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Fundación
JOSE MIGUEL DE BARANDIARAN
Fundazioa
Tomo 34. — 1987. — Págs. 83-120
XIRULA-MIRULA
L'ENFANT BASQUE, DEPUIS LE BEBE JUSQU'A L'ADULTE,
A TRAVERS SES AMUSEMENTS, SES TERREURS NAIVI:S,
SES FORMULETTES RECREATIVES, BURLESQUES, SUPERSTITIEUSES.
PIERRE DUNYPETRE
Correspondant de I'Académie
de la Langue Basque
1) L'usage des I, á la place des U ou des E: «Ancestral», «autrefois», voila des mots qui,
méme quand ils ne seront pas écrits, pourront
Ordian, pour: Orduan... Ziela, pour: Zuela.. .
étre lus entre les lignes de cet ouvrage. Car si
etc. Etxia, pour: Etxea... Anderia, pour: Ande-
nous avons pu conserver jusqu'á present quel-
rea... etc.
ques elements de notre culture, c'est bien gra-
2) Des expressions telles que: ce aux anciennes families basques, aujourd'hui
disparues. C'est bien parce que ('enfant était
Bana, pour: Bainan... Gihil, pour: Gibel... Go-
élevé dans un foyer de paysans (ou de ma-
hora, pour: Gora... Erten, erteko, pour: Erraiten,
rins), et dans lequel plusieurs generations ha-
erraiteko... etc.
bitaient sous le méme toit. C'est bien parce
qu'il y avait partout des «amatxi» et des «aita-
On ne trouvera pas ici une interminable com-
txi», qui s'occupaient en permanence des pe-
pilation consacrée aux jeux de nos enfants, car
tits.
je n'ai pas voulu me livrer á la fastidieuse enu-
meration de toutes les variantes d'un méme the- II nest pas question de regretter le temps
me. Je n'ai nullement la prétention d'avoir épui- passé, pas plus que de le dénigrer. On est bien
sé un sujet aussi vaste que divers, et c'est afin oblige de vivre avec son époque et dans une
84 PIERRE DUNYPÉTRÉ (2)
humanité sans cesse en evolution. Mais n'ou- vais chemins de cette époque: voituriers, cha
blions jamais que notre culture purement orale -retis,mul aqgnos,vyeurd
a pu se perpétuer de siècle en siécle, par les commerce, colporteurs, artisans ambulants, etc.
paroles que les vieillards adressaient aux en- Toute cette population s'attardait le soir autour
fants. En ce moment, alors que ce relai tend a de la grande cheminée, jouant au «mus», chan-
se briser, notre basquitude peut encore titre tant a plusieurs voix, ou racontant mille histoi-
sauvée, puisque nous pouvons tout enregistrer res, pendant que ma grand'mére, les manches
avec l'ecriture ou les disques. Mais it faut aller retroussées, surveillait la viande qui rótissait
vite, avant que les «derniers témoins», ces ul- devant le feu, et faisait monter de temps en
times représentants naturels d'une antique ci- temps la grosse pierre du tourne- broche vers
vilisation, n'emportent leurs vieux souvenirs le plafond. Ouant a moi, sans perdre un mot de
dans la tombe. ce que j'entendais, je me faisais tout petit dans
mon coin, avec l'espoir qu'on oublierait de m'en-
Traductions, notes, et sources voyer au lit...
En regard de chaque texte basque, j'ai essa- Voila donc les deux sources principales de
ye de fournir une traduction equivalente, dans ma documentation. Mais en réalité, tout ce que
la mesure du possible. Souvent, des notes, des j'ai appris dans mes jeunes années constitue
explications detaillées, ainsi que des hypothe- un ensemble inseparable de la langue basque
ses, ont été nécessaires. Mais rien n'est par- proprement dite. Car en ce temps-lá, les petits
fait en ce monde... enfants devenaient «euskaldun» aussi bien en
famille que dans la rue. Malheureusement, ce-
Pour ce qui concerne les sources, on pou- la ne se produit aujourd'hui qu'exceptionnelle-
rra peut-titre s'étonner de la fidélité de ma me-
ment.
moire. Mais, outre ('amour que j'ai toujours té
-moignéauxvelsch,'t(nourage
familial qui fut pour moi exceptionnellement ENE LEHENGO LAGUNERI
riche. Je veux parler du milieu dans lequel vi-
vaient mes deux grand'meres. Aspaldiko haur-lagunak,
Muttiko ta nekattoak,
1) Ma grand'mére maternelle, a Saint-Jean-
Nafarroko herrikoak,
Pied-de-Port, exercait la profession de coutu-
Zorigaitzez zahartiak,
riere, et son atelier de la Rue d'Espagne était
Bai eta batzutan hilak,
toujours plein d'apprenties. Ces jeunes filies ve
Agur deneri, gaixoak!
-naietosulmdviagenrots,
mais aussi des localités navarraises du sud. Euskara karrikan baitzen,
Depuis ma naissance, je vivais donc dans une Nun-nahitik erabiltzen,
ambiance de chansons, de bavardages, et de Ikasi dugu mintzatzen,
plaisanteries basques, d'autant plus que ces de- Jostatzen eta samurtzen...
moiselles s'ingéniaient a m'apprendre toute la Bana laster irria zen
collection des puérilités avec lesquelles on Haurren artian nausitzen!
amusait alors les enfants.
Goxoa zen sukaldia,
2) Ma grand'mére paternelle, était proprié- Hauta, talo ta esnia,
taire de l'ancienne Auberge-Epicerie dans le Menditik urbil etxia,
village de Lécumberry. Or, tres souvent, pen- Eliza, liliz betia,
dant les vacances scolaires, j'allais passer plu- Pilota- plaza, handia,
sieurs semaines auprés d'elle. De nos jours, it Eta ni, ttipi-ttipial...
nest plus possible d'imaginer le genre de clien-
tele qui fréquentait autrefois I'établissement Oroitzapen horiekin,
tenu par mon «amatxi». C'est un monde qui a Ene bihotzian dut min,
disparu, en laissant comme seul souvenir ce Bana zoin ezti den, behin,
que des témoins de mon genre n'ont jamais Intzutia «Martin-Tortin»,
oublié. Lá, se retrouvaient périodiquement, les Ta «Harta- Marla-Kin-Koan-Kin»,
bergers ou les bücherons qui descendaient Ametsetan ere berdin!
d'Iraty, les paysans qui rentraient du marché
de Saint-Jean-Pied-de-Port, ainsi qu'une quanti - Donibane-Garazi'tik
té de personnages qui circulaient sur les mau- PIARRES HEGUITOA
(3) XIRULA - MIRULA 85
PREMIERE PARTIE
FORMULETTES EDUCATIVES ET JEUX DES ENFANTS
Amuser, distraire, mais aussi instruire et C'est que I'éducation artistique d'une per-
corriger le petit enfant basque, voila donc le sonne commence, évidemment, des sa plus ten-
programme tres simple de son education pen- dre enfance. Et nous aurions tort de négliger
dant les premieres années qui suivent sa nais- tous ces «petits riens», apparemment insigni-
sance. A ce stade du développement humain, fiants, trop souvent considérés comme d'inu-
oú donc la langue maternelle s'apprendrait -elle tiles puérilités par certains adultes inconscients
mieux que sur les genoux d'une mere? de leurs devoirs envers la jeunesse.
Au Pays Basque, de temps imémmorial, cha - Serait-il donc possible d'oublier qu'on a été,
que famille met en oeuvre tout un arsenal de soi-méme, un enfant?
formulettes plus ou moins bien versifiées, qu'il
Cette Premiere Partie comportera les cha-
s'agit non seulement de reciter mais parfois
pitres suivants:
de mimer devant le petit, afin de capter son
attention. Le respect du rythime, grace a ('arti- — Amusement et correction des petits.
culation bien nette de chaque syllabe, revét
— Berceuses et chansonnettes.
alors une tres grande importance. N'est -ce pas
de lui que dépendra peut-étre la vocation fu- — Formulettes et comptines de langue bas-
ture d'un danseur, d'un poéte, d'un chanteur, que.
ou d'un musicien? — L'enfant basque et le jeu proprement dit.
1) Mamu, avec son diminutif mamutx, dé- Oihan beltzean orotan orro,
signe globalement tous les petits insectes. Nork ez du entzun Zikilimarro?
2) Mamu, représente aussi le fantóme, Orro ta orro
l'épouvantail á oiseaux, ou encore le déguise- Zikilimarro
ment de Carnaval. Mahu!...
