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Analyse linéaire _ Texte 4, La Cour du Lion

MVT 1 : L’invitation du roi → Vers 1 à 14


Nous pouvons constater que la fable commence par deux alexandrins qui
annoncent la prise de décision du roi : « Sa Majesté Lionne un jour voulut connaître /
De quelles nations le Ciel l’avait fait maître. » La périphrase qui ouvre la fable et qui
permet de désigner le roi : « Sa Majesté Lionne » (v 1) est assez élégante. Pourtant,
elle laisse immédiatement place à une critique du monarque.
Tout d’abord, il est intéressant de s’arrêter sur le CC de temps : « un jour ». Il
nous indique que cette décision s’apparente à un caprice. Le désir de connaître son
peuple ne l’animait pas jusqu’alors. En outre, il est assez vaniteux, désirant mesurer
sa puissance. En effet, son absolutisme est visible dans le vers 2 grâce
au substantif « maître » : « De quelles nations le Ciel l’avait fait maître ». Les vers 3
à 7 ont pour dessein de montrer le pouvoir du roi. Le verbe d’obligation du vers 3 :
« mander », en premier lieu, révèle son autorité : « Il manda donc par députés ». La
suite d’enjambements (v 4 à 7) et le passage de l’alexandrin à l’octosyllabe, qui
installe un rythme plus rapide au sein de la fable, mettent en exergue sa toute-
puissance : « Ses vassaux de toute nature, / Envoyant de tous les côtés / Une
circulaire écriture, / Avec son sceau. » Le CC de lieu : « de tous les côtés » sous-
entend que son royaume est vaste ce qui accentue sa domination. En outre, le rejet :
« Avec son sceau » (v 7) permet d’insister sur son pouvoir. Il est vrai que le champ
lexical de la richesse et de la grandeur, dans les vers suivants, vise à montrer le
faste du règne de Louis XIV : « Cour plénière » (v 9), « fort grand festin » (v 10), « tours
de Fagotin » (v 11), « magnificence » (v 12) La durée des festivités : « un mois durant »
(v 8), le spectacle proposé : « tours de Fagotin » et l’abondance de la nourriture servie,
rendue visible par l’hyperbole : « un fort grand festin » révèlent le caractère excessif,
l’absence de mesure du roi Soleil qui désire impressionner ses sujets.
Les vers 12-13 voient l’intervention du fabuliste : « Par ce trait de magnificence
/ Le Prince à ses sujets étalait sa puissance ». Il est important de noter que le vers 13,
après une série d’octosyllabe, est un alexandrin qui a pour objectif, grâce à la longueur
du vers, d’accentuer la puissance de Louis XIV. Mais ce vers est également présent
pour dénoncer ce goût de la fête. C’est ce que suggère la rime entre « magnificence »
et « puissance ». La critique de La Fontaine est également contenue dans le verbe
« étaler ».
Le vers 14 indique, grâce au nom propre « Louvre », que le roi les reçoit dans
son palais : « En son Louvre il les invita ». Lieu d’exception !
Dans ce premier mouvement, tout le faste de la royauté et la puissance du
monarque, ici de Louis XIV, est mise en scène.
MVT 2 : La réaction des courtisans → Vers 15 à 32
Le deuxième mouvement s’intéresse à l’attitude des courtisans, La Fontaine va
y poursuivre sa critique.
La répétition du nom propre, précédé du déterminant exclamatif : « quel »
au vers 15 et suivi du point d’exclamation : « Quel Louvre ! » pourrait traduire
l’admiration de La Fontaine pour la résidence du roi mais il s’agit ici d’une antiphrase.
En effet, la métaphore « un vrai charnier », expression péjorative qui assimile la
demeure royale à un lieu rempli d’ossements, nous révèle l’ironie du fabuliste. Nous
pouvons comprendre, ici, que l’auteur dénonce la politique meurtrière de Louis XIV.
Vont apparaître ensuite les courtisans, sous forme d’animaux personnifiés.
Le premier à intervenir dans la fable est l’ours. Il incarne les Puissants , les
Grands de la Cour, c’est à dire les courtisans du premier cercle du roi: il désigne les
aristocrates redoutés, eux aussi , en raison de leur position dans la société animale.
