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Contes
Traduction de Raymond Lantier, revue par Albert Bensoussan
Gallimard
Sommaire
Titre
Préface d’Albert Bensoussan
Note sur l’édition
CONTES
L’amour
Des yeux pour voir
Un véritable amour
Le miroir de la mort
Comment don Vicente épousa sa cuisinière
Un coup de foudre
Au fil des ans
La paternité
Grand-père et petit-fils
Don Rafael, un cœur simple
À la croisée des chemins
Histoire de V. Goti
Parrain Antonio
Les fils spirituels
La renommée
Visite au vieux poète
Don Martín ou de la gloire
Au pied d’un chêne
La pédagogie
Le diamant de Villasola
Le maître d’école de Carrasqueda
La bourse
Raison et passion
Charité bien ordonnée…
Le bandeau
La tache sur l’ongle
Juan Manso
Folklore
Solitaña
Les malheurs de Susín
Le sang d’Aitor
Les chasseurs d’oiseaux
La fête de San Miguel De Basauri sur l’arenal
de Bilbao
Au café
Le secret de la personnalité
Les ciseaux
La peur
Quand un idiot rencontre un autre idiot…
Les bienfaits du sommeil
Le bourdon
La folie du docteur Montarco
L’homme qui s’enterra
Bonifacio
Soledad
De la haine à la pitié
Un suicide
Le bourreau de soi-même
La tragédie d’un acteur
L’ombre sans corps
La revanche
Les Français et nous
Le grand-duc pasteur
Comment l’aigle fut changé en canard
Le chant des eaux éternelles
Un mystère d’iniquité
Mécanopolis
Une affaire d’honneur
Antolín S. Paparrigópulos
Don Eloíno R. De Albuquerque
Un savant
Bernardino et Etelvina
Un cas de longévité
Révolution à la bibliothèque de Ciudámuerta
Le maire d’Orbajosa
Les pérégrinations de Turismundo
La bienheureuse aventure de don Quichotte
Le chant adamique
Allons-y de notre petite histoire
Une tragédie
DOSSIER
Chronologie
Notice
Bibliographie
Notes
Copyright
Présentation
Achevé de numériser
PRÉFACE
Unamuno : le nom sonne comme un manifeste ou
un slogan. Et l’on perçoit et l’on entend « unanimité »
autour de ce patronyme de quatre syllabes agglutinées
comme en affectionne la langue basque, de lointaine
origine caucasienne. Cet homme, qui se voulait – ou
plutôt se rêvait – immortel, est-il devenu écrivain
universel et voix autorisée de l’Espagne ? Pour
beaucoup, il fait l’unanimité. Unamunisme ou
unanimisme, on ne se privera pas, aux temps de gloire
du personnage, de jouer sur ce mot, au point de lancer
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ce cri de ralliement : Unamunámonos !, qu’on
pourrait traduire par « Unissons-nous avec
Unamuno ». Et c’est en amitié qu’on l’aborde – en
tendresse même. Attentif à son timbre inimitable, au
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ton si personnel qu’on trouve dans ses écrits .
Il est né à Bilbao, en Biscaye, mais c’est à
Salamanque, en Castille, qu’il bâtit sa légende. Écartelé
entre un pays natal qu’il sent frondeur et explosif – dans
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la déflagration de la guerre carliste qui, en 1873, alors
qu’il avait dix ans, mit à mal sa confiance dans le
monde – et une province terrienne et rance (mais au
sens espagnol de rancia, desséchée), il régnera sur la
e
plus vieille université d’Espagne, fondée au XIII siècle.
C’est là qu’il sera glorieux ou vilipendé, tout comme son
enfance fut déchirée entre douleur d’être orphelin et
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désir d’entreprendre . Contemplatif et renfermé, il fut
très tôt acquis à la misanthropie, au scepticisme, au
rejet, tout en puisant en son tréfonds une énergie qui
allait faire de lui un stupéfiant promoteur d’idées
nouvelles. Pouvait-il acquiescer à l’ordre révoltant des
choses ? « Non » fut toujours la réponse de cet homme
marginal qui restera, pour l’Espagne et pour l’Europe,
celui qui, contre vents et marées, sans jamais céder au
moindre dogmatisme, leva un front de refus, en entrant
plus qu’aucun autre dans la peau de Don Quichotte
pour clamer en permanence l’exigence de liberté. Et en
faisant de lui-même, de son ego singulier, la mesure de
toute chose.
Cet homme qui apparaît sur les photos, en sa
maturité, droit et robuste, les jambes bien plantées,
d’une stature moyenne – un mètre soixante-huit –, le
visage encadré d’une mince barbe lui accordant
noblesse et équilibre, rêva toujours de s’élever. Plaçant
l’esprit, le bel esprit, le bon esprit, au-dessus de toute
contingence, de tout lest matériel, c’est ainsi qu’il
s’établit en Castille où il choisit de vivre et de rayonner.
La Castille provinciale et reculée, au dénuement
biblique, lui apparaissait telle une main ouverte, une
paume dressée qui le haussait vers un ciel dont tous ont
toujours chanté la beauté – Velázquez en fit sa toile de
fond – et où il puisera sa soif d’infini :
Tu m’élèves, terre de Castille,
sur la rugueuse paume de ta main…
Ta ronde étendue est toute cime
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et je me sens en toi dressé au ciel .
Unamuno fut poète avant d’être philosophe et
romancier. Cet homme qu’on disait coriace, amer,
distant, se voulait lyrique et aimait faire chanter les
mots. Professeur dans le civil et pédagogue en l’âme – ce
qu’il railla dans son roman Amour et pédagogie –, il se
voulait homme de parole et de discours.
Inlassablement, cet universitaire, qui fut recteur de
l’université de Salamanque, noircissait ses feuillets. Il le
fallait pour vivre, pas seulement parce qu’il avait charge
de famille et, au début du moins, difficulté à joindre les
deux bouts, mais aussi et surtout parce qu’écrire lui
était vital. Écrire pour s’évader, écrire pour s’enraciner,
lui qui très tôt, orphelin, s’est senti étranger au monde,
aux autres et aux choses. Écrire pour acquiescer
(rarement) ou s’opposer (presque toujours). Écrire pour
s’affirmer, pour laisser trace pérenne sur la poudre du
sablier. Écrire pour se sauver. Il fut assurément un
homme-plume, et son œuvre est immense. Qu’on en
juge par sa correspondance, estimée actuellement à
quarante mille lettres, et par le nombre de ses articles, de
l’ordre de quatre mille. Ses œuvres complètes enfin
éditées font dix volumes de quelque mille pages chacun.
Une écriture multiple et fiévreuse, toujours passionnée :
poésie, romans, théâtre, essais, chroniques, nouvelles…
Ou contes, cuentos, comme on aime à dire en Espagne,
où la fiction se mêle si étroitement à la réalité que toute
écriture se hausse vers le merveilleux et se fait légende.
On ne s’étonnera pas si Don Quichotte fut son livre de
chevet, son obsession, au point d’écrire, à sa façon, une
Vie de Don Quichotte et de Sancho Pança, où il
ramène la folie ou la déraison du Chevalier à la triste
figure, et son immense révolte, à son propre milieu et
son propre moi, en exaltant la primauté de l’esprit, du
« vertige passionnel, dominé par une passion
quelconque », ajoutant que « seuls les passionnés
mènent à bien des œuvres véritablement durables et
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fécondes ». La geste du héros cervantin, il entend la
réincarner par sa propre action, qu’il mène par la plume
et par la parole. Revendiquant la nébulosité
intellectuelle – la folie ? – de l’Ingénieux Hidalgo, il la
rapporte à sa propre impossibilité à s’emparer du
monde et se saisir des choses – sinon par le verbe et les
mots. Ce plat pays de Castille où se déroulerait la vie
d’Unamuno avait le nez dans la poussière ; il privilégia
donc les nuages et la nuée, notamment en publiant son
roman Brouillard (Niebla), qui peut apparaître comme
la clé de son œuvre. Au pays de Calderón, la vie venait à
lui comme un songe :
Car toute vie est songe
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Et les songes ne sont que songe .
C’est justement pour cela que, dans la dernière page
de sa Vie de Don Quichotte et de Sancho Pança, il
achève son « commentaire » – en fait, une fiction
parallèle à l’immense fresque cervantine – par cette
référence caldéronienne, s’adressant, in fine, à Dieu et à
Don Quichotte, son prophète :
Que Dulcinée du Toboso […] me conduise par la main à
l’immortalité du nom et de la renommée. Et si la vie est un songe,
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laisse-moi sans fin la rêver .
TOUT OU RIEN
et cette suscription :
(Je demande qu’après ma mort
on brûle ce manuscrit sans le lire.)
J’ignore si le docteur Atienza a résisté ou non à la
tentation de lire, et si, accomplissant la dernière
volonté du pauvre fou, il a brûlé le manuscrit.
Pauvre docteur Montarco ! Qu’il repose en paix, car
il l’a bien mérité.
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L’HOMME QUI S’ENTERRA
Un profond changement avait modifié le caractère
de mon ami. Ce joyeux drille, amateur de grosses
plaisanteries et insouciant, s’était transformé en un
personnage taciturne, triste et scrupuleux. Ses
moments d’absence étaient fréquents et son esprit
semblait alors errer sur les chemins d’un autre
univers. Un de nos amis, lecteur et déchiffreur assidu
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de Browning , faisant allusion au passage étrange
dans lequel l’auteur retrace la vie de Lazare après sa
résurrection, nous disait souvent que le pauvre Emilio
avait vu la mort. Malgré toutes nos tentatives pour
déceler les raisons de ce changement mystérieux de
caractère, nos recherches furent vaines.
Mais je le pressai si souvent et avec tant
d’insistance qu’enfin, un jour, tout en laissant
transparaître l’effort que représentait une résolution
difficile à prendre et longtemps combattue, il me dit
soudain : « Bon, tu vas apprendre ce qui m’est arrivé,
mais j’exige, par tout ce que tu as de plus sacré, que tu
n’en parles à personne avant que je ne sois retourné à
la mort. » Je le lui promis solennellement, et il
m’entraîna dans son cabinet de travail, où nous nous
enfermâmes.
