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1
Un héritage universel
Le Moyen Âge à l’école : pour la laïcité
…
« Il est regrettable qu’un lycéen arabe de France ne sache
pas que, à la fin du XIe siècle, l’auteur de la Lettre d’adieu
et du Régime du solitaire, Ibn Bajja [Avempace], prêchait
une double séparation – séparation du philosophe et de la
société, séparation de la philosophie et de la religion –, et
que, pour cette seule raison […], ses contemporains le
considéraient comme “une calamité”, lui reprochant, entre
autres, “de se dérober à tout ce qui est prescrit dans la Loi
divine […], de n’étudier que les mathématiques, de ne
méditer que sur les corps célestes […] et de mépriser
Dieu” 2. »
Alain DE LIBERA,
Penser au Moyen Âge.
Le développement de la tradition
scientifique
Dans la nouvelle société abbasside, la science est devenue
une composante importante de la culture générale qui n’était
pas seulement religieuse ou littéraire et qui va constituer une
caractéristique de la culture arabe. On peut le constater dans
les ouvrages de classification des sciences ainsi que dans la
culture populaire, précise Roshdi Rashed 27 qui nous rappelle le
récit du barbier de Bagdad des Mille et Une Nuits :
« Vous avez en ma personne le meilleur barbier de Bagdad,
un médecin expérimenté, un chimiste très profond, un
astrologue qui ne se trompe point, un grammairien achevé,
un parfait rhétoricien, un logicien subtil, un mathématicien
accompli dans la géométrie, dans l’arithmétique, dans
l’astronomie et dans tous les raffinements de l’algèbre, un
historien qui sait l’histoire de tous les royaumes de
l’univers. Outre cela, je possède toutes les parties de la
philosophie 28… »
Les travaux scientifiques qui, au départ, étaient une réponse
aux besoins pratiques, s’étendirent à des domaines d’ordre
théorique, des recherches plus poussées et des matières
nouvelles méritant d’être l’objet de traductions. Les demandes
réitérées de traductions étaient fortes. Elles étaient le résultat
des avancées scientifiques en cours produites par les savants.
L’évolution de certaines disciplines montre la relation entre la
traduction et les besoins de la recherche scientifique et de la
connaissance théorique 29. Pour appuyer ce constat qui nous
éclaire sur le caractère exceptionnel du mouvement de
traduction gréco-arabe, reprenons deux exemples intéressants
analysés par Roshdi Rashed 30. Le premier concerne les
mathématiques. Le grand savant mathématicien Al-Khwarizmi
(780-850) est l’inventeur de l’algèbre et son nom latinisé est
associé à l’algorithme. Il est l’auteur d’un célèbre traité intitulé
Kitāb al-jabr wa-al-muqābala (Le livre de la restauration et de
la mise en correspondance). C’est un livre dont le sujet et le
style sont nouveaux. Il inaugure une discipline mathématique
indépendante, l’algèbre, du mot arabe al jabr. Al-Khwarizmi
le rédige entre 813 et 830, période où Al-Ma’mun est calife et
l’emploie à plein temps à son service dans la fameuse
institution scientifique Bayt al-hikma*, la maison de la
sagesse 31. Un demi-siècle auparavant, les Éléments d’Euclide
avaient été traduits en arabe au Bayt al-hikma par son collègue
mathématicien Al-Hajjaj ibn Matar. Al-Khwarizmi s’en est
apparemment inspiré. Il démontre différentes formules pour la
résolution de certains problèmes, non pas par une méthode
algébrique mais par une méthode géométrique, reposant sur
l’idée d’égalité des aires. Les mathématiques d’Al-Khwarizmi
avec son travail nouveau sur l’algèbre suscitent à leur tour un
intérêt pour la tradition mathématique grecque et entraînent
alors une nouvelle traduction vers l’arabe, celle de l’ouvrage
de Diophante, l’Arithmetica.
Le deuxième exemple concerne l’optique. Au VIIIe siècle, la
lumière n’était pas encore comprise comme un phénomène
indépendant de l’œil, comme le montrera plus tard Ibn al-
Haytham (965-1040). La lumière fascinait. De plus, savants et
gouvernants y trouvaient un intérêt pratique et firent traduire
du grec vers l’arabe les livres d’optique de Dioclès (240-180
avant notre ère), Anthemius de Tralles (474-534) et Didymus
(313-398). On y trouvait la fameuse légende des miroirs
ardents qui raconte comment le physicien grec Archimède
(IIIe siècle avant notre ère) avait défendu sa ville natale
Syracuse, lors du siège de la ville par la flotte romaine
conduite par le général Marcellus. Archimède aurait utilisé des
miroirs géants qui réfléchissaient la lumière et la concentraient
sur les voiles des bateaux romains. Le récit des miroirs ardents
fut rapporté dans des écrits grecs qui furent retrouvés puis
traduits en arabe. Le savant Al-Kindi (801-873) s’intéressa au
sujet. Il reprit la question de l’embrasement à une distance
donnée des miroirs, rectifia la démarche proposée par
Anthemius de Tralles et entreprit l’examen d’autres types de
miroirs. Il expliqua en particulier la réflexion des rayons du
Soleil sur des miroirs sphériques concaves, dont l’axe était
orienté vers le Soleil, ainsi que la convergence des rayons en
un même point de l’axe.
Cette intense activité scientifique qui se déroula sur
plusieurs siècles concerna tous les domaines de la science. Il
serait fastidieux d’en dresser la liste. C’est le développement
des sciences qui généra la forte demande de traduction des
textes anciens vers l’arabe et non l’inverse. Roshdi Rashed
précise que « la traduction scientifique était le plus souvent
destinée, sinon toujours, non point à constituer une
bibliothèque nécessaire à l’érudition, mais à répondre aux
besoins de la recherche scientifique la plus avancée à
l’époque ». Il ajoute que « souvent, l’acte de traduire était
immédiatement suivi du renouvellement d’un chapitre
particulier, si ce n’est de l’ensemble de la discipline. C’est dire
que cette transmission était parfois didactique, souvent
cumulatrice, et par moments révolutionnaire 32 ». Rashed fait
référence au chapitre évoqué plus haut, celui des miroirs
ardents qu’il qualifie de mathématiquement le plus difficile de
l’ancienne optique et aussi le plus séduisant socialement, les
miroirs ardents étant présentés souvent comme une arme de
guerre. Il serait impossible de comprendre l’importance des
travaux de traductions grecs hellénistiques et byzantins vers
l’arabe sur ce sujet sans faire référence à la recherche engagée
assez tôt dans ce domaine par Al-Kindi et ses successeurs. Elle
a conduit à parfaire la théorie, puis à étendre les résultats de la
réflexion sur les miroirs par une nouvelle recherche, celle de la
réfraction à travers les lentilles, phénomène qui pouvait
également produire l’embrasement. L’étude de l’optique se
poursuivit alors avec la dioptrique, l’étude des phénomènes de
réfraction, qui va détrôner la catoptrique ayant pour objet
l’étude des phénomènes de réflexion. L’apport d’Ibn al-
Haytham, mathématicien et physicien de la fin du Xe siècle et
du début du XIe sera décisif. J’y reviendrai plus loin.
