Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Bibliographie :
LE PROBLEME DE LA PARISIENNE
ク
20 Génération après g6n6ration, les Parisiennes partagent certaines
caractCristiques, eΠes Mpondent toujours aux mêmes CiitGres de
style, implicites mais omnip16sents : une classe sociale, une Sdu-
cation, une apparence, une descendance, une couleur de peau.
Ce qui est rarement admis, mais que l'on peut lire entre les
25 lignes. Quelques exemples : les fameux talons aiguilles, tout
comme le panier en osier ou le joli vélo vintage ne se prêtent
qu'à, des petites distances dans un Paris intra-murøs ; la ten-
dance au boyfriend jean, l'idée de « piquer les chemises de son
mec » conseill6e dans les magazines ne va pas sans une hétéro-
30 sexualit6 de rigueur ; le rouge vif recommandé sur les lèvres
n'est Hatteur que sur des camations p61es ; le coiff&d6coi^6
exclut de facto les cheveux bouclés et cr6pus ; le sac Chanel
vintage trouv6 en fouillant dans le placard de sa grand-m4re
sous-entend une richesse sur plusieurs g6n6rations.
35 «La Parisienne est un style, un état d'esprit […], portant
son sac Chanel avec une teIle n6gligence […J La Parisienne
aime la mode, elle râle souvent sur sa ville [∙∙.]∙ La Parisienne
а tout pour 6tre p6nible, mais а la facilit3 de faire passer Sut
cela pour de la d6sinvolture, [...] un air n6gl1ge mais étudié
40 pour n'avoir rien de n6ghge […]. Elle sait que la mode fonc-
tionne par saison mais sa d6gaine n'6volue que peu, fidGle à
des classiques, faisant 6voluer quelques ^16ments », d6crypte le
journaliste de mode Loïc Prigent dans Vogue.
Qui est-elle ? Qui est cette femme dont tout le monde parle,
45 mais qu'aucune habitante de la ville n'a jamais rencontr6e e
«La Parisienne est un animal 16gendaire. Comme la licome.
Sans que personne l'ait jamais vue, tout le monde la connaft »,
Gcrivait Jean-Louis Bory1, visiblement aussi perdu que moi.
Alice Pfeiffer, je ne suis pas parisienne, © Stock, 2019.
2
COMMENT DEVENIR UNE FEMMEFATALE?
U
Et je me donne avec joie
Bout en faisant du yoga
Je vois les films ďépouvante
Je m,en vante, je m'en vante
UN PARISIEN EN PROVINCE
Et quand le d6part fut résolu, ce fut au tour de l'abbe a
investir】 Durtal, à le decider de quitter Paris pour aller
s'installer aupr6s de lui,或 Chartres.
Encore qu'il ٠fut riavré de ce d6pa1*t qu'il avait d'ailleurs
5 combattu de son mieux, DuıPal regimbait, reñisait de s'enseve-
Iir dans cette ville.
« Mais voyons, notre ami, fit Mme Bavoi1,)e me demande
pourquoi vous vous ent6tez à vouloir vous terrer ici ; vous y
vivez en pleine solitude, dans vos livres. Vous vivrez de même
10 avec nous. »
Et, cornme à bout d'arguments, apr4s une charge さ fond
de train contre la province, Durtal répliquait :
« Mais à Paris, il y a les quais, il y a Saint-Severin, Notre-
Dame, il y a de délicieux couvents... »
Ľabbé riposta :
« ÌS trouverez aussı bıen à Chartres ; vous у aurez la plus
belle cath6dιale qui soit au monde, des monast6res tels que
VOUS les aimez et, quant aux livres, votre bibliothèque est si
ใ. Investir : tenter de convaincre.
bien fournie qu'il me paraît diffìcile que vous puissiez, en fla-
20 nant sur les quais, l'accroítre.[…]
-Je ne vous dis pas... mais il y a autre chose sur les quais
que des bouquins ; 11 y a des bibelots à regarder, la Seine, il у
a un paysage... [...] La province... la province ! d'avance, elle
m'accable, s'écria Durtal. Si vous vous doutiez de I'impression
25 qu'elle me suggère et sous quelle apparence d'atmospnere et
SOUS quel aspect d'odorat elle se présente ! Tfenez, vous connais-
sez, dans les Vieilles maisons, ces grands placards a dc11x bat-
tants dont l'int6rieur est tendu de papier bleu toujours humide.
Eh ! bien, je m'imagine, au seul mot de province, en ouvrir un ct
30 recevoir en p1e1n visage la bouff6e d6 renferm6 qui en SO11 ! [...ل
-Oh ! oh ! s'exclama Mme Bavoil — mais vous n'en savez
rien puisque VOUS n'avez jamais visité cette ville !
-Laissez-Ie dire, Ht l'abb6 qui na1t. Il reviendra de ces pré-
ventions. »
Et 11 ajouta :
« Expliquez ces incons6qUences ; VOICI Iin Parisien qui aime
si peu sa citéĩ Qu'il choisit, pour у habiter, le coin le moins
bruyant, le plus obscur, celui qui ressemble le Dİus à un quar-
tier de province. 11 a horreur des boulevards, des promenades
40 1requent6es, des the*tres ; il se confine en un trou et se bouche
les oreilles pour ne Das entendre les rumeurs qui l'entourent ;
et alors qu'il convient de perfectionner ce système ďexistence,
de mGrir dans un silence authentique, loin des foules, alors
qu u importe de renverser les termes de sa vie, de devenir,
45 au lieu d'un provincial de Paris, un PaHsien de province, 11
s,ebaubit1 et s'indigne ! »
Joris-Karl Huysmans, La Cathédrale, Emile Colin Imprimeur, 1898,
। р.52-54.