Je n’étais plus entré dans cette pièce depuis le
changement de caractère de mon ami. Rien n’y avait
bougé, et cependant elle me paraissait aujourd’hui
mieux en harmonie avec son maître. Un instant, il me
vint à l’esprit que ce milieu, habituel et favori,
pourrait être à la source d’un bouleversement aussi
surprenant. Son vieux fauteuil en cuir clouté aux
larges accoudoirs me semblait prendre une
signification nouvelle. Je l’examinais quand, après
avoir soigneusement fermé la porte, Emilio me dit en
montrant le fauteuil :
— C’est là que cela s’est passé.
Je le regardai sans comprendre.
Il me fit asseoir en face de lui, sur une chaise, de
l’autre côté de sa table de travail, s’installa dans son
fauteuil et se mit à trembler. Je ne savais que faire.
Deux ou trois fois, il essaya de parler, mais dut y
renoncer à chaque fois. Je fus sur le point de le prier
de laisser là sa confession, mais la curiosité fut plus
forte que la pitié – la curiosité est l’une des choses qui
incitent le plus l’homme à la cruauté. Il resta un
moment la tête dans ses mains, le regard baissé, puis
se secoua, comme un homme qui vient de prendre
une résolution subite, me fixa d’un regard que je ne
lui connaissais pas et commença :
— Bon. Tu ne croiras pas un traître mot de ce que
je vais te raconter, mais peu importe. T’en parler me
libérera d’un grand poids, et cela me suffit.
Je ne me souviens pas de ma réponse. Il
poursuivit :
— Il y a environ un an et demi, quelques mois
avant le mystère, je tombai malade de peur. C’était
une maladie totalement inconnue, sans
manifestations externes, mais qui me faisait souffrir
terriblement. Tout me glaçait de peur et je vivais dans
une atmosphère d’épouvante. Je pressentais de vagues
périls. Je ressentais perpétuellement la présence
invisible de la mort, de la mort véritable, c’est-à-dire
de l’anéantissement. Réveillé, j’attendais
anxieusement le moment de me mettre au lit pour
dormir et, une fois couché, j’étais angoissé à l’idée que
le sommeil puisse s’emparer de moi pour toujours.
C’était une existence insupportable, terriblement
insupportable. Je ne pouvais même pas me résoudre
au suicide, auquel je pensais comme à un remède.
J’en arrivais à craindre pour ma raison…
— Et tu n’as pas songé à consulter un spécialiste ?
lui demandai-je pour dire quelque chose.
— J’avais peur, comme j’avais peur de tout. Et cette
peur devenait si grande que je passais des journées
entières dans cette pièce, assis dans ce même fauteuil,
où je suis assis aujourd’hui, la porte fermée, et
regardant à tout moment derrière moi. J’avais la
certitude que pareille situation ne pouvait se
prolonger et que la catastrophe, ou je ne sais quoi,
était imminente. Et elle s’est produite.
Il s’arrêta alors et parut hésiter.
— Ne t’étonne pas de me voir hésiter, reprit-il, car
ce que tu vas entendre, je ne l’ai encore dit à
personne, pas même à moi-même. La peur me
pressait de toutes parts, c’était comme un cordon
serré autour de mon cou et elle menaçait de me faire
éclater le cœur et la tête. Un jour arriva, le
7 septembre, où je me réveillai au comble de l’effroi,
le corps et l’esprit à vif. Je me préparais à mourir de
peur. Comme chaque jour, je m’enfermai dans cette
pièce, je m’assis là où je suis aujourd’hui et j’invoquai
la mort. Et naturellement, elle se présenta.
Remarquant mon regard, il ajouta tristement :
— Oui, je sais ce que tu penses, mais cela
m’importe peu.
Et il poursuivit :
— Alors que j’étais assis là où tu me vois, la tête
entre les mains, les yeux vaguement fixés au-delà de
cette table, je sentis la porte s’ouvrir et un homme
entrer à pas feutrés. Je n’osais lever les yeux.
J’entendais les battements de mon cœur et c’est à
peine si je pouvais respirer. L’homme s’arrêta et resta
là, derrière cette chaise que tu occupes, debout, et
probablement me fixant. Je me décidai enfin à lever
les yeux et à le regarder. Ce que je ressentis alors est
indicible : aucune parole humaine ne pourrait
l’exprimer, si ce n’est celle de l’homme qui assiste à sa
propre mort. Celui qui était là, debout devant moi,
c’était moi, moi-même, tout au moins en image.
Imagine que debout devant un miroir tu voies ta
propre image reflétée dans la glace s’en détacher,
prendre corps et s’avancer sur toi…
— Oui, une hallucination, murmurai-je.
— De cela nous reparlerons, fit-il, et il poursuivit.
Mais ton reflet dans le miroir a la même posture que
toi et suit tous tes mouvements, alors que mon moi
dans la glace était debout et moi assis. L’autre a fini
par s’asseoir, là où tu es assis, il a posé ses coudes sur
la table, s’est pris la tête entre les mains, tout comme
toi, et est resté à me regarder comme tu me regardes
en ce moment.
En entendant cela, je me mis à trembler sans
pouvoir me dominer, et lui, tristement, poursuivit :
— Non, n’aie pas peur toi aussi, je suis pacifique.
Et il reprit :
— Nous restâmes ainsi un moment à nous fixer les
yeux dans les yeux, lui et moi, c’est-à-dire que je restai
un moment à me fixer. À la peur avait succédé un
sentiment des plus étranges que je serais incapable de
t’expliquer. J’étais résigné au plus grand désespoir. Je
ne tardai pas à sentir le sol se dérober sous mes pieds,
le fauteuil s’évanouir, l’air se raréfier, et tout ce qui
m’entourait, y compris mon double, s’estomper. Puis
en entendant l’autre murmurer, les lèvres serrées :
« Emilio ! », je sentis venir la mort. Et je mourus.
Je ne savais que faire. Je fus tenté de fuir, mais la
curiosité fut plus forte que la peur. Et il poursuivit :
— Quand au bout d’un moment je revins à moi, je
veux dire lorsque je revins à l’autre, enfin, quand je
ressuscitai, je me retrouvai assis là où tu es
maintenant, les coudes sur la table, la tête entre les
mains, me regardant assis là où j’étais quelques
instants auparavant. Ma conscience, mon esprit
étaient passés de l’un à l’autre, du corps originel à son
exacte reproduction. Et je me vis, ou vis mon premier
corps, livide et rigide, c’est-à-dire mort. Je venais
d’assister à ma propre mort, et j’étais délivré de cette
peur étrange. J’étais triste, triste, effroyablement
triste, mais calme et ne craignant plus rien. Je
compris que je devais faire quelque chose. Le cadavre
de mon passé ne pouvait rester ainsi dans cette pièce.
Je réfléchis tranquillement à ce qu’il convenait de
faire. Je me levai de cette chaise et, me prenant le
pouls, je veux dire le pouls de l’autre, je m’assurai qu’il
avait cessé de vivre. Je sortis du bureau, l’y laissant
enfermé, et descendis dans le jardin où, sous quelque
prétexte, je creusai une grande fosse. Tu sais que j’ai
toujours aimé travailler au jardin. Je renvoyai les
domestiques et attendis la nuit. Celle-ci venue, je
chargeai mon cadavre sur mes épaules et l’enterrai
dans la fosse. Le pauvre chien me regardait avec des
yeux remplis de terreur, d’une terreur humaine. Son
regard était véritablement celui d’un homme. Je le
caressai en lui disant : « Nous ne comprenons rien à
ce qui se passe, mon ami, et après tout cela n’est guère
plus mystérieux que quelque autre chose… »
— Voilà une réflexion bien philosophique pour un
chien, lui fis-je remarquer.
— Et pourquoi ? répliqua-t-il. Crois-tu la
philosophie humaine plus profonde que celle des
chiens ?
— Ce que je crois, c’est qu’il ne t’aura pas compris.
— Et toi non plus, bien que tu ne sois pas un chien.
— Mais oui, mon vieux, je te comprends.
— C’est clair. Tu me crois fou !…
Et comme je gardais le silence, il ajouta :
— Je te sais gré de ton silence. Je ne hais rien plus
que l’hypocrisie. Pour ce qui est des hallucinations,
laisse-moi te dire que toutes nos perceptions ne sont
pas autre chose, que toutes nos impressions sont des
hallucinations. La différence est d’ordre pratique. Si
tu marches dans un désert, torturé par la soif, et que
soudainement tu entendes le murmure de l’eau et que
tu la voies, tout cela n’est encore qu’hallucination.
Mais s’il t’est permis d’y tremper tes lèvres, d’y boire et
d’apaiser ta soif, cette hallucination, tu l’appelleras
impression vraie, réalité. Ce qui veut dire que la
valeur de nos perceptions dépend de leur effet
pratique. Cet effet pratique que tu as pu observer par
toi-même est, à mon avis, ce qui m’est arrivé et que je
viens de te raconter. Tu me vois toujours semblable à
moi-même et cependant je suis un autre.
— C’est évident…
— Depuis lors, tout est pour moi pareil, mais je ne
vois plus les choses sous le même éclairage. Elles
n’ont plus la même couleur, le même timbre. Vous
croyez tous que c’est moi qui ai changé, mais moi je
crois que ce qui a changé, c’est tout le reste.
— Comme cas de psychologie…, murmurai-je.
— De psychologie ? Et de métaphysique
expérimentale !
— Expérimentale ? m’écriai-je.
— Je le crois. Mais ce n’est pas tout. Viens avec
moi.
Nous sortîmes de son cabinet et il me conduisit
dans un coin du jardin. Je me mis à trembler comme
une feuille. Il s’en aperçut et me dit :
— Tu vois ? Tu vois ? Toi aussi ! Courage,
rationaliste !
Je m’aperçus alors qu’il avait apporté une pioche,
dont il se servit pour creuser le sol, alors que je restais
cloué sur place par un sentiment étrange, mélange de
frayeur et de curiosité. Bientôt apparurent la tête et
une partie des épaules d’un cadavre humain, presque
déjà réduit à l’état de squelette. Il me le désigna du
doigt :
— Regarde-moi !
Je ne savais que faire ni que dire. Il entreprit de
recouvrir la fosse. Je restai figé.
— Mais qu’as-tu, mon vieux ? dit-il en me secouant
le bras.
Je crus sortir d’un cauchemar. Le regard que je lui
lançai devait traduire le comble de l’épouvante.
— Oui, me dit-il, tu crois maintenant à un crime.
C’est naturel. Mais as-tu déjà entendu parler d’un
disparu sans qu’on ait retrouvé sa trace ? Crois-tu
qu’un pareil crime puisse ne jamais être découvert ?
Me prends-tu pour un assassin ?
— Je ne crois rien, lui répondis-je.
