Vous êtes sur la page 1sur 51

UNIVERSITE CADI AYYAD ‫جامعة القاضي عياض‬

-------- ------
Faculté des Sciences Juridiques ‫كلية العلوم القانونية‬
Economiques et Sociales ‫و اإلقتصادية واإلجتماعية‬
------ --------
Marrakech - Maroc ‫ المغرب‬- ‫مراكش‬

Professeur Mohsine El Ahmadi

Introduction à la Science Politique

Année académique : 2021-2022

0
Introduction
J’ai toujours pensé, et je continue de le faire encore, que l’étudiant est un être doté de
raison, doué de faculté de discernement et d’élan créateur. Aussi, est-il une personne sensible aux
idées, ouverte aux principes de l’apprentissage et de l’auto-apprentissage. Bref, il est susceptible
de se transformer en subjectivité agissante dans le domaine universitaire. C’est exactement ce
postula pédagogique que j’ai appliqué dans le cadre des Travaux Dirigés (les fameux TD) depuis
le tout début de ma carrière académique en 1999 comme enseignement-chercheur à la Faculté de
Droit Cadi Ayyad de Marrakech. Ensuite, c’est à partir de 2010 que j’ai adoptée la pédagogie
interactive américaine et le concept de la classe inversée à l’adresse des étudiants du Semestre 1
en Science Politique. Je veux parler ici du cours interactif que j’ai appris aux Etats-Unis
d’Amérique lors de mon séjour académique comme Fulbright à l’Université Georgetown1 de 2009
à 2010 en un premier temps, et comme intervenant aux différents programmes Semester Abroad à
Amideast et IES (Chicago/Rabat). Effectivement, le cours d’"Introduction à la Science
Politique" est le fruit de ces efforts entrepris depuis l’adoption de cette matière. Il est en quelque
sorte le résultat de la participation des étudiants studieux, qui ont pris soin d’appliquer la
pédagogie interactive telle que décrite ci-dessous :

Informations Activité Production But pédagogique

Cette démarche se fonde sur la lecture de textes relatifs au sujet de la séance avant de venir
en cours, ainsi que sur une petite recherche personnelle de la part des étudiants sur le concept
politique central de la semaine, sur la conférence du professeur et finalement une discussion
marque la fin de la séance. En vue de la préparation de la séance à venir, des orientations sont
données aux étudiants pour préparer le thème du cours prochain sanctionné par un support écrit.
Les étudiants ont saisi la portée formatrice de cette démarche et certains d’entre eux ont participé
de manière volontaire à des travaux de recherche sur différents thèmes tels que ceux de la
pédagogie, la didactique, l’épistémologie, l’Etat, la démocratie, la domination, les partis
politiques, les mouvements sociaux, les organisations syndicales, etc.

1
En 2009 j’ai eu l’honneur de recevoir la bourse Fulbright de la Commission Morocco-Américaine
(MACECE) qui m’a permis de mener une recherche à Georgetown University à Washington DC sur le
thème de : Power and Religion in North Africa (Pouvoir et Religion en Afrique du Nord) en 2010 en
collaboration avec professeur John O. Voll. Après mon retour j’ai continué ma collaboration dans le cadre
du Semester Abroad Studies à Amideast Rabat et International Education of Students (IES).

1
De cette dynamique, une petite élite a émergé parmi les étudiants espérant qu’un jour ces
derniers prendront la relève générationnelle, et pour cause, la formation des futurs professeur-
chercheurs en science politique doit commencer dès aujourd’hui. A vrai dire, l’enseignement
supérieur ne peut remplir sa finalité, celle de la transmission des paradigmes et la constitution
d’une communauté académique, que si la relève générationnelle est assurée dès maintenant à
l’aide de la maitrise de certains concepts et théories politiques. Ce moment scientifique pourrait
indéniablement nous renseigner sur deux choses: les catégories cognitives de la science politique
(cours magistraux et Travaux dirigés compris) de la génération universitaire en formation
actuellement dans les universités marocaines, et aussi sur celle de l’état d’esprit collectif
(Collective Mind Set) de toute une génération d’étudiants se constituant progressivement en
citoyens conscients et engagés sur la voie du vivre ensemble d’une part, et pour se préparer à
gouverner ou prendre part aux affaires de la Ras Public (la Polis), d’autre part.

A propos de la matière:
La décision d’enseigner la matière d’"l’Introduction à la Science Politique" aux étudiants
de la première année de la Licence dans les Facultés de Droit au Maroc a été prise par les autorités
à travers le Ministère de Tutelle en 2013 en remplacement de la matière de "Pouvoir et Autorité en
Islam". Ce changement a marqué un tournant important, pour ne pas dire un changement 2

paradigmatique (a Paradigm Shift) dans la manière dont l’Etat marocain légitime un mode de
connaissance donné et en délégitime un autre selon les intérêts en jeux, les clivages politiques du
moment et les lignes de démarcation idéologique : Gauche/Droite, Laïques/Islamiste,
Francisant/Arabisant, etc.). C’est dire que l’enseignement de la Science Politique en première
année de droit est très récent dans le curricula académique au Maroc bien que son existence
comme spécialisation remonte au début des années 70 au niveau de la 4eme année de la Licence
de Droit Public (Maitrise), à côté des Relations Internationales et des Sciences Administratives.
Cette décision marque la reconnaissance de la part des autorités de ce mode de savoir et qui, par
là-même, devient légitime face une autre épistémè se rapportant au champ "islamique de
connaissance".

En effet, l’Introduction de la Science Politique comme matière de tronc commun reflète le


"choix" des autorités publiques pour contrer la progression de groupes d’intellectuels religieux
suivant la logique d’institutionnalisation progressive d’un ensemble de champs des savoirs
regroupant le droit, l’économie, l’histoire, la sociologie, l’anthropologie, et la psychologie afin de
cantonner les "sciences dites religieuses" : la Sharia, et le Fikh dans les limites des départements

2
des études islamiques dans les Facultés des Lettres. Ceci explique, en partie, l’abondant de la
matière "Autorité et Pouvoir en Islam" en faveur de la SP.

D’autre part, cette légitimation de la science politique a été limitée car son rapport au Droit
constitutionnel est resté dominant et pour cause ce dernier est toujours considéré dans l’esprit des
architectes de la pédagogie universitaire comme la matière la plus noble d’entre toutes. Ceci est
clairement visible dans, d’une part, les relations entre professeurs de droit constitutionnel et ceux
de science politique, et d’autre part, l’association Marocaine de Droit Constitutionnel et
l’Association Marocaine de Sciences Politiques qui se sont disputées jusqu’à nos jours, la "parole
autorisée" auprès de l’autorité compétente.

Ce paragraphe s’inscrit dans le cadre d’un projet ambitieux, celui de tracer l’histoire de
l’enseignement de la science politique au Maroc depuis l’indépendance à nos jours, d’une part, et
d’en montrer l’évolution historique par rapport aux autres sciences sociales et de rendre compte de
sa place dans le champ des savoirs académiques d’autre part.

3
Chapitre I : Nature, objets et catégories de la "science" politique:

Parler de la science politique reviendrait d’abord à localiser cette discipline dans le temps
et dans l’espace. Au Maroc, la naissance de cette nouvelle forme de pensée scientifique est
controversée à double titre: certains trouvent son origine dans le legs des anciens penseurs
musulmans notamment Ibn Khaldun2, Al Mawardi3 en plus d’Ibn Taymiyya4. D’autres, par contre,
font remonter son début à la rupture d’avec la pensée classique des anciens et le début des temps
moderne avec Nicolas Machiavel, Thomas Hobbes et Jean Jaques Rousseau, etc. Ce clivage entre
les Anciens et les Modernes n’est en fait que le prolongement de l’opposition entre traditionalistes
et sécularistes et ne renvoie pas nécessairement à une rupture épistémique dans la perception des
phénomènes politiques au sein de la culture ambiante de nature religieuse.
D’ailleurs, cette opposition s’est reflétée dans l’enseignement de la science politique non
seulement au Maroc mais dans tout le Monde Musulman créant ainsi un "hiatus épistémique"
voire une dissociation entre les réalités vécues et observées, d’un côté, et le savoir politique
enseigné dans les facultés de droit, de l’autre côté.
L’enseignement de la science politique au Maroc est resté pendant longtemps dominé par
la tradition française qui a toujours favorisé les travaux des politologues français et les objets
majeurs du 19ème et 20ème siècle. Même les promesses de la décolonisation des sciences sociales 4

n’ont eu raison de cette dépendance épistémique5. Toutefois, le fait important du développement


de la science au Maroc postcolonial est celui de l’influence grandissante qu’ont exercé et
continuent de la faire encore les chercheurs américains depuis les années soixante-dix. Ceux-ci ont
marqué de leur seau les sciences sociales marocaines et notamment la science politique empirique
et quantitative. En ce sens, nous pouvons citer John Waterbury, William Zartman et Clifford
Geerts, etc.
A ce sujet, il serait important de confronter le contenu de la matière de science politique,
son objet, ses thèmes, ses théories et les méthodes appliquées dans les deux approches précitées.
Dans ce document, je me limiterai à la définition relativement consensuelle de la science politique
quoique discutable6, celle qu’en donne la communauté scientifique internationale malgré ses
divisions et ses oppositions.

2
Prolégomènes.
3
Al Ahkam Sultaniyya (Principes Princiers)
4
Ibn Jawz Al Qaymiyya Siyyassa Shar’iyya
5
Hassan Rachik et Rahma Bourqia, La sociologie au Maroc, in Sociologie, Théories et recherches, Open Edition
Journals, en ligne depuis le 18 octobre 2011, 3719 (accédé le 8 juin 2020).
6
Précision du professeur.
4
A. Nature de la "science" politique: Véritable science ou simple discipline?

«Voici le point central de l’affaire : Il n’y pas eu, jusqu’ici [dans la Grèce
Antique], de pensée politique véritable. Il y a eu, dans certaines périodes de
l’histoire, une véritable activité politique – et la pensée implicite à cette activité.
Mais la pensée politique explicite n’a été que philosophie politique, c’est-à-dire
province de la philosophie, subordonnée à celle-ci, esclave de la métaphysique,
enchainée aux présupposés non conscients de la philosophie et grevée de ses
ambigüités».7

1
Cette citation du philosophe franco-grec Cornelius Castoriadis nous renseigne sur le
problème du statut de la "science" politique, celle-ci mériterait t-elle vraiment le qualificatif de
science ? Ne serait-il pas plus judicieux de la qualifier de discipline tout simplement?
Si nous partons du modèle rigoureux des sciences dures (Hard Sciences) il serait très
difficile d’attribuer le qualificatif de "science" à toutes les "sciences" sociales et humaines
qualifiées de molles (Soft Sciences) à cause de la rigueur des premières et l’approximation des
secondes, notamment au sujet de leur degré de scientificité, d’objectivité, de neutralité et
d’imputation causale. Dans son livre "Essais sur la théorie de la science"8, Max Weber en
s’inspirant des travaux de son époque, notamment de l’"Introduction aux sciences de l’esprit" de
Dilthey sur les sciences a tenté de répondre avec clarté et rigueur à la problématique de la
différence entre les sciences naturelles et physiques par rapport aux sciences humaines (sociales
et culturelles). Toutefois, sa contribution majeure à la science politique comme objet et comme
nature se trouve ailleurs que dans ce livre, je veux parler du " Savant et le politique". Dans ce
dernier livre, il défini l’activité de l’homme de science et celle de l’homme politique.
A ce stade, nous considérons la "science politique" plutôt comme une discipline n’est non
pas une science rigoureuse et pour cause les sciences humaines constituent l’arène dans laquelle
s’affrontent les différentes puissances sociales et politiques avec leurs visions du monde
antagoniques. La question de l’objectivité de la science politique est réduite à son sens strict à
cause de l’impact de l’idéologie, des jugements valeurs et des choix conflictuels. Pour atténuer cet
antagonisme des valeurs, les politologues et les politistes en appellent au principe de la neutralité
axiologique qui veut sommairement dire que le chercheur doit adopter une attitude neutre à
l’égard de son objet de recherche en évitant tout engagement partisan si ce n’est celui pour la
7
Cornelius Castoriadis, Ce qui fait la Grèce, 1 : D’Homère à Héraclite, Paris, Seuil, 2004, 288 pages.
8
Max Weber, Essais sur la théorie de la science, (Recueil d’articles publiés entre 1904 et 1917), traduit de
l’Allemand et introduits par Julien Freund, Paris, Plon, 1965, 539 pages.

5
science et la vérité. Ce qui est tout à fait difficile sinon impossible dans le domaine politique où
l’homme est à la fois agent de connaissance et objet d’étude, domaine dans lequel se mêlent
opinions, valeurs, jugements et vérité(s). A ce propos je parlerai plutôt de distance que de stricte
neutralité.
Malgré la diversité des phénomènes politiques, nous adopterons la définition la plus
simple et la plus minimaliste afin de se représenter le plus clairement possible l’objet de la science
politique à savoir que la science politique est l’étude des phénomènes politiques qui ont traits au
pouvoir, à la domination et à la direction des sociétés ainsi que le gouvernement des hommes. A
ce sujet, il faut absolument distinguer quelques notions comme celle de la politique qui désigne la
vie politique en société, scène de confrontations entre les hommes politiques pour la prise du
pouvoir, la politique publique comme programme d’action mis en place par une institution
publique pour atteindre des objectifs préalablement définis ou finalement le politique comme
agent porteur ou détenteur de pouvoir.
Autrement dit, nous utiliserons désormais le qualificatif de "science" politique pour
désigner l’étude des phénomènes politiques dans le sens de l’activité humaine tendant vers la
gouvernance des hommes et des affaires de leurs cités. C’est dans ce contexte là qu’intervient
l’Etat comme une institution de domination et de régulation des conflits entre les différentes
6
puissances politiques se disputant le pouvoir.

B- Objet de la science politique:

L’objet principale de la science politique est donc celui de l’étude du processus par lequel
des groupes et des personnes animées par la volonté ou l’instinct de dominer cherchent à exercer
le pouvoir sur les autres hommes que ce soit par des moyens pacifiques (l’influence, la
démocratie) ou la contrainte physique (le coup de force). L’État représente l’Institution à l’aide de
laquelle les groupes en compétition ou en lutte s’appuient pour assoir leur domination. En ce sens,
la science politique et son corollaire la sociologie politique étudient les acteurs, les institutions (les
partis, les syndicats, les groupes d’intérêts et les mouvements sociaux), et leurs stratégies de
conquête du pouvoir ainsi que leur mode de communication politique.

