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ANUARIO DE EUSKO FOLKLORE

Fundación
JOSE MIGUEL DE BARANDIARAN
Fundazioa
Tomo 34. — 1987. — Págs. 83-120

LITTCRATURE ORALE ANCIENNE

XIRULA-MIRULA
L'ENFANT BASQUE, DEPUIS LE BEBE JUSQU'A L'ADULTE,
A TRAVERS SES AMUSEMENTS, SES TERREURS NAIVI:S,
SES FORMULETTES RECREATIVES, BURLESQUES, SUPERSTITIEUSES.

PIERRE DUNYPETRE
Correspondant de I'Académie
de la Langue Basque

AVANT PROPOS d'éviter d'inutiles repetitions que je n'ai rete


que les documents les plus-nu,lecaséhnt,
Une culture basque orale et familiale représentatifs ou les mieux élaborés.
C'est en confrontant mes souvenirs person- Au cours de mes recherches, j'ai eu ('occa-
nels avec ceux de mes ainés, que j'ai pu com- sion de feuilleter le précieux recueil de Julien
poser cet ouvrage. II concerne le Pays Basque Vinson, sur «Le Folk-Lore du Pays Basque», pu
Nord, plus spécialement la Basse-Navarre, et -blieáParsn183.J'yldécouvert,am-
plus précisément encore le «Pays» de Garazi tion, quelques textes pratiquement identiques
d'oi je suis originaire. Mes compatriotes bas- á ceux que j'avais appris étant enfant au sein
cophones me pardonneront donc les petites de ma famille. Evidemment, lá encore, les va-
nuances dialectales que j'ai tenu á conserver, riantes sont nombreuses, et se manifestent
dans certains cas, afin de rester fidele soit á parfois d'un village á un autre. Mais nest-il pas
la prononciation locale, soit á la rime de quel- réconfortant de noter la vitalité et la constan-
ques pieces versifiées. ce avec lesquelles nos petits avaient su con-
server les traditions ancestrales? Et cela jus-
Bien qu'elles ne présentent qu'une importan-
que dans les jeux de la recreation scolaire oú
ce tres relative, voici á toutes fins utiles quel-
Ion défendait toujours de s'exprimer en lan-
ques variantes caractéristiques du langage de
gue basque... Quel modele de «resistance á
Garazi:
('oppression»!

1) L'usage des I, á la place des U ou des E: «Ancestral», «autrefois», voila des mots qui,
méme quand ils ne seront pas écrits, pourront
Ordian, pour: Orduan... Ziela, pour: Zuela.. .
étre lus entre les lignes de cet ouvrage. Car si
etc. Etxia, pour: Etxea... Anderia, pour: Ande-
nous avons pu conserver jusqu'á present quel-
rea... etc.
ques elements de notre culture, c'est bien gra-
2) Des expressions telles que: ce aux anciennes families basques, aujourd'hui
disparues. C'est bien parce que ('enfant était
Bana, pour: Bainan... Gihil, pour: Gibel... Go-
élevé dans un foyer de paysans (ou de ma-
hora, pour: Gora... Erten, erteko, pour: Erraiten,
rins), et dans lequel plusieurs generations ha-
erraiteko... etc.
bitaient sous le méme toit. C'est bien parce
qu'il y avait partout des «amatxi» et des «aita-
On ne trouvera pas ici une interminable com-
txi», qui s'occupaient en permanence des pe-
pilation consacrée aux jeux de nos enfants, car
tits.
je n'ai pas voulu me livrer á la fastidieuse enu-
meration de toutes les variantes d'un méme the- II nest pas question de regretter le temps
me. Je n'ai nullement la prétention d'avoir épui- passé, pas plus que de le dénigrer. On est bien
sé un sujet aussi vaste que divers, et c'est afin oblige de vivre avec son époque et dans une
84 PIERRE DUNYPÉTRÉ (2)

humanité sans cesse en evolution. Mais n'ou- vais chemins de cette époque: voituriers, cha
blions jamais que notre culture purement orale -retis,mul aqgnos,vyeurd
a pu se perpétuer de siècle en siécle, par les commerce, colporteurs, artisans ambulants, etc.
paroles que les vieillards adressaient aux en- Toute cette population s'attardait le soir autour
fants. En ce moment, alors que ce relai tend a de la grande cheminée, jouant au «mus», chan-
se briser, notre basquitude peut encore titre tant a plusieurs voix, ou racontant mille histoi-
sauvée, puisque nous pouvons tout enregistrer res, pendant que ma grand'mére, les manches
avec l'ecriture ou les disques. Mais it faut aller retroussées, surveillait la viande qui rótissait
vite, avant que les «derniers témoins», ces ul- devant le feu, et faisait monter de temps en
times représentants naturels d'une antique ci- temps la grosse pierre du tourne- broche vers
vilisation, n'emportent leurs vieux souvenirs le plafond. Ouant a moi, sans perdre un mot de
dans la tombe. ce que j'entendais, je me faisais tout petit dans
mon coin, avec l'espoir qu'on oublierait de m'en-
Traductions, notes, et sources voyer au lit...

En regard de chaque texte basque, j'ai essa- Voila donc les deux sources principales de
ye de fournir une traduction equivalente, dans ma documentation. Mais en réalité, tout ce que
la mesure du possible. Souvent, des notes, des j'ai appris dans mes jeunes années constitue
explications detaillées, ainsi que des hypothe- un ensemble inseparable de la langue basque
ses, ont été nécessaires. Mais rien n'est par- proprement dite. Car en ce temps-lá, les petits
fait en ce monde... enfants devenaient «euskaldun» aussi bien en
famille que dans la rue. Malheureusement, ce-
Pour ce qui concerne les sources, on pou- la ne se produit aujourd'hui qu'exceptionnelle-
rra peut-titre s'étonner de la fidélité de ma me-
ment.
moire. Mais, outre ('amour que j'ai toujours té
-moignéauxvelsch,'t(nourage
familial qui fut pour moi exceptionnellement ENE LEHENGO LAGUNERI
riche. Je veux parler du milieu dans lequel vi-
vaient mes deux grand'meres. Aspaldiko haur-lagunak,
Muttiko ta nekattoak,
1) Ma grand'mére maternelle, a Saint-Jean-
Nafarroko herrikoak,
Pied-de-Port, exercait la profession de coutu-
Zorigaitzez zahartiak,
riere, et son atelier de la Rue d'Espagne était
Bai eta batzutan hilak,
toujours plein d'apprenties. Ces jeunes filies ve
Agur deneri, gaixoak!
-naietosulmdviagenrots,
mais aussi des localités navarraises du sud. Euskara karrikan baitzen,
Depuis ma naissance, je vivais donc dans une Nun-nahitik erabiltzen,
ambiance de chansons, de bavardages, et de Ikasi dugu mintzatzen,
plaisanteries basques, d'autant plus que ces de- Jostatzen eta samurtzen...
moiselles s'ingéniaient a m'apprendre toute la Bana laster irria zen
collection des puérilités avec lesquelles on Haurren artian nausitzen!
amusait alors les enfants.
Goxoa zen sukaldia,
2) Ma grand'mére paternelle, était proprié- Hauta, talo ta esnia,
taire de l'ancienne Auberge-Epicerie dans le Menditik urbil etxia,
village de Lécumberry. Or, tres souvent, pen- Eliza, liliz betia,
dant les vacances scolaires, j'allais passer plu- Pilota- plaza, handia,
sieurs semaines auprés d'elle. De nos jours, it Eta ni, ttipi-ttipial...
nest plus possible d'imaginer le genre de clien-
tele qui fréquentait autrefois I'établissement Oroitzapen horiekin,
tenu par mon «amatxi». C'est un monde qui a Ene bihotzian dut min,
disparu, en laissant comme seul souvenir ce Bana zoin ezti den, behin,
que des témoins de mon genre n'ont jamais Intzutia «Martin-Tortin»,
oublié. Lá, se retrouvaient périodiquement, les Ta «Harta- Marla-Kin-Koan-Kin»,
bergers ou les bücherons qui descendaient Ametsetan ere berdin!
d'Iraty, les paysans qui rentraient du marché
de Saint-Jean-Pied-de-Port, ainsi qu'une quanti - Donibane-Garazi'tik
té de personnages qui circulaient sur les mau- PIARRES HEGUITOA
(3) XIRULA - MIRULA 85

PREMIERE PARTIE
FORMULETTES EDUCATIVES ET JEUX DES ENFANTS

Amuser, distraire, mais aussi instruire et C'est que I'éducation artistique d'une per-
corriger le petit enfant basque, voila donc le sonne commence, évidemment, des sa plus ten-
programme tres simple de son education pen- dre enfance. Et nous aurions tort de négliger
dant les premieres années qui suivent sa nais- tous ces «petits riens», apparemment insigni-
sance. A ce stade du développement humain, fiants, trop souvent considérés comme d'inu-
oú donc la langue maternelle s'apprendrait -elle tiles puérilités par certains adultes inconscients
mieux que sur les genoux d'une mere? de leurs devoirs envers la jeunesse.

Au Pays Basque, de temps imémmorial, cha - Serait-il donc possible d'oublier qu'on a été,
que famille met en oeuvre tout un arsenal de soi-méme, un enfant?
formulettes plus ou moins bien versifiées, qu'il
Cette Premiere Partie comportera les cha-
s'agit non seulement de reciter mais parfois
pitres suivants:
de mimer devant le petit, afin de capter son
attention. Le respect du rythime, grace a ('arti- — Amusement et correction des petits.
culation bien nette de chaque syllabe, revét
— Berceuses et chansonnettes.
alors une tres grande importance. N'est -ce pas
de lui que dépendra peut-étre la vocation fu- — Formulettes et comptines de langue bas-
ture d'un danseur, d'un poéte, d'un chanteur, que.
ou d'un musicien? — L'enfant basque et le jeu proprement dit.

AMUSEMENT ET CORRECTION DES PETITS


I. TEXTES BASQUES AVEC MODE D'EMPLOI
II. EXPLICATIONS ET COMMENTAIRES

Au commencement était le bébé!... Bien I


sat., c'est du tout petit enfant qu'il sera ques- TEXTES BASQUES, AVEC MODE D'EMPLOI
tion tout d'abord. Des qu'il sort du berceau et
qu'il arrive a marcher, voila de nouveaux tra- ESKUAREN EHIAK
cas en perspective pour sa famille. Mais le mei-
LES DOIGTS DE LA MAIN
Ileur moyen de le surveiller n'est-il pas, en un
certain sens, de la distraire et de lui aprren- Pour aider le jeune enfant a prendre cons-
dre a s'amuser? cience des diverses parties de son corps, on
Certes, le choix des divertissements est plu- ('amuse parfois en personnifiant les doigts de
tot limité pour un enfant qui prend a peine sa main, d'une facon fantéisiste autant que
conscience de son environnement. II réclame, burlesque:
avant tout, une presence amie. II faut s'occu-
per de lui, l'aider dans ses découvertes, et I'ini- 1 - Ehi ttittila,
tier a tout ce qui fera de ce bébé un veritable 2 - Haren mutila,
«petit Basque». Lui parler dans sa langue an- 3 - Jaun Petri,
cestrale ne suffira pas. On va donc le faire 4 - Jaun Pello,
participer a des jeux puérils agrémentés de 5 - Zorri hiltzalia.
formulettes naives.
1 - Le petit doigt,
Par ailleurs, it sera nécessaire de corriger 2 - Son valet,
('enfant lorsqu'il se montrera insupportable et ca- 3 - Monsieur Pierre,
pricieux. Mais, lá encore n'existe-t-il pas un style 4 - Monsieur Pierrot,
basque? Souvent, ne pourra-t-on pas mettre a 5 - Le tueur de poux.
profit une banale correction afin de lui apprendre
quelque chose d'utile pour son age? C'est ce Dans le langage courant, ces mémes doigts
que nous allons voir dans les pages qui suivent. sont habituellement désignés ainsi:
86 PIERRE DUNYPÉTRÉ (4)

1 - Ehi ttipia, Dans la chaise, dans la chaise, petite plume, (1)


2 - Eraztun ehia, Sanche-le-rouge, fillette,
II vient vers toi, l'insecte,
3 - Ehi handia, II a un bec noir...
4 - Ehi trebesa, Hop, hop, moi je souléve!...
5 - Behatza, (edo: Ehi pototsa).
Comme précédemment, la personne qui tient
1 - Le petit doigt, !'enfant sur ses genoux récite les vers en dé
2 - Le doigt de bague,
3 - Le grand doigt,
bien les syllabes. Ainsi se trouvent ry--tach nt
4 - Le doigt pointeur, thmés les mouvements qui imitent un galop de
5 - Le pouce, (ou le gros doigt). plus en plus précipité. Enfin, en pronongant la
derniere phrase, on saisit la fillette sous les
ARRI, ARRI!... aisselles pour la tenir á bout de bras, le plus
haut possible au dessus du sol, en faisant mine
HUE, HUE!...
de la soustraire aux atteintes de l'insecte rou-
On récite cette formulette lorsque ('enfant ge «xantxin-gorri », (probablement une coccine-
monte sur les genoux d'un de ses parents pour Ile). Cette manoeuvre tend á provoquer chez
s'y placer califourchon. II convient alors de l'enfant des rires et des cris de joie.
soulever et de laisser tomber les genoux, sur
un rythme saccade, afin d'imiter le trot suppo-
TTALO, TTALO...
sé d'un mulet:
PETITE GALETTE, PETITE GALETTE...
Arri, arri, mandoko!
Afin de se livrer á ce jeu, le bébé n'est pas
Bihar Iruñarako.
nécessairement installé sur les genoux d'une
Hantik zer ekarriko?
grande personne. II peut aussi bien se tenir de-
Zapet eta gerriko...
bout sur le sol. Mais alors, vu sa petite taille,
Hek oro, norendako?
it faudra que son partenaire adulte soit assis
Gure haurrarendako!...
devant lui.
Hue, hue, muleton!
Demain vers Pampelune. Ttalo, ttalo, amatxi!...
De lá-bas, que rapporter? Nun den egun, notaki?
Souliers et ceintures de laine... Erreka xiloan ehortzi.
Tout cela pour qui?
Otsoak jan du ba naski...
Pour notre enfant!...
Ba naski, ba naski, ba naski!...
Source: Mes souvenirs d'enfance, de 1914 á 1920. Fami-
lies DUNY-PÉTRÉ - CARRICABURU - Rue d'Espagne á Petite galette, petite galette, grand'mere... (2)
Saint-Jean-Pied-de-Port. Où est -elle aujourd'hui, qui salt?
Dans le creux du fossé, enterrée.
Seule la phrase finale est sujette á des va- Le loup 1'a mangée, oui sans doute...
riations notables. Une habitude tres répandue Oui sans doute, oui sans doute, oui sans doute!...
consiste á y mentionner le prénom de l'enfant,
Pour reciter la formulette, on articule nette-
ce qui donne par exemple:
ment chaque mot, tout en se frappant récipro-
...Gure Manex'endako!... quement les paumes des mains, de facon que
...Gure Maider'endako!... l'enfant puisse marquer, lui aussi, le rythme
...Pour notre petit Jean!...
des phrases. Enf in, les derniers «ba naski» sont
...Pour notre Marie-Belle!... lancés á une cadence accélérée, de telle sorte
que le petit, ne pouvant plus suivre les mou-
vements, se met bientót á rire et réclame un
KADERAN, KADERAN...
nouvel essai.
DANS LA CHAISE, DANS LA CHAISE...
Précisons que I'onomatopée enfantine: «tta-
Ce petit poéme s'adresserait plus spécia-
l o, ttalo», évoque aussi l'applatissement d'une
lement á une fillette, comme semble l'indiquer
galette basque, taloa, battue et fagonnée par
la deuxiéme ligne du texte.
les mains de la fermiére.
Kaderan, kaderan, lumatxa, Source: Famille IDIÉDER - DUHALDE, 1954, á Iholdy.
Xantxin-gorri, neskatxa,
Heldu zauxu mamutxa, (1) Le diminutif basque obtenu avéc txa étant intraduisible
en Frangais, il a fallu ajouter le mot .petite,
Badaxi moko beltxa... (2) Le diminutif basque obtenu avec tt, étant intraduisible,
Hupala, hupala, nik altxal... a fallu, ici encore, ajouter le mot .petite..
(5) XIRULA - MIRULA 87

MAMU Ce bizarre quatrain, qui imite les aboiements


MAMU de quelque bete fantastique, doit etre accom-
pagné par les gestes agressifs de la personne
Lorsque I'enfant nest pas sage, sa maman
qui le recite. Ces gestes se manifestent surtout
le menace de l'intervention épouvantable de
avec les derniers mots: gaur, gaur, gaur!... qui
Mamu. La formule suivante a été concue de te-
ressemblent évidemment aux grr, grr!... d'un
Ile sorte que Ion puisse appuyer fortement sur
animal qui rále en montrant déjá ses griffes.
les finales en U, afin de produire, au bout de
chaque phrase, un long mugissement. L'enfant, territié, finit par se taire. Mais plus
tard, it s'habitue fort bien á ce genre de dé
Mamu - u - u!...
-monstrai,e'uforlmntes'y
Iluna dugu - u,
livrant lui-méme.
Heldu da Mamu - u,
Hemen da sartu - u, Source: Mes souvenirs d'enfance, de 1914 á 1920. Fami-
lies DUNY-PÉTRÉ - CARRICABURU - Rue d'Espagne á
Orro ta oihu - u,
Saint-Jean-Pied-de-Port.
Bai eta kexu - u,
Mamu - u - u!...
ZIKILIMARRO
Mamu!...
Nous avons la nuit, ZIKILIMARRO
II arrive, Mamu,
Rugissant et criant, Cette ravissante poésie enfantine, (publiée
Qui, et en colére, dans le recueil «KANTU, KANTA, KANTORE» Pa-
,Mamu!... ge 242, Bayonne 1967), représente un autre as-
Plusieurs sens ont été donnés au mot mamu. pect du précédent «Zikilimarrau». Nous la re-
Voici briévement les principaux: produisons ci dessous, á toutes fins utiles.

