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ET DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE
UNIVERSITE DE TOLIARA
FACULTE DES LETTRES
DEPARTEMENT DE PHILOSOPHIE
28 Novembtre 2008
1
ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, livre I à VIII
2
PLATON, La République, X
2
3
ARISTOTE, Ethique à Nicomaque II, I, 1107 a 5
4
peut reconnaître cela à travers l’étude faite par Aristote sur la réalisation de la
vertu. Celle-ci exige de l’homme des actes habituels bons dont l’activité
contemplative est l’acte de la suprême vertu. Tout ce que l’esprit humain désire
connaître fait l’objet de ses recherches assidues. Car, nous dit Aristote, tous les
hommes désirent naturellement savoir pour agir et dominer4. Par la même,
notre pensée est ordonnée à l’agir, lequel permet de modeler nos compor-
tement, les conduites à tenir dans la vie sociale. Dans l’ordre socio-éthique, tout
ce que l’homme désire posséder est recherché avec le même intérêt et la
même sollicitude : atteindre le bonheur. Aristote conçoit ce bonheur comme une
activité de l’âme ; le Bien suprême de l’homme comme étant la fin ultime de ses
activités. Mais cet avis est toujours diversement partagé. Car pour les uns, le
bonheur réside dans tout acte qui permet d’améliorer la vie matérielle de
l’homme5. D’autres, au contraire, estiment que ce bonheur repose sur la
possession du Bien en-soi, séparé du sensible6. De ce fait, seul le bien séparé
est capable de perfectionner le Noûs humain.
4
ARISTOTE, Métaphysique, &, 1
5
Point de vue scientiste et empiriocriticiste
6
Point de vue de PLATON et les platoniciens
5
PREMIERE PARTIE :
LES SOURCES DE LA PHILOSOPHIE
ARISTOTELICIENNE
7
Chez les Grecs, c’est d’abord à partir des mythes ou des poèmes
d’Homère et d’Hésiode qu’on tirait les principes absolus de la conduite. En
d’autres termes, les conduites morales des Grecs reposent sur les spéculations
touchant les mœurs dus à leurs croyances et à leur groupe. Ces conduites
incluent non seulement les pratiques coutumières mais aussi toutes les
croyances et, plus précisément, celles consacrées aux pratiques religieuses.
Or, les philosophes Grecs n’ont jamais conçu la morale comme une science
des mœurs. Cette morale a toujours été pour une théorie de l’art de vivre,
qu’elle soit conçue sur un modèle à imiter ou que cette théorie, quelle qu’elle
soit régule la conduite humaine et amène à la systématisation normative des
morales spécifiques. Tout cela atteste d’ailleurs l’idée que les morales
helléniques donnent lieu à la notion du Souverain Bien. Cela veut dire que, au-
delà de la conduite à suivre, il y a une fin visée, une fin suprême qui constitue le
bonheur.
Cette doctrine prévaut également chez Platon pour qui la société est
conçue comme un mal nécessaire. La cité naît de la nécessité où sont les
hommes de subvenir à leurs besoins vitaux, ce besoin trouve vite dans la
division du travail le moyen rationnel de parvenir à une production plus
abondante et plus facile. Cependant, certains de ces hommes ont compris la
valeur d’un équilibre dans la répartition de l’autorité ou des richesses. Ils ont en
effet appelé eux-mêmes à doter leurs citées d’une législation, capable de
mettre fin aux désordres issus d’un équilibre général. Il en est une cependant
qui traduit avec force la recherche d’un principe d’unité et de liaison : de tout
façon le plus grand des biens, proclame-t-elle, c’est la mesure, le « rien de
trop ». Le bien moral a son principe dans un équilibre de tendances contraires,
dont chacune est un excès.
7
ARISTOTE, La politique, I 1
9
Il n’existe entre les deux sexes aucune différence de nature mais ce qui
distingue chacun d’eux, c’est les aptitudes naturelles ou techniques.
8
PLATON, La République, livre V, 480a
10
selon lui, imposer la technocratie. Bien que la « kallipolis » reste comme une
utopie, ce modèle permet d’évaluer les Cités réelles et imparfaites et de
mesurer la distance qui les sépare de la vraie justice.
En cela, le sage ne fait qu’imiter Dieu autant qu’il peut. Or, comme Dieu
est acte pur, perfection achevée vivant éternellement, forme sans matière,
pleinement maîtresse d’elle-même, et, par là, fin en soi et principe de tout ce
qui est, l’homme qui se trouve engagé dans le monde du réel parviendra à se
débarrasser de tout ce qui est du ressort de l’accident pour participer à
l’essence divine et imiter à sa manière dans ses actes le pur acte divin. Dans ce
cas, il ne peut agir en Dieu, sans doute, car il n’est pas un Dieu et il ne peut pas
l’être, il doit agir en homme en fixant les yeux sur le modèle divin qu’il se rendra
semblable à Dieu autant qu’il le peut. Ce modèle divin n’est rien d’autre que la
providence, une suprême sagesse avec laquelle Dieu gouverne le monde. De
telles normes conviennent absolument et d’une manière éminente, à celui qui
est à Dieu, vers lequel concourt le mouvement, la vie, l’âme et la pensée (9).
Lire aussi Platon :
Dans cette perspective, le sage est d’abord un homme qui serait homme
et rien de plus.
9
PLATON, Sophiste, 248e-249d.
11
10
PLATON, Euthydème, 275a
12
ce cas, lorsque l’âme humaine est dans l’état de béatitude, ce stade confère à
l’être une vie heureuse. Dans cette perspective, il y a un Bien de l’homme
rationnel et absolu, un Bien qu’il ne peut pas ne pas vouloir, qui est toute sa
raison de vivre. Le manquer, c’est perdre son âme. Tout autre bien est
secondaire et relatif telle que richesse, santé, préservation de la vie. Et au
contraire, pauvreté, maladie, mort qui passent pour des maux n’en sont pas
nécessairement. Cela dépend pour des maux n’en sont pas nécessairement.
Cela dépend de leur rapport avec le Bien absolu. Cela veut dire que le Bien de
l’homme a un rapport nécessaire avec le Bien absolu, subsistant à l’Idée de
Bien, raison et cause de toute existence et de toute vérité. En effet, le Bien pour
l’homme est conforme à l’Idée divine. Car c’est de l’ordre de l’âme, de l’ordre de
la Cité, qui produit la justice et le Bien. Ainsi le secret qui forme la vie bonne et
la mesure ou la proposition. Le Bien est ainsi une forme du beau, qui est
constituée par la mesure et la proportion11. Notons que c’est pour Platon et
c’est en Platon que vit Socrate comme le maître revit dans son disciple de
prédilection. A cet égard, l’homme, c’est l’âme et que la seule fin de l’activité
humaine est la vertu. Car pour Socrate, le Bien consiste en sagesse que la
sagesse suffit à tout, au bonheur et à la vertu elle même, que la possession des
biens importe moins que leur bon usage, lequel dépend de l’exercice de la
pensée pure, inséparable de la pleine maîtrise et possession de soi. Qu’au-
dessus de l’intelligence, il y a le bon sens et le sens moral, c’est pourquoi, tout
le savoir humain ne compte de rien s’il n’est ordonné au vrai, c’est-à-dire, au
juste et au bien. Car le bien ou le bonheur humain est la ressemblance au
Dieu., la vie bonne doit inclure toute la connaissance la plus vraie, connais-
sance exacte des objets intemporels. L’homme n’a pas besoin de tourner
complètement le dos à cette vie bonne, mais il doit reconnaître que ce monde
n’est pas le seul monde et non plus le monde le plus haut, mais ce n’est qu’une
copie de l’idéal.
Ainsi, c’est la mesure ou la proportion qui forme la vie bonne. Dans cette
perspective, le bien de l’homme est avant tout une condition de l’âme. Dans La
Politique de Platon, la juste mesure qui renvoie au convenable et à l’opportun
11
PLATON, Philèbe, 61b sq et 62c 1-4
13
s’oppose à celle qui ne compare du plus petit à du plus grand. Ainsi Philèbe,
précise que cette mesure naît de la limite qui, en s’introduisant dans le devenir
illimité des contraires, y apporte la proportion et l’accord des diverses
dispositions de l’âme. Cela est du à l’effet de l’intelligence. En imposant sa
mesure, elle confère beauté et vérité, lesquelles constituent les manifestations
du bien. Soulignons que c’est par la mesure que ce bien est posé en toute
œuvre et en toute action. Car l’unité qui n’est pas le fait de l’intelligence risque
de détruire les éléments constituants12.