Vers 16 : « l’Ours boucha sa narine ». Même si son geste, plutôt délicat, est assez
surprenant pour un animal qui ne l’est pas habituellement, il ne va être apprécié du roi
comme le montre le verbe de sentiment : « déplaire » (v 18) : « Sa grimace déplut. »
En effet, le substantif : « grimace » révèle que le monarque comprend ce mouvement
pour se protéger des odeurs comme une moquerie. L’adjectif « irrité » (v 18) traduit,
effectivement, la susceptibilité du lion qui condamne l’Ours. L’euphémisme :
« L’envoya chez Pluton faire le dégoûté » (v 19) rend compte de la cruauté du roi qui
décide de l’exécution d’un de ses sujets parce qu’il lui déplait.
Le deuxième courtisan à apparaître est le singe. La Fontaine fait ici la satire des
courtisans zélés. En effet, le singe symbolise le plus souvent l’imitation servile, il
représente les courtisans, qui ne cherchent qu’à plaire au roi et qui redoutent ses
réactions et son emportement. C’est pourquoi, tout naturellement, notre singe
applaudit la décision du lion. Les deux hyperboles : « Le Singe approuva fort cette
sévérité » (v 20) et « flatteur excessif » (v 21) mettent en exergue sa volonté de
complimenter avec excès le lion. Il est vrai que la polysyndète (multiplication des
mots de liaison) du vers 22 : « Et la griffe du Prince, et l’antre, et cette odeur » exprime
bien cette volonté de flatter encore et encore le monarque. Pourtant, le singe va se
prendre à son propre jeu. En effet, en comparant les mauvaises odeurs du banquet à
des senteurs florales, par le biais d’un parallélisme de construction : « Il n’était
ambre, il n’était fleur, / Qui ne fût ail au prix. » (v 23-24) le courtisan, malgré sa malice,
s’attire les foudres du roi qui perçoit son hypocrisie. Il est, à son tour, condamné à
mourir : « Sa sotte flatterie / Eut un mauvais succès, et fut encore punie. »
Le deuxième hémistiche : « et fut encore punie » insiste, grâce à
l’adverbe « encore », sur la cruauté de Louis XIV qui continue l’exécution de ceux qui
le contrarient.
En poursuivant notre lecture de la fable, nous pouvons constater que La
Fontaine intervient, à nouveau, dans la fable lorsqu’il établit un lien de parenté, dans
les vers 26 et 27 entre le lion et Caligula, un empereur fou et sanguinaire qui éliminait
tous ses opposants : « Ce Monseigneur du Lion-là / Fut parent de Caligula. » Le
déterminant démonstratif composé « Ce …-là » encadrant le terme « Monsieur » met
à distance le roi pour mieux le critiquer.
Le dernier courtisan à intervenir est le renard, connu pour sa ruse. Il est
important de remarquer que le lion s’adresse au renard grâce au discours direct. Il
est d’ailleurs le seul à prendre directement la parole, tous les autres animaux ayant
recourt au discours indirect libre ou narrativisé. Ainsi, La Fontaine réserve le discours
direct au monarque pour montrer la puissance extrême de celui-ci mais aussi pour
sous-entendre qu’il est l’unique personnage à avoir le droit à la parole à la Cour. Ses
phrases sont brèves et injonctives témoignant de son autorité : « Que sens-tu ? Dis-
le-moi. : Parle sans déguiser. » (v. 29) L’impératif : « Parle sans déguiser » est
humoristique dans la mesure où il demande au renard d’être sincère alors qu’il a fait
tuer ceux dont les paroles ou les actions lui ont déplu. Néanmoins, le renard est le plus
malin de tous les courtisans et va réussir à se tirer de ce mauvais pas. Grâce au verbe
« alléguer », le fabuliste révèle que le renard n’est pas vraiment malade : « alléguant
un grand rhume ». Néanmoins, ce faux prétexte lui permet d’éviter de répondre au roi
: « il ne pouvait que dire / Sans odorat ; bref il s’en tire. » (v 31-32) comme l’indiquent
les deux négations : « il ne pouvait que dire » et « sans odorat ».
Finalement, seul le renard rusé, en faisant l’inverse de ce que le monarque lui
demandait, a su se sortir de ce mauvais pas. La Fontaine dénonce ainsi toute
l’hypocrisie de cour et la comédie que doivent s’imposer les courtisans pour évoluer
en société.