Adjectifs coupables
Lorsque je présente les savants en pays d’islam et leur
méthodologie scientifique, je me réfère à la science
universelle. On peut m’objecter que cette notion fait l’objet de
nombreux débats dans le milieu des philosophes, tout comme
celui des spécialistes des sciences humaines et également des
sciences mathématiques et physiques. Je persiste néanmoins à
soutenir le caractère universel de la science dans la situation
actuelle où elle est mise à l’épreuve, relativisée voire réfutée.
La conclusion de François Jacob (1920-2013), prix Nobel de
physiologie ou médecine 1965, dans l’avant-propos de son
ouvrage, Le Jeu des possibles, souvent citée pour sa pertinence
dans les cours de philosophie, me permet de préciser mon
approche :
« Avoir contribué à casser l’idée d’une vérité intangible et
éternelle n’est peut-être pas l’un des moindres titres de
gloire de la démarche scientifique 66. »
Au nom de la « vérité éternelle », des mouvements
religieux livrent bataille contre la théorie de l’évolution
biologique. Les fondamentalistes protestants ont commencé
dans les années 1920 avec le procès du jeune enseignant
Thomas Scope accusé d’avoir enseigné l’évolution biologique
aux élèves de l’école publique de Dayton dans l’État de
l’Ohio. Depuis, le mouvement créationniste a continué à
prendre de l’importance aux États-Unis, il a traversé les
océans, s’implantant dans diverses contrées de l’Océanie et
dans certains pays européens, en particulier en Pologne, et
s’est également invité sur les terres d’islam 67. Au nom de la
« vérité éternelle », des mouvements religieux catholiques
s’attaquent à l’héliocentrisme et introduisent le
néogéocentrisme dans le paysage pseudoscientifique du
e
XXI siècle. Au nom d’idéologies de nature religieuse ou
Le détournement
de la science
« La religion musulmane, qui ne connaît formellement ni
clergé ni Église, aurait dû être et devrait devenir la religion
qui favorise la désaliénation de l’individu, l’affirmation de
sa pleine liberté et de son entière souveraineté pour le
choix de ses croyances, de ses idées et de son
comportement. Pourtant elle a été, du fait de l’histoire,
celle où l’individu se dissout dans la communauté, perd
toute autonomie et connaît l’asservissement le plus
opprimant à la société et à l’État. La légitimation de la
violence que les ulémas ont cultivée a empêché
l’émergence d’une théorie de la démocratie et des droits
de l’homme 1. »
Mohamed CHARFI,
Islam et liberté. Le malentendu historique.
La période de basculement
Pour tenter d’avancer dans la compréhension de « ce qui
s’est passé », le choix de la chronologie proposée par les
historiens est fondamental. Celle que propose Gabriel
Martinez-Gros est très pertinente 2. Elle se déroule en trois
temps. Le premier va de l’Hégire, la mort du Prophète en 622,
à la prise de Bagdad par les Turcs seldjoukides en 1055. Cette
première période relative à un Empire islamique s’étendant de
l’Europe occidentale à l’Asie centrale se caractérise par
l’hégémonie de la langue arabe devenue la langue des savants
et des élites, par une production littéraire et scientifique
nourrie de l’héritage des anciens, grec, perse et indien, et par
le poids politique et culturel important de l’Irak et de l’Iran
ainsi que celui du chiisme.
Le deuxième temps défini par Martinez-Gros va de 1055
à 1500 environ, période au cours de laquelle le pouvoir
politique passe à de nouvelles dynasties : berbères et surtout
turques, puis turco-mongoles. Un changement important se
produit : « Le pouvoir se militarise, la citadelle remplace le
palais. » Alors qu’au cours de la dynastie abbasside à l’apogée
de sa puissance économique et culturelle, il n’y a pas eu de
nouvelles conquêtes par rapport à celles des Omeyyades, les
avancées territoriales reprennent : vers l’Afrique noire avec les
Berbères almoravides, vers l’Anatolie et l’Inde avec les Turcs,
respectivement Seldjoukides et Ghaznavides. Les terres
centrales de l’Empire islamique médiéval, l’Irak et l’Iran,
subissent un sérieux ralentissement économique et une baisse
de la démographie et, au XIIIe siècle, Le Caire a éclipsé
Bagdad. La région orientale du monde islamique est marquée
par les changements suivants : le persan est imposé par les
princes turcs 3 au détriment de l’arabe ; le sunnisme se
développe aux dépens du chiisme, pourtant puissant et
représenté par les Bouyides installés à Bagdad (dynastie chiite
d’origine perse qui régna à Bagdad de 945 à 1055) et les
Fatimides (dynastie chiite ismaélienne* qui régna de 909 à 969
depuis l’Ifriqiya, puis de 969 à 1171 depuis l’Égypte) ; le
corps des oulémas se constitue à partir des juristes et
théologiens, le soufisme se répand et séduit les gens des
campagnes restés chrétiens ou à demi païens. Les madrasas
prennent la place des dar al-ilm* et les sciences de la tradition
l’emportent sur les sciences rationnelles.
Quant au troisième temps, il débute au XVIe siècle. Il est
marqué par la constitution de trois grands empires : ottoman
avec la prise de Constantinople en 1453 et celle du Caire en
1517 ; séfévide en Iran à partir de 1501 et moghol en Inde à
partir de 1536.
Bibliothèques et enseignement
des sciences
En adoptant cette périodisation, on peut mieux comprendre
comment s’est déroulé l’enseignement des sciences
rationnelles au cours des siècles en pays d’islam et comment
les institutions scientifiques ont évolué en fonction des
contextes politiques.
Mosquées, Bayt al-Hikma, dar al-ilm, madrasa, désignent
des institutions qui disposaient de bibliothèques, de lieux
d’enseignement et de réunions. Qu’est-ce qui les distingue ? À
quelles périodes sont-elles mises en place ?
Intéressons-nous d’abord à la première période, celle du
mouvement de traduction de l’héritage scientifique des anciens
et de l’essor des sciences rationnelles. Quels étaient alors les
lieux où toutes les sciences, religieuses et celles dites
« profanes », étaient enseignées et dans quelle mesure
certaines bibliothèques avaient-elles vocation à proposer des
enseignements ?
L’institution symbolisant l’essor des sciences arabes, le
Bayt al-hikma (La Maison de la sagesse), se trouve à Bagdad.
