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Inventaire des pratiques vivantes liées aux expressions du patrimoine oral musical de Bretagne
Pratiques vocales
Présentation sommaire
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Quête de mai dans la régoin de Bédée (35), fin des années 1990 (Cl. Jean‐Luc Revault)
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La rédaction de la fiche est basée sur la rencontre régulière, depuis 1992, avec plusieurs
dizaines d’acteurs de la pratique (porteurs de tradition, chanteurs et organisateurs actuels),
ainsi que sur l’observation et l’implication directe (collecte, pratique et transmission des
chants de quête, participation directe à quelques quêtes chantées).
Localisation générale :
(B) Description
En Haute‐Bretagne, les deux fêtes calendaires à l’occasion desquelles des pratiques de chant
de quête existent toujours sont Pâques et le 1er mai. Pour Pâques, on parle de « chanter la
Passion ». Selon les communes, il peut y avoir une à trois nuits de quête à l’occasion de cette
fête : « la Passion » à proprement parler qui a lieu dans la nuit du samedi au dimanche 15
jours avant Pâques, le « Jeudi Saint » ou « Les Angoisses » (d’après le premier vers de la
chanson) qui se chante le soir et la nuit qui suit le jeudi saint, et « la Résurrection » qui se
chante dans la nuit du samedi au dimanche de Pâques.
Pour la fête du 1er mai, on parle de « chanter le 1er mai », ou « chanter Mazi‐mazette », dans
la nuit qui précède le 1er mai.
Déroulement :
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Qu’il s’agisse des quêtes de Passion ou des quêtes de mai, le déroulement est similaire : un
groupe de chanteurs se rassemble en soirée : traditionnellement plutôt les jeunes, dans
certaines communes même plus spécifiquement les jeunes hommes célibataires, ou les
conscrits de l’année, mais aujourd’hui plus librement tous ceux qui le veulent. Ils s’en vont
de maison en maison, autrefois à pied, aujourd’hui soit à pied, soit en voiture. À l’arrivée
devant chaque maison, le groupe lance le chant spécifiquement adapté à la circonstance,
toujours le même. Le plus souvent, on chante un ou deux couplets d’introduction après
lesquels le meneur demande à voix forte : « Faut‐i’ chanter ? ». Cela laisse le temps aux
habitants de la maison de se réveiller et de se lever. S’ils répondent par la négative, les
chanteurs s’envont jusqu’à la prochaine maison, souvent en chantant un couplet
manifestant leur mécontentement, sur le ton de la plaisanterie mais parfois proche de
l’insulte. S’ils répondent positivement, le groupe entreprend alors de chanter la chanson
entièrement. Le plus souvent, ils restent dans la cour et doivent la chanter intégralement
avant qu’on leur ouvre la porte. Certains surveillent même le déroulement du chant, qui est
souvent long, et n’ouvrent que si celui‐ci a été correctement exécuté, sans oubli. Dans
d’autres cas, on leur ouvre d’abord et le groupe chante à l’intérieur. Lorsque le chant est fini,
la quête à proprement parler a lieu : selon les cas, les gens donnent des œufs ou de l’argent.
Il y a toujours parmi le groupe de chanteurs un « porteur de panier » chargé de récolter les
œufs. La demande en elle‐même est généralement exprimée dans le chant lui‐même :
« Mettez la main au nid, n’apportez pas la paille… », « Si vous donnez des oeufs, nous
prierons pour la poule, si vous donnez d’ l’argent, nous prierons pour la bourse… ».
Enfin dans chaque maison, les chanteurs se font offrir à boire et restent plus ou moins
longtemps à bavarder. Ils repartent ensuite pour la prochaine maison en chantant un
dernier couplet de remerciement : « En vous remerciant braves gens, le présent est
honnête… »
Selon les cas et les témoignages, le groupe de chanteurs peut ainsi visiter tout au long de la
nuit entre dix et trente maisons. Selon les groupes et les circonstances, on restera plus ou
moins longtemps dans chaque maison, et l’on poursuivra la tournée plus ou moins tard
dans la nuit, les plus motivés y passant la nuit complète jusqu’au lever du jour.