12
PLATON, Philèbe 61b
14
Car leur justice dépend de la juste réponse à cette question : qui doit
gouverner ? Et qui doit obéir ? Le Ménon montre clairement que si la vertu était
connaissance ou prudence, elle pourrait être enseignée. Et dans la République,
il est clair que c’est seulement le philosophe qui possède la vraie connaissance
du bien de l’homme. En tout cas, ce n’est pas le sophiste qui peut l’enseigner,
parce qu’il se contente des notions populaires de la vertu, mais seulement celui
qui en a la connaissance exacte : c’est le philosophe.
Notons que si chacun ne peut vouloir que ce qui lui parait bon. Dans ce
cas, la plupart ne trompent en identifiant le bien au plaisir et à la connaissance.
De plus, selon Platon, le Bien n’a pas d’essence propre, puisqu’il est par-delà
l’essence et sa causalité n’est pas celle d’une forme, étant donné que ce bien
n’est pas ce par quoi les bonnes choses sont bonnes. Et dans la mesure où,
selon Platon, le bien apparaît comme la source de la connaissance, il révèle à
l’âme qu’elle possède, une intelligence capable de connaître parfaitement. Or,
elle ne peut le faire que parce que le bien confère à ses objets leur parfaite
intelligibilité et aussi leur existence Dans la République ‘Platon prévoit quatre
vertus cardinales : la sagesse, le courage ou force de l’âme, la tempérance et la
justice. La sagesse est la vertu de la partie rationnelle d’âme ; le courage celle
de la deuxième partie tandis que la tempérance consiste dans l’union des deux
parties inférieures sous le gouvernement de la raison.
Enfin, la justice est une vertu générale qui consiste en ce que chaque
partie de l’âme accomplit sa propre tache dans l’harmonie qui convient. Toute
âme n’en vaut pas une autre, ou ne peut pas plus choisir la nature de son âme,
on ne peut entièrement choisir son genre de vie. Car l’homme est cet animal qui
peut toujours dégénérer, devenir bête trop féroce et trop docile. Mais l’homme
peut transformer les tendances en vertus, se modérer par la musique, et se
fortifier par la gymnastique et même s’humaniser. C’est ainsi que le courage a
besoin de se modérer pour ne pas tourner en férocité. Les hommes doivent
jouir d’une double transcendance pour exister : en s’éduquant à la vertu et en
croyant à leur part divine. Car la politique se repose sur un fondement éthique
et sur un fondement naturel : l’homme en effet, est un animal naturellement fait
pour vivre en société et dans cette cité vive aussi ses contraires.
15
Platon a tenu à l’idée que la vertu est connaissance et que la vertu est
susceptible d’être enseignée, comme aussi à l’idée que nul ne fait le mal
volontairement. Lorsqu’un homme choisit ce qui est mauvais, il le choisit et
désire quelque chose qu’il imagine être bon, mais qui est, en fait, mauvais. Mais
lorsque Platon dit que nul ne choisit volontairement ce qu’il sait être injuste,
mais que nul ne choisit délibérément de faire ce qu’il sait être, à tous égards
nuisible pour lui-même. C’est le cas d’un homme qui peut bien savoir que tuer
son ennemi lui sera en fin de compte mauvais, mais il choisit tout de même de
le faire, parce qu’il fixe son attention sur ce qui lui semble être le bien immédiat,
satisfaire son désir de vengeance, ou tout simplement obtenir le bénéfice par la
disposition de son ennemi. Dans Gorgias, Platon parle de l’identification du bien
avec le plaisir et du mal avec la douleur. Le plaisir est subordonné au bien et,
par conséquent, la raison doit être juge des plaisirs et ne les admettre que dans
la mesure où ils sont d’accord avec l’harmonie et l’ordre de l’âme et du corps.
Ainsi, ce n’est pas l’homme intempérant mais l’homme tempérant qui est
vraiment bon et heureux, puisque le premier se fait du mal à lui-même.
Signalons que Platon rejette expressément ce qu’on doit être bon pour ses
amis et méchant pour ses ennemis, car faire le mal ne peut jamais être bon13.
Polémaque prône la théorie qu’il est juste de faire du bien à notre ami s’il est un
homme bon, et de nuire à notre ennemi s’il est un homme mauvais. Dans ce
cas, il appartient à l’homme juste de rendre pire l’homme injuste. De plus, le
bonheur comprend naturellement la connaissance de Dieu. D’ailleurs nul
homme ne pourrait être heureux sans reconnaître l’opération divine dans le
monde. Par conséquent, on peut dire que le bonheur divin est le modèle du
bonheur humain14. Or le bonheur doit être atteint par la poursuite de la vertu,
qui signifie devenir aussi semblable à dieu autant qu’il est possible à l’homme.
13
PLATON, République, livre I, 335a, 77-8
14
PLATON, Théétète, 176a 5-4
15
PLATON, Théétète, 176b 1-3
16
meilleure des choses, et aussi celle qui conduit le mieux à une vie heureuse16.
Ainsi, l’adoration et la vertu appartiennent au bonheur, de telle sorte que, bien
que la poursuite de la vertu et la pratique d’une vie vertueuse soient les moyens
d’atteindre le bonheur. La vertu elle-même est partie intégrante du bonheur
mais n’est pas extérieure à ceci.
Bref, on peut dire que le Bien de l’homme est avant tout une fin de l’âme,
et ce n’est que l’homme véritablement vertueux qui est un homme
véritablement bon et heureux.
Dans le Livre II, il suggère que, dans l’Etat, les mêmes caractères sont »
écrits plus gros et plus facilement visibles »18. Il propose par conséquent que »
nous cherchons la nature de la justice et de l’injustice telle qu’elles apparaissent
d’abord dans l’Etat et deuxièmement dans l’individu en procédant du plus grand
16
PLATON, Lois, 715b-717a 3
17
PLATON, République, 354c 1
18
PLATON, République, livre II 368b-2
17
au plus petit et en les comparant »19. Cela implique évidemment qu’aux yeux de
Socrate, les principes de la justice sont les mêmes pour l’individu et pour l’Etat.
Dans la mesure où cet individu vit comme membre de l’Etat et si la justice de
l’un comme de l’autre est déterminée par la justice idéale, il est alors clair que ni
l’individu, ni l’Etat ne peuvent être affranchis du code éternel de la justice. C’est
pourquoi les prisonniers de la caverne de la République, VII s’attachent, avec
l’œil de l’esprit, à la vérité de toute leur âme quand ils sont libérés de
l’impuissance où ils étaient de connaître le Bien en soi. Celui qui, derrière les
données confuses et contradictoires des sens, a su discerner et mettre en
rapport raisonné les réalités intelligibles qui en rendent compte, arrive à saisir
les vraies lois et la véritable harmonie.
En outre, pour que cette âme fasse un effort pour rendre cette vie
harmonieuse, elle pourra se délivrer de la volupté et des désirs, des tristesses
19
PLATON, République, livre II 369a-3
20
PLATON, Phédon, 115c
18
et des craintes pour s’unir à Dieu dans la mesure où lui permet sa nature, ce en
quoi consiste la vie humaine authentique. Telle est la nature, telle est aussi la
destinée de notre âme qui veut se rendre semblable au divin. Simple et
indivisible en son essence, notre âme comporte en elle trois principes d’action
auxquels correspondent trois classes de l’Etat : les artisans, les guerriers et les
magistrats. Le principe du désir et de toutes les passions concupiscibles a son
siège dans le bas ventre, celui du courage ou des autres passions dans le cœur
et enfin celui de la pensée, dans la tête. Ce dernier principe est fait pour
commander comme l’indique la station droite21.
Aux yeux de Platon, le plaisir n’est qu’un devenir et non un être. Il est un
moyen et non une fin. Par conséquent, il n’est pas le bien, étant mêlé de
douleur constituant ses conditions. Ce plaisir ne peut pas satisfaire l’âme du
sage qui cherche, par-delà les choses sensibles, une source de joies pures et
sereines, de stabilité et de permanence où l’âme jouit de la paix. Et cette paix
de l’âme est source d’ordre et corrélativement de subordination. En effet, c’est
dans cette perspective que l’âme remplit sa tache propre et assume celle qui
relève de son ressort, soit pour commande, soit pour obéir. Dans ce cas, il faut
que la tête commande. Car elle seule sait ce qui est bon pour chaque partie
comme pour l’ensemble ; c’est la vertu de la prudence : il faut aussi que le cœur
suive les ordres de la raison, que cela soit difficile à exécuter ; c’est la vertu du
courage.
21
PLATON, Timée, 90a-c
19
de leur diversité en conduisant tous ses actes et toute sa vie d’après cet ordre,
en ayant les yeux fixés en haut sur l’idée du Bien22.
