une terreur durable. L’idée qu’on peut extraire à partir de cette éducation en rapport
avec la sensibilité est l’ouverture de l’enfant à des horizons dans son avenir. L’avenir
de l’enfant doit être de s’habituer à une multiplicité de tâches. Sur ce point, l’enfant est
appelé à se familiariser avec les animaux. En ce sens, l’environnement de la
campagne demeure une opportunité pour la formation des caractères de l’enfant,
selon notre auteur. Ainsi, l’auteur de l’Emile fait remarquer la différence entre des
enfants qui vivent en ville et ceux qui vivent en milieux ruraux :
« Les enfants élevés dans des maisons propres, où l’on ne souffre point
d’araignées, ont peur des araignées et cette peur leur demeure souvent
étant grand. »21
20
H. BENAC, Guide pour la recherche des idées dans les dissertations et les études littéraires, Editions Librairie
Hachette, 1961, p. 310
21 ère
Jean-Jacques Rousseau, Emile, extraits I Edition Librairie Larousse, Paris VI, 1938, p. 24
17
Toute éducation suppose une acquisition de savoir. Le savoir est une totalité de
la production humaine. Mais à la base de cette production se trouve le savoir à finalité
pratique. Autrement dit, le savoir ne va pas de soi, il s’acquiert avec le concours des
organes de sens. Ainsi, l’éducation s’apparente à la science expérimentale qui
demande une bonne activité des organes sensoriels. Les phénomènes sensoriels
constituent d’abord une priorité pour le développement physique de l’enfant. Si l’usage
des organes de sens relève des phénomènes naturels, pour Rousseau, un long
processus d’apprentissage doit être déployé pour donner aux enfants la capacité de
discernement pour le bon usage de ces organes.
22 ère
Jean-Jacques Rousseau, Emile, extraits I édition Librairie Larousse, Paris VI, 1938, p. 25
23 e
Jean-Jacques Rousseau, Lettre a Christophe de Beaumont, cité dans Le XVIII siècle en littérature par Xavier
Darcos Bernard Tartayre, dans la Collection Perspective et confrontations, Editions Hachette, 1986, p. 249
18
ce qui est pur pour le Genevois, c’est la nature non souillée par les apports de la
civilisation.
En ce sens, éduquer, former, forger les organes de sens, c’est leur offrir la
capacité de discerner par le toucher le dur et le mou, le chaud et le froid, le tranchant
et le moussé, le lourd et le léger, le sec et l’humide. Concernant l’odorat, l’élève de
Rousseau doit être à même de distinguer le parfumé et le nauséabond. Le son aigu et
grave, le son harmonieux et cacophonique, le son frêle et tonitruant doivent être
discriminés par l’action de l’organe de l’ouïe.
Il faut un savoir pour exercer un tel travail et ce savoir ne peut s’acquérir que
par ces outils que sont les organes de sens, qualifiés chacun d’″instrument propre à
l’acquérir″ par Rousseau. De ce qui précède, il résulte que l’exercice de la réflexion
est à la base de l’exploitation de ces sens. C’est pourquoi l’éducation des enfants, dès
la naissance jusqu’à l’âge de douze ans, doit viser particulièrement au développement
des sens, même si la réflexion, au sens philosophique du terme, n’est pas un acte
possible pour les enfants de moins de douze ans, selon l’auteur de l’Emile. Rousseau
dit ceci dans cet ouvrage :
« Pour exercer un art, il faut commencer par s’en procurer les instruments,
et, pour pouvoir employer utilement ces instruments, il faut les faire assez
solides pour résister à leur usage. Pour apprendre à penser, il faut donc
exercer nos membres, nos sens, nos organes, qui sont les instruments de
notre intelligence ; et pour tirer tout le parti possible de ces instruments, il
faut que le corps, qui les fournit, soit robuste et sain. »24
24
Jean-Jacques. Rousseau, Emile ou de l’Education, Editions Garnier-Flammarion, Paris, 1966, p. 157
19
Nous avons signalé que les sens sont à la base de toutes connaissances. Or,
les sensations en tant que telles ne constituent pas des connaissances. Pour élucider
l’usage de ce ″sixième sens″, il faut revenir à la notion de perception. La perception
est la capacité de discerner selon les informations fournies par les organes sensoriels,
25
Jean-Jacques Rousseau, Emile ou de l’Education, Editions Garnier-Flammarion, Paris, 1966, p. 167
26
Jean-Jacques Rousseau, Emile ou de l’Education, Editions Garnier-Flammarion, Paris, 1966, p. 167
27
Jean-Jacques Rousseau, Emile ou de l’Education, Editions Garnier-Flammarion, Paris, 1966, p. 202
20
elle est parfois sélective, mais elle ne perçoit que ce qui est perceptible. En d’autres
termes, la perception joue un rôle médiateur sur l’environnement dans lequel nous
baignons. Nombreux sont les facteurs éducatifs qui concourent à l’épanouissement
corporel de l’enfant. Parmi ces facteurs, il y a la sensibilité et la dimension sensorielle
qui sont pour l’auteur de l’Emile des facteurs-clefs pour le bien-être de l’enfant. En ce
sens, il faut noter qu’Emile n’a pas stagné dans les bas âges, il progresse vers sa
maturité physique. Vers l’âge de onze ans, Emile va être nourri d’une éducation autre
que celle qu’il a reçue auparavant ; cette nouvelle formation est purement physique,
d’où la réintégration des activités sportives qui vont constituer la phase finale du
développement corporel d’Emile.
28
Cité dans Sociologie politique du sport, de Jean-Marie Brohm, Editions Presses universitaires de Nancy, 1992,
p. 107
21
chose qui ne peut pas en être séparée. Par exemple, le concept de père est
inséparable de celui de fils ou filles. De la même manière, l’élève de Rousseau ne
peut pas ne pas se nourrir d’une éducation physique car il est destiné à devenir un
être sain de corps, capable d’affronter tous les aléas de la vie. C’est à la base même
de la liberté, c’est-à-dire le pouvoir d’affronter et d’apporter une solution à tous les
problèmes qui peuvent surgir, soit dans le milieu terrestre, aquatique ou milieu aérien.
En cas d’accident qui survient dans un milieu aquatique, Emile est censé être capable
de nager sur une certaine distance pour se sauver de la noyade. Rousseau veut
montrer qu’idéalement Emile devrait même pouvoir voler en l’air bien qu’il soit
dépourvu d’ailes. Faisant allusion à cela, Rousseau écrit ainsi dans son ouvrage,
Emile ou de l’éducation :
29
Jean-Jacques Rousseau, Emile ou de l’Education, Editions Garnier-Flammarion, Paris, 1966, p. 166
22
de l’organisme humain. Elle est pour ainsi dire un exercice au cours duquel l’enfant
acquiert son équilibre dans l’eau. L’emploi de la locution ″comme ″ renvoie à l’idée
selon laquelle Emile doit, par le processus éducatif, s’adapter à tous les milieux tant
terrestre qu’aquatique. L’apprentissage de la natation sous-entend un autre exercice.
Il s’agit de pouvoir s’exposer au risque. Apprendre à nager, c’est apprendre à risquer
de se noyer. Pour l’auteur de l’Emile, l’éducation embrasse ainsi tout ce qui peut
contribuer au développement physique de l’élève et la prise de risque est un bon
entrainement pour la réussite de l’individu. La prise de risque est donc la mère de tout
succès. Au sujet du risque, l’auteur de l’Emile ou de l’éducation stipule qu’« il faut
s’apprivoiser au risque même, pour apprendre à ne s’en pas troubler ; c’est une partie
essentielle de l’apprentissage. »30
Etant donné donc que l’″éducation négative″ vise la santé corporelle de l’enfant
et par la suite celle de l’homme robuste, Rousseau énumère une série de pratiques à
part celle de la natation. Ce sont la course, le saut, le lancement des pierres etc. Dans
le livre de La République, Platon encourageait aussi l’éducation physique et donnait
une grande importance à la gymnastique :
Nous avons affirmé que l’éducation selon Rousseau est une opération de
formation intégrale de l’homme. Or l’homme est un être naturel qui fait l’expérience de
son existence dans son corps. Ce corps est au fondement d’un principe ontologique
de l’homme. Il en est le fondement dans la mesure où il est la base sur laquelle
s’élève la multiplicité des facultés de l’être humain. Le corps est aussi justification
dans la mesure où il donne sens et raison à ce que sera l’être de l’homme. C’est le
corps qui permet à l’homme d’être et de subsister dans l’être.