3) Mamu, est un personnage mythique, aus- Dans la nuit noire, tout rugissant,
si effrayant qu'indéfini, destiné á faire peur aux Qui n'a pas entendu Zikilimarro?
enfants. C'est celui qui nous intéresse en ce Tout rugissant
moment. Zikilimarro
Maou!...
Source: Mes souvenirs d'enfance, de 1914 á 1920. Fami-
lies DUNY-PÉTRÉ - CARRICABURU - Rue d'Espagne á
Bardaz geroztik, Zikilimarro,
Saint-Jean-Pied-de-Port.
Bere onetan ixilik dago!
Ixilik dago
ZIKILIMARRAU
Zikilimarro
Z1 KI LI MARRAU
Ui!...
Zikilimarrau est encore un «Croquemitaine»
Depuis hier soir, Zikilimarro,
basque, chargé d'inspirer une crainte salutaire
Dans son interest reste silencieux,
aux enfants turbulents. II a les memes attribu-
II est silencieux
tions que Mamu. Dans les deux cas, it s'agit de
Zikilimarro
créer une ambience d'épouvante avec des ono- Ouye!...
matopées. Ici, les longues syllabes en U de
Mamu, son remplacées par des finales qui se Mamu zaharrak ukan du tiro.
prolongent en AU. Adio beraz, Zikilimarro!
Ukan du tiro
Zikilimarrau!...
Zikilimarro
Janzak haur hau,
Bihar edo gaur... Bum!...
Gaur, gaur, gaur, gaur!... Le vieux Mamu a recu un coup de feu.
Zikilimarrau!... Adieu donc, Zikilimarro!
Mange cet enfant, II a recu un coup de feu,
Demain ou ce soir... Zikilimarro
Ce soir, ce soir, ce soir, ce soir!.. Bourn!...
88 PIERRE DUNYPÉTRÉ (6)
— Nous!
UR BAZTERREKO SORGINAK — Nous!
— Nous!
LES SORCIERS DU BORD DE L'EAU
Voici les échos mystérieux des eaux dor- Ahate Kaskoin jin berri andana batek, eta
mantes, qui étaient évoqués autrefois par «Ama. Euskara ez dakitenek:
ño», la vieille lavandiére de Garazi. Ces voix
— Quoi?
étranges pourront -elles calmer les enfants que
— Quoi?
Ion met au lit, le soir, malgré leurs protesta-
— Ou oi ?
tions?
Une bande de canards gascons, nouveaux venus,
Latsaria baitzen, Amaño xaharrak, et qui ne savant pas le Basque:
Garazin sortia, zernahi jakinik,
— Quoi?
Salatu zauzkitan ur-bazter berriak,
— Quoi?
Erranez etzela larretan sorginik. — Quoi?
Parce qu'elle était lavandiére, Amaño, la petite vieille,
Née au Pays de Cize, connaissant des tas de choses, Hortan, igel guziak irriz karkailan, eta de-
Me révéla les nouve;les du bord de l'eau, briak hartiak:
Déclarant qu'il n'y avait pas de sorciers dans les
[landes. — Koa, koa, koa!
Osinaren hegietan, — Beliaren mokoa,
Arratsalde beroetan, — Axola gutikoa,
Bai eta ere gauetan, — Ezpahiz hemengoa,
Nor ari da, azantzetan, — Eztakik jokoa,
Irriz, huxtuz, ta kalakan? — Apal hire kaskoal...
Au bard du gouffre d'eau, La-dessus, toutes les grenouilles, riant aux éclats,
Par les aprés -midi chauds, et avec le diable au corps:
Qui mais aussi au cours des nuits,
Qui se met, bruyamment, — Koa, koa, koa!
A rire, á siffler, et á caqueter? Le bec du corbeau...
Insouciant,
[gel zahar batek, ur bazterrerat joan nahiz Si tu n'es pas d'ici,
eta sugiaren beldurrez: Tu ne connais pas le jeu,
Baisse ton crane!
— Nork ikusi du «Lepo-lux»?
Gau guziko kalapitak,
Une vieille grenouille, qui veut aller sur la ber- Hola hasten dira denak,
ge, et qui a peur du serpent:
Igelak edo apoak
— Qui a vu .Long - coup? Ez baitira lokartiak!
!gel gazte guziek, buria uretik ateratuz eta Les tapages de toutes les nuits
oihuka: Commencent tous ainsi,
Les grenouilles ou les crapauds
— Nik ez! N'étant pas endormis!
— Nik ez!
Ilargiarekin, zoin eder itzala!
— Nik ez!
Ur beltza hor dago betikotz etzanik,
Toutes les jeunes grenouilles, sortant la tate de Ezin errexituz kalakan igela...
l'eau, et en criant: Haurra xo!... Goazen oherat ixilik!
90 PIERRE DUNYPÉTRÉ (8)
Avec le clair de lune, combien (est) belle l'ombre! se souviennent encore des caravanes muletié-
Londe noire reste lá, pour toujours étendue, res qui parcouraient continuellement la montag-
Ne pouvant se calmer, caquette la grenouille...
Enfant chut!... Allons au lit en silence. ne au début de ce siècle. La silhouette pitto-
resque de l'infatigable mandozaina navarrais
Donibane-Garazin, 1952'an était alors familiére sur les innombrables sen-
Nafarroko erran-zaharretarik. tiers qui franchissaient les ports. Chaussés
P. H. d'abarkak, vétus d'un bolero et d'une culotte
A Saint-Jean-Pied-de-Port, en 1952, de velours serrée a la taille par le large gerriko
Selon les vieux dictons de la Navarre. de laine rouge, les muletiers au verbe sonore
Source: «AMAÑO », une des derniéres lavandiéres de s'arrétaient alors devant les auberges ou les
Saint-Jean-Pied-de-Port, (1863 - 1948). Son vrai nom, magasins de Saint-Jean-Pied-de-Port. Its y dé-
SALLABERRY, ainsi que son surnom, ont été gravés chargeaient leurs outres de vin luisantes et
sur la vieille croix de sa tombe basque.
ventrues, ainsi que beaucoup d'objets de con-
sommation courante fabriques au delá des
AMAREN BESTA monts. On peut méme considérer qu'ils étaient
LA FÊTE DE MAMAN seuls á assurer le petit commerce internatio-
nal du Pays Basque intérieur.
Dans le méme style que «Arri mandoko»,
cette poésie enfantine peut trouver son emploi Plus tard, la modernisation des moyens de
á l'occasion de la «Fete des meres». transport a háté la disparition de nos anciennes
coutumes. Parmi celles-ci, on ne saurait passer
Amaren besta baita, sous silence les célebres foires paysannes de
Utzirikan josteta, la San- Fermín, oú les Basques de toutes les pro-
Panpiñ edo pilota, vinces accouraient á Pampelune. D'ailleurs,
Goazen liliketa! beaucoup de nos compatriotes fredonnent sou-
Izanen da buketa vent une jolie chanson populaire, dont le pre-
Ahal bezan pollita. mier couplet évoquerait á lui seul tout un passé
Harekilan, xut-xuta, brillant et révolu, ressuscité par le rythme sac-
Emanen dugu potta, cade du galop des betes:
Amaren besta baita!
lruñeko ferietan,
Parce que c'est la fête de maman,
Iragan San-Ferminetan,
Délaissant l'amusement,
La poupée ou la pelote, Ehun zaldi arribatu, Andaluziatik tropan,
Allons chercher des fleurs! Merkatu eder bat zautan,
II sera, le bouquet, Zaudelarik bi lerrotan!
Aussi joli que possible.
Avec lui, debout bien droits, Aux foires de Pampelune,
Nous allons donner un baiser, Aux derniéres (fetes de la) Saint-Firmin,
Parce que c'est la fête de maman! Cent chevaux (sont) arrivés d'Andalousie, en troupe,
J'avais lá un beau marché,
Donibane-Garazin, 1960'an Alors qu'ils se trouvaient sur deux rangs.
P. H. Malheureusement, de ce qui était, á ('origi-
A Saint Jean Pied de Port, en 1960.
- - - - ne, la fete solennelle du saint patron de la Na-
varre, doublée d'un grand marché aux bestiaux
véritablement basque, it ne reste plus aujourd'
II hui que des réjouissances bruyantes á large
EXPLICATIONS ET COMMENTAIRES participation étrangére.
