Vous êtes sur la page 1sur 5

La musique occidentale du Moyen Age à 1750

Cours 13 : Naissance de l'opéra italien

I. L'art baroque et l'opéra


L'opéra est un drame scénique intégralement mis en musique. Sa naissance et sa
capacité à exprimer une action dramatique dépendent donc de l'invention de la monodie
avec basse continue.

1. L'illusion théâtrale et ses artifices


La rhétorique, la mythologie et les artifices révèlent la beauté du monde. L'homme
baroque prône l'illusion théâtrale. Créer un monde plus luxuriant que réel permet de
constituer un monde à part qui s'adresse à toutes les facultés de l'homme. Le langage des
personnages sera ainsi fort différent par le bel canto ornementé. L'opéra mettra en œuvre
toutes les artifices de décor, de machinerie et de mise en scène.

2. Le goût du spectacle
L'opéra nait à Florence mais circule. Au 17 e s., il est un signe de grandeur qui glorifie le
prince. Il symbolise la vie aristocratique et royale transposée dans un monde allégorique.
C'est un divertissement fastueux ayant comme modèle les fêtes italiennes de la
Renaissance : lustres éclairant la scène, rampe avec chandelles, décors en trompe l'œil
respectant la perspective avec une symétrie frontale calculée en fonction de la place du
roi, costumes luxueux, héros transportés dans les airs, jeux d'eaux, feux, cataclysmes et
scènes de batailles.
La durée des spectacles augmente. L'Ercole amante de Cavalli dure 6 heures, l'opéra
étant entre coup de gigantesques ballets sur une musique de Lully.
Les plus grands artistes sont mobilisés pour de telles productions : Lully, Cavalli, Cesti,
Scarlatti, Vivaldi, Purcell, Handel côté musiciens et Le Bernin, Boucher, Torelli, Bérain et
Bocquet côté mise en scène.

3. Représenter les passions


Le spectateur tire son plaisir de l'illusion due à une technique de plus en plus poussée. Il
est arraché de sa vie quotidienne. L'opéra dévoile la nature par l'artifice nécessaire à
l'éclosion de la beauté. Il cherche à représenter les passions, en Italie pour les exhorter,
en France pour les maîtriser.
L'opéra est le genre dominant jusqu'en 1750. Il sera d'abord mythologique, puis héroïque
et enfin épique.

Charmer et toucher les passions de l'âme

Début 17e s.
La musique est la servante de la poésie
→ Recitar canatando, sprezzatura
→ Ornementation = rhétorique de l'éloquence
→ Monteverdi définit 3 passions : molle, doux / temperato, modéré / concitato, véhément,
agité

Vers 1620
Généralisation du pezzo chiuso, structure fermée
Récitatif = action / Air = passion :
Air strophique ou binaire :
Chant spianato, sans ornement, syllabique / chant fiorito, avec ornements
La musique occidentale du Moyen Age à 1750

Milieu 17e s.
Récitatif sec / Air
Récitatif accompagné / Air

Fin 17e s. jusqu'au milieu du 18e s.


Ère de la jouissance vocale
→ Aria da capo : ABA'
→ Multiplication des arias de caractère
→ Multiplication des idiomes de la virtusoisté
→ Théorie de l'imitation de la nature
→ Vocalise = rhétorique musicale de l'expression, chair de la mélodie

Chant colorature
e
17 s. Milieu 18e s.
Quelques ornements Multiplication d'ornements et d'effets
→ Exclamation → Élargissement de l'étendue vocale
→ Trillo → Allongement de la longueur du souffle
→ Gruppo → Allongement de la vocalise (parfois plus de 50
→ Ribattuta di gola notes par syllabes, sur plus de 10 mesures)
→ Passages en notes conjointes → Longs sons tenus et/ou filés
→ Trilles (jusqu'à 8 espèces)
→ Tremblements
→ Gammes fusées et semi-gammes
→ Arpèges et lignes disjointes
→ Chutes en cascade
→ Grands sauts d'intervalles
→ Notes piquées
→ Notes répétées et formules de répétition
→ Appoggiatures
→ Marches mélodiques reproduites à satiété
→ Répétitions des mots pour le besoin de la vocalise