— Maintenant tu dis vrai. Tu ne crois à rien et, par
là même, tu es incapable de fournir d’explication,
même des choses les plus simples. Vous autres, qui
vous prenez pour des hommes sensés, vous n’avez
d’autre recours que la logique, et vous vivez dans le
noir…
— Fort bien, l’interrompis-je, mais qu’est-ce que
tout cela signifie ?
— Je m’y attendais ! Tu cherches la solution ou la
moralité. Pauvres fous ! Vous vous imaginez que le
monde est une charade ou un hiéroglyphe, dont il faut
trouver l’explication. Non, mon cher, non. Il n’y a là
aucune solution, aucune énigme, aucun symbole. Cela
s’est passé comme je te l’ai raconté et, si tu ne veux
pas me croire, tant pis pour toi…
BERNARDINO BERNÁRDEZ
Avocat et Sociologue
Auteur de L’Émancipation de la Femme.
e
Ce début du XX siècle laisse derrière lui conflits, guerres civiles,
meurtres caïniques, déchirements et désolation, qui promettaient de
croître les années à venir. Fort d’une formation philosophique qui puise
au pessimisme d’un Schopenhauer et aux interrogations existentielles
d’un Kierkegaard – les deux piliers de sa sagesse –, Unamuno pose sans
doute pour la première fois dans la littérature espagnole le problème de
l’absurde. En 1912, le conte « Un coup de foudre » établit d’emblée ce
constat : « il n’était rien de plus vain, de plus ennuyeux, de plus absurde,
de plus vide de sens que la vie ». Il n’est qu’une alternative : le suicide –
abondamment illustré dans d’autres contes – ou l’espoir. Ici, comme
ailleurs, seul l’Amour – Unamuno y met une majuscule –, qu’il soit
terrestre et matériel ou spirituel, apparaît comme le salut. Anastasio, le
personnage de cette nouvelle, qui mène une « existence lamentable, sans
ressort ni perspective », et dont le sentiment de l’absurdité de la vie se
nourrit d’un « perpétuel désenchantement », aspire néanmoins à
l’Amour. De façon significative, s’agissant d’Unamuno, grand lecteur des
Écritures saintes, cet espoir se nourrit de la lecture de l’Ecclésiaste. On
songera, certes, aux célèbres balancements, qui sont les pulsations
mêmes de la vie et les alternatives qu’elle propose : « Il est un temps
pour aimer et un temps pour haïr, un temps pour la guerre et un temps
pour la paix »… Comment l’auteur de Paix dans la guerre n’aurait-il pas
à l’esprit ce verset du chapitre III ? Toute la pensée « agonique » du
Basque se nourrit de ces termes qui s’affrontent. Agonique est donc cet
Anastasio qui combat son désespoir devant l’inanité des choses par
l’espérance dans ce recours ultime qu’est le sentiment amoureux. Au
cours d’un voyage en chemin de fer cette pensée nomade finit par
toucher au but : l’âme sœur est au bout du chemin, et Eleuteria,
rencontrée au buffet de la gare au cours d’une halte du train (de la
vie ?), saura reconnaître en ce désespéré son frère d’âme : ils uniront
leur double désabusement. L’Amour, feu dévorant, les saisira dans une
étreinte de bonheur qui aura raison de leur cœur : ils meurent
conjointement d’une crise cardiaque. Consummatum est, semble dire ici
Unamuno dont le regard ne se sépare jamais de la vision passionnelle
qu’il exprima magnifiquement dans son Christ de Velázquez. Oui, tout
est consommé dans cette llama de amor viva (« flamme d’amour vive »)
chantée par le poète Jean de la Croix, chez qui Unamuno ne pouvait
qu’apprécier le paradoxe qui fait de la mort (terrestre) la vie (éternelle) :
matando, muerte en vida has trocado (« en tuant, tu as changé la mort en
vie »). Un paradoxe formulé aussi par sainte Thérèse d’Avila : « Je meurs
13
de ne pas mourir ». Ici la vie est absurde et le destin y souscrit, même
si la part d’ombre se fait lumière, et les ténèbres se fondent dans le feu.
Le thème des amants réunis dans la mort, de Tristan et Iseut à Roméo et
Juliette, voire Quasimodo et Esmeralda dans Notre-Dame de Paris, est
un invariant de la littérature des amours éternelles et tragiques.
Le thème de la vacuité de l’existence nourrit maintes nouvelles de ce
livre, comme « Don Rafael, un cœur simple » qui, d’emblée, pose cet état
de fait : « Une existence vide, une solitude absolue, l’homme restait seul
avec lui-même. » Unamuno, en philologue averti, sait bien que
l’absurdum latin signifie la dissonance, la discordance ou disons
l’inharmonie ; les choses ne sont pas à leur place, il y a toujours dans
cette solitude, qui est un thème récurrent de ces nouvelles, quelque
chose d’illogique qu’il convient de réparer. Cette absurdité trouvera alors
une solution, toujours la même, dans l’amour et la paternité, deux
éléments qui, ici, naissent du hasard, lui-même partie prenante de ce
qu’on pourrait appeler la théorie de l’absurde.
Le mot absurde n’était pas fréquent à l’époque d’Unamuno,
beaucoup moins assurément qu’en France après la Seconde Guerre
mondiale ; il est donc significatif que nous le trouvions, sur l’ensemble
de ces Contes, répété vingt-cinq fois. Dès 1897, dans son Journal intime,
alors qu’Unamuno traverse une grave crise religieuse, cette notion
apparaît déjà et nous pouvons lire : « La première chose que j’ai rejetée
14
a été la foi en l’enfer, comme une absurdité immorale . » Albert
Camus, dont la culture hispanique et l’intérêt pour l’Espagne
douloureuse étaient très grands, a peut-être approché l’œuvre Unamuno,
et dans ce cas y aura reconnu un précurseur et un frère. La parenté
entre le protagoniste de Brouillard, dont ce recueil livre deux extraits –
« Histoire de V. Goti » et « Don Eloínor de Alburquerque » –, et
Meursault, L’Étranger, saute aux yeux : ils sont l’un et l’autre deux êtres
sans substance, purs pantins livrés à la toute-puissance du Créateur et,
pour reprendre le vocabulaire existentialiste, tous deux « agis »,
incapables de volonté, aveugles à toute conscience et fermés aux devoirs
du cœur et au sentiment – ce qui conduira Meursault, l’homme qui n’a
pas pleuré à la mort de sa mère, à l’échafaud. Les deux écrivains ont en
partage le sentiment absurde – « tragique » dit Unamuno – de la vie,
l’inéluctable néant qui pollue l’existence en en marquant le terme,
l’incertitude de l’homme qui ne sait ni ne peut croire et accéder à la
transcendance… Une phrase d’Unamuno, tracée dans son Journal intime
en 1897, dit clairement cette tragique absence d’au-delà : « Ma terreur a
15
été l’anéantissement, l’annulation, le néant au-delà de la tombe . » On
comprendra mieux, dès lors, la réflexion initiale de ce conte, qui nous
situe bien au cœur de cet existentialisme d’Unamuno aux accents si
camusiens : « il croyait à la toute-puissance du hasard ».
L’ÊTRE DÉCONSTRUIT
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La mort était l’obsession de l’écrivain . Sans doute était-il marqué
dès son plus jeune âge par la mort : celle de son père, si précoce, plus
tard celle d’un de ses enfants – Raimundo, mort en 1902 à l’âge de six
ans –, celle de sa mère en 1908, puis toutes les morts pendant le siège de
Bilbao. Au point d’exploser d’une rage douloureuse, en 1936, lorsqu’il
entendit retentir, dans l’enceinte de son université de Salamanque, le cri
de ralliement du général Millán Astray : ¡Viva la muerte!, « Vive la
mort ! ». Sa philosophie s’appuie sur l’inéluctable mort et la précarité de
18
la vie , avec d’autant plus de dramatisme qu’il traverse dans sa
jeunesse une grave crise de foi. D’où l’interrogation : qu’est-ce que
l’immortalité ? Pourquoi vivre si la mort est au bout ? Peut-on douter du
néant qui lui succède ? On notera la fréquence des suicides dans sa
prose – le mot « suicide » apparaît onze fois dans ce recueil – et tout
particulièrement parmi ces Contes, dans « Parrain Antonio » (évoquant
des amours tragiques de légende où l’un se suicide et l’autre en meurt,
19
Roméo et Juliette ou les amants de Teruel ), dans le justement nommé
« Un suicide » et dans l’ultime récit, « Une tragédie ». En définitive, tout
chez lui est affaire de mort et d’immortalité. Et corollairement, par un
mot si proche sémantiquement, tout est affaire d’amour – ce qui
rappelle la charade : « Ella quiere a todos y nadie la quiere ? – La
muerte » (« Elle aime tout le monde et personne ne l’aime ? – La Mort »).
À cet égard, l’un des contes les plus significatifs est « Le bandeau »,
récit d’une aveugle qui, opérée avec succès, recouvre la vue, alors que
dans le même temps son père perd la vie – on notera, dans ce
balancement vue-vie la paronomase également évidente en espagnol :
vista-vida : elle va parcourir, un bandeau sur les yeux qui la ramène à sa
cécité antérieure, les chemins de la vie et de la mort, jouant sur le
double registre de la lumière et des ténèbres – qui n’est pas sans
rappeler l’aveuglement d’Œdipe, figure familière au professeur de grec
qu’était Unamuno qui, en 1898, s’essayant pour la première fois à l’art
dramatique, intitule sa première œuvre La Esfinge (Le Sphinx) : Œdipe
et sa mère Jocaste, Œdipe et sa fille Antigone peuplaient forcément
l’imaginaire de l’helléniste –, courant caresser son père de ses mains qui
voient mieux que ses yeux, et l’embrasser dans sa nuit :
— Père, père ! Il est maintenant dans les ténèbres… au royaume
de la miséricorde…
— Il baigne maintenant dans la lumière du Seigneur, ajouta le
prêtre.
Et enfin apaisée d’avoir « vu » la mort du père, elle se tourne vers la
vie qui commence, celle de son bébé qu’elle allaite au pied même du lit
d’agonie du géniteur, dans une image saisissante des trois âges et du
cycle vie-mort-vie :
elle prit l’enfant, le palpa, se découvrit la poitrine et, l’attirant à
elle, le serra contre son sein en murmurant :
— Pauvre père ! Pauvre père !