Le fruit de cette quête peut être utilisé de différentes manières selon les circonstances et les
époques. Traditionnellement, le groupe de chanteurs pouvait, soit se partager le fruit de la
quête, soit en faire don au curé de la paroisse, soit l’utiliser pour refaire ensemble un repas
festif. Dans certains cas plus récent, on adapte l’usage et l’on peut par exemple, soit faire
don du fruit de la quête à des associations caritatives, soit l’utiliser pour organiser dans les
semaines suivantes un grand repas de « quartier » où l’on invite les habitants de toutes les
maisons visitées à manger ensemble une grande « omelette ».
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« l’ancienne Passion » et qui est la plus répandue, d’autre part un groupe également assez
important de versions qui se rattachent à deux chansons‐types proches l’une de l’autre, au
point de fusionner parfois, « Le repentir de Judas » (Coirault – 8814) et « La Vierge consolée
II » (Coirault – 8813). Les versions de ce deuxième ensemble sont souvent qualifiées par les
informateurs anciens de « nouvelle Passion ». Enfin, une autre chanson‐type est attestée
comme chant de Passion dans le pays de Redon, avec seulement quelques attestations : « La
Passion de Jésus‐Crhist : la semaine sainte » (Laforte – II, B‐10).
Pour la quête du Jeudi‐Saint, aussi nommée « Les Angoisses », moins répandue, on ne
trouve qu’une seule chanson‐type attestée : Jésus portant sa croix (Coirault – 8808).
De même pour la quête de la Résurrection qui a lieu le samedi de Pâques, la seule chanson‐
type attestée est « L’incrédulité de Thomas » (Coirault – 8817).
Pour la quête du mois de mai, les nombreuses versions de chant recueillies sont plus
difficiles à classifier car beaucoup de couplets sont interchangeables et passent facilement
d’une chanson‐type à une autre. La majorité des versions repérées semblent toutefois
pouvoir se rattacher à deux chansons‐types principales : « À l’arrivée du printemps doux… »
(Coirault – 9003) et « Voici le joli mois de mai que les rosiers boutonnent… » (Coirault –
9021).
Les formes d’expression du chant de quête varient en fonction des régions et des
circonstances. Le chant peut être chanté simplement à l’unisson par l’ensemble des
chnateurs. Il peut aussi être lancé par un meneur auquel l’ensemble du chœur répondra.
Dans ce cas, le chœur peut soit répéter tout ou partie de ce qu’a chanté le meneur, soit
reprendre une autre partie, soit chanter le refrain.
Dans tous les cas, le chant peut se faire soit a capella, soit avec l’accompagnement d’un
sonneur local qui peut aussi être le meneur. Les instruments attestés traditionnellement
pour cet usage sont tout simplement ceux qui étaient utilisés localement pour la danse, et
qui différent d’une région à l’autre : vielle à roue, violon, accordéon.
La pratique de la quête chantée s’effectue, on l’aura compris, chez les gens, dans les
cours et les maisons du voisinage, le plus souvent en milieu rural, mais parfois aussi en
milieu urbain, dans les bourgs. La pratique concerne aussi les routes et chemins, surtout
lorsque les déplacements se font à pied : on peut continuer alors de chanter en marchant,
soit le chant de quête lui‐même, soit de véritables « chants à la marche » (voir la fiche
d’inventaire sur le Chant à la marche en Haute‐Bretagne).
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qu’une fois par an tant qu’on n’y participait pas soi‐même). L’apprentissage réel du chant
commençait donc réellement à partir du moment où l’on participait et que l’on répétait le
chant entre 10 et 30 fois dans la même nuit. Si un groupe de jeunes chanteurs souhaitant se
lancer dans une quête ne comptait pas parmi ses rangs de chanteurs suffisamment
expérimenté, il pouvait parfois faire appel à certains chanteurs plus âgés et réputés pour
connaître mieux que d’autres l’intégralité des couplets, celui‐ci pouvait alors leur
transmettre de façon plus formelle le chant.
