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Axe 5 

:
Les langues étrangères: des leviers indispensables pour
l’insertion professionnelle au Maroc
Au Maroc comme partout dans le monde, les langues étrangères jouent un rôle primordial
dans l’insertion professionnelle et sont considérées comme des portails d’accès à l’économie.
Dans cette perspective, la politique éducative au Maroc, bien qu’elle soit arabisante, tente
d’adapter la formation linguistique des étudiants aux besoins du marché. Et afin de faciliter
l’apprentissage de ces langues, elles sont enseignées à un âge précoce. A ce propos, la Charte
Nationale d’Education et de Formation (2000) n’en constitue qu’une continuation. L’intérêt de
l‘Etat Marocain pour les langues étrangères trouve sa source dans leur aptitude à assurer un
double rôle : s’ouvrir sur les autres cultures et être à jour avec la recherche scientifique : « …
la maîtrise des langues étrangères les plus utilisées dans le monde, en tant qu'outils de
communication, d'intégration et d'interaction avec la société du savoir, et d'ouverture sur les
différentes cultures et sur les civilisations contemporaines. » (Article 5, Dahir n°1-11- 91 du
chaabane1432 (29 juillet 2011). Mais l’université marocaine n’est pas uniquement un
médiateur de savoir puisqu’elle exerce sa mission formative en adéquation et en partenariat
avec son environnement socio-économique et culturel selon la loi n°01.00 portant
organisation de l’enseignement supérieur :

Il relève de la responsabilité de l'Etat qui en assure la planification, l'organisation,


le développement, la régulation et l'orientation selon les besoins économiques,
sociaux et culturels de la Nation, qui en définit la politique nationale avec le
concours de la communauté scientifique, du monde du travail et de l'économie
ainsi que des collectivités locales et particulièrement des régions.1

Ainsi, en sus de la promotion de la recherche scientifique et du savoir, l’université est


également appelée dans la Vision Stratégique 2015-2030 à répondre à son environnement
socio-économique national et à constituer le levier du son développement :

La complémentarité est aussi à souligner dans la relation entre les institutions


économiques et l’université. Cette relation complémentaire contribue au
renforcement de la participation de cette dernière à la recherche scientifique et
technique et à l’innovation, malgré les contraintes inhérentes à la politique de la
recherche scientifique et technique au niveau national. En effet, l’université
marocaine est appelée à être une des principales sources du savoir et de son
renouvellement. Dans le même ordre d’idées, elle doit prendre part à la promotion
du développement économique et sociétal de la nation, en adaptant ses activités
d’enseignement, de recherche et d’innovation.2 
Conséquemment, l’enseignement supérieur fonctionne selon les besoins du marché du travail
et les aspirations du pays. Et pour y arriver, l’université marocaine adopte des projets et des
1
La loi 01 :00, article 1
(la vision stratégique 2015-2030), p.52, in.
2

https://www.csefrs.ma/wp-content/uploads/2017/09/Vision_VF_Fr.pdf
1
stratégies aptes à répondre aux exigences socio-économiques et culturelles du pays. Outre les
nouvelles technologies, les langues sont de ce fait considérées comme des piliers
incontournables dans l’insertion professionnelle des jeunes lauréats et la prospérité du pays.
Dans ce sens, la loi-cadre 51-17, précisément l’article 4 (chapitre 2) explicite : « l’adaptation
des profils des lauréats du système aux besoins du marché du travail et aux exigences du
développement du pays ». Ce lauréat devait déjà être un bachelier selon ladite loi : « un
apprenant qui doit maîtriser les deux langues nationales officielles et au moins deux langues
étrangères  »

Les langues étrangères sont certes des vecteurs d’insertion professionnelle, mais elles
constituent en premier lieu un outil d’étude et assurent la communication avec l’Autre. Dans
ce qui suit, nous nous pencherons dans un premier temps sur la mission culturelle et
communicative des langues puis sur leur rôle incontournable dans le marché de l’emploi avant
d’aboutir à la discussion du conflit noté entre les langues étrangères au Maroc.