Mais la mort est partout, inséparable de cette vie qu’Unamuno saisit
dans ses multiples instantanés. Les contes 2 et 3 en portent, d’emblée,
témoignage : « Un véritable amour », avec, déjà, le thème de la lumière
et de l’obscurité à travers l’image du vieil aveugle conduit par sa fille,
lumière des ses yeux ; et « Le miroir de la mort », qui nous montre le
destin tragique d’une jeune fille laissée pour compte – miroir, son beau
miroir, lui dit qu’elle n’est pas la plus belle ! – et qui ne trouve grâce
qu’auprès de la Vierge miséricordieuse qui, la prenant finalement dans
son sein, lui accorde la vie éternelle. On trouvera très significatif le
choix de clore ce recueil de contes sur « Une tragédie », celle d’un
écrivain raté qui choisit de mettre fin à ses jours (suicide ironique ?).
L’auteur est partout dans ses récits ; il met souvent en scène un
dénommé Miguel qui lui ressemble comme un frère ou un double.
Invoquant Flaubert, il nous laisse entendre : don Vicente, Augusto
Pérez, le maître d’école de Carrasqueda, le docteur Montarco ou don
Quichotte, « c’est moi ». Eh bien ! ici, dans ce suicide d’un médiocre
plumitif, Unamuno veut choyer sa propre gloire : non, il n’est pas ce
suicidé car lui est un écrivain à succès, un immortel. C’est pourquoi
l’immortalité, ou plutôt la quête de la gloire éternelle, apparaît si
souvent dans ses contes.
En définitive, le conte – ce récit imaginatif qui prend appui sur
l’observation de la vie quotidienne, sur la mémoire du temps passé ou la
prédiction du futur, au fil d’une pensée en train de se faire – est
inlassablement au service de l’écrivain qui ne cesse de se regarder au
miroir, soit pour faire des grimaces – bouffon génial, comme dans « La
tragédie d’un acteur » –, soit pour admirer sa propre gloire – un ego
surdimensionné, obsédé par l’immortalité –, s’opposer à tout, en tout et
à tous en arguant d’une misanthropie supérieure (Alceste, c’est encore
lui), récriminer contre une société marquée, à ses yeux, par la routine, la
sclérose, l’immobilisme et la bêtise, et en même temps s’inscrire contre
un progrès qui laisserait l’homme – l’humain – sur le bord de la route,
en revendiquant les valeurs de tradition, de terroir, de folklore qui
nourrissent tant de ses pages, et ici tout le chapitre ainsi intitulé (ici).
On remarquera, pour finir, un grand absent : Dieu. Il est vrai que son
poème consacré au Christ – Le Christ de Velázquez – est avant tout un
chant à la souffrance d’un homme. Oui, Dieu est absent de ces contes,
même s’il apparaît dans la foi naïve de certains personnages, comme
Juan Manso. Unamuno est, imperturbablement, un esprit fort, à mi-
chemin entre son contemporain José Ortega y Gasset qui clame « Je suis
moi et ma circonstance » – inscrivant son incomparable personnalité
dans l’environnement historique et social – et Protagoras dans le
Théétète de Platon : « L’homme est la mesure de toute chose ».
L’écrivain, dans la multiplicité de ses contes et dans leur très grande
variété, sous quelque point de vue qu’on les place ou les aborde, est cet
homme indéfiniment réfléchi au miroir. Le miroir est une des grandes
récurrences de ces contes où il n’apparaît pas moins de quinze fois.
Dans son Journal intime Unamuno rapporte sa fascination pour une
telle duplication de son moi qui fait qu’il est dedans et dehors, moi
intime et moi extérieur ou étranger – image spéculaire qu’on ne
manquera pas de rapprocher du miroir lacanien (l’on notera d’ailleurs
que ces contes d’Unamuno font les délices des psychanalystes) :
Je me rappelle être resté à me regarder quelquefois jusqu’à me
dédoubler et voir ma propre image comme un sujet étrange, et avoir
prononcé une fois à voix basse mon propre nom, je l’ai entendu
comme une voix étrange qui m’appelait, et j’ai sursauté tout entier
comme si j’avais senti l’abîme du néant et m’étais senti une vaine
20
ombre passagère .
« Yo soy yo », s’écrie-t-il, « Je suis moi », cet autre qui sans cesse
l’interroge ou l’interpelle pour finir par caresser ce seul nom : Unamuno.
1. Cuadernos de juventud [Cahiers de jeunesse], p. 48-49, publiés
par Colette et Jean-Claude Rabaté dans Miguel de Unamuno –
Biografía, Madrid, Taurus, 2009, p. 97. – Tous les textes non
disponibles en français sont ici traduits par Albert Bensoussan.
2. Cité par C. et J.-C. Rabaté dans leur biographie, op.cit., p. 26.
3. « La moralidad artística », La Nación, Buenos Aires, 19 août
1923.
4. Review of twice-told tales, Graham’s Magazine, Philadelphie
(États-Unis), avril et mai 1842.
5. Soliloquios y conversaciones, Biblioteca Renacimiento, 1911,
p. 52.
6. Cómo se hace una novela [Comment on fait un roman], Obras
completas, Biblioteca Castro, t. VII, 2005, p. 574.
7. Tous deux ont paru dans le supplément du grand quotidien
madrilène El Imparcial, l’un des plus importants au début du
e
XX siècle, situé à droite de l’échiquier politique, ses lecteurs
appartenant de préférence surtout à la bourgeoisie libérale ; son
supplément culturel Los Lunes del Imparcial permit aux auteurs
composant ce qu’on a appelé la « Génération de 98 » de s’exprimer,
et donc Unamuno – avoisinant Azorín, Baroja et Maeztu – y publia
ses meilleures chroniques et nombre de ses contes. « Mécanopolis »
parut le 11 août 1913 et « Turismundo » le 9 janvier 1921
8. Rabelais, Pantagruel, Folio classique, 1973, p. 137.
9. Ainsi le qualifie Jean Cassou dans Cómo se hace una novela,
op. cit., p. 555.
10. La España moderna, Madrid, décembre 1906.
11. À commencer par la grande étude des lettres espagnoles par
le romaniste autrichien Ferdinand Wolff (Studien zur Geschichte der
spanischen und portugiesischen Nationalliteratur, 1859), mais aussi
Schopenhauer et Sudermann.
12. Le thème de cette pièce, à travers le meurtre d’un homme par
son frère jumeau suivi de son suicide, traduit l’impossibilité de
savoir qui a tué qui et qui est le survivant.
13. Mis en exergue de L’Agonie du christianisme.
14. Diario íntimo, op. cit., p. 286.
15. Ibid., p. 286.
16. Cómo se hace una novela, op. cit., p. 567.
17. Pour l’ensemble des contes ici réunis, le mot « mort » revient
avec une fréquence de 165 occurrences (nous nous inspirons là de la
méthode de Pierre Guiraud exposée dans Les Caractères statistiques
du vocabulaire, Paris, PUF, 1954), dont 121 occurrences pour
« mort » (substantif et adjectif) et « mortel » (avec ses dérivés), et
141 occurrences pour « immortalité » et ses dérivés.
18. Il est significatif que les occurrences du mot « vie » dans
l’ensemble de ces contes s’élèvent à 144, chiffre inférieur au mot
« mort ».
19. Couple d’amants malheureux, morts en 1217 en Aragon, dont
l’histoire tragique inspira de nombreux artistes.
20. Diario íntimo, op. cit., p. 292. On ne peut s’empêcher de
penser au personnage d’Antoine Doinel, peuplant tant de films de
François Truffaut, qui, se contemplant dans la glace dans une
séquence de Baisers volés, avec une sorte de fascination, répète un
nombre incalculable de fois « Antoine Doinel… Antoine Doinel… ».
Psittacisme d’un dément, d’un « existant » au sens que lui donne
Unamuno, « hors de lui ». Sans doute, après tout ce qui vient d’être
dit et éclairé, ce personnage majeur de l’univers cinématographique
de Truffaut, à vrai dire son propre double, se révélera éminemment
unamunien : un être flottant dans les nuages et s’exprimant sur un
ton insolite, d’une voix faussée, comme à côté du vrai, et pour cela
plus réelle et plus vraie.
BIBLIOGRAPHIE
ŒUVRES D’UNAMUNO
(sélection)
En espagnol :
Cuentos, éd. Eleanor Krane Paucker, Madrid, Minotauro, 1961.
Cuentos completos, éd. Óscar Carrascosa Tinoco, Madrid, Páginas
de Espuma, 2011.
L’amour
1. Ce conte, signé du pseudonyme « Moi-même », a été
publié dans la « Page littéraire » de El Noticiero Bilbaino du
25 octobre 1886. Unamuno avait vingt-deux ans.
2. Juan : personnage récurrent des contes d’Unamuno, cet
homme taciturne, sceptique et misanthrope est, sans aucun
doute, à l’image de l’auteur.
3. Beaucoup de sch : on pense à Schopenhauer,
qu’Unamuno a lu très jeune et traduit ensuite.
4. Ce banc de noyer revient avec insistance – à cinq
reprises – dans ce récit. Sans doute faut-il y voir une volonté
manifeste, dès 1886, lorsque Unamuno publie cette nouvelle, la
première de toutes. En 1931, dans son roman Saint Manuel
Bueno, martyr, nous voyons le protagoniste, à l’article de la
mort, recommander à sa fille de fabriquer son cercueil avec six
planches qu’il a lui-même taillées du « vieux noyer – dit-il –… à
l’ombre duquel je jouais, enfant, quand je commençais à
rêver ». Le noyer représente, en quelque sorte, le monde de
l’innocence, de l’enfance et de la rêverie ; l’éternité, peut-être.
5. Publié dans Los Lunes del Imparcial, Madrid,
24 avril 1899.
6. Publié dans Los Lunes del Imparcial, Madrid,
27 novembre 1911.
7. Notre-Dame de Grâce de Fresneda, dans la province de
Teruel, en Aragon, fait l’objet d’un pieux pèlerinage le premier
dimanche de mai.
8. Publié dans Los Lunes del Imparcial, Madrid,
23 septembre 1912.
9. De même, le personnage de Tula, qui fait tout dans la
maison de son veuf de beau-frère, aux petits soins pour ses
neveux et nièces, est-elle qualifiée de prêtresse (sacerdotisa)
dans « La tante Tula ».
10. Cette expression paradoxale a inspiré à l’écrivain
colombien Héctor Abad une belle réflexion sur cette notion
d’ex-futurs à partir d’un quatrain d’Unamuno :
Où s’en est allé mon rêve nomade,
s’en est allé mon avenir d’autrefois ?