6
Chapitre II : Définition de la "science" politique

Dans l’expérience historique européenne antique, le mot politique renvoie au terme grec de
Polis et qui signifie la ville ou la Cité-Etat dans la Grèce antique, celle de Socrate, de Platon et
d’Aristote par exemple. Ce vocable a évolué à travers le temps pour désigner le sens global de
Politikos "civilité" dans le sens de la société d’hommes libres et organisés. Le vocable de
Plolitea est aussi usité, quoique limité, pour signifier la constitution et donc la structure et le
fonctionnement d'une association d’hommes libres dans le cadre de l’Etat. La politique est donc
principalement ce qui a trait à la direction des affaires de la collectivité humaine. Un sens restreint
de la notion de Politikè se réfère à l’exercice du pouvoir et à la direction des affaires publiques de
la collectivité (Ras Publica).
A l’époque moderne, la notion de politique à peu évoluer par rapport à son sens originel,
cependant elle s’est enrichie notamment en anglais quant elle est utilisée comme "Politic" (la
politique) ou encore comme adjectif "Political" (politique), "Polity" (communauté ou société
politique), "Policies" (les politiques). Dans le cas du langage politique français, la politique et le
politique diffèrent en usage mais participent au même contenu sémantique. Ainsi, "le politique"
renvoie au complexe d’Etat, à la physiologie et aux formes de gouvernement, à la structure du
pouvoir et à son exercice entre ses différentes composantes désignées comme institutions
politiques: le législatif, l’exécutif, et le judicaire. Les personnes qui vivent "de" et "pour" la
politique sont appelées des hommes/femmes politiques car elles se sont professionnalisées dans la
vie politique pour réaliser leurs visées partisanes.
En clair, la politique désigne l’ensemble des activités, des interactions et des relations de
luttes et de coopération qui se développent et se structurent au sein de l’espace autonome de la
lutte pour la conquête et l’exercice du pouvoir. Il est possible d’étendre cette définition aussi au
terrain d’affrontement des différentes puissances sociales pour la domination. C’est en ce sens que
le politologue français Philippe Braud définit la scène politique comme « Le lieu de compétition
pacifique autour du pouvoir de monopoliser la coercition, de dire le droit et d’en garantir
l’effectivité dans l’ensemble de la société concernée»9. De son côté, Julien Freund et sur les traces
de Max Weber a donné dans son livre "L’Essence du politique" la définition suivante: « (…) Elle
est l’activité sociale qui se propose d’assurer par la force, généralement fondée sur le droit, la
sécurité extérieure et la concorde intérieure d’une unité politique particulière en garantissant
l’ordre au milieu de luttes qui naissent de la diversité et de la divergence des opinions et des
intérêts».

9
Nay (O.), Lexique de science politique. Vie et institutions politiques, Paris, Dalloz, 2008.

7
Finalement, les politiques publiques est la branche de la science politique qui renvoie aux
actions programmées de l’Etat en vue de la mise en pratique de ses grands projets de
transformation de la société selon des politiques ou bien nationales ou bien sectorielles :
économique, sociale, financière, sanitaire et sportive, etc.

Evolution historique de la science politique:

Pour étudier l’évolution de la science politique, quatre questions se dressent devant nous, à
savoir la question de l’origine, la question des frontières, la question de l’indépendance du regard
politique par rapport à la philosophie, à la religion et à la morale et finalement celle de l’histoire
propre à la science politique.
La question de l’origine se pose comme suit: Est-il vrai que la pensée politique à prétention
scientifique a commencé en Occident moderne et en Occident seul ? Ou bien, l’Occident l’a plutôt
reçu en héritage des anciens -l’âge barbare selon Emile Bréhier- venant des Mésopotamiens, des
Pharaons, des Perses, des Grecs, des Arabes, etc. ? La question des origines peu apparaitre
trompeuses et pour cause, l’évolution historique de la pensée humaine est un effort continuel dans
l’espace et dans le temps, c’est-à-dire un perpétuel mouvement intellectuel.
La question des frontières peut être déclinée de la façon suivante : Est-ce que la pensée
8
politique dans le monde gréco-romain puis chrétien a eu un développement indépendant du
complexe culturel et donc politique des civilisations de l’extrême Orient et du moyen
Orient, notamment : l’Inde, la Perse, le Chine, le Japon, le Corée et le Monde Musulman ? Ou au
contraire, il ya eu des liens de solidarité et d’échanges continus entre les systèmes politiques de
l’Occident et ceux de l’Orient ?
La question de l’indépendance de la science politique par rapport à la philosophie politique
est un point qui est encore débattu entre politologues et philosophes. Ce litige est apparu dès les
années vingt avec l’émergence de la sociologie et la psychologie expérimentales aux Etats-Unis et
est exacerbé notamment avec les controverses entre néoconservateurs représentés par Leo Strauss
et politologues systémique représentés par David Easton autours de la nature de la pensée
politique.
C’est exactement sur ce point que les idées ont divergé et ont débouché sur la question de
savoir si la politique suit une loi de développement universel, c'est-à-dire des stades de son
évolution selon la loi comtienne des trois états à savoir l’état théologique, l’état métaphysique, et
finalement l’état positive, celui du triomphe de la Raison humaine sur la révélation divine, et de la
science rationnelle sur la pensée théologique. Pour répondre à cette question, il serait judicieux de
voir ce que les anciens ont dit à ce sujet.

8
L’apport des Grecques :

L’européocentrisme considère la Grèce comme le berceau de la pensée politique et


philosophique. Vrai ou faux cela importe peu pour la finalité que nous poursuivons dans ce
document. Le plus important est que les grecques ont développé l’héritage des civilisations qui les
ont précédés : indienne, persane, chinoise, japonaise et coréenne éthiopienne, etc.
En inventant le concept rationnel, la technique d’argumentation et la construction logique
de la preuve, les grecques ont apporté ce qui manquait aux systèmes de pensées des civilisations
précédentes et par la même occasion ont inauguré une nouvelle forme de "penser le monde". Déjà
en leur temps, les sophistes qui ont caractérisé les cinquante dernières années du Vème siècle
avant JC n’ont eu de cesse d’examiner les lois des Etats qui gouvernaient leurs cités, enseignèrent
une nouvelle justice plus humaine, prêchèrent la démocratie comme mode de gouvernement
politique et surtout ont insisté sur la vertu de l’homme politique. Pour eux, un État ne devrait pas
invoquer les vieilles traditions et les lois sacrées pour assoir sa légitimité, mais il faut plutôt
convaincre les citoyens pour qu’ils acceptent volontairement et librement les lois qui les
gouvernent en les discutant préalablement dans l’Agora (l’espace public).

Socrate :
Le grand philosophe grecque Socrate était un des leurs (sophistes) au début avant de
rompre avec leur style de vie extravagant et avec leurs idées faussement démocratiques. Il a fini sa
vie intellectuelle en figure philosophique de Martyre après avoir tenu tête aux Tyrans et aux
Démocrates en défendant la vérité contre le mensonge et qui a payé de sa vie son attitude de
principe selon laquelle la justice naturelle est au dessus de toutes les lois humaines comme il avait
aussi invité les hommes politiques à l'étude contemplative et à l'action transformatrice du monde
et de la cité. Sa politique était surtout pratique et morale, traitant des devoirs de la vie publique
comme de ceux de la vie domestique.
La tragédie de Socrate a beaucoup influencé une bonne partie de la jeunesse athénienne de
l’époque et a provoqué la formation de nombreux philosophes dont Platon et, indirectement
Aristote, ainsi que l’apparition de l’Académie puis le Lycée10. Ces deux philosophes vont jouer un
très grand rôle dans l’évolution de la pensée philosophique et politique de toute l’humanité. En
effet, Platon qui est un fervent disciple de Socrate a beaucoup fait pour nous faire connaitre ce
dernier à traves ses nombreux dialogues (Le Politique, Le Sophiste, La République, etc.).

10
Emile Bréhier, Histoire de la philosophie, T1 : Antiquité et Moyen Age, Paris, PUF, 2ème Edition, 1983, p : 79.

9
Platon :
Sur les traces de Socrate, Platon croyait fortement en la mission sociale et politique du
philosophe à tel point qu’il serait arbitraire de séparer l’aspect politique et social de l’aspect
philosophique dans son système de pensée. Cette mission est canonisée dans sa célèbre formule :
«…, C’est que les philosophes soient rois dans les cités, ou que les rois et les dynastes soient de
bons philosophes, c’est que autorité politique et philosophie coïncident».11

Aristote :
De son côté, Aristote a apporté un soin particulier à la politique surtout comme objet de
réflexion mais pas comme engagement personnel. En fait, Aristote s’est plus intéressé à la logique
de raisonnement en politique qu’à la pratique que tout philosophe se doit de s’y engager
personnellement. Pour cette raison, il a presque toujours lié la politique comme théorie à la morale
comme pratique. Pour preuve, sa collection d’œuvres est tout aussi morale que politique :
l’Ethique à Eudème, l’Ethique à Nicomaque et finalement la Politique qui est née de la dernière
période d’Aristote dans laquelle il entendait décrire les différentes constitutions d’une centaine de
villes grecques dont la fameuse "Constitution d’Athènes".

Si, chez Platon, il existe une union intime entre vie individuelle, vie morale et engagement 10
politique, il en est tout autrement chez Aristote qui dissocie toutes ces composantes, c’est-à-dire
que chez ce dernier Bien moral ou Bien pratique, atteignables par les actions des hommes, n’ont
rien à voir avec l’Idée de Bien que la dialectique platonicienne désigne comme l’ultime but des
êtres et surtout des êtres agissant librement et volontairement en vue de la réalisation des fins à
l’aide de moyens précis. Pour Aristote, la fin de toute action humaine en politique comme en
société c’est le bonheur, mais un bonheur contemplatif et pas actif comme chez le premier
philosophe politique : Platon. A vrai dire, Aristote a senti la nécessité de dissocier la vie
intellectuelle de la vie pratique, et de la vie sociale. En cela, il est le maitre à penser de Max
Weber et sa fameuse neutralité axiologique.

11
Ibid., page 128.
10
L’apport des Romains :
Par plus qu’en Grèce, il n’a pas eu de pensée politique autonome chez les romains qui sont
plus réputés pour leur contribution au développement du droit naturel, de la théorie de la justice et
de la souveraineté de l’Etat, idées combien étrangères à la Grèce de l’époque. En effet, Si
les Grecs ont inventé la philosophie politique, ce sont incontestablement les Romains qui ont
inventé le droit normatif incarné par la loi et les textes juridiques nécessaires à la vie en société.
Il est vrai que les Romains n’avaient pas l’oreille réceptive à la philosophie spéculative des
sages grecques et à la rhétorique des sophistes, mais il en demeure pas moins que leur esprit était
tourné vers les choses vraiment pratiques et concrètes. En fait, les Romains s’intéressaient
aux questions juridiques et institutionnelles et c’est à travers elles qu’ils appréhendent la politique
comme activité de leur puissance impériale.
A en croire les historiens de la pensée politique, ce sont les Romains qui ont mis en
pratique les trois formes de régime politique conceptualisées par les Grecs, à savoir le régime
monarchique, le régime aristocratique et le régime démocratique. Ils vont pratiquer ces trois types
d’organisation du pouvoir politique indifféremment de leurs définitions grecques. Et c’est la
raison pour laquelle, bien qu’il ait été d’abord pratiqué par les Grecs, non seulement à Athènes,
mais également à Sparte, ce sont les Romains qui, sous la République, vont mettre en lumière la
notion, à la fois pratique et théorique du « régime dit mixte » groupant les trois types
d’organisation politique tel que mentionnés plus haut. C’est ce que nous allons montrer
chez Polybe et Cicéron.

Polybe :
Au-delà de la tripartition institutionnelle déjà présente dans les cités grecques, l’esprit
juridique romain a donné naissance à la notion abstraite de « RES Publica » qui veut dire en latin
la république ou la chose publique. Ainsi, Rome, dès son origine républicaine, est une cité
Patricio-plébéienne d’abord fortement marquée par la prédominance politique de l’aristocratie
patricienne, puis qui va se démocratiser petit à petit, au fur et à mesure que la plèbe conquiert les
moyens d’expression politique, jusqu’à sa décadence, causée par son incapacité à gérer les
problèmes nés de son expansion. En ce qui concerne les institutions politiques, on trouve trois
organes institutionnels fondamentaux:

A- Les Assemblées Populaires (ou Comices),


B- Le Conseil Aristocratique (ou Sénat),
C- Les Magistrats (notamment les Consuls).

11
En fin observateur de la vie politique de la République romaine de l’époque, Polybe a
qualifié, à juste titre, les institutions de la République de "régime mixte", et pour cause, il a
remarqué l’agrégation des trois composantes institutionnels que sont les Assemblées, le Sénat, et
les Magistrats). De la sorte, la République de Rome a pu développer les activités commerciales et
économiques, et a su surtout pratiquer une politique expansive agressive (Hard power) autour
d’elle tout en prêtant attention aux arts et la culture (Soft power). Polybe affirme que le régime de
la République peut être considéré comme à la fois monarchique eu égard à l’imperium consulaire,
aristocratique en considérant la patrum auctoritas du Sénat et démocratique, si on prend en
considération le pouvoir législatif des assemblées du peuple.
Ces remarques ont poussé Polybe à considérer le régime politique de la République de
Rome comme un véritable « mélange instable et en perpétuelle évolution » de ces trois pouvoirs
d’une monarchie discréditée par la tyrannie, elle en garde plusieurs éléments, tels que les
magistrats, elle a grandi sous la puissance politique de l’aristocratie qui a la mainmise sur les
institutions et la vie publique ; puis, avec l’aboutissement des revendications de la plèbe, conjugué
à une rapide expansion, la loi votée par les comices, comme dans toute démocratie l’expression de
la volonté du peuple, plutôt que l’instrument d’une élite patricienne. Tout réside dans la notion
« d’équilibre entre les trois pouvoirs », celui d’exécuter, celui de légiférer, et celui de juger. Nous
12
sommes ici dans les prémices de la notion de séparation des pouvoirs véritable socle juridique de
la « révolution » institutionnelle et politique des Lumières.

Cicéron :
Contrairement à Polybe qui est un grecque "forcément" latinisé, Cicéron (106-43 AJ) est
un romain "volontairement" hellénisé comme le prouve son œuvre monumentale constituée de
discours issus de plaidoiries civiles et politiques, à cela s’ajoute une importante correspondances
et ouvrages philosophiques, qui prouvent son attachement pour la culture grecque. Au fond,
Cicéron à toujours été plus proche des aristocrates que du Peuple en cela il a trahi sa théorie du
Principat qu’il formule durant le premier triumvirat et qui met en avant l’idée selon laquelle, en
cas de péril extrême, le gouvernement de la République doit être confié au meilleur de tous ces
citoyens, celui qu’il appelle le "Princeps", littéralement le Premier qui doit bénéficier des pleins
pouvoirs afin de préserver la République. Pour Cicéron, le Premier est celui qui, en période de
paix, veille sur la cité, mais en période de crise ou de guerre, il doit rétablir l’ordre menacé.
Ultérieurement cette remarque va constituer le socle de la pensée politique de Nicolo Machiaveli
pour qui le prétendant au pouvoir fait l’impossible de le conquérir et quand il y arrive, il fait tout
pour le conserver.