Si l’éducation est posée comme formation de l’homme dans son intégralité, elle
doit commencer par la formation du corps humain dans son entièreté, dans toutes ses
dimensions et dans toutes ses facultés. Il appartient à l’éducateur de développer au
30
Jean-Jacques Rousseau, Emile ou de l’Education, Editions Garnier-Flammarion, Paris, 1966, p. 166
31
Platon, La République, introduction et note par Robert Baccou, Editions Garnier-Flammarion, Paris, 1966, p.
155, (403c)
23
Mais une éducation complète ne se limite pas à la formation du corps dans son
intégrité, dans la mesure où l’homme n’est pas seulement un être corporel. La
corporéité n’est qu’une des déterminations de l’être de l’homme. A cette détermination
s’ajoute la dimension intellectuelle. La question est maintenant de savoir en quoi
consiste l’éducation conçue comme formation de l’intelligence dans toutes ses
dimensions.
24
DEUXIÈME PARTIE
C’est dans le troisième livre de l’Emile que l’éducation intellectuelle est mise en
exergue. C’est un système éducatif qui fait de la curiosité le fondement de la formation
intellectuelle de l’enfant. Pour comprendre le rapport conceptuel entre la curiosité et la
nature, il faut d’abord définir ce qu’est la curiosité.
La curiosité est un caractère qui est inhérent à l’homme ; il l’a donc depuis sa
naissance, est donc innée. Elle est le désir de voir, de regarder et de connaître. Or,
pour connaître, il faut qu’il y ait le sujet connaissant et l’objet à connaître. L’objet dont
il est question, dans la terminologie rousseauiste de l’éducation, n’est rien d’autre que
la nature. C’est dans cette conviction que Rousseau conçoit le commencement d’une
telle éducation ainsi que la formation intégrale du corps.
32
Jean-Jacques Rousseau, Emile ou de l’Education, Editions Garnier-Flammarion, Paris, 1966, p. 214
26
La curiosité fait partie intégrante des principes éducatifs selon lesquels l’enfant
est appelé à s’instruire de lui-même, en lui-même, par lui-même par l’effet de ses
propres expériences. L’instruction de soi par soi de l’enfant s’élève sur la base de la
remise en cause des connaissances déjà établies par les autres. Emile, l’élève
imaginaire de Rousseau, n’est pas celui qui se contente de ces genres de
connaissances. Il est cet individu curieux qui se fait médiateur entre lui-même et de la
nature. De ce fait, l’enfant fait l’expérience de son autonomie. Celle-ci s’élève sur la
base de la négation de l’opinion des autres. L’opinion est une forme de savoir qui
n’est pas passé par le tamis de la raison, qui n’a pas subi une démonstration effective.
Or, la vraie connaissance diffère de l’opinion dans la mesure où la connaissance est
le résultat de nombreuses recherches, de longues réflexions critiques. Si l’éducation
fait abstraction de l’opinion, c’est parce que l’opinion n’est pas une connaissance.
33
Jean-Jacques Rousseau, Emile ou de l’Education, Editions Garnier-Flammarion, Paris, 1966, p. 217
27
La curiosité est la base de la réflexion critique. Si tel est le cas, elle demeure
une condition sine qua non de l’esprit philosophique. Celui-ci naît de la curiosité et de
l’étonnement.
34
Jean-Jacques Rousseau, Emile ou de l’Education, Editions Garnier-Flammarion, Paris, 1966, p. 214
35
Jean-Jacques Rousseau, Emile ou de l’Education, Editions Garnier-Flammarion, Paris, 1966, p.215
36
Karl Jaspers, Citée dans Initiation à la philosophie par Paul François de Torquat S. J, Editions Ambozontany
Analamahitsy-Antananarivo, 2004, p. 37
28
Dans son sens étymologique, éducation vient du mot latin ″educatio″ qui
signifie une instruction ou une formation de l’esprit. De cette définition générale,
Rousseau tire deux formes d’éducations qu’on peut qualifier comme la double
formation intégrale de l’homme. Ces deux formes d’éducations sont : l’″éducation
positive″ et l’″éducation négative″.
« J’appelle éducation positive celle qui tend à former l’esprit avant l’âge et à
donner à l’enfant la connaissance des devoirs de l’homme. J’appelle
éducation négative celle qui tend à perfectionner les organes, instruments
de nos connaissances, avant de nous donner ces connaissances et qui
prépare à la raison par l’exercice des sens. »37
A partir de cet extrait, on peut deviner une définition de l’éducation. Celle-ci est
le détournement de l’esprit de l’enfant vers la reproduction et la réactualisation de la
nature, qui est pour Rousseau, un état où l’homme a connu le bonheur ou la vie
heureuse. Cela se justifie par le dire de Rousseau selon lequel quand Emile sera
assez grand, « il n’aura plus besoin d’autre guide que lui-même ». Cette phrase
atteste l’une des caractéristiques de l’homme à l’état de nature ou l’homme sauvage.
« Sans parole, sans domicile, sans guerre, et sans liaisons, sans nul
besoin de ses semblables, comme sans nul désir de leur nuire, peut être
même jamais en reconnaitre aucun individuellement, l’homme sauvage,
sujet à peu de passions, et se suffisant à lui-même, n’avait que les
sentiments et les lumières propres à cet état, qu’il ne sentait que ses vrais
besoins, ne regardait que ce qu’il croyait avoir intérêt de voir. » 39
38
Cité par Rousseau, dans L’éducation approches philosophiques, par Gaston Mialaret, Editions PUF, 1990, p. 173
39
Jean-Jacques Rousseau, Discours sur les sciences et les Arts, Discours sur l’origine de l’inégalité, introduction
par Jacques Roger, Editions Garnier-Flammarion, Paris, 1971, pp. 201-202
30
Il a été affirmé que toute éducation doit préserver l’enfant de toute forme de
dépravation. Si Rousseau fait du principe d’utilité la seconde phase de la formation
intellectuelle de son élève, c’est parce qu’il veut lui éviter le monde de luxe, car celui-
ci mène à une dépravation de l’homme. Depuis que le monde est monde, l’homme n’a
connu des guerres sanglantes, de graves maladies qu’avec l’avènement de la
science, source de toute forme de luxe lié à une forte progression.
Faute d’interprétation, Rousseau est taxé de faire une scission entre la science
et la vertu. Or, ce qu’il affirme avoir soutenu, c’est que « la culture des sciences
corrompe les mœurs d’une nation, c’est ce que j’ai osé soutenir, c’est ce que j’ose croire avoir
prouvé. »40
Il faut noter qu’on ne peut orienter l’enfant vers l’utile (l’utile renvoie à l’idée de
nature saine, non corrompue par la civilisation) que lorsqu’on fait sienne d’abord sa
pensée. C’est dans et par une série de questionnements qu’on peut mener à bien une
meilleure éducation intellectuelle. Inculquer à l’enfant le désir de prendre en charge la
40
Jean-Jacques Rousseau, Discours sur les sciences et les Arts, Discours sur l’origine et les fondements de
l’inégalité parmi les hommes, introduction par Jacques Roger, Editions Garnier-Flammarion, p. 78
41
Jean. Jacques. Rousseau, Emile ou de l’Education, Editions Garnier-Flammarion, Paris, 1966, pp. 230-231
31
42
Gaston Mialaret, L’Education approches philosophiques, publié sous la direction de Pierre Kahn, André
Ouzoulias et Patrick Thiery, PUF, France, 1990, p. 339
32
entière couverte du tien et du mien, et n’ayant rien à lui que son corps, d’où
tirerait-il son nécessaire ? En sortant de l’état de nature, nous forçons nos
semblables d’en sortir aussi ; nul n’y peut demeurer malgré les autres ; et
ce serait réellement en sortir, que d’y vouloir rester dans l’impossibilité d’y
vivre ; car la première loi de la nature est le soin de se conserver. »43
Il a été admis par l’auteur de l’Emile que le soin à la conservation de soi par soi
est la première loi de la nature. A l’état de nature, les besoins sont parfaits
immédiatement par la nature elle-même. Le concours de plusieurs personnes pour les
exigences de la conservation n’était pas nécessaire. Si à l’état de nature cette
conservation ne demandait pas le concours des autres, dans la société civile,
l’homme fait l’expérience de sa conservation et de celle des autres.