1. Les langues : des outils d’études et de communication :


L’article 2 de la loi-cadre 51-17 juge les langues nationales et étrangères comme des facteurs
importants dans le processus d’enseignement-apprentissage. Il présente l’alternance
linguistique comme un choix stratégique :

 l’alternance linguistique : une approche pédagogique et un choix éducatif


progressif, investi dans l’enseignement plurilingue, en vue de la diversification
des langues d’enseignement, en sus des deux langues officielles de l’Etat, à
travers l’enseignement de certaines matières notamment les matières scientifiques
et techniques, ou certains contenus ou modules, en une ou plusieurs langues
étrangères .
Les langues étrangères sont ainsi un moyen d’enseignement des « matières scientifiques et
techniques ». La maîtrise de ces disciplines qui sont parmi les objectifs de l’enseignement
supérieur et qui sont de première importance pour le développement des pays se voient ainsi
véhiculées au Maroc par la langue française qui se propose comme le moyen d’accéder à
l’universalité : « …le français, vecteur de la modernité, c’est-à-dire par lequel sont
enseignées les sciences et les techniques » (Nissabouri, 2005, p. 8).

Les langues étrangères, particulièrement le français, s’octroient ainsi le statut des langues de
la Science, du Savoir et de la Technologie. Outre leur mission scientifique, la loi-cadre
(chapitre 2, article 3) stipule que les langues étrangères sont appelées à assurer une fonction
communicationnelle et à s’ouvrir sur l’Autre :

 adopter une ingénierie linguistique cohérente dans les divers niveaux et


composantes du système d’éducation, de formation et de recherche scientifique et
ce, en vue de développer les compétences communicatives de l’apprenant et son
ouverture aux autres cultures et garantir la réussite scolaire escomptée 

2
Afin de réussir cet objectif, nombreuses sont les réformes et les plans qui prédisposent
l’étudiant marocain à maîtriser ces langues. L’université est le tremplin du parcours de
l’étudiant qui commence l’apprentissage de ces langues étrangères dès le primaire : « la
préparation des apprenants à la maîtrise des langues étrangères à un âge précoce et le
développement de leur aptitude à une acquisition fonctionnelle de ces langues et ce, dans un
délai maximum de six ans à compter de la date d’entrée en vigueur de la présente loi-cadre ».
« Les langues étrangères les plus utilisées dans le monde sont des moyens de communication,
d’intégration et d’interaction avec la société du savoir et d’ouverture sur les différentes
cultures et les civilisations (La Constitution). Il convient de développer leur enseignement et
leur apprentissage dans les différents cycles d’enseignement et de formation et de mettre en
œuvre les approches pédagogiques favorisant leur apprentissage précoce »p.46

Cette décision a déjà été adoptée dans les réformes précédentes entre autres la Charte
Nationale d’Education3 et de Formation où il est précisé que :

 L’apprentissage de la première langue étrangère sera introduit dès la deuxième année


du premier cycle de l'école primaire en centrant durant cette année, sur la familiarisa-
tion orale et phonétique ; 
 l'enseignement de la seconde langue étrangère sera introduit dès la cinquième année
de l'école primaire en centrant durant cette année, sur la familiarisation oral et phoné-
tique  
 l'enseignement de chaque langue étrangère sera associé à l'enseignement, dans cette
même langue et dans la limite de l’horaire qui lui est consacré, de modules culturels,
technologiques ou scientifiques permettant son utilisation fonctionnelle, son exercice
pratique soutenu et, partant, la consolidation, l'entretien et le perfectionnement des
compétences de communication linguistiques proprement dites
Les langues étrangères jouent certes un rôle important dans la découverte et le dialogue
avec les autres cultures et civilisations, comme elles se présentent comme des moyens de
transmission des savoirs techniques et scientifiques et conséquemment, elles permettent
d’accéder à la source du savoir et bien entendu au marché de l’emploi. 
2. Les langues étrangères : un pilier d’insertion professionnelle :
Comme il a été précisé plus haut, le secteur de l’enseignement est indissociable des autres
secteurs vitaux du pays. La loi 01 :00 a poussé l’université à s’ouvrir sur le monde socio-
économique, puis la Charte Nationale d’Education et de Formation (1999), suivie de la
réforme de 2003 et de la Vision Stratégique 2015-2030 ont officialisé l’intégration de
l’université dans son environnement économique. Des leviers sont consacrés à ce volet
tel le levier 14 intitulé Promotion de la recherche scientifique et technique et de
l’innovation où il est expliqué que la recherche scientifique doit correspondre aux
aspirations du pays :