1) Mamu, avec son diminutif mamutx, dé- Oihan beltzean orotan orro,
signe globalement tous les petits insectes. Nork ez du entzun Zikilimarro?
2) Mamu, représente aussi le fantóme, Orro ta orro
l'épouvantail á oiseaux, ou encore le déguise- Zikilimarro
ment de Carnaval. Mahu!...
3) Mamu, est un personnage mythique, aus- Dans la nuit noire, tout rugissant,
si effrayant qu'indéfini, destiné á faire peur aux Qui n'a pas entendu Zikilimarro?
enfants. C'est celui qui nous intéresse en ce Tout rugissant
moment. Zikilimarro
Maou!...
Source: Mes souvenirs d'enfance, de 1914 á 1920. Fami-
lies DUNY-PÉTRÉ - CARRICABURU - Rue d'Espagne á
Bardaz geroztik, Zikilimarro,
Saint-Jean-Pied-de-Port.
Bere onetan ixilik dago!
Ixilik dago
ZIKILIMARRAU
Zikilimarro
Z1 KI LI MARRAU
Ui!...
Zikilimarrau est encore un «Croquemitaine»
Depuis hier soir, Zikilimarro,
basque, chargé d'inspirer une crainte salutaire
Dans son interest reste silencieux,
aux enfants turbulents. II a les memes attribu-
II est silencieux
tions que Mamu. Dans les deux cas, it s'agit de
Zikilimarro
créer une ambience d'épouvante avec des ono- Ouye!...
matopées. Ici, les longues syllabes en U de
Mamu, son remplacées par des finales qui se Mamu zaharrak ukan du tiro.
prolongent en AU. Adio beraz, Zikilimarro!
Ukan du tiro
Zikilimarrau!...
Zikilimarro
Janzak haur hau,
Bihar edo gaur... Bum!...
Gaur, gaur, gaur, gaur!... Le vieux Mamu a recu un coup de feu.
Zikilimarrau!... Adieu donc, Zikilimarro!
Mange cet enfant, II a recu un coup de feu,
Demain ou ce soir... Zikilimarro
Ce soir, ce soir, ce soir, ce soir!.. Bourn!...
88 PIERRE DUNYPÉTRÉ (6)

Ez izan beldur, Pattin, gehiago, LETSUNAK


Bardaz geroztik hila baitago! LES GRUES
Hila betiko
Aprés les chaleurs de l'été, lorsque les grues
Zikilimarro
sillonnent le ciel en y dessinant des angles
Ai!...
dont la pointe saillante s'enfonce dans le vent
Ne sois pas effrayé, petit-Martin, davantage, du sud, les enfants crient ces phrases versifiées
Puisqu'il est mort depuis hier soir! á tous les échos de la montagne:
Mort pour toujours
Zikilimarro Letsunak, lerro -lerro!
Al!... Letsunak, lerro - lerro!
Reference: Recueil «Kantu, Kanta, Kantore«, Page: 242, Haizia, orro, orro!
Bayonne 1967. Oihana, harro, harro!
Gure etxian,
KATTALIN - GORRI Supazterrian,
CATHERINETTE ROUGE Bero, bero!
Les grues, en rangs!
Ce jeu consiste á poser une coccinelle sur Les grues, en rangs!
la main de l'enfant. Pendant que l'insecte cher- Le vent mugissant, mugissant!
che á grimper jusqu'au bout d'un doigt afin de La forét ébouriffée, ébouriffée!
pouvoir s'envoler, on prononce la formule in- Dans notre maison
A cóté du feu,
terrogative: Chaud, chaud!
Kattalin-Gorri, gorri, gorri, C'est qu'ils ont déjá compris toute la signi-
Euri edo ateri? fication de l'automne basque: l'approche inexo-
Balinbada euri: rable de l'hiver, avec les foréts qui perdent leurs
Jo hegalez itzalari! feuilles dans la tempéte, et déjá le plaisir de
Balinbada ateri: retrouver frileusement un foyer bien chaud.
Jo hegalez argiari! Source: Mes camarades de I'école communale d'Este-
rencuby, de 1921 á 1923. Le vieux Maitre d'Ecole, M
Catherinette rouge, rouge, rouge, ESCAPIL, pratiquait alors le bilinguisme, (déjá!) á la
Pluie ou éclaircie? satisfaction de tous.
S'il y a pluie:
A tire d'aile vers 1'ombre! AXERIAREN EZTEIAK
S'il y a éclaircie: LES NOCES DU RENARD
A tire d'aile vers la lumiére!
Parfois, entre deux nuages, le soleil s'unit
Voici une variante du méme genre: á la pluie pour donner naissance á un mervei-
Ileux arc-en -ciel. Malheureusement, le mauvais
Andere-Kota-Gorri,
temps n'est pas loin... Mais les enfants, in-
Bihar euri edo aterí?
conscients et ravis, s'écrient aussitót en riant:
Balinbada euri:
Lurrerat erori! Iruzkiarekin euri,
Ezteiak zoin jostagarri!
Balinbada aterí:
Ortzadar, haize, ateri,
Zerurat etorri!
Nigarrak utzirik, irri!...
Dame au jupon rouge, Bana gero, tantiruri,
Demain pluie ou temps clair? Odei beltz batez iturri!
S'il y a pluie:
Avec le soleil, la pluie,
Tomber par terre!
Les noces, combien amusantes!
S'il y a temps clair: Arc-en-ciel, vent, éclaircie,
Arriver au ciel! Laissant les pleurs, le rire...
Mais aprés, bernique!
Signalons cependant que le nom de ce pe-
D'un noir nuage, la fontaine!
tit insecte familier peut varier selon les provin-
Oiloarekin axeri,
ces ou méme les villages. II peut s'appeler tour
Biak ezkondu berri!
š tour: Kattalin-Gorri, Andere-Kota-Gorri, Ma-
Noiz artio makur hori?
ri-Gorri, etc...
Egun, dena maitagarri.
Source: Mes souvenirs d'enfance, de 1914 a 1920. Fami- Bihar aldiz, debrukeri:
lles DUNY-PÉTRÉ - CARRICABURU - Rue d'Espagne á
Saint-Jean-Pied-de-Port. Oilo jale bat ageri!
(7) XIRULA - MIRULA 89

Avec la poule, le renard, — Moi non!


Tous deux nouveaux mariés! — Moi non!
Jusqu'á quand cette anomalie? — Moi non!
Aujourd'hui, tout (est) aimable.
Demain, par contre, diablerie: Apo Jodi zonbaitek ikaran, eta sasien azpi-
Un mangeur de poule apparait!
tik ahoy zabalduz:
Toute la fragilité du bonheur humain ne se — Guk!
trouve-t -elle pas résumée dans ce petit symbo- — Guk!
le naïf? — Guk!
Source: Mes camarades de I'école communale d'Este-
Quelques gros crapauds, tremblants, et par des-
rencuby, de 1921 á 1923.
sous les hales ouvrant la bouche:

— Nous!
UR BAZTERREKO SORGINAK — Nous!
— Nous!
LES SORCIERS DU BORD DE L'EAU

Voici les échos mystérieux des eaux dor- Ahate Kaskoin jin berri andana batek, eta
mantes, qui étaient évoqués autrefois par «Ama. Euskara ez dakitenek:
ño», la vieille lavandiére de Garazi. Ces voix
— Quoi?
étranges pourront -elles calmer les enfants que
— Quoi?
Ion met au lit, le soir, malgré leurs protesta-
— Ou oi ?
tions?
Une bande de canards gascons, nouveaux venus,
Latsaria baitzen, Amaño xaharrak, et qui ne savant pas le Basque:
Garazin sortia, zernahi jakinik,
— Quoi?
Salatu zauzkitan ur-bazter berriak,
— Quoi?
Erranez etzela larretan sorginik. — Quoi?
Parce qu'elle était lavandiére, Amaño, la petite vieille,
Née au Pays de Cize, connaissant des tas de choses, Hortan, igel guziak irriz karkailan, eta de-
Me révéla les nouve;les du bord de l'eau, briak hartiak:
Déclarant qu'il n'y avait pas de sorciers dans les
[landes. — Koa, koa, koa!
Osinaren hegietan, — Beliaren mokoa,
Arratsalde beroetan, — Axola gutikoa,
Bai eta ere gauetan, — Ezpahiz hemengoa,
Nor ari da, azantzetan, — Eztakik jokoa,
Irriz, huxtuz, ta kalakan? — Apal hire kaskoal...
Au bard du gouffre d'eau, La-dessus, toutes les grenouilles, riant aux éclats,
Par les aprés -midi chauds, et avec le diable au corps:
Qui mais aussi au cours des nuits,
Qui se met, bruyamment, — Koa, koa, koa!
A rire, á siffler, et á caqueter? Le bec du corbeau...
Insouciant,
[gel zahar batek, ur bazterrerat joan nahiz Si tu n'es pas d'ici,
eta sugiaren beldurrez: Tu ne connais pas le jeu,
Baisse ton crane!
— Nork ikusi du «Lepo-lux»?
Gau guziko kalapitak,
Une vieille grenouille, qui veut aller sur la ber- Hola hasten dira denak,
ge, et qui a peur du serpent:
Igelak edo apoak
— Qui a vu .Long - coup? Ez baitira lokartiak!
!gel gazte guziek, buria uretik ateratuz eta Les tapages de toutes les nuits
oihuka: Commencent tous ainsi,
Les grenouilles ou les crapauds
— Nik ez! N'étant pas endormis!
— Nik ez!
Ilargiarekin, zoin eder itzala!
— Nik ez!
Ur beltza hor dago betikotz etzanik,
Toutes les jeunes grenouilles, sortant la tate de Ezin errexituz kalakan igela...
l'eau, et en criant: Haurra xo!... Goazen oherat ixilik!
90 PIERRE DUNYPÉTRÉ (8)

Avec le clair de lune, combien (est) belle l'ombre! se souviennent encore des caravanes muletié-
Londe noire reste lá, pour toujours étendue, res qui parcouraient continuellement la montag-
Ne pouvant se calmer, caquette la grenouille...
Enfant chut!... Allons au lit en silence. ne au début de ce siècle. La silhouette pitto-
resque de l'infatigable mandozaina navarrais
Donibane-Garazin, 1952'an était alors familiére sur les innombrables sen-
Nafarroko erran-zaharretarik. tiers qui franchissaient les ports. Chaussés
P. H. d'abarkak, vétus d'un bolero et d'une culotte
A Saint-Jean-Pied-de-Port, en 1952, de velours serrée a la taille par le large gerriko
Selon les vieux dictons de la Navarre. de laine rouge, les muletiers au verbe sonore
Source: «AMAÑO », une des derniéres lavandiéres de s'arrétaient alors devant les auberges ou les
Saint-Jean-Pied-de-Port, (1863 - 1948). Son vrai nom, magasins de Saint-Jean-Pied-de-Port. Its y dé-
SALLABERRY, ainsi que son surnom, ont été gravés chargeaient leurs outres de vin luisantes et
sur la vieille croix de sa tombe basque.
ventrues, ainsi que beaucoup d'objets de con-
sommation courante fabriques au delá des
AMAREN BESTA monts. On peut méme considérer qu'ils étaient
LA FÊTE DE MAMAN seuls á assurer le petit commerce internatio-
nal du Pays Basque intérieur.
Dans le méme style que «Arri mandoko»,
cette poésie enfantine peut trouver son emploi Plus tard, la modernisation des moyens de
á l'occasion de la «Fete des meres». transport a háté la disparition de nos anciennes
coutumes. Parmi celles-ci, on ne saurait passer
Amaren besta baita, sous silence les célebres foires paysannes de
Utzirikan josteta, la San- Fermín, oú les Basques de toutes les pro-
Panpiñ edo pilota, vinces accouraient á Pampelune. D'ailleurs,
Goazen liliketa! beaucoup de nos compatriotes fredonnent sou-
Izanen da buketa vent une jolie chanson populaire, dont le pre-
Ahal bezan pollita. mier couplet évoquerait á lui seul tout un passé
Harekilan, xut-xuta, brillant et révolu, ressuscité par le rythme sac-
Emanen dugu potta, cade du galop des betes:
Amaren besta baita!
lruñeko ferietan,
Parce que c'est la fête de maman,
Iragan San-Ferminetan,
Délaissant l'amusement,
La poupée ou la pelote, Ehun zaldi arribatu, Andaluziatik tropan,
Allons chercher des fleurs! Merkatu eder bat zautan,
II sera, le bouquet, Zaudelarik bi lerrotan!
Aussi joli que possible.
Avec lui, debout bien droits, Aux foires de Pampelune,
Nous allons donner un baiser, Aux derniéres (fetes de la) Saint-Firmin,
Parce que c'est la fête de maman! Cent chevaux (sont) arrivés d'Andalousie, en troupe,
J'avais lá un beau marché,
Donibane-Garazin, 1960'an Alors qu'ils se trouvaient sur deux rangs.
P. H. Malheureusement, de ce qui était, á ('origi-
A Saint Jean Pied de Port, en 1960.
- - - - ne, la fete solennelle du saint patron de la Na-
varre, doublée d'un grand marché aux bestiaux
véritablement basque, it ne reste plus aujourd'
II hui que des réjouissances bruyantes á large
EXPLICATIONS ET COMMENTAIRES participation étrangére.
Reference: Recueil «Kantu, kanta, kantore», Page: 184,
ARR1, ARRI, MANDOKO... Bayonne 1967.

Ce modeste élément du folklore basque, re-


KADERAN, KADERAN, LUMATXA...
presente en réalité un véritable document his-
torique, si l'on en juge par toute l'importance Aprés avoir lu cette formulette, il est intére-
économique et sociale que dut avoir autrefois ssant de noter l'existence du prénom Xantxin,
la ville de Pampelune. Malgré la frontiére, cette qui correspond á l'espagnol Sancho. Voici donc
antique capitale des Vascons rayonnait bien quelques remarques á ce sujet:
plus qu'aujourd'hui jusqu'au sud de l'Aquitaine.
1) Xantxin se trouve accolé au qualificatif
A Garazi, les plus anciennes générations Gorri. On peut alors se demander quelle est la
(9) XIRULA - MIRULA 91

signification de «Sancho-le-rouge». Un rappro- MAMU


chement nest-il pas possible avec: Kattalin Go-
-

Dans mon enfance, j'al eu le privilege de


rri, Mari Cornil, ou Andere Kota Gorri? Etant do-
- - -

connaitre Mamu. C'était une apparition extraor-


nne que ces expressions désignent familiére-
dinaire: une sorte d'ombre noire, énorme et en-
ment la coccinelle, it est possible que Xan-
vahissante, qui se dressait au milieu des téné-
ixin Gorri alt eu la méme signification á ('épo-
-

bres en gesticulant sans bruit, qui disparaissait


que od ut inventé ('amusement qui nous inte-
ici pour réapparaitre lá-bas... Etant donne
resse ici.
qu'autrefois l'éclairage était rare dans les viei-
2) Xantxin, diminutif de Santso, est un lles demeures basques, j'ai longtemps cru á la
vieux prénom qui pourrait évoquer les plus be- presence de ce Mamu, car le soir it me suivait
lles pages historiques de ('antique Royaume de silencieusement dans l'escalier, it se réfugiait
Navarre. Beaucoup de rois basques qui s'illus- dans I'obscurité du grenier, et lorsqu'il était
trérent, des le haut Moyen-Age, dans la lutte surpris, it se dissimulait toujours dans un coin
contre les Maures, s'appelaient Santso, Zantzo, sombre de la maison, et Dieu salt combien it y
ou en Espagnol Sancho. en avait!