Initialement bibliothèque du cinquième calife abbasside Harun
al-Rachid (766-809), il devient sous l’égide du calife Al-
Ma’mun, une institution scientifique centrée autour d’une
grande bibliothèque fournissant aux savants des manuscrits et
des livres traduits. Des activités scientifiques s’y déroulent 4.
Des traductions y sont réalisées, ce qui ne signifie pas que
toutes les traductions provenaient de ce lieu prestigieux. Il s’y
organise des réunions de savants dont certains sont
pensionnaires de l’institution (ce fut le cas d’Al-Kwarizmi) et
perçoivent un salaire, répondant aux demandes du calife qui
peut les convoquer à tout moment. Le Bayt al-Hikma a joué un
rôle certainement important, soulignent les historiens des
sciences, mais il ne fut pas une « académie » pour
l’enseignement des sciences « anciennes », ni un centre de
« conférences » pour les réunions de savants 5. Celles-ci
pouvaient avoir lieu dans les résidences des califes ou dans des
résidences privées. La vie intellectuelle n’était donc pas
concentrée dans un seul type d’institutions, le Bayt al-Hikma
et d’autres institutions publiques du même type créées au
cours du IXe siècle. Les espaces privés ont joué eux aussi un
rôle important pour l’exercice et la transmission de la science.
Des bibliothèques privées étaient connues pour la richesse de
leur fonds, elles appartenaient à des princes, à des notables ou
à des savants. Comment ne pas évoquer à ce propos la fin
tragique (et sans doute légendaire) de l’encyclopédiste Al-
Jahiz (776-867) écrasé par les livres de sa bibliothèque ?
L’enseignement des sciences se déroulait de manière plutôt
libre, il pouvait avoir lieu dans une bibliothèque ou dans la
demeure d’un savant dont la notoriété attirait les étudiants. Le
caractère privé et personnel de l’enseignement des sciences,
dispensé en dehors de toute institution est une caractéristique
remarquable en terres d’islam, que George Makdisi, professeur
d’études orientales, souligne dans son ouvrage The Rise of
Colleges 6, le terme « college » ayant la signification anglo-
saxonne d’institutions d’études supérieures. Je reviendrai sur
ce point ultérieurement.
Les souverains pouvaient posséder des bibliothèques très
riches, signe de leur intérêt pour le savoir. Cependant, elles ne
fonctionnaient pas toutes comme des institutions scientifiques
et seules certaines accueillaient les savants pour leur travail
d’érudit, de traducteur et de commentateur. Au IXe siècle, des
institutions d’un autre modèle sont créées par la dynastie
fatimide qui, après avoir régné en Tunisie, occupe l’Égypte en
969 et s’installe à Fustat près de la future capitale égyptienne
qu’elle fondera et appellera Le Caire (la Victorieuse). Les
nouvelles institutions créées à partir du Xe siècle, sont les dar
al-ilm, les maisons de la connaissance. Cette appellation
remplace celle de dar al-hikma, ilm signifiant la connaissance
au sens large et hikma signifiant sagesse. Les Fatimides,
dynastie chiite ismaélienne, veulent favoriser le
développement des sciences, les sciences rationnelles et la
philosophie, et conçoivent ces établissements de manière
différente des bayt al-hikma. En premier lieu, leur vocation est
autre : le dar al-ilm n’est pas un lieu dédié à la traduction et à
la rédaction de nouveaux ouvrages. Certes, comme dans les
bayt al-hikma, les sciences profanes et la philosophie y sont
bien présentes car, pour leurs fondateurs, c’étaient elles qui
devaient dominer à long terme. Mais une activité importante
pour la transmission des avancées scientifiques y est
introduite : les savants ont d’abord pour tâche d’enseigner et
de répondre aux demandes d’étudiants 7. En deuxième lieu, ces
institutions sont constituées dans le régime des waqfs (biens de
main morte 8). Le plus illustre dar al-ilm, initialement appelé
dar al-hikma, est fondé en 1005 par le calife fatimide Al-
Hakim (985-1021), passionné d’astronomie, mais aussi
souverain si imprévisible qu’il fut qualifié parfois de fou. Le
dar al-ilm d’Al-Hakim comprenait une riche bibliothèque dont
le fonds provenait des collections privées du palais ; cette
maison de la connaissance accueillait savants, lecteurs du
Coran, astronomes, grammairiens, lexicographes, médecins, et
constituait un lieu d’enseignement ainsi qu’un espace de
réunions pour les savants. Comment a-t-elle été financée ? Le
calife Al-Hakim avait constitué en qualité de waqf des terrains
à Fustat au profit de mosquées et du dar al-ilm, institution
bénéficiant d’un peu plus du dixième des revenus de ces
waqfs. Cette dotation était utilisée « pour payer le
conservateur, les copistes, les domestiques, pour fournir aux
lecteurs encre, papier et calame, pour acheter tapis et tenture »,
mais elle n’était pas affectée au paiement des savants attachés
à la bibliothèque et aux frais d’enseignement, dépenses
prélevées sur d’autres fonds 9.
D’autres dar al-ilm sont créés à Mossoul, à Basra, à Alep, à
Tripoli (Liban), à Bagdad. À l’instar de celui fondé en Égypte,
ils sont dotés d’une bibliothèque et d’un lieu de rencontres et
d’enseignement des sciences et parfois d’un centre accueillant
savants et élèves. À titre d’exemple, le dar al-ilm fondé par le
vizir bouyide Sabur ibn Ardashir dans le quartier d’Al-Karkh à
Bagdad à la fin du Xe siècle bénéficiait d’une dotation
importante en waqfs. Le fonds de sa bibliothèque comportait,
outre le Coran et des ouvrages de commentaires du fiqh* et de
théologie, des « livres des gens de la Famille », c’est-à-dire
des livres chiites composés par des descendants du Prophète,
et des manuscrits « de médecine, d’astronomie, de philosophie
et autres sciences 10 ». De plus, les savants étaient accueillis
sans esprit de partialité dans cette institution d’orientation
chiite dont la direction des études relevait d’un cheikh
hanéfite 11.
Les fondations dar al-ilm se développèrent au cours des
e
X et XIe siècles à une époque où le pouvoir chiite des émirs
bouyides dominait Bagdad. Le règne de l’émir Adhud al-
Dawla entre 949 et 983, conseillé par un ministre mutazilite
Al-Sahib ibn Abbad, fut favorable au développement de la
science et de la philosophie 12. L’astronome Abd al-Rahman al-
Sufi (903-986) bénéficia du soutien de l’émir qui fut à
l’origine de la construction de l’observatoire d’Ispahan. Al-
Sufi, appelé Azophi en Europe occidentale, laissa un important
travail sur les quarante-huit constellations de Ptolémée dans
son ouvrage sur les étoiles fixes, Kitab al-Kawakib al-Thabit
al-Musawwar. De plus, une observation importante lui est
attribuée : en 964, il découvre la galaxie Andromède, galaxie
spirale la plus proche de notre galaxie observable dans le ciel
boréal. La nature des nébuleuses et galaxies n’était pas connue
à l’époque, il a fallu attendre le XXe siècle avec les
développements de l’astronomie et de la cosmologie pour
avancer dans l’étude des galaxies et elles ne nous ont pas
encore livré tous leurs mystères ! Cet exemple le montre :
l’histoire de la science en pays d’islam ne s’est pas limitée au
cercle du pouvoir abbasside bagdadien ; elle ne relève pas des
souverains sunnites, et elle n’est pas linéaire dans le temps.
