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THEME N°1 :

Paris, ville capitale ?

Corpus N°2: Paris, une capitale mythique

Bibliographie :

A-Une ville rayonnante et élégante :


1-Sylvain Ageorges, Sur les traces des expositions universelles.Paris.1855-1937,
Parigramme, 2022.
2- Alice Pfeiffer, Je ne suis pas parisienne, Stock 2019.
3- Marie-Paule Belle, « Je ne suis pas parisienne », 1976

B- Une capitale contre la province ?


1-Joris-Karl Huysmans, La cathédrale, 1898.
2- Honoré de Balzac, La muse du département, 1837.
3- Frédéric Mouchon, « En province, certains ont le sentiment de compter pour
rien », Leparisien.fr, 6 février 2019.
4- Thibault Sardier, « L ‘exode urbain ce n’est pas pour toute fuite », Libération.fr,
20 février 2022.
Sylvain Ageorges, Sa les traces des
Rκpositions ιiverseUes
La tour Eiffel et le Grand Palais, nous rappelle Sylvain Ageorges
(né en 196。) dans son ouvrage Sur les traces des Expositions レ〃クル£,-
selles (2022), attestent des heures glorieuses que vécut Paris lors
des différentes expositions universelles qui у furent organisées de
1855 à 1937. Depuis, Ia France a participé à douze nouvelles Exposi-
tions universelles et à une trentaine d'expositions specialisées à tra-
vers le monde : ces manifestations semblent avoir de nouveau le
vent en poupe, les pays organisateurs saisissant là Poccasion d'amd
nager des territoires périurbains déshérités et d'y faire naitre de пои-
veaux quartiers. Malheureusement, l'exposition de 2004 qui devait
se dCrouler aux fronti6res de Paris, en Seine->a∣nt-D6nis, s,est vue
annul6e en raison des risques financiers qu'elle pr6sentait. Et le
projet de candidature du Grand Paris à une nouvelle exposition pro-
jetée en 2025 a 6galement 6chou6, victime de la concurrence des
Jeux olympiques de 2024.

PARIS ЕТ SES EXPOSITIONS UNIVERSELLES

Lidée ďexposer publique1Bent des produits industriels et


agricoles naquit à Paris au XVIIIe siècle. [.٠٠] Tout changea en
1851 lorsque Londres organisa la première Exposition univer-
selle, The Great Exhibition of the Works of Industry of α〃

5 Nations↑i dont le titre lui-même résonnait comme un pro-


gramme : la grande nouveaute etait de présenter non seule-
ment les produits nationaux mais aussi ceux des pays voisins.
Invit4e d'honneur, la France occupait la plus grande place
dans la section étrangère. La manifestation londonienne rem-
10 porta un succès 6clatant : un million de Visiteurs se press4rent
au Crystal Palace, majestueux b6timent de verre construit spé-
cialement pour l'occasSn.
Au sortir d'une visite qui lui Gt forte impression, l'empereur
Napol6on III commanda immédiatement une exposition simi-
15 la1re en France, à l,horizon de 1855. Cette decision, prise au
sommet de l'État, faisait de la manifestation un acte haute-
ment politique ; il en alla de meme pour les 6ditions suivantes,
touj31rs voulues par le pouvoir et empreintes d'une grande
charge symbolique. La deuxiZme exposition universelle pari-
20 sienne, en 1867, célébra les victoires militaires du Second
Empire ; l'Exp'osition de 1878 voulut 6tre celle de la rCconcL
liation nationale apr4s les affrontements de la Commune ;
celle de 1889 f6tait le centenaire de la R6volution franqaise
一 les monarchies européennes s'abstinrent donc d'y participer
% Officiellement mais, 6conomie oblige, encourag4tent leurs
industriels a faire le d6placement. La manifestation de 1900
salua le tournant du siècle. L'Exposition coloniale de
1931 n1it à l'honneur la puissance đe la France d'outre-mer et
l'exposition de 1937, dec1d6e Dar le gouvernement du Front
populaire, fut la derni4re Orgamsee en France.
Le principe était immuable : chaque pays 6tait libre de pré-
senter ce que bon lui semblait, dans un pavillon qu'il bâtissait

