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En 1870, pendant la guerre contre la Prusse, de nombreux écrivains dénoncent la

guerre ainsi que le chef de l'État français, Napoléon III. Parmi eux, un jeune homme
d'à peine 16 ans écrit un poème afin de démontrer l'iniquité du conflit. Ce poète est
Arthur Rimbaud c’est sa rencontre avec son professeur qui va le pousser à
s’intéresser à la littérature en tant qu’artiste. commence ainsi une quête de liberté
pour le jeune Rimbaud. Quête qui s’exprime par des fugues répétées, et par une
volonté de révolutionner le langage poétique.
Le poème « Le dormeur du val » se trouve dans le premier recueil d’Arthur Rimbaud:
Cahier de douai. Ce recueil dont Rimbaud écrit les poèmes à l’occasion de ses
fugues en 1870 ne sera publié qu’après sa mort, en 1919.
Dans « Le dormeur du val » Arthur Rimbaud utilise le cadre d’une nature idyllique
pour critiquer la guerre franco-prussienne. Un jeune soldat semble dormir au milieu
de la nature apaisante, mais la chute ramène le lecteur à la réalité brutale : le jeune
garçon est mort.
*Nous nous demanderons de quelle manière ce sonnet permet de dénoncer la
guerre.
La première strophe présente un cadre naturel idyllique. La seconde strophe décrit
le personnage du jeune soldat. la troisième strophe insiste sur le sommeil du
personnage et la dernière strophe invite à une relecture du poème en révélant la
mort du soldat.

I. Strophe 1

L’ouverture du poème par le présentatif « c’est » montre une volonté de description


picturale. Le poète va s’adresser à l’imaginaire du lecteur. Dès lors, le poème donne
à voir une paysage idyllique, mais aussi ambigu.
Le « trou de verdure » évoque un havre de paix, mais peux également désigner une
tombe à la 2e lecture.
Pourtant, dans cette première strophe, la gaité l’emporte : la nature est personnifiée
(« chante une rivière » ; « accrochant follement » ; la montagne fière ») ce qui donne
une impression de fête et d’harmonie. La personnification des éléments naturels
évoque également la vie de la nature
Le tableau est également celui d’un paysage lumineux avec le champ lexical de la
lumière : « D’argent » ; « Luit » ; « soleil » ; « rayons ». Les deux enjambements des
vers 3 et 4 participent d’ailleurs à mettre en valeur cette lumière omniprésente.
Enfin le retour du présentatif au vers 4 permet de clore la description par une
métaphore intéressante : « un petit val qui mousse de rayons ». Cette métaphore
permet, en plus de renforcer la lumière du tableau, d’évoquer la nature comme un
tout, avec des éléments qui fusionnent, donc une image d’harmonie.
Ainsi donc, dans cette première strophe, Rimbaud dresse un cadre verdoyant et
agréable qui ne laisse pas supposer le caractère engagé du poème.
Pourtant, en ajoutant un personnage dans la seconde strophe, le poète peaufine peu
à peu son tableau.
II. Strophe 2

Le groupe nominal « Un soldat jeune » permet d’introduire le personnage. On note


l’utilisation de l’indéfini « un » qui permet d’universaliser le propos : il pourrait s’agir
de n’importe quel soldat.
L’adjectif épithète « jeune » permet à Rimbaud de rappeler qu’un grand nombre des
appelés à la guerre sont très jeunes.
La position du soldat est porteuse d’ambiguïté. Elle fait d’abord penser au sommeil
avec un champ lexical dans l’ensemble de la strophe : « bouche ouverte » ; « Dort »
; « étendu » ; « lit ».
Le verbe « dort » est d’ailleurs repris par 3 fois (v. 7 ; 9 ; 13), comme pour insister
sur l’immobilité du corps.
Comme dans la première strophe, les enjambements mettent des termes en valeur :
« Dort » au vers 7 et « Pâle » au vers 8.L’adjectif « pâle » accentue l’ambiguïté
On voit clairement que le personnage se dégage du paysage dans lequel il se
trouve. Il n’entre pas en harmonie avec la nature.
Son immobilité parfaite s’oppose au mouvement incessant de la nature, rappelée par
les référence à l’eau (toujours en mouvement) : « baignant » ; « pleut ».
De plus, au niveau des couleurs, l’antithèse du vers 8 permet d’opposer « pâle »
avec la métaphore « la lumière pleut ».
Donc dans cette strophe, la nature continue d’évoquer la continuité de la vie et
l’harmonie, mais le soldat fait tâche.
Ainsi, la description du soldat dans cette strophe permet d’introduire des oppositions
qui bouleversent l’harmonie naturelle. La strophe suivante s’intéresse plus encore à
l’immobilité du soldat.