A court terme, association des acteurs de la recherche scientifique (départements


gouvernementaux, universités, centres de recherche, laboratoires, réseaux,
institutions de coordination et entreprises), dans la réalisation des objectifs

3
Perfectionner l'enseignement et l'utilisation de la langue arabe et maîtriser les langues étrangères et
s’ouvrir sur le Tamazight, in https://www.men.gov.ma/Fr/Pages/CNEF-espace3-3.aspx
3
stratégiques de la recherche scientifique en relation avec les projets sectoriels de
la Nation. 4

La réussite de cette finalité ne peut s’effectuer sans la médiation des langues en général :
« Les langues ont un rôle capital dans la qualité des apprentissages, dans la réussite scolaire
de l‘apprenant et son insertion sociale et professionnelle, dans le rendement interne et
externe de l’École et dans la promotion de la recherche. » p.45

Et bien avant dans la Charte Nationale d’Education et de Formation, précisément dans


l’espace III Amélioration de la qualité de l’Education et de la formation, levier 95 qui porte le
titre : Perfectionner l'enseignement et l'utilisation de la langue arabe et maîtriser les langues
étrangères et s’ouvrir sur le Tamazight, les langues étrangères sont appelées à être
« fonctionnelles »

L’intérêt du ministère de l’enseignement pour les langues est tel qu’il prévoit des plans et des
projets pour le perfectionnement de ces langues chez les apprenants et des formations ini-
tiales et continues aux enseignants des langues comme il est expliqué ci-dessous :

Renforcer les capacités linguistiques et professionnelles des enseignants et des acteurs


pédagogiques, par la rénovation de la formation initiale et continue, notamment en ce qui
a trait aux approches et méthodes pédagogiques nouvelles dans le domaine de l’ensei-
gnement des langues et de l’usage des technologies pédagogiques appliquées aux
langues6

Le ministère de tutelle exhorte à organiser des cours de soutien linguistique en collaboration


avec des spécialistes au profit des étudiants en mettant à leur disposition les locaux universi-
taires et un matériel didactique sophistiqué :

Les autorités d'éducation et de formation veilleront à mettre sur pieds, en collabo-


ration avec les organismes spécialisés, et en utilisant au mieux les infrastructures
et les ressources humaines disponibles, des réseaux régionaux d'enseignement
spécial des langues étrangères, hors-curricula. Ces réseaux utiliseront les normes
et stratégies pédagogiques les plus modernes d'enseignement, y compris les cours
intensifs multimédia, les laboratoires de langue, et l'immersion linguistique et
culturelle. Seront mis à profit, à cette dernière fin, les internats et les cités univer-
sitaires, durant les périodes de vacances.7 

4
Vision_VF_Fr.pdf (csefrs.ma), in
https://www.csefrs.ma/wp-content/uploads/2017/09/Vision_VF_Fr.pdf, p.53
5
Perfectionner l'enseignement et l'utilisation de la langue arabe et maîtriser les langues étrangères et s’ouvrir
sur le Tamazight/ Https://www.men.gov.ma/Fr/Pages/CNEF_espace3_old.aspx
6
Vision_VF_Fr.pdf (csefrs.ma), in
https://www.csefrs.ma/wp-content/uploads/2017/09/Vision_VF_Fr.pdf,
7
Perfectionner l'enseignement et l'utilisation de la langue arabe et maîtriser les langues étrangères et
s’ouvrir sur le Tamazight/ Https://www.men.gov.ma/Fr/Pages/CNEF_espace3_old.aspx