1 ∙ Soit en français « la grande exposition des ouvrages de।,industrie de toutes


Ies nations ». _
sans autre Contiainte que la superficie du terrain allou6 par
les organisateurs. Une diff6rence notable avec les expositions
35 actuelles - internationales plutôt qu'universelles, pour les-
auelles les pays d'accueil construisent la plupart des pavillons
sur des th6mes précis : « l'eau et la mer » pour l'exposition de
Lisbonne en 1998, «la sagesse de la Nature» pour l'exposi-
tion de Aichi au Japon durant l'été 2005·[…]
40 La tour Eiffel, édifiée en 1889, le Grand Palais en 1900 OU
1e palais du Trocad6ro en 1937 sont les témoins les plus
célèbres des expositions du passé alors que la majorité des
pavillons, faits de bois et de torchis, de brique ou de pl^tre,
décorés de stuc et de céramique, eta1ent destin6s 4 6tre détruits
à la fin des festivit6s et ont aujourd'hui disparu.
SyIvain Ageorges, Sur les traces des Exposltioiis Iiniverselles- Paris,
1855-1937, © Parigramme, 2022, p. 4-7.

AHce Pfetffer, Je ne տատ p1s parisienne


La Parisienne est une veritable ісбпе, admirée m。ndia।:m:nt,f
chic a Ia française ». Elle représente la femme
incarnant lefameux«
٢ ٠‫ا‬ t ‫[、ل‬ ٠լ . ・ t, . . , ‫ן‬,
parfaite et propose un modèle - toujours îmité, jamais égalé - pour
son allure, sa silhouette, son esprit, sa culture et sa séduction. Mais
cette Parisienne existe-t-elle vraiment ? N'est-elle pas plut6t une
sỉgure mythique, Sntasm6e, que l'on recherche ind6^nιment sans
pouvoir jamais Ia rencontrer ? C'est Ia question que soulève la jour-
naliste de mode Alice Pseiffer dans l'extrait suivant.

LE PROBLEME DE LA PARISIENNE

Catherine Deneuve, Carla Bruni, Charlotte Gainsbourg, la


liste est longue et pourtant si étroite. Quand le monde regarde
la France et qu'on Ш1 répond, contrairement 皂 tout autre pays,
la Pansienne cn est ľunique représentation.
5 Une féminité qui symboHse, par l'absence d'alternatives, le
pays entier. [...] Dans «la plus belle ville du monde», la
femme, sa d6sinvoln1re autant que son tour de hanchcs, appar-
tient à la carte postale globahsee de Paris, comme un puckage
deal ↑ qui accompagne le café de Florc, la tour Eiffel et le pont
10 des Arts. Selon un terme marketing, elle ajouterait un « suppl6-
mentLa ďame », unserait
Parisienne une6motif
capital lié a l'expecence
sorte d'h6rofne de la nor^e
hors de toute ville.

biologique, générationnelle ои sociale : пі le temps, пі les gros-


sesses, пі les calories, пі les transports en commun, пі le cHmat,
⅛ пі lc besorn de gagner de l'argent ne semblent affecter sa vie
quotidienne. A travers chaque geste, cllc promeut le naturel,
mais fait exactement l'inverse. En plus d'une grace dc rigueur,
ce personnage Gctif d6borde d'insinuations sociales, ethniques,
hétéronormées2 et toujours consid6r6es comme acquises.

1. Package deal : lot, groυpe de ρroduits vendus ensemble.


2. Hétéronormées : qui envisagent le couple comme une association entre une
sernme et un homme, sans prendre en compte FhomosexualitC.


