Vous êtes sur la page 1sur 3

Analyse linéaire, Les Caractères, VIII 

« De la cour », 19, 1687


Introduction:
Dans sa forme finale, Les Caractères de La Bruyère sont un recueil de remarques,
sous forme de maximes, de réflexions et de portraits, présenté comme une simple
continuation des Caractères du philosophe grec Théophraste. (Voir ma fiche de
lecture sur Les Caractères de La Bruyère)
Cet extrait fait parti des portraits des grands de la cour. Cimon et Clitandre sont 2
courtisans qui jouent le jeu de la comédie sociale afin d’obtenir les faveurs du roi.
Le regard critique du moraliste révèle alors la vanité des comportements et fait de
la vie de la cour un véritable « theatrum mundi ». Le portrait de Cimon et Clitandre
fait partie du chapitre « De la cour ». Ce chapitre a pour but d’analyser les mœurs
du siècle à la cour et de faire de cette dernière ou le spectacle du vis est tout aussi
instructive que celui de la vertu.
Problématique :
En quoi le double portrait comique est-il au service d’une dénonciation virulente
des courtisans ?
Plan :
Nous pouvons diviser ce texte en 2 mouvements. Le premier s’étant du début « Ne
croirait-on pas… » jusqu’à « emmener ». Le second s’étant de « Ils ne sont… »
jusqu’ à la fin de l’extrait.
1er mouvement : Le portrait ridicule des 2 personnages.
Une présentation péjorative des protagonistes : le texte débute par une question
rhétorique qui tout en introduisant les personnages implique le lecteur en lui
octroyant la position du témoin. Ce dernier est ainsi invité à faire un parallèle entre
ce double portrait et la société contemporaine.
L’emploi du conditionnel « Ne croirait-on pas » (l.1) annonce les responsabilités
des 2 hommes comme illusoires. Leur portrait est ainsi placé d’emblée sous le
signe de l’apparence et non pas de la vérité. Le décalage entre le nombre avec
l’adjectif « Seuls » et la charge de travail avec l’indéfini « tout » suggère un travail
important mais celui-ci est nié par le moraliste.
Le choix de traité 2 personnages dans un même portrait, prouve que les courtisans
se ressemble au point d’être interchangeable. Les 2 personnes se définissent par le
mouvement dont nous pouvons relever le champ lexical : « Empressement »,
« courir », « passe », …
Ce mouvement est exprimé aussi par le rythme même des phrases puisque
l’énumération : « empressement l’inquiétude, la curiosité, l’activité » dit la
précipitation. D’ailleurs, la multiplication des actions est soulignée par l’emploi du
préfix « re » marquant la répétition (cycle). Mais ses actions sont niées par la
négation « ils ne viennent d’aucun endroit, ils ne vont nulle part » puisqu’elles sont
présentées sans but et sont donc vaines (sans finalité). Pour les 2 hommes, le
déplacement semble être une fin en soi. Le lecteur comprend alors que ses 2
personnages ne cherchent pas à agir mais seulement à en donner illusion.
La Bruyère fait du lecteur son interlocuteur privilégié, mais surtout son complice
moqueur en lui délivrant des conseils par l’emploi de l’impératif « Ne les retardez
pas », « ne leur faites pas des questions », « donnez-leur du moins le temps de
respirer ». Il présente alors les 2 protagonistes comme des automates dénuées de
toute réflexions. En effet, le verbe « démontrerait » et le nom « machine » les
associe de façon métaphorique à des robots. Cimon et Clitandre ne sont plus que
des corps en mouvement propre à faire rire le lecteur.

2nd mouvement : La satire des courtisans (« Ils ne sont pas » … la fin)


Nous allons dans cet extrait une ironie mordante : Ce 2nd mouvement s’ouvre sur
une négation totale « ils ne sont pas les Satellites de Jupiter » qui retire aux 2
hommes toute responsabilité à la cour. Ils ne sont pas les conseillers du roi, au
contraire le verbe « précèdent » prépare déjà l’image finale du char. En effet, ce
sont les chevaux qui précèdent le roi, toute comme Cimon et Clitandre. Ils n’ont
ainsi aucun rôle décisionnaire.
Le vocal épique « impétueusement », « précis » insiste alors sur le décalage entre
l’ampleur de leurs actions et l’inanité de celles-ci. La reprise avec préfixe « vus et
revus » rappelle que leur but est seulement de se faire remarquer et non pas d’agir.
L’antiphrase « un emploi si sérieux et si utile à la république » révèle la vanité de
tels agissements et tourne ainsi en ridicule les courtisans.
La Bruyère s’amuse à dégonfler les actions des personnages afin d’en révéler le
vide. Le début des propositions employées insiste sur une qualité pour mieux
montrer qu’elle sert la bêtise. Ainsi, l’adjectif « indifférente » détruit l’instruction.
Le verbe « ignorer » remplace le verbe « savoir », l’adverbe « médiocrement »
efface les talents et les adjectifs « légers et précipite » prennent la place
« d’éveiller » et « alerte » toutes les qualités laissent alors place à des blâmes et
l’effet de chute, rendu possible par la construction des phrases renforcent la satire.
Le moraliste termine son portrait par « le dirais-je ? » qui annonce une confidence.
Il finit son texte par une image forte puisqu’il associe, par la métaphore, Cimon et
Clitandre à des chevaux pour dire qu’il se tenait la tête haute. Le moraliste
ridiculise d’autant plus les 2 hommes en les animalisant.
Enfin, il présente l’action des courtisans comme vaines puisqu’ils ne parviendront
pas le cercle privé du roi. Ils s’en ont au contraire « fort éloigne ». Cette volonté de
paraitre les conduits seulement à être ridicule.
Conclusion :
Ainsi, en mettant en scène Cimon et Clitandre dans ce double portrait, la Bruyère
révèle la comédie sociale qui règne a la cour. La démarche du moraliste consiste à
analyser une réalité extérieure comme un témoin afin d’en saisir le
fonctionnement. Ce fragment qui au service de la satire des courtisans invitent le
lecteur en faisant son complice à condamner le spectacle qui règne à la cour. Ces
attitudes vaines ont été dénoncé aussi par la fontaine qui n’a pas hésité à faire du
courtisant « un singe de maitre » dans ces fables.

Vous aimerez peut-être aussi