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Gustave Flaubert

Madame Bovary chapitre 12 partie 2

Introduction
Ce texte est un extrait du roman réaliste Mme Bovary de Gustave Flaubert, romancier du XIXème siècle,
connu pour ses brouillons qui témoignent d’une recherche de la phrase parfaite, qui sonne juste.
Publié en 1857, Mme Bovary est le premier roman de Flaubert. Inspiré d’un fait divers, ce roman retrace la
vie dissolue d’Emma Bovary, épouse d’un médecin de campagne, qui s’ennuie, tant sa vie ne ressemble pas
à celle qui est évoquée dans ses lectures.
D’ailleurs, tout au long du récit, Flaubert se moquera des élans romantiques de son héroïne qui voudrait
vivre comme dans les romans qu’elle a lus.
Nous avons un exemple de ses rêves dans le texte à analyser. Cet extrait nous présente l’héroïne dans l’un
de ces moments de rêverie. Il sera intéressant de voir quel portrait de celle-ci s’en dégage.

Problématique
En quoi ce texte illustre-t-il le bovarysme ?

Mouvements
Mouv 1 : l.1 à 2 : La réalité d’Emma fondée sur les faux semblants
Mouv 2 : l.3 à 11 : Un rêve de fuite
Mouv 3 : l.11 à 18 : Un rêve exotique
Mouv 4 : l.18 à la fin : retour à la dure réalité.

Analyse
Premier mouvement
-Mise en place du cadre : la réalité d’Emma, dont la relation avec son mari est fondée sur des faux-
semblants
Mise en place du cadre : recours à la focalisation zéro (point de vue d’un narrateur omniscient) : évoque
simultanément les actes de l'héroïne et ceux de son mari : alors que l'une fait semblant de dormir, l'autre,
le mari, dort réellement.
- Relation basée sur les faux-semblants, les apparences -> suggéré par le choix des verbes : "dormait" (I.1)
à la forme négative s'oppose à l'adj "endormie" lui-même associé à locution verbale "faisait semblant" qui
suggère un jeu sur les apparences.
- l.1-2: parallélisme qui souligne l'opposition entre le mari et la femme : "il s'assoupissait à ses côtés, elle se
réveillait en d'autres rêves", ce parallélisme est fondé sur un jeu d'oppositions -> souligne l'aspect factice
de cette relation : il s'assoupit, elle se réveille, il est à ses côtés, elle est ailleurs, rien ne semble unir ce
couple.
- Après mise en place, le cadre narrateur évoque le rêve éveillée d’Emma qui envisage de s’enfuir avec son
amant Rodolphe.

Deuxième mouvement
-. Le narrateur dépeint un premier tableau, un rêve de fuite, synonyme de liberté.
- Point de vue interne : basculement dans le rêve d’Emma : tout sera raconté à travers sa subjectivité, sa
sensibilité
- l.3 : référence aux « quatre chevaux » qui fait penser aux carrosses des contes de fées tirés par plusieurs
chevaux. C’est un rêve éveillé d’Emma qui est influencé par ses lectures.
« Au galop » : rêve d'évasion qui illustre une volonté de bouger, de s'en aller, de fuir ce quotidien pesant
- Champ lexical du mouvement dans les premières lignes: "emportée" (1.3), "allaient" (1.4), "marchait"
(1.7) qui renforce cette idée de fuite, de départ - répétition "ils allaient" (1.4) accentue l'idée de
mouvement, suggérée aussi le rythme saccadé qui semble imiter le mouvement du galop.
- Elle inclut son amant dans son rêve -> passage du "elle" (1.3) au “ils” (1.4) -> rêve d'amour suggéré pas
"les bras enlacés" (1.4).
- Nom de l'amant non mentionné -> ce qui comptait n'est pas sa présence mais l'évasion.
- Groupe infinitif "sans parler” (1.4) -> union sans communication qui annonce déjà un échec.
- Suite du rêve = pêle-mêle d'éléments hétéroclites issus de différents récits de l'époque de l'auteur :
Notre-Dame de Paris de Victor Hugo -> référence aux "cathédrales de marbre blanc" (1.6); la nouvelle
Carmen de Prospère Mérimée -> "bouquets de fleurs" (1.8) et "femmes habillées en corset rouge" (1.9) qui
rappellent la première rencontre entre Carmen et Don José; Le Comte de Monte-Cristo d'Alexandre Dumas
-> allusion aux "fruits, disposés en pyramide au pied de statues pâles" (1.10) qui rappelle le moment où
Franz d'Epinay découvre la caverne de Simbad le Marin.
- Rêve par l’abolition des limites spatiales : accumulation l.5-6 : « des dômes, des ponts, des navires, des
forêts de citronniers et des cathédrales de marbres blancs » + énumération 1.9-10-11-> donne l'impression
que tous les éléments se côtoient : "cloches", "mulets", "fruits, disposés en pyramide", "statues", -> ne
pourrait pas être possible dans la réalité.
- Début du rêve d'Emma = influence des lectures romantiques -> la prédominance du mouvement et de
l'exotisme espagnol qui s'oppose au quotidien normand.