Toutefois, ce prénom semble avoir déserté Un soir cependant, j'ai fini par percer le
depuis fort longtemps le versant francais des mystére de Mamu. Comme je pleurais dans mon
Pyrenees. On ne le découvre que dans des do- lit á la suite d'un caprice quelconque, je vis
cuments anciens, datant parfois de plusieurs arriver doucement une personne entiérement
siécles. Mais it convient de remarquer aussi recouverte du grand capuchon noir que por
que certains patronymes actuels témoignent les femmes pour aller á l'église. C'était-taient
encore de la vogue passée de ce prénom dans une sorte de longue cagoule, qui descendait
les provinces basques du nord. Tout le monde jusqu'aux pieds, et dont quelques exemplaires
peut y remarquer des noms de famille tels que: doivent certainement exister encore, soigneu-
Sans, Sancinena, Pétrissans, Gilhensans, etc... sement plies dans de grandes armoires. C'est
alors que je reconnus une voix familiére qui re-
TTALO, TTALO, AMATXI... citait avec application la formule effrayante de
Mamu. Cette demonstration me donna aussitét
Ce texte folklorique, dans sa naive simpli- une irresistible envie de rire. Un rire qui ne
cité, évoque en quelques lignes un vieux dra- s'arréta que lorsque Mamu, complétement dé-
me rustique qui pourrait s'apparenter á I'his- semparé, finit par disparaitre comme it était
toire du «Petit chaperon rouge». Malgré le la- venu.
conisme de cette piece rimée, it est possible
d'y découvrir les elements essentiels du célé-
ZIKILIMARRAU
bre conte de Perrault: la galette que !'on appor-
te á la grand'mere, et la mort tragique de ce- Nous avons vu que l'épouvantail Zikilirna
Ile-ci, dévorée par un loup. rrau s'appelle aussi, selon les localités basques,
Zikilimarro. Seule la derniére syllabe différe.
La tradition populaire qui inspira, dit-on, le
Mais ce mot bizarre semble avoir subi une
littérateur francais du XVII" siecle, aurait -elle
autre modification que nous signalons mainte-
eu quelques racines lointaines jusque dans no-
nant, á toutes fins utiles:
tre petit territoire navarrais dont les rois de
France étaient si jaloux? Cette hypothése se- 1) AKILIMARRO, dans le dictionnaire de
rait d'autant plus vraisemblable qu'on accusa Pierre Lhande, est présenté comme originaire
Perrault d'avoir trop souvent transcrit, —quoi- du Labourd, et serait un surnom qui servait na-
que dune maniere élégante—, d'authentiques guére á designer le diable.
«contrs de nourrices». Or, de temps immemo-
rial les riches Parisiennes n'avaient -elles pas 2) AKILIMARRO, apparait aussi dans le pro-
coutume de recruter les nourrices ou les bon- verbe basque suivant, extrait du recueil «Atso -

nes d'enfant «en province», et parfois parmi titz, Zuhur hitz eta Erran zahar», de Jean Elissal
- - -

nos jeunes Basquaises? de, Imprimerie de La Presse, 1936 á Bayonne:

Petites causes, granas effets!... Le problé- Ez baduk ikusi nahi Akilimarro,


me des sources est désormais posé. Peut-étre Etzakala bere xilotik harro!...
intéressera-t-il un jour les savants francais spe- Si tu ne veux pas voir Akilimarro,
cialises dans la recherches ethnologique. Ne vas pas le secouer dans son trou.
92 PIERRE DUNYPÉTRÉ (10)

Dans ce dernier cas, Akilimarro serait, plutót rie. II apparait ainsi que les Romains, déjá bien
comparable á une bete sauvage et malfaisante connus pour leur crédulité en matiére d'ora-
qu'il faut bien se garder d'aller provoquer dans cles, estimaient beaucoup chez les «Augures»
son antre. des Vascons l'art avec lequel ils interprétaient
certains signes, et tout particuliérement le vol
des oiseaux.
KATTALIN-GORRI... LETSUNAK... AXERIAREN
EZTEIAK
UR BAZTERREKO SORGINAK
Visiblement, it s'agit ici d'intéresser l'en-
fant basque á son environnement, c'est á dire «AMAÑO» fut probablement la derniére la-
au cadre rustique dans lequel it vit. L'interroga- vandiére de Saint-Jean-Pied-de-Port, et je crois
toire des insectes, des oiseaux du ciel et des qu'elle n'a jamais pu s'exprimer en Francais.
phénoménes naturels, tout cela représente pour Comme ('indique son surnom, elle dut égale-
ment étre nourrice dans sa jeunesse. Tres con-
lui une source d'émerveillement. Mais l'enfant
a-t-il été seul á s'adresser ainsi á la faune na- nue dans le Pays de Cize entre les deux gue-
rres, sa vaillance et son honnéteté étaient lé-
turelle des montagnes et des bois, afin d'y
gendaires. Elle faisait partie des personnes
découvrir des presages? Autrement dit, avant
qu'on appelait: «Korrontadorreko Iatsariak», les
de n'étre plus qu'un jeu pour les petits, cette
laveuses de la tour du courant. Car le lavoir
activité n'aurait -elle pas été beaucoup plus im-
public se trouvait autrefois en aval de cette
portante dans la civilisation de nos ancétres?
fameuse tour dont it ne reste plus que quelques
Compte tenu de l'ancienneté du peuple bas- pans de mur, á ceité du pont de bois.
que, it est possible de se reporter aux consta
Sur sa vieille croix navarraise, au cimetiére
faltes, á maintes reprises, par divers-taions
de Saint-Jean-Pied-de-Port, le passant peut en-
écrivains latins pendant la colonisation romai-
core lire cette inscription aussi simple que la-
ne. En se référant notamment au géographe
conique:
grec Strabon qui vivait vers 58 avant Jésus-
Christ, ou encore au poke Manilius contempo-
rain de l'Empereur Auguste, on peut noter que AMAÑO SALLABERRY,
DECEDEE,
ces auteurs s'intéressent aux rites divinatoires
LE 9 JUIN 1948 A 85 ANS
que pratiquaient les peuples du nord de I'Ibé-

BERCEUSES ET CHANSONNETTES
I. QUELQUES VIEILLES BERCEUSES
II. QUELQUES CHANSONS NAIVES

Pour l'enfant basque, les berceuses et les les charmantes oeuvres modernes composées
chansonnettes naives représentent, sans aucun pour nos enfants par des «euskaltzale» de
doute, sa premiere initiation á la musique. Tout grand talent, ou cours de ces derniéres années.
naturellement, c'est par la voix de sa maman Espérons donc que le repertoire enfantin con-
ou par celle de sa grand'mére qu'il apprendra, tinuera á s'enrichir, pour le plus grand bien de
en s'amusant, quelques vieux airs traditionnels. la renaissance basque.
Des les premiers jours de sa naissance, ne
baigne-t-il pas ainsi dans une veritable ambian-
ce basque? N'est it pas, des fors, marqué par
une culture originale, conforme á son espéce,
QUELQUES VIEILLES BERCEUSES
et qui ne devrait jamais plus le quitter?

En ce qui concerne plus spécialement les BUBA ÑIÑAÑO...


chansonnettes, nous n'avons cité que les plus DODO, PETIT BEBE...
anciennes, celles qui représentent, en quelque
sorte, la survivance d'une tradition qui a brave Buba, ñiñaño!
les siécles. Mais tout le monde connait déjá Haurra dugu ñimiño,
XIRULA-MIRULA 93

Lokartzeko gaixtoño, Originaire de la province basque de Labourd,


Atzartzeko aiseño, cette berceuse, contrairement á la précédente,
Eta koskaño, est particuliérement harmonieuse. Elle est me-
Eta bubaño!... me devenue célébre, lorsque des chanteurs re-
Dodo, petit bébé!
nommés s'en sont emparés pour l'immortaliser
L'enfant nous avons tout petit, dans de magnifiques «enregistrements».
Pour s'endormir difficile,
Reference: Recueil «Kantu, Kanta, Kantoreu, Page: 244,
Pour se réveiller facile, Bayonne 1967.
Et petit capricieux,
Et petit ensommeillé!...
ITSASOA LAÑO DAGO...
Buba, ñiñaño!
Zato bihar, zato gaur, LA MER EST CALME...
Etxean badugu haur, Itsasoa laño dago,
Ohatzen baitut nihaurk. Baionako barraraino:
Nor da koskaño? Nik zu zaitut maiteago
Nor da bubaño? Xoriak beren umeak baino!
Dodo, petit bébé! La mer est calme, (1)
Venez demain, venez ce soir, Jusqu'á la barre de Bayonne:
Dans la maison nous avons l'enfant, Moi je vous aime encore plus
Que je mets au lit moi-méme. Que les oiseaux (aiment) leurs petits!
Qui est petit capricieux?
Qui est petit ensommeillé? Aita gutaz orroit dago,
Cette berceuse, tres simple dans sa mono- Lano pean gaueraino:
tonie apaisante, est probablement la plus con- Nik zu zaitut maiteago
nue du Pays Basque Nord. On peut donc étre Arrantxuak ura baino!
assure qu'elle a fait ses preuves parmi de nom- Papa pense á nous,
breuses générations d'enfants. Mais en réalité, Dans le brouillard (1) jusqu'á la nuit:
Moi je vous aime encore plus
ce n'est qu'une sorte de rengaine, comparable
Que les petits poissons (aiment) l'eau!
á celle que l'on fredonne en Frangais sur le
méme ton: Afaria suan dago,
Bero-beroa, sarridino:
Dodo, l'enfant do,
Nik zu zaitut maiteago
Dormira bientót...
Egur onak sua baino!
Le souper est sur le feu,
Source: Mes souvenirs d'enfance, de 1914 á 1920. Fami-
lies DUNY-PÉTRÉ - CARRICABURU - Rue d'Espagne á Tout chaud, pour bientót:
Saint-Jean-Pied-de-Port. Moi je vous aime encore plus
Que le bon bois (aime) le feu!

HAURTXO TTIKIA... Izar xuriz mita dago,


Iparretik hegoraino:
LE PETIT ENFANT...
Nik zu zaitut maiteago
Haurtxo ttikia saeskan dago, Ilargiak gaua baino!
Zait iduritzen aingerua lo.
Des étoiles blanches sont lá par milliers,
Ene maitea, ene pottolo, Depuis le nord jusqu'au sud:
Eginaguzu lo! Moi je vous aime encore plus
Que la lune (aime) la nuit!
Le petit enfant se trouve dans le berceau,
ll me parait étre un ange endormi. Lo egizu, egizu lo,
Mon chéri, mon petit pottelé, Deskansuan biar artino:
Faites-nous dodo!
Nik zu zaitut maiteago
Xakur handia etorriko da, Ilun beltzak loa baino!
Zuk ez baduzu egiten lo. Dormez, dormez,
Horrela gatik, ene pottolo, Dans la quiétude jusqu'á demain:
Eginaguzu lo! Moi je vous aime encore plus
Que la nuit noire (aime) le sommeil!
Le grand chien va venir,
Si vous ne faites pas dodo. (1) LAÑO, qui signifie: plat, uni, ou calme, ne doit pas
Par conséquent, petit pottelé, étre confondu avec LANO qui signifie: brouillard et parfois:
Faites-nous dodo! nuage.
94 PIERRE DUNYPÉTRÉ (12)

Orai haurra, hor lo dago, tra-perfectionnées ainsi que les poisons utili-
Lo egizu, aingeruño: sés dans ('agriculture, finissent par anéantir
Nik zu zaitut maiteago tous ces charmants animaux sauvages. Et cela
Zure aitak nihaur baino! dans des proportions telles qu'il n'est pas sou-
haitable d'encourager les enfants á participer
Maintenant, l'enfant dort lá,
Dormez, petit ange: au massacre. Comme dans tous les domaines
Moi je vous aime encore plus de la vie civilisée, la sagesse ne devrait -elle
Que votre pére (m'aime) moi-méme! pas conseiller á I'homme d'user sans abuser?
Née dans les families basques du rivage Source: Mes souvenirs d'enfance, de 1922 á 1930, Fa-
mille BROUSSAIN - HARGUINDEGUY, Epicerie-Auber-
atlantique, cette chanson est peut-étre la plus ge de Lécumberry.
émouvante du genre, si I'on tient compte de la
poésie qui s'en dégage, sans effort apparent,
HIRU XITO IZAN...
avec una merveilleuse spontanéité. Tout dou-
TROIS POUSSINS ECLOS...
cement, elle exprime et développe les senti-
ments de la jeune maman qui ne saurait disso- Hiru xito izan eta lau galdu,
cier sa tendresse maternelle de l'amour qu'elle Xito heien ama nork jan du?
éprouve pour son époux en danger sur la mer. Axeri batek jan zion lepoa,
Bainan nun ote zen oiloa?
Quant á la musique, tres sobre avec un ry-
Purra, purral... egin nion bortatik
thme longuement balance, ne pourrait -elle pas
Kukuruku!... jin zait eltzetik...
convenir tout aussi bien au matelot qui chan-
Leku onetik!
terait les mémes vers dans la houle de l'océan?
Leku onetik!
Reference: Recueil «Charamelan, Page: 59, Bayonne 1958.
Trois poussins éclos, et la perte est de quatre,
La mere de ces poussins, qui 1'a mangée?
Un renard lui mangea le cou,
II Mais oú donc était la poule?
QUELQUES CHANSONS NAIVES Purra, purral... fis -je depuis la porte, (1)
Kukurruku!... m'est venu depuis le pot...
Du bon endroit!
PIN-PIN XORIA... Du bon endroit!
LA MESANGE...
Sur un air qui s'inspire du «Makila-jantza»
Pin-pin xoria, des danseurs labourdins, cette minuscule chan-
Xori papo gorria, son burlesque se référe évidemment á la vie
Pan, pan,! zaparta, paysanne du bon vieux temps... Pour beaucoup
Xori salsa on baita! d'entre nous, la ferme basque, avec sa basse-
La mésange,
cour au premier plan, et sa montagne en toile
Le rouge-gorge, de fond, n'a-t-elle pas été, sinon le paradis de
Pan, pan! éclatement, nos jeunes années, du moins une source de
Car la sauce d'oiseau est bonne! souvenirs émouvants et nostalgiques?
Pin-Pin xoria, Source: Famille IDIÉDER - DUHALDE, 1954, a Iholdy.
Xori moko horia,
Xo, xo! goaita, JAUN KAPUTXIN...
Erbi bat heldu baita! MONSIEUR LE CAPUCIN
La mésange,
Jaun Kaputxin bizar handi,
L'oiseau á bec jaune,
Chut, chut! á l'affut, Jesusen ganat etorri.
Car un liévre arrive! Astoak jan zion bizarra,
Ustez eta zen belarra!
Ces petits quatrains puérils sont chantés
avec le bebé. La répétition des «pin-pin» ou Monsieur le Capucin á grande barbe,
(Est) venu auprés de Jesus.
des «pan-pan», a généralement le don de le L'áne lui mangea la barbe,
divertir. En outre, on a ainsi ('occasion d'in- En croyant que c'était du foin!
téresser les enfants á quelques hótes fami-
(1) Purra, purra! Cris poussés traditionnellement dans
liers de la campagne basque: la mésange, le
les fermes basques pour appeler les poules de la basse-cour,
rouge gorge, le liévre... tout en leur langant des poignées de grain. Au Pays de Cize,
on peut entendre en particulier: .Purra, purrs!... ttit, ttit, ttit,
Aujourd'hui malheureusement, les armes ul- ttit!».
(13) XIRULA - MIRULA 95

Asto zikin milatua, célébre fable de La Fontaine: «La laitiére et le


Handia duk bekatua. pot au lait». Mais notre chansonnette est beau-
Makil huntarik jastazak, coup plus á la portée d'un enfant, car le sujet
Joanen dituk hire hatzak! est traité d'une facon basque qui nous est dé-
Ane sale et maudit,
sormais familiére, avec I'énumération des en-
Tu l'as grand le péché. nemis traditionnels du paysan d'autrefois: le
Goútes á ce baton, loup, le renard, les rats...
Tes démangeaisons s'en front!
Source: Famille IDIÉDER - DUHALDE, 1954, a Iholdy.
Jaun Kaputxin bizar gorri,
Barka zozu asto horri. KUKURUKU...
Garbi bazinu bizarra,
COCORICO...
Ez lidurike belarra!
Kukuruku! — Zer diozu?
Monsieur le Capucin á barbe rouge,
Pardonnez á cet ane. Buruan min. — Zerk egin?
Si vous aviez la barbe propre, Axeriak. — Axeria nun?
Elle ne ressemblerait pas á du foin! Berroan. — Berroa nun?
Evoquant joyeusement la nativité du Christ, Suak erre. — Sua nun?
cette ancienne chanson est trop familiére par- Urak hil. — Ura nun?
mi les Basques pour qu'il soit besoin de Behiak edan. — Behia nun?
la presenter. Remarquons seulement que les Cocorico! — Que dites-vous? (Qu'avez- vous ?)
ánes, si nombreux autrefois chez nous, ont Mal á la tete. — Qui l'a produit?
Le renard. — Le renard oú?
pratiquement disparu en raison de la motorisa-
Dans le buisson. — Le buisson oú?
tion des moyens de transport. Néammoins, Le feu l'a brúlé. — Le feu oú?
quelques unes de ces braves bêtes sont en- L'eau l'a éteint. — L'eau où?
core d'une grande utilité sur les sentiers mon- La vache l'a bue. — La vache où?
tagnards de la Navarre et de la Soule.
Alorrean. — Alorrean zertako?
Source: Mes souvenirs d'enfance, de 1914 á 1920. Fami- Artoaren biltzeko. — Artoa zertako?
lies DUNY-PÉTRÉ - CARRICABURU - Rue d'Espagne á
Saint-Jean-Pied-de-Port. Oiloendako. — Oiloak zertako?
Apezendako. — Apezak zertako?
Meza emaiteko. — Meza zertako?
NEURE DOTEA...
Arimaren salbatzeko!
MA DOT...
Dans le champ. — Le champ pourquoi?
Aitak eman daut dotea, Pour ramasser le mais. — Le mais pourquoi?
Neurea, neurea: Pour les poules. — Les poules pourquoi?
Urdeño bat bere umekin, Pour les prétres. — Les prétres pourquoi?
Pour célébrer la messe. — La messe pourquoi?
Oilo koloka bere xitoekin,
Pour sauver les ames!
Tipula-korda heiekin!
De méme que pour la rengaine qui va étre
Mon pére m'a donné la dot,
La mienne, la mienne: presentee ci-aprés, on constatera, une fois de
Un porcelet avec ses petits, plus, que la maison basque est au centre de
Une poule glousse avec ses poussins, nos jeux enfantins. C'est par elle que s'anime
Une corde d'ail avec eux! tout le petit monde des villages montagnards.
Otsoak jan daut urdea, Alors, se mélent bêtes et gens, dans une ron-
Neurea, neurea: de fantastique, oú méme les animaux sauvages
Axeriak oilo koloka, trouvent leur place.
Garratoinak tipula-korda, Source: Famille IDIÉDER - DUHALDE, 1954, á Iholdy.
Adios neure dotea!
Le loup m'a dévoré le porc, AKERRA KEN, KEN, KEN...
Le mien, le mien,
Le renard, la poule glousse, BOUC, SOBS, SORS, SORS...
Le rat, la corde d'ail, Akerra hor heldu da
Adieu ma dot!
Artoaren jatera...
Bien sur, la fragilité des biens de ce mon- Akerrak artoa:
de est un theme inépuisable. Et ces deux pe- Akerra ken, ken, ken,
tites strophes nous rappellent, évidemment, la Artoa gurea zen!
96 PIERRE DUNYPÉTRÉ (14)