Reference: Recueil «Kantu, kanta, kantore», Page: 184,
ARR1, ARRI, MANDOKO... Bayonne 1967.
Toutefois, ce prénom semble avoir déserté Un soir cependant, j'ai fini par percer le
depuis fort longtemps le versant francais des mystére de Mamu. Comme je pleurais dans mon
Pyrenees. On ne le découvre que dans des do- lit á la suite d'un caprice quelconque, je vis
cuments anciens, datant parfois de plusieurs arriver doucement une personne entiérement
siécles. Mais it convient de remarquer aussi recouverte du grand capuchon noir que por
que certains patronymes actuels témoignent les femmes pour aller á l'église. C'était-taient
encore de la vogue passée de ce prénom dans une sorte de longue cagoule, qui descendait
les provinces basques du nord. Tout le monde jusqu'aux pieds, et dont quelques exemplaires
peut y remarquer des noms de famille tels que: doivent certainement exister encore, soigneu-
Sans, Sancinena, Pétrissans, Gilhensans, etc... sement plies dans de grandes armoires. C'est
alors que je reconnus une voix familiére qui re-
TTALO, TTALO, AMATXI... citait avec application la formule effrayante de
Mamu. Cette demonstration me donna aussitét
Ce texte folklorique, dans sa naive simpli- une irresistible envie de rire. Un rire qui ne
cité, évoque en quelques lignes un vieux dra- s'arréta que lorsque Mamu, complétement dé-
me rustique qui pourrait s'apparenter á I'his- semparé, finit par disparaitre comme it était
toire du «Petit chaperon rouge». Malgré le la- venu.
conisme de cette piece rimée, it est possible
d'y découvrir les elements essentiels du célé-
ZIKILIMARRAU
bre conte de Perrault: la galette que !'on appor-
te á la grand'mere, et la mort tragique de ce- Nous avons vu que l'épouvantail Zikilirna
Ile-ci, dévorée par un loup. rrau s'appelle aussi, selon les localités basques,
Zikilimarro. Seule la derniére syllabe différe.
La tradition populaire qui inspira, dit-on, le
Mais ce mot bizarre semble avoir subi une
littérateur francais du XVII" siecle, aurait -elle
autre modification que nous signalons mainte-
eu quelques racines lointaines jusque dans no-
nant, á toutes fins utiles:
tre petit territoire navarrais dont les rois de
France étaient si jaloux? Cette hypothése se- 1) AKILIMARRO, dans le dictionnaire de
rait d'autant plus vraisemblable qu'on accusa Pierre Lhande, est présenté comme originaire
Perrault d'avoir trop souvent transcrit, —quoi- du Labourd, et serait un surnom qui servait na-
que dune maniere élégante—, d'authentiques guére á designer le diable.
«contrs de nourrices». Or, de temps immemo-
rial les riches Parisiennes n'avaient -elles pas 2) AKILIMARRO, apparait aussi dans le pro-
coutume de recruter les nourrices ou les bon- verbe basque suivant, extrait du recueil «Atso -
nes d'enfant «en province», et parfois parmi titz, Zuhur hitz eta Erran zahar», de Jean Elissal
- - -
Dans ce dernier cas, Akilimarro serait, plutót rie. II apparait ainsi que les Romains, déjá bien
comparable á une bete sauvage et malfaisante connus pour leur crédulité en matiére d'ora-
qu'il faut bien se garder d'aller provoquer dans cles, estimaient beaucoup chez les «Augures»
son antre. des Vascons l'art avec lequel ils interprétaient
certains signes, et tout particuliérement le vol
des oiseaux.
KATTALIN-GORRI... LETSUNAK... AXERIAREN
EZTEIAK
UR BAZTERREKO SORGINAK
Visiblement, it s'agit ici d'intéresser l'en-
fant basque á son environnement, c'est á dire «AMAÑO» fut probablement la derniére la-
au cadre rustique dans lequel it vit. L'interroga- vandiére de Saint-Jean-Pied-de-Port, et je crois
toire des insectes, des oiseaux du ciel et des qu'elle n'a jamais pu s'exprimer en Francais.
phénoménes naturels, tout cela représente pour Comme ('indique son surnom, elle dut égale-
ment étre nourrice dans sa jeunesse. Tres con-
lui une source d'émerveillement. Mais l'enfant
a-t-il été seul á s'adresser ainsi á la faune na- nue dans le Pays de Cize entre les deux gue-
rres, sa vaillance et son honnéteté étaient lé-
turelle des montagnes et des bois, afin d'y
gendaires. Elle faisait partie des personnes
découvrir des presages? Autrement dit, avant
qu'on appelait: «Korrontadorreko Iatsariak», les
de n'étre plus qu'un jeu pour les petits, cette
laveuses de la tour du courant. Car le lavoir
activité n'aurait -elle pas été beaucoup plus im-
public se trouvait autrefois en aval de cette
portante dans la civilisation de nos ancétres?
fameuse tour dont it ne reste plus que quelques
Compte tenu de l'ancienneté du peuple bas- pans de mur, á ceité du pont de bois.
que, it est possible de se reporter aux consta
Sur sa vieille croix navarraise, au cimetiére
faltes, á maintes reprises, par divers-taions
de Saint-Jean-Pied-de-Port, le passant peut en-
écrivains latins pendant la colonisation romai-
core lire cette inscription aussi simple que la-
ne. En se référant notamment au géographe
conique:
grec Strabon qui vivait vers 58 avant Jésus-
Christ, ou encore au poke Manilius contempo-
rain de l'Empereur Auguste, on peut noter que AMAÑO SALLABERRY,
DECEDEE,
ces auteurs s'intéressent aux rites divinatoires
LE 9 JUIN 1948 A 85 ANS
que pratiquaient les peuples du nord de I'Ibé-
BERCEUSES ET CHANSONNETTES
I. QUELQUES VIEILLES BERCEUSES
II. QUELQUES CHANSONS NAIVES
Pour l'enfant basque, les berceuses et les les charmantes oeuvres modernes composées
chansonnettes naives représentent, sans aucun pour nos enfants par des «euskaltzale» de
doute, sa premiere initiation á la musique. Tout grand talent, ou cours de ces derniéres années.
naturellement, c'est par la voix de sa maman Espérons donc que le repertoire enfantin con-
ou par celle de sa grand'mére qu'il apprendra, tinuera á s'enrichir, pour le plus grand bien de
en s'amusant, quelques vieux airs traditionnels. la renaissance basque.
Des les premiers jours de sa naissance, ne
baigne-t-il pas ainsi dans une veritable ambian-
ce basque? N'est it pas, des fors, marqué par
une culture originale, conforme á son espéce,
QUELQUES VIEILLES BERCEUSES
et qui ne devrait jamais plus le quitter?
Orai haurra, hor lo dago, tra-perfectionnées ainsi que les poisons utili-
Lo egizu, aingeruño: sés dans ('agriculture, finissent par anéantir
Nik zu zaitut maiteago tous ces charmants animaux sauvages. Et cela
Zure aitak nihaur baino! dans des proportions telles qu'il n'est pas sou-
haitable d'encourager les enfants á participer
Maintenant, l'enfant dort lá,
Dormez, petit ange: au massacre. Comme dans tous les domaines
Moi je vous aime encore plus de la vie civilisée, la sagesse ne devrait -elle
Que votre pére (m'aime) moi-méme! pas conseiller á I'homme d'user sans abuser?
Née dans les families basques du rivage Source: Mes souvenirs d'enfance, de 1922 á 1930, Fa-
mille BROUSSAIN - HARGUINDEGUY, Epicerie-Auber-
atlantique, cette chanson est peut-étre la plus ge de Lécumberry.
émouvante du genre, si I'on tient compte de la
poésie qui s'en dégage, sans effort apparent,
HIRU XITO IZAN...
avec una merveilleuse spontanéité. Tout dou-
TROIS POUSSINS ECLOS...
cement, elle exprime et développe les senti-
ments de la jeune maman qui ne saurait disso- Hiru xito izan eta lau galdu,
cier sa tendresse maternelle de l'amour qu'elle Xito heien ama nork jan du?
éprouve pour son époux en danger sur la mer. Axeri batek jan zion lepoa,
Bainan nun ote zen oiloa?
Quant á la musique, tres sobre avec un ry-
Purra, purral... egin nion bortatik
thme longuement balance, ne pourrait -elle pas
Kukuruku!... jin zait eltzetik...
convenir tout aussi bien au matelot qui chan-
Leku onetik!
terait les mémes vers dans la houle de l'océan?
