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Livre X– Du Souverain ou de la République – Synthèse

Question : Quelle vision La Bruyère nous donne-t-il à voir de la gouvernance politique ?

Ce livre X nous fait quitter presque complètement le thème de la comédie sociale. La Bruyère nous
donne à voir ici sa vision de la politique, de la res publica (en latin = la chose publique). Il le fait
parfois avec une vraie grandeur de vue, parfois aussi en faisant un éloge un peu trop appuyé au roi
Louis XIV (remarque 35).

1/ Une dénonciation des tyrans et de la guerre

→ La Bruyère condamne sans appel la tyrannie (remarque 2). Le tyran est celui dont l'inspiration
consiste à tuer ceux dont la vie est un obstacle à (son) ambition. Le portrait établi par La Bruyère
pourrait très bien convenir aujourd'hui encore, si on pense à un certain Vladimir P.

→ La guerre est condamnée dans ses horreurs, à la remarque 9, par l'accumulation : De tout temps
les hommes, pour quelque morceau de terre de plus ou de moins, sont convenus entre eux de se
dépouiller, se brûler, se tuer, s'égorger les uns les autres. La Bruyère dénonce, comme Voltaire le
fera au siècle suivant, l'ingéniosité déployée par les hommes pour améliorer l'art militaire, qui n'est
ni plus ni moins que l'art de détruire toujours plus de vies humaines. Ils (= les hommes) ont depuis
renchéri de siècle en siècle sur la manière de se détruire réciproquement, écrit-il.
Aussi, le bon monarque est celui qui saura épargner ses hommes : s'il épargne les hommes, il
ressemble à celui qui marchande et qui connaît mieux qu'un autre le prix de l'argent (remarque 25).
La Bruyère est parfois pris dans ses contradictions. Dans l'éloge qu'il fait du bon monarque à la
remarque 35 (en réalité, c'est un éloge de Louis XIV), il loue le fait que le souverain agrandisse ses
frontières par la conquête de nouvelles provinces. Qui dit conquête dit guerre !

2/ Le portrait du ministre

→ La longue remarque 12 propose le portrait d'un ministre. La Bruyère y développe une métaphore
filée, celle du joueur (de cartes). Ce ministre est décrit, en effet, comme un joueur habile, qui sait
feindre et qui dissimule. Toutes ses vues (…) tendent à une seule fin, qui est de n'être point trompé,
et de tromper les autres. Ce portrait critique, qui répond bien cette fois au thème de la comédie
sociale, n'est pas sans rappeler le livre Le Prince, (un ouvrage de la Renaissance) dans lequel
Machiavel conseillait ouvertement, en politique, de dissimuler et de tromper, y compris le peuple
d'ailleurs !
Ce ministre est comparé par La Bruyère à un caméléon, terme qu'on retrouve dans les Caractères et
aussi chez La Fontaine, pour désigner les flatteurs et les opportunistes.

3/ Bien gouverner

→ La Bruyère définit, à plusieurs reprises, la bonne gouvernance par son contraire, en expliquant ce
qu'est la mauvaise gouvernance. Ainsi, la remarque 3 parle des responsables politiques qui laissent
le peuple s'endormir dans les fêtes, dans les spectacles, dans le luxe, dans le faste, dans les plaisirs,
dans la vanité et la mollesse.

→ Au contraire, la bonne gouvernance est celle qui favorise une responsabilité collective.
Le Roi doit d'abord être bien entouré. Celui qui le conseille doit lui parler avec force et avec liberté,
et ne doit pas craindre de lui déplaire (remarque 21).
Il doit ensuite y avoir un lien de réciprocité entre le souverain et son peuple (remarque 28). Les
sujets du roi lui doivent respect, secours, service, obéissance et dépendance. Mais le roi doit
apporter à son peuple la bonté, la justice, les soins, la défense et la protection. Et il doit le faire dans
un esprit de droiture et d'équité (remarque 35).
Au final, le roi est pour son peuple, comme le berger qui veille sur son troupeau (29).
Si le souverain veut étendre son empire et être un grand chef militaire contre les ennemis du pays,
pourquoi pas, dit La Bruyère dans la remarque 24 (en contradiction cependant avec la remarque 9
sur la guerre). Mais il lui faut surtout prendre soin de ce qui se passe chez lui. Aussi, cette remarque
24 présente un véritable programme de gouvernement, qui pourrait encore servir aujourd'hui. Le
souverain doit assurer à ses sujets la sûreté, l'ordre et la propreté. Il doit faire respecter la justice
entre les administrés et protéger les faibles des entreprises des plus grands. Il doit favoriser le
commerce. Il doit permettre aux enfants d'avoir une éducation, dans les sciences ou dans les arts
qui feront un jour leur établissement.

Cette remarque 24, comme la majeure partie du Livre X, tient plus de la science politique que de la
littérature.

La remarque à relire : la remarque 9 (sur la guerre)

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