4
Les efforts déployés par l’université en particulier et par le ministère par extension pour le
perfectionnement des langues trouvent leur source dans la mission professionnalisante des
langues. Dans l’article 31 de la loi-cadre 51-17, il est question de l’insertion professionnelle
au travers les langues :

la mise en avant du rôle fonctionnel des langues adoptées dans l’école dont
l’objectif consiste à consolider l’identité nationale, permettre à l’apprenant
d’acquérir les connaissances et les compétences, de s’épanouir dans son
environnement local et universel et de garantir son insertion socio-économique et
culturelle ainsi que son adhésion aux valeurs 
L’intérêt des langues dans le devenir personnel et professionnel de l’étudiant marocain est tel
que chaque réforme donne la priorité aux langues qui se trouvent sur le même piédestal que
les autres disciplines. Les langues étrangères garantissent l’insertion socio-professionnelle et
culturelle des apprenants. Il est à signaler que cette mission est grandement assurée par la
langue française puisque la langue anglaise se voyait réduite à un rôle strictement
linguistique et culturel. Son usage scientifique se limitait à la discipline des études anglaises.
Or, durant la dernière décennie, la langue anglaise rejoint la langue française dans sa
vocation professionnalisante et scientifique et elle est intégrée à titre d’exemple dans les
spécialités et branches de la formation professionnelle, aux côtés des langues adoptées
(article 32) : « - ‫ إلى ج انب اللغ ات المعتم دة في‬،‫إدراج التكوين باللغ ة اإلنجليزي ة في تخصص ات وش عب التك وين المه ني‬
‫التكوين‬  

3. Le rapport de force entre les langues étrangères :


Rappelons que les langues étrangères notamment le français, l’anglais et l’espagnol (présent
dans le nord et le sud du Maroc) ont été depuis l’indépendance des langues étudiées à l’école
et l’université marocaines. La langue française héritage du protectorat, bien qu’elle soit
privilégiée et enseignée depuis le primaire, demeure une langue étrangère. Sa maîtrise
demeure quand même inéluctable puisqu’elle: «  est devenue une compétence incontournable
dans les grilles de sélection des ressources humaines dans les entretiens
d’embauche »( Boukous, A. (2007)8. Elle est associée à « l’économie moderne ouverte sur le
monde »9

Mais la politique d’arabisation entamée en 195710, officialisée en 1962 mais généralisée et


appliquée définitivement en 1986 a désaffecté la maîtrise de la langue française et conduit les
bacheliers « à abandonner les disciplines scientifiques au profit des études littéraires arabes
et islamiques ou pour suivre les études juridiques en arabe »11 d’où l’adoption de nombreuses
réformes atteignant tous les cycles notamment l’instauration d’une nouvelle filière au lycée en
2013 (Baccalauréat International Option Française : BIOF) et qui consiste à enseigner  «  les
matières scientifiques en français en vue de vaincre le déphasage persistant entre la langue

8
« Ecologie de l’enseignement des langues étrangères ». Attarbiya wa ttakwine. Revue marocaine de l’éducation
et de la formation, n°3. PP.29-39
9
Benzakour, Fouzia, (2007). Langue française et langues locales en terre marocaine : rapports de force et
reconstructions identitaires, Hérodote, n°126, pp.45-56
10
Grandguillaume, 2006)
11
BENZAKOUR, F