Ce texte fait allusion aux exigences qui attendent l’homme dans la société.
Dans un tel état, une multiplicité de besoins apparaissent. Si Rousseau veut faire de
son élève un être habile en matière de ″forge″ et de ″charpente″, c’est parce que le
besoin de se loger, de se vêtir revêt d’autres dimensions en milieu social. A la
43
Jean-Jacques. Rousseau, Emile ou de l’Education, Garnier-Flammarion, Paris, 1966, p. 250
44
Jean- Jacques. Rousseau, Emile ou de l’Education, Garnier-Flammarion, Paris, 1966, p. 244
33
différence de l’homme à l’état de nature dont les désirs étaient l’expression d’une faim
à satisfaire, l’homme à l’état civil fait appel à d’autres dimensions. Au besoin de se
nourrir, s’ajoute le besoin de se loger et de se vêtir. La maison et l’habit couvrent une
multiplicité de significations qui contraint l’homme à l’état civil de s’approprier une
certaine habileté, c’est-à-dire une maîtrise de ses mains pour produire du bien
matériel.
L’idée qu’on peut extraire à partir du texte ci-dessus est la nouvelle figure que
prend l’ensemble des besoins de l’homme en milieu dit « civilisé ». Si le besoin de se
vêtir était d’éviter la nudité chez l’homme primitif, l’homme à l’état civil fait de son
comportement vestimentaire l’« expression de son sens esthétique ou un procédé
pour attirer le sexe opposé, ou encore l’attestation de certaine position sociale ». C’est
à cause de cet excès, c’est-à-dire cette nouvelle manière de juger les besoins
humains, qu’Emile est appelé à apprendre un métier manuel afin de conserver sa vie.
45
John H. Hallowel, Les fondements de la démocratie, cité par Charles Scribner’s Sons, Nouveaux Horizons, 1955,
pp.156-157
34
En plus, pour le cas d’un artisan, son travail demande la vigilance de l’esprit et
la dextérité de ses mains. Par ailleurs, il ne faut pas méconnaître le rôle des facultés
intellectuelles dans le travail manuel. La formation intellectuelle de l’homme ne va pas
de soi, mais fait appel au maintien du corps en bonne santé. Le travail purement
intellectuel peut faire abstraction des activités corporelles, et peut par conséquent
entraîner une nuisance à la santé. Rousseau prouve ainsi :
« Quand Emile apprendra son métier, je veux l’apprendre avec lui ; car je
suis convaincu qu’il n’apprendra jamais bien que ce que nous apprendrons
ensemble. Nous nous mettrons donc tous deux en apprentissage, et nous
46
Jean-Jacques Rousseau, Emile ou de l’Education, Garnier-Flammarion, Paris, 1966, pp. 253-254.
35
47
Jean-Jacques Rousseau, Emile ou de l’Education, Garnier-Flammarion, Paris, 1966, p. 261
36
Tout le monde est d’accord pour dire que l’homme est doué du libre arbitre. Sur
ce point, il est responsable de ses actes. La responsabilité, la décision, le choix sont
des critères essentiels de la liberté humaine. L’idée de responsabilité renvoie à l’idée
de répondre à ses actions, et pour répondre, il faut la présence des autres. L’autre
48
Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, Paris, Hatier,
1999, p. 34
37
dont il est question est la société dans laquelle on agit, c’est-à-dire les gens qui la
composent. La décision ne peut se prendre qu’après le choix.
« Il est regrettable qu’à notre époque on diffuse de tels livres, vide de tout
sens et de nature tendancieuse, donc les effets pervers sont manifestes et
influence très dommageable pour les jeunes en particulier. Ces livres sont
comme ces brigands qui se cachent pour ravir le cœur des jeunes et leur
esprit, s’empressant de détruire les valeurs humaines et saper les
fondements de la foi chez les jeunes qui pratiquent ce genre de lecture. […]
il est donc évident que lorsque le choix des livres ne se fait pas sur la base
de l’étude et de l’observation clairvoyantes et objectives et que le seul but
recherché est le plaisir, la lecture sera dès lors, la prélude d’une vie
d’errance, de vilenie et dispersion des énergies. »49
Pour Rousseau, les enfants doivent être protégés contre la lecture des livres
qui ne contribuent pas à leur bonne formation intellectuelle. L’auteur qualifie ″la
lecture″ comme une ″misère″ pour l’enfant. Seul le roman Robinson Crusoé relate la
vie d’une personne vivant seul, qui ne compte que sur soi-même dans toutes les
dimensions qui concourent à sa conservation. A propos des livres dont l’enfant doit se
49
Seyyed Mujtaba Mussavi Lari, Les chemins de la perfection, traducteur Haydar Anazigh, Ed, Centre de diffusion
de connaissance islamique, Iran, 2005, pp. 310-311
38
méfier, Rousseau cite ceux d’Aristote, de Plin et de Buffon ; bref, l’enfant n’est pas
encore à même de faire de la philosophie.
« En ôtant ainsi tous les devoirs des enfants, j’ôte les instruments de leur
plus grande misère, savoir les livres. La lecture est le fléau de l’enfance, et
presque la seule occupation qu’on lui sait donner. A peine à douze ans
Emile saura-t-il ce que c’est qu’un livre. Mais il faut bien au moins, dira-t-on
qu’il sache lire. J’en conviens : il faut qu’il sache lire quand la lecture lui est
utile ; jusqu’alors elle n’est bonne qu’à l’ennuyer. »50
L’usage du mot « fléau » qui décrit l’idée d’une grande calamité publique
incarne une certaine méfiance à l’égard de la lecture. Toutefois, Emile doit apprendre
à lire et à écrire. La lecture et l’écriture constituent des éléments fondamentaux de la
formation intellectuelle de l’enfant, mais il faut une certaine maturité mentale pour
pouvoir recueillir de la lecture son utilité. Elle sera utile pour l’élève de Rousseau à
partir du moment où Emile acquiert l’esprit d’analyse, l’esprit critique. En
conséquence, lire les livres dignes d’intérêt, les livres qui offrent au lecteur une
meilleure vision du monde, peut ouvrir un nouvel horizon dans la vie de l’enfant, et
partant dans la vie de l’adulte qu’il sera.
En effet, le livre peut être une source d’erreur pour l’enfant. C’est pour cette
raison que Socrate, le père de la philosophie, n’a rien écrit. A la différence de bon
nombre de penseurs qui privilégient le livre comme base de l’instruction de l’enfant,
Rousseau fait de la nature le livre par excellence pour son élève. Un tel argument
semble bien fondé dans la mesure où la nature, qui est régie par la raison universelle,
ne peut pas tromper volontairement. Il a été affirmé par Rousseau que la première
éducation est le développement des sens. Dans un tel cas, il serait absurde pour
l’élève de Rousseau de combler sa formation intellectuelle par des choses qui ne
s’accommoderont pas avec ses dons naturels. Cela signifie que ce qui peut interpeller
directement la sensibilité de l’enfant, c’est la nature avec ses données. Rousseau
écrit :
50
Jean-Jacques. Rousseau, Emile ou de l’Education, Garnier-Flammarion, Paris, 1966, p. 145
39
monde, point d’autre instruction que les faits. L’enfant qui lit ne pense pas,
il ne fait que lire ; il ne s’instruit pas, il apprend des mots. »51
51
Jean. Jacques. Rousseau, Emile ou de l’Education, Garnier-Flammarion, Paris, 1966, p. 215
52
Gaston Mialaret, L’Education Approche philosophique, publié sous la direction de Pierre Kahn, André Ouzoulias
et Patrick Thiery, PUF, 1990, p. 190
40
toujours en conformité avec les cultures de ceux qui les produisent. Il s’ensuit que lire
un livre d’un écrivain français, c’est apprendre la culture française. C’est, pour ainsi
dire, s’imprégner de la culture française et apprendre à réfléchir à la manière des
Français. Par ce qui précède, on peut déchiffrer un message pédagogique. En ce
sens, on remarque au jour d’aujourd’hui que bon nombre d’élèves, voire d’étudiants,
n’arrivent pas à réfléchir en leurs propres langues parce qu’ils se sont initiés à
réfléchir en la langue des autres. C’est de cette manière que cette perte identitaire
s’opère. Si Rousseau voit les choses ainsi, c’est parce que son élève, n’ayant pas
atteint une maturité intellectuelle complète, risque de perdre son identité culturelle. Or,
c’est cette identité culturelle qui différencie les hommes les uns par rapport aux
autres.