12
La fin du Moyen Âge Européen :

Nicolas Machiavel est un florentin (1469-1527) qui a pensé politiquement son siècle. Il a
reçu une éducation somme toute classique qui a marqué sa personnalité. En 1502, N. Machiavel a
occupé un premier poste politique en devenant l’homme de confiance de Pierre Soderini et le
secrétaire de la « Commission des Dix pour la liberté et pour la paix ». Il est resté pendant
quatorze années au service de la République de P. Soderini en faveur de qui il mis sur pied une
Milice florentine. En 1512, les Médicis, soutenus par les Espagnols et par le Pape (alors que la
République avait la France pour alliée) réussissent à reprendre les rênes du pouvoir. N. Machiavel
est emprisonné, puis contraint à «l’exil» dans sa villa de campagne, et c’est entre 1513 et 1514
qu’il s’est attelé à penser et à écrire "Le Prince" en parallèle aux "Discours sur la première décade
de Tite-Live".
N. Machiavel peut être vu comme le théoricien de l’Etat et du Politique par excellence, il a
toujours voulu à travers son expérience politique et sa pensée donner aux détenteurs du pouvoir
des conseils pratiques pour conserver leur pouvoir et préserver leurs Etats. Cette pensée est
qualifiée de Réalisme Politique par Henry Kissinger (Real Politic) à l’aide de laquelle il a
rejeté les illusions de la pensée idéaliste des philosophes politique (Platon notamment) : « Il m’a
semblé plus convenable de suivre la vérité effective de la chose que son imagination » disait N.
Machiavel.
Pour lui, "le Prince ne doit pas chercher à être un homme de bien, car sinon, il court à sa
perte, entouré d’hommes qui, eux, ne le sont manifestement pas. Il faut, au contraire, qu’il
apprenne à n’être pas bon et d’user de la bonté selon la nécessité". De son point de vue, la bonté
n’est pas une qualité naturelle de l’Homme. Les hommes sont, à ses yeux, « cupides, ingrats,
changeants, dissimulés, ennemis du danger, avides de gagner (…) Ils oublient plutôt la mort de
leur père que la perte de leur patrimoine ». Son anthropologie politique repose sur le fait que tous
les hommes sont des tyrans en puissance. Ils en ont tous les vices à la seule différence c’est qu’ils
n’ont pas tous les mêmes moyens pour les exprimer dans l’action.
Cependant, N. Machiavel en appelle à la qualité de la « virtù » assimilée bien à la fois à la
force virile et la magnanimité, qu’à la vertu morale. Dans les faits, c’est la virtuosité qui contribue
à affranchir le Prince des valeurs du Bien et du Mal. Selon Machiavel, la nature humaine est
bestiale, et tout homme est tantôt violent comme un lion, tantôt rusé comme un renard. En
véritable homme d’Etat le Prince doit l’être tout autant. Il se doit de gouverner à l’aide de la loi,
mais il doit aussi gouverner par la force et la ruse quand il le faut. En définitif, le Prince devrait
maitriser plus l’art de la violence et de la dissimulation, que celui de la législation et de la norme.

13
En clair, ce que doit faire le Prince, c’est maintenir l’équilibre nécessaire des intérêts des
différents groupes politiques. Le Prince doit canaliser les intérêts de telle manière que ceux-ci
s’entre-détruisent avant d’avoir pu acquérir assez de force pour menacer le pouvoir en place. C’est
un calcul stratégique qui doit faire abstraction de toute affinité particulière qu’aurait le Prince à
l’égard de tel ou tel groupement d’intérêt.
Le dogme de Machiavel ou le machiavélisme exige que les circonstances doivent dicter
l’attitude au Prince. Aucun principe de gouvernement, juridique ou moral, ne peut, ni ne doit,
s’appliquer à toutes les situations. Le gouvernement ne doit être influencé que par des
considérations pratiques. S’il est pratique de mentir, il faut mentir. S’il est pratique de tuer, il faut
tuer. S’il est pratique de prier, il faut prier. Le Prince doit avoir « l’entendement prêt à tourner
selon les vents (…) il ne doit pas garder sa foi si cette observance lui tourne à rebours et que les
causes qui l’ont induit à promettre se sont éteintes ». Tout dépend du résultat effectif, en fonction
duquel le gouvernant doit adapter son attitude.
Machiavel écrit que le succès donne rétrospectivement qualité morale à tous les actes
politiques accomplis, tandis que la vertu n’est jamais une excuse suffisante de l’échec, car le
Peuple ne la perçoit pas : « le vulgaire ne juge que de ce qu’il voit et de ce qu’il advient : or, en ce
monde il n’y a que le vulgaire ». La seule erreur grave que le Prince peut commettre est une erreur
14
d’appréciation. Ainsi, lorsque Soderini, dont Machiavel fut l’homme de confiance, a hésité à faire
exécuter ses opposants, il a commis une erreur d’appréciation et n’a pas, de ce fait, sauvé la
République du retour des Médicis. S’il l’avait fait, écrit Machiavel, la République serait encore
debout et tout le monde aurait affirmé « qu’il avait agi pour le bien de la patrie et non par
ambition » c’est-à-dire en conformité avec la nature humaine.

L’Etat de Nature :
Quoiqu’on dise, la notion de l'Etat de Nature est bel est bien une "invention" des
philosophes des Lumières trouvant des représentations dans le contexte des Temps Modernes. En
fait, aussi bien la notion de l’Etat de Nature que celle de la nature humaine ont été érigées en
paradigmes politico-philosophiques. Dans le but de clarifier ce propos, je vais citer, à titre indicatif
et non exhaustif, les cas de trois auteurs majeurs : Thomas Hobbes, John Locke et Jean-Jacques
Rousseau.

14
1. Thomas Hobbes :(1588-1679).

Thomas Hobbes est un philosophe Anglais du 17ème siècle, qui a contribué énormément à
la théorisation du pouvoir absolu de l'Etat en dans son pays. Il est considéré comme étant le
« théoricien de la peur », et de l’absolutisme royal en Europe. A partir de 1625 et, sous le règne de
Charles Ier Stuart, Hobbes prend parti pour l'absolutisme royal contre le parlementarisme anglais.
C’est l’époque où il a publié son importante œuvre politique : le Léviathan, publié 1651, dans
lequel il expose son point de vue sur la théorie de la construction de l’Etat absolu. La peur de la
révolution et de la guerre civile a habité l’œuvre politique de Thomas Hobbes. L’idée principale
du Léviathan est que la situation incertaine de l’homme à l’Etat de Nature le pousse à s'en
dégager, il le fait moyennant l’institution d’un pouvoir, né d'un contrat entre tous, et qui garantit le
respect de la paix publique, par la coercition légitime de l'Etat.
L’Etat de nature et celui du contrat social chez T. Hobbes sont une fiction philosophique
qui rappelle celle de l’"âge d'or" de J.J Rousseau qui pensait que : "Les hommes « naturels » y
assouvissent leurs passions, usent de leur bon vouloir pour satisfaire leurs désirs, dans une
démarche totalement égoïste et individualiste. Dans ces conditions, où l’homme s’épanouit
par l’exercice de sa seule force, peu de choses semblent le distinguer de l’animal".
En effet, les hommes sont « égaux par nature », ils ont tous les mêmes désirs, mais
également les mêmes aptitudes et la même force pour les assouvir. Cette égalité est la source,
selon Hobbes, de toutes les incertitudes de l'Etat de Nature. Elle autorise les uns à s’approprier ce
qu’autrui détient, voire à le détruire, les autres à s'opposer à ces atteintes, par la violence, si le
moyen leur en est donné. Ce droit, dont chacun dispose, est appelé par Hobbes « droit naturel »
mais il est, à la vérité, a-juridique (voire ante-juridique, et fondé exclusivement sur la force) : il
s'agit plutôt de la force vitale et l'instinct de survie.
A vrai dire, la justice n’existe que si la loi lui préexiste : « là où il n’est pas de loi, il n’est
pas d’injustice », nous dit T. Hobbes et par voie de conséquence l’injustice n’existe pas, et donc
rien n’est interdit au contraire tout est permis. Il en va de même pour la propriété, qui ne pourrait
exister en dehors de garanties légales : « (…) appartient à chacun ce qu’il peut prendre et aussi
longtemps qu’il peut le conserver ».
Pour traverser l’état de Nature (status naturalis) vers l’état de société (status civilis), il faut
que les hommes s’accordent en fixant des règles de conduite et de défense mutuelle, que Hobbes
qualifie de « lois de nature », et qu’l est possible de définir : « ne faites pas à autrui ce que vous ne
voudriez pas qu’on vous fît ». Cette lex naturalis, premier pas d’une téléologie
anthropologique détachée de toute loi divine est un accord rationnel entre les hommes, par lequel

15
ils renoncent à exercer « leur droit absolu sur toute chose », en d’autres termes, leur droit de
nature. Mais les lois de nature étant dépourvues de mécanismes de sanction, les hommes peuvent
ne pas les respecter. Or, l’effectivité d’une règle n’est garantie que par la contrainte.
Il faut donc une « puissance coercitive » qui oblige, par la simple peur de la sanction, les
hommes à observer le contrat passé. Ainsi, le contrat hobbesien secondaire qui conduit à
l’Etat, n’est pas, lui, un pacte naturel comme chez Aristote, puisque ce n'est pas l'instinct qui
conduit à s’associer avec ses semblables, mais l'intérêt, le calcul. Ici Hobbes est plus proche de
Machiavel : la société que bâtissent les hommes n’est, par essence, pas naturelle ; elle est
artificielle, pur « produit de l’art humain ». La particularité de ce deuxième contrat est que les
hommes ne se dépouillent pas mutuellement de leur droit de nature car ils le font au profit d’un
tiers, l'Etat absolu, qui, recueillant l’ensemble de ces droits, garantit la paix. La formule que
Hobbes fait prononcer aux hommes est claire : « j’autorise cette personne et je lui abandonne mon
droit de me gouverner moi-même, à cette condition que tu lui abandonnes ton droit et que tu
autorises toutes ses actions de la même manière ». Ce pacte n’est pas un simple accord (consensio)
entre les hommes, mais il établit entre eux une unité nouvelle (unio), et sa validité n’est nullement
affectée par le fait qu’il soit conclu sous la contrainte.
On distingue alors deux contrats : un pacte horizontal (pactum unionis ou pactum
16
societatis) conclu par les hommes entre eux pour faire naître l'Etat, et un pacte vertical (pactum
subjectionis), par lequel la société transfère tous ses pouvoirs à l'Etat, faisant de lui un maître
absolu. Cette opération donne ainsi naissance à une autorité qui est à la fois née de la multitude et
extérieure à la multitude, et qui a reçu mandat de diriger la société. Mais ce souverain ne participe
pas au contrat, et le tour de force de Hobbes est de refuser que la souveraineté repose sur un
contrat, dans la mesure où le souverain doit être libre de toute entrave, ainsi que le veut
l'absolutisme : le Léviathan n’ayant pas contracté, il n’est pas lié par le contrat. Hobbes touche
à l'essence du corps artificiel de la RES PUBLICA moderne qui soumet les hommes au pouvoir
absolu des Etats, dans le but d'assurer leur sécurité mais pas la propriété.

2. John Locke (1632-1704)


Comme Thomas Hobbes, John Locke est aussi un philosophe anglais des Lumières mais
plus progressiste que le premier. A cause de ses idées libérales et démocratiques, Il a été contraint
à l’exil à Amsterdam en Hollande où plusieurs des penseurs qui prônaient les idées de la liberté et
de l’égalité entre les hommes en Europe se sont refugiés. Et c’est à Amsterdam qu’il a écrit Traités
sur le gouvernement civil en 1680. A cette époque, l’Angleterre politique a été prise en tenaille
entre l’absolutisme royal et la tyrannie de Cromwell. A la suite du vote des deux chambres du

16
Parlement en 1689, le Roi et Reine d’Angleterre devient légitimes, et finissent par approuver un
texte juridique fondamental qui transforme la monarchie anglaise classique en une monarchie
constitutionnelle et en régime politique libéral : il s’agit du « Bill of Rights » de 1689, qui
reconnait et garanti l’existence de « droits fondamentaux », inaliénables et sacrés des citoyens
Anglais.
John Locke a assisté à cet évènement de grande importance, non seulement pour son pays,
mais pour toute l’Europe de son époque : la contractualisation d’un pacte politico-juridique entre
le Parlement et le Monarque anglais. Les deux traités sur le gouvernement civil en sont un
témoignage vivant : Le peuple anglais choisit librement un roi, parmi plusieurs candidats, et celui-
ci doit respecter une constitution qui pose les limites de son pouvoir politique et les droits
essentiels du peuple.
La fiction de l’Etat de Nature de Locke est différente, voire opposée à celle de Hobbes. Si,
dans le Léviathan, l’Etat de Nature est la guerre de tous contre tous, dans les Traités, l’Etat de
Nature est plutôt un état de liberté et d’égalité entre tous les hommes. Il n’existe pas de distinction
entre les hommes, pas de hiérarchie, ils sont « d’une même espèce et d’un même ordre », véritable
de leur liberté fondamentale.
Exprimant une idée dans l’air du temps, J. Locke soutient que le droit de propriété a partie
liée à l’Etat de Nature car l’existence du châtiment en cas de violation caractérisée de la loi
naturelle donne lieu à des sanctions visant à « infliger des peines que la raison tranquille et la pure
conscience dictent (…) et qui ne tendent qu’à la réparation du dommage qui a été causé ». Cette
idée de « réparation » est révélatrice de l’importance du droit de propriété dans la construction
théorique de Locke. En fait, La propriété, selon J. Locke, est le premier des tous les droits naturels
parce qu’elle naît de l’activité même des hommes. Celle-ci préexiste à toute forme de société et de
droit. Garantir le respect de la propriété naturelle en la protégeant lorsqu’elle devient « civile » des
violations des autres constitue un pilier fondamental du pacte social dans les yeux de John Locke.

3. Jean Jacques Rousseau (1712-1778)

Jean-Jacques Rousseau est un écrivain, philosophe et agitateur politique du XVIII siècle.