20 Génération après g6n6ration, les Parisiennes partagent certaines
caractCristiques, eΠes Mpondent toujours aux mêmes CiitGres de
style, implicites mais omnip16sents : une classe sociale, une Sdu-
cation, une apparence, une descendance, une couleur de peau.
Ce qui est rarement admis, mais que l'on peut lire entre les
25 lignes. Quelques exemples : les fameux talons aiguilles, tout
comme le panier en osier ou le joli vélo vintage ne se prêtent
qu'à, des petites distances dans un Paris intra-murøs ; la ten-
dance au boyfriend jean, l'idée de « piquer les chemises de son
mec » conseill6e dans les magazines ne va pas sans une hétéro-
30 sexualit6 de rigueur ; le rouge vif recommandé sur les lèvres
n'est Hatteur que sur des camations p61es ; le coiff&d6coi^6
exclut de facto les cheveux bouclés et cr6pus ; le sac Chanel
vintage trouv6 en fouillant dans le placard de sa grand-m4re
sous-entend une richesse sur plusieurs g6n6rations.
35 «La Parisienne est un style, un état d'esprit […], portant
son sac Chanel avec une teIle n6gligence […J La Parisienne
aime la mode, elle râle souvent sur sa ville [∙∙.]∙ La Parisienne
а tout pour 6tre p6nible, mais а la facilit3 de faire passer Sut
cela pour de la d6sinvolture, [...] un air n6gl1ge mais étudié
40 pour n'avoir rien de n6ghge […]. Elle sait que la mode fonc-
tionne par saison mais sa d6gaine n'6volue que peu, fidGle à
des classiques, faisant 6voluer quelques ^16ments », d6crypte le
journaliste de mode Loïc Prigent dans Vogue.
Qui est-elle ? Qui est cette femme dont tout le monde parle,
45 mais qu'aucune habitante de la ville n'a jamais rencontr6e e
«La Parisienne est un animal 16gendaire. Comme la licome.
Sans que personne l'ait jamais vue, tout le monde la connaft »,
Gcrivait Jean-Louis Bory1, visiblement aussi perdu que moi.
Alice Pfeiffer, je ne suis pas parisienne, © Stock, 2019.

1. Jean-Louis Bory (1919-1979) : écrivain et journaliste.

Matie-Paule Be∏e, «LàPaMsienne»


Marie-Paule Belle (née en 1946) est une chanteuse et pianiste
française, principalement connue pour Ia chanson « La Parisienne »,
qu'elle a créée en 1976• Les paroles mettent en avant l'histoire d'une
jeune RHe provinciák qui s,installe à Paris et qui d6couvre un monde
très diffèrent d٧ sien. Plusieurs modes de vie sont evoqués po^r
décrire la manière d’atre d'une Parisienne : tous soulignent à quel
point celle-ci est une f&mme singuli6re, exceptionnelle, hors norme.
Mais comment incarner cette Rgure brsqu'on est une fille bien ordi-
naire, qui n,a ni complexe ni obsession ? A force d'essais, la narra-
trice parviendra enfin j atteindre le stress et le cafard parisiens, et
à devenir ainsi une vraie Parisienne !

2
COMMENT DEVENIR UNE FEMMEFATALE?

Lorsque je suis arrivée dans la capitale


J'aurais voulu deveniι une femme fatale
Mais je ne buvais pas, je ne me droguais pas
Et)e n'avais aucun complexe
5 je suis beaucoup trop normale, ça me vexe
je ne suis pas Parisienne
Ca me g6ne, ça me gêne
Je ne suis pas dans le vent
C'est navrant, c est navrant
10 Aucune bizarrerie
Ca m'ennuie, ça m'ennuie
Pas la moindre affectation
Je ne suis pas dans le ton
Je n,suis pas v6g6tarienne
1,3 Ca me g6ne, ça me g6ne ٦
J'n,suis pas karat6ka
Ca me met dans l'embarras
je ne suis pas cin6phile
C'est d6bile, c'est d6bile
20 je ne suis pas M.L.F. 1
je sens qu'on m’en fait grief2
M'en fait grief, m'en fait grief
Bient6t j'ai fait connaissance d'un groupe d'amis
Vivant en communaut6 dans le 1neme lit
Comm, je ne buvais pas, je ne me droguais pas
Et n'avais aucun complexe.