« Il faudrait être bien simple pour croire qu’il suffit d’entendre les docteurs
de son parti pour s’introduire des raisons du parti contraire. Où sont les
théologiens qui se piquent de bonne foi ? Où sont ceux qui, pour réfuter les
raisons de leurs adversaires, ne commencent pas par les affaiblir ? Chacun
brille dans son parti : mais tel au milieu des siens est tout fier de ses
preuves qui feraient un fort sot personnage avec ces mêmes preuves parmi
des gens d’un autre parti. Voulez-vous instruire dans les livres ; quelle
érudition il faut acquérir ! Que de langues il faut apprendre ! Que de
bibliothèques il faut feuilleter ! Quelle immense lecture il faut faire ! Qui me
guidera dans le choix ? Difficilement trouvera-t-on dans un pays les
meilleurs livres du parti contraire, à plus forte raison ceux de tous les
partis : quand on les trouverait, ils seraient bientôt réfutés. […] D’ailleurs
souvent rien n’est plus trompeur que les livres et ne rend moins fidèlement
les sentiments de ceux qui les ont écrits. »53
53
Jean-Jacques. Rousseau, Emile ou de l’Education, Garnier-Flammarion, Paris, 1966, p. 395
41
A cette dépravation issue des livres, qui peut affecter l’épanouissement spirituel
de l’enfant, s’ajoute encore un autre méfait ; il s’agit de la non ouverture de l’enfant
aux différentes conceptions politiques existant dans le monde. Un enfant, par
exemple, qui est né dans un pays très fermé comme les pays islamiques risque
d’ignorer plusieurs choses sur les régimes politiques possibles dans ce monde. Cela
est tout à fait évident car l’accès aux livres qui ne sont pas en conformité avec leur
régime est écarté, étant perçu comme inadmissible. C’est contre cette conviction
fondée sur la culture et les connaissances livresques que Rousseau met en garde son
élève. Il est bien souvent vrai, comme l’affirment certains penseurs, que « le livre est
un ami inestimable », mais le choix d’un ami doit s’opérer sur un climat de liberté
s’appuyant sur la capacité de choisir. A cette critique des livres, s’ajoute la critique des
fables.
A la lumière de cet extrait de Platon, ce n’est pas la totalité des fables qu’il faut
écarter de l’enseignement, mais tous les contes nuisibles au développement de
l’esprit de l’enfant ; car l’action vise à lui inculquer la vertu. Inculquer la vertu à l’enfant
c’est développer en lui sa force morale afin qu’il soit en mesure de se conduire d’une
54
Platon, La République, introduction, traduction et notes par Robert Baccou, Garnier-Flammarion, Paris, 1966,
(379 b) p. 178
42
manière vertueuse. Si une mise en garde contre ces fables doit être faite, c’est parce
que les contes trop merveilleux se fixent facilement dans l’esprit de l’enfant ; elles
deviennent ineffaçables.
« Emile n’apprendra jamais rien par cœur, pas même des fables, pas
même celle de La Fontaine, toutes naïves, toutes charmantes qu’elles
sont ; car les mots des fables ne sont pas plus les fables que les mots de
l’histoire ne sont l’histoire. Comment peut-on s’aveugler assez pour appeler
les fables la morale des enfants, sans songer que l’apologue, en les
amusant, les abuse, que, séduit par le mensonge, ils laissent échapper la
vérité, et que ce qu’on fait pour leur rendre l’instruction agréable les
empêche d’en profiter ? Les fables peuvent instruire les hommes ; mais il
faut dire la vérité nue aux enfants : sitôt qu’on la couvre d’un voile, il ne se
donne plus la peine de le lever. »55
L’analyse du texte ci-dessus fait apparaître le danger des contes fabuleux pour
l’instruction de l’enfant. Les fables livrent effectivement une vérité, mais d’une façon
déguisée. L’enfant, n’ayant pas encore acquis l’esprit d’analyse, n’arrive pas à percer
le fond des fables pour découvrir la quintessence de celles-ci. De cette manière, on
peut dire que les fables ne sont pas toujours profitables pour les enfants. Elles sont
plutôt bonnes pour les adultes. La fragilité de l’esprit de l’enfant exige la transparence
des choses. Cela signifie qu’« il faut dire la vérité nue aux enfants » au lieu de semer
chez l’enfant une confusion entre la vérité et le mensonge. C’est de cette manière que
se trace l’itinéraire de la pensée pédagogique de Rousseau. Cette pensée clame qu’il
faut instruire l’enfant suivant l’évolution de sa faculté intellectuelle.
55
Jean. Jacques. Rousseau, Emile ou de l’Education, Garnier-Flammarion, Paris, 1966, p. 139
43
« Erreur encore plus ridicule, on leur fait étudier l’histoire : on s’imagine que
l’histoire est à leur porté parce qu’elle n’est qu’un recueil de faits. Mais
qu’entend-on par ce mot de faits ? Croit-on que les rapports qui
déterminent les faits historiques soient si facile à saisir, que les idées s’en
forment sans peine dans l’esprit des enfants ? Croit-on que la véritable
connaissance des événements soit séparable de celle de leurs causes, de
celle de leurs effets, […]. Si vous ne voyez dans les actions des hommes
que les mouvements extérieurs et purement physiques, qu’apprenez-vous
dans l’histoire ? Absolument rien, et cette étude, dénuée de tout intérêt, ne
vous donne pas plus de plaisir que d’instruction. »56
56
Jean-Jacques Rousseau, Emile ou de l’Education, Garnier-Flammarion, Paris, 1966, p. 136
44
logique de l’apprentissage de l’histoire n’est rien d’autre que la haine des uns contre
les autres, la méfiance des uns vis-à-vis des autres, bref, certaines vertus
disparaissent. En ce sens, l’apprentissage de l’histoire n’est pas totalement
compatible avec le développement intellectuel de l’enfant. Ainsi, les différentes
guerres qui sont produites au cours de l’histoire, et qui font l’objet d’un monument de
livres dans les bibliothèques n’ont pas l’utilité souhaitable. Le pire est selon Nietzsche
qu’« une guerre n’est pas terminée que déjà elle est transformée en papier imprimé,
multipliée à cent mille exemplaires, et présenté comme nouveau stimulant au gosier fatigué
de l’homme avide d’histoire. »57
57
Nietzsche, Seconde considération intempestive, De l’utilité et de l’inconvénient des études historique pour la
vie, Garnier-Flammarion, 1874, p. 113
45
Ainsi, pris dans son sens le plus défavorable, l’histoire devient un couteau à
double tranchant. Apprendre l’histoire de l’esclavagisme ou de la colonisation,
équivaut à réactualiser des moments douloureux susceptibles de bouleverser la
mentalité des personnes mal affermies. Du côté de l’homme blanc, c’est l’esprit de
vanité et de l’arrogance qui se développe, tandis que du côté de l’homme de couleur,
en particulier l’homme africain, naît en lui l’esprit de haine, de vengeance, d’hostilité à
l’égard de l’homme blanc. C’est pour des raisons pareilles que l’éducation
rousseauiste exclut tout apprentissage historique qui peut faire dévier l’esprit de
l’enfant vers des mauvaises directions. De la même manière, l’histoire des différentes
guerres ethniques qui opposaient par exemple les Hutus et les Tutsi n’a pas de raison
morale d’être étudiée. Bref, la culture de l’intelligence de l’enfant passe par un choix
judicieux des disciplines à lui enseigner.