Le bouc arrive lá, Gizona hor heldu da


Afin de manger le mais... Idiaren hiltzera...
Le bouc, le mais:
Bouc, sors, sors, sors,
Le mais était a nous! L'homme arrive lá,
Afin de tuer le boeuf...
Otsoa hor heldu da
Akerraren jatera...
Otsoak akerra, Herioa hor heldu da
Akerrak artoa: Gizonaren hartzera...
Akerra ken, ken, ken,
Artoa gurea zen! La mort arrive lá,
Le loup arrive lá, Afin de prendre l'homme...
Af in de manger le bouc...
Le loup, le bouc,
Le bouc le mals:
Voici donc pour ('enfant, ('initiation amusari-
Bouc, sors, sors, sors, te á une philosophie née de la contemplation
Le mais était á nous! du monde naturel. L'inexorable loi, qui fait
éternellement coéxister la vie et la mort,
Zakurra hor heldu da
lui est présentée sans efforts et sans dra-
Otsoaren hiltzera...
mes inutiles.
Zakurrak otsoa,
Otsoak akerra, D'ailleurs, ce fameux «équilibre des es-
Akerrak artoa: peces», qui s'établit finalement grace á ('ac-
Akerra ken, ken, ken, tion constante des prédateurs, nest-il pas
Artoa gurea zen! á la base des théories chéres á nos Ecolo-
Le chien arrive lb,
gistes, actuels?
Afin de tuer le loup... Source: Famille IDIÉDER - DUHALDE, 1954, á Iholdy
Le chien, le loup,
Le loup, le bouc,
Le bouc, le mais: TINTER - LANTER...
Bouc, sors, sors, sors,
Le ma's était á nous! TINTER - LANTER...

Makila hor heldu da Tinter - lanter!


Zakurraren hiltzera... Inen daiat xirula,
Hail, ekarrak adarra,
Legun eta xuxena.
Le baton arrive lá,
Zertaz?
Afin de tuer le chien...
Leizar laida pollitaz (*).

Sua hor heldu da Tinter - lanter, (1)


Je vais te faire le sifflet,
Makilaren erretzera... Va, apporte-moi la branche,
Lisse et droite.
De quelle sorte?
Le feu arrive lá,
D'un joli rameau de frene (-).
Afin de brúler le baton...
Xirula - mirula kantari,
Ura hor heldu da Berro pean sar hadi,
Suaren hiltzera... Eta motz adar hori!

L'eau arrive lá, (*) Variante: Gaztain laida pollitaz.


Afin d'éteindre le feu... (1) Tinter - lanter: Onomatopée évoquant de légers chocs,
probablement par ce que le sifflet va naitre á la suite des pe-
tits coups donnés sur l'écorce fraiche avec le manche lisse
Idia hor heldu da d'un couteau.
Ajoutons á toutes fins utiles que: Tinta, et son diminutif
Uraren edatera... ttintta, représentent une goutte de liquide qui tombe, ainsi que
le bruit quelle fait en s'écrasant.
Signalons aussi ('expression familiére: Ez dixi jali tint ez
Le boeuf arrive lá, mint!... ull n'a sorti aucun son!. autrement dit: 'dl est resté
Afin de boire l'eau... silencieux!*.
(*) Variante: D'un joli rameau de chátaignier.
(15) XIRULA - MIRULA 97

Sifflet - sifflet (2) chanteur, au printemps la fabrication des sifflets. La jeu-


Rentre sous le buisson, ne branche de frene, de chataignier ou de sau-
Et coupe cette branche!
le, prélevée dans une haie vive, est encore
Xirula - mirula kantari, gonflée de séve. Pour en détacher l'écorce
Balinbahiz izerdi, préalablement tailladée en vue d'obtenir un tu-
Krisk - krask, atera hadi! yau, l'enfant frappe la baguette á petits coups
secs avec le manche lisse de son couteau. II
Sifflet - sifflet chanteur,
Si tu es en sueur, regle alors ses mouvements sur le rythme de
Krisk, krask! extrait-toi! la poésie et... le miracle se produit!

Chantée sur lair monotone de «Buba ñiña- Des precisions complémentaires seront don-
ño», cette «formule incantatoire» accompagne nées dans le chapitre consacré aux jouets con-
fectionnés par les petits Basques.
(2) Xirula - mirula: Redoublement avec M, dont le role se-
rait d'apporter une certaine insistance á I'appel mystérieux Source: Mes camaradas d'école, á St-Jean-Pied-de-Porl,
lancé par l'enfant. á Esterenguby, et aux Aldudes, 1920 - 1926 .

FORMULETTES ET COMPTINES DE LANGUE BASQUE


I. FORMULETTES BURLESQUES
II. COMPTINES OU FORMULES D'ELIMINATION

Avec ces formulettes, nous allons entrer Bartholomé!...


dans le domaine privilegié de la creation pu- Grosse tete et maigre cou!
rement enfantine. Ici, la fantaisie du jeune age
se donne libre cours, riant d'un ríen, et se AVEC BERTRAN
moquant de tout. Mais, ce qui est le plus re- Petan!...
marquabie dans la plupart de ces compositions, Tarrapatan,
c'est le sens profond de la rime. Galtzak herrestan,
Ce besoin immodéré de faire rimer jus- Kakeria burustan!
qu'á des stupidités, caractérise á coup sur Bertran!...
l'engouement extraordinaire des Basques pour Tarrapatan, (1)
tout ce qui chante, résonne, ou rebondit har- La culotte á la traine,
La diarhée coulant á flot!
monieusement. Peu importe l'incohérence. La
grossiéreté elle-mame ne suscitera qu'un sou- VARIANTE:
rire tres indulgent, car la rime excuse tout, et Petan!...
contribue pour ainsi dire á «anoblir» un texte Kakoletan,
qui, sans cela, ne serait souvent que triste Sarrak sudurra kakan,
-mentijurex. Ta han atxikak zapan!
Ainsi conc,ue, et malgré tous ses défauts, Bertran!...
la formulette basque pourra braver les siécles. Sur le cacolet,
Elle aura autant de chances de subsister qu'un Rentres ton nez dans le caca,
Et lá, maintiens-le sous pression!
authentique chef d'oeuvre littéraire.
AVEC DOMINIQUE
Domingo!...
Sekelan gorringo,
FORMULETTES BURLESQUES Moltsan kukuso!
Dominique!...
POUR RIRE DE QUELQUES PRENOMS Jaune d'oeuf dans la poche,
Puce dans la bourse!
AVEC BARTHOLOME
(1) Tarrapatan: Onomatopée qui évoque soit une marche
pécipitée á petits pas, soit l'activité des gens toujours pres-
Bartholome! ... sés et qui travaillent avec des gestes brusques ou mécani-
Burua lodi ta lepoa mehe! ques.
98 PIERRE DUNYPÉTRÉ (16)

AVEC GUILLAUME VARIANTE:


Gilen!... Martin!...
Bihar hilen, Tortin,
Etzi ehortziren, Erregeren sorgin,
Etzidamu ahatziren! Tipul eta gaztin!

Guillaume!... Martin!...
Demain mort, Sorcier des rois,
Aprés-demain enterré, Oignon et chátaigne!
Trois ¡ours aprés, oublié! Source: Mes camarades d'école, á St.-Jean-Pied-de-Port,
Source: Mes camarades d'école, á St-Jean-Pied-de-Port, á Esterencuby, et aux Aldudes, 1920 - 1926.
á Esterencuby, et aux Aldudes, 1920 - 1926.

AVEC MICHEL
AVEC JACG?UES
Migel!...
Jakes!... Aintzin edo gibel,
Koska bezain trukes, Nun -nahitik ustel!
Tresnak oro trebes!
Michel!...
Jacques!... Devant ou derriere,
Maniaque autant que tordu, Pourri de tout cóté!
Tout le bazar de travers!

AVEC PIERRE
AVEC JEAN
Pelo!...
Manez!... Totolo,
Ipurditik minez, Beti lo,
Kaka ezin inez! Eskuan bilo!
Jean!... Pierrot!...
Ayant mal au derriere, Nigaud,
Ne peut faire caca! Tou¡ours endormi,
Poil dans la main!
VARIANTE:
Manez!... AVEC CATHERINE
Ate zokoan nigarrez, Kattalin!...
Talo bat eskuan, ogia beharrez! Perttolin,
Jean!... Zakuto,
Pleurant au coin de la porte, Zikinto!
Une galette á la main, et désirant du pain!
Catherinette!...
Petite sotte,
AVEC MARTIN Petit sac,
Petite sale!
Martin!...
Tortin, VARIANTE:
Ergel eta sorgin,
Tipul eta gatza, Kattalin, perttolin, zakuto,
Martin buru gaitza! Baduna biperrik saltzeko?
Badinat, bainan enetako!
Martin!... Gatulu tzarrian irina,
Tortin, (1) Kattalin ipurdi zikina!
Frivole et sorcier,
Oignon et sel, Catherinette, petite sotte, petit sac,
Martin l'énorme tete! As-tu des piments á vendre?
J'en ai, mais pour moi!
Dans le mauvais bol, la farine,
(1) Tortin: Mot enfantin qui semble avoir été place ici Catherinette au derriére sale!
pour les besoins de la rime. On doit pouvoir le rapprocher de
torta, qui signifie «pourri» en parlant d'un oeuf, ou encore Source: Mes camarades d'école, á St.-Jean-Pied-de-Port,
de tortoil, qui exprime une idée de lourdeur et de maladresse. á Esterencuby, et aux Aldudes, 1920 - 1926.
(17) XIRULA-MIRULA 99

AVEC PASCALE Mais, mais, mais!...


Menu crottin de brebis!
Paxkalin!... Source: Mes camarades d'école, á St.-Jean-Pied-de-Port,
Oilo txarrak errun din, á Esterenquby, et aux Aldudes, 1920 - 1926.
Uzki zikinarekin,
QUEST-CE OU'IL A?...
Kantuz ari dun berdin!
Ipurdian izkila!
Pascaline!...
La poulette chétive a pondu, (1) Qu'est-ce qu'il a?...
Avec le derriere sale, La cloche au derriere!
Elle chante quand méme! (1)
QUEST-CE OU'IL Y A ?...
Source: Mes camarades d'école, á St.-Jean-Pied-de-Port, Zakurraren kakilia!
á Esterencuby, et aux Aldudes, 1920 - 1926.
Qu'est-ce qu'il y a?...
L'envie qu'a le chien de faire caca!

POUR RIRE DE QUELQUES MOTS ETRANGERS QUOI, QUOI, QUOI?...


Bele zaharraren mokoa!
1. EN REPONSE A DIVERSES EXCLAMATIONS Quoi, quoi, quoi?...
Le bec du vieux corbeau!
ALLO, ALLO?...
Esne eta talo! Source: Famille IDIÉDER - DUHALDE, 1954, á Iholdy.

Allo, allo?... SAPRISTI!...


Lait et galette de mals! Ogi eta ezti!

AMEN!... Sapristi!...
Du pain et du miel!
Hi hor eta ni hemen!
SATAN!...
Amen!...
Toi lá et moi ici! Sarrak ehia kakan!
Satan!...
DO-RE-MI-FA-SOL-LA-SI-DO!..
Rentre le doigt dans le caca!
Ene zapet zola zilo!
ZERO!...
Do - ré - mi - fa - sol - la - si - do!...
Putza bero!
Ma semelle de soulier trouée!
Zéro!...
DO - RE - MI!... Vesse chaude!
Hanka makur hori,
FA - SOL - LA!...
2. EN REPONSE AUX LECONS DE L'ECOLE FRANCAISE
Xuxendu zakola!
Aprés la lecon d'histoire:
Do - ré - mi!...
Cette hanche tordue, NAPOLEON BONAPARTE!...
Fa - sol - lal...
Lui est devenue droite! Ehun zorri ta mila partz,
Taloz ase ta zalapart!
FIXE!...
Napoleon Bonaparte!...
Pipa pitz!
Cent poux et mille lentes,
Gave de galettes, (il)explose!
Fixe!...
Allume la pipe! BIBA ERREPUBLIKA!...
MAIS, MAIS MAIS!... Bazter guziak itzulipurdika!
Ardi kaka mehe! Vive la République!...
Tous les alentours (s'en vont) cul par dessus tete!
(1) Noter le tutoiement (féminin) dans ces deux phrases,
car on ne peut le rendre en Frangais. A la rigueur, iI faudrait LIBERTE, EGALITE, FRATERNITE!...
pouvoir dire: Hiru gezur horiek egiak balite!
...«Fille, tu as la poulette chétive qui a pondu....
....Fille, tu las qui chante quand méme.... Liberté, Egalité, Fraternité!...
Nous sommes donc en présence d'une particularité, sinon Si ces trois mensonges étaient des vérités!
d'une richesse de la langue basque. Elle permet en effet de
s'adresser á quelqu'un en lui disant tu ou vous, méme avec Source: Mes camarades d'école, á St.-Jean-Pied-de-Port,
des phrases aussi anodines que: .11 fait beau temps.. á Esterenpuby, et aux Aldudes, 1920 - 1926.
100 PIERRE DUNYPÉTRE (18)

Tout en .chantant» la Table de Multiplica- Un, deux, trois, quatre!...


tion: Autant d'incisives que l'áne!

SIX FOIX SIX, TRENTE SIX!... Les Bas -Navarrais disent généralement.
Eihalarreko Frantxix, BOST. Alors, ils se moquent ainsi de certains
Zaldiak ezin heziz, Basques qui prononcent: BORTZ.
Putar eta jauziz,
Untzi guziak hautsiz! BIHAR ARTIO!...
Egon xutik eror artio!
Si fois six, trente six!...
Francois de Saint-Michel, A demain!...
Ne pouvant dompter ses chevaux, Reste debout jusqu'á tomber!
Par ruades et par bonds,
Brisant tous les récipiens! ESKER MILA!...
II convient de préciser que le personnage Behar duzularik, zato ene bile!
basque prénommé «Frantxix», était entré vivant Mille fois merci!...
dans la légende, parmi les petits écoliers du En cas de besoin, venez me chercher!
Pays de Cize, vers les années 1920. C'était un
des derniers «Charretiers» de la region, car les HUN DAIZULA!...
transports étaient encore hippomobiles. Ez da Garizuma!

Les enfants des villages étaient ameutés Bien vous fasse!...


par le vacarme infernal que faisaient ses atte- Ce nest pas le Careme!
lages tout bruissants de sonnailles sur les Che- ZER INPORTA?...
mins rocailleux des vallées navarraises, á repo- Ziliporta!
que oú les roues étaient cerclées de fer. Et
la montagne retentissait joyeusement des Quelle importance?...
'Hial... Hial...» qu'il criait pour exciter ses Eclaboussure!
chevaux, tandis que les claquements de son GANTXIGOR!...
fouet ressemblaient á des coups de feu! Bref, Leherrin hor!
le passage périodique de Frantxix, dressé sur
son char comme un guerrier antique, consti- Rillettes!...
tuait toujours un événement á ne pas manquer. Créve lb!

Source: Mes camarades d'école, a St.-Jean-Pied-de-Port, Source: Famille Clement HARITSCHiELHAR, 1958, á St-
á Esterenguby, et aux Aldudes, 1920 - 1926. Jean-Pied-de-Port.

HAU ZER DA ?...


Sokarik ez denian, zerda!
POUR RIRE DE QUELQUES
EXPRESSIONS BASQUES Qu'est-ce que c'est que pa?...
S'il n'y a pas de corde, (c'est) du crin!
GARAZI!...
Han sortu ta hazi, ZER DA OFIZIALE?...
Nigarrak ahatzi, Ase ta kakile!
Hil artio bizi! Qu'est-ce que ('artisan?...
Pays de Cize!... Repu, et envie de faire caca!
Lá-bas né et élevé,
Les pleurs oubliés, KURUTX ALA PIL?...
Vivons (bien) jusqu'á la mort! 1purdia biribil!