5
d’enseignement qui est l’arabe et les langues exigées dans la vie professionnelle » (voir le
levier 9 de la charte 1999), aussi pour assurer un continuum entre le cycle secondaire et
l’enseignement supérieur. Et en 2017, la francisation de ces trois matières est officiellement
adoptée en première année du cycle secondaire collégial. D’autres réformes suivirent la
Charte Nationale de l’Education et de la Formation (1999), telles celle de 2003 ( Réforme
LMD (Licence / Master / Doctorat) dont les objectifs principaux étaient « l’amélioration des
capacités méthodologiques et communicationnelles »de l’étudiant et lier l’université à son
environnement socio-économique : « la satisfaction des besoins de l’environnement socio-
économique et culturel ». Le Plan d’Urgence 2009- 2012, le Programme de
Développement 2012-2016 notamment l’insertion des modules transversaux de langue et
communication (LC) précisément dans les établissements à accès ouvert en vue d’acculturer
les étudiants aux discours de leur spécialité, de les aider à s’intégrer dans l’espace
universitaire et de faciliter ultérieurement leur insertion socio-professionnelle. Ces réformes
ont toutes insisté sur le rôle des langues étrangères comme levier du rayonnement socio-
économique du pays et comme des facilitateurs de l’employabilité des étudiants. C’est ainsi
que les Facultés à accès ouvert ont intégré des modules transversaux au cursus des apprenants
universitaires de Langue et Communication (LC), l’adoption de l’ approches FOU en quelle
année au Maroc (Jean-Marc Mangiante et Chantal Parpette (2011) où la langue est
contextualisée dans des situations de communication professionnelles prônant la maîtrise de
la langue française comme un vecteur de « développement de savoir-faire universitaires »12,
de réussite universitaire et conséquemment d’insertion professionnelle.

La langue française demeure la langue la plus sollicitée malgré toutes les crises qu’elle
enclenche et en dépit des efforts du secteur de tutelle d’imposer la langue anglaise comme une
alternative à la langue de Molière et comme une issue aux obstacles et aux crises vécues par
l’enseignement supérieur. Pourquoi ?

Pourquoi la langue française ?


La prédominance de la langue française dans l’enseignement marocain trouve sa source dans
la présence coloniale française au Maroc(1912-1956) et dans la formation française des cadres
marocains à l’aube de l’indépendance. Aussi, la coopération franco-marocaine a-t-elle
grandement impacté les orientations éducatives du Maroc. A titre d’exemple, l’adoption du
système LMD (Licence Master, Doctorat) a été fortement soutenu par la France et qui visait la
« marchandisation » de l’université marocaine:

L’appui fourni par la France à l’accompagnement de la réforme en


cours de l’enseignement supérieur n’est pas une fin en soi mais un moyen
pour introduire des logiques de rationalisation et de marchandisation, de plus
en plus promues dans les systèmes éducatifs des pays développés. Une telle
orientation n’est pas sans déplaire aux décideurs marocains, enclins à sortir
l’enseignement supérieur d’une crise que celui-ci traverse depuis le début des an-
nées 80 (Benchenna, 2009).

12
J-M. Mangiante &P. Chantal. Le français sur objectif universitaire : de la maîtrise linguistique aux
compétences universitaires, 2011,pp.115, disponible sur https://gerflint.fr/Base/Monde 8-T1/mangiante.pdf

6
Outre l’appui financier de l’Etat français, le Maroc constitue la première destination des
investisseurs français qui exercent dans divers secteurs notamment : l’Agriculture&
l’Agroalimentaire, l’Artisanat, les Commerces alimentaires, le Cosmétique, l’Ameublement ,
l’Equipement de la Maison, la Banque, le Change, la Finance et l’Investissement ; la
Communication, la Publicité, les Photos ; la Décoration, l’Architecture d’Intérieur, le
Paysage ; l’Environnement, l’Energie, l’Eau ; les Hotels&Restaurants, les Conseils&Services
aux Entreprises ; la Santé ; l’Informatique&Nouvelles technologies…. D’après le Service
Economique de l’ambassade de France, l’Hexagone est la principale partenaire économique
du Maroc :

 La France est l’un des principaux partenaires économiques du Maroc. Avec 31 % du
stock total d’IDE en 2020, la France est ainsi le premier investisseur étranger au Maroc.
Sur les cinq dernières années (2017-2021), les IDE en provenance de France ont
représenté en moyenne 22,4 % des flux nets d’IDE s’adressant au Royaume, ce qui place
également la France au premier rang en termes de stock. 13 

