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Les événements sur les langues dans la langue sauvée

→si la langue “Sprache” est faite de plusieurs langues nationales, la langue autobiographique de
Canetti apparaît comme profondément organique, “Zunge”.

Les langues populaires, illégitimes. Celles des paysans à l’entour, le bulgare, le roumain, celle de
la famille, le judéo-espagnol et au-delà dans un rapport latéral, le turc. En face des langues
illégitimes, les grandes langues européennes, le français, l’anglais et surtout, par dessus tout,
l’allemand qui va devenir la langue de Canetti. Entre les deux, à part, insituable, la langue
sacrée, magique, l’hébreu.

● Mon premier souvenir : Associé à la couleur rouge. E.C a 2 ans. Couleur rouge de la pension
Karlsruhe où il passe ses vacances avec ses parents. Canetti est gardé par la bonne d’enfant
Bulgare dont l’amant terrorise l’enfant en le menaçant de lui couper la langue (allemand).
NB : ​Le complexe de castration est l’un des concepts centraux de la psychanalyse​. Il est étroitement lié au
complexe d’​Œdipe​. Le premier à s’être référé à cette réalité psychique fut précisément le père de la psychanalyse,
Sigmund Freud. D’autres psychanalystes ont réalisé des développements très intéressants sur ce sujet, Jacques
Lacan notamment.

● Orgueil familial. Roustchouk sur le Danube inférieur, ville de naissance de E.C.


Ville de Bulgarie où l’on pouvait entendre parler une huitaine de langues différentes
(polyphonie de l’enfance) →Turcs, Grec, Albanais, Arméniens, Tzigane, Roumain, Russe,
Bulgare, Espagnol (les juifs sépharades). Roustchouk convoque le mythe de Babel, récit des
origines.
Terreurs inspirées par les tziganes sur E.C.
Peur terrible de E.C pour le père qui se montre une nuit portant un masque de loup (peur
similaire à celle de la mère, peur de l’enfance).

Supériorité de classe des sépharades espagnols ressentie par rapport aux autres juifs. Autre
différence une place à part faite aux “bonnes familles”, véritable orgueil de classe. La mère
d’E.C orgueil par l’argent et par la caste.
“Je fus prévenu très tôt contre toute fierté liée à la naissance. Je suis incapable de prendre au
sérieux un homme qui affiche une quelconque forme d’orgueil de caste”.
Littérature de l’après référence intrinsèque dans cette suprématie des classes à l’idéologie
nazie : “J’ai appris à reconnaître les subtiles transitions qui mènent à la soif d’argent pur et
au simple délire de persécution caractéri​sé”.

Ainsi, la famille prise en tant qu’entité comme un tout est une fierté pour la mère, les êtres
individualisés sont méprisés d’une certaine manière, mais la famille inscrit les êtres dans une
pérennité qui lutte contre la finitude humaine : ​“Mais je ne suis pas moins fier d’elle, tant que
je ne déteste réellement qu’une seule chose : son ennemi la mort”.
NB: Dans Masse et Puissance, Canetti définit la masse comme un principe instinctif de l’homme lui permettant
d’éviter de se confronter à sa finitude en s’inscrivant dans une entité intemporelle que représente la masse.
● Kako la gallinita. Idiot du village. Cet homme était harcelé par les enfants du village qui lui
criait dessus “Kako!Kako!” car il craignait les poules. Sous les huées des enfants il se
transformait en poule sautant et gesticulant en tout sens →on voit ici le pouvoir du langage
sur les hommes, capable d’être violent et de réifier la personne, le pouvoir passe par le
langage qui se sert des peurs.
NB : l’idiot est celui qui ne maîtrise pas le langage, qui ne possède pas le don de la parole, qui demeure
éternellement un enfant; terme venant du latin “infans”, désignant celui qui ne parle pas. Dès lors, “les idiots” sont
ceux qui ne possèdent pas le pouvoir octroyé par les mots, à l’image de Kako la gallinita, qui inspire de la pitié, ou
encore de la cousine Elsie qui ne peut qu’à peine parler - “elle restera toujours idiote”-.