Leku onetik!
Reference: Recueil «Charamelan, Page: 59, Bayonne 1958.
Trois poussins éclos, et la perte est de quatre,
La mere de ces poussins, qui 1'a mangée?
Un renard lui mangea le cou,
II Mais oú donc était la poule?
QUELQUES CHANSONS NAIVES Purra, purral... fis -je depuis la porte, (1)
Kukurruku!... m'est venu depuis le pot...
Du bon endroit!
PIN-PIN XORIA... Du bon endroit!
LA MESANGE...
Sur un air qui s'inspire du «Makila-jantza»
Pin-pin xoria, des danseurs labourdins, cette minuscule chan-
Xori papo gorria, son burlesque se référe évidemment á la vie
Pan, pan,! zaparta, paysanne du bon vieux temps... Pour beaucoup
Xori salsa on baita! d'entre nous, la ferme basque, avec sa basse-
La mésange,
cour au premier plan, et sa montagne en toile
Le rouge-gorge, de fond, n'a-t-elle pas été, sinon le paradis de
Pan, pan! éclatement, nos jeunes années, du moins une source de
Car la sauce d'oiseau est bonne! souvenirs émouvants et nostalgiques?
Pin-Pin xoria, Source: Famille IDIÉDER - DUHALDE, 1954, a Iholdy.
Xori moko horia,
Xo, xo! goaita, JAUN KAPUTXIN...
Erbi bat heldu baita! MONSIEUR LE CAPUCIN
La mésange,
Jaun Kaputxin bizar handi,
L'oiseau á bec jaune,
Chut, chut! á l'affut, Jesusen ganat etorri.
Car un liévre arrive! Astoak jan zion bizarra,
Ustez eta zen belarra!
Ces petits quatrains puérils sont chantés
avec le bebé. La répétition des «pin-pin» ou Monsieur le Capucin á grande barbe,
(Est) venu auprés de Jesus.
des «pan-pan», a généralement le don de le L'áne lui mangea la barbe,
divertir. En outre, on a ainsi ('occasion d'in- En croyant que c'était du foin!
téresser les enfants á quelques hótes fami-
(1) Purra, purra! Cris poussés traditionnellement dans
liers de la campagne basque: la mésange, le
les fermes basques pour appeler les poules de la basse-cour,
rouge gorge, le liévre... tout en leur langant des poignées de grain. Au Pays de Cize,
on peut entendre en particulier: .Purra, purrs!... ttit, ttit, ttit,
Aujourd'hui malheureusement, les armes ul- ttit!».
(13) XIRULA - MIRULA 95
Chantée sur lair monotone de «Buba ñiña- Des precisions complémentaires seront don-
ño», cette «formule incantatoire» accompagne nées dans le chapitre consacré aux jouets con-
fectionnés par les petits Basques.
(2) Xirula - mirula: Redoublement avec M, dont le role se-
rait d'apporter une certaine insistance á I'appel mystérieux Source: Mes camaradas d'école, á St-Jean-Pied-de-Porl,
lancé par l'enfant. á Esterenguby, et aux Aldudes, 1920 - 1926 .
Guillaume!... Martin!...
Demain mort, Sorcier des rois,
Aprés-demain enterré, Oignon et chátaigne!
Trois ¡ours aprés, oublié! Source: Mes camarades d'école, á St.-Jean-Pied-de-Port,
Source: Mes camarades d'école, á St-Jean-Pied-de-Port, á Esterencuby, et aux Aldudes, 1920 - 1926.
á Esterencuby, et aux Aldudes, 1920 - 1926.
AVEC MICHEL
AVEC JACG?UES
Migel!...
Jakes!... Aintzin edo gibel,
Koska bezain trukes, Nun -nahitik ustel!
Tresnak oro trebes!
Michel!...
Jacques!... Devant ou derriere,
Maniaque autant que tordu, Pourri de tout cóté!
Tout le bazar de travers!
AVEC PIERRE
AVEC JEAN
Pelo!...
Manez!... Totolo,
Ipurditik minez, Beti lo,
Kaka ezin inez! Eskuan bilo!
Jean!... Pierrot!...
Ayant mal au derriere, Nigaud,
Ne peut faire caca! Tou¡ours endormi,
Poil dans la main!
VARIANTE:
Manez!... AVEC CATHERINE
Ate zokoan nigarrez, Kattalin!...
Talo bat eskuan, ogia beharrez! Perttolin,
Jean!... Zakuto,
Pleurant au coin de la porte, Zikinto!
Une galette á la main, et désirant du pain!
Catherinette!...
Petite sotte,
AVEC MARTIN Petit sac,
Petite sale!
Martin!...
Tortin, VARIANTE:
Ergel eta sorgin,
Tipul eta gatza, Kattalin, perttolin, zakuto,
Martin buru gaitza! Baduna biperrik saltzeko?
Badinat, bainan enetako!
Martin!... Gatulu tzarrian irina,
Tortin, (1) Kattalin ipurdi zikina!
Frivole et sorcier,
Oignon et sel, Catherinette, petite sotte, petit sac,
Martin l'énorme tete! As-tu des piments á vendre?
J'en ai, mais pour moi!
Dans le mauvais bol, la farine,
(1) Tortin: Mot enfantin qui semble avoir été place ici Catherinette au derriére sale!
pour les besoins de la rime. On doit pouvoir le rapprocher de
torta, qui signifie «pourri» en parlant d'un oeuf, ou encore Source: Mes camarades d'école, á St.-Jean-Pied-de-Port,
de tortoil, qui exprime une idée de lourdeur et de maladresse. á Esterencuby, et aux Aldudes, 1920 - 1926.
(17) XIRULA-MIRULA 99
AMEN!... Sapristi!...
Du pain et du miel!
Hi hor eta ni hemen!
SATAN!...
Amen!...
Toi lá et moi ici! Sarrak ehia kakan!
Satan!...
DO-RE-MI-FA-SOL-LA-SI-DO!..
Rentre le doigt dans le caca!
Ene zapet zola zilo!
ZERO!...
Do - ré - mi - fa - sol - la - si - do!...
Putza bero!
Ma semelle de soulier trouée!
Zéro!...
DO - RE - MI!... Vesse chaude!
Hanka makur hori,
FA - SOL - LA!...
2. EN REPONSE AUX LECONS DE L'ECOLE FRANCAISE
Xuxendu zakola!
Aprés la lecon d'histoire:
Do - ré - mi!...
Cette hanche tordue, NAPOLEON BONAPARTE!...
Fa - sol - lal...
Lui est devenue droite! Ehun zorri ta mila partz,
Taloz ase ta zalapart!
FIXE!...
Napoleon Bonaparte!...
Pipa pitz!
Cent poux et mille lentes,
Gave de galettes, (il)explose!
Fixe!...
Allume la pipe! BIBA ERREPUBLIKA!...
MAIS, MAIS MAIS!... Bazter guziak itzulipurdika!
Ardi kaka mehe! Vive la République!...
Tous les alentours (s'en vont) cul par dessus tete!
(1) Noter le tutoiement (féminin) dans ces deux phrases,
car on ne peut le rendre en Frangais. A la rigueur, iI faudrait LIBERTE, EGALITE, FRATERNITE!...
pouvoir dire: Hiru gezur horiek egiak balite!
...«Fille, tu as la poulette chétive qui a pondu....
....Fille, tu las qui chante quand méme.... Liberté, Egalité, Fraternité!...
Nous sommes donc en présence d'une particularité, sinon Si ces trois mensonges étaient des vérités!
d'une richesse de la langue basque. Elle permet en effet de
s'adresser á quelqu'un en lui disant tu ou vous, méme avec Source: Mes camarades d'école, á St.-Jean-Pied-de-Port,
des phrases aussi anodines que: .11 fait beau temps.. á Esterenpuby, et aux Aldudes, 1920 - 1926.
100 PIERRE DUNYPÉTRE (18)
SIX FOIX SIX, TRENTE SIX!... Les Bas -Navarrais disent généralement.
Eihalarreko Frantxix, BOST. Alors, ils se moquent ainsi de certains
Zaldiak ezin heziz, Basques qui prononcent: BORTZ.
Putar eta jauziz,
Untzi guziak hautsiz! BIHAR ARTIO!...
Egon xutik eror artio!
Si fois six, trente six!...
Francois de Saint-Michel, A demain!...
Ne pouvant dompter ses chevaux, Reste debout jusqu'á tomber!