Le même service précise les secteurs d’activités des investisseurs français et qui sont « les
services, l’industrie et l’immobilier »14 Aussi, le nombre des entreprises françaises présentes
au Maroc dépasse de loin les autres nationalités : « Avec plus de 950 filiales d’entreprises
françaises recensées, le Maroc est la première destination des investissements français sur le
continent africain (20 % du stock total des IDE français en Afrique en 2020). A noter que la
quasi-totalité des entreprises du CAC 40 sont présentes au Maroc. »15 De même, selon le
même service, : « Le Maroc est le premier bénéficiaire des financements de l’AFD dans le
monde, avec une exposition de 3,7 milliards d’euros à fin 2022 »
Les entreprises françaises et bien évidemment la langue française offrent ainsi plus de
débouchés par rapport aux autres langues étrangères et même par rapport à la langue arabe
comme l’atteste une enquête effectuée en 2013 dans la faculté de Droit Ain Chock « L’impact
du choix de la langue sur les débouchés et carrières professionnels : points de vue d’étudiants
dans la faculté de droit et l’institut de journalisme. ( 65,2%) contre 8,1% pour l’arabe. Les
mêmes interrogés pensent que la langue étrangère est nécessaire pour l’insertion
professionnelle (66,30% de la section arabe et 83,40 % de la section française). La langue
arabe est choisie comme « un élément de consécration culturelle et identitaire (65,8%), la
langue française comme la langue des études, de la formation et du travail (53,30%). Et les
deux constituent des moyens de communication.

Mais la montée croissante de l’anglais dans la société marocaine (Errihani, 2017) risque de
dévaloriser la langue française et de la destituer de sa place. Cet état de fait a été préconisé par
de nombreux …tel Hamel (2013 :54) pour lequel : « Aujourd’hui, nous nous trouvons au
moment probablement déterminant ou un modèle de plurilinguisme réduit, marqué par une
forte hégémonie de l’anglais, mais plurilingue malgré tout, risque de passer au monopole de
l’anglais  »

Au Maroc, se contentant d’un rôle purement linguistique et culturel, la langue anglaise


devient de plus en plus parlée par les jeunes et placée parmi les priorités du système éducatif.
13
https://ma.ambafrance.org./Service-Economique-Régional (dernière modification 2/1/2023)
14
Service Economique Régional - La France au Maroc (ambafrance.org)
15
Service Economique Régional - La France au Maroc (ambafrance.org)

7
En effet, on ne peut dissocier la politique des secteurs de l’économie et de l’enseignement :
en visant la diversité des partenaires économiques étrangers, le Maroc a effectué des réformes
en adoptant la langue anglaise comme un levier de la recherche scientifique et un facteur
d’amélioration de l’enseignement supérieur. En 2014, le ministère de l’Education a instauré
deux sections internationales en anglais et en espagnol. La section anglaise a été expérimentée
dans cinq lycées au Maroc. Suivant ce projet, l’anglais est la langue d’enseignement des
matières scientifiques notamment les mathématiques, les sciences physiques et les sciences de
la vie et de la terre. Cette section commence à enseigner ces disciplines en anglais à « un
pourcentage compris entre 30% à 40% » au tronc commun et l’arabe intervient pour assurer
l’explication des 70% ou 60% restants des cours. En première année du baccalauréat, l’anglais
s’occupera de 60 à 70% du cours pour enfin assurer à 100% en deuxième année de
baccalauréat et préparer les étudiants aux études supérieures dans des universités anglophones
et hispanophones. La vision stratégique 2015-2030 a pour objectif la «Promotion de la recherche
scientifique et technique toutes spécialités confondues en langue anglaise.16 Le ministère de
l’Education prévoit d’enseigner l’anglais en première du collège en 2023-2024, puis la
généraliser en 2ème année du collège en 2025-2026 et en troisième année en 2026-2027.
Langue d’enseignement. Voici la place qu'occupera l’anglais au Maroc (Fouad Chafiqi) - Médias24
(medias24.com).