Si on reparle des contes fabuleux, on doit tenir compte des différents modes de
la pensée de l’enfant. Par nature, l’enfant imite. Cette imitation se fait à l’exemple d’un
héros quelconque. En effet, il ne faut pas rejeter les critères décrits dans les fables.
D’ordinaire, l’auteur des fables prend l’exemple d’un animal méchant pour symboliser
le puissant personnage ou l’acteur d’une guerre et un autre animal moins puissant
pour symboliser le personnage qui est la proie de l’autre. Rousseau attire l’attention
des enfants sur ces genres de fables, qui peuvent l’amener à jouer le rôle du méchant
personnage par le désir d’imitation de l’animal le plus puissant. En imitant l’animal le
plus fort, il se croira le plus fort de tous jusqu’à faire du mal à ses semblables ; ce sera
alors la loi du plus fort et non celle du plus vertueux. Rousseau écrit:
« Dans toutes les fables où le lion est un des personnages, comme c’est
d’ordinaire le plus brillant, l’enfant ne manque point de se faire lion ; et
quand il réside à quelque partage, bien instruit par son modèle, il a grand
soin se s’emparer tout. Mais, quand le moucheron terrasse le lion, c’est
une autre affaire ; alors l’enfant n’est plus lion, il est moucheron. Il apprend
à tuer un jour à coups d’aiguillon ceux qu’il n’oserait attaquer de pied
ferme. »59
58
Seyyed Mujtaba Mussavi Lari, Les chemins de la perfection, traduit par Haydar Amazigh, Centre de Diffusion
des connaissances islamiques, 2005, pp. 248-249
59
Jean-Jacques Rousseau, Emile ou de l’Education, Garnier-Flammarion, Paris, 1966, p. 144
46
Pour l’auteur de l’Emile, l’amour de soi est un sentiment naturel qui est né avec
l’homme. Dans son ouvrage Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité
parmi les hommes, l’amour de soi est défini comme ce penchant naturel inscrit en
l’homme qui veille à la conservation de soi. Aux yeux de Rousseau, l’amour de soi
n’est pas propre à l’homme seulement, il est commun à tout animal :
60
Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, Paris, Hatier,
1999, p. 109
48
l’homme tend vers son humanité. La tendance de l’homme à son humanité fait appel à
un long processus éducatif. En ce sens, l’éducation, après avoir envisagé la formation
intégrale du corps humain et de son intellectualité, envisage sa formation morale.
Pour Rousseau, la morale plonge ses racines dans l’amour de soi-même.
61
Ibid.
62
Jean-Jacques Rousseau, Emile ou de l’Education, Garnier-Flammarion, Paris, 1966, p. 319
49
Il a été admis par Rousseau que « l’amour de soi-même est toujours bon, et
toujours conforme à l’ordre ». Les idées de « bon » et d’« ordre » renvoient à la nature
humaine. C’est une nature jugée bonne par Rousseau et celle-ci se caractérise par la
liberté, l’harmonie, l’innocence, bref la vie heureuse. A partir d’une telle analyse, on
remarque bel et bien que Rousseau, en tenant la plume pour écrire l’Emile, a été
frappé d’une nostalgie d’une vie heureuse perdue avec l’état de nature.
« […] la pitié est un sentiment naturel, qui, modérant dans chaque individu
l’activité de l’amour de soi-même, concourt à la conservation mutuelle de
toute l’espèce. C’est elle qui nous porte sans réflexion au secours de ceux
que nous voyons souffrir : c’est elle qui, dans l’état de nature, tient lieu de
lois, de mœurs, et de vertu. »64
De ce texte, on peut tirer l’idée selon laquelle la pitié est cette capacité
sympathique innée en l’homme qui lui fait entrer dans l’autre pour partager ses
souffrances. Elle est pour ainsi dire le principe d’après lequel les relations mutuelles
des uns par rapport aux autres se maintiennent.
63
Jean-Jacques Rousseau, Emile ou de l’Education, Garnier-Flammarion, Paris, 1966, p. 275
64
Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, Paris, Hatier,
1999, p. 50
50
Il est dit que la pitié « tient lieu de lois, de mœurs, et de vertu ». Plusieurs
vertus prennent naissance à partir de la pitié telles que la générosité, la clémence et
même l’humanité. Par la générosité, l’homme se trouve animé par la force morale de
donner un coup de main aux faibles quand il est nécessaire. La clémence est cette
vertu d’après laquelle la pitié est accordée aux coupables. Et enfin, l’humanité est la
vertu par excellence, par laquelle la pitié est appliquée à l’espèce humaine.
En effet, l’éducation a pour tâche de cultiver la pitié pour que l’enfant ne puisse
pas se conduire en monstre. Cette culture consiste à développer la sensibilité et la
pitoyabilité de l’enfant vis-à-vis de la souffrance d’autrui. C’est de cette manière que
Rousseau écrit :
« Pour devenir sensible et pitoyable, il faut que l’enfant sache qu’il y a des
êtres semblables à lui qui souffrent ce qu’il a souffert, qui sentent les
douleurs qu’il a senties, et d’autres dont il doit avoir l’idée pouvant les sentir
aussi. En effet, comment nous laissons nous émouvoir à la pitié, si ce n’est
en nous transportant hors de nous et nous identifiant avec l’animal
souffrant, en quittant, pour ainsi dire, notre être pour prendre le sien ? Nous
ne souffrons qu’autant que nous jugeons qu’il souffre ; ce n’est pas dans
nous, c’est dans lui que nous souffrons. Ainsi nul ne devient sensible que
quand son imagination s’anime et commence à le transporter hors de
lui. »66
D’une manière plus précise, pour ne pas tomber dans l’indifférence ni dans la
cruauté, pour ne pas se corrompre, la pitié naturelle, passion la moins mauvaise et la
plus humaine des affectes doivent être éduquée. Cette éducation montre qu’à la
différence des riches, des grands, qui se sont rendus étrangers à la misère, à la
souffrance et à l’indigence de leurs concitoyens, qu’ils croisent pourtant tous les jours
et avec qui ils causent, Emile cherche à les comprendre et à leur épargner leurs
maux. C’est à partir d’une rééducation de son regard social qu’Emile apprend à
percevoir le malheur là où ses contemporains ne les voient plus. L’expérience montre
65
Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, Paris, Hatier,
1999, p. 49
66
Jean- Jacques Rousseau, Emile ou de l’Education, Garnier-Flammarion, Paris, 1966, p. 289
51
que les riches se croient exempts des maux qu’ils voient souffrir, et c’est ce qui les
rend de moins en mois sensibles. Face à cette insensibilité et à cette impitoyabilité,
l’éducation d’Emile le convaincra que le sort des plus malheureux pourrait être très
bien le sien. C’est de cette manière que les « riches se consolent du mal qu’ils font aux
pauvres en les supposant assez stupides pour n’en rien sentir. »67
Il a été signalé que Rousseau défend dans la pitié sa dimension impulsive, pré-
rationnelle ; il défend l’encrage de cette passion dans la particularité d’une situation
existentielle. Face à une telle démonstration, une objection de taille accuse la pitié de
nous tromper, de nous faire mal connaître le problème que l’on regarde à travers elle.
Pour Lévi-Strauss, cette objection n’a ni de validité ni de légitimité dans la mesure où
c’est en retournant d’une manière radicale cet énoncé que Rousseau se pose comme
le « père de l’ethnologie » et comme le « fondateur des sciences sociales ». Pour
Lévi-Strauss, Rousseau est l’auteur qui a le mieux saisi la spécificité des sciences
humaines. Cette spécificité dit qu’on ne connaît pas l’homme comme on connaît une
fonction mathématique, un composé rocheux ou n’importe quel objet. Cette spécificité,
en niant l’identification de l’homme au statut ontologique de l’objet, de l’humanité à
l’objectivité, pose le prince selon lequel on ne doit connaître l’homme que comme un
sujet qui en fait un homme. L’humanité n’existe que dans une subjectivité sensible.