La Cité est, par nature, antérieure à la famille et à l’individu car le tout est
antérieur par nature aux parties.
Notons que le langage est effectivement une épreuve que l’homme est
naturellement social et politique. Par là, il ne suffit pas à lui-même ; cela veut
dire que sa pleine suffisance n’est pas réalisée que par la Cité, en se
subordonnant à la Cité. Dans cette perspective, aucun être humain ne peut
vivre en dehors de la Cité. Aux yeux de Platon alors, l’Etat n’existe pas
seulement pour satisfaire les besoins matériels des hommes mais aussi pour le
bonheur, pour les développer dans la vie bonne, en accord avec la justice. En
22
PLATON, République, livre IV, 444a-b
20
fait, cela rend l’éducation nécessaire, car les membres de l’Etat sont des êtres
rationnels.
Mais, il n’y a pas d’éducation qui vaille si ce n’est celle par le vrai et le
bon. Il faut déterminer le principe de l’éducation et distribuer les différentes
taches dans l’Etat à ses membres et surtout avoir la connaissance de ce qui est
réellement vrai et bon. En d’autres termes, ces individus doivent être des
philosophes23.Car, on considère citoyen celui qui participe au pouvoir quelle
que soit sa fonction, c’est celui qui se propose comme fin le bien, la
conservation de la Cité24.
23
PLATON, République, livre VII
24
ARISTOTE, Politique, livre III 1275a 23
21
Chez Aristote, le bien dont il est question ici n’est rien d’autre que le
bonheur, lequel constitue le principe et la fin même de l’activité de l’homme. Et
Aristote dit que le bien, c’est ce que désirent tous les êtres. Par conséquent, les
objets de l’activité sont une fin par soi et pour soi. C’est de cette fin que désire
tout le reste. En fait, pour atteindre cette finalité de la vie humaine, Aristote
pense qu’il faut quelque chose de meilleur, le Souverain Bien. Car le désir
serait creux et vain s’il n’y avait pas véritablement une fin comme telle.
25
ARISTOTE, Métaphysique, &, 1 993b 19-20
26
XENOPHON, Les Mémorables, II, 4 début
22
27
ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, I, 6, 1096a 11-13
28
ARISTOTE, Métaphysique, A, 9, 990b 11-15
23
Ainsi, si les Idées pouvaient être définies, elles ne seraient par des
substances. Et, inversement, si les idées étaient des substances, elles ne
pourraient être ni objets, ni moyens de science. Aristote a prêté à Platon dans
toute son argumentation l’intention de faire des Idées des principes
d’explications des choses sensibles. Elles ne sont que la quiddité réalisée de
ces choses et elles prétendent répondre au problème de la métaphysique. Car
ce qui fait qu’un homme sensible est un homme,c’est qu’il participe à l’homme
en soi. Or, cette explication semble être illusoire : tout d’abord, comme les idées
sont des substances fixes, elles n’expliquent pas le devenir des choses
sensibles.
29
ARISTOTE, Métaphysique, A, 16, 990b 22-23
24
Or, Aristote ne peut pas dire des essences mathématiques ce qu’il disait
des Idées, lesquelles ne font que doubler les choses sensibles, puisqu’elles
sont d’une autre nature. Mais cette différence de nature est précisément le point
de départ d’une critique qu’il adresse contre la réalité des Idées
30
ARISTOTE, Métaphysique, A, 9, 991a 8611 et Z, 8, 1033a 2, 6632
25
Les études faites par les spécialistes montrent que, c’est dans les
Topiques31 et dans l’Ethique à Eudème32 que l’on retrouve l’une des thèses les
plus anti-platoniciennes : celle de l’équivocité de l’Etre et du Bien. Notons
d’abord que la théorie des Idées était déjà un sujet classique de discussion au
sein même de l’Académie et, de là, la contribution d’Aristote dans la première
partie du Parménide33 et au livre A de la Métaphysique34.
31
ARISTOTE, Topiques, I, 15 et Y IV 2
32
ARISTOTE, Ethique à Eudème
33
PLATON, Parménide, 248a-249c
34
ARISTOTE, Métaphysique, A, 9, 990b 11 ; 19 et 23.992a 1-24
35
ARISTOTE, Ethique à Eudème, I, 8, 1217b-26 et P. Aubenque, Le problème de l’être
chez Aristote.
26
opportun. En d’autres termes, ils ne sont pas les espèces d’un même genre, qui
serait leur essence respective ; ce qui veut dire encore que le Bien en tant que
Bien, c’est-à-dire, un Bien qui ne serait pas envisagé selon telle ou telle
catégorie particulière n’est pas un genre, que le Bien en tant que Bien n’est pas
une essence. S’il en est ainsi, c’est parce que les catégories de l’être ne sont
pas les espèces du genre être. L’être en tant qu’être n’est pas un genre et qu’il
n’est pas une essence. Dans cette perspective, le Bien qui se manifeste
réciproque avec l’être s’affirme de toutes les catégories. Il ne saurait pas, plus
que l’être lui-même, être quelque chose de commun, d’universel et d’un, en
d’autres termes être un genre. Puisque le Bien s’affirme d’autant de façons que
l’être, il est clair qu’il ne saurait être quelque chose de général et d’un : car s’il
l’était, il ne s’affirmerait pas de toutes les catégories, mais d’une seule.
De même que dans les choses tombant sous une seule Idée, il n’y a
qu’une seule science, de même il ne devrait y avoir également qu’une science
unique pour tous les biens sans exception. Or, les biens sont l’objet d’une
multiplicité de sciences, même ceux qui tombent sous une seule catégorie, Il en
est ainsi pour l’occasion : sous une seule catégorie, dont l’occasion qui est celle
du temps.
36
ARISTOTE, Ethique à Eudème, I, 8, 1217b-33
37
PLATON, Cratyle 439c-440b
27
Par conséquent, le lit en soi doit être, en quelque façon, le même que les
lits sensibles sans quoi il ne soit pas l’Idée de ces lits40.
38
PLATON, Phédon, 78b-79a
39
PLATON, République, V 475 e-476a ; VI 507b-508d
40
ARISTOTE, Métaphysique, A, 9, 991a 2-8
41
ARISTOTE, Métaphysique, A, 9, 990b 8-15
28
toute action et tout choix sembleraient viser quelque bien. Il s’ensuit que le bien
a été justement défini comme ce vers quoi tendent toutes les choses »42.
Selon Aristote, c’est la science politique et sociale qui étudie ce qui est
bien pour l’homme. Dans cette perspective, l’Etat et l’individu ont le même bien,
quoique ce bien trouvé dans l’Etat est plus grand et plus nobles43. Quant à la
question de ce qu’est le bien de l’homme, Aristote montre qu’on ne peut lui
répondre avec exactitude comme on peut répondre à un problème mathé-
matique. Car c’est l’action humaine qui est l’objet de l’Ethique, et l’action
humaine ne peut être déterminée avec une exactitude mathématique. Ainsi,
dans l’Ethique, on part des jugements moraux concernant l’homme. Et c’est en
les comparant, les opposant que nous en venons à formuler les principes
généraux44. De toute façon, cette opinion présuppose qu’il y a des tendances
naturelles implantées en l’homme, dont l’observation est la vie éthique pour
l’homme. On peut dire quand même que l’éthique d’Aristote est en grande
partie du bon sens, fondée comme elle est sur les jugements moraux de
42
ARISTOTE, Ethique à Nicomaque I, 1094a 1-3
43
ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, I, 1094a 27-b11
44
ARISTOTE, Ethique à Eudème, 1219b 32 sq
29
naturel d’une activité libre et sans entrave. Sans quelques biens extérieurs, en
effet, l’homme ne peut «évidemment bien exercer cette activité.
47
PLATON, République, I, 352d-353e
48
ARISTOTE, Ethique à Nicomaque I, 7, 1097b 22 et 1098a 16
31
DEUXIEME PARTIE :
ANALYSE TOPOLOGIQUE DE LA VERTU
32
L’âme humaine trouve ainsi, dans la pratique des vertus et dans l’exer-
cice de ses facultés raisonnables, sa satisfaction la plus haute. En d’autres
termes, on peut dire que l’activité vertueuse porte en elle-même son prix.
En tout cas, la vertu dont il est question ici ne réside pas dans celle du
corps, mais dans celle de l’âme. Elle est fondée sur une activité morale qui
permet d’atteindre le bien. En fait, la réalisation de la nature de l’homme ne
peut se faire qu’à partir de ce qui lui est propre et le distingue des animaux,
c’est-à-dire, sa raison. D’après Aristote, la recherche de la vie heureuse ne peut
se comprendre que par l’exercice de la vertu proprement humaine qu’est
l’aptitude à la vie raisonnable.