● Loups et loups garous. Cet histoire fait référence à un épisode de vie que lui racontait sa mère.
Lorsque par un très grand froid en Roumanie sur un traîneau elle fut attaquée par des loups.
Les loups hantent l’imaginaire de Canetti. Fiction, imagination et histoires réelles se
rejoignent du fait des récits de loups-garous racontés par les petites bonnes bulgare de dix ans
, camarades de jeu d’E.C.
→On remarque un phénomène de traduction rétrospective dans la mémoire de Canetti, ces
histoires restent gravées non pas en Bulgare, mais bien en Allemand. Geste de la traversée et
du mouvement. La langue de l’origine est soit : 1) perdu, 2) transposée, 3) traduite​, elle ne
serait pas être “multiple”. La langue est un spectre, un fantasme. L’autre langue permet de
“vivifier” l’émotion passée, la traduction en allemand n’est pas perçue comme une perte du
souvenir, mais permet de le faire revivre.
“​Seuls certains faits particulièrement dramatiques, les grandes frayeurs demeuraient gravés
dans ma tête en espagnol”.
“Ce n’est pas comme la traduction d’une oeuvre littéraire d’une langue dans une autre, c’est
une traduction qui s’est opérée toute seule dans l’inconscient”.
Bulgare : la langue des jeunes paysannes qui courent nu-pieds dans toute la maison et qui se blottissent le soir les
unes contre les autres (le petit Canetti au milieu d’elles) en se racontant des histoires de vampires et de
loups-garous qui font très peur. Langue oubliée, langue de nostalgie, langue de l’autre, du fond de l’enfance.
Démultiplication des figures de mères.

● La hache de l’arménien. Description vivante presque topographique des lieux qui rappelle les
croquis de Brulard. Dans l’arrière cour, domestique qui fend du bois. Triste Arménien, chant
de l’exil, sonorité de la voix. L’arménien a perdu toute sa famille. Réfugié en Bulgarie le père
d’E.C le recueille.
→L’exil est au coeur de la langue qui rejoint l’exil du peuple juif, l’unité face à l’exil,
nécessité de faire revivre les morts par la langue (chant funéraire).
NB : Prière juive : le kaddish est connu pour entourer les mort. Retour sur une prière qui accompagne le peuple
d’Israël dans son histoire et sa vie quotidienne.

● Naissance de mon frère. Importance d’être le fils aîné dans la culture juive le “Bucco”.
Accouchement de Nissim. Peur face aux plaintes et aux cris de douleurs de la mère, ne veut
plus voir sa mère, elle lui apparaît comme étrange, il lui faudra des mois avant de retrouver
confiance en elle. Peur du silence.

● La maison du Turc. La Turquie rappelé par la figure des grands parents Canetti, les grands
parents sont d’origine turque (exilé en turquie), nés à Edirne, Andrinople. Hormis, les grands
parents Canetti beaucoup de choses rappellent la Turquie, “Stambol” était le dernier mot de la
première chanson d’enfant que E.C appris : ​“Manzanitas coloradas, las que vienen de
Stambol”,​ les petites pommes rouges, celles qui viennent de Stamboul.
xénisme : insère dans la phrase des mots étrangers. télescopage plurilingue de la mémoire par
le biais du désir.

● Les grands parents rappellent la Turquie, le grand père paternel impose le respect, patriarche,
il possède une voix séduisante notamment auprès des femmes.
​“Il y avait là un grand mûrier​” , rappel la formule de Stendhal : “​Ver à soie qui a mangé
assez de feuille de Mûrier” → “​La comparaison n’est pas noble, mais elle est si juste ! Cette
laide bête ne veut plus manger, elle a besoin de grimper et de faire sa prison de soie. Tel est
l’animal nommé écrivain” ​(souvenir d’égotisme).

● La langue magique. Les parents de E.C s’étaient rencontrés à Vienne lorsqu’ils étaient
étudiants. Ils auraient voulus devenir comédiens. La langue secrète, cachée au jeune Canetti
était la langue allemande. ​Langue de complicité, elle leur permettait de se parler sans être
compris des autres, langue intime. L’enfant imitera la voix du père, en appelant sa mère par
son surnom : “Maidi! Maidi!”.
“​Ce que je désirais le plus ardemment c’était de comprendre leur langue secrète”​.