Formulette entendue a Saint-Jean-Pied-de- Pile ou face?...


Port, parmi les cris de joie de l'ancien Carna- Le derriere rond!
val basque, au temps oú les fetes se dérou-
BARKATU!...
laient surtout dans la rue.
Ez da bekatu!
Source: Mes souvenirs d'enfance, de 1920 á 1926, Fami-
Ile DUNY-PÉTRÉ - CARRICABURU - Rue d'Espagne a Pardon!... (Quand on derange une personne)
Saint-Jean-Pied-de-Port. 11 n'y a pas de péché! (En guise de réponse)

BAT, BIGA, HIRU, LAU, BORTZ!... BARATZIAN PORRU!...


Astoak bezanbat hortz! Tripan mils debru!
(19) XIRULA • MIRULA 101

Au jardin, du poireau!... Mais l'ambiance rustique ne perd jamais ses


Dans le ventre, mille diables! droits:
BARATZIAN AZA!... Intziri eta intziri!...
Ta geroztik putza! Astoaren putza hiri,
Behiaren esnia niri,
Au jardin, du chou!...
Et par suite, la vesse! Zirri - mirri!...
Gémissement et gémissement!...
BARATZIAN PEREXILA!...
La vesse de l'Sne pour toi,
Dena ixil-ixila! Le lait de la vache pour moi,
Zirri - mirri! (1)
Au jardin, du persil!...
Tout (est) silencieux! Source: Mes camarades d'école, á St.-Jean-Pied-de-Port,
á Esterencuby, et aux Aldudes, 1920 - 1926.
Source: Mes souvenirs d'enfance, de 1920 á 1926, Fami-
lies DUNY-PÉTRÉ - CARRICABURU - Rue d'Espagne á Le petit maraudeur, surpris sur un cerisier:
Saint-Jean-Pied-de-Port.
Nausiak, ohartia delarik:
Ttin - ttin!...
POUR FAIRE BISQUER Nik ikusi Pattin!
Le propriétaire, alerté:
En montrant avec ostentation une friandise• Ttin - tti.n!... (2)
Moi j'ai vu petit Martin!
Han - hal...
Nik ba, Haurrak, lotuz ihesari:
Hik ez! Ttan -ttan!...
Nik gereziak jan!
Han - hal... (1)
Moi oui, L'enfant, en se sauvant:
Toi non! Ttan - ttan!... (2)
Moi j'ai mangé les cerises!
Riposte éventuelle:
Nausiak, haurraren ondotik:
Kakin, eta jeus ez!
Ago, ago!...
Aprés avoir fait caca, plus rien! Debrien mutiko txarra!

A l'égard d'un gros garcon qui mange trop: Le propiétaire (allant) aprés l'enfant:
Attends, attends!...
Han • ha Pottolo!... Mauvais petit garcon du diable!
Jan duk tripota, Source: Mes souvenirs d'enfance, de 1920 á 1926, Fami-
Oral, ase ta lo, lies DUNY-PÉTRÉ - CARRICABURU - Rue d'Espagne á
Saint-Jean-Pied-de-Port.
Gerortik zaparta!
Les parents aussi, se laissent prendre au
Han - ha Pottolo!...
Tu as mangé le boudin, jeu des formulettes, quand ils réprimandent
Maintenant, repu et endormi, leurs enfants paresseux:
Ensuite, éclatement!
Muttiko - puttiko,
Toujours dans le domaine de la nourriture: Nekatto - mekatto,
Axola guttiko,
Trilili ala tralalal...
Ta lana biharko!...
Kantu guzien ama da.
Nik ogi eta xingarra, Garconnet - petit garcon,
Hik idi baten adarra. Fillette - petite fille,
Peu sérieux,
Trilili ala tralala! Et le travail pour demain!...
Trilili ou bien tralalal...
(1) Zirri - mirri!... Exclamation puerile pour narguer, mais
C'est la mere de toutes les chansons. surtout pour obtenir une rime en ri.
Moi, du pain et du jambon, En réalité, it existe une expression: zirri - marra, que Ion
Toi, la corve d'un boeuf. emploie pour caractériser une écriture illisible. On designe
Trilili ou bien tralala! aussi de cette facon un mauvais dessin oú ['enfant s'est con-
tenté de griffonner des traits dans tous les sens.
(2) Ttin - ttin!... Ttan - ttan!... Exclamations puériles, parais-
(I) Han - hal... Exclamation puerile pour narguer. sant imiter le tintement d'une clochette qui donnerait ['alarme.
102 PIERRE DUNYPÉTRÉ (20)

II enfants avaient pris ('habitude de reciter en


choeur diverses lecons, la Table de Multipli-
COMPTINES
cation, ou méme la liste des Préfectures et
OU
des Sous-Préfectures départementales, tout ce-
FORMULES D'ELIMINATION
la sur un certain ton de rengaine consacré par
une longue tradition. C'est donc sur ce méme
EXPLICATIONS PRELIMINAIRES
«air» lancinant et monotone, que la comptine
était habituellement débitée, selon la cadence
Mode d'emploi pour les garcons
voulue, tandis que la main du meneur de jeu
ou le role du beret...
battait en quelque sorte la mesure lorsqu'elle
Les petits garcons qui veulent pratiquer un retombait sur les doigts accrochés au beret.
jeu collectif, se rassemblent en cercle, debout,
et serrés au coude á coude. Le meneur de jeu, Signification des mots ou des phrases
qui fait aussi partie du groupe, présente alors
son beret á plat, avec l'ouverture tournée vers Ainsi que le remarquent tous ceux qui étu-
le haut. Chacun des enfants place sons index dient les jeux enfantins, it serait inutile et me-
me ridicule de vouloir traduire des comptines
en crochet dans ('entrée du beret, en tirant
en langage clair. C'est qu'on se trouve ici en
légérement de facon que la coiffure se main-
presence de la plus pure creation fantaisiste.
tienne sur un plan horizontal.
L'imagination des enfants semble parfois se
Des que les doigts sont en place, le me- déchainer jusqu'á l'absurdité, dans une inco-
neur de jeu recite le formule d'élimination. A herence endiablée, ne donnant de valeur qu'á
chaque mot prononcé, —ou á chaque syllabe la musique des mots, á la sonorité des excla-
selon les besoins du rythme—, il frappe avec mations, aux onomatopées qu'ils inventent
sa main demeurée libre un index different, en eux-mémes, le tout enrobé malicieusement
commencant par le sien et en allant de gauche d'une certaine mystification...
á droite. L'enfant dont ('index es touché á ('ins-
N'est-ce pas d'ailleurs grace au rythme plus
tant où le dernier mot est articulé, se retire
ou moins heurté de syllabes privilégiées que
du cercle.
les petits arrivent á «compter» autrement qu'en
Le meneur de jeu recommence alors sa re- énumérant froidement la série des chiffres or-
citation, et continue á officier ainsi, méme dinaires par exemple de un á dix? II faut bien
quand par hasard il est lui-méme éliminé, et comprendre, en effet, que le ceremonial de la
cela jusqu'á ce qu'il ne reste plus qu'un seul formulette d'élimination, avec tout son rituel
enfant. C'est celui-lá qui devra engager le jeu amusant, est déjá por lui-méme une sorte de
proprement dit. jeu.

Mode d'emploi pour les filies


OUELOUES TEXTES
A ('époque où ces formulettes étaient uti- AVEC LA MANIERE DE LES RECITER
lisées, les filies étaient séparées des garcons,
et jouaient dans des tours de recreation diffé- XIRRIXTI - MIRRIXTI...
rentes. Or, elles ne portaient généralement pas
de beret. Mais elles avaient la ressource d'em- Voici probablement la comptine la plus ré-
prunter momentanément celui d'un garcon. A pandue parmi les enfants du Pays Basque Nord.
défaut d'une coiffure de ce genre, elles se ras Elle a dú rester vivante dans beaucoup de me-
tercie, comme ii-semblaintqudée moires, et c'est pourquoi nous la citons avant
est indiqué ci-dessus. Celle qui menait le jeu toutes les autres:
récitait la comptine. En prononcant chaque mot,
Xirrixti - mirrixti, gerrenian plat, oilo zopa,
elle touchait á la ronde la poitrine de ses com-
kikiri salda, urrup edan, edo klik!
pagnes, en commencant par la sienne, et ('eli-
mination se faisait ainsi sans probléme. Xirrixti - mirrixti, (1) á la broche le plat,
coupe de poule, tasse de bouillon, bue en aspirant,
ou avalée d'un trait!
Intonation pour «chanter» les comptines

A proprement parler, il n'existe pas d'air (1) Xirrixti - mirrixti - Onomatopée évoquant sans doute
le grésillement d'une viande sur le feu.
qui permette de chanter véritablement ces for- Noter le redoublement avec l'initiale M. Nous l'avons déjá
mulettes. Mais, dans les écoles d'autrefois, les rencontré dans le refrain incantatoire: «Xirula - mirula». C'e5t
(21) XIRULA - MIRULA 103

Le meneur de jeu prononce la formulette ti - mirrixti, le vocabulaire nous introduit dans


en mettant ['accent sur la premiere syllabe des l'antique sukaldea d'une maison basque. Mais
mots, á ['instant précis où it touche l'un des ne devine-t-on pas surtout une amusante espie-
participants. Lorsque le mot n'a qu'une seule glerie des enfants qui jouent á “faire la cuisi-
syllabe, comme dans plat ou dans klik, it n'y a ne»? Quoi qu'il en soit, la formule se recite de
donc aucun probleme. la facon suivante:
Pour la clarté de ['explication, nous présen- 1 - Arianda GA 8 - Gatza
tons ci-apres cette méme comptine, mais en MA -• 2 - Marianda TA 9 - Talo
y ajoutant des chiffres qui montrent combien de SU -• 3 - Sukalde MA 10 - Malo
fois le meneur de jeu dolt poser sa main en ZA 4 - Zaharra ES 11 - Esne
comptant: KE 5- Kedar BE 12 - Bero
BE 6-Beltza BE-.13-Bertza
XI 1 - Xirristi KI -> 7 - Kikiri
BI -• 7 - Biper ZI -> 14 - Ziio
Ml 2 - Mirristi SA 8 - Salda
GE 3 - Gerrenian 9 - Urrup
4 - PLAT 10 - Edan BAGA, BIGA...
OI , 5-Oilo 11 - Edo
ZO 6 - Zopa 12 - KLIK Baga, biga, higa, laga, bosga, seiga,
Source: Mes camarades d'école, á St.-Jean-Pied-de-Port, zahi, zohi, bele, arma, tiro, punp!
á Esterencuby, et aux Aldudes, 1920 - 1926.
Baga, biga, higa, etc...
11 s'agit d'abord de huit mots fantaisistes
Remarque formes avec les premieres lettres des chiffres:
«un, deux, trois quatre, cinq, six, sept, huit....
Dans le recueil que Vinson publia au siècle Viennent ensuite les termes suivants:
dernier, le mot edan ne figure pas apres urrup. «corbeau, fusil, coup de feu, poump!»
Or, selon mes souvenirs d'enfance, edan exis-
Ici, la formule s'inspire sans aucun doute
tait bien á l'endroit où je l'ai place. Plus tard,
possible des efforts d'un enfant qui apprend á
les recherches que j'ai entreprises auprés de
compter, au moins jusqu'á huit... Quant aux der-
mes compatriotes n'ont fait que confirmer
niers mots, ils s'appliquent évidemment á un
['exactitude de ma version.
chasseur qui tire un coup de fusil.
II s'agirait donc lá d'un oubli, ou d'une erreur
dans la transcription du texte, en 1883. Par ailleurs, ce texte ne présente aucune di-
fficulté, et la prononciation s'articule ainsi:

BA 1 - Baga ZA 7 - Zahi
ARIANDA - MARIANDA...
BI -> 2 - Biga ZO 8 - Zohi
HI -> 3 - Higa BE , 9 - Bele
Arianda - marianda, sukalde zaharra, kedar
LA--•4-Laga 10 - Arma
beltza, biper, gatza, talo - malo, esne bero,
BO , 5 - Bosga TI->11-Tiro
bertza zilo!
SEI , 6 - Seiga 12 - PUNP
Arianda - marianda, (1) vieille cuisine, suie
noire, piment, sel, galette de mais, (2), lait chaud, Source: Mes camarades d'école, á St.-Jean-Pied-de-Port,
á Esterenguby, et aux Aldudes, 1920 - 1926.
chaudron troué!

Les mots de certaines comptines sont par-


fois inintelligibles. Néanmoins, it semble que FERRELA - MERRELA...
l'on puisse determiner l'idée générale de ce-
Ile-ci. Comme c'est le cas pour le célébre Xirrix- Ferrela - merrela, goporra - mokorra,
xikitun, xakatun, fuera!
que les Basques sent tres friands d'expressions de ce genre,
notamment lorsqu'il s'ag't de donner á la phrase une note plus Ferrela - merrela, (1) écuelle, crouton, (2)
ou moins pejorative. Citons par exemple: xikitun - xakatun, (3) dehors!
— Zoko - moko, pour caractériser les .coins et recoins».
— Hendi - mandi, pour qualifier «les grands de ce monde». (1) Ferrela - merrela - Ce redoublement avec M, semble
— Inguru - m := nguru, pour mieux décrire «les tours et detours.. reproduire le ronflement bizarre d'un jouet rustique basque
(1) Arianda - marianda - Onomatopée sans signification appelé: ferrela, ou encore: furruna. (Voir chapitre consacré
apparente, mais appréciée pour son euphonie. Avec encore un aux jouets).
redoublement precede de la lettre M, nous avons peut-titre lá (2) Goporra - mokorra - Noter l'utilisation du mot mokorra,
une sorte d'entrée en matiére ou de cri préliminaire, dont le «croiiton., pour constituer un redoublement avec M.
rele consisterait á capter ['attention des jeunes joueurs. (3) Xikitun - xakatun - II s'agirait ici dune sorte de re-
(2) Talo - malo - Autre redoublement avec M, qui apporte- frain exclamatif, que Ion retrouve á peu pros parmi les pa-
rait cette fois une idee d'abondance: «un tas de galettes». roles d'un air de fandango tres connu: «Airetun xikitunl...»
104 PIERRE DUNYPÉTRÉ (22)

Avec xikitun et fuera, on sent déjá le voisi- HARLA - MARLA...


nage de la frontiere espagnole. Mais ('imagina-
tion débridée des enfants basques se soucie Harla - marta,
fort peu de ces considerations. II leur suffit, Kin, koan, kin,
en somme, que les mots soient euphoniques et Bortan zela,
faciles á prononcer. On les énumére donc en Bortan min,
classant les syllabes comme it suit: Segera - megera, kirun, karun, pek!
Harta - marta, (1) kin, koan, kin, (2)
FE -^^ 1 - Ferrela XI 5 - Xikitun
C'est qu'il était a la porte,
ME 2 - Merrela XA 6 - Xakatun A la porte, souffrant,
GO 3 - Goporra FUE -* 7 - Fuera Segera - megera, kirun, karun, pek! (3)
MO 4 - Mokorra
Agrémentée de quelques exclamations in-
traduisibles, cette formule n'évoquerait -elle pas
HARRIOLA - MARRIOLA... un animal sauvage pris au piége, et qui réussi-
rait, non sans mal, á forcer la porte de sa pri-
Harriola - marriola, orratza zorrotza, xixta son pour s'chapper? Mais n'insistons pas trop,
gaitza, hari txarra, tira - bira, zirrin - zarran, eta car alors nous détruirions tout le mystere au-
zart! quel nos petits tiennent tant.

Harriola - marriola, (1) aiguille pointue, pigüre En ce qui concerne la forme, ce texte est
douloureuse, tit mauvais, tiraillement, en partie versifié. Aussi, existe -t-il exceptionne-
zirrin - zarran, (2) et zart! (3) Ilement un air pour chanter le quatrain qui pre-
Le sujet de cette comptine aurait pour ori- cede la phrase terminals, et dont les rimes sont
gine l'activité d'une couturiere, si I'on conside- en la et en in. Le reste se recite avec la mono-
re l'aiguille que Ion plante, ou le fil que Ion tonie habituelle.
tire trop fort, et qui se casse... En outre, les Comme précédemment, le meneur de jeu
onomatopées présentent un certain caractere tient toujours compte du rythme et de la so-
comique, car on peut supposer que les enfants norité des premieres syllabes. Mais. dans le
ont observé, á maintes reprises, les signes cas present, du fait de la versification, it est
d'agacement que manifeste une personne qui oblige de faire correspondre:
coud, lorsqu'elle se pique avec son aiguille,
...kin, koan, kin...
lorsque le fil est de mauvaise qualité, etc...
á I'équivalent euphonique:
La recitation doit se faire selon les modali-
tés indiquées ci-dessous: ...bor - tan - min...