Cette histoire est complexe, nous le savons bien, et pour la
saisir dans sa richesse il faut s’appuyer sur les faits.
L’efflorescence culturelle de l’époque bouyide, qui commence
en 945 à Bagdad avec la mise sous tutelle du calife abbasside,
est soulignée par Dimitri Gutas 13. La grande période de
traduction des textes grecs est dépassée et il s’ensuit au cours
du Xe siècle une période de grande production scientifique
avec l’élaboration d’œuvres majeures. S’il y a moins de
traductions, c’est dû au fait que les textes principaux ont été
traduits, étudiés et commentés. Ce qu’attendaient les patrons
protecteurs des savants n’étaient pas des traductions mais des
productions scientifiques originales. Ainsi, bien longtemps
avant la fin de la période bouyide (1055), il est intéressant de
rappeler quelques grandes œuvres qui ont révolutionné la
science : en médecine, Ibn Abbas al-Majusi (Xe siècle) rédige
Le Livre complet sur l’art médical, Kamil as-sinaa at-tibbiya,
manuel de médecine et de psychologie, portant également sur
l’éthique médicale, qui a été traduit en latin dès le XIe siècle ;
Ibn Sina, (980-1037), Avicenne pour les Latins, laisse un
important traité, Kitab al-qanun fi t-tibb (Le Canon de la
médecine) utilisé dans les universités européennes jusqu’au
e
XVII siècle ; en astronomie, Al-Battani (858-929) corrige
Médecine et astronomie :
des sciences pratiques ?
Il nous faut compléter l’examen de la transmission des
sciences pour évaluer le changement qui se produit au cours
e
du XI siècle dans la conception de ce que l’on attend du
« savant ». La science va se pratiquer de manière plus
systématique dans les hôpitaux pour la médecine et dans les
moquées pour l’astronomie, avec l’affectation de muwaqqit*.
Les grands hôpitaux deviennent des centres d’apprentissage
de la médecine à partir du XIIe siècle par la volonté de leurs
fondateurs qui les financent dans le cadre de dotations en
waqfs. Ce fut le cas de l’hôpital de Damas doté d’une
importante bibliothèque appelée à accueillir les enseignements
des médecins affectés dans ce lieu. Son fondateur est Nur al-
Din (1117-1174), émir d’Alep puis maître de la Syrie, qui avait
réussi à régner sur les deux villes rivales depuis les
Omeyyades, Alep et Damas. L’hôpital est appelé du nom de
l’émir, Nuri, ennemi des croisés et souverain à qui succédera
Saladin. Il restera célèbre. En effet, il est aujourd’hui le musée
d’Histoire de la médecine et des sciences, témoin de la gloire
de la médecine médiévale damascène. D’autres hôpitaux
bénéficiant de dotations waqfs, comprenant des bibliothèques
et des espaces pour l’enseignement, furent créés dans le même
but de diffusion d’une science médicale mise à disposition
des habitants de la localité. Il faut noter que la multiplication
des hôpitaux n’est pas séparable dans le temps de la diffusion
des madrasas. Ce fut le cas en Syrie, à Alep, Rakka et Damas,
où des hôpitaux et également des madrasas sont construits par
Nur al-Din. Il faut inscrire ces fondations « dans l’effort de
réarmement moral lié à la lutte contre le chiisme et contre les
croisés 21 ». Ce fut le cas en Turquie, lorsqu’à la même époque
les émirs seldjoukides créent des madrasas et des hôpitaux.
Les souverains à l’origine de ces fondations étaient
célébrés par les poètes qui voyaient dans les établissements
d’enseignement des sciences religieuses des lieux pour
l’affermissement des âmes et, dans les centres de soins et de
formation des médecins des lieux pour la guérison des
malades :
« Tu fondas une madrasa et un hôpital
Pour redresser les religions et les corps »
Ces vers du poète Al-Ashraf al-Busiri sont dédiés au sultan
Al-Mansur Qalawun (1222-1290), souverain mamelouk
d’Égypte qui dota les hôpitaux de waqfs dont les revenus très
importants couvraient en particulier les dépenses de
fonctionnement 22.
Comment se passaient les cours dans ces hôpitaux ? Il y
avait un lieu réservé où, après avoir examiné les patients, le
médecin retrouvait ses étudiants et s’asseyait pour dispenser
son enseignement et discuter de questions médicales.
Cependant, il faut préciser que tous les hôpitaux n’étaient pas
des centres d’enseignement et que quelques savants en
médecine recevaient des étudiants dans leurs domiciles et leur
prodiguaient des cours, fait illustrant une pratique que j’ai
évoquée plus haut, celle d’un enseignement à caractère privé
en dehors de toute institution.
Les dotations en waqfs de nombreux hôpitaux assurant les
soins et les enseignements médicaux suggèrent que « la
médecine, comme discipline scientifique et matière
d’enseignement, aurait progressivement perdu sa place parmi
les sciences anciennes pour s’intégrer, comme science pratique
et utile, à la culture islamique 23 ». Ce constat global n’exclut
pas que, de manière isolée dans le temps et l’espace, des
savants se soient distingués dans le domaine de la médecine.
Ainsi, au XIIIe siècle, le médecin chafiite bien connu, Ibn al-
Nafis (1210-1288) qui étudie à Damas, exerce et enseigne
dans les hôpitaux de cette ville, puis devient médecin chef
au Caire. Il a laissé d’importants travaux scientifiques dont les
plus remarquables portent sur la petite circulation du sang
dans les poumons. Il fut également apprécié pour son savoir
dans les domaines de la jurisprudence et de la théologie.
Qu’en est-il d’une autre discipline qui fut très importante
dans le monde islamique, l’astronomie ? Où se transmettait
cette science ? Les observatoires furent-ils nombreux ? Dans
quelle mesure l’astronomie a-t-elle subi la même évolution
que la médecine, en devenant une science pratique ?