Qu’en est-il de l’aimable leurre
qui rendait supportable mon chemin ?
ce qui l’amène à écrire, en citant l’écrivain basque : « C’est la
notion générale d’ex-futur qui m’intéresse. Voyons-la dans la
description originale d’Unamuno : “J’ai toujours été préoccupé
par le problème de ce que j’appellerais mes ‘moi ex-futurs’, ce
que j’ai pu avoir été et ai cessé d’être, les possibilités que j’ai
laissées sur le bord du chemin de ma vie. Je dois écrire un essai
là-dessus, peut-être un livre. C’est le fond du problème du libre
arbitre. Qu’un homme se penche sur ce qu’il aurait été si à tel
moment de son passé il avait pris une autre décision que celle
qui fut décidée, c’est une histoire de fou. Je tremble à l’idée de
me mettre à penser à ce que j’aurais pu être, à cet ex-futur
appelé Unamuno, que j’ai laissé depuis des années démuni et
seul…” Et il soutient ailleurs la thèse suggestive qu’un des
Goethe possibles fut Werther, en écrivant tel quel : “Werther
est l’ex-futur suicidé de Goethe” » (Héctor Abad, Trahisons de la
mémoire, Paris, Gallimard, coll. « Arcades », 2016, p. 160-161).
11. Publié dans Los Lunes del Imparcial, Madrid,
16 septembre 1912.
12. Camilo Castello Branco (1826-1890) est un écrivain
portugais qui raconte dans A mulher fatal ses amours
adultérines et tumultueuses avec Ana Plácido.
13. Les contes non datés sont empruntés au recueil El
espejo de la muerte (Le Miroir de la mort), publié en 1913.
14. « Hélas, Postumus, les années fugaces nous glissent
entre les doigts » (Horace, Odes, coll. « Poésie / Gallimard »,
p. 217). Postumus est le nom du dédicataire de l’ode, ce qui
n’interdit pas d’entendre aussi un jeu de mots avec posthume,
que n’hésitera pas à faire Unamuno dans un autre conte (voir
ici).
15. Marc, X, 8 : « L’homme s’attachera à sa femme, et tous
deux deviendront une seule chair. Ainsi, ils ne sont plus deux,
mais une seule chair. »
16. Unamuno, avec Concha Lizárraga, la seule femme de sa
vie, eut également neuf enfants : Fernando, Pablo, Raimundo,
Salomé, Felisa, José, María, Rafael et Ramón.
La paternité
1. Publié dans Los Lunes del Imparcial, Madrid, 14 octobre
1902.
2. Publié dans Los Lunes del Imparcial, Madrid, 26 février
1912.
3. Toujours à demi perdu dans les nuages : prédilection
unamunienne, à l’instar du personnage d’Augusto Pérez du
roman Brouillard. En fait, cette nouvelle précède de deux
années la publication du roman, et annonce donc ce type de
personnage flottant et cette obsession de l’irréalité. On notera,
quelques lignes plus bas, la mention des « brumes du passé ».
4. Tucumán : ville d’Argentine. La tradition des Espagnols
allant chercher fortune aux Amériques est encore très vive au
temps d’Unamuno. Le père de l’auteur était lui-même allé
tenter sa chance au Mexique pour revenir à Bilbao en 1859, les
poches pleines, et fonder une famille.
5. La notion de hasard sera au centre de la pensée
existentialiste. Comment ne pas rapprocher ici Unamuno
d’Albert Camus parlant de « la seule divinité raisonnable, je
veux dire le hasard » (La Chute) et faisant du hasard, dans
L’Étranger, le moteur de l’histoire (rencontres hasardeuses,
meurtre par hasard…).
6. Publié dans Los Lunes del Imparcial, Madrid, 5 juillet
1912.
7. Double vie : en dédoublant ainsi l’espace, Unamuno a
peut-être à l’esprit le tableau du Greco, L’Enterrement du comte
d’Orgaz, où l’espace se divise en deux plans, en haut le Ciel avec
les saints et l’élu, en bas la terre avec tous ces êtres matériels
assistant à l’ensevelissement du personnage. La phrase qui clôt
cette nouvelle rejoint bien cette image.
8. Niebla (Brouillard), chap. XXII, 1914.
9. Ramón de Campoamor (1817-1901) est un poète
espagnol de l’école réaliste. Il partage avec Unamuno le goût
des jeux du langage, et l’on citera, par exemple, ce quatrain
savoureux où le poète, en mal de rime, invente un mot hapax, à
l’instar de Victor Hugo avec son « Jérimadeth » (Tout reposait
dans Ur et dans Jérimadeth) :
Escribiendo ayer con lápiz
He cometido un desliz
Porque se me escapó tápiz
En vez de poner tapiz.
Le mot lápiz n’a aucune rime possible en espagnol ; faisons
alors semblant de nous tromper en écrivant, avec un accent
erroné, tápiz !
10. Le conte est emprunté au recueil El espejo de la muerte,
Madrid, 1913.
11. Successivement les Amants de Vérone, les Amants de
Teruel, pièce espagnole de Juan Eugenio Hartzenbusch (1837)
et ceux évoqués par Dante dans l’Enfer.
12. Unamuno pense ici, sans doute, au Werther de Goethe,
réputé être à l’origine d’une vague de suicides mimétiques chez
ses jeunes lecteurs inspirés par le héros. Le thème était si
fréquent qu’en Espagne le dramaturge Joaquín Dicenta intitula
sa première pièce El suicidio de Werther (1888).
13. Mourut en bas âge : Unamuno pense peut-être ici à la
mort, à l’âge de six ans, de son troisième enfant, Raimundo,
une disparition dont il porta le deuil sa vie durant.
14. Publié dans La Esfera, Madrid, 14 octobre 1916.
La renommée
1. Publié dans La Ilustración española y americana, Madrid,
8 septembre 1899.
2. Fils de l’Homme : c’est ainsi qu’Unamuno aime à qualifier
le Christ dans son poème Le Christ de Velázquez. Dans les
Évangiles c’est ainsi que Jésus se qualifie souvent – pas moins
de soixante-dix fois.
3. Publié dans Los Lunes del Imparcial, Madrid, 2 juin 1900.
e
4. Jorge Manrique est ce poète espagnol du XV siècle,
auteur des « Stances sur la mort de son père », à l’incipit si
célèbre : « Nos vies sont les fleuves qui vont se jeter dans la
mer… »
5. Ce paradoxe recouvre une idée fréquente d’Unamuno
selon laquelle l’œuvre échappe à son auteur sitôt qu’elle est
publiée, appartenant désormais au public qui lui donnera le
sens qu’il voudra et qui variera au cours des âges.
6. L’Imitation de Jésus-Christ : œuvre anonyme du XIV-
e
XV siècle, généralement attribuée au moine néerlandais
Thomas a Kempis.
7. Fait de terre et de souffle : comme Adam qui, dans la
Genèse, est pétri dans la glaise à laquelle le souffle de Dieu
donne vie.
er
8. Publié dans Ahora, Madrid, 1 août 1934.
9. Le chêne est l’arbre emblématique d’Unamuno,
omniprésent dans son paysage et son écriture. L’auteur, qui
était dessinateur à ses heures, l’a représenté dans un de ses
meilleurs dessins. Au demeurant, le chêne figure dans les
armoiries de la ville de Salamanque. Et enfin le chêne est
l’arbre sacré de Guernica.
10. « On appelle “fils de la Vierge” certains petits fils qui
flottent dans le vent et sur lesquels des araignées… s’élancent
dans les airs… ; ces araignées tissent ces fils de leurs propres
entrailles, ces étamines légères sur lesquelles elles se jettent
dans l’espace inconnu. Terrible symbole de la foi ! Car la foi
dépend des fils de la Vierge » (L’Agonie du christianisme, op.
cit., p.67).
11. Charros : paysans de la province de Salamanque.
La pédagogie
1. Publié dans Madrid Cómico, 9 avril 1898.
2. In anima vili : « sur une âme vile » ; expression latine
s’employant d’ordinaire pour parler d’une expérience sur un
animal.
3. Publié dans La Lectura, Madrid, juillet 1903.
4. Quejana : Unamuno se souvient ici du personnage de
Don Quichotte, qui se nomme en fait Quijano, surnommé « le
Bon ». Dans cette nouvelle, ce personnage incarne en effet le
bon élève, celui en qui le maître a placé tous ses espoirs.
5. « Si le grain de blé qui est tombé en terre ne meurt, il
reste seul ; mais, s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. Celui qui
aime sa vie la perdra, et celui qui hait sa vie dans ce monde la
conservera pour la vie éternelle » (Évangile selon saint Jean,
XII, 24-25).
6. Réminiscence des vers de Jorge Manrique, dont le nom a
été évoqué par un personnage de « Don Martín ou de la
Gloire » (voir ici) : « Nos vies sont des fleuves / qui vont se jeter
dans la mer / qui est mourir ».
7. Publié dans le recueil El espejo de la muerte, Madrid,
1913.
8. La Vie joyeuse : La Vida Alegre était une revue
e
humoristique et satirique de grande diffusion au XIX siècle.
9. Robleda : bourg de la province de Salamanque.
10. Un des nombreux paradoxes dont Unamuno est
coutumier.
Raison et passion
1. Publié dans la revue Vida nueva, Madrid, 29 août 1898.
2. Publié dans Los Lunes del Imparcial, Madrid, 22 janvier
1900.
3. Tout ce récit développe un paradoxe comme Unamuno
les aime : l’aveugle qui a recouvré la vue ne reconnaît pas son
chemin, la clarté troublant sa vision, il lui faut donc se bander
les yeux, retrouver ses ténèbres, pour se guider jusqu’à la
maison paternelle. Ce conte fut transformé par l’auteur en
pièce dramatique en deux tableaux, publiée en 1913 et
représentée en 1921.
4. « Et la vie était la lumière des hommes et la lumière luit
dans les ténèbres » (Évangile selon saint Jean, I, 4-5).
5. Publié dans Los Lunes del Imparcial, Madrid, 25 janvier
1923.