Peu apprécié de son vivant pour ses prises de position politiques volatiles et radicalement critiques
envers les despotismes européens. Ses écrits politiques influencé toute les jeunes générations
révolutionnaires en Europe, notamment la Révolution Française de 1789.
Après son "Discours sur les sciences et les arts" en 1750, J-J. Rousseau se range du côté
des Lumières et prend comme hypothèse méthodologique centrale de sa pensée politique :

17
« l'Homme naît naturellement bon et heureux, c'est la société qui le corrompt et le rend
malheureux ». Il réfute ainsi la notion de péché originel de l’Eglise catholique.
Le "Du contrat social" est l’œuvre principale de J-J Rousseau dans laquelle il a analysé les
principes fondateurs du droit politique et le fondement de la société ultérieurement démocratique.
Pour lui, seule une convention fondamentale peut légitimer l'autorité politique et permettre à la
volonté générale du Peuple souverain d'exercer sa pleine souveraineté sur lui même.

Comparé à Montesquieu et Voltaire, il a été plus incisif dans la défense de la liberté et de


l'égalité entre les hommes. Dans "Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les
hommes" de 1755, il a proposé l’idée d’un ordre naturel qui concilie la liberté individuelle et les
exigences de la vie en société. Cependant, c’est le "Contrat social" qui a le plus marqué son siècle
en inspirant la Déclaration des Droits de l'Homme et tous les philosophes révolutionnaires.
Notamment les philosophes allemands (Emmanuel Kant, Gottlieb Fichte et F. Hegel, Karl
Marx...).

18

18
Chapitre III : La naissance de la science politique moderne

Vers la fin du 19eme et le début du 20eme siècle la science politique se détache


graduellement de la "classification des sciences" faite par le sociologue français Auguste Comte
(1798-1857). Ce détachement va permettre à la science politique de s’autonomiser ultérieurement
par rapport à l'histoire, au droit, à la sociologie et surtout à la philosophie. Cela a été possible à
l’aide de certaines ruptures :

→ La première est d'ordre interne car en effet il a fallu attendre un long moment avant que ne se
définisse les problématiques centrales de la science politique, savoir le pouvoir (son essence, son
exercice et ses formes), l'État (comme pouvoir politique, comme société juridique et comme une
institution durable). L'individu face au pouvoir que la science politique propose d'étudier à travers
les mécanismes de la socialisation, à travers l'action collective et le rôle des groupes participants à
la compétition pour le pouvoir.
→ La deuxième est d'ordre institutionnel, car il a fallut voir cette discipline s'imposer dans les
institutions d'enseignement et de recherche, notamment universitaires.
→ La dernière est d'ordre disciplinaire car il a fallut attendre assez longtemps avant que ne se
forme une communauté savante propre à la "science" politique.

A- Le positivisme

Ce courant de pensée a été fondé par Auguste Comte, bien que ses influences et les
concepts fondant cette science prennent leurs racines avant le philosophe. La grande ambition du
positivisme a été de transposer dans le domaine de la connaissance de la société les principes et les
méthodes qui ont assuré la célébrité des sciences dites «exactes»12. Pour lui et ses fidèles, les faits
de la vie sont toujours explicables par la science sous forme d’observation et d’expérience.
Selon cette doctrine qu’on appelle aussi scientisme, "l’esprit humain" ne peut atteindre
l’essence des choses et doit renoncer à l’absolu: cette conception a eu une influence majeure
jusqu’à notre époque. Le scientisme repose en fait grandement sur la philosophie critique
d’Emmanuel Kant, qui refuse à l’homme toute prétention métaphysique.
Selon Auguste Comte, l’esprit humain a évolué selon une loi connue sous le nom des trois
états qui commence par l’état théologique, mode d’explication par des agents détenant une
volonté (ex : Zeus exercerait des interventions rendant compte des anomalies apparentes de
l’univers), puis par l’état métaphysique, croyance en des entités ou des abstractions. L’état

12
Introduction a la Science Politique, Jean Baudouin, 9eme édition, 2009.

19
positif, caractérisé par l’abandon du "pourquoi" et le seul attachement au "comment", à la
recherche des lois effectives gouvernant les phénomènes humains.
Après la mort de Comte, en 1857, le courant positiviste s’est affaibli, cependant, le
positivisme a marqué beaucoup de domaines comme le l'empirisme logique et le positivisme
juridique, de penseurs comme Karl Marx, Max Weber et Emile Durkheim, Hans Kelsen, etc. Ce
dernier est le fondateur du positivisme juridique qui est un courant en théorie du droit qui décrit le
droit tel qu'il existe dans la société, plus que tel qu'il devrait être. Il s'oppose au jus naturalisme. Le
positivisme juridique consiste à rejeter l'importance d’un droit idéal (appelé droit naturel) et à
affirmer que seul le droit positif (lois, jurisprudence, etc.) a une valeur juridique. Ainsi, la loi ou la
jurisprudence serait donc la seule norme.
Emile Durkheim (1858-1918) a développé une notion positiviste de l’Etat liant la genèse
de celui-ci au processus de complexification des sociétés modernes. Pour lui, l’Etat est un organe
nécessaire à la cohérence des groupes humains à l’aide de deux concepts fondamentaux : la
solidarité mécanique et la solidarité organique qui cimentent les éléments de la communauté de
destin politique. Du point de vue morphologique, l’Etat est, chez E. Durkheim, un groupe social
formé de fonctionnaires sensés représenter l’autorité publique et de satisfaire les besoins
fondamentaux des sociétés humaines.
20

La science politique aux Etats-Unis d’Amérique

L’approche américaine caractérisée par l’ouverture aux méthodes des autres sciences
sociales et notamment de la psychologie, qui opérait à la fin du 19eme siècle sa transition de
l’institutionnalisme au behaviourisme. L’approche britannique, ancrée dans la philosophie morale,
mais affirmant lentement son indépendance (Royaume-Uni et la plupart des pays du
Commonwealth). Alors que l’approche française est restée fidèle à la tradition du droit romain et à
latinité. De son côté, l’approche allemande, dérivée du droit constitutionnel et administratif a
évolué vers une étude systématique de l’État comme cela va être analysé dans le cadre de l’Ecole
de Frankfort. Finalement, l’école soviétique, caractérisée par le mode d’analyse marxiste-léniniste
et voyant pour l’essentiel dans la science politique une branche de la sociologie ancrée dans
l’économie politique et par la suite dans le cadre du Behaviourisme de Youri Pavlov.

20
Béhaviorisme: la science du comportement appliqué en politique
Le béhaviorisme13 est né aux Etats-Unis et a dominé les recherches en psychologie durant
la première moitié du XXème siècle. J. B. Watson incarne le premier ce courant, avec un texte
fondateur qu'il publie en 1913 et dans lequel il signifie le but théorique du béhaviorisme est la
prédiction et le contrôle du comportement humain. La psychologie introspective, désormais
considérée comme non objective, est alors rejetée par le béhaviorisme. En effet, Watson considère
que pour être objectifs, les psychologues doivent étudier des faits observables que l'on puisse
mesurer et quantifier. Quel est le but du béhaviorisme?
La finalité du béhaviorisme est d'orienter et de modifier le comportement des hommes pour
qu'ils puissent réorganiser leur existence et surtout l'éducation de leurs enfants. Pour réaliser cet
ambitieux projet, les psychologues béhavioristes doivent parvenir à établir les lois des
comportements. Plus précisément, cela signifie que pour pouvoir contrôler ou produire une
réponse (R) souhaitée, les béhavioristes doivent connaître ce qui a déclenché cette réponse, c'est à
dire le stimulus (S) déclencheur.
Schématiquement: S? ----> R souhaitée
Et inversement: en connaissant le stimulus, les psychologues béhavioristes doivent pouvoir
prédire la réponse :
Schématiquement: S connu ----> R?
Pour ce faire, les béhavioristes vont adopter la méthode utilisée en psychologie animale
pour l'appliquer à l'étude des comportements humains. Ainsi, les lois de l'apprentissage de l'animal
sont appliquées à l'être humain. C'est ainsi que les travaux sur l'apprentissage chez l'animal vont
entrer en scène dans l'étude des comportements humains. Dans un premier temps, ce sont les
travaux d’E. L. Thomdike qui vont retenir l'attention des béhavioristes. En effet, ce chercheur en
psychologie animale a observé au cours de ses nombreuses expériences deux phénomènes
principaux: d'une part, l'apprentissage s'effectue par essais-erreurs et d'autre part, la réduction
progressive des comportements inappropriés s'effectue de façon similaire chez toutes les espèces
animales.
De ces expériences, Watson en conclue qu'il est possible, en utilisant les méthodes de la
psychologie animale, de produire des lois qui permettent de prédire et de contrôler les
comportements humains. Mais Watson n'ambitionne pas seulement de prédire ou de contrôler les
comportements, il souhaite également pouvoir induire de nouveaux comportements. Pour atteindre

13
http://saoussendkhil.over-blog.com/2014/03/behaviorisme-la-science-du-comportement.html
Publié le 29 mars 2014 par saoussendkhil.

21
cet objectif, les béhavioristes vont se tourner vers les travaux de Pavlov au sujet du
conditionnement de l'animal (les chiens). Effectivement, dès 1914, Watson s'intéresse aux travaux
de Y. P. Pavlov sur le conditionnement des réflexes canins et au cours de ses travaux, Pavlov
établi un ensemble de lois du conditionnement. Mais d'abord, qu'est-ce que le conditionnement ?
Le conditionnement est une forme d'apprentissage qui se caractérise par une association
entre un stimulus (S) et un comportement (R). C'est Pavlov qui a découvert ce phénomène par
hasard, en menant ses études sur la salivation des chiens: il remarqua qu'un chien qu'on avait
amené déjà plusieurs fois au laboratoire commençait à saliver avant qu'on lui introduise de la
nourriture dans sa gueule. La simple odeur, la simple vue de la nourriture et même la simple vue
du plat ou de la personne qui lui apportait habituellement de la nourriture suffisait à faire saliver le
chien. Pavlov appela ce phénomène le réflexe conditionnel (réponse conditionnelle), du fait que
le réflexe dépend des conditions du milieu. Pavlov a fini par considérer ce réflexe
conditionnel comme la base de tout apprentissage chez les animaux, mais également chez les êtres
humains. Mais quelles sont les étapes du conditionnement?
Suite à cette découverte, Pavlov a consacré toutes ses recherches à l'étude des réflexes
conditionnels. Il a ainsi montré qu'un large éventail de stimuli quelconques est susceptible de
devenir des stimuli conditionnels (c'est-à-dire des stimuli qui déclenchent un réflexe
22
conditionnel), s'ils sont associés à un stimulus inconditionnel. Ce processus par lequel un stimulus
neutre se transforme en stimulus conditionnel est appelé le conditionnement répondant.

- Quels sont les principes régissant le conditionnement répondant ?


Il faut retenir quatre principes élémentaires qui régissent l'apprentissage par le
conditionnement répondant:
 L'extinction : un réflexe conditionnel risque de disparaître si, à plusieurs reprises, le
stimulus conditionnel (ici, la gamelle) n'est pas suivit du stimulus inconditionnel (ici, la
nourriture).
 La récupération spontanée : le réflexe conditionnel peut réapparaître après une extinction.
Il faut généralement plusieurs séances d'extinction pour véritablement supprimer une réponse
conditionnelle.
 La généralisation/discrimination : lorsqu'un stimulus neutre est devenu un stimulus
conditionnel (ici, la gamelle bleue), les stimuli du même type (par exemple, une assiette bleue)
sont susceptibles de déclencher eux aussi un réflexe conditionnel. Or, si ces derniers ne sont
jamais suivit du stimulus inconditionnel, ils finiront par être discriminés, c'est-à-dire différenciés

22
du stimulus conditionnel (dans ce cas, l'assiette bleue finira par être différenciée de la gamelle
bleue et ne fera plus saliver le chien).
 Le conditionnement d'ordre supérieur : il s'agit d'ajouter un nouveau stimulus conditionnel
à un autre stimulus conditionnel déjà établi. Dans notre exemple, si l'on associe le son d'une
cloche à la vue de la gamelle, après plusieurs séances d'apprentissage, le seul son de la cloche fera
saliver le chien. Une fois les bases du conditionnement de l'animal étant posées par Pavlov,
Watson va désormais s'atteler à les transposer à l'homme sans aucun scrupule éthico-scientifique.

Le conditionnement (répondant) de l'Homme


Après avoir pris connaissance des travaux de Pavlov sur le conditionnement répondant
chez les animaux, J.B. Watson considère que ces études expérimentales du conditionnement
fournissent la clé de l'analyse des apprentissages humains. En effet, pour lui, le réflexe
conditionné est le principe de base de toute acquisition chez l'homme. Ainsi, selon Watson, sur la
base de relations comportementales primaires, viennent s'ajouter de nouvelles organisations de
type stimulus ---> réponse, et ce schéma s'applique à tous types de stimuli, qu'ils soient
émotionnels, verbaux...
Quelques exemples de conditionnement humain
Une expérience a été réalisée en 1920 par Watson et R. Rayner. Pour montrer que les peurs
sont conditionnées, ces béhavioristes ont instauré la peur des rats chez un enfant de 11 mois. Cette
expérience se déroule en trois temps:

 Avant l'expérience, Albert était un enfant plutôt calme, qui pleurait rarement. Un jour,
Watson et Rayner lui ont donné un rat blanc pour qu'il s'amuse avec. Et en effet, Albert
semblait ravis et ne manifestait aucune réaction de peur.

 Ainsi, après s'être assurés que le petit Albert ne craignait pas les rats, Watson et Rayner lui
ont à nouveau présenté à plusieurs reprises un rat, mais au moment où l'enfant allait le saisir,
les expérimentateurs frappaient à coup de marteau une barre de fer, ce qui produisait un
bruit violent. Surpris, Albert sursautait et tombait à la renverse.
 Puis, Albert a commencé à pleurer et à trembler à la seule vue du rat. Ainsi, le rat
qui avait été un stimulus neutre était devenu un stimulus conditionnel déclenchant
la peur. En outre, la peur des rats du nourrisson s'est généralisée à d'autres objets
poilus et blancs tels que des lapins blancs, la barbe du Père Noël, le coton...

23
Les perspectives d'application du conditionnement :

Pour Watson, les hommes ont tous le même potentiel à la naissance et ce sont les
différences du milieu dans lequel ils évoluent qui les façonne différemment et développe des
personnalités uniques. Bien que cette idée selon laquelle "nous sommes le fruit d'un
conditionnement" paraisse plutôt pessimiste, pour les béhavioristes cette position ouvre
des perspectives éducatives et thérapeutiques prometteuses. En effet, puisque nous dépendons
uniquement de notre environnement, en réorganisant cet environnement, il est possible de
modeler les individus et notamment les enfants. Ce réarrangement du milieu permettrait alors
de modifier les comportements inappropriés en utilisant les méthodes de déconditionnement-
reconditionnement. Cela permettrait également d'éviter la formation de mauvaises habitudes ou
encore de développer une personnalité équilibrée.