C’est la raison pour laquelle c’est seulement en se mettant à la place d’autrui par la
médiation de la pitié, de la sympathie et de l’empathie, et donc de la compassion,
qu’on a une quelconque chance de connaître vraiment l’homme.
Ainsi, contre les voyageurs et les missionnaires qui pensaient tracer les
frontières entre l’humanité et l’animalité en fonction des caractéristiques physiques ou
des compétences rationnelles de ceux qu’ils appelaient « sauvages », Rousseau a
montré que c’est plutôt notre sensibilité aux maux d’autrui, notre pitié, notre
compassion, qui nous fait homme et nous met en relation les uns avec les autres.
C’est en cela qu’il a, d’après Lévi-Strauss, rendu possible le regard ethnologique.
C’est un regard qui permet de découvrir et d’aimer la vérité de l’autre.
67
Ibid.
52
« Il me suffit qu’il sache trouver l’a quoi bon sur tout ce qu’il fait, et le
pourquoi sur tout ce qu’il croit. Car encore une fois, mon objet n’est point
de lui donner la science mais de lui apprendre à l’acquérir au besoin, de la
lui faire estimer exactement ce qu’elle vaut, et de lui faire aimer la vérité
par-dessus tout. Avec cette méthode on avance peu, mais on ne fait jamais
un pas inutile, et l’on n’est point forcé de rétrograder. »68
En outre, l’interprétation du texte ci-dessus fait l’éloge d’une autre vertu qu’est
la prudence. La prudence peut être définie comme la juste mesure entre la brutalité et
la lenteur. Rousseau fait grand cas de cette vertu, en matière de recherches
scientifiques. La prudence est donc une vertu grâce à laquelle la stabilité est acquise ;
« avec cette méthode, on avance peu, mais on ne fait jamais un pas inutile, et l’on est
point forcé de rétrograder »
On peut donc affirmer que la sureté nourrit la prudence et cette dernière nourrit
la stabilité. C’est de cette manière que se comprend l’adage selon lequel « prudence
est la mère de la sureté ». Par conséquent, si l’éducation morale vise la recherche de
la vérité, c’est parce qu’un homme dépourvu de cette idée risque de perdre sa valeur
humaine.
« Il n’y a pas de morale sans liberté. […] s’il existe un droit à être respecté
dans son propre itinéraire de recherche de la vérité, il existe encore
68
Jean-Jacques Rousseau, Emile ou de l’Education, Garnier-Flammarion, Paris, 1966, p. 270
53
69
Cité par Jean Paul II, Foi et Raison, Lettre encyclique du souverain Pontife aux évêques de l’Eglise catholique
sur les rapports entre la foi et la raison, Edisiona Md Paoly, Antananarivo, p. 26
70
Jean Paul II, Foi et Raison, Lettre encyclique du souverain Pontife aux évêques de l’Eglise catholique sur les
rapports entre la foi et la raison, Edisiona Md Paoly, Antananarivo, p. 28
54
A partir de cette analyse faite sur Rousseau dans l’Emile, on peut tirer l’idée
selon laquelle le devenir adulte de l’enfant est inéluctable de l’acte éducatif. Cela
revient à dire que la nécessité d’éduquer l’enfant est due à la présence de cette valeur
humaine qu’est la perfectibilité. Définie comme « possibilité de devenir », la
perfectibilité est relative à la pensée éducative de Rousseau. Pour le Genevois, c’est
dans le désir de « former un homme libre, capable de se défendre contre toutes les
contraintes ; et pour former un homme libre, il n’est qu’un seul moyen : le traiter en être libre,
respecter la liberté de l’enfance. »73
71
Seyyed Mujtaba Mussavi Lari, Les chemins de la perfection, traduit par Haydar Amazigh, Centre de Diffusion
des connaissances islamiques, 2005, p. 21
72
Gaston Mialaret, L’Education Approches philosophiques, publié sous la direction de Pierre Kahn, André
Ouzoulias et Patrick Thiery, PUF, 1990, p. 205
73
Jean-Jacques Rousseau, Emile ou de l’Education, Garnier-Flammarion, Paris, 1966, p. 23
55
L’idée de perfectibilité fut reprise par les commentateurs de Hegel dans son
analyse sur la « négativité ». Pour Hegel, la négativité se définit comme la capacité
que possède chaque chose de se faire sortir d’elle-même et de s’engager dans un
changement. Selon Anne Sauvagnargues, interprétant à sa manière Hegel, on peut
définir l’éducation comme l’acte de nier ce qu’on est pour devenir autre. Le devenir
autre traduit pour Hegel le sens même de la liberté :
« Il faut bien cette sécurité puisque devenir soi exige une discipline de
l’appropriation qui est une négation de sa première nature, une violence
exercée sur soi. La liberté est un travail par lequel on se nie soi-même pour
devenir. Hegel appelle cela la négativité. Ce travail de la négativité
commande la matière et la forme de l’éducation. »74
Cette analyse faite sur Hegel rejoint celle de Rousseau dans la liaison entre
l’éducation et la liberté. Dire que « la liberté est un travail par lequel on se nie soi-
même pour devenir », c’est affirmer que la liberté ne peut s’acquérir que par un acte
de changement. L’usage du mot « travail » implique l’idée d’une modification de la
nature. Cette nature est double : la nature extérieure et la nature animale de l’homme
qu’il faut transformer en humanité. En ce sens, le « travail » dont il est question dans
le texte ci-dessus n’est rien d’autre que le processus éducatif ; car l’éducation vise la
liberté. On peut donc par analogie dire que l’éducation fait aussi grand cas de la
74
Anne Sauvagnargues in : Gaston Mialaret, L’Education Approches philosophiques, publié sous la direction de
Pierre Kahn, André Ouzoulias et Patrick Thiery, PUF, 1990, p. 258
56
75
Jean Starobinski, Jean. Jacques Rousseau, La transparence et l’obstacle, Paris, Gallimard, 1971, p. 357
57
D’une manière générale, les efforts conjugués par Rousseau pour l’élaboration
de l’Emile sont capables de répondre aux exigences de la société civile d’une part,
tandis que le Contrat social pose la légitimité et la validité de la vie en société d’autre
part. À partir d’une telle analyse, il est évident de remarquer l’indissociabilité de l’Emile
et du Contrat social, deux ouvrages dont la complémentarité constitue le recto et
verso de la pensée politique de Rousseau. Ainsi, à la base de la morale rousseauiste
se trouve le civisme. Défini comme l’acte de se dévouer ou de se sacrifier pour
l’intérêt public, le civisme est inséparable de la notion de patrie, c’est-à-dire de l’amour
de la nation. Le civisme est donc une vertu qui doit être exclusivement fondée sur
l’éducation. Il incombe à chaque père ou à chaque mère de veiller à la culture et au
développement moral de l’esprit patriotique. Le civisme demeure alors la base de
toute moralité ; c’est en ayant un esprit profondément ancré dans la patrie, que
l’individu humain a une quelconque chance de faire des actes bons. La patrie est donc
le point d’irradiation à partir duquel toutes les idées ayant rapport avec le bien de toute
la nation prennent naissance. Dans le Contrat social, Rousseau fait de la patrie le
primat de toute moralité :
« Tout ce qui sera inspiré par l’amour de la patrie sera bon. Ce deviendra le
seul critère de la moralité. Ce qui ouvre la porte à un ad majorem patriae
gloriam dont il ne s’est pas suffisamment effrayé. La religion même se voit
nationaliser, assigner pour tâche de resserrer le lien civique. »77
Ainsi, pour Rousseau, aimer la nation c’est se déclarer membre du corps social
et enfin se fondre dans la « volonté générale ». Elle est la poursuite de l’intérêt
commun. La question est donc de savoir le rapport entre éducation et civisme.
77
Jean-Jacques Rousseau, Du Contrat social, précédé d’un essai sur la politique de Rousseau par Bernard de Jouvenel, Edition
Librairie Générale Française, 1978, p. 113
59
essence qui n’est rien d’autre que la liberté. Un citoyen est un homme responsable.
