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pLLn°18 : La mort de Manon, Manon Lescaut, l’Abbé

Prévost
Intro :
-Auteur + œuvre : Voir LLn°16
-Extrait : Après de sulfureuses aventures dans une société
parisienne corrompue, les amants ont échoué en prison. Manon est
déportée à la Louisiane avec un convoi de filles de mauvaise vie et
Des Grieux suit sa maîtresse. Il la voit bientôt mourir d'épuisement
dans le désert où ils ont dû fuir à la suite d'un duel avec le neveu du
gouverneur dont elle était la cause. Cet extrait est le premier de
ceux qui achèveront le récit, la fin de l’œuvre coïncidant avec
l’enterrement de Manon et le retour en grâce de DG auprès de
Tiberge.

️Lecture de l’extrait

Pb : En quoi cette scène pathétique achève-t-elle le récit de DG et


amorce-t-elle la fin de l’œuvre ?
Mouvements :
1ermvt (1e paragraphe) : DG s'adresse à l'Homme de qualité pour
indiquer sa douleur à faire le récit de la mort de Manon.
2emvt (l.4-12) : Le tableau pathétique de l'agonie de Manon dans le
désert de Louisiane.
3emvt (l.12-Fin) : Le retour au silence de DG.

Développement :
1ermvt (1e paragraphe) : DG s'adresse à l'Homme de qualité pour
indiquer sa douleur à faire le récit de la mort de Manon.
l.1 : « Pardonnez », impératif et captatio benevolentae => Dg
implore l’indulgence de son destinataire, « l’Homme de qualité » =
Renoncour
=>Par un effet de mise en abyme, le lecteur a l'impression de
devenir également le destinataire de cette imploration pathétique.

-1ere phrase courte constituée de termes mono ou bisyllabiques,


traduit la difficulté du récit que Des Grieux s'apprête à conduire ;
comme le souligne la PSCC d’hypothèse introduite par la
préposition « si » « si j'achève en peu de mots un récit qui me tue »

-« un récit qui me tue », « un malheur qui n’eut jamais


d’exemple » = périphrases pour ne pas désigner directement la
mort de Manon explicitement, mais les PSR explicatives expriment
le désespoir de DG qui ne se résout pas à nommer les choses

-champ lexical du récit (« récit / raconte / exprimer ») + celui de la


tragédie (« malheur/ destinée à le pleurer / reculer d'horreur »)
=>Par cette association, de Grieux suggère que les mots
occasionnent une douleur encore vive dans le présent.

-C'est d'ailleurs ce dont témoigne le présent, notamment le présent


à valeur d'habitude qui exprime une douleur sans cesse
renouvelée : « je le porte sans cesse », « chaque fois que
j'entreprends »

-Dimension tragique : « toute ma vie est destinée à le pleurer » =


phrase en alexandrin, comportant un voca tragique « destinée »,
« pleurer » / DG se crée un « ethos » de personnage dévasté,
souffrant le martyr

-DG semble partagé entre la nécessité de raconter la fin de son


histoire et la douleur qu’il ressent de le faire : PSCC de concession
« quoique… mémoire », le montre.

-Ressort ainsi l’importance de laisser une « trace » dans l’esprit de


DG et dans l’esprit du lecteur en racontant la mort. Le passé et le
présent se superposent ici, les strates temporelles sont
confondues.
2emvt (l.4-12) : Le tableau pathétique de l'agonie de Manon dans le
désert de Louisiane.
l.4 :« nous avions passé », plus que parfait, nous plonge dans le
passé

-Le récit se déroule dans le désert de Louisiane =>L'abbé Prévost


active ici un motif préromantique de la mort dans la nature, à
l'écart de la civilisation corrompue

-La mort de Manon est évoquée avec délicatesse et pudeur en


étant associée au champ lexical du sommeil : « nuit, endormie,
moindre souffle, sommeil »

-Adv, « tranquillement » + modalisateur « croyais » = ironie


tragique. Le lecteur connaît l'issue fatale de cette scène que DG
semble ignorer.

La posture du chevalier qui retient son souffle amplifie l'ambiguïté


entre la mort et le sommeil. Les allitérations en [m] évoquent les
murmures, les paroles retenues, la douceur.

l.5 : Modalité négatives « je n’osais », « dans la crainte de » =>


tendresse et la retenue de l’amant face à l’amant endormie

l.6 : « m’aperçus », vb, confirmation du véritable état de Manon.