HONORÉ DE BALZAC
ロネ La Muse du département (1837)
يرMarie-Paule BeIIf, La Parisienne, 1977
5. Personnage principal de ce roman
Français.
Dans ce récit qui se déroule sous la Restauration (1814-1830), le romancier
met en scène ľarrívée à Sancerre, petite ville de province, d'unjoumaliste
n6gliqence du choix
3.Q uelque:aussi.
de Ia Cour, ce ne fut
P arisfutune desv
laid∙ L'homme s'y rabougrit sous les deux espèces6, carla Srnistre
id6e des convenances de fortune? y domin% toutes les conven֊
ti°∏s matrimoniales، Les gens de talent, les artistes, les hommes
supéñeurs^ tout coqàplumes &latantes s'envoleàParis.
FREDERQ M0∪CH0N
IHIBAULTbARDIER
£[3 «L׳ex٥de urbain,
ce n’est pas pour toute fuite» (2022)
ズ Benjamin B!olay, Revoir Paris, 2015
؟
[Lexode urbain, un mythe médiatique?]
* тLes ٠
commentateurs у voient ]1, amorce d
وقune b ٠
baisse massive. ]
de
la popdation des viUes au profit des communes rurales dont la
15 quỀédeÉ seraitlargement superieure.∏fauttrouverun nom
au phénomène : ce sera «ľexode urbain». Comme un retour de
Hammeapr6sle siècle d'eκoderur^quiavaitvules campagnes se
vider au profit des vmes, entre le milieu du xiχe siècle etl'apr6s-
Seconde Guerre mondiale. Supposé aussi massif que inédit,
20 l'actuel mouvement de fuite a entrain6 beaucoup de questions:
Quel avenir pour les campagnes tout à coup prises d'assaut? Et
que faire des espaces urbains soudain d4consid6r6s et peut-6tre
promis31'abandon?
Extension de la périurbanisation!
25 En fait, le bigbang2 n'a pas eu lieu. Dans une 6tude intitul6e
«Exode urbain? Petitsflux, grands e^ts. Les mobrntés r4siden-
tieUes 3 l'ere (post-)Covid» qui livre ses premiers résdtats, une
eqwpepluridiscipUnåel'affi1:<<La pandéÉedeC°vid،19 n'a
pasboWevers6defondencombleles Structuresterritoriaksian-
30 çaises. » Pourl'affirmer, les chercheurs ont 6tudi61es recherches
immobiH6res effectuées sur les sites MeiUeursAgents, SeLoger et
Leboncoin, PourvoirversqueUBsdestinations se projettentles
Frangais. Ils ont aussi ana^s6 les changements d'adresse déclarés
par des particuEers à la Poste. Enfin, ik ont réaKsé des études de
35 terrain dansles Cévennes, les Pyrénées, ou encoreles Vosges.
RGsu^at : la pand6mie a bel et bien augment6 la mobilité, un
peu. LegGographe MaxRousseau, qui a coordonn61es enqu6tes
de terrain del'6tude,parle d'un «effetmoisson», et expEque que
les nouvelles mobilit6s engrang6es ces deux demi6res années
40 tiennentsurtoutaud6cEcqu'apurepr6senterlapand6mieaupr6s
de personnes qui avaient d6j^ des projets en tête٠ En revanche,
l'augmentation observée est bien loin de vider les viUes : d après
C
les données de la Poste, les centres villes de ľagglomération
parisienne perdaient déjà des habitants avant la pand4mie, et
45 la situation s,est très peu amplifi6e depuis. De plus, ceux qui
bougent vont rarement s installer au coeur de la France rurab.
Comme avant le Co^d-19, les territoires les plus attractifs sont
les espaces E ttoraux, les grandes m6tropoles et surtout les espaces
p6ri-urbanis4s qui les entourent. De jeunes actifs quittent Paris
50 mais visent MarseiUe, des famüles bordeıaıses s'eloıgnent de
quelques dizaines de l@om6tres du centrele, des prAretrait6s
gagnent la Bretagne en veillant à ne pas 6tre trop loin d'une
vüle avec supermarch6 et Etablissements de sant6. Quant aux
campagnes qui gagnent des habitants, m6me lorsqu'elles sont
55 éloignées des viUes, bon nombre d'entre eUes connaissaient déjà
depuis plusieurs années une croissance lente mais certaine.
Abrs pourquoi parler d%exode urbain»? «Le terme a un
m6rite : Üpeıt de voir tout de suite de quoi l'on parle, et d'ins-
crire dans le débať public ces questions liées à l'am6nagement
60 du territoire, explique la géographe Hélène Milet, directrice du
programme PopsuTerritoires, l'une des coordinatrices del'0tude.
Mais у voir le miroir inversā de l'exode ruraL c'est une vue de
l'esprit. Il n'y a pas d'e^et d'"essorage°' des viUes au profit des
terntoires iux. » Des changements, ilyen a quand m6me, mais
65 iLs sont discrets. L'6tude pointe l'existence de «signa^ faibles»
à ne pas neghger. Il у a d'abord les effets du t616travaiL testé et
approuv6 par de n0mbreux Frangais. Puisqu'ils n'ont plus à se
d6placer tous les jours, certains d6cident de s'61oigner encore
plus de leur lieu de travail et consentent à des trajets moins
70 fréquents mais plus longs. «Cela débouche sur un phénomène
de ،،méga-périurbanisation", autrement dit, une extension des
espaces concernas par la périurbanisation, d6crit le géographe
Мах Rousseau.» […]
«L'exode urbain, ce n'est pas pour toute fuite»,
© liberation.fr, 20 février 2022 เ
1. Essorage: vidange.