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El Rey de Francia / Qod niltou hibbi

Anonyme Moyen-âge Espagne

XVe siècle Cycle 1, Cycle 2, Cycle 3 05'50''

Genre :
Médiéval, Musiques du Monde, Traditionnel / folklorique

Thème :
Arabo-Andalou, L’Orient

L’œuvre (ou l’extrait) :


e e
Chant traditionnel de transmission orale, difficile à dater avec précision, entre le VIII et le XV siècle
(Espagne musulmane « Al Andalous »).
El Rey de Francia est une romance judéo-espagnole qui relate le rêve d’une jeune fille, puis son interprétation
par sa mère.
Qod niltou hibbi est un chant mystique qui nous conseille de rester humbles dans cette vie, car la mort sera
notre compagne éternelle.

Compositeur :
Anonyme

Formation instrumentale :

• violons, altos, violoncelle pour les cordes frottées, oud pour les cordes pincées ;
• tar et derbouka pour les percussions.

Un orchestre arabo-andalou est aussi traditionnellement composé d’instruments orientaux tels que rebab et
qânun, non utilisés ici.
(Voir « Informations complémentaires » pour une description détaillée de ces instruments.)

Les clés de lecture :


De 711 à 1492, Al Andalus est un territoire d’Espagne et du Portugal où se côtoient les trois religions
monothéistes. C’est l’époque de la Convivencia, période relativement paisible d’échanges intellectuels et
culturels où musiciens juifs, chrétiens et musulmans jouent ensemble.
Al Andalus est alors un véritable foyer de culture dont l’influence rayonne sur toute l’Europe médiévale.
En 1492, avec la Reconquista (reconquête par les chrétiens), les communautés arabes (Maures) ainsi que les
communautés juives d’Espagne (Séfarades) sont chassées et se dispersent dans le bassin méditerranéen,
notamment le Maghreb.
Les romances séfarades transmises par tradition orale telles que El Rey de Francia sont fortement imprégnées
des multiples liens culturels noués avant et après cet exil.
Le chant qui suit El Rey de Francia, Qod niltou hibbi, est un poème non daté.
Françoise Atlan, l’interprète de l’œuvre, est née en France en 1964, issue d’une famille juive séfarade du
Maghreb. Elle se passionne pour le patrimoine chanté issu de la tradition judéo-arabe et judéo-espagnole, et en
assure la perpétuation par l’interprétation de chants où mystique et profane sont mêlés.

Une analyse musicale :

El Rey de Francia

0’ 00” à 0’ 50’’

• Chant :
Couplets 1 et 2 avec accompagnement instrumental restreint.
Rythme assez libre
Nombreux mélismes dans la voix propres à la musique orientale
• Voix :
Un violon joue un bourdon (= note tenue) dans l’aigu avec quelques ornementations
Un alto joue un bourdon dans le grave, puis la mélodie à l’unisson
L’oud joue quelques trémolos

0’ 52” à 1’ 09”

• Reprise instrumentale d’un couplet


• Tous les instruments à corde jouent à l’unisson, à l’octave.
Apparition des percussions, présentes jusque 3’ 17”
(tar et derbouka)

1’ 10” à 2’ 59”

• Alternance :
Couplets 3 et 4 chantés accompagnés
Reprise instrumentale d’un couplet
Couplets 5 et 6 chantés accompagnés
Reprise instrumentale d’un couplet
• Couplets chantés :
Voix doublée avec le ‘oud et l’alto
Les violons en nappe jouent un bourdon
Couplet instrumental :
Tous les instruments à cordes jouent la mélodie à l’unisson, avec quelques ornementations de l’oud.
Percussions

3’ 00” à 3’ 17”

• Couplet 7 chanté accompagné


• Voix doublée avec l’oud, violons en nappe
Percussions

3’ 17” à 3’ 38”

• Chant :
Couplet 8 avec accompagnement instrumental restreint
(‘oud, violons)
Ralentissement du tempo
• Voix
Violons (nappe)
Oud (bourdon en tremolo)
Arrêt des percussions

Qod niltou hibbi

3’ 39” à 5’50

• Dans la même tonalité (en mi mineur), et mélodie proche de El Rey de Francia


Alternance chant accompagné/reprise instrumentale
• Voix et instruments tutti.
Le chant est toujours doublé par l’oud et les violons

Exploitation pédagogique possible :

Repérer la structure de la chanson El Rey de Francia

Par opposition à la forme rondeau alternant couplet/refrain, il s’agit ici uniquement d’une suite de
couplets.Cette forme est très présente dans le répertoire traditionnel français.Rechercher d’autres chansons
possédant cette structure (ex : Sur le pont du Nord, Le roi a fait battre tambour, etc.).