Par ruades et par bonds,
Brisant tous les récipiens! ESKER MILA!...
II convient de préciser que le personnage Behar duzularik, zato ene bile!
basque prénommé «Frantxix», était entré vivant Mille fois merci!...
dans la légende, parmi les petits écoliers du En cas de besoin, venez me chercher!
Pays de Cize, vers les années 1920. C'était un
des derniers «Charretiers» de la region, car les HUN DAIZULA!...
transports étaient encore hippomobiles. Ez da Garizuma!
Source: Mes camarades d'école, a St.-Jean-Pied-de-Port, Source: Famille Clement HARITSCHiELHAR, 1958, á St-
á Esterenguby, et aux Aldudes, 1920 - 1926. Jean-Pied-de-Port.
A l'égard d'un gros garcon qui mange trop: Le propiétaire (allant) aprés l'enfant:
Attends, attends!...
Han • ha Pottolo!... Mauvais petit garcon du diable!
Jan duk tripota, Source: Mes souvenirs d'enfance, de 1920 á 1926, Fami-
Oral, ase ta lo, lies DUNY-PÉTRÉ - CARRICABURU - Rue d'Espagne á
Saint-Jean-Pied-de-Port.
Gerortik zaparta!
Les parents aussi, se laissent prendre au
Han - ha Pottolo!...
Tu as mangé le boudin, jeu des formulettes, quand ils réprimandent
Maintenant, repu et endormi, leurs enfants paresseux:
Ensuite, éclatement!
Muttiko - puttiko,
Toujours dans le domaine de la nourriture: Nekatto - mekatto,
Axola guttiko,
Trilili ala tralalal...
Ta lana biharko!...
Kantu guzien ama da.
Nik ogi eta xingarra, Garconnet - petit garcon,
Hik idi baten adarra. Fillette - petite fille,
Peu sérieux,
Trilili ala tralala! Et le travail pour demain!...
Trilili ou bien tralalal...
(1) Zirri - mirri!... Exclamation puerile pour narguer, mais
C'est la mere de toutes les chansons. surtout pour obtenir une rime en ri.
Moi, du pain et du jambon, En réalité, it existe une expression: zirri - marra, que Ion
Toi, la corve d'un boeuf. emploie pour caractériser une écriture illisible. On designe
Trilili ou bien tralala! aussi de cette facon un mauvais dessin oú ['enfant s'est con-
tenté de griffonner des traits dans tous les sens.
(2) Ttin - ttin!... Ttan - ttan!... Exclamations puériles, parais-
(I) Han - hal... Exclamation puerile pour narguer. sant imiter le tintement d'une clochette qui donnerait ['alarme.
102 PIERRE DUNYPÉTRÉ (20)
A proprement parler, il n'existe pas d'air (1) Xirrixti - mirrixti - Onomatopée évoquant sans doute
le grésillement d'une viande sur le feu.
qui permette de chanter véritablement ces for- Noter le redoublement avec l'initiale M. Nous l'avons déjá
mulettes. Mais, dans les écoles d'autrefois, les rencontré dans le refrain incantatoire: «Xirula - mirula». C'e5t
(21) XIRULA - MIRULA 103
BA 1 - Baga ZA 7 - Zahi
ARIANDA - MARIANDA...
BI -> 2 - Biga ZO 8 - Zohi
HI -> 3 - Higa BE , 9 - Bele
Arianda - marianda, sukalde zaharra, kedar
LA--•4-Laga 10 - Arma
beltza, biper, gatza, talo - malo, esne bero,
BO , 5 - Bosga TI->11-Tiro
bertza zilo!
SEI , 6 - Seiga 12 - PUNP
Arianda - marianda, (1) vieille cuisine, suie
noire, piment, sel, galette de mais, (2), lait chaud, Source: Mes camarades d'école, á St.-Jean-Pied-de-Port,
á Esterenguby, et aux Aldudes, 1920 - 1926.
chaudron troué!
Harriola - marriola, (1) aiguille pointue, pigüre En ce qui concerne la forme, ce texte est
douloureuse, tit mauvais, tiraillement, en partie versifié. Aussi, existe -t-il exceptionne-
zirrin - zarran, (2) et zart! (3) Ilement un air pour chanter le quatrain qui pre-
Le sujet de cette comptine aurait pour ori- cede la phrase terminals, et dont les rimes sont
gine l'activité d'une couturiere, si I'on conside- en la et en in. Le reste se recite avec la mono-
re l'aiguille que Ion plante, ou le fil que Ion tonie habituelle.
tire trop fort, et qui se casse... En outre, les Comme précédemment, le meneur de jeu
onomatopées présentent un certain caractere tient toujours compte du rythme et de la so-
comique, car on peut supposer que les enfants norité des premieres syllabes. Mais. dans le
ont observé, á maintes reprises, les signes cas present, du fait de la versification, it est
d'agacement que manifeste une personne qui oblige de faire correspondre:
coud, lorsqu'elle se pique avec son aiguille,
...kin, koan, kin...
lorsque le fil est de mauvaise qualité, etc...
á I'équivalent euphonique:
La recitation doit se faire selon les modali-
tés indiquées ci-dessous: ...bor - tan - min...
HA 1 - Harriola TXA --> 8 - Txarra D'ailleurs, voici ce que donne cette comptine
MA 1 - Marriola TI 9 - Tira dans la bouche des enfants:
OR -* 3 - Orratza BI 10 - Bira
1 - HArla 9-TAN
ZO -> 4 - Zorrotza ZI 11 - Zirrin
2 - MArla 10 - MIN
XIX 5 - Xixta ZA 12 - Zarran
3 - KIN 11 - SEgera
GAI > 6 - Gaitza 13 . Eta
4-KOAN 12 - MEgera
HA -> 7 - Hari 14 - ZART
5- KIN 13 - Klrun
Source: Mes camarade3 d'3c3le, á J ^ ?nt-Jean-Pied- !e-Port, 6 - BOrtan 14 - KArun
á Esterencuby, et aux Aldudes, 1920 - 1926. ZE-•7-Zela 15-PEK
8 - BOR
(1) Harriola - marricIa - Onomatopée préliminaire, et re-
doublement avec M, sans signification apparente, mais tres Source: Mes camarades d'école, á Saint-Jean-Pied-de-Port,
musicale. á Esterenguby, et aux Aldudes, 1920 - 1926.
Le mot harriola, se traduit par: «atelier de tailleur de pie-
rre•. II n'a donc ricn á voir avec le reste de la comptine. avec sa truelle sur les jointures des pierres, et qui s'écrase
C'est pourquoi nous avons pensé plutót á une expression ima- en faisant: tart!...
ginée par les petits, et dérivée du verbe har, hartu, qui signi (1) Harta - arta - Noter toujours le redoublement avec M.
fie: «prendre ou capturen.. Car dans beaucoup de jeux enfan- La premiere syllabe ne rappellerait -elle pas har, ou harte, dans
tins, it s'agit d'attraper ou de toucher un adversaire. le sens de prise ou de capture?
(2) Zirrin - zarran - Exprime le frottement ou la déchirure. (2) Kin, koan, kin - Selon la supcsition qui vient d'être
(3) Zart!... Evocation d'une cassure séche et brutale, ou faite, ces exclamations sonores pourraient représenter les
bien d'un écrasement. chocs bruyants assénés par le captif contre la porte.
Grace á ('exclamation zart, qui traduit un bruit assez ca- (3) Segera - megera, kirun, karun, pek! - Ici, le redouble-
ractéristique, les Basques ont créé le verbe zartatzea: «crépir ment avec M de segera exprimerait le bruit que I'on fait en
un mur.. Car on pense alors au mortier que lance le mapon sciant ou en rongeant quelque chose. Quant á I'onomatopée sui-
(23) XIRULA - MIRULA 105
Source: Mes camarades d'école, a Saint-Jean-Pied-de-Port, Source: Mes camarades d'école, á Saint-Jean-Pied-de-Port,
á Esterencuby, et aux Aldudes, 1920 - 1926. á Esterencuby, et aux Aldudes, 1920 - 1926.
nels de nos enfants n'existent plus que parmi Celui-lá se trouve penalise. D'abord parce
les souvenirs lointains et nébuleux de leurs qu'il prend la place du garcon chargé de faire
ainés. II faudrait pourtant essayer de reproduire rouler la baile vers le pied du mur, au risque
('ambiance des anciennes reunions enfantines, de la faire entrer malencontreusement dans son
lá oú les «grands» étaient tout fiers d'expliquer propre beret. Mais surtout parce qu'il se volt
les secrets d'un jeu á leurs camarades plus infliger «un One», asto bat... C'est un petit cai-
petits, car ils se sentaient véritablement por Ilou que Ion depose dans son beret, et qui vaut
ancestrales qu'il ne failait-teursdpatiques un point.
pas laisser tomber en desuetude.