HA 1 - Harriola TXA --> 8 - Txarra D'ailleurs, voici ce que donne cette comptine
MA 1 - Marriola TI 9 - Tira dans la bouche des enfants:
OR -* 3 - Orratza BI 10 - Bira
1 - HArla 9-TAN
ZO -> 4 - Zorrotza ZI 11 - Zirrin
2 - MArla 10 - MIN
XIX 5 - Xixta ZA 12 - Zarran
3 - KIN 11 - SEgera
GAI > 6 - Gaitza 13 . Eta
4-KOAN 12 - MEgera
HA -> 7 - Hari 14 - ZART
5- KIN 13 - Klrun
Source: Mes camarade3 d'3c3le, á J ^ ?nt-Jean-Pied- !e-Port, 6 - BOrtan 14 - KArun
á Esterencuby, et aux Aldudes, 1920 - 1926. ZE-•7-Zela 15-PEK
8 - BOR
(1) Harriola - marricIa - Onomatopée préliminaire, et re-
doublement avec M, sans signification apparente, mais tres Source: Mes camarades d'école, á Saint-Jean-Pied-de-Port,
musicale. á Esterenguby, et aux Aldudes, 1920 - 1926.
Le mot harriola, se traduit par: «atelier de tailleur de pie-
rre•. II n'a donc ricn á voir avec le reste de la comptine. avec sa truelle sur les jointures des pierres, et qui s'écrase
C'est pourquoi nous avons pensé plutót á une expression ima- en faisant: tart!...
ginée par les petits, et dérivée du verbe har, hartu, qui signi (1) Harta - arta - Noter toujours le redoublement avec M.
fie: «prendre ou capturen.. Car dans beaucoup de jeux enfan- La premiere syllabe ne rappellerait -elle pas har, ou harte, dans
tins, it s'agit d'attraper ou de toucher un adversaire. le sens de prise ou de capture?
(2) Zirrin - zarran - Exprime le frottement ou la déchirure. (2) Kin, koan, kin - Selon la supcsition qui vient d'être
(3) Zart!... Evocation d'une cassure séche et brutale, ou faite, ces exclamations sonores pourraient représenter les
bien d'un écrasement. chocs bruyants assénés par le captif contre la porte.
Grace á ('exclamation zart, qui traduit un bruit assez ca- (3) Segera - megera, kirun, karun, pek! - Ici, le redouble-
ractéristique, les Basques ont créé le verbe zartatzea: «crépir ment avec M de segera exprimerait le bruit que I'on fait en
un mur.. Car on pense alors au mortier que lance le mapon sciant ou en rongeant quelque chose. Quant á I'onomatopée sui-
(23) XIRULA - MIRULA 105

XEDERA - MEDERA... AUTRES MOYENS D'ELIMINATION

Xedera - medera, gohora, behera, harat, I. En jouant a «pile ou face»


hunat, zoko - moko, paso, bota, punpa, jo!
Avec une piece de monnaie. Celui qui lan-
Xedera - meJera, (1) en haut, en has, ce cette piece en fair s'écrie:
par lá, par ici, coin et recoin, coup (de la main
nue), lancement (de la pelote), rebond, frappe! (2) Kurutx ala pil?
Le jeu de paume, avec la pelote qui bondit Croix (1) ou pile?
dans tous les coins de la Place ou du Trin-
quet, paraissent avoir été le theme de cette Avec une petite pierre plate, dont on a préa-
formulette. En outre, it est possible d'en loca lablement mouillé une face. Celui qui la fait
liser l'origine au Pays de Cize, vu la presence tournoyer en l'air s'écrie:
du mot gohora qui, grace á ses trois syllabes,
Idor ala busti?
s'accouple harmonieusement á behera. Ailleurs,
les Basques prononceraient plutót: gora, en Sec ou mouillé?
deux syllabes.

Et voici ce que donne la recitation: li. En jouant a la «courte paille»

1 - XEdera 7 - ZOko Celui qui présente les brins de paille, ou


2 - MEdera 8 - MOko autres batonnets, dont on cache la partie in-
3 - GOhora 9 - PAso férieure, s'écrie:
4 - BEhera 10 - BOta Xotx ala motx?
5 - HArat 11 - PUNpa
6 - HUnat 12-JO Tige (entiére) ou écourtée?

Source: Mes camarades d'école, a Saint-Jean-Pied-de-Port, Source: Mes camarades d'école, á Saint-Jean-Pied-de-Port,
á Esterencuby, et aux Aldudes, 1920 - 1926. á Esterencuby, et aux Aldudes, 1920 - 1926.

L'ENFANT BASQUE ET LE JEU PROPREMENT DIT


I. QUELQUES JEUX COLLECTIFS ENFANTINS
II. QUELQUES JOUETS CONFECTIONNES PAR L'ENFANT

ont méme disparu lorsque la langue basque


QUELQUES JEUX COLLECTIFS ENFANTINS fut chassée des cours de recreation, ou enco-
re lorsque le beret cessa d'être porté unifor-
Aprés les comptines, les jeux!... Mais en mément par les garcons, ce pauvre beret qui
évoquant les jeux de l'enfant basque, la plupart servait á tout et qui trainait partout!
des gens pensent aussitót á la pelote. lei ce- De nos jours, on a ('impression que le ri-
pendant, la priorité a été donnée aux amuse- che heritage d'un passé relativement recent a
ments qui ont tendance á disparaitre, et qui été négligé, délaissé, oublié, au profit de quel-
ques divertissements cotiteux et d'origine étran-
vante, kirun, karun, elle traduirait un raclement. Tant et si
bien que nous aboutissons á la rupture avec pek! Le piége se- gére. Lá comme ailleurs, lie faut-il pas déplo-
rait alors brisé, avec comme consequence l'évasion... rer les méfaits des vogues ou des modes im-
Mais tout ceci nest qu'une hypothése, et le mystére en-
fantin demeure!
posées dans des buts mercantiles, et qui, au
(1) Xedera - medera - Le mot basque xedera signifie « la- nom d'un soi-disant «progrés», ne font qu'abru-
cet., dans le sens de «collet de chasse», et n'a donc rien de tir les malheureux provinciaux, détruisant á
commun avec le reste de la formulette. Mais, grace au redou-
blement avec M, on pourrait penser á la rengaine que repré- coup stir leur originalité, leur couleur locale,
sente certaines phases monotones du jeu de pelote á main et finalement leur culture?
nue, lorsque la baile circule inlassablement d'un joueur á
l'autre, au gré des carambolages du atrinquet. ou des longs Dans bien des cas, hélas, les jeux tradition-
échanges de la aplace libre.
(2) L'exclamation jo! représente l'impératif du verbe fra-
pper. Mais c'est en méme temps le cri que pousse le joueur (1) Beaucoup de monnaies anciennes présentaient une
de paume placé prés du mur, au moment oú il lance la pe- Croix ornementale, (croix de Malte, croix tréflée, ancrée ou
lote vers son adversaire. fleurdelisée), au lieu de l'effigie d'un souverain.
106 PIERRE DUNYPÉTRÉ (24)

nels de nos enfants n'existent plus que parmi Celui-lá se trouve penalise. D'abord parce
les souvenirs lointains et nébuleux de leurs qu'il prend la place du garcon chargé de faire
ainés. II faudrait pourtant essayer de reproduire rouler la baile vers le pied du mur, au risque
('ambiance des anciennes reunions enfantines, de la faire entrer malencontreusement dans son
lá oú les «grands» étaient tout fiers d'expliquer propre beret. Mais surtout parce qu'il se volt
les secrets d'un jeu á leurs camarades plus infliger «un One», asto bat... C'est un petit cai-
petits, car ils se sentaient véritablement por Ilou que Ion depose dans son beret, et qui vaut
ancestrales qu'il ne failait-teursdpatiques un point.
pas laisser tomber en desuetude.
Or, le premier des joueurs assez malchan-
Malheureusement, on ne trouvera, ci-aprés, ceux pour totaliser cinq points, (materialises
que quelques souvenirs personnels. Mais peut par cinq cailloux), est proclamé «Roi des Anes»,
-titre inciteront- ils les autres Basques á Astoen Erregea. C'est le perdant de la partie.
rechercher, chacun de leur cote, les anciens Sous les huées de ses camarades, it s'immo-
amusements qui avaient charmé leurs jeunes bilise au pied du mur devant lequel it courbe
années. Ne serait-il pas criminel de priver nos l'échine en présentant son derriere aux autre
petits de ces premiers elements de leur «bas- joueurs. Ceux-ci, reculent d'une dizaine de pas,
quitude»? et s'emparent de la pelote á tour de role pour
la lancer contre les fesses du patient. C'est une
fawn comme une autre d'exercer leur adresse...
ASTOEN JOKOA
Aprés cet interméde tragi-comique, une nou-
.LE JEU DES ,ONES.
velle partie est engagée dans les memes con-
Cet amusement ne semble pas avoir d'équi- ditions que précédemment.
valent dans d'autres regions francaises. Pour Source: Mes camarades d'école, á Saint-Jean-Pied-de-Port,
les besoins du bilinguisme, les enfants disaient á Esterencuby, et aux Aldudes, 1920 - 1926.
alors qu'ils allaient «jouer aux Ones....
Si l'on veut pratiquer ce jeu, it faut d'abord AXKENKA
disposer d'une pelote, étant entendu par ailleurs <.A S' ATTRAPER»
que chacun possede un beret. Généralement,
le groupe des joueurs comprend cinq á six gar- Voici un jeu qui correspond au Francais:
cons, ou davantage. Afin de designer celui qui «Jouer á la poursuite», ou encore: «Jouer á
prendra en main la pelote, on procéde á l'élimi- s'attraper». Axken, diminutif de azken, signifie
nation des autres participants, selon le rite des «dernier». Ce mot fait sans doute allusion au
comptines. Ensuite, tous les berets sont alig- vainqueur de la partie, c'est á dire á celui qui
nés par terre, au pied d'un mur ou d'un talus, a été assez dégourdi pour rester le dernier en
serrés les uns contre les autres et bien ouverts, liberté, alors que tous les autres ont été pris.
de facon que la pelote puisse entrer sans obs-
tacle. Afin d'annoncer le début des operations, ('en-
fant qui est designé pour courir aprés les au-
Le joueur qui tient la pelote se place á une
tres, crie le signal versifié suivant:
dizaine de pas des berets ranges devant lui.
II lance la baile vers ces coiffures, en la faisant Bali!...
rouler doucement afin qu'elle puisse s'immo- Atxemanak oro kali!
biliser dans l'une quelconque de celles-ci. Pen- C'est valable!...
dant ce temps, les autres enfants se tiennent Tous ceux qui sont pris, (sont) assommés!
prtts á intervenir le plus rapidement possible,
car si la pelote entre dans le beret de l'un d'eux, Les fugitifs se dispersent alors dans toutes
it doit aussitot la lancer sur un joueur, avant les directions, pour échapper á celui qui dolt
que celui -ci ne s'échappe trop loin-, toute les poursuivre, et que nous appellerons par
la bande s'étant alors dispersée comme une exemple: Manex. De temps en temps, it arrive
volée de moineaux. S'il a été assez habite pour qu'un enfant particuliérement agile, et par bra-
frapper un de ses camarades d'un coup de pe- vade, lance un défi á Manex en criant:
lote, c'est au joueur touché qu'il appartient d'en Hope Manex! Hope!...
atteindre un autre en lancant á son tour la ba-
Chiche Jeannot! Chiche!...
Ile, et ainsi de suite jusqu'á ce qu'un des en-
fants manque son coup. Quand un fugitif a été touché par le pour-
(25) XIRULA - MIRULA 107

suivant, it donne la main á son vainqueur, et — Aveugle - aveugle, (1)


tous les deux joignent leurs effort pour attein- Oú as -tu la pelote?
dre un autre enfant. Ce qui fait que, vers la fin — Ici, je 1'ai!
de la partie, c'est une longue chaine qui balaie — Lance-lá de ce c6té!
littéralement l'aire de jeu. Aussi, les rescapés Alors, l'enfant qui a les yeux bandés peut
ont-ils de plus en plus de mal á garder leur se hasarder á lancer sa pelote dans la direc-
liberté. tion de ceux qui l'interpellent ainsi. Quand I'un
Lorsqu'un joueur est fatigué, blessé, ou qu'il des joueurs est atteint, il est condamné á pren-
doit interrompre le jeu pour une raison valable, dre la place de I'aveugle. En cas d'échec, on
il se met á crier: rend la pelote au malchanceux, et la partie re-
commence.
Itxu!...
Source: Mes camarades d'école, á Saint-Jean-Pied-de-Port,
Aveugle!... á Esterencuby, et aux Aldudes, 1920 - 1926.

En Francais, cela voudrait dire: «Pouce!» Une


tréve est alors accordée, exceptionnellement. ITZULIPURDI MARTIN
A LA CULBUTE

ITSU - MANDOKA edo ITSU - ASTOKA Dans quelques villages montagnards, les pe-
COLIN - MALLARD. (1) tits Basques appellent Itzulipurdi Martin, la cul-
bute que font parfois deux béliers antagonis-
Que l'aveugle soit un mulet ou un áne, nous tes, á la suite de leur charge furieuse„ l'un
avons l á deux appellations equivalentes du jeu contre l'autre, et tete baissée. C'est que, sous
de «Colin - Maillard» et de ses variantes. la violence du choc, ces animaux effectuent
Premiere facon de jouer. un tour complet sur eux-mémes, —itzulipurdia—,
avant de se retrouver sur leurs pattes. Tradi-
Celui qui a les yeux bandée, Itsua, doit sai- ditionnellement, le bélier, marroa ou aharia, est
sir et reconnaitre, á tátons, un de ses camara- affublé du prénom de «MARTIN».
des. S'il n'a pas deviné, on I'avertit qu'il se
trompe par trois battements de mains. S'il Les enfants, impressionnés et admiratifs de-
s'aprroche dangereusement d'un obstacle, on vent l'impétuosité de cette bete, s'écrient cha-
lui crie, selon le cas: que fois qu'ils s'amusent á faire des cabrioles
dans l'herbe:
Kasu eskuin!... Kasu ezker!... ou bien: Geldi!...
ltzulipurdi Martin!...
Attention á droite!... Attention a gauche!... Halte!..
Culbute, Martin!...
Source: Mes camarades d'école, á Saint-Jean-Pied-de-Port,
á Esterenguby, et aux Aldudes, 1920 - 1926. Mais autant que possible en évitant de se
cogner la tete...
Lorsqu'un des joueurs a été pris et identifié,
c'est lui qui devient á son tour itsua. Et le jeu
continue. KOSK! MARTIN KOSK!...
Seconde fagon de jouer. A COSSE BELIER

Une variante de cet amusement consiste á Sans quitter la bergerie basque et ses bé-
mettre une pelote entre les mains de ['enfant liers, notons ce qui arrive lorsque deux enfants
qui a les yeux bandés. Ses camarades les plus se cognent accidentellement la tete au cours
hardis s'approchent sans éveiller son attention, de leurs jeux, et que la douleur ressentie fait
et lui donnent une tape dans le dos tout en pro- naitre des pleurs. On parvient aussitót á faire
voquant le dialogue suivant: rire les deux infortunés en leur criant:
— Itsu-mitsua, Kosk! Martin kosk!...
Nun duk pilota? ou bien:
— Hementxe diat! Kosk! Marro kosk!...
— Botazak hunat!
(1) Redoublement aec M, pour marquer, semble-t-il, une
certaine insistance. Cela pourrait vouloir dire: «Aveugle, oui_
(1) Littéralement: «A mulet aveugle= ou «A tine aveugleA. aveugle!..
108 PIERRE DUNYPÉTRÉ (26)

Cosse! Martin cosse!... pas á mettre une épingle sur le poing de l'en-
Cosse! Bélier cosse!... fant qui lui fait face. Pour gagner, it taut sim-
Et le mal est tres vite oublié. plement qu'il devine si l'épingle cachée tourne
sa «pointe» ou son «cul» en direction du pouce.
Source: Mes souvenirs d'enfance, de 1920 á 1926, Fami-
Car s'il se trompe, it a perdu, et c'est lui qui
Ile DUNY-PÉTRÉ - CARRICABURU - Rue d'Espagne á
Saint-Jean-Pied-de-Port. doit donner une épingle.

Remarque d'ordre linguistique.


IXKILIMAK edo PUNTTAKOAK
II est curieux de retrouver, dans le langage
Voici maintenant le «Jeu des épingles». Les populaire basque, une expression pittoresque
commergants de nos villages vendaient autre- et moqueuse dérivée de ce petit amusement
fois non seulement des billes mais aussi des enfantin. On peut entendre encore de nos jours,
«épingles á jouer». Elles étaient munies d'une notamment á Garazi, la phrase exciamative sui-
grosse tete ronde et colorée, rouge, verte, jau- vante:
ne, bleue, etc... A défaut d'épingles, on utili- — Punitalakulian zuxun, gaixoal...
sait souvent des plumes d'écolier: punttakoak.
Tout était tres simple pour les joueurs, et par- Ce que l'on pourrait traduire par: «II était
fois it n'était méme pas nécessaire de s'adres- perplexe, hesitant, le pauvre!...» Ou encore par:
ser la parole. C'est qu'il existait deux facons «II ne savait plus sur quel pied danser!...»
de jouer.