Dans la pratique plus contemporaine, la transmission de la pratique se fait en partie
différemment. L’apprentissage des chants peut se faire « à l’ancienne », par imprégnation et
dans la pratique, mais elle peut aussi se faire maintenant par le biais des lieux
d’apprentissage plus formels (ateliers ou cours de chant traditionnel) et à l’aide des
enregistrements sonores ou des transcriptions écrites. De même, la transmission de la
pratique en elle‐même peut se faire encore aujourd’hui soit de façon naturelle, par
l’imprégnation, soit par l’action d’associations culturelles, de collecte du patrimoine oral, et
qui encouragent la relance de ces pratiques.
La pratique de la quête chantée a existé dans toute la Haute‐Bretagne, mais de façon plus
intense dans certaines régions que dans d’autres.
Comme beaucoup de pratiques traditionnelles, la pratique du chant de quête a tendu à
disparaître peu à peu tout au long du vingtième siècle. Dans beaucoup de régions, elle a
complètement disparu avant ou juste après la seconde guerre mondiale. Dans d’autres
régions, elle s’est maintenue dans certains hameaux seulement. Dans d’autres régions enfin,
elle s’est maintenue de façon beaucoup plus générale jusqu’aux années 1960 à 1980, voire
jusqu’à aujourd’hui, notamment dans la moitié nord de la Haute‐Bretagne, dans un vaste
rectangle reliant Saint‐Brieuc, Loudéac, Rennes et Cancale.
Bien que la pratique ait pratiquement disparu depuis 1980, on constate qu’une certaine
transmission continue de se faire néanmoins de façon plus ou moins souterraine : elle
resurgit périodiquement ici ou là, au gré des dynamiques locales, s’éteint parfois pendant
une dizaine d’années dans une commune donnée avant de repartir, portée par une nouvelle
génération de jeunes qui ont entendu parler de la pratique et qui vont s’enquérir s’il le faut
près des plus anciens de la chanson complète s’ils ne la connaissent pas. Ces résurgences
périodiques et dispersées de la pratique peuvent aussi être le fait parfois de personnes plus
âgées, qui ont connu cette pratique dans leur jeunesse, et qui décident de la relancer.
À côté de ces résurgences spontanées existent aussi des relances de cette pratique
organisées ou suscitées par l’action des associations de collectage et de valorisation du
patrimoine oral. On peut notamment citer l’association La Bouèze. Ayant recueilli près des
porteurs de tradition ces fameux chants de quête et les témoignages qui les accompagnent,
certains collecteurs, dans les années 1980, 1990, et jusqu’à aujourd’hui, décident de
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relancer ces pratiques, avec la participation des porteurs de traditions enregistrés dans un
premier temps, mais également sans eux lorsque ceux‐ci viennent à disparaître.
Il est évidemment très difficile de quantifier le phénomène et de dénombrer les groupes de
chanteurs ayant encore une pratique de la quête chantée car la plupart d’entre eux le font
dans un cadre privé. On peut néanmoins repérer actuellement une dizaine de groupes de
chanteurs pratiquant ou ayant pratiqué récemment une ou des quêtes chantées, la majorité
dans la zone géographique citée ci‐dessus et où la pratique s’est maintenue le plus
longtemps.
On peut dire que jusqu’à présent, la pratique de la quête chantée n’a fait l’objet d’aucune
action de valorisation particulière. On peut tout au plus mentionner la publication de rares
articles concernant la pratique dans la revue ArMen.
Mesures de sauvegarde
‐ Postic (Fanch), Laurent (Donatien), « Eginane au gui l’an neuf – Une énigmatique
quête chantée », ArMen, n°1, février 1986, p.32‐56.
‐ Giraudon (Daniel), « La nuit du 1er mai », n°58, avril 1994, p.2.
‐ Sevestre (Yoann), Les Fougerêts : patrimoine et identité d’une commune de Haute‐
Bretagne, Mémoire de maîtrise d’histoire, Université Rennes II, direction Alain Croix,
2002. (Voir notamment le chapitre « Patrimoine ethnologique » qui décrit la
pratique du chant de quête de la Passion. )
‐ « Un vieil usage breton – Les chants populaires de la Passion », Musique bretonne,
n°81, mai 1988, pp.13‐15.
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