‫ ן‬٠ MLF : militante du Mouvement de libération des femmes. importante associa-


tion féministe fondée en 1970.
2. Qu'on m'en fait grief : qu'on me le reproche-

Je crois qu'ils en sont restes tout pe1pIeχes


Je ne suis pas nymphomane
On me blAme, on me blame
Je ne suis pas travesti
Ca me nuit, ça me nuit
Je ne suis pas masochiste
Ca existe, ça existe
Pour r6ussir mon destin
Je vais voir le m6decin
Je ne suis pas schizophr6ne
Ca me g6ne, ça me g6ne
Je ne suis pas hyst6rique
Ca s'complique, ça s'complique
40 Je lu1 dis je désespère
Je n'ai pas de go6ts pervers
De goGts pervers, de goGts pervers
Mais si, me dit le docteur en se rhabillant
Après ce premier essai c'est encourageant
Si vous ne buvez pas, vous ne vous droguez pas
Et n'avez aucun compleχe
Vdrs avez une obsession : c'est le sexe
Depuis je suis à la mode
Je me rode, je me rode
Dans les lits de Saint-Germain
C'est divin, c'est divin
Je fais partie de ľélite
Cavavite,qavavite _

U
Et je me donne avec joie
Bout en faisant du yoga
Je vois les films ďépouvante
Je m,en vante, je m'en vante

En serrant très fort la main


Du voisin, du vo1s1n
60 Me sachant originale
Je cavale, je cavaIe
J'assume ma libido
Je vais draguer en vClo
Mainťnant je suis parisienne
65 J'me surmene, j'me surm4ne
Et je connais 1а détresse
Et le cafard et le stress
Enfin a l'Ecologie
J'm'initie, j'm'initie
70 Et loin de la pollution, et loin de la pollution, et Ioin de la
[pollution
Je vais tondre les moutons, je vais tondre les moutons, je
[vais tondre les moutons
Des moutons, des moutons, des moutons :
Paroles de Michel Grisolia et Franqoise Mallet-Joris,
musique de Marie-Paule Belle, « La Parisienne »,
รร١١4© Première Music G[oup, Catalogue Allo Music, 1976
«r٠rìs٠Karl Huysxniỹ la ữaẼbédrỀ
Quitter Paris pour la province. Est-ce possible pour นท Parisien ?
C>est Ia question que pose Joris-Karl Huysmans 084879。기 au tra‫־‬
vers de son personnage Durtal, homme de lettres, célibataire et solí-
taire. L'angoisse qu'il ressent à la perspective de quitter Ia capitale
pour Ia province est palpable dans ľextrait suivant. Cependant,
Durtal a-t-il réellement beaucoup à perdre en quittant Paris pour
Chartres ? Une interrogation plus g6ndrale se d6gage de son expd
rience : vivre à Paris ou vivre en province împacte-t-il réellement la
vie des gens ?