Or, le premier des joueurs assez malchan-
Malheureusement, on ne trouvera, ci-aprés, ceux pour totaliser cinq points, (materialises
que quelques souvenirs personnels. Mais peut par cinq cailloux), est proclamé «Roi des Anes»,
-titre inciteront- ils les autres Basques á Astoen Erregea. C'est le perdant de la partie.
rechercher, chacun de leur cote, les anciens Sous les huées de ses camarades, it s'immo-
amusements qui avaient charmé leurs jeunes bilise au pied du mur devant lequel it courbe
années. Ne serait-il pas criminel de priver nos l'échine en présentant son derriere aux autre
petits de ces premiers elements de leur «bas- joueurs. Ceux-ci, reculent d'une dizaine de pas,
quitude»? et s'emparent de la pelote á tour de role pour
la lancer contre les fesses du patient. C'est une
fawn comme une autre d'exercer leur adresse...
ASTOEN JOKOA
Aprés cet interméde tragi-comique, une nou-
.LE JEU DES ,ONES.
velle partie est engagée dans les memes con-
Cet amusement ne semble pas avoir d'équi- ditions que précédemment.
valent dans d'autres regions francaises. Pour Source: Mes camarades d'école, á Saint-Jean-Pied-de-Port,
les besoins du bilinguisme, les enfants disaient á Esterencuby, et aux Aldudes, 1920 - 1926.
alors qu'ils allaient «jouer aux Ones....
Si l'on veut pratiquer ce jeu, it faut d'abord AXKENKA
disposer d'une pelote, étant entendu par ailleurs <.A S' ATTRAPER»
que chacun possede un beret. Généralement,
le groupe des joueurs comprend cinq á six gar- Voici un jeu qui correspond au Francais:
cons, ou davantage. Afin de designer celui qui «Jouer á la poursuite», ou encore: «Jouer á
prendra en main la pelote, on procéde á l'élimi- s'attraper». Axken, diminutif de azken, signifie
nation des autres participants, selon le rite des «dernier». Ce mot fait sans doute allusion au
comptines. Ensuite, tous les berets sont alig- vainqueur de la partie, c'est á dire á celui qui
nés par terre, au pied d'un mur ou d'un talus, a été assez dégourdi pour rester le dernier en
serrés les uns contre les autres et bien ouverts, liberté, alors que tous les autres ont été pris.
de facon que la pelote puisse entrer sans obs-
tacle. Afin d'annoncer le début des operations, ('en-
fant qui est designé pour courir aprés les au-
Le joueur qui tient la pelote se place á une
tres, crie le signal versifié suivant:
dizaine de pas des berets ranges devant lui.
II lance la baile vers ces coiffures, en la faisant Bali!...
rouler doucement afin qu'elle puisse s'immo- Atxemanak oro kali!
biliser dans l'une quelconque de celles-ci. Pen- C'est valable!...
dant ce temps, les autres enfants se tiennent Tous ceux qui sont pris, (sont) assommés!
prtts á intervenir le plus rapidement possible,
car si la pelote entre dans le beret de l'un d'eux, Les fugitifs se dispersent alors dans toutes
it doit aussitot la lancer sur un joueur, avant les directions, pour échapper á celui qui dolt
que celui -ci ne s'échappe trop loin-, toute les poursuivre, et que nous appellerons par
la bande s'étant alors dispersée comme une exemple: Manex. De temps en temps, it arrive
volée de moineaux. S'il a été assez habite pour qu'un enfant particuliérement agile, et par bra-
frapper un de ses camarades d'un coup de pe- vade, lance un défi á Manex en criant:
lote, c'est au joueur touché qu'il appartient d'en Hope Manex! Hope!...
atteindre un autre en lancant á son tour la ba-
Chiche Jeannot! Chiche!...
Ile, et ainsi de suite jusqu'á ce qu'un des en-
fants manque son coup. Quand un fugitif a été touché par le pour-
(25) XIRULA - MIRULA 107
ITSU - MANDOKA edo ITSU - ASTOKA Dans quelques villages montagnards, les pe-
COLIN - MALLARD. (1) tits Basques appellent Itzulipurdi Martin, la cul-
bute que font parfois deux béliers antagonis-
Que l'aveugle soit un mulet ou un áne, nous tes, á la suite de leur charge furieuse„ l'un
avons l á deux appellations equivalentes du jeu contre l'autre, et tete baissée. C'est que, sous
de «Colin - Maillard» et de ses variantes. la violence du choc, ces animaux effectuent
Premiere facon de jouer. un tour complet sur eux-mémes, —itzulipurdia—,
avant de se retrouver sur leurs pattes. Tradi-
Celui qui a les yeux bandée, Itsua, doit sai- ditionnellement, le bélier, marroa ou aharia, est
sir et reconnaitre, á tátons, un de ses camara- affublé du prénom de «MARTIN».
des. S'il n'a pas deviné, on I'avertit qu'il se
trompe par trois battements de mains. S'il Les enfants, impressionnés et admiratifs de-
s'aprroche dangereusement d'un obstacle, on vent l'impétuosité de cette bete, s'écrient cha-
lui crie, selon le cas: que fois qu'ils s'amusent á faire des cabrioles
dans l'herbe:
Kasu eskuin!... Kasu ezker!... ou bien: Geldi!...
ltzulipurdi Martin!...
Attention á droite!... Attention a gauche!... Halte!..
Culbute, Martin!...
Source: Mes camarades d'école, á Saint-Jean-Pied-de-Port,
á Esterenguby, et aux Aldudes, 1920 - 1926. Mais autant que possible en évitant de se
cogner la tete...
Lorsqu'un des joueurs a été pris et identifié,
c'est lui qui devient á son tour itsua. Et le jeu
continue. KOSK! MARTIN KOSK!...
Seconde fagon de jouer. A COSSE BELIER
Une variante de cet amusement consiste á Sans quitter la bergerie basque et ses bé-
mettre une pelote entre les mains de ['enfant liers, notons ce qui arrive lorsque deux enfants
qui a les yeux bandés. Ses camarades les plus se cognent accidentellement la tete au cours
hardis s'approchent sans éveiller son attention, de leurs jeux, et que la douleur ressentie fait
et lui donnent une tape dans le dos tout en pro- naitre des pleurs. On parvient aussitót á faire
voquant le dialogue suivant: rire les deux infortunés en leur criant:
— Itsu-mitsua, Kosk! Martin kosk!...
Nun duk pilota? ou bien:
— Hementxe diat! Kosk! Marro kosk!...
— Botazak hunat!
(1) Redoublement aec M, pour marquer, semble-t-il, une
certaine insistance. Cela pourrait vouloir dire: «Aveugle, oui_
(1) Littéralement: «A mulet aveugle= ou «A tine aveugleA. aveugle!..
108 PIERRE DUNYPÉTRÉ (26)
Cosse! Martin cosse!... pas á mettre une épingle sur le poing de l'en-
Cosse! Bélier cosse!... fant qui lui fait face. Pour gagner, it taut sim-
Et le mal est tres vite oublié. plement qu'il devine si l'épingle cachée tourne
sa «pointe» ou son «cul» en direction du pouce.
Source: Mes souvenirs d'enfance, de 1920 á 1926, Fami-
Car s'il se trompe, it a perdu, et c'est lui qui
Ile DUNY-PÉTRÉ - CARRICABURU - Rue d'Espagne á
Saint-Jean-Pied-de-Port. doit donner une épingle.
Le ton est ainsi donne. La partie se poursuit Avec un petit caillou dissimulable dans la
et s'achéve, tandis que chacun s'efforce d'être main, it est possible de se livrer au «Jeu du sor
le plus habile, le plus malin, ou le plus témé- Le beret lui-meme n'est pas indispensa--cier».
raire. ble, á condition toutefois de porter un tablier.
les réactions de ceux qui sont assis, mais it plan purement éducatif, ne serait-il pas urgent
se met lui aussi á passer en revue toute la de faire revivre quelques traditions enfantines
rangée des enfants. Tour á tour, iI pose sa d'aprés lesquelles chacun était capable de con-
main sur le front de chacun d'eux et, avec une fectionner son jouet? Est-ce vraiment un pro-
interrogation muette dans le regard, it recite: gres que de gayer littéralement nos petits avec
des objets tres compliqués, achetés á grand
— S'il se doute de quelque chose: frais chez les commercants? En agissant ainsi,
Izerdi, bero, bero, bero!... les parents contribuent non seulement á fer-
mer la porte á toute une imagination juvenile,
Sueur, chaude, chaude, chaude!...
mais á susciter parmi les enfants des senti-
— S'il ne suspecte rien: ments d'injustice et de jalousie vis á vis des
«fils á papa «trop bien nantis. Déjá!...
