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Pahu
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MARQUISIEN
La collection Itea, du mot signifiant «découverte» en
Reo Maohi, vous invite à voyager au cœur
des richesses de Tahiti et ses Iles.
Pahu
MARQUISIEN
QUI S’EST INTÉRESSÉ AU FESTIVAL DES ARTS DES ÎLES MARQUISES N’A PAS
MANQUÉ D’ÊTRE IMPRESSIONNÉ PAR CES GRANDS TAMBOURS
MARQUISIENS, LES PAHU, AUX SONORITÉS PUISSANTES ET À LA
RÉSONANCE ENVOÛTANTE. POURTANT, CET INSTRUMENT A BIEN FAILLI
DISPARAÎTRE DE LA CULTURE MUSICALE DE L’ARCHIPEL. SA RENAISSANCE
EST RÉCENTE ET ENCORE BALBUTIANTE.
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A
ux temps anciens, le pahu était la base de la musique
marquisienne et régnait en maître. Une légende de
l’archipel raconte même que toute la population de l’îlot
Mohotani s’est trouvée décimée, enfouie dans une grotte
qui s’est effondrée à la suite des vibrations provoquées par
de grands pahu lors d’une fête nocturne. Une légende qui prend du sens
avec le récit de Herman Melville décrivant une fête à Nuku Hiva où les gens
avaient construit des plates-formes provisoires pour se mettre à la hauteur
d’immenses pahu dont ils jouaient sans arrêt pendant plusieurs jours.
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Un objet sacré
Plus que la taille des tambours, leur nombre montrait la puissance des
tribus. D’une part, parce que cela nécessitait un nombre de batteurs
important pour se relayer plusieurs jours de suite et d’autre part, parce
qu’il avait fallu plusieurs tuhuna spécialisés pour s’atteler à les fabriquer,
soit autant d’hommes qui ne concouraient pas à la survie de la tribu,
donc luxe réservé aux groupes puissants. Le pahu était un objet sacré et
sa réalisation était un acte grave dans la société indigène. Elle était le
fruit d’un travail intense où la maladresse était bannie car elle dévoilait
alors de mauvais augures liés au dieu sollicité.
Pourtant, la colonisation et la christianisation des indigènes de la
«Terre des Hommes» ont eu raison de ces grands tambours marquisiens.
L’art de sa fabrication a été abandonné, oublié. Il aura fallu attendre la
création du festival des arts des îles Marquises en 1985 pour que
renaissent, d’abord timidement, les grands pahu des temps anciens.
Avec sept grands pahu, la délégation de Hiva Oa a ainsi marqué les
esprits lors du festival de 1991. Aujourd’hui, chaque île met un point
d’honneur à créer et présenter plusieurs grands pahu.
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TUARAI PETERANO, sculpteur
“chargé
Chaque pahu est
de symboles
TUARAI PETERANO EST UN SCULPTEUR DE HIVA OA RECONNU
”
POUR LA QUALITÉ DE SES RÉALISATIONS, NOTAMMENT EN
MATIÈRE DE TAMBOURS MARQUISIENS. IL EST AINSI DEVENU
AU FIL DU TEMPS UNE RÉFÉRENCE POUR SES PAHU. INTERVIEW.
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“ On s’est aperçu que la même règle était utilisée
pour tous les tambours, quelle que soit leur
taille. Il y avait donc un vrai savoir-faire.
“
Depuis quand fabriques-tu des pahu ?
TUARAI PETERANO : Je sculpte des pahu depuis le festival des arts des Îles
Marquises de 1991. Jean-Paul Landé voulait refaire un pahu à l’ancienne
pour cette grande manifestation, mais il ne trouvait aucun volontaire
pour cette tâche. Cela m’intéressait de faire un objet aux racines aussi
lointaines. Nous sommes allés ensemble au musée de Tahiti et des îles
pour mesurer le pahu des Marquises qui y est conservé. À partir de pho-
tographies, Jean-Paul a même travaillé sur les proportions constatées.
On s’est aperçu que la même règle était utilisée pour tous les tambours,
quelle que soit leur taille. Il y avait donc un vrai savoir-faire.
A-t-il été facile de retrouver les techniques des anciens ?