UN PARISIEN EN PROVINCE
Et quand le d6part fut résolu, ce fut au tour de l'abbe a
investir】 Durtal, à le decider de quitter Paris pour aller
s'installer aupr6s de lui,或 Chartres.
Encore qu'il ٠fut riavré de ce d6pa1*t qu'il avait d'ailleurs
5 combattu de son mieux, DuıPal regimbait, reñisait de s'enseve-
Iir dans cette ville.
« Mais voyons, notre ami, fit Mme Bavoi1,)e me demande
pourquoi vous vous ent6tez à vouloir vous terrer ici ; vous y
vivez en pleine solitude, dans vos livres. Vous vivrez de même
10 avec nous. »
Et, cornme à bout d'arguments, apr4s une charge さ fond
de train contre la province, Durtal répliquait :
« Mais à Paris, il y a les quais, il y a Saint-Severin, Notre-
Dame, il y a de délicieux couvents... »
Ľabbé riposta :
« ÌS trouverez aussı bıen à Chartres ; vous у aurez la plus
belle cath6dιale qui soit au monde, des monast6res tels que
VOUS les aimez et, quant aux livres, votre bibliothèque est si
ใ. Investir : tenter de convaincre.
bien fournie qu'il me paraît diffìcile que vous puissiez, en fla-
20 nant sur les quais, l'accroítre.[…]
-Je ne vous dis pas... mais il y a autre chose sur les quais
que des bouquins ; 11 y a des bibelots à regarder, la Seine, il у
a un paysage... [...] La province... la province ! d'avance, elle
m'accable, s'écria Durtal. Si vous vous doutiez de I'impression
25 qu'elle me suggère et sous quelle apparence d'atmospnere et
SOUS quel aspect d'odorat elle se présente ! Tfenez, vous connais-
sez, dans les Vieilles maisons, ces grands placards a dc11x bat-
tants dont l'int6rieur est tendu de papier bleu toujours humide.
Eh ! bien, je m'imagine, au seul mot de province, en ouvrir un ct
30 recevoir en p1e1n visage la bouff6e d6 renferm6 qui en SO11 ! [...‫ل‬
-Oh ! oh ! s'exclama Mme Bavoil — mais vous n'en savez
rien puisque VOUS n'avez jamais visité cette ville !
-Laissez-Ie dire, Ht l'abb6 qui na1t. Il reviendra de ces pré-
ventions. »
Et 11 ajouta :
« Expliquez ces incons6qUences ; VOICI Iin Parisien qui aime
si peu sa citéĩ Qu'il choisit, pour у habiter, le coin le moins
bruyant, le plus obscur, celui qui ressemble le Dİus à un quar-
tier de province. 11 a horreur des boulevards, des promenades
40 1requent6es, des the*tres ; il se confine en un trou et se bouche
les oreilles pour ne Das entendre les rumeurs qui l'entourent ;
et alors qu'il convient de perfectionner ce système ďexistence,
de mGrir dans un silence authentique, loin des foules, alors
qu u importe de renverser les termes de sa vie, de devenir,
45 au lieu d'un provincial de Paris, un PaHsien de province, 11
s,ebaubit1 et s'indigne ! »
Joris-Karl Huysmans, La Cathédrale, Emile Colin Imprimeur, 1898,
। р.52-54.

1♦ S∣ebaubit : s٠ét٠nne, manifeste de la surprise.

HONORÉ DE BALZAC
ロネ La Muse du département (1837)
‫ ير‬Marie-Paule BeIIf, La Parisienne, 1977
5. Personnage principal de ce roman

Dans La Muse du département. Honoré de Balzac (1799-1850) explore la


place prépondérante que Paris occupe dans ľimaginaire et le quotidien des
4. F o rte : r6sistante, endurante.

6. Lieux com m uns: banalités.


Insouciance de la to ile tte :

Français.
Dans ce récit qui se déroule sous la Restauration (1814-1830), le romancier
met en scène ľarrívée à Sancerre, petite ville de province, d'unjoumaliste
n6gliqence du choix
3.Q uelque:aussi.

pans1en qui nourrit de grandes ambitions. A travers ľhistoire de ce person-


de ses v6tements.

паде, Balzac met en lumière les inégalités territoriales et culturelles qυi


s,accroissent entre Paris et la province.
de B3zac.

[Le décalage entre Paris et la province ‫ل‬


∕.

Sachons-Їв bien” la France au dix-neuvi6me siècle est


2. Sous l'Ancien R6gime, Paris avait

où sιegeait la Cour du Roi. En eπet,

partagée en deuxgmndes zones : Paris et laprovince;laprovince


1. Sachons-Ie b ie n : qu'on retienne

bien à Chambord, Fontainebleau


car la Cour a pu se trouver aussi

jalouse de Paris, Paris ne pensant à la province que pour lui


moins d'im portance que le lieu

demander de l'argent. Autrefois, Paris était la premiere ville


5 de province, la Cour primait la Ville2; maintenant Paris est
bien ce qui va suivre.

de Ia Cour, ce ne fut
P arisfutune desv

toute la Cour, la Province est toute la Ville. Quelque> grande,


quelque belle, quelque forte4 que soit à son début une jeune
ou Versailles.