II. Les premiers essais et l'idéal antique


1. L'opéra florentin
L'opéra est le fruit des camerata florentines, surtout celle des Bardi. Ce sont des
académies officielles de musiciens professionnels ayant pour fonction de diffuser la
musique. Ils forment le projet pour le triomphe de l'esprit d'associer poésie, musique,
théâtre et danse pour faire renaître le théâtre antique.
→ Corsi et Peri composent en 1598 une Dafne, perdue.
→ En 1600 et 1601, Peri et Caccini donnent tous les deux une Euridice sur un livret de
Renuccini.
→ Orfeo de Monteverdi est le premier opéra marquant.

a. Les Euridice de Peri et Caccini


Dans sa préface, Peri qualifie le chant à l'opéra de cosa mezzana, c'est-à-dire entre le
chant et le parlé ordinaire. C'est le recitar cantando. Le chant renonce donc à la virtuosité,
à la structuration musicale ainsi qu'à l'écriture contrapunctique.
♪ Peri, Euridice, air de Dafné
Les artifices et l'ornementation viennent exprimer la passion.

b. La Dafne de Galiano
Dans sa préface de 1608, Galiano précise quels doivent être les instruments, la mise en
La musique occidentale du Moyen Age à 1750

scène, les pratiques d'exécution, la place respective des chanteurs et de l'orchestre.


Le livret de Rinucinni est tiré des Métamorphoses d'Ovide. L'intrigue respecte les règles
du théâtre antique : modération et action plus racontée que représentée. Mais il y aussi
des concessions aux nouveaux gouts : affectation, habiletés gestuelles dans la scène de
combat entre Apollon et le dragon Pyhton et dans la métamorphose de Dafné.
♪ Gagliano, Dafne, scène 1
Le chœur amplifie l'action. On entend des petits airs d'auteurs divers. L'ornementation est
modérée et limitée aux endroits ayant du sens pour ne pas nuir à la compréhension du
texte.
♪ Gagliano, Dafne, scène 2, Venere « Chi da'lacci d'amor vive disciolto ».

2. L'Orfeo de Monteverdi
a. Le livret
La nouveauté pour les spectateurs résidait dans le fait que tous les interlocuteurs devaient
parler en musique.

Monteverdi, Orfeo, favola in musica


Acte 1 Atmosphère joyeuse
Climat pastoral
Acte 2 Déchirement à l'annonce de la mort d'Eurydice
Acte 3 Tristesse et charme
Enfers
Acte 4 Désarroi
Acte 5 Ascension d'Orphée aux Champs-Elysées sur l'intervention d'Apollon

b. Les charmes du chant


Ils résident dans le genre monodique en recitar cantendo accompagné de quelques
éléments pour faire varier la musique.
♪ Monteverdi, Orfeo, Acte 1, prologue, La musica
C'est la musique qui parle alors que c'était le tragédie qui parlait dans l'Euridice de Peri.
On remarque d'abord une mélodie spiegata, largement chantée, puis un style récitatif pour
le récit de l'action, des pezzo chiuso, c'est-à-dire des structures isolées mais qui ne sont
pas encore de véritables airs. Ces pezzo chiuso sont en style spianato, une mélodie sans
ornement ou en style fiorito avec des vocalises et des ornements serrés pour montrer la
virtuosité vocale. Cette virtuosité souligne les passions par les artifices et le
transfiguration. Elle sera aussi utilisée pour les dieux, les humains usant du chant
spianato.
♪ Monteverdi, Orfeo, Acte 3, Orfeo « Possente spirto »
Multiplication des strophes entrecoupées de ritournelles instrumentales imitant celles de la
voix. Orphée poursuit son chant de plus en plus spianato épuré.