49
ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, 5, 1097a 28 sq ; b 14-15
50
ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, 8, 1099a-9
33
est relative aux choses et aux réalités contingentes est appelée par Aristote
tantôt faculté d’opiner ou faculté de calculer caractérisée par la possibilité de
juger faux. C’est l’intellect pratique.
En un mot, admettons que les états par lesquels l’âme énonce ce qui est
vrai sous une forme affirmative ou négative sont au nombre de cinq à savoir
l’art, la science, la prudence, la sagesse et la raison intuitive car le jugement et
l’opinion, il peut arriver que nous soyons induits en erreur.
35
Dans ce cas, les vertus sont des actes volontaires et par sa valeur, elles
sont considérées comme une extrême dans l’excellence, mais par son essence,
c’est une médiété entre deux vices ont l’un par l’excès et l’autre par défaut.
Mais une telle action peut-être involontaire parce qu’elle est imposée par un
agent extérieure qui exerce une contrainte telle que l’ignorance qu’en est la
source d’une action involontaire.
Car ceux qui agissent mal, ignorent le plus souvent ce qu’ils devraient
faire et ils ne savent pas que leurs actions soient involontaires.
51
ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, II, 3, 1105a 30
36
qui proprement en soi possède la raison et ce qui ne fait que lui obéir à la façon
dont on obéit à un père. Et c’est à partir de ce moment là que nous devons
distinguer les vertus morales des vertus intellectuelles.
Pour mieux comprendre ce que sont des vertus morales, elles sont des
vertus qui relèvent du caractère ou des mœurs et qui sont relatives au plaisir et
à la peine et que le courage est un juste milieu entre la peur et la témérité. La
tempérance est un juste milieu entre le dérèglement et l’insensibilité. La
douceur ou la mansuétude est un juste milieu entre la colère et l’apathie ;la
libéralité est un juste milieu entre la prodigalité et l’avarice. La magnificence est
un juste milieu entre le manque de goût et la mesquinerie. La magnanimité est
un juste milieu entre la vanité et l’humilité, la véracité est un juste milieu entre la
vantardise et la dépréciation de soi. L’engouement est un juste milieu entre la
bouffonnerie et la rusticité, l’affabilité est un juste milieu entre l’obséquiosité et
l’esprit de chicane. La réserve est un juste milieu entre la timidité et l’effronterie.
La juste indignation est un juste milieu entre l’envie et la malveillance.
37
52
ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, I, 6, 1097B 25
53
ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, I, 6, 1098a 15
38
54
ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, II, 3, 1105a 32-33
39
entre les vertueuses et nous. Car selon Aristote, on ne se rend pas compte de
la rationalisation par l’état habituel. Bien sur, le désir reste désir, mais, il est
totalement soumis à la raison. En effet, là où le désir n’est pas totalement
soumis à la raison, il n’y a pas de vertu : il y a seulement ce qu’Aristote
appelle « continence » ou « maîtrise de soi ».
Voilà pourquoi, il fait ce qu’il doit faire en dépit des mauvais désirs qui le
tentent. Aristote affirme ainsi que la continence n’est pas vertu, mais un simple
mélange55. Elle désigne ici l’état définitif des avortons trop mal venus pour
parvenir à la vertu, à qui la nature n’a pas fait don d’un heureux naturel. Or, par
là même, la vertu ignore la tentation et la lutte qui déchire le continent. Car chez
le vertueux, la partie désirante est en pleine harmonie avec la raison56. Il ne
craint aucune chute puisqu’il ne subsiste rien qui puisse l’incliner au mal, car le
but visé étant le bien57. Car l’homme qui est vertueux ignore la honte d’avoir fait
mal et le repentir de ses actes, puisqu’il n’en commet jamais dont il puisse avoir
à rougir ou à se repentir.
Pour Aristote, l’intention est droite quand le désir qui l’anime suit la
prescription exigée par la raison. La vertu rectifie l’intention qui se traduit en
acte. Car agir selon la vertu, c’est suivre les normes de la vie normale, règles
qui s’avèrent immanentes à chaque être raisonnables. En fait, ce qui rend la
valeur de l’acte, c’est l’intention. Cela permet à Aristote de dire que « la fin
justifie les moyens ». Et par le moyen de la vertu, l’homme s’acquiert un état de
disposition habituelle : ce qu’Aristote exprime en terme de hexis : un avoir par
lequel l’homme acquiert une maîtrise de soi, principe de toute action vertueuse.
L’action vertueuse est une fin morale. Mais elle est aussi un moyen de parvenir
à la contemplation. Cette dernière manifeste la vertu intellective de l’âme qui
55
ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, IV, 15, 1128b 33-34
56
ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, I, 13, 15-25.III, 15, 1119b15
57
ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, I, 11, 1100b 19-20
40
58
ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, x, 8, 1178a34b-1
41
est alors un homme de métier, mais on n’est pas un courageux. En fait, on est
vraiment courageux quand on tient bon »pour la beauté du fait de tenir bon »59
ou comme Aristote le dit souvent, on est courageux quand on tient bon » parce
que c’est beau »60.
Faire les choses vertueuses pour elles-mêmes, c’est les faire pour la
beauté morale qui leur est immanente. Car la loi générale qui vaut pour toutes
vertus est que la beauté de l’acte est la fin que propose la vertu. Ainsi, c’est
tendre à cette beauté morale qui fait la droiture de l’intention. Pour Aristote,
c’est la morale objective qui est première. D’abord, il y a des choses
vertueuses, c’est-à-dire des comportements objectifs définis et prescrits par la
raison et dont la rationalité même fait la beauté, c’est-à-dire, la valeur objective
qui se communique à nos actes par l’intention. Cela veut dire qu’on la prend
elle-même pour fin de son action. Cela permet à Aristote d’affirmer que la fin
justifie les moyens. A vrai dire, le moyen qui est voulu pour lui-même, peut avoir
du caractère moral. Car il est moralement bon d’accomplir une grande et belle
action prix d’une petite malhonnêteté61 qui est une vie sous contrainte. C’est le
cas, par exemple, des guerres considérées comme des actions mauvaises,
mais qui ne sont pas mauvaises dans leur finalité. Le mensonge est certes, un
mal, mais quand on ment pour le bon motif, cela n’est pas un mal62. S’unir à la
femme d’autrui est un mal, mais si on le fait pour renverser un tyran, ce n’est
pas un mal, tels est le cas d’Oedipe qui a épousé sa mère après avoir renversé
son père et de Paris qui a épousé Hélène. Car le mal ne réside que dans
l’intention. On comprend dès lors qu’aux yeux d’Aristote, ce qui fait la valeur de
l’acte en captant la valeur objective de la chose prescrite par la raison, c’est
l’intention.
59
ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, III, 10, 1115b 12-13 ; IV1117a8
60
ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, III, 11, 1116a
61
ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, II, 1, 111a 19-23
62
Cas de bienséances diplomatiques même si elles ne sont pas nécessairement
mensonges
42
Tout ce qu’on retient de la morale d’Aristote, c’est l’idée que la vertu est
un juste milieu. Aristote rejoint ici la conception des penseurs grecs antiques
sur l’exigence de la vie morale » la juste mesure ». Dans le livre II de l’Ethique à
Nicomaque, il affirme que la vertu se trouve ruinée par l’excès ou par un
manque insuffisant, tandis que la modération la conserve63.
L’idée d’habitus ne suffit pas pour saisir ce qu’est la vertu : cette dernière
renvoie à un état intermédiaire qui se situe entre deux extrêmes, à savoir
l’excès et le défaut. Pour Aristote, l’application de la notion de juste milieu à la
vertu morale réside dans l’objet de la vertu qui doit être prise au sens de
quantité continue et divisible à l’infini64.
63
ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, II, 5, 1104a 15-30
64
ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, II, 5, 1106a 26-27
65
ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, III, 3, 1121b12
43
C’est ce que prescrit la règle morale que nous devons faire, le juste
milieu, c’est d’agir comme le dit la droite règle. En effet, il faut que l’action soit
mesurée et conforme à la mesure de la règle. Cette mesure est sans doute,
c’est pour Aristote, le vertueux66. Le vertueux est aussi le sage car c’est la
sagesse qui énonce la règle morale. En fin de compte, le juste milieu n’est que
pour Aristote la conformité de l’action à la règle morale.