L’astronomie fut encouragée et financée par les souverains. Au
début du IXe siècle, le calife Al-Ma’mun sollicita de grands
astronomes pour effectuer des observations à Bagdad et à
Damas permettant de vérifier les données de Ptolémée. De
nombreux travaux d’observation obtenus à l’aide
d’instruments précis suivirent ces premiers résultats et
aboutirent à l’établissement de tables numériques à la
disposition des astronomes ainsi que des astrologues. Des
informations très précises sur la fabrication de ces instruments
ont été retrouvées dans divers traités. En revanche, il est
malaisé de reconstituer les données relatives aux lieux
d’observation astronomique, mis à part les grands
observatoires construits à partir du XIIIe siècle, notamment
celui de Maragha en Iran du Nord et celui de Samarkand.
L’observatoire de Maragha fut construit en 1259 grâce aux
revenus des waqfs attribués par son fondateur, le Mongol
Hulagu Khan (1217-1265), petit-fils de Gengis Khan, et resta
en activité jusqu’en 1316 grâce à l’importance de la donation.
On peut s’interroger sur la raison d’un tel intérêt pour la
science de la part d’un chef des armées mongoles qui n’hésite
pas à détruire et à massacrer pour conquérir des territoires dont
Bagdad en 1258, une prise qui marque la fin de l’Empire
abbasside. D’autre part, l’observatoire de Samarkand, mis en
fonction en 1429, fut financé par le prince timouride Ulugh
Beg (1394-1449), lui-même astronome-mathématicien, et ses
activités cessèrent à sa mort en 1449.
La construction d’un observatoire, son équipement et sa
gestion nécessitent des moyens appréciables. Celui de
Samarkand fut financé par un souverain passionné
d’astronomie, celui de Maragha par les revenus de waqfs
importants, mais ce type de financement ne concerna
probablement que peu d’observatoires alors que les résultats
d’observations astronomiques furent significatifs. Un constat
qui nécessite d’être approfondi.
Qu’en est-il de la profession d’astronome ? À partir du
e
XIII siècle apparaît une nouvelle fonction, celle de muwaqqit,
La sécularisation et la science
moderne en débat
« Mais si nos ancêtres avaient eu la même obsession de
l’islamisation que nos bons religieux actuels, le monde
musulman aurait été aussi hostile à la science que
l’Europe avant la Renaissance et les chantres du discours
religieux, qui ne cessent de claironner qu’il n’y a pas de
contradiction entre la foi et la recherche scientifique
rationnelle et libre, n’auraient pas eu de quoi se
glorifier 1. »
Nasr ABOU ZEID,
Critique du discours religieux.
Une question se pose alors. Est-ce que cet ordre est brisé
dans des circonstances hors du commun ? Où placer la rupture
que constituent les miracles ? Les mutazilites protestaient
contre la croyance aux miracles alors que les acharites l’ont
élevée au niveau du dogme. J’ai évoqué précédemment
comment Ghazali pose la question de la causalité et présente
les miracles comme une rupture de ce qui est nommé
« habitudes de Dieu » ou coutumes de Dieu. Dans le cadre
d’une conception de la nature fonctionnant suivant des lois
accessibles au moyen de procédures rationnelles, quelle place
auraient des événements supposés transcendants par rapport
aux lois ordinaires, tels que ceux décrits comme des miracles ?
La réponse du cheikh Abduh relève là aussi d’une attitude
conciliatrice, qui le mène à ne pas trop s’éloigner de la
position orthodoxe alors que l’exigence de départ se veut
rationnelle. En conséquence, il n’exclut pas l’existence des
miracles mais pas tous les miracles, distinguant le miracle
attribué aux saints et celui accompli par le Prophète. Il retient
que, depuis l’apparition de l’islam, nul n’est tenu à reconnaître
les miracles attribués à tel ou tel saint et, en le faisant, il n’est
pas en contradiction avec les dogmes fondamentaux 21. En
revanche, lorsque le Prophète appelle à la foi au nom de Dieu
et qu’il confirme son appel par des miracles, il faut croire à la
véracité de sa prophétie :
« Rationnellement, le miracle n’appartient pas à la
catégorie de l’impossible, car il n’y a aucune preuve qu’une
déviation des règles de la nature, telles que nous les
connaissons, soit impossible. […] Et si l’on nous objecte
que cela est sans doute la conséquence d’une autre loi de la
nature, nous répondrons que Celui qui a fixé ces lois est
aussi celui qui a créé les êtres existants. Il ne lui est donc
pas impossible de créer des lois spéciales pour les choses
sortant de l’ordinaire ; nous ne les connaissons pas, mais
nous en voyons les effets sur ceux que Dieu a
particulièrement comblés de ses faveurs 22. »
Les miracles font partie d’une sphère d’événements
finalement inaccessible à la connaissance de l’esprit humain.
Mais « le temps du miracle, mo’jiza, est fini », souligne
Abduh, étant donné que le prophète Muhammad a inauguré la
période de la raison, les miracles étant nécessaires lors de
l’enfance de l’humanité 23. Admettant alors que la question du
miracle est limitée à la période définie dans le temps de
l’enfance de l’humanité, donc avant l’islam, il interprète des
miracles en cherchant à réduire leur caractère surnaturel et en
proposant une explication qui peut être habillée d’éléments
scientifiques et qui se démarque ainsi de l’interprétation
traditionnelle.
C’est le cas du miracle qui a mené à la défaite de l’armée
éthiopienne qui marchait sur la Kaaba 24 et voulait détruire ce
lieu de pèlerinage vers le milieu du VIe siècle. Cette défaite est
relatée dans la tradition islamique. Elle se déroule près des
Lieux saints, à un moment important, à l’aube d’une ère
nouvelle, marquée par la naissance du Prophète qui a lieu peu
de temps après ces événements. On peut en lire le récit dans
les chroniques retraçant les témoignages des contemporains du
Prophète, regroupées sous le titre Al-Sîra*, et publiées en
2005, dans une version accessible et condensée par Mahmoud
Hussein 25.
Abraha, vice-roi du Yémen pour le compte du Négus,
souverain d’Abyssinie, fait construire une église magnifique à
Sanaa : décorée de marbre et de bois sculpté, elle est
surmontée d’une immense coupole recouverte de mosaïques
représentant des croix incrustées d’or et d’argent. Abraha veut
en faire le plus grand sanctuaire de la région et donner à la
religion chrétienne un lieu de pèlerinage qui détournera les
pèlerins de La Mecque vers Sanaa. Les Arabes du Nord s’en
inquiètent, comprenant l’intention d’Abraha de ruiner leur
pèlerinage de la Kaaba ainsi que leur commerce. Ils chargent
l’un d’entre eux de profaner l’église en la souillant
d’excréments. Le roi Abraha décide alors de se venger. Il
rassemble une armée et demande au Négus qui était son allié,
de lui fournir un éléphant qu’il compte emmener pour la
bataille afin d’effrayer les Arabes. Le départ est décidé,
l’armée avance sur La Mecque et l’éléphant est placé en
première ligne. Mais leur avancée est stoppée et l’éléphant
refuse d’avancer. Puis le miracle se produit. Une nuée
d’oiseaux noirs, « que certains appelèrent des sauterelles 26 »,
foncèrent sur les soldats d’Abraha. Les oiseaux portaient dans
leur bec et leurs pattes des cailloux qu’ils lâchèrent sur leurs
cibles. L’armée fut massacrée, le roi fut touché et succomba à
l’attaque. Ce miracle est décrit dans le chapitre L’Éléphant par
différents chroniqueurs de la tradition. Il est rattaché à la
Sourate de l’Éléphant (105) :
« Ne sais-tu pas le sort que fit ton Seigneur aux gens de
l’Éléphant ?