6. La leuconychie est une maladie des ongles, lorsque de
petites taches blanches ou jaunâtres y apparaissent. Leur
origine a servi à alimenter bien des légendes, comme de croire
qu’il s’agissait d’une punition pour chacun des mensonges qui
avaient été dits. Parmi les médecins qui se sont prononcés sur
l’apparition de ces taches, signalons – et étonnons-nous de la
coïncidence patronymique – le docteur Pablo Unamuno, chef
du service de dermatologie de l’hôpital de Salamanque :
« L’ongle pousse d’un millimètre tous les dix jours, aussi
lorsque nous voyons la tache au milieu de l’ongle, cela signifie
que la lésion s’est produite deux ou trois mois plus tôt. » Ce
médecin est le petit-fils de Miguel de Unamuno.
7. Le catéchisme en usage, dans la pieuse enfance
d’Unamuno, était celui du père Gaspar Astete, de la Compagnie
de Jésus.
8. Publié dans El Nervión, Bilbao, 10 mai 1892.
9. Juan Manso : dix ans plus tôt, le romancier Benito Pérez
Galdós publiait El amigo Manso (1882), roman de l’idéaliste
Máximo Manso, personnage fantasque et quichottesque qui a
pu influencer Unamuno. Les deux écrivains étaient liés
d’amitié et s’admiraient mutuellement. Dans une de ses lettres,
Unamuno écrit à Pérez Galdós ; « Si vous saviez combien de
fois je me rappelle votre ami Manso » (30 décembre 1898).
10. Malorum causa : « la cause de tous les maux »,
expression fréquente en latin.
11. Rappel de l’Évangile selon saint Matthieu : « Heureux
ceux qui sont doux, car ils posséderont la terre ! » (V, 5).
12. « Militia est vita hominis super terram » (Job, VII, 1).
Folklore
1. Publié dans El Diario de Bilbao, 16,17 et 19 juin 1888.
2. Dans le dialecte de Bilbao, solitaña est le nom donné à
un petit coléoptère longicorne qu’après l’avoir pris les enfants
s’amusent à faire voler en chantant cette invocation. Si l’insecte
prend aussitôt son vol, c’est une assurance de beau temps. Ce
surnom de Solitaña est appliqué ironiquement au personnage
particulièrement casanier du récit.
3. Zamudianas : de Zamudio, un bourg de Biscaye au Pays
basque espagnol.
4. Erandio : vaste commune de la province de Biscaye,
jouxtant Bilbao. On notera dans l’insistance patronymique
l’ironie d’Unamuno se montrant toujours plus espagnol que
basque.
5. Bengoechebarri signifie en basque « maison neuve d’en
bas » ; Goicoechezarra signifie « maison vieille d’en haut ». On
sent bien qu’Unamuno s’amuse à inventer des patronymes
superlativement basques.
6. Le cuarto était une monnaie de cuivre de peu de valeur,
valant deux ochavos. Ici le commerçant se fait de la monnaie
afin de distribuer à chaque mendiant un ochavo, la plus petite
pièce qui soit, mais à celui qui s’exprime en basque, patriote en
diable, il donne le double de l’aumône : un cuarto.
7. Le général Martín Zurbano fut un féroce adversaire des
carlistes durant le siège de Bilbao, dont le souvenir continue de
hanter Unamuno.
8. La situation du pape : il s’agit du pape Pie IX. Rappelons
que le 20 septembre 1870, les troupes du roi d’Italie occupent
Rome en profitant du retrait des troupes françaises suite à la
défaite de Napoléon III à Sedan. Cela marque la fin des États
pontificaux. Pie IX se considère comme prisonnier au Vatican,
situation qui va durer jusqu’aux accords de Latran, en 1929, et
la création de l’État du Vatican.
9. Limonade : la limonada est une boisson glacée, composée
d’un mélange de chacolí, vin blanc de la région de Bilbao,
d’eau, de sucre, de cannelle et de zestes de citron (d’où son
nom), consommée l’été, en accompagnement de la dégustation
de poisson, au cours de banquets auxquels on a aussi donné le
nom de limonadas.
10. Chimberos : chasseurs de petits oiseaux, de fauvettes,
chimbos en dialecte de Bilbao. Pendant la guerre carliste,
chimbos était le surnom que l’on donnait aux gens de Bilbao ;
les chimberos étaient donc ces carlistes qui, pendant le siège de
Bilbao, douloureux souvenir d’Unamuno, attaquaient et
traquaient les habitants.
11. Le duc d’Osuna, diplomate aux temps d’Isabelle II, était
célèbre pour sa richesse, son faste et ses dépenses somptuaires
qui finirent par engloutir une des plus importantes fortunes
d’Espagne, ce fameux « krach » qu’évoque ici Unamuno.
12. Publié dans El Nervión, Bilbao, 14 août 1892.
13. L’homme du sac est, en Espagne, le surnom du croque-
mitaine qui emporte les méchants enfants.
14. Publié dans El Nervión, Bilbao, 14 septembre 1891.
15. Aitor est un prénom basque qui signifie « aveu,
confession ».
16. Au Pays basque on appelle maqueto l’immigrant
originaire d’une autre région d’Espagne.
17. Archanda est l’un des deux monts qui dominent Bilbao.
18. Dans la mythologie basque, Maitagarri est une fée qui
habite les forêts, les lacs et les monts.
19. Bajasaun, assimilé à l’ouragan qui balaie le Pays
basque, est le génie malfaisant des forêts.
20. Capusay : espèce de blouse avec capuche que portaient
les bergers basques.
21. Jaungoica : ce mot basque renvoie à la divinité. Le poète
Rafael Sánchez Mazas (par ailleurs l’un des fondateurs de la
Phalange et ministre sous Franco), dans ses Aleluyas a la
resurrección del Señor, écrit ces deux vers : « Mi “Jaungoica”,
Señor de lo alto, / conquistador de la gloria al asalto » (« Mon
Jaungoica, Seigneur des hauteurs, conquérant de la gloire à
l’assaut »).
22. Erdera désigne en basque la langue étrangère.
23. Euskaldunas désigne les Basques qui parlent l’euskara.
24. Aitona signifie « grand-père » en langue basque.
25. Ilarguia désigne la lune en langue basque.
26. Koplari : chanteur.
27. Euskaria désigne le Pays basque.
28. Le zortzico est un poème et une danse du Pays basque.
29. L’arche : une légende fait descendre les Basques de
Tubal, petit-fils de Noé.
30. Le lauburu est la croix basque, composée de quatre
branches en forme de virgule.
31. Machichaco : le cap Matxitxaco, dans la mer
Cantabrique. L’extrémité est la fin de la pente de la montagne
Sollube, en Biscaye.
32. Verte Érin : nom celte de l’Irlande.
33. La bataille de Padura est un affrontement légendaire
entre les troupes du León et les Biscaïens commandés par Jaun
Zuria. Padura a été appelé Arrigorriaga (« pierre rouge », en
basque) en raison du sang versé sur ces terres.
34. L’echeco-jauna désigne le maître d’une ferme ou d’une
maison.
35. Azcona en langue basque désigne la flèche, le javelot.
36. Chacolinada : réunion où l’on boit du chacolí (txacolin
en euskera), vin blanc du terroir de Bilbao.
37. Maquila : « bâton » en langue basque.
38. José Maria Iparraguirre, considéré comme le barde
basque, est connu pour ses compositions en euskara, dont la
plus significative est Gernikako Arbola – « l’arbre de
Guernica » –, devenu l’hymne basque.
39. Koblakari : aède basque.
40. Irnio : montagne de Guipuzcoa.
41. Batzarres : les conseils du Parti national basque.
42. Publié dans El Nervión, Bilbao, 14 septembre 1891.
43. Pachi : diminutif de Francisco.
44. Serenos : veilleurs de nuit.
45. Cendrée : petit plomb dont on se sert à la chasse au petit
gibier.
46. Chilibrán : mélange de fruits et d’eau-de-vie.
47. Artecalle : quartier du vieux Bilbao.
48. Nesca : « fille » en basque. Nescatilla : « jeune fille ».
49. Izarza : commune de la province d’Álava au Pays
basque.
50. Arraiz : petit mont de 352 mètres, dominant Bilbao, en
contrebas de petites chaînes de montagnes.
51. Santa Águeda : les processions qui ont lieu la veille de la
sainte Agathe, vierge et martyre, patronne de la fertilité,
attirent des milliers de personnes.
52. Bochito : en dialecte de Bilbao, le bocho désigne le trou
creusé en terre pour le jeu de la bille au pot. Ce même mot est
appliqué affectueusement à leur cité par les habitants de
Bilbao, également appelée la tacita de plata, « la petite tasse
d’argent ».
53. Ordonnances : il s’agit des célèbres fueros vascos, le
droit coutumier du Pays basque, souvent bafoué ou aboli au
cours des conflits, mais qui a survécu jusqu’à nos jours. Il est
l’expression de l’individualisme ombrageux de ce pays aux
quatre provinces (Biscaye / Bilbao, Gipuzcoa / Saint-Sébastien,
Alava / Vitoria, Navarre / Pampelune) qui a su résister au
centralisme des Bourbons. La Constitution espagnole de 1978
« reconnaît l’existence des droits historiques des territoires
basques ».
54. Arrigorriaga : ville de Biscaye, lieu d’importantes
batailles pendant les guerres carlistes.
55. Le 28 décembre 1873 voit le siège de Bilbao par les
forces carlistes. Miguel de Unamuno, qui entre dans sa dixième
année, assiste à la guerre depuis le balcon de la maison
familiale. Sous les bombardements, la famille se réfugie dans
l’arrière-boutique de la confiserie-chocolaterie de l’oncle.
L’année précédente la troisième guerre carliste s’est
déclenchée : Charles VII, prétendant au trône d’Amédée de
Savoie, qui a succédé à son oncle Charles VI (qui déclenchera
la deuxième guerre carliste : 1846-1849), et celui-ci à Charles V
(qui, lorsque Ferdinand VII, descendant des premiers
Bourbons espagnols, laissa le trône à sa fille, Isabelle II,
entreprit la première guerre carliste : 1833-1840), est l’artisan
de cette guerre civile espagnole, qui ensanglante tout le
e
XIX siècle, et qui s’achèvera en 1876 par la reconquête de la
Navarre, fief du prétendant carliste qui s’exile en France. Les
carlistes affrontent les libéraux, partisans du Bourbon légitime.
Les premiers, qu’il appelle tximberos jebos, sont gens de terre,
les seconds, qu’il nomme tximbos tximberos, gens de ville.
56. Jebos : les nationalistes – ce mot dialectal désignait
d’abord le paysan basque. Unamuno parle ici des carlistes qui
assiégèrent Bilbao.