Izerdi, hotz, hotz, hotz!...
Sueur, froide, froide, froide!...
Pour ma part, je ne puis m'empecher de pen-
ser au magnifique et inappreciable cadeau que
II note alors soigneusement les réactions représentait un simple canif chez les enfants
des enfants assis, (rires, tremblements nerveux, de ma generation. Avec un couteau de poche.
rougeur, páleur, etc...) Bref, tout ce qui peut nous étions tous capables de fabriquer quelque
trahir la presence ou ('absence du caillou caché. chose en tailladant un morceau de bois. C'est
l'univers des inventions artistiques ou utilitai-
Finalement, le moment décisif approche, et
res qui s'offrait ainsi á nous, avec je ne sais
le sorcier se décide á mettre la main dans un quelle part de réve... Car it arrivait, bien sat. ,
beret ou dans un tablier. Deux cas peuvent alors
que ('objet realise soit loin de la perfection
se presenter: désirée. Mais on le trouvait quand méme satis
— Le sorcier s'est trompé. II n'a plus qu'á ce-faisnt,puq'l aorsdimgne
courber le dos. Car ses camarades vont lui qu'il aurait pu étre, en le regardant avec les
sauter dessus, á tour de role, afin qu'il les yeux de ('amour!
transporte «konkolotx», c'est á dire: á califour- Oú trouverait-on, de nos jours, l'équivalent
chon, sur un parcours determiné á l'avance. d'un pareil exercice intellectuel autant que ma-
Aprés cette épreuve, une autre partie peut re- nuel?
commencer, chacun conservant son role initial.
et se met á faire tournoyer celle-ci á toute vi- veritable fléche. Le résultat était d'aiileurs sen-
tesse, imitant en somme le geste accompli par sationnel. Tous les danseurs avaient alors droit
un frondeur. Alors, selon la rapidité avec laque a une plume plantée dans leur dos. Et chacun
un-Ilevirotmcaudbis,net se moquait du voisin, sans se douter qu'il était
ronflement sonore, qui s'amplifie pour ressem- I'objet des mémes rires!
bler finalement á un mugissement.
A ('époque des récoltes, ce bruit insolite MATXARDIA
avait le don de provoquer immédiatement la
LE LANCE - PIERRE
fuite éperdue des moineaux dans les jardins
potagers. De lá, pour les campagnards, l'utilité En langue basque, matxardia est un mot
évidente de cet amusement enfantin. qui s'applique généralement á tous les objets
Source: Mes camarades d'école, á Saint-Jean-Pied-de-Port, fourchus. Par exemple, it en est ainsi lors-
á Esterencuby, et aux Aldudes, 1920 - 1926. qu'un tronc rectiligne se sépare en deux bran-
ches semblables. On comprend alors pourquoi
LAPATINAK les petits Basques appelérent tout naturellement
leur lance-pierre matxardia, lorsqu'ils confec-
.PETITS CHARDONS DE LA BARDANE. tionnérent cet appareil en fixant deux laniéres
de caoutchouc sur les deux extrémités d'une
En plein été, on voit s'épanouir, le long des
baguette fourchue.
chemins ou sur les terrains vagues, les feui-
Iles lourdes et charnues de la bardane. Mais Ce jouet, aussi répandu que dangereux, est
les enfants ne s'intéressent á cette plante que tenement connu qu'on en trouve méme dans le
pour ses multiples petits chardons épineux: commerce, mais avec une fourche métallique.
lapatinak. Its constituent en effet des projec- L'enfant est alors privé du plaisir de fabriquer
tiles qui s'accrochent et adherent aux vete son lance-pierre par ses propres moyens. Car
gens que Ion a pris pour cible... -mentsde it y a d'abord la recherche, á travers les taillis
ou les haies, d'une fourche bien réguliere: ma-
Afin de mettre en reserve d'abondantes «mu-
txardiaren Baia. Généralement, ce sont les jeu-
nitions», les garnements se livrent donc á la
nes pousses de frene qui offrent les plus jo-
cueillette des lapatinak. Ce travail préliminaire
lies fourches. II faut ensuite se procurer deux
n'est guére difficile. II suffit de ramasser, un
laniéres de caoutchouc en tailladant une vieille
par un, les minuscules chardons et de les agglo-
chambre á air d'automobile. II faut encore trou-
mérer en de grosses boules: lapatin pilotak.
ver un rectangle de cuir soupie, afin de prépa-
Car ('adhesion est parfaite et cela «tient tout
rer la «bourse» destinée á contenir le projec-
seu I».
tile. II faut enf in attacher le tout au moyen
C'était surtout pendant les fetes locales, au d'une ficelle mince et solide...
cours des bals champetres consécutifs aux par-
Que de patience! Que de tentatives infruc-
ties de pelote, que les lanceurs de lapatin s'en
tueuses et souvent décourageantes! Que de
donnaient á coeur joie. On s'amusait ainsi bien
.secrets de fabrication» que l'on recueille au-
plus qu'avec des confettis. A leur insu, les dan
prés des grands garcons! Mais finalement, quel
tete aux-seurfinatpécbsdel
triomphe!
pieds avec tous ces petits chardons adhésifs.
Source: Mes camarades d'école, á Saint-Jean-Pied-de-Port,
Mais bientót, grace á leur imagination sans á Esterencuby, et aux Aldudes, 1920 - 1926.
cesse en even, les enfants perfectionnérent les
projectiles primitifs. Its plantérent une belle
PILOTA
plume de volaille dans la partie charnue située
á I'arriére de chaque lapatin. On obtenait ainsi LA PELOTE BASQUE
des «lapatin burtandunak»...
Les vraies pelotes du jeu de paume conti-
nuent á titre fabriquées par des artisans, selon
LAPATIN BUZTANDUNA des regles traditionnelles toujours en vigueur.
De tout temps réservées aux joueurs chevron-
.LAPATIN MUNI D'UNE QUEUE.
nés, elles étaient donc plutat rares entre les
mains des enfants.
Des tors, le tir s'avéra beaucoup plus pré-
cis, car la plume fixée derriere chaque projec- Pourtant, ceux-ci n'ont jamais été privés de
tile aidait celui-ci á fendre lair comme une pelotes, méme á ('époque oú les bailes de
114 PIERRE DUNYPÉTRÉ (32)
caoutchouc n'avaient pas la vogue qu'elles ont rrespond, ici encore, á une onomatopée. Ce-
actuellement. En réalité, les enfants utilisaient: pendant, it est mentionné dans le dictionnaire
— Soit de vieilles pelotes usagées, délai- du R.P. Lhande oú it est traduit simplement
ssées par les grands, et raccomodées tant bien par «vessie», sans autre precision. II s'agit en
que mal. effet d'une vessie de porc. Mais elle n'inté-
resse les enfants que dans la mesure oú ils
— Soit des pelotes confectionnées par les peuvent en faire un jouet.
petits eux-mémes, au moyen de vieux fils de
laine récupérés dans leur famille, et patiem- Lorsque, dans une ferme basque, on tuait
ment enroulés sous forme de boule. le cochon, la vessie de l'animal était parfois
mise de coté en vue d'un usage qui n'avait
Nous avions donc ici une pelote tres rudi- rien de culinaire. Aussitot prélevée, on la gon-
mentaire, non recouverte de cuir, et qui s'effi- flait comme un ballon de baudruche. L'orifice
lochait souvent en cours de partie. Pour évi- était alors fermé et noué au moyen d'une fi-
ter cet inconvenient, it fallait «arréter» les celle. Celle-ci, qui présentait une longueur d'en-
bouts de laine qui pendaient, grace á quel- viron cinquante centimetres, etait fixée au bout
ques aiguillées de fil que l'on passait á travers d'un petit baton souple, généralement une bran-
la pelote. che d'osier. On laissait ensuite sécher !e «ba-
Bref, dans les deux cas, les enfants dispo- llon» pendant quelques jours, jusqu'a ce qu'il
saient de pelotes assez molles, donc relative- présente une paroi parcheminée bien tendue.
ment inoffensives lorsqu'elles étaient lancées L'engin que Ion obtenait ainsi, avait l'aspect
contre quelqu'un. du «fléau d'armes», dont se servaient les gue-
rriers du Moyen-Age: une boule métallique en-
TTU N PA chainée á I'extrémité d'un manche plus ou
moins long. Mais, contrairement á cette arme
LA PETOIRE
redoutable, la boule de notre jouet était pleine
Comme on peut déjá s'en douter, le nom d'air, et Ion pouvait l'abattre sans danger sur
de ce jouet rustique est une onomatopée: la tete de n'importe qui. Le bruit sourd et répé-
«Ttump!» C'est le bruit que I'on ferait en se té que faisait la vessie en rebondissant puis
servant d'un «pistolet a bouchon». En Francais, en tournoyant au bout de sa ficelle, est évidem-
on emploierait ici le mot «pétoire». ment á ('origine du mot «turruputun».