1. Sans poser de questions. KADERAN TTOTTO


DANS LA CHAISE, ASS1S
Un des enfants tient une épingle dissimulée
á l'intérieur du poing qu'il présente á son ad-
Au cours des jeux collectifs, lorsqu'un en-
versaire. L'épingle cachée est disposée perpen-
fant se fait mal en tombant et qu'il éprouve des
diculairement aux doigts... L'adversaire, qui
difficultés pour marcher, ses camarades vont
tient une épingle entre le pouce et l'index, po-
á son secours. Deux d'entre eux, parmi les plus
se celle-ci sur le poing de l'autre enfant, mais
vigoureux, croisent leurs mains en se serrant
dans la partie de la main qui nest pas fermée,
mutuellement les poignets. Cela permet de fai-
c'est á dire vers le poignet. Cette seconde épin-
re une «chaise percée», sur laquelle on fait as-
gle est placée, elle aussi, perpendiculairement
seoir le malchanceux.
aux doigts, donc parallelement á celle qui est
cachée dans le poing. Généralement, it n'y a pas grand mal, et
c'est triomphalement que l'on transporte le
Des que les deux épingles sont en place,
«blessé» en criant sur fair traditionnel de: «la
la main est ouverte et l'on procede aux verifi-
table de multiplication»:
cations...
Kaderan ttotto!...
— Si les deux pointes sont du méme cóté,
Kaderan xilo,
l'enfant qui avait le poing fermé a perdu, et ii
Eria dago,
donne les deux épingles.
Gaizo potolo!
— Si l'épingle a été posée dans le sens in-
Dans la chaise, assis!...
verse de celle qui était cachée, c'est l'adver- Dans la chaise le trou,
saire qui a perdu. II ne peut donc «retirer son Malade il se trouve
épingle du jeu», et le premier joueur conserve Le pauvre potolo! (1)
les deux épingles.
Et tous les autres enfants reprennent inlas-
sablement en choeur cette esp%ce de «chan-
2. En posant la question: .Puntt ala kulo?». son scie», tandis que les porteurs n'en finissent
Cet amusement prend alors le nom bizarre plus de promener le patient, á la grande joie de
basco-hispanique dit par l'enfant qui cache celui-ci.
l'épingle dans son poing:
(1) Potolo, ou son diminutif pottolo: Potelé, petit gros.
— Puntt ala kulo?... «La pointe ou le cul?...» Ce mot s'emploie parfois sur un ton moqueur. Mais lorsqu'il
s'adresse á un enfant, it exprime aussi la tendresse ou la
Au cours de ce jeu, l'adversaire n'a donc compassion.
(27) XIRULA-MIRULA 109

KANIKAK gagne toutes les billes que l'autre enfant dissi-


LES BILLES mulait.

— Si le devin s'est trompé, et que par exem-


Jouer aux billes n'a rien de spécialement
ple it annonce deux au lieu de quatre, it donne
basque. Cependant, it existait parmi nos enfants
á son adversaire la difference, c'est á dire deux
quelques cris poussés par les joueurs á l'occa-
billes.
sion d'une partie.

1. Au cours des jeux proprement dits. KONKOLOTX


En criant assez tot: «Bide garbi!...», on a le A CALIFOURCHON
drolt de bien dégager le terrain devant la bille
de l'adversaire. Ekar nezaxu konkolotx!... «Porte-moi sur ton
dos á califourchon!...»
Chemin propre!...
Les enfants s'amusaient ainsi á imiter les
Mais si celui-ci a crié préalablement: «Xiki-
nombreuses caravanes d'ánes ou de mulets qui
na bali!...», it peut s'opposer au nettoyage du
sillonnaient autrefois les chemins basques, á
sol, et c'est ainsi que sa bille reste sous la pro-
l'époque oú la motorisation n'avait pas rendu
tection des «saletés» existantes ou des divers
les gens si presses.
obstacles nature's.
Souvent, c'était le perdant d'un jeu collec-
Saleté valable!...
tif qui était condamné á porter konkolotx tous
Celui qui crie le premier: «Buxtan petik!...», ses camarades á tour de mole. «Arri, astoal...»
a méme le droit de jucher la bille adverse sur hurlaient alors les gamins déchainés. Et ils
un petit promontoire de terre, buxtana, qu'il fa- traversaient ainsi dans tous les sens leur te-
conne soigneusement. Des fors, il est evident rrain de jeu.
que la bille á atteindre devient tres vulnerable.
Hue, I'áne!...
Par dessous la petite queue!...
Source: Mes camarades d'école, á Saint-Jean-Pied-de-Port,
Source: Mes camarades d'école, á Saint-Jean-Pied-de-Port, á Esterenguby, et aux Aldudes, 1920 - 1926.
á Esterenguby, et aux Aldudes, 1920 - 1926.

2. Au cours d'un jeu de devinettes: KUKU - MIKUKA


«Zonbat ukabilian?». A CACHE - CACHE
Outre les jeux de billes traditionnels, dans
L'amusement que Ion designe ainsi n'est
lesquels l'adresse manuelle joue un role pri-
autre que le «Jeu de cache-cache», tel que les
mordial, il en existe un autre qui ne fait appel
enfants le pratiquent partout. Oui mais it y avait
qu'au hasard ou qu'á la ruse. II s'agit de devi-
une maniere basque de jouer, étant donne le
ner combien de billes se trouvent á l'intérieur
petit dialogue qui s'établissait alors entre les
de la main fermée d'un joueur.
enfants caches et celui qui était chargé de les
A la question posée: Zonbat ukabilian?... découvrir.
«Combien dans le poing?», l'enfant qui accepte
Des que tout le monde a disparo, et pour
de tenter sa chance commence par examiner
indiquer au «chercheur» qu'il peut entrer en
la main qu'on lui présente, et qui renferme appa-
action, quelques voix s'élevent en utilisant la
remment un certain nombre de billes. II faut
formulette suivante:
dire que celui qui interroge, cherche á trom-
per son adversaire, soit en gonflant demesure- Kuku - miku!...
ment son poing (pour faire croire á un grand Xoriak umiak ditu!
nombre de billes), soit en le serrant á I'extré-
Cache - cache!... (1)
me (comme s'il n'y avait presque rien dans la
L'oiseau a des petits!
main).
A tout hasard, le chercheur demande aussi-
Des qu'un chiffre est annoncé par l'enfant tot:
qui répond á la question de son camarade, ce-
lui-ci ouvre son poing... (1) Noter ici combien ce redoublement avec M est carac-
téristique de la langue basque, alors que la langue frangaise
— Si le devin a trouvé le nombre exact, it se contente de répéter le mot «cache».
110 PIERRE DUNYPÉTRÉ (28)

Nun ditu?... reste encore au moins un poussin derriere la


poule, c'est elle qui est gagnante. Ouand, au
Oú les a t il?...
- -

contraire, le milan a déjá réussi á capturer tous


Or. it arrive que, par bravade, et au risque les poussins, c'est lui le vainqueur.
d'être repéré, un joueur plus hardi que les au-
Source: Mes camarades d'école, á Saint-Jean-Pied-de-Port,
tres ose répliquer: á Esterencuby, et aux Aldudes, 1920 - 1926.
Hor dituk sasian,
Sudurraren pian!
SORGIN JOKOA
Tu les a dans la haie,
Sous le nez! LE JEU DE SORCIER

Le ton est ainsi donne. La partie se poursuit Avec un petit caillou dissimulable dans la
et s'achéve, tandis que chacun s'efforce d'être main, it est possible de se livrer au «Jeu du sor
le plus habile, le plus malin, ou le plus témé- Le beret lui-meme n'est pas indispensa--cier».
raire. ble, á condition toutefois de porter un tablier.

Le long d'un mur ou d'une cloture, les en-


MIRUA, OILOA, ETA XITAK fants s'assoient par terre «en tailleur», serrés
LE MILAN, LA POULE, ET LES POUSSINS
les uns contre les autres, et avec leur beret
posé sur leurs jambes repliées. A défaut de
Le «Jeu du milan, de la mere-poule et des beret, c'est le tablier que Ion relére de facon
poussins», fut sans doute imaginé par les petits a former une poche.
Basques de la montagne, grace á ('observation Devant la rangée des enfants assis, deux
des animaux. On va mimer ici le combat du mi-
autres joueurs se tiennent debout, designes
dan contre la poule qui defend sa couvée. Les
préalablement grace á une comptine, et dont
deux principaux acteurs sont, évidemment, le
voici les rdles:
milan et la poule, et vont étre selectionnés a
('aide des comptines.
1. Le premier joueur debout,
La «poule», des le début de la partie, fait
Muni du petit caillou, se met á circuler de-
face au «milan», tandis que derriere elle s'accro-
vant ses camarades demeurés assis. II se pen-
chent les «poussins». Ces derniers se tiennent
che vers chacun d'eux en faisant mine de ca-
tous par la taille, en une longue colonne mou-
cher le caillou dans les berets ou dans les ta-
vante.
bliers, et en recommandant á cheque enfant de
Le «milan», quant á lui, cherche á passer bien dissimuler la pierre. Pour cela, en passant,
derriere la «poule», afin de saisir le dernier it recite á haute voix la formule suivante:
des «poussins» pour le détacher de la chaine.
Harria, gorde, gorde, gorde!...
Cheque fois qu'il réussit á en arracher un, ce-
Harria, bero, bero, bero!...
lui-ci est considéré comme hors c:„) combat, et
la lutte continue. Caillou, cache, cache, cache!...
Caillou, chaud, chaud, chaud!...
Cependant, en déployant ses bras. la poule
essaie d'arreter le milan dans ses manoeuvres II opére ainsi plusieurs fois, tantót dans un
de débordement. Elle court vers la droite ou sens, tantót dans un autre, sous l'oeil attentif
vers la gauche, selon la direction de l'attaque. du second participant debout. Celui-ci se tient
Aussi, la longue file des poussins a-t -elle du á cinq ou six pas de lá, et ne dolt pas bouger
mal á rester soudée. II est evident que le moin- de son poste d'observation. Finalement, le cai-
dre mouvement de la poule se traduit, en queue llou a été déposé quelque part, et se trouve
de colonne, par des secousses et des galopa alors caché dans un beret ou dans un tablier.
tarde pas-deséorn tlemia
á profiter... 2. Le second joueur debout,
A moins d'une victoire rapide du milan, Entre alors en action. C'est le «sorcier», sor
c'était généralement le signal donne par un ar- ou le devin. II est chargé de mettre la-gina,
bitre, (ou par le Maitre d'Ecole pour mettre fin main sur le caillou. Mais it n'a pas le droit de
á la recreation), qui déterminait le vainqueur se tromper. Non seulement it a pu observer a
de la partie. Lorsque, á ce moment précis, II loisir le manége de son prédécesseur, ainsi que
(29) XIRULA-MIRULA 111

les réactions de ceux qui sont assis, mais it plan purement éducatif, ne serait-il pas urgent
se met lui aussi á passer en revue toute la de faire revivre quelques traditions enfantines
rangée des enfants. Tour á tour, iI pose sa d'aprés lesquelles chacun était capable de con-
main sur le front de chacun d'eux et, avec une fectionner son jouet? Est-ce vraiment un pro-
interrogation muette dans le regard, it recite: gres que de gayer littéralement nos petits avec
des objets tres compliqués, achetés á grand
— S'il se doute de quelque chose: frais chez les commercants? En agissant ainsi,
Izerdi, bero, bero, bero!... les parents contribuent non seulement á fer-
mer la porte á toute une imagination juvenile,
Sueur, chaude, chaude, chaude!...
mais á susciter parmi les enfants des senti-
— S'il ne suspecte rien: ments d'injustice et de jalousie vis á vis des
«fils á papa «trop bien nantis. Déjá!...
Izerdi, hotz, hotz, hotz!...
Sueur, froide, froide, froide!...
Pour ma part, je ne puis m'empecher de pen-
ser au magnifique et inappreciable cadeau que
II note alors soigneusement les réactions représentait un simple canif chez les enfants
des enfants assis, (rires, tremblements nerveux, de ma generation. Avec un couteau de poche.
rougeur, páleur, etc...) Bref, tout ce qui peut nous étions tous capables de fabriquer quelque
trahir la presence ou ('absence du caillou caché. chose en tailladant un morceau de bois. C'est
l'univers des inventions artistiques ou utilitai-
Finalement, le moment décisif approche, et
res qui s'offrait ainsi á nous, avec je ne sais
le sorcier se décide á mettre la main dans un quelle part de réve... Car it arrivait, bien sat. ,
beret ou dans un tablier. Deux cas peuvent alors
que ('objet realise soit loin de la perfection
se presenter: désirée. Mais on le trouvait quand méme satis
— Le sorcier s'est trompé. II n'a plus qu'á ce-faisnt,puq'l aorsdimgne
courber le dos. Car ses camarades vont lui qu'il aurait pu étre, en le regardant avec les
sauter dessus, á tour de role, afin qu'il les yeux de ('amour!
transporte «konkolotx», c'est á dire: á califour- Oú trouverait-on, de nos jours, l'équivalent
chon, sur un parcours determiné á l'avance. d'un pareil exercice intellectuel autant que ma-
Aprés cette épreuve, une autre partie peut re- nuel?
commencer, chacun conservant son role initial.

— Le sorcier a trouvé le caillou. II s'asseoit ABAILA


á la place de ['enfant qui avait la pierre dans
LA FRONDE
son beret. Cet enfant se leve pour prendre en
main le caillou et ensuite le dissimuler selon Ce mot désigne la fronde, telle qu'on la con-
le ceremonial indiqué précédemment. Quant au naissait de temps immemorial, et qui, selon les
joueur qui avait «mal caché le caillou», son historiens latins, était particuliérement redou-
manque d'habilité (ou de chance) est sanction- table entre les mains des guerriers Baleares.
né, car it devient alors sorcier, avec les ris- D'ailleurs, le mot abaila, ne rappellerait-il pas
ques que cela comporte. étymologiquement les Tles méditerranéennes où
Source: Mes camarades d'école, á Saint-Jean-Pied-de-Port, la fronde semble avoir été une arme nationals?
á Esterencuby, et aux Aldudes, 1920 - 1926. Cette question pourrait étre posée á nos sa-
vants linguistes.
Pour en revenir aux enfants basques, ils
II
n'ont éprouvé aucune difficulté pour fabriquer
QUELQUES JOUETS CONFECTIONNES des frondes. II suffisait d'attacher solidement
PAR L'ENFANT deux bouts de corde á un morceau de cuir ou
d'étoffe qui constituait la «bourse» destinée á
Dans ce chapitre, nous risquons encore contenir le projectile. Un des deux lacets était
d'énumérer des antiquités... Mais it faut espé- fixé au poignet á l'aide d'un noeud coulant, tan-
rer que les adultes d'aujourd'hui me pardon- dis que l'autre pouvait étre libéré brusquement
neront ces evocations, puisqu'elles vont leur en ouvrant la main au moment du lancer.
rappeler les souvenirs du trop fameux «bon
Et maintenant, gare á la casse!... C'est que
ieux temps».
('usage de la fronde ne doit étre toléré qu'en
Quoi qu'il en soit, si l'on se place sur le pleine campagne.
112 PIERRE DUNYPÉTRÉ (30)