57. Ce porteur de sonnailles, ou joaldun, est un personnage
traditionnel du folklore basque. Les défilés des sonneurs,
annonçant le Carnaval en faisant un maximum de bruit, sont
une des scènes de procession les plus pittoresques du pays.
58. Limonada : voir n. 9.
59. Postumus était déjà cité en exergue de la nouvelle « Au
fil des ans » (voir ici et la note 14). – O tempora, o mores :
célèbre apostrophe de Cicéron dans ses Catilinaires.
Littéralement « Ô temps, ô mœurs », ou plus simplement
« Quelle époque ! ».
60. San Antón : poste de police et de détention de Bilbao.
61. Les batos désignent les paysans ; barragarris :
« ridicules ».
62. Ce texte a été lu par Miguel de Unamuno à la société El
er
Sitio (« le siège ») de Bilbao, le 1 mai 1891. Plein de
nostalgie, il oppose gens des villes et gens des champs, oiseaux
et chasseurs d’oiseaux, libéraux citadins et paysans carlistes, et
plus qu’en tout autre texte, multiplie les vocables et les clins
d’œil à sa patrie : Euzkadi, le Pays basque.
er
63. Lu à la société El Sitio, le 1 mai 1892, et publié dans
El Nervión en mai 1892.
64. Le général Domingo Moriones commandait les troupes
qui, en 1972, triomphèrent des forces carlistes.
65. Juan de Dios Polo y Muñoz de Velasco était un général
carliste.
66. Le couvent de San Agustín de Bilbao fut incendié par les
forces carlistes en 1836.
67. Azucarillo : petit carré de sucre aromatisé qui fond
instantanément dans l’eau.
68. Pellos : célèbres joueurs de pelote basque.
69. Publié dans Los Lunes del Imparcial, Madrid,
23 décembre 1912.
70. La tertulia est une institution très espagnole, qui
consiste pour un groupe d’hommes, en général, à se réunir
régulièrement dans un coin de café, à une table ou deux, et à
discuter tout en buvant, interminablement. Unamuno, à
Salamanque, était familier du Café Novelty.
71. « De toutes les choses qu’on peut savoir, et même de
plusieurs autres. » Sentence dérivée d’une formule de Pic de La
Mirandole.
Le secret
de la personnalité
1. Publié dans La Justicia, Madrid, 27 décembre 1889.
2. Salamanque, mai 1892.
3. Publié dans El Imparcial, Madrid, 20 mai 1895.
4. Publié dans El Fomento, Salamanque, 11 janvier 1897.
5. Vis medicatrix naturae : « le pouvoir de guérison de la
nature ».
6. Publié dans La Ilustración Española y Americana,
8 janvier 1900.
7. Mon pauvre père : il faut rappeler que Miguel de
Unamuno perdit son père à l’âge de six ans. Comment ne pas
voir dans ce récit d’une enfance triste le reflet de celle de
l’auteur ?
8. Février 1904. Publié dans Ensayos, IV, Residencia de
Estudiantes, Madrid, 1917.
9. Unamuno traduisit en 1899, sous le titre Sobre la
voluntad en la naturaleza, l’ouvrage de Schopenhauer De la
volonté dans la nature (Über den Willen in der Natur).
10. L’Épître morale à Fabius : épître d’Horace.
11. Problèmes biologiques (Biologische Probleme), du
biologiste allemand William Henry Rolph, a paru à Leipzig en
1882.
e
12. Alfonso Rodríguez : religieux du XVII siècle dont
l’œuvre, Obras espirituales, ne fut publiée qu’en 1885, en huit
volumes, à Barcelone, donnant à son auteur une notoriété
nouvelle qui lui valut d’être canonisé en 1888.
13. Il s’agit de Paul Morphy, célèbre joueur d’échecs
américain, qui mourut en 1885. Le compositeur français
e
Philidor, au XVIII siècle, fut également considéré comme un
grand joueur d’échecs.
14. Schmarotzender : Unamuno connaissait-il cet ouvrage
du botaniste M. H. Leitgeb, Completoria complens Lohde, ein in
Farbprothallien schmarotzender Pilz, paru en 1881 ? Ce
champignon parasite pourrait bien être l’image que se renvoie
à lui-même le docteur fou.
er
15. Publié dans La Nación, Buenos Aires, 1 janvier 1908.
16. Robert Browning : poète britannique de l’époque
victorienne et contemporain d’Unamuno, qui était fasciné
assurément par la pensée métaphysique de cet écrivain, obsédé
par la mort et la vie après la mort. La résurrection de Lazare
est évoquée dans le long poème An Epistle Containing the
Strange Medical Experience of Karshish, the Arab Physician, qui
s’achève justement sur « it is strange », qui suggère à Unamuno
ce « passage étrange ».
17. Publié dans le recueil El espejo de la muerte, Madrid,
1913.
18. Allusion à une des aventures du baron de
Münchhausen. Voir Les Merveilleux Voyages du baron de
Münchhausen, Gallimard, coll. « Folio bilingue ». Prenant pour
héros un homme fantasque ayant réellement existé, le baron de
Münchhausen (1720-1797), la culture populaire a produit une
série d’histoires extraordinaires et satiriques qui ont ensuite été
réunies en volume.
19. Publié dans le recueil El espejo de la muerte, 1913.
20. Publié dans le recueil El espejo de la muerte, Madrid,
1913.
21. Publié dans le recueil El espejo de la muerte, Madrid,
1913.
22. On remarquera la fin abrupte de ce conte, comme si
Unamuno avait fait confiance à son lecteur pour imaginer de
lui-même le désespoir du protagoniste qui, découvrant le
calvaire de sa mère, décide de mettre fin à ses jours.
23. Publié dans Nuevo Mundo, Madrid, 29 mars 1918.
24. On connaît la distinction que fait Unamuno au sujet du
Moi, c’est-à-dire des différents moi qui, selon lui, sont au
nombre de quatre : le moi qu’on est, le moi qu’on croit être, le
moi extérieur et que les autres voient, et enfin le moi qu’on
voudrait être (« outre celui qu’on est pour Dieu, si l’on est
quelqu’un pour Dieu, celui qu’on est pour les autres et celui
qu’on croit être, il y a celui qu’on voudrait être », prologue de
Tres novelas ejemplares y un prólogo).
25. Faut-il y voir une réminiscence de Spinoza et de son
célèbre axiome : « Beatitudo non est praemium virtutis, sed
virtus ipsa », « La béatitude n’est pas la récompense de la vertu,
mais la vertu elle-même » (Spinoza, L’Éthique, Gallimard, coll.
« Folio essais », 1994, p. 387) ? Unamuno connaissait bien
l’œuvre de « Baruch Spinoza » (ainsi qu’il le nomme) et l’a
souvent passée au crible de sa critique.
26. Heautontimoroumenos : à nouveau, le professeur de
grec que fut Unamuno pointe son nez avec ce mot qui signifie
en grec « bourreau de soi-même ». Baudelaire a intitulé ainsi
un des poèmes des Fleurs du mal, qu’Unamuno connaissait
peut-être. Citons-en ce quatrain significatif, auquel ce conte
semble faire écho :
Je suis la plaie et le couteau !
Je suis le soufflet et la joue !
Je suis les membres et la roue,
Et la victime et le bourreau !
27. Publié dans Caras y Caretas, Buenos Aires, 4 décembre
1920.
28. Publié dans Caras y Caretas, Buenos Aires, 16 juillet
1921.
29. On connaît bien l’histoire de l’homme sans ombre de
l’écrivain allemand (d’origine française) Chamisso, qui a
notamment inspiré le troisième acte des Contes d’Hoffmann
d’Offenbach. Le mot Schlemihl est un terme yiddish, fort
populaire dans le parler argotique allemand, qui désigne le
malchanceux ou l’incapable.
30. Publié dans El Nervión, Bilbao, 7 septembre 1891.
31. Publié dans El Nervión, Bilbao, 28 février 1893.
re
32. Don Quichotte, I partie, chap. XXII.
e
33. Don Quichotte, II partie, chap. XXIII.
34. L’hymne de Riego : tirant son nom du général Rafael del
Riego, qui combattit les troupes de Napoléon et perdit la vie en
1823, c’était l’hymne officiel de la première République
espagnole en 1873 et de la seconde en 1931.
35. Manuel Ruiz Zorrilla fut un éminent homme politique
espagnol, ministre de la Justice pendant la Première
République, franc-maçon et ardent républicain (mort en 1895).
36. Frascuelo : célèbre torero espagnol, contemporain
d’Unamuno, qui mourut en 1898. Il fut l’un des plus glorieux et
des plus célébrés dans l’Espagne d’alors.
37. Miguel Servet fut un illustre théologien et médecin
e
aragonais du XVI siècle. Homme de science, martyr de la
pensée, condamné par l’Inquisition, il finit au bûcher.
38. Salado : probable allusion à la bataille du fleuve Salado,
près de Séville, qui repoussa l’attaque des Mérinides contre les
catholiques espagnols en 1340. La bataille de Lépante, qui suit,
avec ce même objectif de combattre l’hégémonie de l’Islam en
Méditerranée, est surtout célèbre car c’est là que Cervantès fut
blessé à la main et bâtit sa gloire ultérieure. Otumba : célèbre
bataille au Mexique qui vit, en 1520, la victoire du
conquistador Hernán Cortés contre les Aztèques. Wad-Ras :
cette victoire permit, en 1860, d’asseoir l’emprise coloniale de
l’Espagne sur la partie nord du Maroc.
39. Grand capitaine du siècle : allusion au héros national
Gonzalo Fernández de Córdoba, surnommé El Gran Capitán,
artisan de la chute de Grenade et de la lutte contre les
Ottomans.
40. Conciles de Tolède : juridiction politico-religieuse aux
temps des Wisigoths, elle siégea jusqu’à l’invasion arabe au
e
VIII siècle. Parmi leurs décisions on retiendra l’abandon de
l’arianisme en 589, considéré comme une hérésie du
christianisme, le poids affirmé de l’Église face à la monarchie,
de nouvelles disciplines ecclésiastiques et la persécution des
Juifs. La figure la plus notable de ce temps est l’évêque Isidore
e
de Séville qui, au VII siècle, joua un rôle déterminant dans
l’émancipation de l’Église espagnole face au pouvoir de
Byzance.
41. En 69 : les Cortès de Madrid se réunirent en 1869, après
la chute de la monarchie d’Isabelle II, pour élaborer la
Constitution de l’Espagne.