MVT 3 : La morale de La Fontaine → Vers 33 à 36


La fable se termine par une morale explicite qui occupe quatre vers.
Le vers 33 rappelle la dimension didactique (= elle a pour rôle de délivrer un
enseignement) de l’apologue : « Ceci vous sert d’enseignement. » La Fontaine, en
utilisant le pronom personnel : « vous », s’adresse directement à son lecteur. Il
rappelle que le courtisan est à la cour pour plaire au roi.
Pourtant, le fabuliste montre que ce n’est pas la vérité qui triomphe mais la ruse.
Il faut, selon lui, parvenir à une attitude mesurée. C’est ce que les deux oxymores :
« Ni fade adulateur, ni parleur trop sincère » (v 35) mettent en exergue.
Le dernier vers : « Et tâchez quelquefois de répondre en Normand » indique
qu’il est prudent de taire son avis si l’on veut rester dans les bonnes grâces de Louis
XIV.

Problématiques :
- En quoi cette fable de La Fontaine dresse-t-elle habillement une satire du roi et des
courtisans ?
- Comment La Fontaine dénonce-t-il la comédie sociale qui se joue à la cour ?
- En quoi cet apologue est-il une critique audacieuse de La Fontaine ?
Intro :

« Le second recueil des Fables voit le jour en 1678 et en 1679. Les apologues
qui le constituent sont très variés mettant en scène des animaux mais aussi des
hommes. La Fontaine le dédicace à Madame de Montespan, favorite de Louis XIV, à
qui il confie que ce livre est son « favori ». On y retrouve, comme dans le premier
recueil, la satire de la Cour et du roi, la critique des défauts humains. Deux thèmes, en
apparence contradictoires, au coeur du Classicisme, occupent également une place
de choix : l’imagination et la pensée. Même si le XVIIème siècle éprouve des
réticences à l’égard de l’imagination, car jugée trompeuse, La Fontaine la voit, en
premier lieu, comme une force de persuasion si elle est mise au service de la pensée.
Elle lui permet, de plus, de formuler des reproches à Louis XIV en se protégeant de la
censure. Enfin, elle est un outil de séduction. Elle charme, divertit, saisit l’attention des
lecteurs. Grâce à un récit et à une morale plaisante, le fabuliste peut faire entendre sa
pensée. Christian Biet dit, d’ailleurs, à propos de la fable qu’elle est : « un mensonge
qui dit la vérité. » Imagination et pensée cohabitent dans « La Cour du Lion »,
apologue dans lequel La Fontaine propose la critique du Roi et de ses courtisans. Il
va utiliser quatre figures animales : un lion, un ours, un singe et un renard dans le but
de peindre les vices humains observables à Versailles. Si la fable est amusante
répondant à l’une des ambitions de l’apologue : placere, son ambition est également
de docere c’est à dire d’instruire en proposant une critique politique virulente. »
https://jpeuxpasjaibacdefrancais.wordpress.com/2020/12/04/explication-lineaire-n6-
la-cour-du-lion/

« La dimension satirique est l'une des dimensions les plus commentées des fables
mais elles ne comportent pas toutes le même degré de satire et surtout , ne font pas
la satire des mêmes objets; tantôt le fabuliste se moque des défauts des hommes ,
soit sur le plan individuel (l'appât du gain, l'avarice, le manque de générosité ) , soit
sur un plan plus collectif ( la flatterie des courtisans, les femmes incapables de garder
un secret , la vénalité des juges ) tantôt il met en évidence une anecdote qui débouche
sur une philosophie de l'existence (leçon de sagesse , de prudence ou de modestie )
; La fable est alors davantage un enseignement et le trait satirique se fait plus discret
. Dans la Cour du lion, la satire occupe une place importante : les animaux sont utilisés
pour reproduire et dénoncer le fonctionnement féroce de la Cour . Vous trouverez dans
l'article ci-dessous la lecture linéaire de la Cour du Lion et quelques réflexions sur le
fonctionnement de la satire ainsi que le poème de La Fontaine qui a déclenché la
colère de Louis XIV.
Au moment de la parution de son second recueil de fables en 1678 , le poète Jean de
La fontaine, qui s’inspire des auteurs antiques en remettant le genre de la fable à la
mode, souffre encore d’une forme de disgrâce royale ; le roi lui tient rancune d’avoir
soutenu publiquement Nicolas Fouquet qu’il a pourtant condamné injustement. La
Cour du lion , sixième apologue du livre VII, peut ainsi se parcourir comme une satire,
à peine dissimulée, de la cour . Voyons comment le récit fait voir cette dimension
satirique . »
http://blog.ac-versailles.fr/motamot/index.php/post/30/10/2019/La-Cour-du-lion
Conclusion :
« Le fabuliste utilise ici les animaux dans le but de dresser un portrait
satirique de la Cour . » comme le titre de la fable l’indique « La Cour du Lion ». Cette
fable
« [Cette anecdote comme le titre l’indique La Cour du lion,] éclaire certains
aspects du fonctionnement du pouvoir royal et engage les courtisans, et les lecteurs,
à la plus grande prudence dans leurs propos s’ils ne veulent pas faire les frais de la
colère du Prince ; Le roi y apparait sous les traits d’un tyran capricieux et très difficile
à contenter . La Fontaine garde sans doute en mémoire le fait d’avoir été évincé de la
Cour pour avoir osé prendre publiquement la défense de son ami Fouquet condamné
à la prison par une décision de Louis XIV ; La Fontaine avait alors écrit une lettre au
roi dans laquelle il s’attristait de cette décision . »
http://blog.ac-versailles.fr/motamot/index.php/post/30/10/2019/La-Cour-du-lion

[OUVERTURES]

• Montesquieu, Les Lettres persanes, 99, 1721

• Vous trouverez ci-dessous le texte intégral du poème que La Fontaine a


composé pour prendre la défense de Fouquet lorsqu’il a été condamné par le
roi sous prétexte qu’il avait organisé une fête trop somptueuse dans son
château de Vaux le Vicomte ; On prétend que le roi était jaloux de sa réussite
et de sa gloire.