66
ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, II, 6, 1113a 33
67
ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, II, 6, 1106 a 22
68
PLATON, Gorgias, 503d-504 a
44
peine pour permettre au mari d’être fidèle à sa femme, il ne doit pas négliger ni
courir auprès de celle du voisin. Car l’excès en ce genre est dérèglement, le
défaut insensibilité. La libéralité s’exprime dans une manière de donner ou de
recevoir des richesses également éloignées de l’avarice et de la prodigalité. La
justice modère le plaisir du gain pour permettre de respecter un contrat parce
qu’elle ne doit pas ni léser autrui ni se laisser léser soi-même
Elle trouve son exercice dans la répartition des biens entre les citoyens
ou dans des transactions entres les particuliers, vise à instituer l’égalité entre
les personne d é gal mérite à réparer l’inégalité qui résulte de la violation des
contrats ou de la violence, à proportionner enfin les rétributions aux services,
elle s’oppose principalement à la pléorexia, à l’ambition avide69. En tout cas, la
juste mesure définit, un idéal élevé, auquel on manque par excès ou par
défaut ; théorie du juste milieu n’équivaut pas à un éloge de la médiocrité ; elle
se rattache à l’idéalisme mathématique de Platon et des Pythagoriciens, qui
considéraient, l’univers comme un cosmos, lié par la proportion et offre un
modèle à l’activité morale de l’homme70.
69
ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, V, 1, 1129a32b-10
70
PLATON, Gorgias, 507e-508a et Timée 47b
45
n’aura pas toujours, s’il est vertueux, le même sourire, et il devra pouvoir se
mettre en colère.
La vertu est une disposition à choisir selon une règle, à savoir, la règle
suivant laquelle un homme vraiment vertueux, fait son choix et a une
pénétration morale. En regardant la possession la sagesse pratique, c’est-à-
dire, aptitude à voir ce qui est la chose bonne à faire selon les circonstances, tel
le cas d’un homme vraiment vertueux. Car, pour Aristote, l’homme prudent sera
l’homme qui voit ce qui est vraiment bon pour tel ou tel dans tel concours de
circonstance, il attache plus de valeur aux jugements moraux de la conscience
éclairée qu’à n’importe quelles conclusions a priori et purement théoriques.
Rappelons-nous que lorsque Aristote parle de la vertu, plus précisément d’un
milieu, il ne s’agit pas d’un milieu qui aurait à être calculé arithmétiquement,
voilà pourquoi, il ajoute dans sa définition « relativement à nous ». Ainsi, nous
ne pouvons pas déterminer ce qui est excès, milieu et défaut par des règles
71
ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, II, 1106b 36-1107a2
46
de suivre les critères de la droite règle qui détermine toutes les modalités de
nos actes.
La vertu ne peut être telle sans certaines dispositions, dont l’état habituel
qui rectifie l’intention et dont l’essence dans le juste milieu. Ce dernier est le
fruit d’une ascèse rationnelle conduisant à la maîtrise de soi.
En effet, il n’est pas toujours facile de devenir vertueux. Celui qui aspire
à l’être doit tenir compte de certaines conditions conformes aux critères de la
droite règle. Comme la vertu ne vise que le bien, l’homme vertueux doit
savourer le bien. Par conséquent, pour porter un jugement sur des différents
genres de vie, cela signifie que si tous les êtres vivants recherchent le plaisir, il
est à remarquer cependant que tous ne recherchent pas le même plaisir. C’est
la même chose pour le bonheur, la plupart ne le conçoivent pas de la même
façon car chacun a pour ainsi dire son bonheur ou son plaisir propre ou pour
déterminer là où réside vraiment le bonheur de l’homme, il faut considérer
l’activité spécifique e l’âme raisonnable. Il faut viser l’excellence de l’homme ou
la vertu dans son aptitude à la vie raisonnable72. Dans ce cas, pour s’assure
que le vrai bonheur de l’homme réside dans la pratique de la vertu, c’est-à-dire,
dans l’exercice de l’activité raisonnable, il suffit alors d’invoquer le témoignage
de l’homme vertueux. Prenons par exemple, si l’homme qui est malade, a de la
fièvre, ne juge pas du doux et de l’amer, du chaud et du froid, comme celui qui
est en bonne santé, l’homme raisonnable, lui non plus, ne juge pas de
l’agréable et du pénible comme l’intempérant et l’insensé73.
Or, c’est l’homme sensé qui est juge compétent en la matière. Car c’est
son jugement qui est considéré comme mesure du vrai et du faux, en fait, du
plaisir. Sur ce, le genre de vie qu’il préfère est le bonheur véritable. En effet ; la
vie vertueuse ne réclame pas le plaisir pour ornement, elle est agréable en elle-
même. Comme le bonheur consiste dans la pratique de la vertu, dans l’activité
raisonnable, l’homme vertueux se plait aux actions vertueuses, il ne serait pas
vertueux sans cela.
72
ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, IV, 3, 1176a 10-12, 8, 1099a 8-11
73
ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, IV, 3, 1176a 13-15, 3, 1173b23-25
48
La moralité ne peut se passer d’un idéal formel ; mais elle ne saurait tenir
dans des formules toutes faites. Elle a pour mesure une conscience vivante,
éprise d’harmonie idéale et soucieuse en même tems de la complexité du réel.
Aussi est-ce l’homme bien sensé, doué de bon sens moral, qui devient règle de
la moralité75.
74
ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, VI, 2, 1138b 20-25
75
ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, III, 4, 1113a33
76
ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, II, 6, 1106b36
49
contre, même si, tous les hommes sont d’accord sur ce point, la plupart d’entre
eux ne s’accordent pas sur la conception même du bonheur. Puisque les
hommes n’ont pas tous les mêmes inspirations, alors chacun son contenu
différent. Ainsi, la recherche des conditions objectives du bonheur consiste à
savoir ce que les hommes doivent vraiment rechercher pour réaliser le bonheur.
En tout cas, cette recherche s’effectue dans l’exercice guidé par la volonté.
Pour le flûtiste, par exemple, comme pour le sculpteur, le bonheur est de
maîtriser parfaitement son art et non pas simplement de produire une œuvre
d’art parfaite. Il devrait en être ainsi pour le bonheur de l’être humain, car le
bonheur doit couvrir la vie entière. En fait, le bonheur est en même temps le
chemin lui-même et le point d’arrivée.
TROISIEME PARTIE :
LA REALISATION DU SUJET VERTUEUX
51
tous ses habitants. Et comme, la Cité est un tout composé de ses multiples
parties que sont les citoyens, on peut dire que l’essence de ces derniers varie
suivant les divers régimes politiques et diverses formes de gouvernement. Par
ailleurs, selon la définition qui s’adapte le moins mal à tous ce que l’on appelle
de ce nom, le citoyen au sens absolu est celui qui participe de façon
permanente à ces pouvoirs délibératifs et judiciaires qui représentent l’autorité
suprême. Pour Aristote lui-même, seul est citoyen, l’homme qui a la possibilité
d’accéder au Conseil ou aux magistratures ; et l’Etat est la collectivité des
citoyens en possession de ce droit et en nombre suffisant pour assurer à la Cité
sa pleine indépendance, son autarcie c’est-à-dire se suffit à soi-même.
Sur le plan pratique, c’était une question sans cesse évoquée dans les
procès devant les tribunaux comme en témoignent tant de discours des
orateurs attiques, et sur le plan de l’éthique en général, c’est la question
capitale de l’identité de la morale sociale et de la morale individuelle qui est
posée ici. Sur la Politique d’Aristote, il affirme que les constitutions son bonnes
ou mauvaises suivant qu’elles sont plus ou moins adaptées à la vraie fin de
l’Etat qui est de promouvoir la vertu parfaite et le bonheur des citoyens. Dans
cette perspective, si la cité est une sorte de communauté des citoyens à un
gouvernement. Dès que la forme du gouvernement devient spécifiquement
autre ou simplement différente. Il est inévitable que la cité ne soit plus la même,
tout comme nous disons qu’un chœur, tantôt comique, tantôt tragique, n’est pas
le même, bien que souvent il est composé des mêmes personnes pareillement,
n’importe quelle forme de communauté ou unité de composition est autre si la
forme de la composition est autre. Il est clair que c’est avant tout la constitution
qu’on doit considérer pour dire qu’une cité reste la même. De même que
chaque matelot est l’un des membres d’une communauté, ainsi en est-il du
citoyen. Ces matelots ont beau différé par leur capacité dont l’un rameur, un
autre pilote, une autre la vigie, un autre reçoit quelque autre dénomination du
53
Dans le chapitre IV, le plus important du livre III, Aristote vise moins à
rectifier des opinions comme celle qu’exprime Thucydide « qu’être bon citoyen,
c’est-à-dire un membre utile à la cité quelle que soit sa constitution, c’est être
un homme de bien » que celle que défendait Socrate affirmant l’unité de la
vertu « la vertu est une et la même dans tous ceux qui possèdent et que la
vertu du bon citoyen et celle que l’homme de bien sont identiques ». C’est
d’ailleurs un des principes fondamentaux de la République où Platon implique
l’analogie de l’Etat et de l’individu et qui ressort de façon évidente de l’examen
des régimes défectueux et des tempéraments sociaux pervertis. Selon le
Gorgias, la vertu du bon citoyen consiste à amener ses concitoyens à ce dont
résultera leur amélioration. Au contraire, pour Aristote, il admet ce principe dans
quelques cas, c’est-à-dire, dans la constitution parfaite, les deux types de
vertus sont distinctes ; la vertu varie avec la fonction que remplit une personne
et comme la fonction d’un bon citoyen dépend de la constitution, sa vertu qui
consiste à savoir gouverner et être gouverné et non uniquement à savoir bien
délibérer et bien juger, varie avec la constitution : elle n’est pas absolue,
parfaite, comme celle de l’homme de bien. Ainsi de même que la constitution
est la garante e la permanence de l’Etat, elle détermine aussi la relation qui
existe la vertu e l’homme et celle du bon citoyen. Par conséquent, identifier la
vertu du bon citoyen et vertu de l’homme de bien, c’est ignorer les différences
entre les constitutions et aussi les différences entre le gouvernant et le
gouverné dans la meilleure de constitution.