fille née dans un d6partement quelconque; si, comme Dinah


Pieaefef}, еПе se marie enprovince et si elleyreste, eUe devient
10 bientit femme de province. Malgré ses projets arrêtés, leslieiix
si

communs6, la méåocrité des id6es, l'insouciance de la toilette]


Lhorticulturei des vúgarités envahissent ľetre sublime2 caché
gans cette âme neuve, et tout est dit, la belle plante dépérit3,
∈0mment en serait-il autrement? Dea leur bas âge, lesjeunes
15 g⅛s de pr‫ه‬ฬռce ne voient que des gens de province autour
fe∏es> eUes n'invententpasmieux,eUes n'ontáchoisirqďentre
,s médiocrités, les pèresdeproẃncene marientleursÉes qu'à.
desga^onsdepro^nce;personnenaFideedecroiserlesraces4.
ľ^prits,abátardit5 nécessairement; aussi, dans beaucoup de
20 3Ues, l'intelligenceest-elle devenue aussi rare quele sangyest

laid∙ L'homme s'y rabougrit sous les deux espèces6, carla Srnistre
id6e des convenances de fortune? y domin% toutes les conven֊
ti°∏s matrimoniales، Les gens de talent, les artistes, les hommes
supéñeurs^ tout coqàplumes &latantes s'envoleàParis.

]Horticulture: culture, entretien. 6. Rabougrit sous les deux espaces:


2. Sublime: supérieur. se détériore dans les deux sexes,
3. Dépérît: meurtρeu à peu.
7. Convenances de fortune: accords
4. Races: ici la race de la province contractuels pass6s entre deux
et la race de Paris. familles en vue du mariage-
5. S'ab^tardit: se dégrade-

FREDERQ M0∪CH0N

Qj «En provιncei certains ٠nt ie sentiment


de compter թ٠սր rien» (2019)
‫ تل‬Marcel Moloudji, Province Blues, A
‫ص‬ 1955 ‫ؤ‬
Depuis Ia crise sociale des Giletsjaunes, de nombreux sociologues examinent
6 fracture qui se creuse entre Paris - symbole du pouvoir centralísateur-et
la province qui se sent de plus en plus délaissée parľÉtat.
Dans un entretien accordé au quotidien Le Parisien, Isabelle Guéguen,
consultante spécialisée dans les inégalités territoriales, revient sur la place
dominante que la capitale et les métropoles occupentparrapportà la France
rurale et aux petites villes. Elle témoigne ďun sentimentďinjustice territoriale
préoccupant.

٢ La province injustement reléguée ‫ן‬

IsabeUe Guéguen, consukante sp6ciaksee dans les inégỀés


territoriabs, constate une fracture de plus en plus b6ante entre
la capit9e, symbole dupouvoir centraEsateur, etbFrancerurab
etdespetitesviUes. ∙

Existe-t-il un fossé entre la capitale et une partie de la France?


ISABELLE GU^GUEN. Les gens ontle sentiment qu'il n'y en a
quepourles grandes Ếs au d6tHment des petites et dumonde
rural. Combien de fois j'entends dans les discours «Paris nous
10 pompe», pour dire que les impôts sont trop élevés. Combien de
fois aussi ai-je entendu que les moyens n'ient qu'aux métro-
poles1 et aux grosses coΠectivites locdes.

1. Métropoles: villes principales d'un pays ou d'une région.


Cela crée-vil un sentiment d,mjustice?
Oui, notamment quand on enlève dans de petites V^es ou des
15 zones rurales des services publics sous prétexte qu'ilyamoins de
monde. Les gens ont le sentiment ďetre dépodUés, de compter
pour rien. Beaucoup souffrent aussi de la fracture num6rique
quand ils vivent en zone blanchei et n'ont pas acc6s à un réseau
mobile ou à Intemet. Les femmes sont d'autant plus concem6es
20 car une école qui ferme et des coíìts de transports plus élevés
compliquent leur accès au travail souvent faiblement rRmunere.

Mais pourquoi pointer du doigt Paris?