Élégie aux Nymphes de Vaux


Pour M. Fouquet

Remplissez l'air de cris en vos grottes profondes ;


Pleurez, Nymphes de Vaux, faites croître vos ondes,
Et que l'Anqueuil enflé ravage les trésors
Dont les regards de Flore ont embelli ses bords
On ne blâmera point vos larmes innocentes ;
Vous pouvez donner cours à vos douleurs pressantes :
Chacun attend de vous ce devoir généreux ;
Les Destins sont contents : Oronte est malheureux.
Vous l'avez vu naguère au bord de vos fontaines,
Qui, sans craindre du Sort les faveurs incertaines,
Plein d'éclat, plein de gloire, adoré des mortels,
Recevait des honneurs qu'on ne doit qu'aux autels.
Hélas ! qu'il est déchu de ce bonheur suprême !
Que vous le trouveriez différent de lui-même !
Pour lui les plus beaux jours sont de secondes nuits
Les soucis dévorants, les regrets, les ennuis,
Hôtes infortunés de sa triste demeure,
En des gouffres de maux le plongent à toute heure.
Voici le précipice où l'ont enfin jeté
Les attraits enchanteurs de la prospérité !
Dans les palais des rois cette plainte est commune,
On n'y connaît que trop les jeux de la Fortune,
Ses trompeuses faveurs, ses appâts inconstants ;
Mais on ne les connaît que quand il n'est plus temps.
Lorsque sur cette mer on vogue à pleines voiles,
Qu'on croit avoir pour soi les vents et les étoiles,
Il est bien malaisé de régler ses désirs ;
Le plus sage s'endort sur la foi des Zéphyrs.
Jamais un favori ne borne sa carrière ;
Il ne regarde pas ce qu'il laisse en arrière ;
Et tout ce vain amour des grandeurs et du bruit
Ne le saurait quitter qu'après l'avoir détruit.
Tant d'exemples fameux que l'histoire en raconte
Ne suffisaient-ils pas, sans la perte d'Oronte ?
Ah ! si ce faux éclat n'eût point fait ses plaisirs,
Si le séjour de Vaux eût borné ses désirs,
Qu'il pouvait doucement laisser couler son âge !
Vous n'avez pas chez vous ce brillant équipage,
Cette foule de gens qui s'en vont chaque jour
Saluer à longs flots le soleil de la Cour :
Mais la faveur du Ciel vous donne en récompense
Du repos, du loisir, de l'ombre, et du silence,
Un tranquille sommeil, d'innocents entretiens ;
Et jamais à la Cour on ne trouve ces biens.
Mais quittons ces pensers : Oronte nous appelle.
Vous, dont il a rendu la demeure si belle,
Nymphes, qui lui devez vos plus charmants appâts,
Si le long de vos bords Louis porte ses pas,
Tâchez de l'adoucir, fléchissez son courage.
Il aime ses sujets, il est juste, il est sage ;
Du titre de clément rendez-le ambitieux :
C'est par là que les rois sont semblables aux dieux.
Du magnanime Henri qu'il contemple la vie :
Dès qu'il put se venger il en perdit l'envie.
Inspirez à Louis cette même douceur :
La plus belle victoire est de vaincre son coeur.
Oronte est à présent un objet de clémence ;
S'il a cru les conseils d'une aveugle puissance,
Il est assez puni par son sort rigoureux ;
Et c'est être innocent que d'être malheureux.

Dans cette élégie (poème antique lyrique qui exprime la plaine et les regrets ) , il peint
Fouquet sous les traits d’Oronte (un vieillard personnage d’une pièce de Molière
amoureux d’une jeune femme) et imagine les nymphes (statues de pierre qui
représente des sirènes ou des jeunes femmes ) de son château de Vaux le Vicomte
pleurer en pensant à son triste sort (emprisonné, accusé à tort et démis de ses
fonctions ). Il engage alors le roi Louis à faire preuve de clémence et à se montrer
juste. Louis XIV avait très peu apprécié ce poème dans lequel il
apparaissait directement sous les traits de Louis .

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