Socrate, il reconnaît que la vertu du bon citoyen est sous sa forme la plus
haute, c’est-à-dire dans le cas du gouvernant sous la meilleure des
constitutions, identiques à celle de l’homme de bien. Aux yeux d’Aristote, la
vertu du citoyen n’est pas absolue, parce que la notion des citoyens varie
suivant les diverses constitutions. En effet, si le citoyen est des marins dans
leurs diverses fonctions à bord du navire, comme nous l’avons expliqué, ils sont
différents les uns des autres : assurer les uns, la sécurité de la navigation et les
autres le salut de la communauté civique. On peut dire quand même que d’une
part la vertu du citoyen est nécessairement relative à la constitution, comme la
vertu de l’épouse et de l’esclave est relative à l’époux et au maître. Et d’autre
part, puisqu’il y a plusieurs espèces de constitution et que la vertu parfaite est
seule et unique, la vertu du bon citoyen qui revêt diverses formes suivant les
constitutions, ne saurait être identiques à la vertu parfaite de l’homme e bien qui
elle n’a qu’une seule forme.
Aristote emploie une autre méthode pour bien assimiler une différence
spécifique entre la vertu du bon citoyen et celle de l’homme de bien. Sur ce, il
montre que l’Etat idéal ne peut comprendre uniquement des gens de bien, mais
que tous les membres de cet Etat doivent posséder la vertu du bon citoyen
sinon ce ne serait pas l’Etat idéal. Toutefois, cette vertu à la différence de la
vertu toujours une de l’homme de bien, varie comme excellence des marins,
suivant la fonction de chacun et lui permet de remplir convenablement sa
tache ; ainsi vertu du bon citoyen et vertu de l’homme de bien ne sauraient être
identiques pour tous, même dans cet Etat disons idéal.
vers les biens sensibles, bien, en réalité, ne sont pas aimés pour eux-mêmes,
nous les aimons pour notre propre avantage. Si nous désirons que le vin soit
bon, c’est uniquement parce que cela nous est agréable, ce n’est pas par
amour pour le vin, mais bien pour nous. Cet amour concupiscence est
intéressé : on aime l’ami pour lui-même. Noter amour s’achève et se repose en
ami. Voilà pourquoi l’ami ne peut être que l’homme puisqu’on ne peut aimer
d’une manière désintéressée qu’un certain bien absolu au moins qui se
présente tel. En effet, ce désintéressement de l’amour est le premier caractère
de l’amitié. Il nous révèle sa noblesse particulière.
L’amitié semble encore être le lien des cités et attirer les soins des
législateurs plus que la justice. La concorde qui semble en quelque mesure à
l’amitié parait être l’objet de leur principale sollicitude, tandis qu’il cherche à
bannir tout particulièrement la discorde qui est l’ennemi de l’amitié. D’ailleurs, si
les citoyens pratiquaient entre eux l’amitié, ils n’auraient nullement besoin de la
justice ; mais même en les supposant justes, ils auraient encore besoin de
l’amitié et la justice à son point de perfection parait tenir de la nature de l’amitié.
57
En fin de compte, l’amitié » est nécessaire. De toute façon, les discussions que
suscite l’amitié sont nombreuses : Les uns la fondent sur une sorte de res-
semblance et disent que se ressembler, c’est aimé. De même, ces proverbes
« le semblable est attiré par le semblable ». D’autres par contre, déclarent que
tout ceux qui ont ressemblance se comporte les uns avec les autres en
véritables potiers. Pour Héraclite, tout naît du contraire, la belle harmonie naît
du contraire et tout provient de la discorde.
L’amitié est fondée sur l’utilité. L’utile parait être ce qui nous procure un
bien ou un plaisir de sorte que le bien et l’agréable en tant que fins seraient
dignes d’amour. Aimons-nous ce qui est bon en soi ou ce qui est bon
relativement à nous-mêmes. Les deux critères du bien ne s’accordent pas
toujours. Il semble que tout homme aime ce qui est bon pour lui et ce qui est
bon et aimable, chacun trouve aimable, non pas exactement ce qui bon pour
lui, mais ce qui lui parait bon. Nous pouvons définir, en effet, d’aimable ce qui
parait bon. Nous n’employons pas le mot amitié pour désigner l’attachement
que nous avons pour les objets car ils ne peuvent nous payer en retour d’amitié
et nous ne pouvons leur vouloir du bien. C’est ridicule, par exemple, de dire
qu’on veut du bien au vin, à moins de faire entendre par là, qu’on désire sa
conservation, afin de pouvoir l’utiliser. En revanche, on dit couramment qu’on
veut le bien d’un ami, non pour soi, mais pour lui. Les gens animés de ce désir
s’appellent bienveillant, même si leurs sentiments ne sont pas payés de retour.
Car la bienveillance, quand elle se montre réciproque, devient une amitié.
L’amitié exige non seulement ces bonnes dispositions réciproques mais aussi
qu’on veuille le bien d’un ami.
La justice est aussi une condition de bonheur. Elle est une vertu résidant
dans la juste mesure, une vertu morale qui fait rendre à chacun ce qui lui est
dû. Elle joue un rôle important dans l’action humaine. Car une chose juste est
conforme à la droite règle et en même temps, à la raison. A ce sujet, tout
d’abord, elle comporte un double sens : ou bien c’est l’observation des nomima,
c'est-à-dire, des règles de conduite, lois écrites ou coutumes qui concernent
nos relations avec nos semblables, en ce sens la justice est en quelque sorte
l’universalité des vertus. Ou bien, c’est une vertu particulière concernant d’un
coté, le partage des biens entre tous les membres de la communauté ; d’autre
coté, c’est l’échange de ses biens soit par consentement mutuel, soit aux
dépens d’une des parties.
-la justice distributive, en tant que vertu distincte, elle consiste à faire un
partage des biens entre les personnes. La tache de la justice distributive est de
faire ce partage selon ce que valent individuellement ces personnes de manière
que ne soit pas inégale la part de celles dont le mérite est égale, ni égale la part
de celles dont le mérite est inégale.
La justice a pour objet propre le droit qui régit la participation des biens
communs avec leurs avantages et leurs charges et les diverses modalités du
droit positif ou coutumier, le droit privé, le droit public, le droit domestique. Les
autres droits se réfèrent toutes à un droit de nature, immuable, éternel qui a
partout la même force et qui ne dépend pas de l’opinion, bien qu’il soit comme
tout ce quoi est humain, à certaines vicissitudes dont les sophistes ont pris
prétexte pour nier qu’il y eut un droit naturel. Il est propre aux hommes libres,
seuls possesseurs de la raison et maître de soi, à qui il appartient à titre égal de
77
ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, VI, 1134b15
78
ARISTOTE, Ethique à Nicomaque VII, 1134b18sq
60
prescrire la règle et de s’y soumettre ; mais il ne s’applique pas à ceux qui sont
au pouvoir d’un autre et ne possèdent ni raison, ni volonté ni droit proprement
dit tel que l’esclave par nature. La justice revendique l’équité contre l’égalité
niveleuse qui est le principe de la démocratie et d’où procèdent toutes les
revendications et tous les conflits. L’équité, forme supérieure de la justice, est
plus valable qu’elle, en ce qu’elle corrige et adoucit la justice légale, tempère la
justice stricte et remédie aux déficiences ou aux abus de la loi. Ayant objet le
général, n’est pas capable de se prononcer avec une parfaite justesse sur les
cas particuliers, comme eut fait le législateur s’il était présent ou s’il avait en
connaissance du fait, usant comme les biens, non d’une règle de fer mais d’une
règle de plomb susceptible de s’adapter à la forme de la pierre.