Repérer l’alternance voix accompagnée/instruments seuls, et la codifier

On peut envisager ensuite une chorégraphie avec accessoires (foulard, ruban…).Utiliser l’accessoire en
explorant des gestes différents selon ce qu’on entend, de manière libre puis éventuellement dirigée (ex : en
l’air sur la partie chantée, au sol sur la partie instrumentale, ou en cercles/en vagues, etc.).

Repérer la carrure rythmique à cinq temps (un peu complexe)

Utiliser l’extrait à partir du moment où on entend les percussions pour faciliter le repérage.Marcher sur la
pulsation et changer de direction chaque fois que l’on a l’impression d’une nouvelle phrase musicale (ce qui
correspond ici à chaque nouveau vers).Faire prendre conscience aux élèves que ce changement a lieu toutes les
cinq pulsations (leur faire compter ou leur demander par quel pied ils commencent chaque phrase, ce qui
révèle un nombre impair).La carrure à laquelle nous sommes habitués dans la musique occidentale est paire
(deux, quatre ou huit pulsations par mesure).

Reproduire le chant partiellement (fin de cycle 3)

Il est conseillé de l’apprendre à l’issue de nombreuses écoutes-imprégnations, et non avec les paroles écrites,
afin de ne pas être influencé par la graphie particulière de la langue. Par contre, la traduction permettra aux
élèves de cerner « l’esprit » et de nourrir l’interprétation.

Écoute comparative d’une autre version

Exemples : Album « Le royaume oublié » (Jordi Savall) ou « Sur les chemins de Saint-Jacques » (Ensemble
Amadis), ou encore la version de Françoise Atlan dans l’album « Romances serfadies : entre la rose et le
jasmin », avec une instrumentation différente.

Informations complémentaires :
Les Cantigas de Santa Maria illustrent parfaitement la période de la Convivencia décrite plus haut. Il s’agit
d’une œuvre musicale monumentale élaborée par le roi de Castille Alfonso X El Sabio (le Sage ou le Savant)
entre 1250 et 1280. Il avait rassemblé pour cela une équipe de poètes, musiciens, scribes, enlumineurs, et
lui-même participait activement à l’écriture. La plupart de ces chansons (cantigas) sont un hymne en
hommage à la Vierge Marie (Santa Maria), mais le caractère en est profane.
Site en anglais avec de nombreuses enluminures permettant de voir les instruments

Un des legs architecturaux d’Al Andalous : la Mezquita de Cordoba (grande mosquée de Cordoue),
monu-ment de l’architecture islamique, classée au patrimoine de l’Unesco.
Sur la Convivencia : « Le savoir acquis dans un pays étranger peut être une patrie, et l’ignorance peut être un
exil vécu dans son propre pays. »
Averroes, nom latinisé de Ibn Rouchd, intellectuel hispano-arabe (1126 Cordoue – 1198 Marrakech)

La musique arabo-andalouse

La musique arabo-andalouse est un genre musical traditionnel qui se perpétue depuis plus de mille ans. Trois
écoles principales (Grenade, Cordoue, Séville) en ont fixé les règles sous forme de nouba, succession de
mouvements généralement composés de chants et de réponses instrumentales.
Bien que très structurée et reposant sur des règles strictes, cette musique n’est pas écrite. L’apprenti musicien,
lorsqu’il maîtrise la technique et le répertoire transmis par le maître, peut s’essayer à la création, la variation et
l’improvisation, qui viendront enrichir le répertoire commun.
On peut supposer que le caractère original de la musique arabo-andalouse a davantage été conservé au Maroc,
qui a échappé à la domination ottomane.

