• GOUROU POPULAIRE
CHEF SPIRITUEL
Avec leurs cheveux courts, leurs
costumes sombres et étroits, ils res-
semblent un peu à une mauvaise copie
des Platters. En 1968, ils sont l'un des
premiers groupes à adopter le mode de
vie rasta, mélange de retour à la na-
ture, de nationalisme noir et de pro-
phéties bibliques.
Curieusement, c'est un blanc qui va
leur apporter le succès. Chris
Blackwell, fils d'un riche planteur,
grand découvreur de talents rock,
comprend tout le parti qu'on peut tirer
de cette musique encore vierge. Il suffit
de la frotter un peu aux techniques
modernes d'enregistrement. Ainsi naît
le premier album de l'histoire du reg-
gae, Catch a fire.
La vague reggae déferle sur le
monde. Bob en sera le champion. Ses
chansons, cocktails colorés de sermons
" généreux, de chants guerriers et d'in-
:~ cantations militantes, dépassent les
~ notions habituelles du succès, pour
devenir de vrais cantiques d'espoir et
de fierté. Voici Marley promu gourou
populaire et chef spirituel.
:J deux oreilles, vous finirez bien mage d'une star, mais aussi d'un pro- blanc et d'une femme noire, affirme+
par entendre mon message. » phète aduléet respecté par des millions il,je ne parle donc pas pour les blancs ou
Bob Marley n'est plus, la lé- de gens.
gende continue. Dans le monde entier, Souvenir. Une nuit de juillet der-
pour les l'noirs, mais pour Dieu ».
C'est à Miami, à quelques kilo-
le nom de ce petit diable bondissant nier, sur l'herbe pelée de 1'aéroport du mètres de la Jamaïque, qu'il s'est éteint
aux longs cheveux tressés est désor-· Bourget. Cinquante mille personnes le 11 mai dernier, emporté par un
mais synonyme de reggae. A trente-six tendues vers la frêle silhouette oscil- cancer. Aujourd'hUi, il nous reste ses
ans, il laisse derrière lw bon nombre de lante, tout là-bas sur la scène. La fête. disques, une dizaine de brûlots so-
tubes, et l'empreinte indélibile de ces Mais rien à voir avec un concert de nores, âpres et doux. Et nos oreilles ...
rythmes élastiques et mordorés, en- rock. Là, tout prend les couleurs et les Philippe Barbot