La responsabilité ne peut se comprendre que dans et par la société, dans la mesure
où elle est la capacité de répondre aux questionnements et aux exigences de la
société. Ces exigences sont pour l’auteur de Du Contrat social la capacité de
répondre aux aspirations du peuple par le truchement de la « volonté générale ».
C’est de cette manière qu’à la question « les citoyens, qu’est ce ? », Rousseau
répond : « ceux qui ont le souci de leur dignité et le sens de leur responsabilité. »80
La dignité de l’homme est inséparable de son essence. Or, l’amour dans toutes
ses manifestations est l’un des paramètres de la liberté. Dans la conception
rousseauiste de l’éducation, l’enfant doit être formé de façon qu’il n’arrive pas à se
dissocier du corps social.
« Une femme de sparte avait cinq fils à l’armée, et attendait des nouvelles
de la bataille. Une ilote arrive ; elle lui en demande en tremblant : « vos
cinq fils ont été tués. Vil esclave, t’ai-je demandé cela ? Nous avons gagné
la victoire ! » La mère court au temple, et rend grâce aux dieux. Voilà la
citoyenne. »81
80
Jean-Jacques Rousseau, Du Contrat social, précédé d’un essai sur la politique de Rousseau par Bernard de
Jouvenel, Edition Collection Pluriel, 1978, p. 116
81
Jean-Jacques Rousseau, Emile ou de l’Education, édition. Garnier-Flammarion, Paris, 1966, p. 39
61
« L’homme naturel est tout pour lui, il est l’unité numérique, l’entier absolu,
qui n’a de rapport qu’à lui-même où à son semblable. L’homme civil n’est
qu’une unité fractionnaire qui tient au dénominateur, et dont la valeur est
dans son rapport avec l’entier qui est le corps social. Les bonnes
institutions sociales sont celles qui savent le mieux dénaturer l’homme, lui
ôter son existence absolue pour lui en donner une relative et transporter le
moi dans l’unité commune ; en sorte que chaque particulier ne se croie plus
un, mais partie de l’unité, et ne soit plus sensible que dans le tout. Un
citoyen de Rome n’était ni Caius ni Lucius ; c’était un Romain : même il
aimait la patrie exclusivement à lui. »82
82
Emile ou de l’éducation, op. cit., p. 39
62
C’est par une activité curieuse exercée sur la nature que l’enfant parvient à
faire l’expérience du discernement. Cette capacité de discernement octroyée par
l’éducation s’élève sur le principe d’utilité. Ayant en vue un aperçu général sur ce qui
attend son élève dans la société civile, Rousseau prône une éducation visant à former
un homme habile. Cette habileté est l’usage de ses propres mains pour la production
de sa vie dans toutes ses dimensions. Ceci s’explique par la production de quoi se
nourrir, se vêtir, se loger et une multiplicité d’objets. En plus de l’éducation
intellectuelle qui est définie comme un processus consistant à frotter l’intellect avec la
nature, s’ouvre la réflexion critique. Dans cette phase, Rousseau met son enfant en
garde contre certains livres jugés inutiles pour la bonne marche de son évolution
intellectuelle. De la critique des livres, Rousseau passe à un questionnement sur les
fables. D’une manière plus précise, c’est par la crainte d’une mauvaise orientation
pédagogique que l’auteur de l’Emile tourne en dérision certaines fables.
L’éducation est inséparable de la moralité. Cette moralité qui tourne autour des
valeurs fondamentales, comme l’amour de soi, la pitié, la bonté et l’innocence est une
détermination conceptuelle de toute éducation. C’est une moralité qui doit permettre à
l’enfant d’aimer la vérité dans sa relation avec la nature, avec lui-même et avec autrui.
C’est un amour qui lui occasionne de se perfectionner dans toutes les dimensions et
d’avoir l’esprit civique ; c’est-à-dire d’aimer la patrie. Une éducation qui se limite à la
formation morale et intellectuelle de l’homme est limitée si elle n’aboutit pas à la
formation spirituelle de l’homme puisque l’esprit est la dimension la plus haute de la
nature humaine. La question est de savoir en quoi consiste le rôle que joue
l’éducation dans la formation spirituelle de l’enfant.
63
TROISIEME PARTIE
Or, les différentes religions dites positives ou révélées ne sont pas compatibles
avec les besoins et les exigences de la société, car la société a besoin de sécurité,
d’harmonie, d’ordre et d’une paix durable. Ainsi, la critique de la religion chez
Rousseau est d’ordre social.
Il faut noter que dans ce parcours, Rousseau ne cherche pas à montrer la non-
existence de Dieu ; son souci est de nous faire comprendre que les différentes
religions sont sources de discordes, d’incohésion et elles portent atteinte à la paix
sociale. L’analyse faite par Alfredo Gomez-Muller sur Rousseau fait allusion à ce
constat :
Par conséquent, le doute s’impose sur la nature d’un Dieu qui ordonne quelque
chose comme illicite pour les uns et licite pour les autres, alors que les musulmans et
les chrétiens affirment croire en un Dieu unique.
83
Alfredo Gomez-Muller, Ethique, coexistence et sens, Préface de Jean Ladrière, Editions Desclée De Brouwer,
1999, p. 90
66
Pour le cas des musulmans ou de l’Islam, Dieu est un « Il n’a pas engendré, n’a
pas été engendré non plus. »84 Le Dieu des musulmans est connu par ses attributs tels
que le Créateur, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux. L’Islam demeure donc
une religion purement monothéiste.
Face à une telle contradiction, on peut affirmer que le scepticisme vient des
soit-disant grandes religions du monde. On se trouve à la croisée des chemins et on
n’arrive pas à identifier si le vrai Dieu est celui des musulmans ou celui des chrétiens.
C’est de cette manière que Rousseau invite son élève à « passer sa vie à les étudier
toutes, à les approfondir, à les comparer, à parcourir les pays où elles sont
établies. »85 L’idée qu’on peut extraire de ces quelques lignes de Rousseau est la
découverte des différentes contradictions existant au sein des religions. Un Dieu
parfait ne peut pas se contredire. L’évolution de la pensée rousseauiste de l’éducation
montre que la critique des religions est une réalité évidente, vu les conditions
sociopolitiques et même existentielles.
84
Saint Coran, Sorate 112, verset 3, p. 604
85
Jean-Jacques Rousseau, Emile ou de l’Education, Editions Garnier-Flammarion, Paris, 1966, p. 400
67
la raison. En ce sens, ils affirment que la raison a ses propres limites, et au-delà de
ces limites, seule la foi peut intervenir. La foi se définit donc comme l’adhésion à des
vérités qui dépassent la raison humaine. L’analyse de la pensée rousseauiste fait
comprendre son doute sur tout ce qui dépasse la raison.
Rousseau met en doute l’Evangile du fait qu’il relève des choses qui ne sont
pas accessibles à la raison humaine. Faisant le point sur ce doute, Rousseau atteste
dans l’Emile:
« Enfant encore et livré à moi-même, alléché par des caresses, séduit par
la vanité, leurré par l’espérance, forcé par la nécessité, je me fis catholique,
mais je demeurai toujours chrétien, et bientôt gagné par l’habitude mon
cœur s’attache sincèrement à ma nouvelle religion. »87
A partir d’un tel constat, une nouvelle théorie s’affiche, et par la suite une
conception purement naturelle de la religion a vu le jour sous la plume de Rousseau.
86
Jean-Jacques Rousseau, Emile ou de l’Education, Editions Garnier-Flammarion, Paris, 1966, p. 403
87
Jean-Jacques Rousseau, Les rêveries du promeneur solitaire, Gallimard et Librairie générale Française, 1965,
p. 54
68
« De mon premier retour sur moi naît dans mon cœur un sentiment de
reconnaissance et de Bénédiction pour l’Auteur de mon espèce, et de ce
sentiment mon premier hommage à la divinité bienfaisante. J’adore la
puissance suprême et je m’attendris sur ses bienfaits. Je n’ai pas besoin
qu’on m’enseigne ce culte, il m’est dicté par la nature elle-même. N’est ce
pas une conséquence naturelle de l’amour de soi, d’honorer ce qui nous
protège, et d’aimer ce qui nous veut du bien ? »88
Ainsi, le retour sur soi est un mode opératoire pour découvrir Dieu. Il s’élève sur
la base d’une série de questionnements sur les différentes fonctions de l’organisme
humain. La circulation du sang, le fonctionnement de l’appareil respiratoire,
l’emplacement des différentes articulations qui font l’objet d’une multiplicité de
mouvements, bref, ce système impeccable de l’organisme fait comprendre qu’un Etre
Intelligent en est l’Auteur.