Les bases du conditionnement opérant

Le conditionnement opérant s’inspire à la fois du béhaviorisme radical de Watson et de


la loi de l'effet proposée par E. L. Thorndike en 1898. Celle-ci peut se résumer par le principe
suivant: le comportement est régi non seulement par des stimuli antécédents, mais aussi par
les effets qu'il procure. C'est B. F. Skinner qui va poser les bases du conditionnement opérant et 24
tenter de les appliquer à des formes complexes de comportement. Plus précisément, Skinner
prolonge les perspectives de Watson en complétant le schéma stimulus--->réponse du
comportement et propose un principe général de l'apprentissage.

Une nouvelle conception du conditionnement

Le conditionnement opérant se détache du conditionnement répondant par sa prise en


considération des conséquences d'une action. En effet, pour Skinner, le concept d'apprentissage
par conditionnement répondant est insuffisant car il omet un certain nombre d'observations:
parfois, des stimuli connus ne provoquent aucune réaction, ou inversement. Pour pallier cette
omission, Skinner préconise de prendre en compte les répercussions d'une action sur l'homme ou
l'animal à l'origine de cette action. Cette suggestion soulève une question fondamentale dans
l'analyse des comportements et de leur acquisition: comment quelque chose qui suit un
comportement peut-il avoir un effet sur celui-ci ? Une première réponse consiste à attribuer un
but, une intention au comportement et admettre que l'animal ou l'homme connaissait déjà
l'utilité de son action. Or, cette conception s'oppose totalement à la position behavioriste qui
considère que toute spéculation sur les états internes tels que l'état d'esprit, les valeurs ou les
intentions n'est pas scientifique et constitue une perte de temps. Une seconde réponse consiste à

24
décrire les conditions externes à l'origine d'un comportement et les conséquences qui lui sont
associées.

Le conditionnement opérant appliqué au domaine éducatif

Après avoir posé les bases du conditionnement opérant, B.F. Skinner s'est attaché, dès les
années 1960, à les appliquer notamment dans le domaine de l'éducation et de la politique.

L'enseignement programmé

Selon Skinner, le but de l'enseignement est de susciter chez l'élève des formes nouvelles de
comportement. Ainsi, toujours selon lui, enseigner n'est rien d'autre qu'arranger les conditions de
renforcement dans lesquelles les élèves apprennent. Cela a pour conséquence d’accélérer
l'apparition des nouveaux comportements. Ce principe pédagogique est appelé enseignement
programmé. L'enseignement programmé nécessite au préalable de fixer un objectif éducatif
(le comportement souhaité) et de définir les étapes à suivre (la progression pédagogique) pour
atteindre l'objectif visé.
Ainsi, la discipline à enseigner (les mathématiques, la géographie, la politique...) est
découpée en plusieurs modules ou unités), lesquelles sont accompagnées de questions de plus en
plus difficiles. Aussi, chaque partie doit être courte et doit être une source de réussite pour l'élève
afin d'assurer un renforcement immédiat et positif. En effet, les béhavioristes considèrent l'erreur
comme source de renforcement négatif et de démotivation.
L'enthousiasme de Skinner sur la mise en place d'un système scolaire basé sur un tel
dispositif d'enseignement s'est toutefois heurté à certaines résistances culturelles. Aussi, son
programme a rapidement été remis en cause et remplacé par d'autres programmes mettant
notamment en avant le rôle positif de l'erreur dans l'apprentissage.

Le conditionnement dans la vie quotidienne


Le conditionnement, qu'il soit répondant ou opérant, est aujourd'hui appliqué
dans de nombreux domaines. En effet, on peut retrouver son principe en milieu scolaire, en
hôpital psychiatrique, dans le monde du travail ou du sport, de la publicité et surtout de
la politique et en centre de détention, etc...

Quelques exemples de modification du comportement politique


L'objectif de la modification du comportement politique est donc de supprimer des
comportements inadaptés et problématiques, et d’inculquer de nouveaux comportements
politiques plus appropriés au pouvoir en place. Ainsi, le façonnement du nouveau comportement
politique (désiré) et l’abondant de tout autres (comportements indésirables) est devenu l’objectif

25
principal des Etats non démocratiques et leurs conseillers en techniques de communication
politique. En effet, à coup de compagnes publicitaires d’envergure, les bureaux d’études et les
compagnies de sondage et d’analyse politique sont devenus des faiseurs d’opinions publiques et
de comportement électoraux.
La plupart des exemples cités ci-dessus font référence à l'apprentissage d'un comportement
complexe (les élections présidentielles aux Etats-Unis par exemple), c'est-à-dire d'un
comportement qui ne peut pas se produire (l’élection d’un président hors système). Cette
procédure consiste à renforcer toutes les approximations successives (c'est-à-dire les
comportements qui se rapprochent graduellement du but de l’élection d’un candidat donné). Si le
conditionnement peut être efficace pour modifier ou façonner un nouveau comportement, peut-il
l'être également pour supprimer un comportement indésirable, tel qu'une conduite antisociale, une
mauvaise habitude, etc...? L'extinction d'un comportement inapproprié est effectivement possible.
Pour cela, il suffit de stopper tout renforcement positif de la conduite en cause. On parle alors de
procédure d'extinction du comportement indésirable. Et cela devient l’apanage de l’Etat comme
structure complexe du pouvoir politique. Alors qu’est ce que l’Etat ?

26

26
Chapitre IV- La Notion de l’Etat

Hormis les controverses entre les différents courants de la philosophie politique, la théorie
politique ou de la science politique sur la nature de l’objet spécifique de la politique, il est
communément admis, voire acquis, que la politique à des rapports extrêmement intimes à
l’autorité, au pouvoir est donc à l’Etat. La théorie politique renvoie également à l’histoire des
idées politiques, à la philosophie politique et à la sociologie politique qui s’intéresse
particulièrement aux rapports de domination et de soumission à l’autorité légitime, c’est-à-dire
l’Etat dans les sociétés démocratiques modernes. De plus, la Sociologie politique étudie les
phénomènes de la vie politique dans les sociétés contemporaines tels que les institutions
politiques, les partis politiques, les groupes de pression et d’influence, les syndicats et les élites,
politiques entre autres phénomènes.

La notion politique de l’Etat :


Il serait erroné de considérer la science politique comme la science officielle de l’Etat
comme le prétend l’école de la scatologie. Celle-ci postule, à la suite d’Aristote, que la politique
est l’étude du gouvernement de la cité comme une unité étatique. Ce point de vue conduit à la
reconnaissance de la spécificité et de la centralité de cette Institution parmi tant d’autres
institutions dans l’organisation de l’Etat ainsi que dans la régulation des rapports sociaux et la
représentation juridique au niveau international selon le principe de la souveraineté nationale des
Etats indépendants.
Pour qu’un Etat puisse exister au niveau du droit international, il faut que toute entité
physique possède trois éléments : La population, le territoire et le gouvernement. Mais sans la
reconnaissance de la communauté internationale de cette entité, l’entité physique ainsi définie ne
peut se transformer en entité juridique, c’est-à-dire en personne de droit international ayant la
capacité juridique d’entrer en relations avec les autres personnes de droit international quelles
soient des Etats ou des organisations internationales. (La convention de Montevideo).
Au niveau interne, l’Etat est composé de trois éléments essentiels à tout pouvoir politique,
à savoir : le pouvoir législatif (le système monocaméral ou bicaméral) le pouvoir exécutif (le
gouvernement), et le pouvoir judicaire et dont il conviendrait de parler maintenant.

27
Pouvoir Institution Fonctions

Chambre des
Législatif Adopter les lois
communes

Exécutif Gouvernement Exécuter les lois et diriger les affaires d'intérêt public

Judiciaire Tribunaux Faire respecter la loi

1. Le pouvoir Législatif:

Le pouvoir législatif a pour fonction de faire les lois selon des procédures juridiques bien
définies par les différentes constitutions des Etats : les projets sont déposés, soumis à un débat et
souvent examinés par des commissions législatives, les projets de lois sont votés par les élus du
peuple souverain.
Au Maroc, par exemple, est bicaméral car le pouvoir législatif est composé de deux
chambres: la chambre des Représentants et la chambre des Conseillers. Les projets de lois doivent
obtenir l'appui majoritaire des deux chambres. Dans d’autres pays, le pouvoir législatif ne
comporte qu'une chambre ou monocaméral. Le bicaméralisme (aussi bicamérisme) s'oppose aussi 28

ainsi au monocaméralisme (aussi monocamérisme).


Dans les parlements dotés de deux chambres, la chambre basse est composée de députés ou
représentants, élus pour un mandat de deux, trois, quatre ou cinq ans. Cette première chambre peut
porter plusieurs noms spécifiques : Chambre des communes (Royaume-Uni, Canada), Assemblée
nationale (France), Chambre des députés (Italie), Chambre des représentants (États-Unis).
La chambre haute peut aussi porter des noms différents : Sénat (États-Unis, Canada,
France), Chambre des Lords (Royaume-Uni), Bundesrat (Allemagne), Chambre des conseillers au
Maroc. Cette chambre est composée de législateurs parfois élus (États-Unis), parfois désignés par
les gouvernements régionaux (Allemagne) ou parfois nommés par le gouvernement national
(Royaume-Uni). Les mandats à la chambre haute sont habituellement de plus longue durée que les
mandats à la chambre basse.
Le pouvoir législatif se réunit périodiquement, lors de sessions ordinaires et parfois
extraordinaires. L'application des lois revient au pouvoir exécutif et leur interprétation au pouvoir
judiciaire.

28
2- Le pouvoir Exécutif :

Dans les différents pays du monde, les rapports entre le pouvoir législatif et le pouvoir
exécutif sont de deux grands types : la séparation des pouvoirs ou la collaboration des pouvoirs.
Dans une société de droit, les actions de l'État et tout ce qui est imposé au citoyen (impôts,
programmes, budgets) doit généralement faire l'objet d'un acte législatif, sauf les actions qui
tombent dans les catégories associées aux prérogatives du pouvoir exécutif. Ce dernier est
généralement chargé de gérer les affaires courantes de l'État et de contrôler l'application de la loi
élaborée par le pouvoir législatif. Dans le système parlementaire, le pouvoir exécutif est bicéphale.
Il est composé du chef de l'État (cela peut être un monarque comme au Royaume-Uni ou en
Suède) et du gouvernement, parfois ramené à la personne du Chef du gouvernement ou le Premier
ministre. Dans un régime présidentiel, il est monocéphale se limitant au chef de l'État. Aux États-
Unis, le pouvoir exécutif est entièrement entre les mains du président américain élu au suffrage
universel sur un tour.
En France, sous la Cinquième République, le pouvoir est partagé entre le président de la
République (chef de l'État) et le gouvernement dirigé par le Premier ministre. La conjoncture
politique conditionne l'autorité de l'exécutif. En situation de concordance des majorités, le
président de la République exerce la réalité du pouvoir exécutif alors que celui-ci revient au
Premier ministre en cas de cohabitation. Le pouvoir exécutif revient donc la majeure partie du
temps au président de la République.
Au Maroc, Le roi Mohamed VI est garant et symbole de l'unité de la nation, Le chef du
gouvernement est désigné par Sa Majesté le Roi à la suite des élections parlementaires dégageant
un parti majoritaire détenant la légitimité du pouvoir exécutif. Dans les régimes parlementaires,
l’influence du Parlement est très importante, car il est à l'initiative de la plupart des lois, fixe
l'ordre du jour du Parlement et contrôle le vote des parlementaires à travers les partis politiques.
Dans le système politique présidentiel comme celui des Etats-Unis d’Amérique, les membres du
Congrès sont forts face au chef de l’exécutif, mais ce dernier dispose du droit de veto.

3- Le pouvoir judicaire

Dans les systèmes politiques modernes fondés sur la séparation des pouvoirs, le pouvoir
judiciaire a pour fonction principale le contrôle de l'application des lois, de l'interpréter en
examinant la concordance entre une situation concrète et la loi en elle-même, de sanctionner son
non respect. Il arbitre les litiges qui lui sont soumis relativement à l'application de la loi. Il est
constitué d'une organisation judiciaire (tribunaux) et des magistrats (juges) qui s'appuient sur les

29
textes de lois édictés par le pouvoir législatif pour rendre ses décisions. Le pouvoir judiciaire est
aussi la faculté de pouvoir trancher des litiges.
La séparation du pouvoir judiciaire est l'un des fondements d'un Etat de droit. Bien que
nommés par le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, les juges n'ont pas de compte à rendre aux
élus ou aux citoyens et il est très difficile de les destituer. Leur indépendance leur permet de juger
de manière impartiale les actes commis par l'Etat ou un gouvernant. L'indépendance de leur
pouvoir vient aussi du fait que les juges rendent leur décision, sur la base des textes de loi dont ils
ne sont pas à l'origine, exception faite de la jurisprudence.
La notion juridique de l’Etat :

Pour qu’un Etat puisse exister du point de vue juridique (le droit international), il faut qu’il
possède trois éléments objectifs :

1. Une population donnée ;


2. Un territoire défini, représentée par des instances politiques effectives, c'est-à-dire exerçant
une autorité souveraine sur le territoire et capable d’entrer en contact avec d’autres Etats.
3. Une autorité reconnue par d’autres Etats comme un pouvoir souverain.

L’Etat donc est l’ensemble durable des institutions politiques et juridiques, qui organisent
une société sur un territoire donné et définissent un espace public. D’après cette définition quatre
30
questions se posent:

a) Comment considère-t’ on un Etat comme une constitution ?


b) Quels sont les éléments constitutifs d’un Etat ?
c) Quels sont les caractères de l’Etat ?
d) Quel est son rôle et son fonctionnement ?

L’Etat comme constitution:

L’Etat est la forme la plus accomplie de l’organisation politique des sociétés modernes. Le
sociologue allemand Max Weber (1864-1920) s’est intéressé à étudier les fondements du pouvoir
politique et les sources de légitimé justifiant la domination de l’Etat sur les gouvernés. Dans
économie et société14, Max Weber définit l’Etat comme « (…) Une entreprise politique de
caractère institutionnel lorsque et en tant que sa direction administrative revendique avec succès,
dans l’application des règlements, le monopole de la contrainte physique légitime à l’intérieur
d’un territoire géographiquement délimité».
Le définissant comme un groupent politique, l’Etat consiste en un rapport de domination
de l’homme sur l’homme fondé sur le moyen de la violence légitime, précise-t-il dans le savant et

14
Economie et société, Max Weber. Pocket, Agora Edition 2003.
30
le Politique15. L’Etat selon M. Weber repose sur quatre éléments fondamentaux : un espace
géographiquement délimité (la souveraineté), les rapports d’autorité (le pouvoir), le monopole de
la violence et la légitimité. L’Etat se caractérise également par l’existence de trois types de
domination : L’éternel hier (la tradition), le légal-rationnel de règles de gestion de la société par la
constitution d’un corps de fonctionnaires (la bureaucratie moderne), et finalement la domination
d’un chef charismatique.

