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Analyse linéaire V

« Morts de Quatre-vingt-douze »

En 1870, Rimbaud est adolescent, et il s’engage dans l’écriture poétique avec


toute la fougue de son âge. C’est quelque chose que nous pouvons retrouver dans
tous les Cahiers de Douai, datant de cette année, et particulièrement dans le poème
« Ceux de Quatre-vingt-douze », qui constitue une ode à la liberté de la nation
française. En effet, ce poème revient sur les guerres des armées de la Ire
République contre les pays de la coalition entre 1792 et 1797, qui menaçaient la
pérennité de ce nouveau régime politique. L’évocation de ces guerres permet à
Rimbaud de louer les soldats français our leur courage dans la lutte our la liberté.
[LECTURE] Nous pouvons nous demander en quoi ce poème, hommage aux soldats
de la Ire République française, constitue une apologie pour le retour de ce régime,
associé au retour de la liberté. Nous pouvons observer différents moments dans ce
sonnet, puisque, des vers 1 à 4 nous sont présentés es soldats des guerres de la
fin du XVIIIé puis, jusqu’au vers 11, ces soldats sont représentés de manière
enthousiaste, en ce qu’ils se battent pour la liberté. Enfin, le dernier tercet nous
indique que l’histoire se répète et qu’il est à nouveau temps, en 1870, de se battre
pour la liberté.
Texte n°1 : « Morts de quatre-vingt-douze », Cahiers de Douai, Rimbaud

Morts de Quatre-vingt-douze et de Quatre-vingt-treize,


Qui, pâles du baiser fort de la liberté,
Calmes, sous vos sabots, brisiez le joug qui pèse
Sur l’âme et sur le front de toute humanité ;

5 Hommes extasiés et grands dans la tourmente,


Vous dont les cœurs sautaient d’amour sous les haillons,
Ô Soldats que la Mort a semés, noble Amante,
Pour les régénérer, dans tous les vieux sillons ;

Vous dont le sang lavait toute grandeur salie,


10 Morts de Valmy, Morts de Fleurus, Morts d’Italie,
Ô million de Christs aux yeux sombres et doux ;

Nous vous laissions dormir avec la République,


Nous, courbés sous les rois comme sous une trique.
– Messieurs de Cassagnac nous reparlent de vous !
Vers 1 à 4 : Présentation des soldats des guerres de la Ire République

~ v. 1 : apostrophe : poème adressé aux héros de guerres passées


→ 1792-93 : guerres de la Ire République contre les armées de la coalition
(guerre contre nations étrangères + de la république contre la monarchie)
~ v. 2 : cc de cause : mention du thème important du poème, cause chère à
Rimbaud : la « liberté »
→ personnification : importance de cette figure
~ v. 3 : adj. apposé → qualité étonnante mise en avant, surtout pour des soldats,
et qui va à l’encontre de l’image de soldats furieux que l’on peut avoir.
Cc de manière → évoque la population paysanne engagée dans l’armée. Rappel
de l’image de la révolution comme révolte populaire, lutte du pauvre contre le
puissant.
Proposition principale → a été retardée / action libératrice
« Joug » rappelle l’univers paysan
Enjambement → lourdeur du joug manifestée par la longueur du vers
~ v. 4 : double complément → exploitation + aliénation
Singulier poétique
Cdn généralisant → rappelle vocation universelle de la révolution française, reprise
au milieu du XIXe.
Rime → rappelle que la liberté est le propre de l’homme
Vers 5 à 11 : Portrait enthousiaste de ces héros des guerres pour la liberté

~ v. 5 : apposition → bonheur et honneur dans l’adversité → hommes valeureux et


dignes d’être pris en exemples
~ v. 6 : reprise de la P5 → poursuit l’adresse de son poème.
Personnification → met en avant la générosité, le noble motif de cette guerre →
refuse encore une fois l’image du soldat furieux au profit de celle du bon soldat.
« Haillons » rappelle les « sabots » > représentation de soldats pauvres, image de
cette guerre comme la lutte du pauvre contre le puissant
~ v. 7 : ô lyrique + majuscule → non seulement une adresse, mais un hommage
rendu aux soldats
Apposition + allégorie → nouvelle représentation féminine, de la mort cette fois.
Le rapport entre la mort et les soldats n’est même pas vraiment un rapport
conflictuel, puisqu’elle est une « amante »
~ v. 7&8 : prop° sub. relative → paradoxe → la mort rend à la vie → utilité du
combat, qui rend à la liberté et donc à la vie ceux qui restent et ceux qui viendront
→ générosité du soldat qui accepte de se battre pour quelque chose qu’il ne vivra
peut-être pas.
~ v. 9 : P5 → référence aux soldats, précisée par énumération du v. 10 en fonction
de leur dernière bataille ( Valmy : 1792 / Fleurus : 1794 / campagne d’Italie :
1796-1797)
~ v. 9&11 : métaphore → référence du code d’honneur chevaleresque, référence à la
pratique des duels
→ prépare la référence métaphorique au Christ (+ ô lyrique) → représentation
extrêmement méliorative, chargés de la mission de sauver les hommes
« Doux » → nouveau refus de la fureur des soldats, représentation méliorative.
Vers 12 à 14 : L’histoire se répète, il faut à nouveau se battre contre des
étrangers et pour la liberté

~ v. 12 : 1re occurrence P4 + constitution d’un second ensemble, distinct de ceux


des soldats de la république.
Euphémisme → ils étaient tombés dans l’oubli / ils sont morts, comme la
république l’est depuis 1852 (proclamation IInd Empire par Napoléon III)
~ v. 12&13 : mention de deux régimes politiques → type de gouvernement ou
dirigeants → primauté accordée à la République, nécessairement moins faillible
que « les rois » qui sont des individus, donc plus enclins à mal agir, qu’une
institution.
~ v. 13 : comparaison → réifie les rois, en fait un instrument de sévices →
représentation extrêmement péjorative
Rappelle le joug, l’aliénation, et la privation de liberté → la liberté avait été gagnée,
puis perdue.
~ v. 14 : tiret → rupture dans la syntaxe
Référence → Paul de Cassagnac (journaliste et député) a écrit un article en
1870 pour encourager à faire la guerre contre la Prusse, se référant aux armées
de 92.
Préfixe itératif → si on en parle à nouveau, c’est que les circonstances sont
similaires → l’histoire se répète.
~ date et lieu : arrestation dans le train (voyage = liberté) → devient lui-même
prisonnier, privé de liberté.
Pour conclure, ce poème fait véritablement l’éloge des soldats des guerres de
la Ire République puisque, jouant d’une vision idéalisée de cette période, le poète
les représente comme les « bons pauvres » luttant contre les « méchants
riches étrangers » afin de conserver la liberté qu’ils viennent de gagner grâce à la
Révolution. En écrivant dans le dernier tercet que l’histoire se répète, le poète
invite son lecteur à se rebeller, à ne plus se laisser soumettre par le IInd Empire
désormais croulant, et de se battre pour la liberté, qui, selon l’exemple développe
ici, ne pourrait être garantie que par une république.
En écrivant en faveur de la liberté, réduite par Napoléon III, Rimbaud marche,
dans une certaine mesure, dans les pas de Victor Hugo, qui avait abondamment
critiqué l’empereur et avait de ce fait été condamné à l’exil.

ATTENTION !
Si vous n’avez pas choisi le même projet de lecture, il faudra réajuster
la conclusion afin qu’elle réponde à VOTRE projet de lecture.

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