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Texte 20 Horace 

Introduction
Horace est une tragédie écrite par Pierre Corneille (1606-1684) et représentée
pour la première fois en 1640.
Corneille s’inspire d’un épisode de l’Histoire Romaine  de Tite-Live (Ier siècle av.
J-C – Ier siècle ap. J-C) et a pour cadre la guerre entre Rome et Albe, autre ville
italienne située à dix-neuf kilomètres. Afin d’y mettre un terme, les trois
champions des deux villes doivent s’affronter. Le seul à sortir vivant du
combat, Horace, doit faire face à sa sœur à son retour ; celle-ci aimait en effet
l’un des Albains morts.
Aussi, après une dispute, Horace décide-t-il de tuer Camille, considérant que
son amour est un affront fait à Rome, leur ville. La scène étudiée est
précisément celle du meurtre de Camille par son frère.
Annonce de la problématique
Aussi, en quoi le meurtre de Camille par Horace devient-il nécessaire, tel qu’il
nous l’est présenté ?
Annonce du plan 
Nous analyserons d’abord l’expression de la souffrance de Camille qui accuse
Rome ; nous verrons enfin comment les imprécations de Camille forcent la
réaction d’Horace.
Développement
La souffrance de Camille se manifeste avant tout par la violence de ses
intentions. Elle ne peut pas supporter de voir son frère fêter la mort de son
amant ; et, comme un effet de miroir, elle lui renvoie cette même violence
meurtrière dont il a été, selon elle, coupable.
Une souffrance qui accuse Rome
L’extrait étudié commence avec une réplique d’Horace, qui finit par « Rome » :
c'est l'occasion pour Camille de laisser exploser toute sa haine, à l'aide
d'une anaphore. « Rome » est ainsi le premier mot des quatre premiers vers de
sa réplique. C'est là marquer explicitement l'objet de son « ressentiment ».
Sa souffrance s'exprime en outre à l'aide de la ponctuation : on trouve ainsi
neuf points d'exclamation dans la longue tirade de Camille. Cela témoigne aussi
de la violence de son ton ; et de manière assez singulière, il n'y a pas de champ
lexical relatif à la tristesse. C'est la colère et la violence qui l'emportent plutôt :
 champ lexical de la colère : « ressentiment », « hais », « courroux », «
entrailles »
 champ lexical de la violence : « immoler », , « saper », « détruire », «
renverse », « déchire », « courroux », « déluge », « foudre », « cendre »,
« poudre »

Les propos de Camille revêtent ainsi un caractère guerrier, qui fait écho à la
guerre entre Rome et Albe, et à la propre violence de son frère qui a fini par
tuer son amant.
De fait, si l'amour de Camille se porte sur Curiace, ce qui justifie sa haine
présente, l'amour d'Horace va tout entier à Rome, comme elle le suggère
dans le vers suivant :
Rome qui t'a vu naître, et que ton cœur adore !

Leurs deux états sentimentaux sont donc incompatibles car, pour la gloire de


Rome, son amant a dû mourir. Aussi, pour mieux haïr cette ville responsable de
sa souffrance, elle opère une personnification : Rome devient une personne -
ce qui, du reste, sert aussi à mieux exposer l'amour d'Horace à l'égard de cette
ville.

Elle est ainsi désignée plusieurs fois à travers le pronom personnel « elle ». Par
exemple, « elle » honore Horace pour avoir tué son amant, comme si Rome
était une personne en chair et en os.

La souffrance de Camille s'exprime donc à travers la violence de son propos ;


or, c'est cette violence qui la fait ennemie, dangereuse pour Rome. Cette
même violence rend donc nécessaire son meurtre par Horace.

L'ennemie de Rome qui doit mourir


L'extrait commence avec les mises en garde d'Horace :

Crois-tu donc que je sois insensible à l'outrage,


Que je souffre en mon sang ce mortel déshonneur ?

Horace prévient bien sa soeur des  dangers de son discours et l'exhorte à se


ranger du côté des vainqueurs :
Aime, aime cette mort qui fait notre bonheur,

Plutôt que d'aimer son amant, Camille devrait se mettre à aimer cette mort -
traduisant par là tout le côté inhumain du combat pour la survie de Rome,
puisqu'elle personnifie une ville pour exterminer des hommes.

Pourtant, la soeur se fait sourde aux mises en garde et contribue d'elle-même


à se faire l'ennemie de Rome. Elle en vient à identifier Rome à Horace, et
inversement, notamment par l'utilisation des pronoms personnels. Ainsi
transparaît une opposition entre « tu » et « je » :

 « ton bras » versus « mon amant »


 dans le vers : « Rome enfin que je hais parce qu'elle t'honore ! »,
la relation de causalité, avec « parce que », manifeste bien des raisons
de la haine de Camille pour Rome : c'est parce que la ville fête Horace
comme meurtrier qu'elle ne peut pas être elle-même Romaine. Cela
serait trahir son amour.

Camille amplifie encore sa haine à l'aide de figures de style telles


que l'hyperbole :

Et si ce n'est assez de toute l'Italie,


Que l'Orient contre elle à l'Occident s'allie ;
Que cent Peuples unis des bouts de l'Univers
Passent pour la détruire, et les monts, et les mers !

Sa fureur donne l'impression de déferler lorsqu'elle en appelle aux « cent


Peuples » qui viendraient des « bouts de l'Univers ». De
même, l'énumération « et les monts, et les mers » rend le
sentiment d'exhaustivité : toute la Terre est concernée par l'écrasement de
Rome voulu par Camille.
La volonté de malédiction est en outre assumée par Camille elle-même : elle
se plaît à revendiquer sa haine devant son frère. Au-delà de la terre, elle en
appelle même aux dieux avec l'utilisation du subjonctif sur le mode de
l'invocation :

Puissent tous ses voisins ensemble conjurés


Saper ses fondements encore mal assurés !

Et son discours gagne encore en intensité, jusqu'à se clore avec une


dernière anaphore sur le mot « dernier » dans le vers « Voir le dernier Romain
à son dernier soupir » qui, là encore, témoigne de la volonté d'extermination
de Camille, qu'elle cite comme une véritable source de plaisir par anticipation :

Moi seule en être cause, et mourir de plaisir !

L'antithèse entre « mourir » et « plaisir » rajoute à l'aspect terrifiant et hostile


de Camille : devant ces menaces, où elle prend les dieux à partie, Horace ne
peut que la considérer comme une ennemie qui doit mourir.

C'est ainsi la raison plus que tout autre chose qui réclame la mort de Camille :
Horace dit « C'est trop, ma patience à la raison fait place », ce qui confirme que
l'attitude de Camille doive, de manière objective (avec l'utilisation de l'article
défini « la » pour « la raison » qui contraste avec le possessif « ma » dans « ma
raison »), mourir pour la sécurité de Rome.

Conclusion

La réplique de Camille oblige Horace à changer sa vision de sa soeur. Alors


qu'au début de l'extrait commenté, il parle encore de « sang », c'est-à-dire qu'il
la considère encore comme sa soeur et souhaite la faire changer d'avis,
la violence de ses mots et de ses souhaits l'obligent finalement à la voir comme
une ennemie :

              Ainsi reçoive un châtiment soudain


Quiconque ose pleurer un ennemi romain !

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