III. Strophe 3

On constate d’emblée la poursuite du lexique du sommeil : « il dort » ; « un somme »


; « berce-le ».
Cependant, de plus en plus de termes suggèrent qu’il ne fait pas que dormir.
D'abord, la comparaison « comme sourirait un enfant malade » fait écho à l’adjectif «
pâle » de la strophe précédente et interroge le lecteur sur l’état de santé du
personnage.
Puis, le froid suggéré dans la strophe 2 est enfin affirmé dans la strophe 3 : « il a
froid ».
Tous ces éléments évoquent la maladie ou la mort et donnent à penser que le soldat
n’est pas qu’endormi.
La nature apparaît encore comme une entité vivante grâce à la personnification
impliquée par l’apostrophe et l’injonction : « Nature, berce-le chaudement ».
L’opposition entre la chaleur de la nature et le froid du soldat se double d’une
opposition entre la vie et la mort.
Enfin, on remarque dans cette strophe une insistance sur la jeunesse du soldat.
Plusieurs termes suggèrent qu’il n’est qu’un enfant ; à commencer par « enfant »,
mais aussi l’emploi du nom « somme » et surtout le verbe « berce-le ».
Cette insistance va permettre de renforcer le pathétique à la révélation de la mort du
soldat dans la dernière strophe. Mort doublement contre-nature non seulement car
elle s’oppose au mouvement et à la vie perpétuelle de la nature, mais aussi car il
n’était qu’un enfant.

IV. Strophe 4

Le premier vers de la dernière strophe contient une négation grammaticale totale : «


les parfums ne font pas frissonner sa narine ». Cette négation, dans une nature
aussi vivace et stimulante suggère définitivement la mort. Aussi peut-on parler d’une
litote pour dire que le soldat ne respire pas.
Le vers suivant souligne une dernière fois l’opposition entre le froid du corps et la
chaleur de la nature. « Il dort dans le soleil » insiste sur l’idée que le soleil recouvre
entièrement le corps avec la préposition « dans », comme si le soleil englobait le
soldat.
Sa posture, « la main sur la poitrine » peut évoquer une posture solennelle, comme
s’il était tombé au combat. Par ailleurs, la main sur la poitrine peut cacher une
blessure, ce qui est confirmé au dernier vers.
Le rejet de l’adjectif « Tranquille » insiste une dernière fois sur l’immobilité du soldat
avec ce début de vers qui s’éteint au bout d’un seul mot, comme un dernier souffle.
Cet enjambement permet également de faire renaître l’opposition entre le
mouvement de la nature et l’immobilité du soldat.
Enfin, les derniers mots du poème, comme souvent dans les sonnets, constituent
une chute : le soldat est mort.
Cependant, Rimbaud reste humble, se contentant de décrire sobrement, il ne tombe
pas dans un registre pathétique ni polémique.
« Il a deux trous rouge au côté droit » clot le tableau sur l’image d’un soldat ayant
reçu deux balles dans le coeur (vu de face, le côté droit est celui du coeur).
La couleur rouge apporte une dernière opposition entre le soldat et la nature, celle
du vert pendant l’ensemble du poème et du rouge dans le dernier vers.
Cette phrase simple est d’ailleurs un euphémisme pour dire que le soldat a reçu
deux balles. Rimbaud se montre donc pudique dans sa façon d’évoquer la mort, ce
qui permet de renforcer son propos en laissant le lecteur constater l’horreur de
lui-même.
Cette révélation finale invite à une relecture du sonnet et permet de donner du sens
aux différentes ambiguïtés relevées ci-avant.
On comprend également pourquoi le poème est structuré autour d’oppositions entre
la nature et le personnage. La nature qui représente la vie ne peut être assimilée au
soldat qui est mort. De plus, sa mort est contre-nature.Si « Le dormeur du val » de
Rimbaud est si connu, c’est parce qu’il réussit le tour de force de dénoncer la guerre
sans vocabulaire militaire et sans registre polémique.
CONCLUSION

Tout en retenue, de manière picturale, Arthur Rimbaud arrive à faire naître une
image frappante aux yeux du lecteur : celle de la mort contre-nature d’un jeune
homme au nom d’idéaux guerriers insensés.

Arthur Rimbaud s’oppose fermement à Napoléon III d’une part, et à sa guerre contre
la Prusse d’autre part. Pour lui ces conflits germent de l’avidité des tyrans et coûtent
la vie à de jeunes hommes auxquels il s’identifie.

On peut évoquer le poème Le mal, autre sonnet dans lequel le poète critique
également la mort inutile de nombreux soldats, mais cette fois, de manière plus
directe et ironique.

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