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Synthèse 2 - Rimbaud le révolté, émancipations créatrices

"Le dormeur du val" (étude linéaire), "Le mal" "Morts de Quatre-vingt-


douze..."

"Le mal" re ète les sentiments de Rimbaud, âgé de seize ans lors de cette guerre qui se
déroule dans sa région natale et près de Charleville. Elle le conduit à réagir violemment contre les
atrocités commises. Comment Rimbaud formule-t-il sa dénonciation de la guerre et ses
accusations ?

La révolte contre la guerre


Dans les deux premières strophes dans "Le Mal", Rimbaud dépeint la guerre
comme un chaos. Ainsi on retrouve le CL de la couleur qui apporte cette dimension
picturale. Cette image est renforcée par le jeu des sonorités. Celles, désagréables, du
mot « crachats », sont soutenues par l’allitération du [ R ] dans l’ensemble du quatrain,
seul ou associé au [ t ] et au [ K ] comme pour reproduire le bruit assourdissant des tirs
de canons. Une autre allitération est introduite avec l’enjambement du vers 2, qui met
en relief le verbe « sifflent », l’alliance du [ S ] et du [ f ] reproduisant plutôt le son des
balles tirées. Les sensations visuelles et auditives sont donc fortement agressives, dans
cette vue générale amplifiée du champ de bataille par l’élargissement de l’actualisation
spatio-temporelle : « tout le jour », « l’infini du ciel bleu ».

La guerre fait des victimes ; ainsi entre "Le mal", "Le dormeur du val" et "Morts de
Quatre-vingt-douze...", Rimbaud nous expose de nombreuses victimes.
Les morts, tout d'abord, premières victimes de la guerre. Tantôt paisible comme
dans "Le dormeur du val", les champ de bataille réduisent les soldats à "des tas fumants".
C’est alors l’absurdité de la guerre qui ressort. Les soldats, réduits d’abord à leur
uniforme, deviennent des pions, puis, en cendres, ne sont même plus des êtres humains,
comme le montre l’hyperbole terrible du vers 6 : « Et fait de cent milliers d’hommes un
tas fumant. »
Cependant, il y a également les civils qui, restés à l'arrière, craignent de perdre
un être cher ou ont déjà vécu cette perte. Rimbaud les dépeint de manière émouvante à
travers le chagrin des "mères", souligné par l'utilisation du contre-rejet "ramassées" suivi
du rejet "Dans l’angoisse" (associant un terme concret à un terme abstrait), avec le
déplacement de la césure et l'effet de suspense créé par l'élision du [e muet] à la virgule
: "Dans l’angoiss[e], et pleurant sous leur vieux bonnet noir". Ces mères semblent
repliées sur elles-mêmes, tremblantes, écrasées par leur douleur et leur deuil,
symbolisés par la couleur noire. Même si Rimbaud n'a pas lui-même été témoin des
fl
champs de bataille, il en a vu les représentations, a entendu les récits, et surtout, a pu
observer la douleur de leurs proches.

Mépris de l'ordre et de la religion

Enfin, Rimbaud oppose Nature (cette entité qui inspire le poète et deviendra sa
Muse dans "Ma bohème") et ordre. Le roi (ainsi que Dieu) décide des guerres et ne s'y
oppose pas ; par "Roi", Rimbaud désigne les dirigeants de pays au sens large, il désigne
ceux qui décident de la guerre. Les soldats sont de la chair à canon et Rimbaud reproche
alors les décisions et les sacrifices faits. Dans "Morts de Quatre-Vingt-Douze...", en citant
les batailles de « Valmy » et de « Fleurus », Rimbaud rappelle qu’ils se battaient pour
sauver l’acquis de la Révolution, souligné par l’image, « pâles du baiser fort de la liberté
», et que leur lutte (« vous brisiez le joug qui pèse / Sur l’âme et sur le front de toute
l’humanité ») a servi d'exemple de libération pour tous les peuples. Les soldats sont
nobles, là où le gouvernement est critiqué.

Dieu, dans "Le Mal", abuse des victimes qui viennent prier et remplissent les
paniers de quête ; le reproche est celui de vénalité. Rimbaud vise surtout « un Dieu » et
son Église. Certes l’article « un » semble atténuer la critique puisque le dieu des
catholiques n’est pas nommé. Le reproche ici est celui d’indifférence. Il « rit », alors
qu’il devrait plaindre les morts, comme le fait le poète, et intervenir pour arrêter ce
massacre.

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