● Le feu. Spectacle de la maison en feu, mais ce qui retient Canetti ce sont les voleurs en train
de piller la maison embrassée sous les cris de la foule : “Voleurs!”
→L​e feu renvoie est un élément archaïque, invention primordiale, chez Canetti la maison
symbole de la mémoire est menacée de destruction​. La destruction de la maison, personnifiée
dans l’extrait de Canetti pourrait alors se lire comme une destruction du ​“ventre protecteur”​ ,
la maison étant pour Bachelard le siège des souvenirs de l’individu.
→L’épreuve du feu permet une sorte de “renaissance” de soi-même chez Stendhal, tandis que
chez Canetti le feu est avant tout placé sous le signe de la destruction, de la perte constitutive
de soi → ​autodafé​, destruction de l’individu, processus de réification à travers un phénomène
de masse. La masse devient une entité violente et organique dépourvue de réflexion : “​les
filles ne faisaient que répéter : Des voleurs ! Ce sont des voleurs !​”. Comme chez Stendhal,
la médiation picturale se superpose au souvenir (Henry Brulard) : ​“​je ne saurais plus dire ce
qui fait partie du spectacle initial ni ce que les tableaux sont venus y ajouter”. Or, les
tableaux de Breughel, permettent au souvenir d’acquérir un corps physique : ​“La phase de
ma vie correspondant à l’époque de la maison en feu trouvait un prolongement immédiat
dans ces tableaux”. Dès lors, l’expérience du feu, de la masse, n’est pas subjective mais
intemporelle, il n’existe pas de souvenir premier à proprement parler mais une conscience
collective s’adressant au moi dans son individualité : “​Je l’ai trouvé en moi, à croire qu’il
m’attendait là, depuis longtemps déjà”. ​La médiation picturale permet de saisir l’événement,
de le rendre subjectif en prenant du recul par rapport à la masse → les tableaux de Breughel
se présentent comme des échanges entre deux consciences individuelles essayant de saisir une
conscience collective→représente la chute de l'individu dans la masse, figurant et saisissant
“​les nombreux petits hommes entrevus dans l’enfance” (geste corollaire au regard
autobiographique).
NB : L’individualisme stendhalien du XIXème recherchant par l’action cette unité avec soi-même, apparaît
comme impossible et absurde pour la conscience de l’après-guerre, le moi se fragmentant, s’aliénant dans la masse
→comme le personnage de l’unique roman de Canetti nommé ​Auto-da-fé​, les hommes malgré leurs prétentions ne
peuvent dominer la langue, le sujet n’arrive pas à saisir le sens profond de l’action réduit à un simple ​“sujet
d’excitation”. Lucie Campos : “littérature de l’après”.

● Vipères et lettres. E.C essaye de recopier les mouvements de son père lorsqu’il lit le journal.
Un visiteur imprévu remarque le jeu de l’enfant et en parle au père, de là vient la passion de
Canetti pour les lettres.
Posséder plusieurs langues et indispensable : “​sauver la vie d’autres gens”​.

● Une intention meurtrière. Laurica, la cousine de Canetti apprend à lire et à écrire. Volonté et
pulsion de Canetti pour “apprendre la langue”, nécessité de déchiffrer les signes. Laurica lui
montre son cahier, et E.C est complètement captivé par les lettres, mais elle lui fait savoir
qu’elle seule a le droit de les toucher. Laurica s’amuse à torturer le jeune Canetti en lui
refusant l’accès aux cahiers. Laurica met au supplice supplice Canetti. E.C de rage se sait de
la hache de l’arménien avec la ferme intention de la tuer : “Agora vo matar
Laurica”→L’espagnol ressurgit dans les actes primitifs, désir sexuel pour les lettres et
Laurica, chez E.C les langues sont associées à des figures de désir : “fais moi voir tes lettres”
→le ladino est la langue de la pulsion enfantine, le désir de mort est aussi lié au désir des
lettres à l’apprentissage est lié l’action de “prendre” de s’emparer, passion fantasme de la
langue inconnue. Le mot “lettre” convoque deux mots allemands : 1) Buchstaben (lettres
lexicales) et 2) Schrift (lettres de l’écrivain).
L’écriture est particulièrement importante dans la culture juive : “C’étaient des juifs et ils
éprouvaient donc tous un intérêt tout particulier pour l’écriture”​.
Dans ​La Conscience des mots,​ Canetti évoquera le temps où durant la guerre, réfugié en
Angleterre, « coupé » donc de sa langue, il remplissait des pages de mots allemands qui
n’étaient pas liés au travail qu’il était en train de faire mais comme ça, pour ne pas perdre la
langue →Langue qui se doit d’être intacte. C’est si-vrai que dans ​Territoire de l’homme​,
Canetti va jusqu’à imaginer deux orifices distincts dans la bouche, l’un pour manger, l’autre
pour parler.
NB: Pentateuque : Le texte sacré ne doit pas être traduit dans d’autres langues, sous peine de perdre son caractère
sacré