Spécificités des orchestres arabo-andalous

Les violons et les altos sont posés verticalement sur le genou et non sous le menton.
Le violoncelle n’a été introduit que récemment dans les ensembles arabo-andalous.
Le qanûn est un instrument de la famille des cithares. Son nom viendrait du « kanon », instrument monocorde
attribué à Pythagore, dont on se servait de manière expérimentale pour étudier les phénomènes physiques du
son, et plus particulièrement les principes vibratoires (dans la Grèce antique, la musique et les mathématiques
étaient deux domaines très proches l’un de l’autre).
Le qanûn se joue posé sur un support ou sur les genoux du musicien qui pince les cordes avec les index de
chaque main ou à l’aide de plectres, des petits ustensiles plats et durs en corne, en métal, ou en plastique.
Le rebab est un instrument à cordes frottées.
Il s’agit d’une pièce de bois creusée à la manière d’un sabot et recouverte d’une peau tendue, de chèvre ou de
mouton.
Les deux cordes sont en boyau de mouton et sont frottées à l’aide d’un archet rudimentaire en forme d’arc.
On le joue en le posant verticalement sur les genoux, comme le violon arabe.
L’oud, ancêtre du luth, est un instrument à cordes pincées extrêmement répandu dans les pays arabes, ainsi
qu’en Turquie et en Grèce. Son nom vient de l’arabe al-‘ûd (le bois), peu à peu transformé dans les pays
européens en alaude, laud, puis luth.
On a retrouvé un oud parfaitement conservé en Égypte, à Thèbes (Louxor) dans la tombe d’un certain
Harmosis qui vécut sous le règne de la reine-pharaon Hatchepsout. Cet oud date d’environ 1500 à 1440 avant
J.-C., et il est exposé au musée du Caire. La forme actuelle de l’oud daterait de 760 : une caisse de bois en
forme de poire, très bombée, et un manche court. La table est percée de deux ou trois ouvertures en rosaces
sculptées très finement. On le joue en position transversale (comme la guitare). La main droite pince les cordes
avec un plectre. L’oud est un instrument essentiellement soliste, mais il est aussi employé comme basse
mélodique ou rythmique dans les ensembles instrumentaux.
Le rebab et l’oud étaient des instruments utilisés au Moyen Âge en Espagne, comme en témoigne cette
illustration des Cantigas de Santa Maria (entre 1250 et 1280)
Le tar est un petit instrument de percussion constitué d’une peau de chèvre tendue sur un cadre circulaire. Le
rebord est percé de trous portant des cymbalettes en cuivre qui lui donnent un son métallique caractéristique
dont serait tiré son nom (trrrrr).
La derbouka est un instrument de percussion traditionnel du monde arabe, en forme de vase renflé vers le
haut et creux à la base. Il est généralement en terre cuite et recouvert d’une peau de chèvre, de mouton, ou de
poisson. Des versions plus modernes, et surtout plus solides, sont en métal et peau de plastique. La frappe se
fait à mains nues.

Le texte et la traduction de El Rey de Francia :

(Les paroles varient selon les interprètes.)

El rey de Francia, tres hijas tenia.


La una lavraba, la otra cuzia.
La mas chica de ellas, bastidor hazia
Labrando, labrando, sueño le cayò.

Su madre que la via, aharvar la queria.


No me aharvex, mi madre, ni me aharvariax.
Un sueño me soñava, bien y alegria.
Sueño vos soñavax, yo vo lo soltaria.

M’apari a la puerta, vide la luna entera


M’apari a la ventana, vide la estrella Diana
M’apari al pozo, vide un pilar de oro
Con tres paxaricos, picando el oro.

La luna entera, es la tuya suegra.


La estrella Diana, es la tu cuñada
Los tres paxaricos, son tus cuñadicos.
Y el pilar de oro, el hijo del rey tu novio.

L’une lavait, l’autre cousait.La plus jeune des trois brodait.Tout en travaillant, elle s’endort et rêve.Sa mère la
voit et veut la battre.Ne me bats pas, ma mère, ne me bats pas J’ai fait un rêve plein de joieLaisse-moi te le
raconterJe me suis arrêtée à la porte, j’y ai vu la pleine lune,Je me suis arrêtée à la fenêtre, j’y ai vu l’étoile de
Diana,Je me suis arrêtée au puits et j’y ai vu une colonne d’or,Avec trois petits oiseaux qui picoraient.La
pleine lune est ta belle-mère,L’étoile de Diana est ta belle-sœur,Les trois petits oiseaux, tes beaux-frèresEt la
colonne d`or, le fils du roi, ton futur mari.

Références discographiques :
Françoise Atlan (chant)
Orchestre arabo-andalou de Fez. Believe
Buda Music

Auteur de la fiche pédagogique :


Nicole Porebski

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