ARTZAIN JOKOA Parmi les récoltes de la ferme basque, les


LE JEU DU BERGER enfants prélévent un potiron bien rond. Celui-ci,
dans sa position normale, est surmonté habitue-
Artzain jokoa, est une sorte de «Jeu de Da- Ilement par un trognon de «queue». A l'aide d'un
mes» primitif. Tracé sur un morceau de plan- couteau, on découpe circulairement, autour de
che ou de carton, le damier consiste en un ca- cette queue, une calotte qui représentera le
rré muni de ses diagonales et de ses média- couvercle du recipient réalisé en vidant la ci-
nes. Par consequent, it offre le méme aspect troui lle.
que l'écusson de la Navarre. On y ajoute par-
Ensuite, dans la paroi de cette grosse boule
fois un petit carré, attenant au grand, et qui
creuse, l'enfant plantera la pointe de son canif
représente «la bergerie», arditegia.
afín d'y percer deux «yeux», un «nez» et une
Comme pour le jeu de dames ou le jeu «bouche». A l'intérieur de la «tete» caricatura
d'échecs, les deux adversaires se font face, pen- une boujie allumée. -leainsobtue,ifxra
chés sur le dámier. L'un des joueurs représen- Alors, dans les ténébres, la citrouille au vi-
te le «loup», avec un seul pion. L'autre est le sage flamboyant sera posée sur un mur de clo-
«berger», avec trois pions qui figurent les mou- ture, au bord d'un chemin, ou méme perchée
tons. sur un pilier de portail, de facon á surprendre
Lorsque commence la partie, le loup se tierra les passants, tandis que les enfants, caches non
au centre du carré. Les moutons sont alignés loin de lá, imiteront les grognements d'une be-
au fond de celui-ci, du cote du berger. II s'agit te en colére...
pour le berger de faire passer les moutons sur Cet épouvantail rustique, qui hantait autre-
le bord opposé du carré, (ou de les faire entrer fois les crépuscules basques, était appelé Basa
dans la «bergerie»), sans que le loup puisse Jauna, car it semblait régner en maitre au mi-
les manger. lieu de la nuit, conformément aux atrributions
Précisons enfin que le loup et les moutons du fameux «Seigneur Sauvage» de nos légen-
se déplacent en suivant les lignes tracées sur des fantastiques, et pour la plus grande joie
le damier. Mais le loup peut circuler dans tou- des garnements ravis de l'effet produit.
tes les directions, tandis que les moutons n'évo-
luent qu'en avant ou latéralement. Bref, ils ne
peuent jamais revenir en arriére. FURRUNA (EDO FERRELA)
FURRUNA (2)
Source: Mes camarades d'école, á Saint-Jean-Pied-de-Port,
á Esterencuby, et aux Aldudes, 1920 - 1926.
Ces deux mots, employés concurrement se-
Ion les villages, sont manifestement des ono-
BASA JAUNA matopées, car ils évoquent le ronflement bizar-
re produit par une planchette rectangulaire que
LE SEIGNEUR SAUVAGE (1)
[enfant fait tournoyer au bout d'une ficelle.
Basa Jauna, est un amusement qui se prati- Avec son couteau, le petit Basque faponne
que pendant les longues soirées d'automne, tor- un éclat de bois ou un morceau de planche,
que la nuit tombe rapidement sur les montag- afín d'obtenir un rectangle d'environ 12 centi-
nes. Mais it faut aussi disposer d'une belle ci- metres sur 6 centimetres, l'épaisseur ne dépas-
trouille... sant pas 5 millimetres. De nos jours, on pou-
rrait fabriquer cet objet plus facilement qu'au-
(1) Basa Jauna, «le Seigneur Sauvage» - Personnage fan-
tastique de l'ancienne mythologie basque. On pourrait le com- trefois, en sciant un morceau de «contreplaqué».
parer aux divinités paiennes que sont les Faunes et les Syl- A l'une des extrémités du rectangle de bois, un
vains. II présente également certaines analogies avec le dieu
trou circulaire est percé avec la pointe du ca-
Pan des Grecs, car son domaine est essentiellement rustique.
D'aprés les légendes connues, le Seigneur Sauage des Bas- nif. Grace á cette ouverture, la planchette est
ques ne régne vraiment sur les montagnes et les bois que solidement fixée au bout d'une ficelle, longue
pendant la nuit. II peut aussi se manifester dans l'ombre des
cavernes, dans la brume ou le crépuscule. En tout cas, mal
d'un metre en moyenne.
-heurá('impdntqsareiholafndes
livrer a un travail rémunéré.
Muni de cet appareil, l'enfant saisit la fice-
Mais les bergers réussissent á s'attirer les bonnes graces Ile á l'extrémité de laquelle pend la planchette,
du terrible Basa Jauna, en lui laissant réguliérement un peu
de nourriture devant la cheminée de leur cabane, avant d'aller (2) Furruna, est un jouet fabriqué par l'enfant basque, et
dormir. Ainsi, le Seigneur Sauvage veillera toute la nuit sur qui ne semble pas avoir d'équivalent dans les autres région'
les troupeaux, de méme que sur l'outillege laissé dehors. de France.
(31) XIRULA - MIRULA 113

et se met á faire tournoyer celle-ci á toute vi- veritable fléche. Le résultat était d'aiileurs sen-
tesse, imitant en somme le geste accompli par sationnel. Tous les danseurs avaient alors droit
un frondeur. Alors, selon la rapidité avec laque a une plume plantée dans leur dos. Et chacun
un-Ilevirotmcaudbis,net se moquait du voisin, sans se douter qu'il était
ronflement sonore, qui s'amplifie pour ressem- I'objet des mémes rires!
bler finalement á un mugissement.
A ('époque des récoltes, ce bruit insolite MATXARDIA
avait le don de provoquer immédiatement la
LE LANCE - PIERRE
fuite éperdue des moineaux dans les jardins
potagers. De lá, pour les campagnards, l'utilité En langue basque, matxardia est un mot
évidente de cet amusement enfantin. qui s'applique généralement á tous les objets
Source: Mes camarades d'école, á Saint-Jean-Pied-de-Port, fourchus. Par exemple, it en est ainsi lors-
á Esterencuby, et aux Aldudes, 1920 - 1926. qu'un tronc rectiligne se sépare en deux bran-
ches semblables. On comprend alors pourquoi
LAPATINAK les petits Basques appelérent tout naturellement
leur lance-pierre matxardia, lorsqu'ils confec-
.PETITS CHARDONS DE LA BARDANE. tionnérent cet appareil en fixant deux laniéres
de caoutchouc sur les deux extrémités d'une
En plein été, on voit s'épanouir, le long des
baguette fourchue.
chemins ou sur les terrains vagues, les feui-
Iles lourdes et charnues de la bardane. Mais Ce jouet, aussi répandu que dangereux, est
les enfants ne s'intéressent á cette plante que tenement connu qu'on en trouve méme dans le
pour ses multiples petits chardons épineux: commerce, mais avec une fourche métallique.
lapatinak. Its constituent en effet des projec- L'enfant est alors privé du plaisir de fabriquer
tiles qui s'accrochent et adherent aux vete son lance-pierre par ses propres moyens. Car
gens que Ion a pris pour cible... -mentsde it y a d'abord la recherche, á travers les taillis
ou les haies, d'une fourche bien réguliere: ma-
Afin de mettre en reserve d'abondantes «mu-
txardiaren Baia. Généralement, ce sont les jeu-
nitions», les garnements se livrent donc á la
nes pousses de frene qui offrent les plus jo-
cueillette des lapatinak. Ce travail préliminaire
lies fourches. II faut ensuite se procurer deux
n'est guére difficile. II suffit de ramasser, un
laniéres de caoutchouc en tailladant une vieille
par un, les minuscules chardons et de les agglo-
chambre á air d'automobile. II faut encore trou-
mérer en de grosses boules: lapatin pilotak.
ver un rectangle de cuir soupie, afin de prépa-
Car ('adhesion est parfaite et cela «tient tout
rer la «bourse» destinée á contenir le projec-
seu I».
tile. II faut enf in attacher le tout au moyen
C'était surtout pendant les fetes locales, au d'une ficelle mince et solide...
cours des bals champetres consécutifs aux par-
Que de patience! Que de tentatives infruc-
ties de pelote, que les lanceurs de lapatin s'en
tueuses et souvent décourageantes! Que de
donnaient á coeur joie. On s'amusait ainsi bien
.secrets de fabrication» que l'on recueille au-
plus qu'avec des confettis. A leur insu, les dan
prés des grands garcons! Mais finalement, quel
tete aux-seurfinatpécbsdel
triomphe!
pieds avec tous ces petits chardons adhésifs.
Source: Mes camarades d'école, á Saint-Jean-Pied-de-Port,
Mais bientót, grace á leur imagination sans á Esterencuby, et aux Aldudes, 1920 - 1926.
cesse en even, les enfants perfectionnérent les
projectiles primitifs. Its plantérent une belle
PILOTA
plume de volaille dans la partie charnue située
á I'arriére de chaque lapatin. On obtenait ainsi LA PELOTE BASQUE
des «lapatin burtandunak»...
Les vraies pelotes du jeu de paume conti-
nuent á titre fabriquées par des artisans, selon
LAPATIN BUZTANDUNA des regles traditionnelles toujours en vigueur.
De tout temps réservées aux joueurs chevron-
.LAPATIN MUNI D'UNE QUEUE.
nés, elles étaient donc plutat rares entre les
mains des enfants.
Des tors, le tir s'avéra beaucoup plus pré-
cis, car la plume fixée derriere chaque projec- Pourtant, ceux-ci n'ont jamais été privés de
tile aidait celui-ci á fendre lair comme une pelotes, méme á ('époque oú les bailes de
114 PIERRE DUNYPÉTRÉ (32)

caoutchouc n'avaient pas la vogue qu'elles ont rrespond, ici encore, á une onomatopée. Ce-
actuellement. En réalité, les enfants utilisaient: pendant, it est mentionné dans le dictionnaire
— Soit de vieilles pelotes usagées, délai- du R.P. Lhande oú it est traduit simplement
ssées par les grands, et raccomodées tant bien par «vessie», sans autre precision. II s'agit en
que mal. effet d'une vessie de porc. Mais elle n'inté-
resse les enfants que dans la mesure oú ils
— Soit des pelotes confectionnées par les peuvent en faire un jouet.
petits eux-mémes, au moyen de vieux fils de
laine récupérés dans leur famille, et patiem- Lorsque, dans une ferme basque, on tuait
ment enroulés sous forme de boule. le cochon, la vessie de l'animal était parfois
mise de coté en vue d'un usage qui n'avait
Nous avions donc ici une pelote tres rudi- rien de culinaire. Aussitot prélevée, on la gon-
mentaire, non recouverte de cuir, et qui s'effi- flait comme un ballon de baudruche. L'orifice
lochait souvent en cours de partie. Pour évi- était alors fermé et noué au moyen d'une fi-
ter cet inconvenient, it fallait «arréter» les celle. Celle-ci, qui présentait une longueur d'en-
bouts de laine qui pendaient, grace á quel- viron cinquante centimetres, etait fixée au bout
ques aiguillées de fil que l'on passait á travers d'un petit baton souple, généralement une bran-
la pelote. che d'osier. On laissait ensuite sécher !e «ba-
Bref, dans les deux cas, les enfants dispo- llon» pendant quelques jours, jusqu'a ce qu'il
saient de pelotes assez molles, donc relative- présente une paroi parcheminée bien tendue.
ment inoffensives lorsqu'elles étaient lancées L'engin que Ion obtenait ainsi, avait l'aspect
contre quelqu'un. du «fléau d'armes», dont se servaient les gue-
rriers du Moyen-Age: une boule métallique en-
TTU N PA chainée á I'extrémité d'un manche plus ou
moins long. Mais, contrairement á cette arme
LA PETOIRE
redoutable, la boule de notre jouet était pleine
Comme on peut déjá s'en douter, le nom d'air, et Ion pouvait l'abattre sans danger sur
de ce jouet rustique est une onomatopée: la tete de n'importe qui. Le bruit sourd et répé-
«Ttump!» C'est le bruit que I'on ferait en se té que faisait la vessie en rebondissant puis
servant d'un «pistolet a bouchon». En Francais, en tournoyant au bout de sa ficelle, est évidem-
on emploierait ici le mot «pétoire». ment á ('origine du mot «turruputun».

A l'époque où !'on ne ti - ouvait des pistolets II convient de préciser que ce jouet faisait
et des petards que dans les magasins des gran- réguliérement son apparition au début de cha -
des villes, les petits Basques utilisaient ttunpa que année, pendant la période des réjouissan-
qu'ils fabriquaient eux-mémes. Le canon de la ces carnavalesques. Au milieu des rires et des
pétoire consistait en un tube de bois obtenu cris, les batailles de turruputun produisaient
en vidant de sa moelle une branche de sureau, un vacarme infernal. Et chacun y allait avec
á l'aide d'un fil de fer assez rigide. Plus sim- d'autant plus d'entrain que les coups étaient
plement, on utilisait aussi du bambou. Dans absolument indolores. Mais un jour, la malheu-
ce tube, on faisait coulisser une baguette ter- reuse vessie de porc finissait par éclater,
minée par une boule rembourrée de tissu, et aprés de bons et loyaux services...
qui jouait le role d'un piston. Beaucoup plus tard, mais ayant toujours
C'est ainsi qu'un bouchon, enfoncé á l'autre dans la mémoire ces souvenirs d'enfance, j'ai
extrémité du tube, était chassé brutalement assisté á un spectacle folklorique basque oú
par lair comprimé, des que Ion poussait brus- se produisaient quelques danseurs de Haute-
quement la baguette. Cela produisait une dé Navarre. C'est alors que je découvris, non sans
-tonaidlpuscevarit,édmn emotion, une danse de Carnaval au cours de
selon le calibre du tube. laquelle un jeune garcon costume en «Bouffon»
ou en «Fou de Cour» du XVI" siecle, brandis-
Source: Mes camarades d'école, á Saint-Jean-Pied-de-Port,
á Esterencuby, et aux Aldudes, 1920 - 1926. sait un magnifique «turruputun» en guise d e
hochet... II s'agitait dans les rangs des dan
a tort et á travers, mais tou--seur nfap nt
TURRUPUTUNA jours en respectant le rythme entrainant de la
LA VESSIE DE PORC musique.
Source: Mes camarades d'école, á Saint-Jean-Pied-de-Port,
Bien entendu, cet étrange mot basque co- á Esterencuby, et aux Aldudes, 1920 - 1926.
(33) XIRULA-MIRULA 115

XIRULA Siff let - sifflet chanteur,


Si tu es en sueur,
LE SIFFLET Krisk - krask, extrait-toi!

Au printemps, des que la séve monte dans II serrait ensuite, d'une main ferme, le fu-
les jeunes branches et qu'apparaIssent les pre- tur tuyau d'écorce qu'il voulait détacher du
mieres feuilles, c'est la «saison des sifflets». bois, et tentait de le faire tourner sur la tige
Le long des chemins bordés de hales vives, pour le rendre indépendant de ceile-ci. En cas
les enfants recherchent alors, parmi les nou- d'échec, it reprenait patiemment son refrain in-
velles tiges de frene, de saute ou de chataig- cantatoire, et recommencait I'opération jus-
nier, un batonnet bien droit. Entre deux noeuds, qu'au succés final.
l'écorce tendre est tailladée, puis battue avec
Source: Mes camarades d'école, á Saint-Jean-Pied-de-Port,
le manche du couteau. On la détache ensuite á Esterencuby, et aux Aldudes, 1920 - 1926.
de facon á obtenir un «tuyau», et le sifflet se
trouve déjá pratiquement terminé.
Qui mais, pour prélever ce fameux tuyau ZIRRIPIZTA EDO ZIRRIZTA
sans abimer l'écorce, it fallait reciter quelques LA SERINGUE
paroles magiques. Et je me souviendrai tou- (Qui lance un jet d'eau)
jours du «grand garcon» qui officiait devant
moi pour m'apprendre á fabriquer un sifflet. Ces deux synonymes, qui évoquent si bien
Assis par terre au pied d'un arbre, it tenait le jaillissement d'un jet d'eau avec ses mine
dans sa main gauche une baguette de frene gouttelettes, ne se traduisent en Francais que
appuyée contre son genou. Aprés avoir soigneu- par le mot: «seringue».
sement découpé, sur l'écorce, ce qui allait étre
Tandis que les magasins de «Farces et atra-
le sifflet, it prenait son couteau par la lame et
pes» vendent aujourd'hui des pistolets á eau,
frappait avec le manche, a petits coups secs,
les enfants basques connaissaient depuis long-
sur la baguette qu'il faisait rouler lentement
temps les joies du zirripizta, grace á un jouet
entre ses doigts, afin qu'elle soit uniformément
rustique qu'ils fabriquaient eux-mémes. Pour
battue.
cela, i1 fallait se procurer une branche de su-
Alors, en suivant le rythme rapide des coups, reau d'environ trois centimetres de diamétre.
it chantonnait sur fair approximatif de «Buba On y taillait ensuite un troncon bien droit de
ninaño»: quarante centimetres, limité par un noeud, et
Tinter - lanter!... dont on retirait la moelle. Le tuyau ainsi obte-
Inen daiat xirula, nu n'était done ouvert qu'á l'une de ses ex-
Hail, ekarrak adarra, trémités, et Ion percait d'un petit trou le noeud
Legun eta xuxena. situé á l'autre bout. Ainsi était constitué le
Zertaz? corps de la seringue. Lorsqu'on avait la chance
Leizar laida pollitaz! de trouver du bambou, it est evident que le
tube était encore plus facile á confectionner.
Tinter - lanter,
Je vais te faire le sifflet, II restait ensuite á fabriquer la tige du pis-
Va, apporte-moi la branche,
Lisse et droite.
ton, c'est á dire une baguette en bois dur des-
De quelle sorte? tinée á s'engager dans le gros trou du tube.
D'un joli rameau de frene. Bien entendu, le piston était solidement coiffé
Xirula - mirula kantari!... d'un tampon d'étoffe ou de cuir, destiné á assu-
Berro pian sar hadi, rer l'aspiration puis ('expulsion du liquide.
Eta motz adar hori! Mais plus tard, le progrés aidant, it devint
Sifflet - sifflet chanteur, beaucoup plus facile de récupérer une vieille
Rentre sous le buisson, «pompe á bicyclette», et nos enfants n'eurent
Et coupe cette branche! plus l'idée d'aller battre la campagne pour se
Xirula - mirula kantari!... procurer un baton de sureau ou de bambou.
Balinbahiz izerdi,
Source: Mes camarades d'école, á Saint-Jean-Pied-de-Port,
Krisk, krask, atera hadi! á Esterencuby, et aux Aldudes, 1920 - 1926.
116 PIERRE DUNYPÉTRÉ (34)

ARTZAIN JOKOA

Otsoa

Ardiak

Q a ^

HAURREN PILOTA
(35) XIRULA MIRULA
- 117

BASA JAUNA

C ^7

Kuia

X arhoa ........

LAPATINAK

Lapat in
buzt an duna

Lapatina

Luma
118 PIERRE DUNYPÉTRÉ (36)

ABAILA

... Lokarria

... Larrua

a

Harria

MATXARDIA
(37) XIRULA - MIRULA 119

FURRUNA

TURRUPUTUNA
120 PIERRE DUNYPÉTRÉ (38)

TTUNPA ZIRRIPIZTA

(._))..... Tap a
... Xiloa

0000 Z fria .. .
.... Ziria .

XIRULA

Caineko
xiloa.... ...GainekC xiloaren lekua

Peko Gaineko ziria


asilos.... ...Peko xiloaren lekua

Axala

Peko ziria

Adarra .

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