● Little Mary. Passion une élève Mary Handsome, E.C la décrit ce qu’elle avait de plus beau
c’étaient ses joues rouges, on aurait dit des petites pommes, il tombe amoureux de ses joues
rouges, on aurait de petites pommes, il lui faut lutter contre l’envie pressante d’embrasser ses
joues rouges →La langue étrangère est associée au désir amoureux, le plaisir dont les couleurs
rouges est la métonymie. Érotisation des pommes avec l’évocation : du jardin d’Eden, la
connaissance biblique →la passion pour Mary c’est la passion pour la langue anglaise : le
nom de famille est traduit par E.C par “gracieux”, ​“l’anglais me faisait un effet irrésistible”.​
“good kiss” ou encore “sweetheart”.
Les joues rouges de Mary →la chanson de son enfance →désir pour le sexe féminin qui est
convoqué (réminiscence associée au plaisir)→télescope plurilingue de la mémoire par le biais
du désir qui circule d’un souvenir d’enfance à un autre →la mémoire affective fait appel au
sens →​immense espace sonore que l’écrivain essaie de recréer sans cesse avec son langage, le
ladino langue de la pulsion (convoque le « ​Madre mía querida, madre mía querida ! » [​ Ma
mère chérie !], s’écrie la mère au moment de la naissance de son deuxième fils).
NB: la ​pomme​ peut symboliser aussi bien l'acte sexuel que la connaissance interdite.
Denkbilder​ (les pensées en images, chères à Walter Benjamin)
● Papier peint et livres. Période de Burton Road. Avant la mort du père, la mère ne représentait
pas grand chose pour Elias Canetti, le père était la figure aimée. E.C joue seul et s’invente une
langue imaginaire, en parlant au papier peint →​avant Babel, dans l’indivision, le pays où les
mots sont de toutes les langues sans en être d’aucune, où les mots ne sont pas gelés : “ ​Les
innombrables cercles sombres qui s’étalaient dessous m’apparaissaient comme des
personnages.​”→Pour R.Robin ces cercles représentent ​“Un pays où les mots ne peuvent se
briser.”

● La jérusalem céleste. Il est très important pour un juif que le fils aîné récite le kaddish : “Un
juif ne pouvait commettre plus grand péché que de ne pas dire le kaddish pour son père”. Miss
Bray leur apprend un cantique,celle de la jérusalem céleste : “​Jerusalem, Jerusalem, hark how
the angels sing !”​ →Le chant, les mots, lien avec les morts, ici la figure du père, la musique
est aussi un moyen détourné pour Miss Bray de rallier les enfants à sa religion : “​activité
missionnaire” →la jérusalem évoque un endroit de paix où toutes les nations, les langues sont
égalitaires, antithèse avec la réalité, les mots ne sont pas compris.
→​L​e 1er août 1914, alors qu’ils se trouvent près de Vienne dans un parc où se produit un
orchestre, le concert est interrompu par l’annonce de la déclaration de guerre. La foule se met
au garde-à-vous, entonne l’hymne autrichien, puis l’hymne allemand qui n’était autre à
l’époque que le ​God Save the King avec les paroles allemandes appropriées. Les petits
Canetti, reconnaissant l’air familier, l’hymne anglais, chantent à tue-tête en anglais le ​God
save the King. C’est tout juste s’ils ne se sont pas fait lyncher →l’accent de la mère va les
sauver →la langue anglaise est donc réservée au cadre familial, passion pour la littérature
anglais →Le chant en anglais va faire apparaître la violence des êtres humains, la langue
“brisée” par l’idéologie.