Parce quebeaucoup degens ont l'impression que tout se décide
depuis Paris. C'est le cas pour la reduction de vitesse à 80 bΛ1.
25 Les gens qui sont contre disent que cette décision est tomb6e
de Paris et ils demandent qu'on laisse aux élus locaux le soin
de d&c1der au cas par cas des limitations, avec leur expertise de
terrain.[…]

Ce sentiment de relégation2 nfestil pas łe memeidepuis


30 des années en banlieue ?
Jecroisquelesentimentdabandon estplusfortdanslemonde
ruraL où les centres-bourgs dap6rissent, où les bureaux de poste
et les commerces ferment. En banlieue, beaucoup ont le senti­
ment qHon a relégué au même endroit des gens qui cumulent
35 de nombreuses difficuIt6s mais ne DenGficient pas des m6mes
moyens queles autres. C'estle caspourles tmnsports en commun
mais aussi pour l'Cducation. Abrs que l'4cole devrait 6tre un
ascenseur sociaL les mei□eurs enseignants ne vont pas enseigner
en banLeue mais au coeur de Paris, a Henri W.
«En province, certains ont le sentiment de compter pour rien»,
© leparisien.fr, 6 février 2019 |

1. Zone blanche: zone sans a∪cu∩ 2. Relégatỉon: retrogradation dans


acc4s à la vie numérique. une cat6gorie socialement inférieure.

IHIBAULTbARDIER
£[3 «L‫׳‬ex٥de urbain,
ce n’est pas pour toute fuite» (2022)
ズ Benjamin B!olay, Revoir Paris, 2015

Dans un article pour /e quotidien Liberation, Iejoumaliste Thibault Sardieri


speaaliste des questions de société, revient sur ľexode urbain qui s'est
produit après la pandémie de CcvidT9. De nombreux PaCsiens auraient
ainsi fui la capitale pour vivre dans des territoires ruraux.
Sebn luis si en e^et cenaines familles ont bien quitté Paris, ľexode n'a pas
été aussi massifque la presse a bien voululedir6. Deplus,cedeparthorsde
la capitale ne s'est nullement fait au profit de la campagne mais plutôt des
agglomérations moyennes qui se situent le plus souvent dans des d6part&
ments Iimitrophes de Pa"s,

‫؟‬
[Lexode urbain, un mythe médiatique?]

Les Pañsiens 0nt q5tt61a capitaklors du confinement. Mais


sur le long terme, aucun d6peuplement des v^es ne se dessine.
Globabment, les territoires déjà attractifs avantle Covidle sont
rest6s, SelonlespTemiersr^ukatS d'une&udepluridiscipEnaİTe.

5 Printemps 2020.Dans unpays confíné, les Français d&ouvrent


dans les medias des İmages de kurs viUes désertees. Non seuL
≡ent parce qu'il est interdit de sortir, mais aussi parce que
Beaucoup de citadins ont trouvé refuge àla campagne. Lorsque
les restrictions s,aUègent quelques semaines plus tard, tout le
1° ^oyde ne revientpas∙ La presse suit ces cadres qui ont choisi
de déménagerloin des métropoles^choisissant Ieteletravailou
la reconversion vers la permacHture2, l'artisanat, le touHsme.

11 Métropoles: villes principales 2. Permaculture: mode d'agriculture


d'un pays ou ďune région. écologique tendant notamrγ⅛nt
à respecter la biodiversité et à
renforcer l'6cosyst6me naturel.

* тLes ٠
commentateurs у voient ]1, amorce d
‫ وق‬une b ٠
baisse massive. ]
de
la popdation des viUes au profit des communes rurales dont la
15 quỀédeÉ seraitlargement superieure.∏fauttrouverun nom
au phénomène : ce sera «ľexode urbain». Comme un retour de
Hammeapr6sle siècle d'eκoderur^quiavaitvules campagnes se
vider au profit des vmes, entre le milieu du xiχe siècle etl'apr6s-
Seconde Guerre mondiale. Supposé aussi massif que inédit,
20 l'actuel mouvement de fuite a entrain6 beaucoup de questions:
Quel avenir pour les campagnes tout à coup prises d'assaut? Et
que faire des espaces urbains soudain d4consid6r6s et peut-6tre
promis31'abandon?