A l'époque où !'on ne ti - ouvait des pistolets II convient de préciser que ce jouet faisait
et des petards que dans les magasins des gran- réguliérement son apparition au début de cha -
des villes, les petits Basques utilisaient ttunpa que année, pendant la période des réjouissan-
qu'ils fabriquaient eux-mémes. Le canon de la ces carnavalesques. Au milieu des rires et des
pétoire consistait en un tube de bois obtenu cris, les batailles de turruputun produisaient
en vidant de sa moelle une branche de sureau, un vacarme infernal. Et chacun y allait avec
á l'aide d'un fil de fer assez rigide. Plus sim- d'autant plus d'entrain que les coups étaient
plement, on utilisait aussi du bambou. Dans absolument indolores. Mais un jour, la malheu-
ce tube, on faisait coulisser une baguette ter- reuse vessie de porc finissait par éclater,
minée par une boule rembourrée de tissu, et aprés de bons et loyaux services...
qui jouait le role d'un piston. Beaucoup plus tard, mais ayant toujours
C'est ainsi qu'un bouchon, enfoncé á l'autre dans la mémoire ces souvenirs d'enfance, j'ai
extrémité du tube, était chassé brutalement assisté á un spectacle folklorique basque oú
par lair comprimé, des que Ion poussait brus- se produisaient quelques danseurs de Haute-
quement la baguette. Cela produisait une dé Navarre. C'est alors que je découvris, non sans
-tonaidlpuscevarit,édmn emotion, une danse de Carnaval au cours de
selon le calibre du tube. laquelle un jeune garcon costume en «Bouffon»
ou en «Fou de Cour» du XVI" siecle, brandis-
Source: Mes camarades d'école, á Saint-Jean-Pied-de-Port,
á Esterencuby, et aux Aldudes, 1920 - 1926. sait un magnifique «turruputun» en guise d e
hochet... II s'agitait dans les rangs des dan
a tort et á travers, mais tou--seur nfap nt
TURRUPUTUNA jours en respectant le rythme entrainant de la
LA VESSIE DE PORC musique.
Source: Mes camarades d'école, á Saint-Jean-Pied-de-Port,
Bien entendu, cet étrange mot basque co- á Esterencuby, et aux Aldudes, 1920 - 1926.
(33) XIRULA-MIRULA 115
Au printemps, des que la séve monte dans II serrait ensuite, d'une main ferme, le fu-
les jeunes branches et qu'apparaIssent les pre- tur tuyau d'écorce qu'il voulait détacher du
mieres feuilles, c'est la «saison des sifflets». bois, et tentait de le faire tourner sur la tige
Le long des chemins bordés de hales vives, pour le rendre indépendant de ceile-ci. En cas
les enfants recherchent alors, parmi les nou- d'échec, it reprenait patiemment son refrain in-
velles tiges de frene, de saute ou de chataig- cantatoire, et recommencait I'opération jus-
nier, un batonnet bien droit. Entre deux noeuds, qu'au succés final.
l'écorce tendre est tailladée, puis battue avec
Source: Mes camarades d'école, á Saint-Jean-Pied-de-Port,
le manche du couteau. On la détache ensuite á Esterencuby, et aux Aldudes, 1920 - 1926.
de facon á obtenir un «tuyau», et le sifflet se
trouve déjá pratiquement terminé.
Qui mais, pour prélever ce fameux tuyau ZIRRIPIZTA EDO ZIRRIZTA
sans abimer l'écorce, it fallait reciter quelques LA SERINGUE
paroles magiques. Et je me souviendrai tou- (Qui lance un jet d'eau)
jours du «grand garcon» qui officiait devant
moi pour m'apprendre á fabriquer un sifflet. Ces deux synonymes, qui évoquent si bien
Assis par terre au pied d'un arbre, it tenait le jaillissement d'un jet d'eau avec ses mine
dans sa main gauche une baguette de frene gouttelettes, ne se traduisent en Francais que
appuyée contre son genou. Aprés avoir soigneu- par le mot: «seringue».
sement découpé, sur l'écorce, ce qui allait étre
Tandis que les magasins de «Farces et atra-
le sifflet, it prenait son couteau par la lame et
pes» vendent aujourd'hui des pistolets á eau,
frappait avec le manche, a petits coups secs,
les enfants basques connaissaient depuis long-
sur la baguette qu'il faisait rouler lentement
temps les joies du zirripizta, grace á un jouet
entre ses doigts, afin qu'elle soit uniformément
rustique qu'ils fabriquaient eux-mémes. Pour
battue.
cela, i1 fallait se procurer une branche de su-
Alors, en suivant le rythme rapide des coups, reau d'environ trois centimetres de diamétre.
it chantonnait sur fair approximatif de «Buba On y taillait ensuite un troncon bien droit de
ninaño»: quarante centimetres, limité par un noeud, et
Tinter - lanter!... dont on retirait la moelle. Le tuyau ainsi obte-
Inen daiat xirula, nu n'était done ouvert qu'á l'une de ses ex-
Hail, ekarrak adarra, trémités, et Ion percait d'un petit trou le noeud
Legun eta xuxena. situé á l'autre bout. Ainsi était constitué le
Zertaz? corps de la seringue. Lorsqu'on avait la chance
Leizar laida pollitaz! de trouver du bambou, it est evident que le
tube était encore plus facile á confectionner.
Tinter - lanter,
Je vais te faire le sifflet, II restait ensuite á fabriquer la tige du pis-
Va, apporte-moi la branche,
Lisse et droite.
ton, c'est á dire une baguette en bois dur des-
De quelle sorte? tinée á s'engager dans le gros trou du tube.
D'un joli rameau de frene. Bien entendu, le piston était solidement coiffé
Xirula - mirula kantari!... d'un tampon d'étoffe ou de cuir, destiné á assu-
Berro pian sar hadi, rer l'aspiration puis ('expulsion du liquide.
Eta motz adar hori! Mais plus tard, le progrés aidant, it devint
Sifflet - sifflet chanteur, beaucoup plus facile de récupérer une vieille
Rentre sous le buisson, «pompe á bicyclette», et nos enfants n'eurent
Et coupe cette branche! plus l'idée d'aller battre la campagne pour se
Xirula - mirula kantari!... procurer un baton de sureau ou de bambou.
Balinbahiz izerdi,
Source: Mes camarades d'école, á Saint-Jean-Pied-de-Port,
Krisk, krask, atera hadi! á Esterencuby, et aux Aldudes, 1920 - 1926.
116 PIERRE DUNYPÉTRÉ (34)
ARTZAIN JOKOA
Otsoa
Ardiak
Q a ^
HAURREN PILOTA
(35) XIRULA MIRULA
- 117
BASA JAUNA
C ^7
Kuia
X arhoa ........
LAPATINAK
Lapat in
buzt an duna
Lapatina
Luma
118 PIERRE DUNYPÉTRÉ (36)
ABAILA
... Lokarria
... Larrua
•
a
Harria
MATXARDIA
(37) XIRULA - MIRULA 119
FURRUNA
TURRUPUTUNA
120 PIERRE DUNYPÉTRÉ (38)
TTUNPA ZIRRIPIZTA
(._))..... Tap a
... Xiloa
0000 Z fria .. .
.... Ziria .
XIRULA
Caineko
xiloa.... ...GainekC xiloaren lekua
Axala
Peko ziria
Adarra .