N’a-t-il pas déjoué leurs manœuvres,
Suscitant contre eux des oiseaux, par nuées,
Qui jetèrent sur eux des cailloux argileux ?
Il en fit comme un champ de blé saccagé 27. »
Abduh propose de cette sourate une interprétation
différente de celle admise par la tradition. Sa préoccupation
pour un islam compatible avec le monde moderne le conduit à
une explication qu’il trouve plus en conformité avec les
découvertes de la science moderne. Une explication qui se
situe dans l’optique apologétique du réformisme musulman.
Pour Abduh, la nuée d’oiseaux est un essaim de moustiques
portant des bactéries qui causeront la mort des attaquants. Il
veut éviter la cause surnaturelle qui favorise la tendance à la
superstition et la crédulité. Il propose de la remplacer par une
explication rationnelle : une cause liée à un phénomène
naturel, l’infection due aux microbes transmis par les piqûres
de moustiques. Les microbes sont des êtres invisibles,
découverts en cette fin du XIXe siècle. Cette découverte
inaugure une nouvelle science, la microbiologie associée à
l’inventeur du bacille de la tuberculose révélé par le
microscope, le médecin Robert Koch (1843-1910) et au
chimiste français, Louis Pasteur (1822-1895) qui réfuta la
théorie de la génération spontanée. Par ailleurs, ces êtres
invisibles que sont les microbes sont aussi invoqués par le
cheikh Abduh pour figurer les jinns.
ABDUH ET LA LUMIÈRE
La réception de Darwin
en pays d’islam
« Bien que je n’aie guère réfléchi à l’existence d’un Dieu
personnel avant une période bien plus tardive de ma vie, je
livrerai ici les vagues conclusions auxquelles je suis
parvenu. Le vieil argument d’une finalité dans la nature,
qui me semblait autrefois si concluant, est tombé depuis la
découverte de la loi de sélection naturelle. Désormais,
nous ne pouvons plus prétendre, par exemple, que la belle
charnière d’une coquille bivalve doive être faite par un
être intelligent, comme la charnière d’une porte par
l’homme. Il ne semble pas qu’il y ait une plus grande
finalité dans la variabilité des êtres organiques et dans
l’action de la sélection naturelle que dans la direction d’où
souffle le vent 1. »
Charles DARWIN,
L’Autobiographie.
L’évolution et le matérialisme
Si les réformistes musulmans partent d’un objectif
commun, celui de restaurer la grandeur de l’islam, ils n’ont
pas une conception unique de la Renaissance islamique et l’on
y discerne plusieurs courants. Celui qui s’est manifesté en Inde
au cours de la seconde moitié du XIXe siècle est personnifié par
Sir Sayyed Ahmad Khan (1817-1889) pour qui la grande
révolte de 1857-1859, appelée première guerre
d’indépendance indienne, constitua un révélateur de la
suprématie anglaise. Il fallait réagir, travailler pour l’avenir
des Indiens musulmans. Il fallait un renouveau de la théologie
musulmane, mais également accepter et étudier les sciences de
l’Occident, connaître leurs méthodes d’éducation et leurs
systèmes politiques, voire sympathiser avec les Anglais pour
mettre en œuvre la réconciliation entre musulmans et Anglais.
Il crée en 1875 une institution d’enseignement sur le modèle
d’Oxford et de Cambridge, le Muhammadan Anglo-Oriental
College d’Aligarh, qui sera élevé au rang d’université en 1920.
Ahmad Khan propose une réinterprétation personnelle de
l’islam. Il soutient que la religion prônée par le Prophète est
celle de la nature et de la raison, et que les doctrines des
sciences modernes sont en conformité avec les articles de la
foi islamique. Cette façon de voir fut ressentie comme une
atteinte à la religion bien qu’il s’attachât à contrecarrer les
tendances favorables à la sécularisation. Son adage, « L’œuvre
de Dieu (la Nature et ses lois fixes) est identique à la parole de
Dieu (le Coran) 2 », fit réagir les oulémas qui, « en bloc,
l’insultèrent comme un neïtcheri (terme urdu signifiant
naturaliste 3), et attaquèrent violemment son dessein de
débarrasser le Coran de toute mythologie 4 ». Le cheikh Jamal
Eddine al-Afghâni, l’une des personnalités marquantes du
mouvement réformiste que nous avons évoquée au chapitre
précédent, est aussi l’un de ceux qui s’opposent à Ahmad
Khan et qui veulent protéger les populations musulmanes
d’Inde qui pourraient être détournées par sa « doctrine
corruptive 5 ». Al-Afghâni qualifie cette doctrine de « doctrine
des naturalistes « matérialistes » » et l’accuse de soutenir qu’il
n’existe rien « hormis la nature aveugle », que « ce monde n’a
point de Dieu sage » et que tous les prophètes sont « des
naturalistes ne croyant pas au Dieu qui donna les lois 6 ». C’est
pour développer les raisons de son désaccord avec Ahmad
Khan qu’Al-Afghâni écrit en 1878, son épître en langue
persane Radd Neïtcheriyyé (Réfutation des naturalistes),
traduite en arabe en 1885 par son disciple Muhammad Abduh,
sous le titre Al-radd ala dahriyyin, « Réfutation des
matérialistes ». Les « matérialistes 7 » auxquels s’attaque Al-
Afghâni sont « les musulmans occidentalisés indiens de
l’école d’Aligarh, disciples d’Ahmad Khan [qui] avaient
adopté l’évolutionnisme de Darwin (tout en restant musulmans
croyants) 8 ». Mais si Ahmad Khan est la cible d’Al-Afghâni,
c’est aussi en grande partie pour des raisons politiques, à cause
de son anglophilie que ne peut supporter le défenseur du
panislamisme. C’est dans ce cadre qu’est publié le premier
texte venant des terres d’islam en réaction à la théorie de
Darwin.