61
Aristote définit la vertu morale comme étant un état habituel qui rectifie
l’intention, dont l’essence est d’être un juste milieu personnel à chacun de nous,
juste milieu qui a pour norme une règle rationnelle, celle-là même que lui
donnera pour norme le sage79. Mais cette définition fait appel à une idée qui n’a
pas été encore élucidée, celle de la sagesse. En effet, vertu morale et sagesse
s’inclinent réciproquement. Toutes les deux sont interdépendantes et
complémentaires. D’où on ne peut pas définir l’une sans l’autre. Car le concept
sagesse est l’un de concepts les plus originaux de la morale aristotélicienne. La
sagesse a le caractère pratique qui fait d’elle une vertu intellectuelle et le
caractère pratique qui font de cette connaissance d’un type très spécial.
La sagesse n’a pas dès lors les principes pour objet puisque le propre du
sage est d’avoir une démonstration pour certaines choses. La sophia pratique
procède d’une démonstration qui, comme la science, ne saurait atteindre les
principes ; lesquels sont hors du domaine de toute démonstration. Aristote
conclut que le noùs seul est apte à saisir les principes. Car les principes ne sont
pas connaissables par la discussion. Il échappe ainsi à l’emprise de la science
et de la sagesse pratique qui font, l’une et l’autre, appel à la démonstration. Le
noùs, seul les saisit à l’aide de l’induction. La sagesse pratique est capable de
démontrer toutes les sciences.
79
ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, VI, 7, 1141, A, 15-62
80
ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, VI, 7, 1141a15-20
62
l’intellect en tant que faculté des principes exerçant son activité par la
contemplation, c’est-à-dire par la pure spéculation, le savoir théorique. Elle
suppose l’exercice de la faculté intellectuelle, celle qui saisit les premiers
principes, la raison suprême de la chose. La vertu de l’intellect ou la sagesse
théorique. La sophia est la plus haute vertu de l’âme humaine et dans l’exercice
de cette vertu, dans la vie contemplative réside le bonheur le plus parfait. Par
ailleurs, l’activité contemplative est la plus pure dans toutes les activités de
l’âme, elle est la plus haute destination de l’homme si elle correspond à
l’accomplissement de sa nature raisonnable, lui demeure le plus souvent
inaccessible ; elle est le privilège de la nature divine. En effet, le sage doit
connaître les conclusions découlant des principes et encore possédant la vérité
sur les principes eux-mêmes. Car la sagesse est à la fois raison intuitive et
science. De plus, la sophia est le noùs, en tant qu’elle appréhende les
principes. Elle est la vertu complète spéculative. Chez Aristote, la meilleure
façon de traduire le terme sophia, c’est par philosophie. Ainsi, tout le monde
comprendra que ce qui est pour Aristote la vertu suprême et le principe du
bonheur, c’est un état strictement intellectuel. Et la philosophie joue un rôle
prépondérant dans l’activité de l’esprit. C’est aussi l’état habituel qui habilite
l’intellect spéculatif. A vrai dire, ce sont les exigences mêmes de ce rôle qui
vont nous permettre d’en préciser la nature en montrant d’abord que la
philosophie est une science couronnée d’intelligence et ensuite qu’elle est la
science des êtres les plus sublimes.
Science munie en quelque sorte d’une tête et portant sur les réalités les
plus hautes81. Et ce n’est pas n’importe quelle science qui peut ainsi s’achever
dans l’intuition des principes. Elle est, comme dit Aristote, science des êtres les
plus sublimes82. En effet, la philosophie ou la sagesse suprême n’est encore
qu’un état habituel ; elle nous rendons capable de faire une activité
contemplative dans laquelle seule résident le Souverain Bien et le bonheur de
l’homme.
Car le bonheur est une activité conforme à la vertu. Il est rationnel, parce
qu’il est une activité conforme à la plus haute vertu. Et celle-ci sera la vertu de
la partie la plus noble de nous-mêmes et c’est par la vie contemplative qu’on
atteint le bonheur. Cette activité est la plus haute puisque l’intellect est la
meilleure partie de nous-mêmes. C’est que les objets sue lesquels pores
l’intellect est les plus haut de tous les objets connaissables83. En effet, grâce à
ces objets que les autres ont un sens. Par exemple, si le premier moteur n’est
pas, il n’y a aucun mouvement
81
ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, VI, 7, 1141a15-20
82
ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, VI 7, 1141b5-10
83
ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, X, 7, 1177a 158-25
64
En effet, l’homme imite Dieu par la sagesse autant que cela est possible
à un être qui n’est ni bête ni Dieu, l’une incapable de participer à la vie
commune, l’autre n’en ayant pas besoin parce qu’il se suffit. Etant le bien
absolu et parfait, il est transcendant. Dans la mesure où l’homme participe à la
divinité, il doit, autant qu’il le peut, réaliser en lui la vie divine, c'est-à-dire, la vie
de l’Etre nécessaire qui est le Bien et le Beau absolu. Ces attributs lui confèrent
le noble rang de principe, étant Acte pur.
libre du sujet moral. Mais ce n’est pas de la même manière que la sagesse et la
vertu morale dirigent l’action, corollaire d’une décision délibérée ou d’un
jugement critique de la pensée spéculative qui en justifie la véracité. Tandis que
la vertu morale en dicte l’exercice en l’ordonnant vers le bien. Ici réside
l’originalité de la pensée aristotélicienne : la sagesse comme conscience
agissante, est en même temps juge du bien. De ce fait, elle décide en dernier
ressort pour commander l’acte permettant d’atteindre ce bien. Et l’on sait que
pour Aristote, tous les hommes désirent naturellement connaître pour agir et
dominer. Ce double aspect de la raison spéculative et délibérante fait la
complexité de la doctrine aristotélicienne de la sagesse.
C’est par la sagesse pratique que l’on parvient à la sagesse de vie qui
est un acte de vivre. Par là même, on peut dire que la morale d’Aristote est une
morale, non de la conscience mais un cheminement en quête du bonheur qui
s’identifie à la contemplation. Comme la sagesse est la plus haute et la plus
noble de toutes les vertus, le sage est celui qui sait bien mener sa vie et
pratiquer les actes vertueux en vue du souverain bien qui est le bonheur de
l’homme.
Cette conception est de Socrate. Mais elle a été reprise par Aristote à la
suite de Platon. Ici, on se base sur les rapports entre le savoir et l’expérience.
On sait très bien que l’expérience est une connaissance et ce savoir n’est que
le fruit de l’apprentissage. Corrélativement, la vertu ne peut être telle que dans
son rapport avec l’action et les passions. Car toutes les deux sont inséparables.
L’action morale a pour objet les choses justes, belles, bonnes pour l’homme. Et
l’homme de bien peut les accomplir naturellement et vertueusement car une
vertu est vertu parce qu’elle est nécessairement conforme à la droite règle.
partir de la bonne habitude, c’est pour cette raison qu’elle ne peut s’acquérir
que par l’acte qui vise le bien. Et ce qui est visé, est le bonheur. C’est pourquoi,
toute activité humaine tend toujours vers le souverain bien. C’est parce que le
bonheur est une activité conforme à la vertu la plus noble que la vertu morale
qui rend droite la fin. Elle est ainsi dans l’intention, corrélat de la fin86. Aristote le
suppose partout et il le dit expressément à l’égard de la vertu. Par conséquent,
le science ou la philosophie morale n’est pour Aristote ni science, ni philosophie
mais une sagesse qui a été assimilée à la phronésis : le soin de connaître la fin.
En effet, il ne suffit pas de savoir mais il faut aussi désirer. C’est ce désir que
rectifie la vertu. Car la règle morale suffit à faire poser effectivement l’action.
Pour le sage, la grande affaire est de vivre et par conséquent d’agir car
une vie privée de toute action théorétique ou pratique est une vie indigne d’être
vécue. C’est du moins ce que pensera plus tard André Malraux dans Les
conditions humaines, à la suite d’Albert Camus dans la Peste face aux ravages
de la peste incorporant le mal et s’interroge si la vie vaut la peine d’être vécue.
Évidemment, le sage en imitant Dieu estime que vivre en indissociable de
pensée.