88
Jean-Jacques Rousseau, Emile ou de l’Education, Editions Garnier-Flammarion, Paris, 1966, p. 361
69
Personne ne s’imagine que les vagues ont formé, tout à fait par hasard, de
petites dépressions ayant exactement la forme d’empreintes humaines. »89
On peut affirmer que tout ce qui est source de mouvement est supérieur par
rapport à ce qui est mu. Autrement dit, si ce qui est mu porte l’attribut de
l’imperfection, la source du mouvement porte nécessairement l’attribut de perfection.
La perfection fait partie intégrante des attributs divins. En ce sens, le mouvement ou
l’expansion de l’Univers constitue un point d’appui de Rousseau pour la découverte de
l’auteur de l’Univers. De ce constat, Rousseau écrit :
« Je sais seulement que la vérité est dans les choses et non pas dans mon
esprit qui les juge, et que moins je mets du mien dans les jugements que
j’en porte, plus je suis sûr d’approcher la vérité. »92
Dans la logique des choses, il semble que l’idée selon laquelle la nature est
l’œuvre de base pour découvrir Dieu n’est pas embrassée par les soit disant croyants
et non croyants. Bon nombre de penseurs théologiques, voire des Apôtres,
soutiennent cette idée. C’est exactement le cas de Saint Thomas D’Aquin qui,
interprétant les écrits des Apôtres dans la Somme théorique, écrit :
« […] pour rejoindre Dieu, l’esprit humain a besoin d’être guidé par le
sensible : car, dit l’Apôtre aux Romains : « C’est par le moyen des choses
créés, qui apparaît au regard de l’intelligence l’invisible mystère de Dieu ».
Le culte divin requiert donc nécessairement l’usage des réalités
91
Seyyed Mujtaba Mussavi Lari, Dieu et ses attributs, traduit par Haydar Benaïssa et Nahid Chahbazi, Editions
Fondation of Islamic. C.P.W. 2005, p. 57
92
Jean-Jacques Rousseau, Emile ou de l’Education, Edition. Garnier-Flammarion, Paris, 1966, p. 352
71
Ce fragment prouve bel et bien que des scientifiques ont une grande
opportunité de jouir une meilleure conviction en Dieu.
93
Saint Thomas D’Aquin, Somme théologique la Religion, Tome 1, Ed. Desclée, 1932, pp. 46-47
94
John Polkinghorne cité dans Le Savant et la foi de Jean Delumeau, Flammarion, 1989, p. 231
72
Si la découverte de Dieu est mise au premier plan dans cette phase, c’est
parce qu’à partir de cet Etre Suprême qu’on nomme Dieu naît une multiplicité de
religions. Les unes sont dites « révélées », les autres sont le résultat des longs
processus des héros civilisateurs. C’est le cas, par exemple, du confucianisme et du
bouddhisme. L’idée de Dieu est le principe auquel concourt une série de religions.
C’est dans et par cette conviction qu’il semble nécessaire de connaître la source de
toutes les religions. Convaincu que les religions positives portent atteinte à l’intégrité
sociale, Rousseau fait de la conscience morale le support de la religion naturelle.
95
Jean-Jacques Rousseau, Emile ou de l’Education, Editions Garnier-Flammarion, Paris, 1966, p. 360
73
semble indispensable de faire la lumière sur les deux concepts, c’est-à-dire le concept
de religion et celui de conscience morale.
mûr : « J’ai cru dans mon enfance par autorité, dans ma jeunesse par sentiment, dans mon
âge mur par raison. »96
La question est donc de savoir sur quoi est fondée cette religion naturelle.
Répondre à une telle problématique, c’est voir la complémentarité de la conscience
morale par rapport à la religion naturelle.
96
Jean-Jacques Rousseau, Correspondance, t. XIX, p. 48
97
Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social, par Bernard Jouvenel, Ed. Collection Pluriel, 1978, p. 74
75
Il a été admis que la conscience morale est une faculté de rupture entre
l’animalité et l’humanité ; une telle vérité se justifie par les rôles fondamentaux que
joue la conscience dans le maintien de l’homme en homme. La conscience vise
l’honneur quand on est humilié. La recherche de l’honneur est l’une des aspirations de
l’homme qui lui procure sa dignité. La conscience a pour fonction de relever quand
l’homme subit une chute. Elle le guide quand il se perd et, elle dirige la bonne
direction des paroles. Ainsi, on peut affirmer que la conscience est un argument
intérieur qui régule les actes et les gestes de l’homme pour qu’il ne soit pas blâmable.
98
Jean-Jacques Rousseau, Emile ou de l’Education, Editions Garnier-Flammarion, Paris, 1966, p. 378
76
« Les plus grands idées de la divinité nous viennent par la raison seule.
Voyez le spectacle de la nature, écoutez la voix intérieure, Dieu n’a-t-il pas
tout dit à nos yeux, à notre conscience, à notre jugement ? Qu’est ce que
les hommes nous diront de plus ? Leurs révélations ne font que dégrader
Dieu en lui donnant les passions humaines. »99
Dans d’autres perspectives, la conscience est l’arme idéale pour lutter contre
les instincts refoulés. Cette vérité, Seyyed Mujtaba Mussavi Lari l’atteste de la sorte :
Ce texte fait allusion au rôle que joue la conscience dans la vie spirituelle.
Interprétant à sa manière Rousseau, l’auteur de l’ouvrage sur les chemins de la
perfection prouve que la recherche du bien est inséparable de l’écoute de la
conscience. Cette quête s’explique par le fait que la « conscience » est « infaillible »,
selon le terme de Rousseau. L’infaillibilité traduit la conception rousseauiste selon
laquelle l’homme, jouissant d’un amour de soi-même, ne peut pas se faire du mal car
Dieu « a donné la conscience pour aimer le bien, la raison pour le connaître, la liberté pour le
choisir ? »101 La nature de la conscience est un phénomène dont la captivité marque la
création divine.
99
Jean-Jacques Rousseau, Emile ou de l’Education, Editions Garnier-Flammarion, Paris, 1966, p. 385
100
Seyyed Mujtaba Mussavi Lari, Les chemins de la perfection, traduit par Haydar Amazigh, Centre de Diffusion
des connaissances islamiques, Iran, 2005, p. 51
101
Jean-Jacques Rousseau, Emile ou de l’Education, Editions Garnier-Flammarion, Paris, 1966, p. 383
77
de la vie sociale. Ainsi, certains penseurs assurent que les partisans de Freud, qui
nient le rôle primordial de la conscience, portent atteinte à la dignité humaine :
102
Seyyed Mujtaba Mussavi Lari, Les chemins de la perfection, traduit par Haydar Amazigh, Centre de Diffusion
des connaissances islamiques, Iran, 2005, p. 52
78
CONCLUSION
religieuse, le Genevois rompt avec les religions révélées et se déclare comme l’apôtre
d’une religion naturelle fondée sur la conscience morale.
BIBLIOGRAPHIE
8. BREHIER Emile
1930 : Histoire de la philosophie, t, II, XVII-XVIIIe siècle, Paris : PUF, 504 pages.
9. BREHIER Emile
1964 : Histoire de la philosophie, t, III, XIX-XXe siècle, Paris : PUF, 1023 pages
13. DUPROIX E.
1895 : Kant et Fichte et le problème de l’éducation Genève : Editeur
14. HALLOWELL John. H.
1988 : Les fondements de la démocratie, Paris : éd Nouveaux Horizons, 197
pages.
15. GOMEZ-MULLER Alfred
1999 : Ethique, coexistence et sens, Préface de Jean Ladrière, éd Desclée De
Brouwer, 233 pages.
2005 : Dieu et ses Attributs, traduit par Haydar Benaissa et Nahid Chahbazi, Iran :
Foundation of Islamic C.P.W. 305 pages