Al-Afghâni et Darwin
« Certains croient que tous les germes des espèces,
particulièrement des espèces animales, se ressemblent dans
leur substance, s’équivalent en réalité, et qu’il n’y a pas
entre les espèces d’opposition substantielle ni de séparation
essentielle…
Le chef de cette école est Darwin. Il a composé un livre
pour expliquer que l’homme était un singe revu et corrigé,
graduellement élevé à sa forme [d’aujourd’hui] dans la
longue suite des âges, sous l’influence des agents naturels
extérieurs, jusqu’à ce qu’il eût atteint le chaînon [que
représente] l’orang-outang 9. »
Comme le montre cet extrait de la Réfutation des
matérialistes, Al-Afghâni ne ménage pas sa critique à l’égard
de Darwin qui défend d’après lui le point de vue suivant : « Il
se peut que la puce devienne un éléphant au cours des temps,
avec la suite des siècles, et de même que l’éléphant soit
changé en puce 10. » Al-Afghâni traite Darwin de « malheureux
jeté dans le désert des hypothèses, dans les terres incultes des
contes fantaisistes, par cette seule approximation de la
ressemblance entre le singe et l’homme 11 ». Il poursuit sur le
même ton en citant ce que Darwin rapporte sur les chiens dont
la queue était coupée par un groupe ethnique et qui naissaient
sans queue après des siècles de persévérance. Continuant à le
tourner en dérision, Al-Afghâni rappelle la pratique plus que
millénaire de la circoncision chez les Hébreux et les Arabes
qui n’a pas conduit à une évolution :
« Ils [les Hébreux et les Arabes] ont pratiqué la
circoncision des milliers d’années, pas un nouveau-né ne
naissait qui ne fût circoncis ; mais jusqu’à nos jours aucun
enfant n’est né circoncis, à moins d’être impuissant 12. »
Une question est souvent posée à juste titre à propos de la
Réfutation des matérialistes. Al-Afghâni a-t-il lu Darwin ? Les
quelques citations que j’ai reproduites plus haut sont
révélatrices de l’incompréhension qu’a Al-Afghâni de la thèse
de Darwin. En réalité, l’intention de l’auteur de la Réfutation
des matérialistes n’est pas de remettre en cause la thèse
scientifique mais d’attaquer les matérialistes dont fait partie
Darwin. Il commence son épître en levant le rideau sur la
doctrine matérialiste apparue en Grèce aux IVe et IIIe siècles
avant notre ère, une doctrine à l’origine de la corruption, de la
licence des mœurs et d’innombrables malheurs, dont le but
néfaste est la disparition des religions. Puis il vise les
matérialistes modernes, dont l’auteur de L’Origine des
espèces, et il expose la nouvelle voie qu’ils défendent. Trois
choses sont, pour les matérialistes, la cause de l’ordre de
l’être : matière, force et intelligence 13. Et, comme les autres
modernes, ils croient que les corps sont composés d’atomes.
Le lecteur d’Al-Afghâni ne trouvera aucune mention chez
lui de l’idée centrale de Darwin, qui explique l’apparition de
nouvelles formes vivantes par une succession de variations
dont le seul moteur est la sélection naturelle. La grande rupture
proposée par Darwin est la remise en cause de toute vision
finaliste : la sélection naturelle n’implique aucune idée de
« choix », aucune « intelligence » de la nature, elle ne met pas
en œuvre un pouvoir actif. L’auteur de l’épître contre les
matérialistes n’a pas d’intérêt véritablement scientifique pour
L’Origine des espèces au moyen de la sélection naturelle ou la
lutte pour l’existence dans la nature et la « lumière » que veut
jeter Darwin sur ce « mystère des mystères ». Al-Afghâni
interpelle ses ennemis, les matérialistes ou naturalistes de
façon presque caricaturale :
« Comment chacune des parties de la matière, malgré sa
séparation [d’avec les autres], pénétrera les desseins du
reste, par quel organe chacune fait comprendre aux autres
ce qu’elle se propose de rechercher, et dans quel parlement,
dans quel sénat elles se réunissent pour se consulter sur
l’invention de ces créatures d’une composition si élevée et
si étrange 14 ? »
Le matérialiste et le musulman
Renouer avec la science comme le prônaient les réformistes
de la Nahdha était un projet louable. Mais a-t-il signifié un
intérêt pour les nouvelles théories scientifiques ? Ce n’est que
dans ce cadre que l’analyse peut conduire à la remise en cause
d’une théorie scientifique sur la base d’arguments et non sur
des considérations idéologiques. La science ne se construit ni
sur des déclarations d’intentions, ni sur un discours défensif et
nourri d’apologétique religieuse, ni sur la nécessité
permanente de compatibilité avec la religion. C’est pourtant
cette nécessité qu’affirme un contemporain d’Al-Afghâni,
Hussein al-Jisr (1845-1909). Tout en s’attaquant aux idées de
Darwin et à l’ensemble des matérialistes, Al-Jisr tente la
conciliation entre la théorie de l’évolution et le texte coranique
au risque d’une proposition incohérente. Il instaure une
proximité avec la science. Il développe de manière précise les
éléments scientifiques à la base des phénomènes naturels, tout
en relevant ses limites dans le cadre de la conception acharite
du volontarisme divin. Cette attitude de conciliation à l’égard
de la science n’est pas sans conséquences. Inaugurée il y a
plus d’un siècle, elle va évoluer vers un concordisme très
répandu aujourd’hui dans les milieux musulmans.
Originaire de Tripoli (Liban), Husayn al-Jisr a poursuivi ses
études à l’Université d’Al-Azhar où il profite de
l’enseignement novateur du professeur et grammairien Husayn
al-Marsafi. Ce professeur est connu pour son analyse de la
langue arabe, son interprétation de certains mots importants
dans le contexte historique du renouveau du nationalisme
égyptien. Citons-en deux, significatifs : watan, la patrie ;
umma, un groupe de personnes unies par une affinité
quelconque, telle que la langue, la région, la religion, donc une
conception plus large que l’ancienne signification intimement
liée à la religion. De retour à Tripoli, Al-Jisr contribue à la
création d’une nouvelle école, Madrasa al-Watanya (École
nationale) et introduit un curriculum nouveau, intégrant les
langues – arabe, français et turc –, les sciences religieuses
traditionnelles et les disciplines modernes – mathématiques,
géographie, sciences naturelles, philosophie. Pour Al-Jisr, il
était important d’assurer cette formation complète, comportant
les sciences religieuses islamiques et les sciences modernes
afin de contrer l’influence des écoles missionnaires
chrétiennes et les idées matérialistes. Toutes les disciplines
étaient enseignées en arabe, les arts et les sciences
contemporaines s’appuyaient sur des traductions du Syrian
Protestant College 21. Malgré son succès auprès de familles de
Tripoli, l’école dut fermer au bout de trois ans suite à la
pression des milieux religieux conservateurs, des notables et
des officiers ottomans, plutôt hostiles à ce nouveau
curriculum.