42. Señorito : il s’agit de Luis Mazzantini, l’un des plus
e
célèbres toreros de la fin du XIX siècle, dont le parrain fut
Frascuelo. Sa bravoure dans l’arène lui avait valu le surnom de
« Señorito loco » (fou), mais son élégance faisait aussi de lui un
dandy qui défraya la vie mondaine de Madrid.
43. À la fin de la corrida on récompense le torero qui a bien
combattu en lui offrant une ou deux oreilles, et/ou la queue du
taureau estoqué.
44. Unamuno, à travers la figure du chimiste don Pérez,
glose sur l’histoire du projet de sous-marin espagnol, présenté
par l’ingénieur militaire Isaac Peral et qui, malgré des essais
concluants en 1888, ne put être mené à bien du fait de
l’opposition du gouvernement.
45. Publié dans El Nervión, 11 mars 1893. Sous l’apparence
de la fable, ce « conte » est, en fait, un article polémique
dénonçant la manœuvre politique de grands propriétaires
terriens pour s’emparer de la mairie de Bilbao.
46. Dura lex, sed lex : « La loi est dure, mais c’est la loi ».
47. Publié dans El Correo, Valence, 4 octobre 1900.
48. Avril 1909.
49. Ce conte fantastique qui est une méditation sur le
temps, qui confond les temps, la chronologie, mêle la vie, la
mort et le rêve, a été repris dans Antología española de literatura
fantástica (Madrid, Valdemar, 1996).
50. Publié dans le recueil El espejo de la muerte, Madrid,
1913.
51. Juan Álvarez Méndez, dit Mendizábal (1790-1853),
homme d’État espagnol, révolutionnaire libéral et franc-
maçon, qui, président du Conseil, supprima les titres de
noblesse, décréta la suppression des communautés religieuses
et sécularisa les biens de l’Église.
52. La guerre carliste, dont le siège de Bilbao, ville libérale
assiégée par les traditionalistes partisans de l’infant Charles de
Bourbon contre la reine régente Marie-Christine, a si
profondément marqué Unamuno dans sa dixième année, qu’il
en parlera dans toute son œuvre, opposant toujours l’esprit
libéral, citadin et moderne au carlisme réactionnaire,
traditionaliste et clérical.
53. Juif : on notera que, précisément dans ce contexte,
Unamuno a pu penser à l’origine juive de Mendizábal, qui
s’appelait, en fait, Méndez par sa mère et avait, pour cela,
modifié ce patronyme en Mendizábal.
54. José Sardá fut un homme politique et militaire qui,
après s’être illustré dans la guérilla contre l’occupation
napoléonienne de l’Espagne, rejoignit Simon Bolivar dans sa
campagne républicaine en Colombie, et finit assassiné en 1834.
55. El Martillo : « Le Marteau », organe des réformateurs
qui se réclamaient du despotisme éclairé et des Lumières.
56. Libertas : encyclique promulguée par le pape Léon XIII
le 20 juin 1888, ciblant en particulier la doctrine du
libéralisme.
57. Non serviam : « Je ne servirai pas » en latin. Expression
de la rébellion, elle est traditionnellement attribuée à Satan.
58. Bélial est l’un des noms du diable.
59. Le traditionaliste, dans ce contexte et ce temps, est, à
l’opposé du libéral, monarchiste, clérical et nationaliste.
60. Cristinos : partisans de Marie-Christine de Bourbon, la
reine régente. Opposés aux carlistes, ils étaient d’obédience
libérale.
61. Publié dans Los Lunes del Imparcial, 11 août, 1913.
62. Le mot agonie est un terme de prédilection d’Unamuno
qui, en bon professeur de grec, retient son sens étymologique :
άγωνία (agônia), « lutte, angoisse », ainsi qu’il l’entend dans son
ouvrage L’Agonie du christianisme, parfois mal interprété
comme « la fin » de cette religion.
63. Publié dans le recueil El espejo de la muerte, Madrid,
1913.
64. El Abejorro : littéralement « le bourdon ».
65. Curda en espagnol signifie « cuite ».
66. Niebla (Brouillard), chap. XXIII, Madrid, 1914.
67. Ricardo Becerro de Bengoa (1845-1902) était un
journaliste basque contemporain d’Unamuno.
68. Pierre Lyonet, Traité anatomique de la chenille qui ronge
le bois de saule, 1760.
69. Calila et Dimna : Kalila wa Dimna est une collection de
contes orientaux, d’origine indienne tout comme Les Mille et
e
Une Nuits, traduits de l’arabe au XIII siècle et fort populaires
dans la culture espagnole.
e
70. Père Isla : jésuite et romancier du XVIII siècle, il
traduisit en espagnol le célèbre roman de Lesage.
71. Carl Justi : historien de l’art allemand, auteur d’une
étude sur Velázquez publiée en 1888.
72. Niebla (Brouillard), chap. XVII, Madrid, 1914.
73. Même la rue est roturière, pellejeros signifiant
« pelletiers », « peaussiers ».
74. Ce conte, publié dans La Esfera (Madrid, 24 août 1915),
a été repris dans un volume qui, sous le titre Humorismo
internacional (Barcelone, 1931) a été édité dans la collection
Ideal, renfermant une trentaine de contes d’auteurs espagnols
et étrangers.
75. En espagnol, Lorito real, para España y para Portugal.
Inspiré par le poème enfantin : ¡Ay mi lorito / lorito real! / ¡Ay
mi lorito! / vamos a hablar / mas no de España / ni de Portugal,
de Manuel Felipe Rugeles, auteur vénézuélien contemporain
d’Unamuno.
76. Julio Camba : contemporain d’Unamuno, ce journaliste
espagnol était célèbre pour ses chroniques pleines d’humour et
d’esprit critique sur les mœurs de ses compatriotes.
77. Cette guerre : la Première Guerre mondiale.
78. Bellérophon : personnage de la mythologie homérique,
fils de Poséidon ou de Glaucos, petit-fils de Sisyphe. Il dompta
le cheval Pégase et tua la Chimère… On le voit dans L’Iliade
(chant VI), poursuivi par la malédiction des dieux, traîner
solitude et mélancolie…
79. Publié dans Mercurio, mars 1916. Mercurio est un
mensuel de langue espagnole qui parut aux États-Unis, à La
Nouvelle-Orléans (Louisiane), de 1911 à 1927.
80. Publié dans Los Lunes del Imparcial, 22 janvier 1917.
81. Renada : ce nom de ville inventé par Unamuno semble
signifier re-nada, « deux fois rien ». L’auteur utilisera plusieurs
fois ce toponyme, notamment dans son roman Saint Manuel
Bueno, martyr, dont le protagoniste est curé du « diocèse de
Renada ». Mais les contemporains d’Unamuno auront reconnu,
sous ce nom fabriqué, la ville de Salamanque.
82. Clarín : allusion transparente au grand romancier
Leopoldo Alas, surnommé Clarín, avec qui Unamuno entretint
une féconde correspondance. Avec ici, une pointe d’humour,
car tous les Espagnols de son temps auront vu le coup de
chapeau adressé au romancier d’Oviedo dont l’un des meilleurs
contes s’intitule justement Aquiles Zurita.
83. El Cronista était un hebdomadaire de Salamanque.
84. Publié dans Nuevo Mundo, Madrid, 28 septembre 1917.
85. Publié dans El Mercantil Valenciano, 8 octobre 1921.
86. Orbajosa est le nom d’une ville espagnole inventée par
Benito Pérez Galdós dans son roman Doña Perfecta. Elle est
présentée comme typique de la « profonde Espagne » où il ne
se passe jamais rien, sans vie intellectuelle ou économique.
87. Publié dans Los Lunes del Imparcial, Madrid, 9 janvier
1921.
88. Turismundo : ce mot inventé par l’auteur peut évoquer
un globe-trotter.
89. Queda : ce nom inventé, comme celui du nain Quindofa,
renvoie à l’idée de rester, de demeurer, d’être à demeure. On
pourrait voir dans ce conte d’un « globe-trotter » l’apologie de
la sédentarité.
90. Publié dans Caras y Caretas, Buenos Aires, 8 juillet
1922.
e
91. Don Quichotte, II partie, chap. LXXIV.
92. Marc, III, 21 : « Les gens de chez lui, l’apprenant,
vinrent pour se saisir de lui, car ils affirmaient : “Il a perdu la
tête”. »
93. Publié dans Los Lunes del Imparcial, Madrid, 6 août
1906.
94. Le jeu de mots et la filiation apparaissent plus
clairement dans la langue hébraïque : de l’homme ish découle
la femme isha. Et en espagnol hembra, « femelle », dérive de
hombre, « homme » ou « mâle ».
95. Hombre-mujer en espagnol, man-woman en anglais.
96. Publié dans le recueil El espejo de la muerte, Madrid,
1913.
97. Adolphe Philippe d’Ennery, dramaturge français (1811-
1899), est l’auteur de l’un des plus célèbres mélodrames, Les
Deux Orphelines.
98. Antonio Vico (1840-1902) est l’un des plus grands
acteurs espagnols du moment.
99. La muerte civil : pièce italienne, La morte civile de Paolo
Giacometti, traduite en espagnol, connut un grand succès
international. Antonio Vico jouait le rôle du détenu échappé de
sa prison qui veut retrouver sa femme et sa fille et qui, après
toutes ces années d’absence, voyant que sa femme a refait sa
vie avec un honnête médecin, qui a adopté l’enfant, se suicide
pour ne pas faire obstacle à leur bonheur.
100. Louis Conard (1867-1944) fut l’éditeur de la
correspondance de Flaubert, qui comptait cinq volumes au
moment où Unamuno écrit son conte, mais qui en comptera
neuf en 1933.
101. Publié dans Caras y Caretas, Buenos Aires, 8 juillet
1922.
102. Viktor Leberecht Plessing (1749-1806), philosophe
allemand.
Titre original :
CUENTOS
© Éditions Gallimard, 1965, pour la traduction ;
2020, pour la révision de la traduction,
la préface, le dossier et la présente édition.
Couverture : Photo © Emmanuel Pierrot / Agence Vu (détail)
Éditions Gallimard
5 rue Gaston-Gallimard
75328 Paris
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Cette édition électronique du livre
Contes de Miguel de Unamuno
a été réalisée le 4 septembre 2020 par les
Éditions Gallimard.
Elle repose sur l’édition papier du même
ouvrage
(ISBN : 9782072715549 - Numéro d’édition :
312801).
Code Sodis : N87675 - ISBN : 9782072715556.
Numéro d’édition : 312802.