Troisième mouvement
- Second tableau du rêve = nouveau cliché romantique -> le bord de mer : "filets bruns" (1.11- 12),
"falaise" (1.12), "cabanes" (1.13)
- Abolition de l'espace avec la référence aux "gondoles" (1.14) qui rappellent l'Italie, côtoyant le "hamac"
(1.14) qui rappelle plutôt les îles -> pêle-mêle d'images à la manière des rêves
- "S'arrêteraient" (1.12) = arrêt dans la fuite mais toujours idée de mouvement: "se promèneraient" et "se
balanceraient" (1.14), mouvement aussi suggéré par le parallélisme des deux propositions -> effet de
balancement: "ils se promèneraient en gondole, ils se balanceraient en hamac
- Rêve qui semble idyllique -> comparaisons qui suggèrent les idées chères aux romantiques : celle de
liberté avec "large comme leurs vêtements de soie" (1.15) puis celle de contemplation avec "comme les
nuits douces qu'ils contempleraient" (I.15-16)
- Changement par rapport au premier tableau -> passage au conditionnel présent : "s'arrêteraient" (1.12),
"habiteraient" (1.13), "se promèneraient", "se balanceraient", "serait" (1.14), "contempleraient" (1.16) ->
conditionnel à valeur de souhait par opposition à un futur qui marque une certitude. idée d'un échec quant
à la réalisation du rêve qui en restera un - accumulation d'éléments qui évoquent un affaissement : "une
maison basse, à toit plat, ombragée d'un palmier, au fond d'un golfe, au bord de la mer" (1.13). les
hauteurs du premier tableau "montagne", "dôme" (l.5) ont fait place au niveau zéro de la "mer" ; les
"cathédrales" (1.6) disparaissent rt laissent place à une "maison basse". Ce changement = échec de ce rêve
qui semble s'écrouler.
- Adverbe d'opposition "Cependant” (1.16) = ce rêve n'est qu'échec, il n'exauce pas le vœu d'Emma de
vivre des moments magiques, l'extraordinaire rêvé laisse place à la monotonie -> pronom négatif "rien"
(l.16)
- Ce rêve n'est pas si parfait -> alternance éléments mélioratifs / références péjoratives : "L'immensité"
s'oppose à "rien" (I.16) ; les jours sont "magnifiques" (1.18) mais monotones comme l'indique la
comparaison "comme des flots" (1.17) ; l'horizon est "harmonieux" mais "bleuâtre" (1.18) ce qui le rend
fade.
- Les couleurs chatoyantes du début du rêve s'estompent et laissent place à un bleu délavé -> le rêve
s'achève
- Ce rêve = illusion totale qui ne se réalisera sans doute jamais.

Dernier mouvement du texte :


- Raisons de cet échec -> réalité brutale ·
- Retour brutal à la réalité -> conjonction de coordination "mais" (1.18) : marque une opposition/rupture et
le retour au point de vue omniscient
- Retour à la réalité traduit par la référence à : son "enfant" (1.18) qui rappellent son statut de mère et son
mari désigné par le nom de famille "Bovary" (1.19) pour rappeler son statut d'épouse, fille d'Emma =
désignée par un terme générique -> marque la distance entre la mère et la fille
- Retour brutal à la réalité -> sonorités qui accentuent l'aspect désagréable de ce réel : allitération en [s]
"se mettait à tousser dans son berceau" et en [R] "Bovary ronflait plus fort" imitent sifflement et
ronflement + cassent douceur des images du rêve, bruits qui renvoient au corps, matériel, par opposition à
l'immatériel du rêve.
- Verbe "blanchissait" (1.20) -> achève le rêve : les couleurs vives du voyage onirique disparaissent et
laissent place au blanc.
- Impression d'achèvement proposition "et Emma ne s'endormait que le matin”-> même verbe qu'au début
(s'endormir) mais sans faux semblant : le rêve est achevé, Emma peut s'endormir, idée d'une femme
coupée de la réalité : elle fait l'inverse de ce qu'on devrait faire dans une société où règnent les
conventions, cela peut être fatal.
- Référence à la pharmacie = pas une coïncidence -> elle anticipe la fin du roman où Emma, acculée par ·les
dettes, se suicide en volant de l'arsenic à la pharmacie.
- En conclusion : à force de trop rêver, on finit par se brûler les ailes, par en mourir

Conclusion
Pour conclure, à travers l’évocation d’un rêve et du rapport que l’héroïne entretient avec la réalité, ce
passage nous propose le portrait d’une jeune femme qui idéalise la vie, influencée par ses lectures
romanesques. Face au quotidien terre à terre, face aux rôles que la société lui impose, Emma Bovary rêve
d’un monde féérique, romantique. Elle déchantera rapidement : dans les pages qui suivent ces lignes,
Rodolphe, son amant, lassé de sa relation, rompra avec elle.
Ses rêves d’évasion, de vie romantique, tomberont à l’eau.
Cet extrait illustre d’ailleurs le Bovarysme, cette complexion psychologique d’une personne qui se voit
différente de ce qu’elle est en réalité, et qui se condamne, pour des illusions et des idées préétablies, à
être toujours déçue par la banalité de l’existence.
En d’autres termes, pour reprendre Flaubert lui-même, « c’est la rencontre des idéaux romantiques face à
la petitesse des choses de la réalité ».

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