● allemand au Lac Léman. Mère toute-puissante, lieu de transition de l’anglais vers l’allemand,
du père vers la figure de la mère. Le privation des lettres devient un principe pédagogique,
l’apprentissage produit une mort du langage pensé comme un dialogue avec les autres. La
langue Zunge et Sprache est ingurgitée violemment, or, par la souffrance la libération a aussi
lieu, la langue extérieure devient progressivement langue intérieure. La langue est un lieu de
confiance “Vertrauen”, le salut passe par l’écriture (rappel la scène primitive avec Laurica) .
L’amour pour l’Allemand entretient un lien érotique→ l’allemand est mis en résonance avec
d’autres langues (l’anglais de Miss Bray) →l’apprentissage est traduction de l’anglais vers
l’allemand, la langue maternelle est une langue de “l’après coup” →​L’allemand, c’est la
langue dans laquelle très tôt tout se traduit et se retraduit →potentialisation par la traduction,
valorisation de l’oeuvre.
“​langue maternelle acquise sur le tard au prix de véritables souffrances”. ​Or, menace
constante dans l’extrait et répétée comme une sentence par la mère, la faiblesse, l​’​“​idiotie”​ , se
situe chez Canetti dans le fait de ne pouvoir parler. Ainsi, l’idiot dans une famille douée de
“la bosse des langues”​ est celui qui ne parle pas, qui ne possède pas le don de la parole, qui
demeure éternellement un enfant; terme venant du latin “​infans”​ , désignant celui qui ne parle
pas. Dès lors, “les idiots” sont ceux qui ne possèdent pas le pouvoir octroyé par les mots, à
l’image de Kako le gallinatia, qui inspire de la pitié, ou encore de la cousine Elsie qui ne peut
qu’à peine parler - “​elle restera toujours idiote”-​ ​.La langue allemande apparaît aussi comme
une crypte d’amour, une sphère intime, reliant les figures du père, de la mère, du fils, mais
aussi l’amour de littérature, de Vienne et du Burgtheater. . Le secret du roman familial se
construit autour de l’allemand, lié à la mort du père (p. 80) - ​“​peut-être coucherai-je une fois
sur le papier les différentes versions de la mort de mon père. Ce serait la matière d’un livre,
d’un livre entier”​-.​ Ainsi, dans l’ambivalence de cette langue à la fois étrangère et maternelle,
se vit la fusion d’Elias et de sa mère - ​“L ​ ’allemand devint la langue de notre amour - ô
combien exclusif”.​
NB :​Dans le monolinguisme de l’autre, Jacques Derrida affirme que ​"la langue dite maternelle n’est jamais
purement naturelle, ni propre ni habitable”. ​Ainsi, la langue maternelle est directement liée à une notion d’effort
voire de souffrance, langue du fantasme et de l’interdit œdipien. La langue maternelle n’est donc pas la langue que
l’on parle, mais celle par laquelle on est parlé; elle n’est pas stable, sédentaire, mais profondément mouvante. Elle
se dérobe sans cesse, migre, se déplace dans l’inconscient du sujet. Or, cette “lalangue”, comme la désigne Lacan,
ne s’offre pas tout de suite pleinement à la conscience du jeune Canetti. Si, pour Alfieri, le retour à la langue
maternelle doit apporter unicité, fusion - une sorte de racine unique-, chez Canetti, en revanche, la langue
maternelle d’élection se divise - véritable langue rhizomatique-. Dès lors, alors que la racine unique annihile tout
autre forme de commerce avec les autres langues, le rhizome quant à lui s’étend à la rencontre d’autres racines et
forme avec elles un tronc commun.

● Le Canari. Apprentissage de la sténographie, Canetti ne supporte pas de détériorer les mots, le


mot doit rester intacts : “Je considérais chaque mot comme s’il avait été fait pour l’éternité”.
Le passage vers la sténographie se fait grâce à un livre d’Hebel, or, ce livre le relie à ses
racines turques et l’apprentissage se fait naturellement → “je me sentais en pays de
connaissance” →médiation d’une autre langue. Il écrira chacun de ses livres en se mesurant à
la langue d’Hebel (langue d’Hebel qui convoque elle aussi d’autres alngues→superposition
des langues).

● Mélancolies. Canetti précise qu’il a écrit “la langue sauvée” pour sauver son frère de la
tuberculose, en racontant pour lui son enfance : “ce livre lui est dédié et n’existerait pas sans
lui”. Passage faisant résonner un hommage au père : profonde mélancolie. Canetti évoque
Meyer, poète et romancier suisse de langue allemande, le sentiment est exprimé par les mots
des autres : “​Eine liebe liebe Stimme ruft” : une tendre voix m’appelle. Ce texte convoque les
deux axiomes, la voix propre est traversée constamment par une autre voix. La problématique
qui semble organisée ce texte est la question de l’infini reflet, de l’infini diffraction, ce texte
propose une réflexion sur l’infini → Le poète vit le poème, projection du fantasme : “​life
imitates art far more than art imitates life”​ Oscar wilde, l’infini du ciel se reflète dans la
profondeur infinie du lac, paysage romantique par excellence (Le Lac de Lamartine) →le
coeur de cet extrait est certainement cette curieuse voix diffractée, insaisissable, voix qui
appelle depuis les profondeurs du lac. Mise en image d’une forme immémoriale et d’un
“éternel retour”, éternel retour des étoiles, du père, de la voix, il met donc en présence par
l’écriture poétique les disparus.
NB: Les constellation : “le bruissement des langues est une constellation linguistique”
R.Robin. Fleuve, fluidité des langues, l’eau mythe de Caron, mère noyée du poète rejoint la
mort du père de Canetti, la mélancolie porteuse d’espoir.

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