Les éléments constitutifs d’un Etat :


Selon Carré De Malberg16 un Etat existe quand trois éléments objectifs sont réunis de
façon cumulative :

Le territoire :

C’est sur un territoire délimité par des frontières que l'Etat exerce ses compétences
administrative et politique.

La population :

Le pouvoir de l'Etat s'exerce sur une population, formant ce qu'on appelle une nation. Deux
conceptions s'opposent pour définir la nation. La conception allemande fait primer des éléments
objectifs, comme la race, la langue, la religion, une culture et une histoire communes.
La conception française, inspirée de Renan, fait primer un vouloir-vivre ensemble, c'est la
volonté collective de vivre ensemble fondée sur une histoire commune qui prime.
Cependant, il n'y a pas forcément coïncidence entre Etat et nation. En effet, des nations
peuvent être écartelées entre plusieurs Etats, et des Etats peuvent être multinationaux.

Le Gouvernement :

Il doit exister un appareil d'Etat doté d'un pouvoir normatif, et surtout du monopole
d'utilisation de la force. En d'autres termes, si l'Etat n'est pas le seul à pouvoir édicter des normes,
il doit être le seul à pouvoir exiger, y compris par la force, le respect des normes qu'il édicte. Il
doit être obéit et cette obéissance de la part des gouvernés peut être volontaire, dans ce cas le
monopole de la force est légitime, ou subi, car illégitime.

15
Le Savant et le Politique, Max Weber. Edition 10/18, 1959.
16
R. Carre De Malberg, Contribution à la Théorie Générale de l’Etat, CNRS, Paris 1962.

31
Les caractères de l’Etat :
Selon Hans Kelsen, en tant qu’organisation politique, l’Etat est un ordre juridique
possédant le caractère d’une organisation spécifique, c’est-à-dire qu’il institue pour la création et
l’application des normes qui le constituent des organes spécialisés et centralisés. L’Etat est aussi
un ordre juridique relativement centralisé (…) Le problème de la qualité de personne juridique de
l’Etat et de sa qualité de sujet agissant et de sujet d’obligations et de droits (…) n’a de cesse de
faire l’objet de discussion»17. L’Etat s’identifie au droit : il est producteur des normes juridiques,
et d’entité juridique dotée de la personnalité morale et des attributs de la souveraineté.

- Caractère de la personnalité morale :


L'Etat est une institution juridique distincte de la personne physique des gouvernants, ce
qui signifie que les décisions que ces derniers prennent sont prises au nom de l'Etat et non en leur
nom personnel. Cela implique aussi qu'en cas de changement de dirigeants, la personnalité morale
de l'Etat demeure, sa continuité est ainsi assurée.
Mais, si l'Etat est la personne morale la plus importante, il n'est pas la seule. Existent à côté
de lui des personnes morales de droit public, comme les collectivités territoriales, ou des
personnes morales de droit privé, comme les associations ou les entreprises.
32
- Caractère de la souveraineté :
L'Etat est le seul à être doté de la souveraineté dont le pouvoir juridique est initial,
inconditionné et suprême. En élaborant ses propres règles d'organisation inscrites dans une
constitution, l’Etat fonde son propre ordre juridique et dont découlent toutes les autres règles.

- Fonctions et organes de l’Etat :

Fonctions Organes de l’Etat


Parlement (loi stricto sensu)
Législation Gouvernement (règlement autonome)
Cours suprême (arrêts de principe)
Gouvernement (textes d’application, mesures individuelles)
Exécution Administration (textes d’application, mesures individuelles,
opérations matérielles)
Parlement (mesures individuelles exceptionnelles)
Jugement Parlement (lois d’amnistie)
Gouvernement et Admiration (recours gracieux)
Autorités juridictionnelles (recours contentieux)
Source : Philippe Braud 18

17
Hans Kelsen, Théorie Pure de Droit, Dalloz, paris 1962, P.375.
18
Philippe Braud, La Science Politique, Paris, L.G.D.J 6eme Edition 2001, P.144.
32
A- Le pouvoir politique :

La notion de politique est bien plus complexe pour la réduire au réceptacle de l’Etat
localisé dans une seule et unique instance, une espèce de puissance. Le pouvoir c’est la relation
entre 2 individus de telle manière que l’un peut déterminer la conduite d’un autre volontairement
en fonction d’un certain nombre d’objectifs qui sont les siens.
Selon Max Weber, La définition La plus utile, et la plus célèbre, c'est celle qu'a énoncée
Max Weber dans: "Le pouvoir politique, c'est le monopole de la violence légitime"19. La
particularité du pouvoir politique réside selon lui dans l’existence de ce qu’il nomme un
groupement de domination, c’est-à-dire un groupe au sein duquel les membres sont soumis à des
relations de domination en fonction de règlements en vigueur, notamment des textes juridiques
(Constitution).

Domination, puissance et légitime :


Du point de vue de la sociologie compréhensive, la domination est la chance de trouver
obéissance en faveur d’ordre donnés par les détenteurs du pouvoir politique légitime. Elle peut
reposer sur les motifs de la docilité : des intérêts, par des considérations rationnelles. Elle peut
aussi n’être due qu’à la tradition, c’est-à-dire à l’habitus comme une manière d’agir profondément
intériorisée et incorporée dans les schèmes de pensée et d’agir. La domination peut aussi avoir des
raisons purement affectives, relevant de la seule inclination personnelle du dominé. Toutefois, une
domination qui reposerait uniquement sur de tels fondements serait indéterminée.

Formes de domination légitime :


La légitimité est la capacité d'une personne ou d'un groupe à faire admettre sa domination,
son autorité sur les membres d'une communauté ou d'une société. La légitimité ne se fonde pas
uniquement sur le droit, mais peut mettre en œuvre différents critères comme l'âge, les origines, la
tradition, la richesse, le statut, les titres, la force, la connaissance et l'expertise, etc. La légitimité a
donc un sens plus large que la légalité. Max Weber distingue trois types de dominations
légitimes :

A- la légitimité charismatique liée à une autorité exceptionnelle :

Elle est déposée dans une seule personne envers qui la croyance en un pourvoir repose sur
des qualités exceptionnelles fondées sur le caractère sacré et héroïque de sa propre personne. Le

19
Max Weber, (1864-1920) Le Savant et le Politique (1919).

33
groupement politique ainsi crée forme une communauté affective relevant des rapports entre
maitre et adeptes, (exemples : héros, demi-dieu, prophète, grand tribun, etc.).

B- La légitimité traditionnelle fondée sur la tradition :


La tradition est considérée comme un eternel hier immémoriale et incontestable, c’est-à-
dire sur les antécédents et sur la croyance que la tradition est sacrée. La tradition confère au
détenteur du pouvoir toute sa légitimité. D’ordre divin : ne peut être mise en doute Relation
personnalisée : l’obéissance est due à une personne (respect) Relation seigneur/sujet Droit
coutumier (exemples : dynastie monarchique ou féodale et patriarches).

C- La légitimité légale-rationnelle qui s'appuie sur des règles impersonnelles et


universelles :

Dans ce cas de figure, l'autorité est reconnue à la fonction et au statut et non à la personne
qui agit en son nom, c’est-à-dire qu’elle est fondée sur le droit, sur des règles formelles et écrites
organisées hiérarchiquement ‘exemple, Ministre, Wali, gouverneur, Caïd, Cheikh, Mkadem, etc.)

34

34
Chapitre V : L’Analyse systémique des phénomènes politiques

L’analyse systémique est une méthode qui étudie les phénomènes politiques comme un
système c’est-à-dire un ensemble complexe d’interactions entre des éléments ou des composantes
qui forment à leur tour des sous-systèmes susceptibles d’être compris de façon technique.

A- Genèse de l’analyse systémique :

L’analyse systémique est née aux États Unis au début des années 50, mais qui n’a été
introduite en Europe que depuis les années 70 et cette analyse a déjà donné lieu à de nombreuses
applications en biologie, en écologie, en économie et en science politique.

B- Le fonctionnalisme :

Le fonctionnalisme est une méthode qui a vu le jour en anthropologique et s’est étendue


par la suite à la science politique et à toutes les sciences sociales. Elle propose une lecture du
fonctionnement de la société sur la base des éléments qui assurent sa stabilité, affirmant que la
société et les Etats ne doivent pas être analysés à partir de leurs histoires mais plutôt à partir du
mode de fonctionnement de l’ensemble de leurs éléments comme un système ou une structure.
C’est pourquoi l’étude de la science politique se fera que sur le fonctionnement des organisations
politiques, comme les partis et les syndicats par exemple. C’est exactement la démarche
méthodologique qu’a proposé le politologue Américano-canadien David Easton.

C- Le système politique selon D. EASTON :

L’analyse systémique de David Easton est un cadre théorique pour l’étude du système
politique. Celui-ci est défini comme « l’ensemble des interactions par lesquelles les objets de
valeur sont repartis par voie d’autorité dans une société ». Il élabore un modèle de système
politique par analogie avec un système cybernétique fonctionnant en circuit. Sa démarche consiste
à analyser les rapports du système politique avec l’environnement auquel il appartient :

- Environnement intra-sociétal ;
- Environnement extra-sociétal.

Les rapports entre le système politique étudié et son environnement s’effectuent par le
biais des inputs, des outputs. L’analyse des inputs permet de mesurer et de saisir l’impact des
éléments extérieurs sur le système politique. C’est là où réside la valeur de l’input en tant que
concept. Or, la multitude de situations et d’éléments influe directement sur le système et affecte sa

35
capacité de persistance. Cependant, les inputs peuvent être définis comme un ensemble incluant
tout événement extérieur au système et qui l’altère, le modifie ou l’affecte d’une façon
quelconque.
L’analyse des outputs permet de mieux comprendre les conséquences qui résultent du
comportement des membres du système et la façon dont celui-ci agit sur son environnement. Ils
peuvent être définis comme, en effet, du point final du processus complexe par lequel les
exigences et les soutiens sont convertis en décisions et en actions.
D. Easton distingue deux catégories d’outputs : les outputs obligatoires qui sont les
décisions prises par les autorités et ayant forte exécutoire et les outputs connexes qui sont des
cadres d’ordre idéologique ayant pour fonction de justifier, préciser, clarifier les outputs
obligatoires, dans le but de gagner le soutien de l’environnement du système.
Ils ont pour fonction :

A- Le système politique qui tend à s’adapter à son environnement ;

B- Agir sur les conditions auxquelles il est confronté en les modifiant et en adaptant ses
ressources et ses potentialités pour faire face aux perturbations et à la perte de soutiens
survenus dans son environnement immédiat ou ailleurs.
36
Les systèmes politiques:

Comme nous l’avons vu avec le point de vue juridique Hans Kelsen, l’Etat est une
personne morale titulaire de la souveraineté. Le pouvoir politique est un élément indispensable à
l’existence de tout État, c’est alors que dans tous les systèmes politiques il est aperçu comme
moyenne d’action de l’Etat.
Les systèmes politiques sont définis comme le mode d’organisation des États. Ils désignent les
grandes catégories d’organisation des pouvoirs publics. Les systèmes politiques de nos jours sont
nombreux. Nous avons la démocratie qui désigne plus largement une forme de société, la manière
de gouverner qu’adopte une organisation ou encore un système de valeurs. Selon Abraham
Lincoln, la démocratie est « le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ».
Le totalitarisme est un système politique à parti unique n’admettant aucune opposition
organisée et dans lequel l’Etat tend à confisquer la totalité des activités de la société. Le fascine est
également un également un système politique nationaliste et totalitaire que Mussolini établit en
Italie en 1922. Nous avons également le présidentialisme qui est un système de gouvernement issu
d’une altération du régime présidentiel, dans lequel le chef de l’Etat est et en même temps chef du
gouvernement. Le fédéralisme pratiqué aux USA par exemple est un système politique d’un État

36
fédéral, régissant les rapports entre le gouvernement central et les gouvernements des collectivités
qui forment cet États. Et la monarchie est un système politique dans lequel la gouvernance est
détenue par un seul individu, mais ce pouvoir est limité par des lois.
Dans tous ces systèmes, on y trouve des politiques qui sont l’organisation des pouvoirs et
leur exercice au sein d’une entité politique donnée. Il existe un bon nombre de régimes politiques
à savoir : l’absolutisme qui est un concept lié aux réactions de régimes politiques centraux,
généralement monarchiques, visant à l’affranchissement des contrepoids liés aux premières formes
de séparation des pouvoirs qui ont suivi les formes consultatives.
La dictature est un régime politique dans lequel une personne ou un groupe de personnes
exercent tous les pouvoirs de façon absolue, sans qu’aucune loi ou institution ne le (s) limite(nt) ;
ce régime va de pair avec la tyrannie qui est également un gouvernement absolu, oppressif et
arbitraire. L’aristocratie est un régime politique dans lequel le pouvoir est officiellement
détenu par une élite minoritaire mais dominante ; c’est une conception d’Aristote qualifiant le
despotisme comme une forme de gouvernement propre aux sociétés serviles où l’autorité est
exercée par un despote qui, seul et sans le concours de la loi règne avec un pouvoir politique
absolu et arbitraire fondé sur la crainte.
Le parlementarisme aussi fait partie des régimes politiques; il est caractérisé par la
collaboration de l’Exécutif et du Législatif le premier étant indépendant mais responsable devant
le second. Le régime présidentiel est celui dans lequel il existe bien une séparation des pouvoirs
Exécutif et Législatif, avec un Parlement qui fait des lois, mais dans lequel le Chef de l’Exécutif
est fort et stable. L’association des caractéristiques des régimes parlementaire et présidentiel est à
l’origine du régime mixte ou semi-présidentiel pratiqué en France et dans d’autres Etats du
monde.