c. La caractérisation instrumentale
La caractérisation des situations et des personnages se fait par des timbres précis liés à
l'expression.
♪ Monteverdi, Orfeo, Acte 3, Caronte « O tu ch'innanzi »
L'orgue exprime des événements sombres, l'obscurité, les enfers et la douleur.
♪ Monteverdi, Orfeo, Acte 4, Sinfonia et chœur des esprits « E la vitute un raggio »
Les cornets et trombones sont associés aux ténèbres et la tristesse dans un caractère
plus sacré et religieux.
Les chitaronnes et le clavecin dans les ritournelles ont plus de force dramatique.
La musique occidentale du Moyen Age à 1750

♪ Monteverdi, Orfeo, Acte 1, Chœur des nymphes et des bergers « Lasciate I monti »
La flute pour la pastorale joyeuse, la harpe et le luth pour l'harmonie et les dieux, les
violons pour les liens entre deux affeti : le clair et l'obscur, l'amour et la haine, dieu et les
hommes.

III. L'opéra romain


L'opéra prend son essor à Rome grâce aux Barberini qui édifient un théâtre dans leur
palais en 1624 où Mazzocchi donne sa Catena d'Adone. Landi et Rossi vont développer
cet opéra romain naissant. Ils s'intéressent aux sujets religieux ou allégoriques sans
négliger la mythologie classique. Landi compose un Sant'Alessio et Rossi un Orfeo joué à
Paris en 1647.

Luigi Rossi, compositeur et professeur de chant italien, est né à Torremaggiore (Foggia)


vers 1598 et décédé à Rome le 19 février 1653. Originaire de l'Italie méridionale, il étudie
à Naples avant d'entrer au service des Médicis à Florence comme chanteur et luthiste,
puis gagne Rome sous la protection du cardinal Antonio Barberini, puis en 1641 du pape
Urbain V1II.
En 1632, sa cantate Lamento della Regina di Svetia sur la mort du roi Gustave II Adolphe
de Suède lui acquiert une grande notoriété dans toute l'Europe. A Rome, il fait représenter
son premier opéra Il palazzo d'Atlante incantato dont le livret signé du cardinal Rospigliosi
(le futur pape Clément IX). Les années suivantes, il compose encore d'autres cantates et
des oratorios.
Invité à la Cour du roi de France en 1646 par le cardinal Mazarin désireux de sensibiliser
le peuple français à l'opéra italien, il écrit Orfeo, son second opéra qui est joué à Paris le 2
mars 1647, avec la participation des castrats Atto Melani dans le rôle titre et Pasqualini
dans celui d'Aristé. Cet opéra devait exercer une influence certaine sur les productions
postérieures de Lully, en France et de Cavalli et Cesti en Italie. Rossi a également
composé un oratorio, Giuseppe et est considéré comme un des maîtres de la cantate.

1. Le recitar cantando et le lamento


Le recitar cantando va servir à exprimer le lamento.
♪ Landi, Il Sant'Alessio, Lamento della sposa

2. Le recitativo secco et l'air


Dès 1620, Mazzocchi cherche à interrompre ses récitatifs avec de petits airs pour en
rompre la tiédeur. Il déeloppe l'aria lyrique et le recitativo secco pour faire avancer l'action.
Ce livre essaie diverse combinaisons de voix solistes.
♪ Rossi, Orfeo, Acte 2, sc. 1, Vecchia, Aristeo

3. Le pezzo chiusi et la structuration de l'air


♪ Rossi, Orfeo, Acte 3, sc. 9, Orphée « Io che lasciato fui senz'alma invita »
Air en 3 strophes avec clausule finale.

4. L'arioso
♪ Rossi, Orfeo, Acte 3, sc. 9, Pluton, Proserpine
Dialogue en recitar cantando puis aria de Proserpine avec chant plus fleuri, organisé
rythmiquement avec 2 paragraphes et répétition des derniers vers.

5. Solo / Duo / Chœur


♪ Rossi, Orfeo, Orphée et Eurydice « Se cosi dunque Amor fà » et Chœur « Deh, pieta !
La musique occidentale du Moyen Age à 1750

Cieli pieta ! »
Ensemble instrumental pour les ritournelles et les ballets. Continuo pour accompagner le
chant. Chœur pour le décor dramatique et expressif ou pour clore un acte.

Vous aimerez peut-être aussi