Extension de la périurbanisation!
25 En fait, le bigbang2 n'a pas eu lieu. Dans une 6tude intitul6e
«Exode urbain? Petitsflux, grands e^ts. Les mobrntés r4siden-
tieUes 3 l'ere (post-)Covid» qui livre ses premiers résdtats, une
eqwpepluridiscipUnåel'affi1:<<La pandéÉedeC°vid،19 n'a
pasboWevers6defondencombleles Structuresterritoriaksian-
30 çaises. » Pourl'affirmer, les chercheurs ont 6tudi61es recherches
immobiH6res effectuées sur les sites MeiUeursAgents, SeLoger et
Leboncoin, PourvoirversqueUBsdestinations se projettentles
Frangais. Ils ont aussi ana^s6 les changements d'adresse déclarés
par des particuEers à la Poste. Enfin, ik ont réaKsé des études de
35 terrain dansles Cévennes, les Pyrénées, ou encoreles Vosges.
RGsu^at : la pand6mie a bel et bien augment6 la mobilité, un
peu. LegGographe MaxRousseau, qui a coordonn61es enqu6tes
de terrain del'6tude,parle d'un «effetmoisson», et expEque que
les nouvelles mobilit6s engrang6es ces deux demi6res années
40 tiennentsurtoutaud6cEcqu'apurepr6senterlapand6mieaupr6s
de personnes qui avaient d6j^ des projets en tête٠ En revanche,
l'augmentation observée est bien loin de vider les viUes : d après

1. Périurbanisation: extension 2. Big Bang: grand changement.


des espaces urbains à leurs
périphéries entraînant la
transformation des zones rurales.

C
les données de la Poste, les centres villes de ľagglomération
parisienne perdaient déjà des habitants avant la pand4mie, et
45 la situation s,est très peu amplifi6e depuis. De plus, ceux qui
bougent vont rarement s installer au coeur de la France rurab.
Comme avant le Co^d-19, les territoires les plus attractifs sont
les espaces E ttoraux, les grandes m6tropoles et surtout les espaces
p6ri-urbanis4s qui les entourent. De jeunes actifs quittent Paris
50 mais visent MarseiUe, des famüles bordeıaıses s'eloıgnent de
quelques dizaines de l@om6tres du centrele, des prAretrait6s
gagnent la Bretagne en veillant à ne pas 6tre trop loin d'une
vüle avec supermarch6 et Etablissements de sant6. Quant aux
campagnes qui gagnent des habitants, m6me lorsqu'elles sont
55 éloignées des viUes, bon nombre d'entre eUes connaissaient déjà
depuis plusieurs années une croissance lente mais certaine.
Abrs pourquoi parler d%exode urbain»? «Le terme a un
m6rite : Üpeıt de voir tout de suite de quoi l'on parle, et d'ins-
crire dans le débať public ces questions liées à l'am6nagement
60 du territoire, explique la géographe Hélène Milet, directrice du
programme PopsuTerritoires, l'une des coordinatrices del'0tude.
Mais у voir le miroir inversā de l'exode ruraL c'est une vue de
l'esprit. Il n'y a pas d'e^et d'"essorage°' des viUes au profit des
terntoires iux. » Des changements, ilyen a quand m6me, mais
65 iLs sont discrets. L'6tude pointe l'existence de «signa^ faibles»
à ne pas neghger. Il у a d'abord les effets du t616travaiL testé et
approuv6 par de n0mbreux Frangais. Puisqu'ils n'ont plus à se
d6placer tous les jours, certains d6cident de s'61oigner encore
plus de leur lieu de travail et consentent à des trajets moins
70 fréquents mais plus longs. «Cela débouche sur un phénomène
de ،،méga-périurbanisation", autrement dit, une extension des
espaces concernas par la périurbanisation, d6crit le géographe
Мах Rousseau.» […]
«L'exode urbain, ce n'est pas pour toute fuite»,
© liberation.fr, 20 février 2022 เ

1. Essorage: vidange.

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