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Objet d’étude 

: La littérature d’idées du XVIe au XVIIIe siècle


Œuvre intégrale : Gargantua de Rabelais

Oral : explication linéaire n°4

François Rabelais est un écrivain, moine et médecin du XVI e siècle. Il appartient au


mouvement littéraire de l’Humanise. Parmi ses œuvres principales, nous citons Pantagruel et
Gargantua de laquelle est pris l’extrait à expliquer.
Ce texte, extrait du chapitre 17, relève de la partie du roman consacrée à l’éducation de
Gargantua. Après l’échec de l’éducation menée par les précepteurs sophistes, Gargantua s’en
va poursuivre ses études sous l’égide du précepteur humaniste Ponocrates. Confronté à un
véritable harcèlement par les Parisiens, le géant se réfugie sur les tours de Notre-Dame. Le
narrateur marque une pause au sein du récit et inscrit un passage de pure comédie.
Néanmoins, le lecteur averti dès le prologue sait à quoi s’en tenir et doit chercher « à rompre
l’os » pour « sucer la substantifique moelle ».
Lecture du texte.
Il s’agira de montrer en quoi cet épisode permet de faire une critique des Parisiens et des
Sorbonnards.
Nous tenterons de répondre à cette problématique en suivant un plan composé de trois
mouvements. Le premier qui va de la l. 1 à 9 s’intitule « satire des Parisiens », le deuxième de
la l. 10 à 16 a pour titre « gigantisme et héroïcomique », le dernier de la l. 17 à 23 s’intitule
« revendication d’une étymologie fantaisiste ».

Mouvement I : Satire du peuple de Paris (l. 1 à 9)


Dès la première phrase, Alcofribas Nasier réintroduit le motif du gigantisme malgré une
présentation succincte du contexte insistant sur la dimension humaine des voyageurs qui
prennent des forces avant de visiter Paris. Mais la suite de la phrase singularise le héros grâce
à l’hyperbole « fut regardé par tout le monde avec une grande admiration ». Le géant attire
les regards de tous en raison de son apparence singulière, ce qui autorise le narrateur à
entamer la satire des Parisiens. L’énumération « tellement sot, tellement badaud et stupide de
nature » ouvre la satire, le peuple étant décrit grâce aux adjectifs dépréciatifs « sot »,
« badaud », « stupide » accentués au moyen de l’adverbe d’intensité « tellement » répété deux
fois. Les termes redondants car synonymes, mettent en relief le caractère inné du peuple de
Paris, à savoir la bêtise.Pour dénoncer la sottise des Parisiens, le narrateur emploie le lexique
de la foire et du spectacle, en mettant en scène « un bateleur », « un mulet avec ses
cymbales », « un vielleux » qui attirent davantage de gens qu’un bon prêcheur évangélique.
Après ce rapide commentaire, le narrateur reprend son récit. Harcelé, Gargantua, qui s’est
réfugié sur les tours de Notre Dame, se prépare pour se venger. Là encore le narrateur
singularise le héros seul contre tous : « installé à cet endroit et voyant tant de gens autour de
lui ».L’intrusion du discours direct « il dit d'une voix claire », qui dynamise le récit, tend à
faire entendre la justification de la victime des curieux désigné par le terme dépréciatif
« maroufles » : le mauvais accueil et l’humiliation entrainent la vengeance du géant. L’image
de Gargantua sur les tours de Notre Dame doit être comprise de manière métaphorique :
Gargantua en haut des tours de la cathédrale s’élève au niveau du divin.
Mouvement II : Gigantisme et héroïcomique (l.10 à 16)
A la violence du harcèlement des curieux s’oppose le sourire du géant, ce qui atténue la
cruauté du châtiment imposé : c’est par le rire que le géant se venge. Il s’agit ici d’une parodie
d’un épisode épique, puisque le flot d’urine remplace le flot de sang propre au combat.
L’hyperbole est de mise avec la marque de l’intensif « si roidement » et l’exagération du
nombre des victimes : 260 418 noyés.
Le narrateur oppose le nombre des victimes à celui des rescapés, lesquels se distinguent par
leur lâcheté comme le mettent en valeur le lexique de la fuite et le langage très imagé
« Quelques-uns d'entre eux échappèrent à ce pissefort en prenant leurs jambes à leur ».
La scène se passant au sein du quartier latin, fief de la faculté de théologie, les fuyards se
réfugient à la Sorbonne «  au plus haut du quartier ». S’ensuit la caricature de ces hommes
« suant, toussant, crachant et hors d'haleine » : l’accumulation entretien la satire des
Sophistes. A l’instar des soldats de Picrochole (chapitre 27), les rescapés implorent des saints
inconnus, telle « Sainte Mamie » ou profèrent des formulent magiques chassant les démons
« Carymary, caramara ». Rabelais utilise ici le comique de caractère et le comique de
situation.

Mouvement III : Revendication d’une étymologie fantaisiste (17- 23)


A nouveau, le récit laisse place au commentaire. Selon le narrateur, le mot Paris viendrait de
la parole des fuyards « arrosés par ris ». Ce calambour laisse transparaître la jouissance
verbale de l’écrivain renvoyant aux « propos des bien ivres » (ch. 5) qui multipliaient les jeux
de mots.
Néanmoins, le narrateur, adoptant un ton très sérieux, s’appuie sur un argument d’autorité
pour nous donner l’impression que cette étymologie est vraisemblable : selon lui, la ville
« auparavant était appelée Leukèce, comme le dit Strabon au livre IV, c’est-à-dire en grec,
Blanchette, en raison des blanches cuisses des dames dudit lieu ». Or, si Strabon a
véritablement existé, le géographe grec n’a jamais fait dériver, ni dans son Livre IV, ni dans
aucun autre récit, le nom « Leukèce » de l’adjectif grec « leukos » (blanc). Quoi qu’il en soit,
cette première explicationpurement fantaisiste, entretient le comique farcesque.
La deuxième explication se veut tout aussi fantaisiste : selon Alcofribas Nasier, le nom
« Parisiens » tirerait son origine du grec « Parrhésiens » qui signifie « qui ont bon bec ». Là
encore, le commentateur « érudit » convoque l’autorité de Joaninus de Barranco. Or,
contrairement à la première référence, le livre cité et son auteur sont imaginaires. Rabelais est
un moine érudit qui joue sur ses connaissances et se plaît à mêler le vrai et le faux. Cela nous
fait penser au prologue dans lequel il déclare que Gargantua est à la fois une grande œuvre
« un livre seigneurial »- et pleine de bêtises.
Quoique plaisante, cette étymologie se range davantage du côté de la satire puisqu’elle
fomente la critique des Parisiens, qui non seulement parlent avec vivacité et malice, mais sont
impies (« tous les assistants jurèrent chacun les saints de sa paroisse »), orgueilleux et
vaniteux « imbus d’eux-mêmes »).

Pour conclure, nous pouvons dire que le rire dans ce passage est un prétexte
permettant à l’écrivain d’exprimer sa pensée par rapport à son époque. Le sens littéral et
superficiel renvoie à une histoire de géant, dont l’objectif principal est de faire rire le lecteur.
Mais ce dernier est invité à saisir le sens plus profond du texte et doit être en mesure
d’apprécier la satire des Parisiens.
L’épisode du « pissefort » se clôt sur le vol des cloches- Gargantua les emporta, pensant
qu’ « elles serviraient bien de clochettes au cou de sa jument », mais la satire se poursuit et
culmine avec la harangue de Janotus de Bragmardo, véritable parodie de la rhétorique
sophiste (ch.19).

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