86
ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, VI, 13, 1144a 5-25
68
et pensée de la pensée, il est principe de tout ce qui est ; alors que l’homme qui
se trouve dans le monde de la matière ressemble à Dieu dans la mesure où il
parviendra à s’affranchir e tout ce qui ressort de l’accidentel. En effet, il ne peut
sans doute agir comme Dieu. Car il n’est pas du tout un Dieu caractérisé par sa
responsabilité de toutes les vicissitudes de la contingence. Dans ce cas, il doit
agir en homme. Mais, c’est précisément en agissant ainsi qu’il se rendra
semblable à Dieu autant qu’il le peut. En d’autres termes, agir bien quoi qu’on
puisse le dire, c’est supporter vaillamment les épreuves de la vie quoi qu’il
arrive. Il s’agit de se détacher de tout ce qui n’est pas nécessaire afin de ne
dépende que de soi par sa pensée et Dieu qui est finalité de nos actions. Voilà
ce qu’est être homme. En tout cas, le sage est un homme possédant tout ce qui
caractérise, certes, l’homme qui tend à devenir meilleur. Le propre du sage est
d’exercer les vertus durant toute sa vie et par delà la mort.
Aux yeux d’Aristote, être soi et pour être soi, il faut vivre et agir en
homme, tel qu’il recommandé par la maxime du sage. Ce dernier est le modèle
en qui résident le principe et la fin de son action. Car, si l’action seule importe,
c’est que compte le bien qu’il confère, non le succès. Car le succès dépend des
dieux87.
Bref, une vie bienheureuse est une vie conforme à la sagesse qui
constitue l’essence de l’homme. Les vertus dianoétiques l’emportent sur les
vertus éthiques comme le savoir commande à toute notre action. Et c’est dans
cette perspective que l’on peut devenir vertueux qui est le but visé.
87
Démosthène le proclame dans son discours de la couronne 321 et ARISTOTE dans
l’ Ethique à Nicomaque, III, 6, 1115a32
69
CONCLUSION
propre et la fin ultime de la nature humaine. Selon Aristote, le bien est requis
par l’acte propre de chaque être. D’un coté, cet acte s’exerce en vue de son
bonheur qui réside dans l’activité contemplative de l’âme vertueuse. De l’autre,
il obéit à la nécessité de son être. Il est, pourrait-on dire, l’excellence de la
partie essentielle de l’homme : l’âme rationnelle ou irrationnelle caractérisée par
les vertus dianoétiques et éthiques. Elles expriment tout de même l’excellence
de ce qui est accessible aux exhortations de la raison. En fait, par l’exercice des
actes vertueux, l’homme peut atteindre le bien qui n’est que la finalité de la
vertu. Avec Aristote, le bien que nous cherchons n’est pas un bien universel et
abstrait, c’est-à -dire, extérieur au monde comme l’Idée platonicienne du Bien.
Mais il est à notre portée, à notre mesure et approprié à nos besoins. Quand on
a pu se procurer de ce bien propre, l’homme est heureux. Le but visé est
atteint. Car il ne suffit pas de reconnaître le bien pour le faire. Parce que la
passion peut s’immiscer dans le savoir du bien au cours de la réalisation. Et la
moralité n’est pas seulement de l’ordre du logos, puisqu’elle est rationnelle
dans son principe, mais elle se réfère à la raison droite. De ce fait, le précepte
ancien « rien de trop » reste toujours valable pour qu’elle n’existe qu’en
situation.
Chaque vertu est définie à partir d’un certain type de dispositions propres
à l’homme. Il en est ainsi de la perspicacité pour le courage, de la richesse pour
la libéralité, le plaisir pour la tempérance, de la grandeur pour la magnanimité.
Par conséquent, l’éthique d’Aristote, qui est purement informative et formative,
est exposée selon un schéma classificatoire de l’homme qualifié de vertueux.
La prudence est alors considérée comme une vertu populaire qui implique la
capacité de délibérer sur les choses contingentes, c’est-à-dire, des choses
pouvant être autrement qu’elles ne sont. A la différence de la sagesse, la
prudence n’est pas une science, mais un jugement qui permet le discernement
correct des possibles. L’habileté du vertueux guide la vertu morale en lui
indiquant les moyens d’atteindre ses fins. Par là, l’homme acquiert lui-même
une vertu morale. Car normalement, il n’est pas toujours licite d’être maladroit
quand on veut le bien. La prudence n’est sans doute pas la forme la plus
achevée du savoir, étant la capacité de discerner et de réaliser le bien de
71
Pour Aristote, une autre qualité est requise pour être vertueux : la justice
a pour fonction d’attribuer à chacun son du. Ce que Platon appelle justice
distributive. Mais Calliclès estime que ce genre de justice reflète la domination
du puissant sur le faible et sa supériorité admise est érigée en droit. En effet,
selon Calliclès, la justice est le droit du plus fort (République).Une telle
disposition autorisant l’homme à ne pas toujours accomplir des actions justes et
bonnes. En fait, la faiblesse de la loi si bien fait qu’elle soit, qu’elle est générale
et qu’elle ne peut prévoir tous les cas. D’où la nécessité d’une justice qui ne se
laisse pas enfermer dans les formules, mais qu’elle puisse au moins considérer
les cas particuliers. Ce qu’Aristote appelle l’équité. Ce qui fait la valeur de
l’équitable réside précisément dans le fait qu’elle ne regarde pas le droit en
général, mais le droit particulier qui n’est pas énoncé dans le droit en général
car le droit est ce qui est conforme à la nature normale.
Et comme la sagesse est la plus excellente de toute vertu, est alors sage
celui qui est réfléchi et modéré à l’égard des règles de la raison et de la morale.
Il évite, dans ce cas, les excès et les défauts. La vertu de sagesse est au
sommet : elle implique ces deux vertus intellectuelles inférieures. Etant au
sommet elle domine ; elle peut ordonnée tout ce qui lui est inférieur, mais
surtout elle peut contempler à sa manière ce qui est ultime et dernier. On
comprend, par là, l’orientation de la philosophie aristotélicienne, une pensée de
l’immanence. C’est pourquoi, il n’est pas si facile de devenir vertueux, car il
faudrait avoir un rare degré de maîtrise de soi face à ses responsabilités
d’homme. Cela exige une ascèse rationnelle qui est propre de la réflexion
philosophique dans ces fonctions critiques et cathartiques : critique puisque le
vari philosophe est un homme sans préjugé disait Socrate, et cathartique
également puisqu’il faut purifier les yeux des hommes pour s’ouvrir à un monde
qui dépasse les apparences. Face à tout cela, la mission du philosophe
consiste alors à associer la pensée et l’action dans l’unité organique d’une
72
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES D’ARISTOTE
ARISTOTE, La politique, Tome II, Texte établi et traduit par Jean Aubonnet,
Paris, Les Belles Lettres, 1971
AUTRES OUVRAGES
BRUN Jean, Aristote et le Lycée, Paris, PUF, [Que sais-je ?], 1982
INTRODUCTION ..................................................................................... 1
PREMIERE PARTIE : LES SOURCES DE LA PHILOSOPHIE
ARISTOTELICIENNE.............................................................................. 6
I.1 PLATON ET L’ESPRIT GREC............................................................ 7
I.1.1 Vers un idéal de justice : « le rien de trop » ............................ 7
I.1.2 Bien, une prudence dictée par la mesure et la proportion ..... 11
I.1.3 La justice chez l’individu et l’Etat ........................................... 16
I.2 CRITIQUE ARISTOTELICIENNE DE L’IDEE DU BIEN.................... 21
I.2.1 Critique de la théorie des idées : ........................................... 21
I.2.2 Analyse du Bien et de l’Etre .................................................. 25
I.2.3 Le Bien, principe te fin de l’action humaine ........................... 27
DEUXIEME PARTIE : ANALYSE TOPOLOGIQUE DE LA VERTU............... 31
II.1 LES DIFFERENTS TYPES DE VERTU........................................... 32
II.1.1 Les vertus intellectuelles ...................................................... 33
II.1.2 Les vertus morales ............................................................... 35
II.2 LES MANIFESTATIONS DE LA VERTU ......................................... 37
II.2.1 L’habitus : disposition de l’âme vertueuse ............................ 37
II.2.2 Le juste milieu ...................................................................... 42
II.2.3 Règles pratiques pour atteindre la vertu .............................. 46
TROISIEME PARTIE : LA REALISATION DU SUJET VERTUEUX .............. 50
III.1 LES QUALITES DU SUJET VERTUEUX ....................................... 51
III.1.1 La vertu du bon citoyen et de l’homme du bien ................... 51
III.1.2 La nécessité de l’amitié en tant que vertu sociales ............. 55
III.1.3 Le vertueux vivant de la médiation éthique ......................... 58
III.2 LA SAGESSE PHILOSOPHIQUE................................................... 61
III.2.1 La sagesse contemplative ................................................... 61
III.2.2 La sagesse pratique ............................................................ 65
III.2.3 Le connaître et l’agir ............................................................ 66
CONCLUSION....................................................................................... 69
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................... 74