La difficulté du travail est dans le respect des proportions. Tout est très
calculé. Tu as l’impression que le volume est le même de haut en bas,
voire plus grand en haut, mais en réalité il est beaucoup plus fin en haut
qu’en bas.En fait, la peau élargit le haut du pahu. L’intérieur est également
très travaillé. Il respecte une forme en sorte de U. C’est pour cela qu’aux
temps anciens, les troncs creux n’étaient jamais retenus. Ils ne travail-
laient que sur des pleins. Il nous aura fallu du temps et beaucoup
d’essais pour comprendre avec Jean-Paul les techniques utilisées.
Par exemple, il a été très dur de retrouver le système d’attaches. En effet,
il restait peu de choses là-dessus. Pour les premiers pahu, nous avons
attaché, détaché, attaché de nouveau et ainsi de suite jusqu’à trouver la
bonne technique, notamment grâce à un Hawaiien qui nous a apporté
des détails intéressants : comment calculer le nombre de trous dans la
peau, leur répartition pour qu’ils fassent corps avec les points d’ancrage
sur le bois, etc... Enfin, il a fallu également repenser des outils spécifiques
aux différentes tâches.
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“ Le tumu me’i, l’arbre à pain, est le meilleur
bois pour une bonne sonorisation du pahu.
“
Le choix des matériaux a-t-il son importance ?
Evidemment ! Chaque pahu est chargé de symboles. C’est pour cela
qu’on ne fend jamais en deux le bois du tronc dans lequel on va creuser
la caisse. On ne lui ouvre pas le ventre. On doit garder à la matière
première sa dignité. Ce n’est pas n’importe quel bois qui est utilisé.
Le tumu me’i, l’arbre à pain, est le meilleur bois pour une bonne sonori-
sation du pahu. De plus, c’est un bois léger. Avec celui-ci, on peut
également utiliser la caisse sur le côté pour obtenir un son. Mais on peut
éventuellement utiliser d’autres essences nobles pour leur mana
comme le temanu, le tohu, le miro… Quand tu sais que tu vas passer des
heures et des heures à travailler le bois, tu ne peux pas te permettre de
choisir une mauvaise essence. Par ailleurs, pour faire un bon pahu, il faut
la bonne corde, la bonne peau, les bonnes cotes pour les proportions en
plus du bon bois. C’est l’ensemble du choix des matériaux qui caractérise
un bon pahu…et le rendra unique. Si on utilise aujourd’hui la peau de
bœuf ou de chèvre, il est indéniable que la peau de requin présente de
meilleures qualités sonores et d’usure. Mais il faut alors trouver la peau
et celui qui saura la préparer…De même, pour les attaches, c’est bien de
travailler avec de la fibre de bourre de coco. Mais, malheureusement, sou-
vent,la qualité n’est pas au rendez-vous de nos jours.Or le choix de la corde
est fondamental pour la sonorité.
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“ Un bon pahu a souvent nécessité
l’intervention de plusieurs spécialistes.
“
La modernité des instruments de travail n’a-t-elle pas dévalorisé un
peu la valeur de l’objet au regard de la lente et méticuleuse
fabrication lors des temps anciens ?
Les anciens travaillaient avec des outils modernes pour l’époque.
S’ils avaient pu avoir une tronçonneuse, ils en auraient pris une ! C’est le
travail de l’objet qui est important, pas les outils utilisés. Pour un pahu de
1,6 mètre, il faut trois à quatre mois de travail régulier, de la bûche à un
tambour fini, avec la peau parfaitement disposée et les sculptures
symboliques. Et c’est pénible de vider un pahu… Couper le tronc en
deux, ce serait s’en prendre à la matière première. Si tu commences par
ne pas respecter le tronc, autant prendre du contreplaqué, utiliser du
plastique, un film synthétique pour remplacer la peau… Un bon pahu a
souvent nécessité l’intervention de plusieurs spécialistes pour travailler le
bois, préparer la peau, tresser les liens en fibre de coco, fixer les attaches,
etc. Aux temps anciens, un bon pahu a toujours été un objet rare, donc
de grande valeur. Je ne vois pas pourquoi aujourd’hui on en ferait un
produit de curios !
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