37
Chapitre VI : L’Ecole de Francfort :
L’Ecole de Francfort évoque un groupe de penseurs critique de la société de consomation
occidentale et du processus de politisation du secteur de la recherche et de l'enseignement
supérieure en Europe. Il s'agit en effet d'un mouvement intellectuel formé en 1931 autour de Max
Horkheimer au sein de l’Institut fur Sozialforschung (Institut de Recherches Sociales) : Friedrich.
Pollock, Walter Benjamin, Otto Kirchheimer, Erich Fromm, Herbert Marcuse et Theodor W.
Adorno. Fuyant le nazisme, l'Institut fut transféré d'abord à Paris, puis à l'université Columbia à
New York20. Dans son manifeste de 1922 pour la fondation de l’Institut de Recherche en Sciences
sociales, Joachim Gerlach avait fixé le programme intellectuel de leurs recherches : « Grève de
masse, sabotage, vie internationale du syndicalisme, analyse sociologique de l’antisémitisme,
bolchevisme et marxisme, parti et masse, modes de vie des différentes couches de la société. »21

Intellectuellement parlant, l'École de Francfort est née en 1924, dans un premier moment,
sur le terrain de la philosophie et par référence aux textes d’Emmanuel Kant et de Frederik Hegel
de Karl Marx et Friedrich Engels. Tardivement Frederik Nietzsche a renforcé l’élan critique contre
l'existentialisme de Martin Heidegger (Etre et Temps), la phénoménologie d’Edmund Husserl
(Critique des sciences européennes) et l’ontologie fondamentale de Nicolai Hartmann (Etre et
38
connaissance).
L'École de Francfort, a rassemblé autour d’elle un cercle de philosophes et de sociologues
d’esprit marxistes en fin des années 20. Ses principaux membres étaient Theodor Adorno, Max
Horkheimer, Walter Benjamin, Herbert Marcuse, Leo Löwenthal, Erich Fromm, Jürgen
Habermas, entre autres. De ce fait, en les considérants les principaux observateurs des mutations et
querelles d’une Europe à la Première Guerre mondiale.
En regroupent des philosophes, des économistes, un psychanalyste, un littéraire et un
historien, l’École de Francfort représente le dernier souffle de la philosophie allemande dans
son âge d'or.
Attendu d’un projet sociologique comme origine, l’Institut très vite devient le lieu d'une
recherche pluridisciplinaire sous prétexte des lacunes perçues d’un marxisme traditionnel. Au
début, un retour critique à la philosophie d’E. Kant et de ses successeurs dans l'idéalisme
allemand, principalement à la philosophie de Hegel. D’autant plus, fondée sur l'union du
matérialisme marxiste avec la psychanalyse, créé par Freud, plus tard remplacé par une réceptivité

20
Hirsch Mario. L'École de Francfort : Une critique de la raison instrumentale. In : L'Homme et la société, N. 35-36,
1975.
21
Cité d’après Detlef Sigfried, Das radikale Milieu, Deutscher Universitäts-Verlag, Wiesbaden, 2004.
38
d'autres philosophes comme Schopenhauer et Nietzsche. En développent une nouvelle conception
révolutionnaire du monde, du positivisme et du marxisme, le programme adopté pour eux est venu
pour être connu comme Théorie Critique. L'accent mis sur la composante critique dérive
significativement de leur tentative de dépasser les limites du marxisme, du matérialisme, du
positivisme et du déterminisme.
L’Institut pour la Recherche Sociale était dirigé conjointement par
Horkheimer et Adorno. Les membres de l'école effrayée par le déclenchement de la Révolution
Russe de 1917, l'émergence du régime fasciste et le déploiement monté du nazisme en Allemagne.
Condamné à la fermeture par les nazis en 1933 et à un exil de ce groupe composé en grande partie
des Juifs, l'Institut s'exile aux Etats-Unis. Le groupe des exilés s’est s'établit à
la Columbia University à New York. Ce changement définitivement a marqué chacun d'entre eux,
surtout après le suicide de Walter Benjamin, en 1940 craignant d'être capturé par les nazis.
Erich Fromm et Herbert Marcuse ont rejoint les concepts théoriques de la théorie critique
aux idées psychanalytiques. H. Marcuse, qui a choisi de rester en Amérique après le retour de
l'Institut en Allemagne en 1950, était l'un des membres plus réceptif à la production intellectuelle,
une fois inspiré par les mouvements à faveur de la paix et les soulèvements étudiants,
fondamentale en 1968 et 1969, qui a atteint un pic en mai de l’année 68. Par ailleurs, Adorno,
aujourd'hui considéré comme l'un des philosophes les plus importants de l'école de Francfort, a
poursuivi sa mission de transformation dialectique de la rationalité occidentale, dans ses écrits sur
la « Dialectique négative » ainsi que ses analyses sur la personnalité autoritaire.

L’Ecole de Francfort et la théorie critique

L’Ecole de Francfort est devenue importante depuis la fin des années 50. C’est un courant
de pensée qui fait la critique de la Raison des Lumières, en dénonçant son retournement
dialectique en mythologie, particulièrement en mythe du progrès et en raison instrumentale, pour
mieux prendre en charge la réalisation des espoirs placés en elle. L’instrument de la critique est
emprunté au marxisme de Lukacs et se nourrit des différentes disciplines en sciences humaines,
sociologie, économie et psychologie, avec une influence marquée quoique variable de la
psychanalyse.
Il s’agit d’une philosophie dialectique, au sens d’un matérialisme pratique, axé sur la
dialectique de la théorie et de la praxis. L’ancrage dans la théorie marxiste, bien qu’effectué
indépendamment des organes de la IIIe Internationale, deviendra problématique au fur et à mesure
que les espoirs dans les luttes du prolétariat s’avéreront fragiles voire discrédités soit par la

39
dégénérescence bureaucratique de l’Etat soviétique jusqu’à une forme de totalitarisme soit par la
soumission consentie du prolétariat à la société de consommation.
Selon Horkheimer, cette philosophie est dialectique dans la mesure où elle travaille avec
l’idée dénégation, « négation des prétentions absolutisantes de l’idéologie dominante et négation
des prétentions impudentes de la réalité »22. Cette double négation est un mouvement critique et
non pas la possession d’une sagesse ou d’une idée du Bien, un mouvement de distanciation mais
qui se veut aussi prise au sérieux, prise de responsabilité à l’égard de la situation historique, ce en
quoi il se distingue, selon Horkheimer, d’un simple scepticisme.
La critique est orientée vers un espoir de travailler à l’instauration d’une société axée sur la
raison, condition de la liberté. Cette visée ainsi que la référence à certaines thèses du marxisme de
Lukacs a fait du problème de l’espérance un point sensible de ce courant philosophique. Le
problème de l’articulation de la philosophie et de la théologie a été soulevé par Benjamin dès le
début du mouvement pour dénoncer le fait que l’orthodoxie marxiste, qui prétendait liquider la
théologie, gardait à son insu un résidu mythologique et pour suggérer que la théologie pourrait
tenir un rôle critique à l’égard de la philosophie de l’histoire et de l’espérance. Il a utilisé certaines
notions de la foi juive pour effectuer une critique virulente de la conception du temps historique et
de sa dialectique objective, présente dans le marxisme léniniste et dans le marxisme vulgaire, et
40
pour redonner au présent une ouverture qui a force d’interpellation. Sa réflexion veut éveiller à la
conscience que le bien futur ne saurait justifier les souffrances passées et présentes. Mais le
rapport de cette philosophie critique à la théologie varie d’un philosophe à l’autre. L’option
d’immanence matérialiste, héritage de la critique marxiste de la religion, proclamée et maintenue
par Adorno, est l’objet d’un questionnement, voire d’une crise pour Horkheimer.
Ce mouvement philosophique, qui a fort revendiqué sa volonté d’être une philosophie en
rapport dialectique avec la praxis, a été souvent perçu par les militants de la gauche marxiste
comme un marxisme universitaire, qui reste de plus en plus une théorie critique, coupée de la
praxis. Il faut dire qu’à part quelques allusions à quelques militants de l’opposition de gauche non
affiliés à la IIIe Internationale ou au parti socialiste, dans l’article de 1937, Théorie traditionnelle
et Théorie critique, il y a peu de considérations d’analyse politique sur les mouvements
révolutionnaires de l’époque, ni d’allusion à un travail militant. Cependant l’Ecole de Francfort
est prise comme cadre de référence des mouvements étudiants des années 60 et de la Nouvelle
Gauche aux USA, de certains mouvements gauchistes en Europe, au moment où Horkheimer
prenait distance par rapport au marxisme, où Habermas proposait une nouvelle manière de penser

22
Sur le concept de philosophie, (1944) in L’Eclipse de la raison, Payot, 1974, p.188
40
le lien entre Raison et Liberté. C’est H. Marcuse23 avec sa conception d’un freudo-marxisme, qui
restera le plus engagé dans les luttes amorcées par les mouvements d’opposition de 68, comptant
sur une forme de résistance dont l’ancrage n’est alors plus le prolétariat.
Olivier Voirol distingue différentes périodes dans ce courant de pensée qui s’est durement
confronté aux violences de l’histoire et à l’ampleur du mal : chute de la République de Weimar,
accès de Hitler au pouvoir avec l’aide du grand patronat allemand, révolution trahie en URSS, la
IIIe internationale développant une bureaucratie répressive et un régime totalitaire qui bloqua au
niveau international les processus révolutionnaires sur lesquels elle n’avait pas le contrôle (Guerre
d’Espagne, élimination des anciens combattants espagnols), complaisance du prolétariat dan
l’aliénation de la société de consommation et force de récupération du capitalisme à travers la
société de consommation, de la société unidimensionnelle.
On peut considérer qu’au fil du temps, l’ancrage dans le marxisme a été dissous, d’une part
parce que l’idée que le prolétariat mènerait une lutte émancipatoire contre le capitalisme, en
instaurant une forme de démocratie plus accomplie, perdait de sa force devant la puissance
d’intégration du capitalisme et l’extension de la culture de masse aliénante, mais d’autre part et
plus encore, parce que les philosophes rattachés à ce mouvement critique, ont peu à peu renoncé à
la critique marxiste de l’économie politique et au lien posé par Lukacs entre marchandisation et
réification.
Il subsiste cependant ce que certains appellent la Théorie Critique, mouvement qui se
comprend comme l’héritier de l’Ecole de Francfort, au sens où elle assume une réflexion
philosophique sur le lien social et sur les relations qu’entretiennent raison, liberté et justice, où elle
assume la tâche de dénoncer les obstacles à l’émancipation en dénonçant les différentes formes de
pathologies sociales, d’aliénation et de réification contemporaines, enfin où elle cherche à assumer
la responsabilité d’une théorie engagée dans la praxis, effort théorique de soutien aux institutions
démocratiques, voire aux mouvements émancipatoires, pour autant qu’on puisse les discerner.24
Justement, les espaces de la mobilisation politique peuvent intégrer les partis politiques, les
syndicats ouvriers ainsi que les groupes de pressions, notamment les mouvements sociaux. C’est
exactement ces trois institutions fondamentales à la vie politique dans les sociétés modernes qu’il
va s’agir dans les pages suivantes.

23
Marcuse avait milité avec le mouvement spartakiste dans les années 20.
24
Emmanuel Renaut, Yves Sintomer, Où en est la théorie critique ? La Découverte, coll. Recherches, Paris, 2003.

41
Notion et définition des partis politiques

Les systèmes politiques contemporains définis comme démocratiques se fondent sur les
principes de liberté et d’égalité. Le principe de liberté englobe celui de liberté d’opinion,
d’expression et surtout d’association entre personnes qui partagent la même idéologie politique,
voire la même vision du monde sociale. En ce sens, les partis politiques dans les Etats
démocratiques ont partie liée aux classes sociales (clivage sociologique). De même, les partis
politiques jouent un rôle de socialisation des citoyens aux valeurs politiques communes et
centrales des sociétés contemporaines. Les Etats démocratiques qui acceptent ces principes
acceptent aussi les opinions divergentes et garantissent la liberté d’expression, d’opinion et
d’association. Sur la base de ces valeurs émergent des partis politiques indispensables au
fonctionnement de la vie politique.

Origine historique et fonctions des partis politiques contemporains

Contrairement aux Etats démocratiques, les Etats non démocratiques n'admettent


généralement pas la constitution de partis politiques indépendants. Apparus dans le courant du
19eme siècle, les partis politiques sont issus des bouleversements sociaux, économiques et par
voie de conséquence politiques. L'avènement des masses populaires sur la scène de l’histoire et 42
l’arène politique a ainsi profondément modifié la vie politique et le fonctionnement des systèmes
politiques dans le monde moderne. On définit généralement les partis politiques25 comme ce qui
suit :

Le parti politique est une organisation durable dont l’expérience sera supérieure à celle de
ses dirigeants. Il est aussi une organisation locale, tout en conservant des relations avec le niveau
national et que dans les deux cas il participe à l’exercice du pouvoir, et ne pas simplement
l’influencer (cette méthode étant caractéristique des groupes de pression). Finalement, le parti
politique cherche activement des soutiens, des partisans qui apportent leur confiance.

De manière générale, les partis politiques ont vocation à réaliser leurs projets, et pour cela,
ils doivent convaincre leurs bases sociales et leurs électeurs potentiels du bien fondé de leur
programme d’action. Pour y parvenir, les responsables de premier rang informent les militants des
grandes orientations de leur programme. "Il s'agit d'un ensemble d'idées formant une entité
cohérente reflétant l'esprit du parti. Le programme attire ainsi les électeurs aux idées similaires".26

25
Selon la définition de Joseph La Palombera et Myran Weiner.
26
Idem.
42
Ce faisant, les partis politiques renforcent leurs positions grâce à la mobilisation et au soutien des
militants et des adhérents qui apportent du crédit au parti et lui permettent de remporter des
victoires en défendant ses valeurs et ses idées.

L’avenir de tout parti politique est déterminé par sa capacité à mobiliser ses adhérents et à
chercher des alliances avec d’autres puissances sociales. En définitif, les partis politiques ont pour
fonction principale de fédérer les acteurs politiques (militants et sympathisants) autour d'idées et
de valeurs orientées vers le vote des électeurs. Certains partis encadrent de manière relativement
ferme les intentions de vote des électeurs.

Toutes ces notions nous conduisent à parler succinctement d’une notion primordiale qui
fera une étude ultérieure plus détaillée sur les partis politiques qui sont des entités possédant une
organisation juridique fondée sur des statuts qui indiquent leurs orientations idéologiques, leurs
objectifs, les grands principes de leur fonctionnement, l'organisation de leur direction et les règles
de la désignation et du remplacement de leurs dirigeants.
Dans les sociétés démocratiques, les partis tentent de prendre le pouvoir lors des élections
générales (législatives et/ou présidentielles). Pour ce faire, ils doivent :

1) choisir des leaders ou porte-parole ;


2) recruter des candidats ;
3) obtenir un financement ;
4) mobiliser les électeurs ;
5) Remporter les élections ;
6) Former un gouvernement ;
7) Exercer le pouvoir.

Quotidiennement, leur travail consiste à reprendre un certain nombre de revendications,


propositions ou ambitions et d'y faire écho dans leurs multiples interventions. En ce sens, ils
filtrent les demandes provenant de l'ensemble de la société ou d'importants segments de celle-ci et
ils contribuent à définir les choix politiques et sociaux. Contrairement aux revendications
d'un groupe de pression qui s'articulent à des intérêts précis, sectoriels ou relatifs à un groupe
défini de la société, le programme d'un parti constitue généralement une proposition d'ensemble
couvrant la plupart des secteurs d'activités où l'État.