Adjs « froides et tremblantes », annoncent a mort de Manon

Ce récit souligne néanmoins la proximité des amants :


*On voit leurs « mains » » puis le « sein », métonymie désignant le
cœur, siège des émotions que ressent DG pour Manon
* Le toucher est sollicité à de multiples reprises par les verbes
« touchant »,« approchais », « sentit « échauffer », « saisir »

Les dernières paroles se font murmures avant de céder au silence.


Elles sont restituées au discours indirect « elle me dit » / « je ne
répondis que », comme si la voix de Manon, de plus en plus faible,
s'éteignait devant nous.

Alternation des pronoms, « je » puis « elle » en position de sujets


des verbes. Le NOUS est désormais dissocié : la mort sépare les
amants.

l.8 : Manon annonce sa mort à travers l’euphémisme « sa dernière


heure ». Ce n’est plus la perception de DG mais celle de Manon («
se croyait ») qui annonce son véritable état et sa mort prochaine,
illustrée par l’effort que cela lui demande.
=> Volonté des amants à se rapprocher malgré le décalage dans la
perception des choses rend la scène pathétique. DG raconte la
scène de manière véridique, comme il l’a ressentie, preuve
d’authenticité du récit.

L8-9 : négations exceptive « je ne pris…l’infortune », « je n’y


répondis que… », défaut de perception et de décalage de DG vis-à-
vis de l’état actuel de Manon. Il ne veut pas y croire et minimise
l’évènement, d’où l’adj « ordinaire »

l.9 : « Mais », conjonction de coordination, marque une rupture,


prise de conscience de DG de la situation.

-C'est alors le corps de Manon, à l’agonie, qui parle à travers une


énumération renforcée par l’adj « fréquent ». Les « soupirs »,
« silences », « serrements » sont sujets du verbe « me firent
connaître ». DG, être sensible et préromantique, est attentif au
langage du corps.

La mort est désignée par la périphrase « la fin de ses malheurs » qui


suggère la violence que la société a infligée aux amants.

Fin du récit au passé de la mort de Manon : dimension pathétique


et tragique de la situation, idéalisation de Manon jusqu'à sa mort.
3emvt (l.12-Fin) : Le retour au silence de DG.

l.12 : Impératif « N’exigez », rappelle le début du texte. De nv, DG


s’adresse à Renoncour.

Des Grieux exprime l'impossibilité de poursuivre son récit. Les


verbes « décrive » et « rapporte » sont ainsi niés par la négation.

=> La mort de Manon entraîne le silence du chevalier qui achève


son récit dans une économie de détails

l.13 : Phrase brève de 3 mots « Je la perdis », condense la douleur


de DG. Le lexique de la tragédie se déploie « fatal et déplorable
évènement » renvoyant à la destinée du couple.

l.14 : La mort de Manon est d'autant plus tragique que dans leur
fuite, les deux amants semblaient s'être sincèrement retrouvés et
amendés : « je reçus d'elle des marques d'amour »

-Le texte s'achève sur l'évocation de Des Grieux en posture de


héros maudit.

*Le vocabulaire religieux qui sature le dernier paragraphe présente


le Chevalier comme un damné, un pécheur que « le Ciel » a destiné
à un sort tragique et douloureux, adjs « languissante et misérable ».

*La fin du récit coïncide ainsi avec la fin de la vie mondaine du


chevalier comme l’indique le retour au présent, il se retire : « Je
renonce volontairement à la mener jamais plus heureuse.
Conclusion:
Nous faisons donc face à un récit pathétique et tragique nous
contant la mort de Manon en sobriété et pudeur. Prévost emploie
un style qui rend authentique le récit, même narré un temps après
les faits. Cet extrait coïncide avec un moment de vérité absolue et
de séparation indicible, il n’est plus temps de tricher, de s’offusquer
des frasques de Manon qui est idéalisée ici. Ainsi les amants restent
unis, même après la mort, par le renoncement de DG à vivre
heureux.

Ouverture :
La scène pathétique de la mort de Manon trouve un écho puissant
dans l'histoire d'Anna Karénine de Léon Tolstoï. Ces deux récits,
marqués par des destins tragiques, nous invitent à réfléchir sur les
conséquences dévastatrices des passions interdites et des choix
amoureux malheureux. La mort des protagonistes, symbolisant la
fin inévitable de leurs histoires, offre une perspective poignante sur
les tourments de l'âme humaine et les dilemmes moraux qui
peuvent mener à une existence languissante et misérable.

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