Introduction: Dans sa forme finale, Les Caractères de La Bruyère sont un recueil de remarques, sous forme de maximes, de réflexions et de portraits, présenté comme une simple continuation des Caractères du philosophe grec Théophraste. (Voir ma fiche de lecture sur Les Caractères de La Bruyère) Cet extrait fait parti des portraits des grands de la cour. Cimon et Clitandre sont 2 courtisans qui jouent le jeu de la comédie sociale afin d’obtenir les faveurs du roi. Le regard critique du moraliste révèle alors la vanité des comportements et fait de la vie de la cour un véritable « theatrum mundi ». Le portrait de Cimon et Clitandre fait partie du chapitre « De la cour ». Ce chapitre a pour but d’analyser les mœurs du siècle à la cour et de faire de cette dernière ou le spectacle du vis est tout aussi instructive que celui de la vertu. Problématique : En quoi le double portrait comique est-il au service d’une dénonciation virulente des courtisans ? Plan : Nous pouvons diviser ce texte en 2 mouvements. Le premier s’étant du début « Ne croirait-on pas… » jusqu’à « emmener ». Le second s’étant de « Ils ne sont… » jusqu’ à la fin de l’extrait. 1er mouvement : Le portrait ridicule des 2 personnages. Une présentation péjorative des protagonistes : le texte débute par une question rhétorique qui tout en introduisant les personnages implique le lecteur en lui octroyant la position du témoin. Ce dernier est ainsi invité à faire un parallèle entre ce double portrait et la société contemporaine. L’emploi du conditionnel « Ne croirait-on pas » (l.1) annonce les responsabilités des 2 hommes comme illusoires. Leur portrait est ainsi placé d’emblée sous le signe de l’apparence et non pas de la vérité. Le décalage entre le nombre avec l’adjectif « Seuls » et la charge de travail avec l’indéfini « tout » suggère un travail important mais celui-ci est nié par le moraliste. Le choix de traité 2 personnages dans un même portrait, prouve que les courtisans se ressemble au point d’être interchangeable. Les 2 personnes se définissent par le mouvement dont nous pouvons relever le champ lexical : « Empressement », « courir », « passe », … Ce mouvement est exprimé aussi par le rythme même des phrases puisque l’énumération : « empressement l’inquiétude, la curiosité, l’activité » dit la précipitation. D’ailleurs, la multiplication des actions est soulignée par l’emploi du préfix « re » marquant la répétition (cycle). Mais ses actions sont niées par la négation « ils ne viennent d’aucun endroit, ils ne vont nulle part » puisqu’elles sont présentées sans but et sont donc vaines (sans finalité). Pour les 2 hommes, le déplacement semble être une fin en soi. Le lecteur comprend alors que ses 2 personnages ne cherchent pas à agir mais seulement à en donner illusion. La Bruyère fait du lecteur son interlocuteur privilégié, mais surtout son complice moqueur en lui délivrant des conseils par l’emploi de l’impératif « Ne les retardez pas », « ne leur faites pas des questions », « donnez-leur du moins le temps de respirer ». Il présente alors les 2 protagonistes comme des automates dénuées de toute réflexions. En effet, le verbe « démontrerait » et le nom « machine » les associe de façon métaphorique à des robots. Cimon et Clitandre ne sont plus que des corps en mouvement propre à faire rire le lecteur.
2nd mouvement : La satire des courtisans (« Ils ne sont pas » … la fin)
Nous allons dans cet extrait une ironie mordante : Ce 2nd mouvement s’ouvre sur une négation totale « ils ne sont pas les Satellites de Jupiter » qui retire aux 2 hommes toute responsabilité à la cour. Ils ne sont pas les conseillers du roi, au contraire le verbe « précèdent » prépare déjà l’image finale du char. En effet, ce sont les chevaux qui précèdent le roi, toute comme Cimon et Clitandre. Ils n’ont ainsi aucun rôle décisionnaire. Le vocal épique « impétueusement », « précis » insiste alors sur le décalage entre l’ampleur de leurs actions et l’inanité de celles-ci. La reprise avec préfixe « vus et revus » rappelle que leur but est seulement de se faire remarquer et non pas d’agir. L’antiphrase « un emploi si sérieux et si utile à la république » révèle la vanité de tels agissements et tourne ainsi en ridicule les courtisans. La Bruyère s’amuse à dégonfler les actions des personnages afin d’en révéler le vide. Le début des propositions employées insiste sur une qualité pour mieux montrer qu’elle sert la bêtise. Ainsi, l’adjectif « indifférente » détruit l’instruction. Le verbe « ignorer » remplace le verbe « savoir », l’adverbe « médiocrement » efface les talents et les adjectifs « légers et précipite » prennent la place « d’éveiller » et « alerte » toutes les qualités laissent alors place à des blâmes et l’effet de chute, rendu possible par la construction des phrases renforcent la satire. Le moraliste termine son portrait par « le dirais-je ? » qui annonce une confidence. Il finit son texte par une image forte puisqu’il associe, par la métaphore, Cimon et Clitandre à des chevaux pour dire qu’il se tenait la tête haute. Le moraliste ridiculise d’autant plus les 2 hommes en les animalisant. Enfin, il présente l’action des courtisans comme vaines puisqu’ils ne parviendront pas le cercle privé du roi. Ils s’en ont au contraire « fort éloigne ». Cette volonté de paraitre les conduits seulement à être ridicule. Conclusion : Ainsi, en mettant en scène Cimon et Clitandre dans ce double portrait, la Bruyère révèle la comédie sociale qui règne a la cour. La démarche du moraliste consiste à analyser une réalité extérieure comme un témoin afin d’en saisir le fonctionnement. Ce fragment qui au service de la satire des courtisans invitent le lecteur en faisant son complice à condamner le spectacle qui règne à la cour. Ces attitudes vaines ont été dénoncé aussi par la fontaine qui n’a pas hésité à faire du courtisant « un singe de maitre » dans ces fables.