43
Typologie des partis politiques

M. Weber conçoit les partis comme un ensemble de « relations sociales fondées sur un
compromis d’intérêt ou sur une coordination d’intérêts et motivés rationnellement ». De nos jours,
il existe trois types de partis politiques, à savoir :

1- Les partis politiques des cadres ;


2- Les partis politiques des masses ;
3- Les partis politiques mixtes.

1. Partis politiques de cadre

Historiquement parlant, les partis politiques des cadres sont les premiers à être apparus
dans la société bourgeoise en Europe grâce aux clubs et aux groupes de pressions ou ce qu’il est
convenu d’appeler la société civile. Les partis politiques de cadres reposent sur le pouvoir de ses
représentants qui viennent très souvent des classes dirigeantes et des hauts fonctionnaires des
Etats, notamment des technocrates et des bureaucrates. Généralement, les partis politiques de
cadres sont faiblement centralisés.

2. Partis de masse
44
Les premiers partis de masse sont nés avec la montée en force des classes ouvrière et
paysanne et l’affirmation du suffrage universel comme mode de scrutin. Le vote populaire a
transformé la plupart des partis politiques de cadre en partis politiques de masse et donc des partis
qui repose sur le pouvoir des classes moyenne en partis politiques reposant sur les classes
populaires et les marginalisés. Ce faisant, es partis politiques ont du s'adapter au fait que les
adhérents issus des classes populaires ne contribuent pas ou peu financièrement, les partis de cadre
on été obligés de s’ouvrir pour augmenter le nombre de leurs adhérents. Ces partis favorisent donc
les adhésions et la diffusion des valeurs et idées petites bourgeoises.

Du point de vue idéologique, la conversion des partis de cadres en partis de masse a fait
que les problèmes sociaux rencontrés par les populations défavorisées ou peu favorisées sont
repris par les partis politiques de masse pour former une conscience collective et un esprit de
classes coalisées.

44
3. Les partis mixtes

A l’origine, les classes dites populaires qui refusaient d'être représentées par une élite
lointaine et parfois hautaine, se sont rapprochées d’autres individus issus de classes moyennes
pour constituer des parties politiques mixtes reposant sur des intérêts communs et négligeant les
clivages de classes. Le but de ces partis est donc de remplacer le modèle capitaliste par des
principes collectifs, plus égalitaristes. De nos jours, les partis de masse ne rassemblent plus
seulement des classes populaires mais aussi des classes moyennes, l'importance quantitative de ces
classes sociales a conduit de nombreuses élites à se tourner vers les partis politiques de ce genre.

Dans le sillage de M. Duverger, M. Charbot parle de types de partis de rassemblement


apparus dans "l’ère du vide" et de "la mort des idéologies" ou encore " la fin de l’Histoire". En
conséquence, "la fin des sociétés" a fait naitre des partis politiques plus pragmatiques et moins
marqués idéologiquement. L.D. Epstein distingue quant à lui ces partis des partis d’intérimaires,
dont le fonctionnement est périodique, des partis de patronage, ou encore des partis de militants
radicaux.

La notion de syndicat

Le syndicalisme est la doctrine sociale selon laquelle les salariés, commerçants,


agriculteurs et généralement tous les travailleurs doivent se regrouper au sein de syndicats afin de
pouvoir défendre leurs intérêts communs (salaires, conditions de travail, temps de travail, sécurité
de l'emploi...).

Historiquement parlant, le syndicalisme est le rejeton de la société industrielle et de la


révolution technique (la spécialisation et la division du travail) qui ont crée les conditions
favorables à l’apparition des syndicats. Ces derniers sont considérés dans leur ensemble comme
une association professionnelle libre de personnes (employés, ouvriers, cadres, patrons,
professions libérales) ayant le même statut et vivant dans les mêmes conditions et qui ont pour but
de défendre les intérêts catégoriels (matériel et moraux) de ses membres. La fonction principale du
syndicalisme consiste à faire aboutir des revendications en matière de salaires, de conditions de
travail, de prestations sociales et d’actions syndicales. Dans les pays capitalistes avancés, le
syndicalisme peut être classé en plusieurs grandes tendances, à savoir : le syndicalisme ouvrier,
patronal, agricole, de collaboration, ou réformiste ou anarchiste.

En effet, l'anarcho-syndicalisme est un courant syndical fondé sur les principes


d'autogestion, d'anti autoritarisme, le libre fédéralisme, la démocratie directe, avec des actions
spontanées et violentes. Il est à préciser que l'anarcho-syndicalisme est l’extension de l'anarchisme

45
comme idéologie et comme forme d’action. Les monarchistes refusent à la base le principe des
partis, associations ou corporations, car il considère que le syndicat est la forme première de
l'organisation des travailleurs à l’aide duquel les classes exploitées s'organisent et de luttent en
fonction du libre choix des travailleurs tant au niveau local qu’au niveau national selon des
directives décentralisées. Pour précision, l'anarcho-syndicalisme s'oppose au syndicalisme
réformiste des partis socio-démocrates ainsi qu'au syndicalisme révolutionnaire lié au parti
communiste.

Corporatisme et syndicalisme

Le corporatisme est une doctrine socio-économique favorable à l'existence des


corporations regroupant les acteurs d'une même profession, qu'ils soient salariés ou employeurs. Il
propose d'en faire des organismes incontournables de consultation pour les pouvoirs publics. Le
corporatisme s'oppose au syndicalisme dans le sens que ce dernier est plutôt tourné vers le passé,
l’identité et la nation. En ce sens, le corporatisme se présente comme une voie alternative entre le
capitalisme sauvage et le socialisme réformiste de type petit bourgeois.

Dans les deux cas, les syndicats et les corporations sont considérés par les autorités des
"partenaires sociaux" incontournables dans le processus de changement et de réforme de la vie
46
sociale et politiques des sociétés actuelles. La notion de partenaires sociaux désigne les agents
actifs qui participent à des négociations d'ordre social. Ils sont constitués de représentants des
syndicats de salariés les plus représentatifs et des principales organisations patronales. De plus, les
partenaires sociaux facilitent le dialogue social entre eux et les autorités publiques qui se joignent
au dialogue social dit tripartite.

En ce sens, les partenaires sociaux jouent un rôle important en matière de gouvernance


sociale et économique en représentant et défendant les intérêts et les problèmes liés au monde du
travail salarial. Leurs domaines d'intervention sont les conditions de travail, le développement de
la formation continue ou la définition des normes salariales. Ils sont habilités à conduire un
dialogue pour le compte de leurs membres et à mener des négociations qui peuvent déboucher sur
des conventions collectives.

46
Rôle et fonctions des syndicats

Les syndicats remplissent trois fonctions essentielles à savoir : la fonction de


représentation, la fonction de revendication et la fonction d’intermédiation.

1- La première fonction des syndicats consiste à représenter les salariés à travers des délégués
syndicaux devant les patrons en formulant des négociations collectives votées par des
assemblées générales du corps syndiqué. Généralement, ces revendications concernent les
salaires et les conditions sociales du travail et de vie.
2. La fonction de revendication consiste en une action collective qui peut aller de la
négociation à la grève sectorielle ou nationale. Généralement, l’action syndicale participe à
la socialisation secondaire des salariés dans le monde du travail selon la logique de
l’identité, d’opposition et de la totalité c’est-à-dire de l’action collective totale par le
conflit social autours des luttes ouvrières.
3. La fonction d’intermédiation consiste à jouer le rôle de médiateur entre les salariés, les
patrons et les autorités publiques afin de trouver des solutions négociées. Ce moyen
consiste généralement à résoudre les tensions avec le patronat par le moyen du compromis.
Les syndicats siègent dans les conseils des prud’hommes aux côtés des employeurs et de
l’Etat.

Les groupes de pressions (Interest groups)


Les groupes de pressions ou Lobby en anglais sont des individus qui s’organisent pour
défendre des intérêts spécifiques d’autres groupes qu’ils soient des corporations, des
multinationales ou des entreprises. Ils peuvent aussi travailler pour le compte des Etats étrangers
et des organisations internationales. Leur but consiste à faire pression sur les décideurs publics ou
privés en vu de réaliser des objectifs précis pour faire avancer la cause de leurs prestataires.

Le domaine d’action des différents groupes de pression concerne l’économie, la politique,


les relations internationales, le commerce, la justice, etc. Quant aux moyens utilisés pour cela
concernent l’espionnage, la communication privée ou publique, l’intelligence industrielle mais
aussi la morale publique.

Finalement, tous les Etats contemporains et les organisations internationales recourent au


lobbying pour défendre leurs intérêts et faire avancer leurs affaires devant leurs concurrents voire
leurs ennemis potentiels selon l’adage usité : il n’y pas d’amis permanents ou d’ennemis
permanents mais il y des intérêts permanents.

47
Conclusion :

Dans ce cours nous avons développé deux axes primordiaux dans l’étude de la science
politique :

I. Axe de la politique comme activité pratique humaine et de la science


politique comme savoir spécifique lié au vivre ensemble: sur cet axe nous avons
donné les définitions et les significations des termes politiques et la scientificité de
ces termes. Nous avons aussi donné un aperçu sur l’aboutissement et l’évolution de
la pensée politique depuis l’antiquité jusqu'à la période moderne. Aussi, avons-
nous développé l’objet et l’autonomie de la science politique par rapport aux autres
disciplines avoisinantes.

II. Dans le second axe nous avons étudié la notion de système politique et de la notion
de l’Etat et du pouvoir politique dans son ensemble.

48

48
Références bibliographiques :

- Aristote, La Politique (trad.), Paris, Vrin, 1982.


Machiavel Nicolas, Le Prince (trad.), in Œuvres complètes, Paris, Gallimard, 1982.
Montesquieu, De l’esprit des lois, in Œuvres complètes, Paris, Gallimard,1985, t. II.
- Tocqueville Alexis (de), De la démocratie en Amérique, in Œuvres, Paris, Gallimard, 1992.
- Weber Max, Le Savant et le politique (trad.), Paris, UGE, 1979.
- Battistella Dario, Théorie des relations internationales, Paris, Presses de Sciences Po, 2012.
- Braud Philippe, Sociologie politique, Paris, LGDJ, 2014.
- Baudot Pierre-Yves, Thomas Ribémont (dir.), Science Politique.50 fiches pour réviser, Paris,
Foucher, 2010.
- Boy D. et Mayer N. (dir.), L'électeur a ses raisons, Presses de sciences po., 1997.
- Braud Ph., Science politique, 2. L’Etat, coll. Points, éd. du Seuil, 1997.
- Braud Philippe, Science politique, 1. La Démocratie, coll. Points, Seuil, 1997.
- Burdeau Georges, article "nation", in Encyclopédia Universalis, 1995.
- Chagnollaud Dominique, Introduction à la politique, coll. Points, Seuil, 1996.
- Chevallier J., l’Etat de droit, Ed. Montchrestien, coll. clefs, 2è édition, 1994.
- -COHEN Antonin, Bernard LACROIX, Philippe RIUTORT (dir.), Nouveau manuel de science
politique, La Découverte, coll. « Grands Repères », 2009.
- Constant F., La Citoyenneté, Ed. Montchrestien, coll. clefs, 1998.
- Darmon (Muriel), La socialisation, Armand Colin, collection 128, 2006.
- Darnton R. et 0. Duhamel (dir.), Démocratie, Ed. du Rocher, 1998.
- DELOYE Y., O. IHL & Cl. HAROCHE dir., Le protocole ou la mise en forme de l’ordre politique, Paris,
L’Harmattan, 1996
- Déloye Yves, Sociologie historique du politique, Repères, La Découverte, 1997
- Devin Guillaume, Sociologie des relations internationales, Paris, La Découverte, 2013.
- Donegani Jean-Marie, Sadoun Marc, Qu’est-ce que la politique ?, Paris, Gallimard, 2007.
- Dormagen Jean-Yves, Mouchard Daniel, Introduction à la sociologie politique, Bruxelles, De
Boeck, 2011.
- DORMAGEN Jean-Yves et MOUCHARD Daniel, Introduction à la sociologie politique, De
Boeck, 2010.
- DULONG Delphine, Sociologie des institutions politiques, Repères – La Découverte, 2012.
- Galbraith J.K., L'Anatomie du pouvoir, Le Seuil, 1985.
- Han-Fei-Tse, Le Tao du Prince, Seuil, Point.
- Hassen Teufel Patrick, Sociologie politique. L’action publique, Paris, Armand Colin, 2011.

49
- J.M. Denquin, Introduction à la science politique, Les fondamentaux, Hachette supérieur, 1994.
- -Hastings M, Aborder la science politique, MIÉMO, Seuil, 1998.
- Heymann A., Les Régimes politiques, Repères, La Découverte, 1998.
- LACROIX Bernard, “Ordre politique et ordre social” in Jean Leca, Madeleine Grawitz dir., Traité de
science politique, PUF, tome 1, 1985.
- LACROIX Bernard, Durkheim et le politique, Presses de la FNSP, 1981.
- LAGROYE Jacques & Michel OFFERLE dir., Sociologie de l’Institution, Belin, 2010.
- LEFEBVRE Rémi, Leçons d’introduction à la science politique, deuxième édition revue et augmentée,
Paris, Ellipses, 2013.
- LEHINGUE Patrick, Le vote, Paris, La découverte, Repères, 2011.
- MANIN Bernard, Principes du gouvernement représentatif, Paris, Flammarion, coll. champs, 1996.
- DEVIN Guillaume, Sociologie des relations internationales, 2013. Repères 335. Paris, La Découverte.
- Matonti F.," Le Comportement politique des français ", coll. Synthèse, A. Colin, 1998.
- Mayer Nonna, Sociologie des comportements politiques, Paris, Armand Colin, 2010.
Neveu Erik, Sociologie des mouvements sociaux, repères n° 207, La Découverte, 1996
- Offerlé M., Sociologie des groupes d'intérêt, coll. Clefs, éd. Montchrestien, 1994.
- Roche Jean-Jacques, Relations internationales, Paris, LGDJ, 2012, 6e éd.
- Schnapper Dominique, "La Nation, hasard ou nécessité ?", Sciences Humaines, hors-série N°15, 50
décembre 1996-janvier 1997.
- Schnapper Dominique, La Communauté des citoyens, sur l'idée moderne de nation, Gallimard,
1994.
- Winock Michel, "Qu'est-ce qu'une nation ?" revue l’Histoire, n'201, Juillet-Août 1996.

 Revues :

- "Découverte de la science politique", Cahiers français, n' 276, Mai/Juin 1996.


- "La nation ", La Pensée politique, Seuil-Gallimard, mai 1995, n°3.
- "Les métamorphoses du pouvoir", Sciences Humaines, hors-série, n°11, déc. 1995, jan. 1996.
- "Nations et Nationalismes", Sciences Humaines, n° 61, mai 1996.

50

Vous aimerez peut-être aussi