En 2020, le ministère de l’Enseignement supérieur a décidé d’arrêter les études selon le


système LMD et d’adopter le modèle de Bachelor  qui consacre une grande place aux langues
étrangères, et tout particulièrement à l’anglais qui a désormais le même statut que les matières
fondamentales. Mais ce programme tombe à l’eau et le LMD continue son parcours. Les
obstacles incessants que connaît le secteur de l’enseignement poussent les décideurs
politiques et éducatifs à en trouver une issue. C’est ainsi qu’en 2022, le ministre de
l’Enseignement Supérieur, de la Recherche Scientifique et de l’Innovation a présenté dans le
dessein de « porter la qualité de notre enseignement à un niveau très élevé » le « Plan national
d’accélération de la transformation de l’écosystème » où la maîtrise de la langue anglaise ne
serait-ce que le niveau B1 est indispensable pour l’obtention du diplôme du premier cycle.
Pour la langue française qui est la langue d’enseignement de plusieurs disciplines, l’étudiant a
également à valider le module Langue et Terminologie. Le ministre précise qu’une fois ces
deux langues maîtrisées en obtenant les DALF/ DELF pour le français et les l’IELTS ou le
TOEFL pour l’anglais, les étudiants auront la possibilité d’apprendre une troisième langue de
leur choix notamment l’espagnol ou le chinois.

Dans le cadre de ce « plan national d’accélération de la transformation de l’écosystème de


l’enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de l’innovation (Pacte ESRI 2030)»,
s’inscrit donc la nouvelle réforme pédagogique de l’enseignement supérieur et qui est entrée
en vigueur en septembre 2023. Cette réforme considère la maîtrise des langues étrangères
comme le premier pilier assurant une promotion « des lauréats de qualité »au point que
l’obtention du diplôme de la licence exige la validation et la réussite aux examens d’anglais.
Les langues étrangères constituent ainsi un facteur indispensable à l’amélioration de
16
Dans La vision stratégique, dans le chapitre II : POUR UNE ECOLE DE QUALITE POUR TOUS,le levier
13 : Maitrise des langues enseignées et diversification des langues d’enseignement Vision_VF_Fr.pdf
(csefrs.ma)

8
l’employabilité des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur. Le choix de l’anglais
comme un portail à l’universel ( Hamel, 2013 :59) répond à la présence croissante des
universités et des instituts d’enseignement supérieur anglophones : The University of
Sunderland and Cardiff Metropolitan University à Casablanca, Rabat et Tanger, The
University of New England à Tanger, Université Al Akhawwayn à Ifrane, International
Institute for Higher Education in Morocco(IIHEM), d’autres proposent un programme
bilingue comme l’Université Internationale de Rabat.

Les réformes ministérielles trouvent écho chez les jeunes marocains qui considèrent l’anglais
« comme la langue des sciences, des affaires, de l’internet et de l’avenir. ». En effet dans une
étude effectuée par le British Council en 2021, auprès de 1200 jeunes et qui a été consignée
dans un rapport intitulé « Shift to English in Morocco », 74% « pensent que le passage à
l’anglais profitera aux ambitions du Maroc en tant que pôle international d’affaires et de
tourisme » et « 85% s’attendent à ce que le nombre de Marocains utilisant l’anglais
augmente au cours de la prochaine décennie »17. Il a aussi été démontré que c’est grâce à
Internet que ces jeunes se ont intéressés à l’anglais à travers les « movies, music and TV
series ; and in the news and other media »18. Mais il faut signaler que d’après cette enquête,
l’école marocaine constitue le premier enseignant de cette langue :

Une autre donnée de grande importance a été révélée dans cette étude et qui montre que la
majorité des interrogés viennent de l’école publique comme il est montré ci-dessous :

Bien que l’anglais gagne du terrain, le rapport précise que « French continues to have an equal
influence in the daily life of young Moroccans ». Néanmoins, il faut émettre des réserves à
cette hégémonie anglaise suivant Phillipson (2009-2017) qui la qualifie d’ « impérialisme
linguistique ». Pour Skutnabb-Kangas (2000 :Xi), l’adoption d’une langue, notamment
l’anglais, aux dépens des langues locales et de la diversité linguistique provoquera la
marginalisation de ces dernières et conduira à leur mort linguistique et culturelle. Aussi, la
présence économique anglaise demeure-t-elle insuffisante par rapport à sa concurrente
française. En dépit des entreprises multinationales qui sont au nombre de 1000 telles MacDo,

17
https://www.britishcouncil.ma/shift-english
18
Shift to English in Morocco, https://www.britishcouncil.ma/

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