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LLn°15 : Horace, Acte IV, Scène 5, Pierre Corneille

Intro :
-Auteur : Voir LLn°14
-Œuvre : Dans sa tragédie classique, Horace, publiée en 1640 et
dédiée à Richelieu, Corneille s’inspire de l’histoire romaine. La
guerre entre Rome et Albe s’éternise. Pour en finir, chaque cité
désigne ses héros. Trois Romains, les frères Horace, affrontent trois
Albains, les Curiace, et se livrent une guerre fratricide, puisque par
malheur ils sont amis et beaux-frères. L’unique survivant des
Horaces tue alors seul les 3 Curiace et sauve Rome.
-Extrait : L’extrait que nous étudierons ici oppose Horace victorieux
à Camille, sa sœur mais aussi la fiancée de Curiace, un des
adversaires que son frère vient de tuer. Leur affrontement violent
fait émerger un conflit de valeurs entre deux personnages liés par le
sang mais qui ne se comprennent plus et la fureur de l’un et de
l’autre conduit à la fin tragique de l’héroïne.

Lecture de l’extrait

Pb : Comment Corneille met-il en scène une crise familiale


violente ?
Mouvements :
1ermvt (v1-6) : Horace, outragé par l’attitude de Camille, l’exhorte à
honorer Rome
2emvt (l.7-24) : Imprécations de Camille, qui exprime sa haine
envers Rome
3emvt (l.25-29) La crise atteint son paroxysme et Horace tue Camille

Développement :

1ermvt (v1-6) : Horace, outragé par l’attitude de Camille, l’exhorte à


honorer Rome
v. 1 : interjection « ô » + apostrophe « ciel » => dimension religieuse
qui donne de la gravité à la réplique d'Horace.

-points d’exclamations + hyperbole (« Qui vit jamais une pareille


rage ») => colère face aux propos précédent de Camille.

v.2-3 : question rhétorique => Horace affirme qu'il ne peut tolérer


cet outrage (ce qu’a dit Camille précédemment). Pour lui, la valeur
suprême est l'honneur et il ne peut donc supporter le déshonneur
de sa sœur (« souffrir » signifie « supporter » et « mon sang » est
une métonymie désignant la famille, ici sa sœur)

v.4-6 : impératif « aime » répété, repris par l'impératif « préfère ».


=> Horace ordonne à sa sœur d'aimer la mort, créant ainsi une
injonction paradoxale. Le passage met en évidence des oppositions
telles que « aime / mort » et « mort / bonheur », ainsi que « mort »
et « naissance ».

-vb « devoir »(v.6) souligne l'honneur que Horace défend, car


Camille, en tant que Romaine, a des devoirs envers sa patrie qui
sont plus importants que son amour pour Curiace.

-noms « homme » et « Rome », mis en valeur à la rime => illustrent


le choix crucial de Camille entre son amant et sa patrie. C’est
l’origine du déchirement fratricide qui éclate dans ce passage.

2emvt (l.7-24) : Imprécations de Camille, qui exprime sa haine


envers Rome

v. 7 à 10 : -anaphore de « Rome », renforcée par l'allitération en [r]


=> Camille martèle sa colère contre sa patrie, responsable de la
mort de son amant. Elle s'en prend moins à son frère qu'à ses
motivations, c'est-à-dire à son patriotisme.

-Du « ressentiment » (v. 7) à la haine (« je hais », v. 10), sa colère


s'amplifie. L'antithèse entre « haïr » d'une part et « honorer » /
« adorer » de l'autre souligne l'opposition irréductible du frère et
de la sœur.
-jeu des pronoms personnels (« je » / « t’ ») et de déterminants
possessifs (« mon » / « ton ») met en valeur cette opposition.
v. 11-18 : Camille réaffirme sa colère dans une longue période
initiée par le subjonctif présent à valeur optative (= valeur de
souhait)
« puissent » alors relancée par toute une série de subjonctifs
introduits par « que ». Elle lance des imprécations contre Rome,
souhaitant que tous les malheurs possibles s'abattent sur la ville.

*v.14 : antithèse « Orient » et « Occident », qui s'allieraient pour


détruire Rome renvoie à la division de l'Empire romain en Empire
romain d’Orient et d’Occident en 395 ap J.-C.

*v.15 : Camille évoque l'alliance des ennemis de Rome à travers


l’hyperbole « cent Peuples unis des bouts de l'Univers »

*v.17-18 : Référence aux guerres civiles qui ont mis fin à la


République romaine et ont ultimement conduit à la chute de Rome.
Pour Camille, ce sont des souhaits prophétiques, et pour le
spectateur/lecteur d’apophétie. (Prédiction dans le passé).

On peut voir une coloration épique dans l'évocation d'une


conjuration quasi mondiale contre Rome par la figure de
l'amplification, caractéristique du registre épique. Puis pathétique
lorsque Camille personnifie Rome en évoquant les « entrailles » de
Rome, la ville, sujet des verbes d'action « renverse » et « déchire »,
renforcée par l'emploi des expressions « de ses propres mains ». Le
champ lexical de la destruction est alors omniprésent dans le
passage : « saper », « détruire », « renverser », « déchirer ».

v. 19-24 : Après les noms « monts » et les « mers » (v. 16), nous
avons ici « le ciel » et les « feux » : les quatre éléments, accentue le
caractère hyperbolique des imprécations de Camille.

Répétition du vb « voir » (v. 21, 22 et 23), renforcé par le pléonasme


« voir de mes yeux » => insiste sur le plaisir provoqué par la
destruction de Rome.
-parallélisme « dernier Romain » / « dernier soupir » + hyperbole «
mourir de plaisir » => la douleur de Camille s'est muée en une
colère sadique, puisqu'elle prend du plaisir à la souffrance des
autres.
3emvt (l.25-29) La crise atteint son paroxysme et Horace tue Camille

* Les imprécations rhétoriques intensifient l'action dramatique :


Horace tue sa sœur, comme l'indiquent les didascalies.
Conformément à la règle de bienséance classique, le meurtre n'est
pas représenté sur scène. Corneille précise donc que Camille est
blessée "derrière le théâtre", c'est-à-dire dans les coulisses.
* Horace commet le meurtre avec placidité, d’où le nom
« patience », car il est maintenant guidé par la raison. Selon lui,
Camille, en choisissant le camp ennemi, mérite la mort. Le meurtre
de Camille est donc logique, comme l’indique le nom "raison"v.25
s'opposant à la passion de Camille pour Curiace. Horace privilégie la
vertu morale et l'honneur à l'amour et à la passion.

Conclusion :

Corneille met en scène une crise familiale violente en dépeignant


un affrontement intense entre les personnages d'Horace et de
Camille. La tension atteint son paroxysme avec les expressions
passionnées et les vœux de vengeance prononcés par les deux
protagonistes. Les propos d'Horace révèlent sa loyauté envers sa
patrie, au détriment de sa propre famille, tandis que Camille
exprime sa haine envers Rome pour avoir coûté la vie à son amant.
Ainsi, Corneille parvient à mettre en scène de manière percutante
et dramatique cette crise familiale intense. Par cet assassinat,
l'action tragique est relancée et Horace passe du statut de sauveur
de Rome à celui de criminel, souillant ainsi sa jeune gloire.

Ouverture :

La crise familiale, ici poussée à son paroxysme avec le fratricide,


n'est pas sans rappeler la fondation même de Rome, qui repose sur
un autre fratricide, puisque, pour devenir le premier roi de Rome,
RomPulus a tué son frère Rémus.

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