Quelques années plus tard, Al-Jisr rédige un traité sur la
vérité de l’islam et de la loi islamique, Al-Risala al-Hamidiya
(Traité hamidien). Le traité propose un genre nouveau d’écrit
théologique. Il met en scène deux interlocuteurs, un musulman
et un matérialiste contemporain et les fait dialoguer en insérant
le discours apologétique dans une réfutation du matérialisme.
La Risala publiée en 1888 est très favorablement accueillie par
le public, reproduite à vingt mille exemplaires à Istanbul et
traduite dans plusieurs langues, le turc, l’urdu, le tatar et le
chinois. Le sultan ottoman régnant, Abdülhamid II à qui Al-
Jisr avait montré sa loyauté en lui dédiant son traité, le
récompense du prix du Sultan d’un montant annuel de
cinquante lires. Jamal Eddine al-Afghâni apprécie l’écrit et
qualifie l’auteur de nouveau « Achari de son temps » en
reconnaissance de son approche qui réconcilie la religion et la
philosophie.
Quelle est la conception de Al-Jisr de l’islam et quelles
sont ses sources ? Son traité se situe dans le cadre de la
tradition classique sunnite. Le Coran, les actes et dires du
Prophète (hadiths), le consensus (ijma) et l’analogie (qiyas)
contiennent toutes les preuves nécessaires pour guider les
croyants. Il oppose aux critiques orientalistes de l’époque
envers l’islam ses arguments : sur le jihad*, légitime pour
défendre l’islam face à ses ennemis et pour convaincre les
incroyants ; sur la polygamie ; sur l’esclavage permis dans
certaines circonstances. Une défense de l’islam bien orthodoxe
dans le contexte du mouvement réformateur et n’apportant pas
d’éléments nouveaux.
Alors, en quoi la Risala est-elle novatrice ? En ce qu’elle
dénote un réel intérêt pour la science même si l’argumentation
est menée du point de vue concordiste. Elle veut contrer les
matérialistes et les convaincre d’adopter l’islam, la religion qui
contient toute la connaissance scientifique 22. Le matérialisme
ne peut expliquer tous les phénomènes naturels, et certains
faits sont au-delà du monde matériel. Ainsi, on ne peut voir
l’électricité (particulièrement citée par les réformistes, la
classant parmi les phénomènes mystérieux mais aux effets
utiles, comme nous l’avons vu avec Abduh) avec nos yeux,
mais nous ressentons ses effets dans notre vie quotidienne,
écrit Al-Jisr. Il poursuit avec l’exemple, actuel en son temps,
de l’éther, milieu où la lumière se propagerait, une hypothèse
en attente de confirmation tant que la vérité à propos de la
lumière n’était pas encore connue.
Al-Jisr décrit comment les matérialistes expliquent
l’origine de l’univers et la nature de la matière. Il présente les
quatre lois naturelles associées aux processus de croissance
des populations animales et végétales : la variation dans les
espèces d’individus, les variations transmises des parents à
la progéniture, la lutte pour la survie des individus et, enfin, la
sélection par la nature des plus forts et plus aptes à survivre 23.
Ces idées sont acceptables pour Al-Jisr à condition que
leurs défenseurs admettent le principe que les phénomènes
naturels sont explicables par le pouvoir de Dieu qui est
capable de les provoquer. Dieu est omnipotent et gouverne
tous les phénomènes naturels. Al-Jisr prend l’exemple de la
montre, objet fabriqué pour donner une mesure du temps
d’une extrême précision. La montre ne peut exister sans un
artisan pour la fabriquer. Et, dans cette vision, Dieu est le
grand horloger, le grand ordonnateur de l’univers. L’exemple
de la montre et de l’horloger est bien connu et exploité par
tous ceux qui interprètent la nature et l’ordonnancement de
l’Univers par un dessein intelligent, celui du Créateur, comme
nous l’avons déjà vu à propos du discours religieux
contemporain. L’exemple fut développé au début du XIXe siècle
par le théologien britannique Paley dans sa Théologie
naturelle : « l’argument d’intention » est la principale
« preuve » de l’existence de Dieu. Un argument qui a suscité
de nombreux écrits. Le scientifique François Jacob en propose
une explication dans son ouvrage Le Jeu des possibles. Voici
comment il démonte l’exemple de la montre et de l’horloger :
« Développé notamment par Paley dans sa Théologie
naturelle, publiée quelques années seulement avant
L’Origine des Espèces, cet argument est le suivant. Si vous
trouvez une montre, vous ne doutez pas qu’elle a été
fabriquée par un horloger. De même, si vous considérez un
organisme un peu complexe, avec l’évidente finalité de
tous ses organes, comment ne pas conclure qu’il a été
produit par la volonté d’un Créateur ? Car il serait
simplement absurde, dit Paley, de supposer que l’œil d’un
mammifère, par exemple, avec la précision de son optique
et sa géométrie, aurait pu se former par pur hasard. […]
Contre l’argument d’intention, Darwin montra que la
combinaison de certains mécanismes simples peut simuler
un dessein préétabli 24… »
La question des organes complexes est une des questions
importantes que les promoteurs de l’Intelligent Design
reprennent pour montrer que leur complexité exclut une
évolution par mutation et sélection naturelle. On retrouve chez
eux les mêmes arguments avec les mêmes exemples pour
prouver l’omnipotence de Dieu.
Mais le développement de Al-Jisr se distingue d’un traité
de théologie naturelle. Il poursuit par une lecture du texte
coranique et veut montrer que les versets coraniques
convenablement interprétés offrent la même explication que la
théorie de l’évolution. Il en cite un certain nombre dont les
versets 21 :30 et 24 :45 25 où il est question de l’origine
aquatique de la matière vivante en accord avec l’approche
évolutionniste. Il relève par ailleurs le verset 23 :12-14 26 qui
serait plutôt en faveur d’une création spéciale. Les espèces
sont-elles créées immédiatement ou graduellement ? Al-Jisr
suggérerait que Dieu est apte à créer des espèces de manière
soudaine ou graduelle 27. L’exercice concordiste devient alors
périlleux. En effet, si l’explication accepte tout aussi bien la
création soudaine que la création graduelle, toutes les deux
prouvant l’omnipotence de Dieu, il n’y a alors pas de raison
d’invoquer des processus expliquant la diversité du monde
vivant et son évolution à travers les temps longs. Quelle place
accorder alors aux différents mécanismes intervenant dans
l’évolution du vivant proposés dans les quatre lois naturelles
citées plus haut ? Sont-elles pertinentes pour toutes les
espèces ? Les espèces créées échapperaient-elles
soudainement à ces lois naturelles ? Quels seraient dans ces
conditions les critères de définition de ces espèces ne subissant
pas d’évolution ? Ces questions resteront sans réponses. Cela
ne sera pas la dernière fois que la tentative de vouloir à tout
prix concilier théories scientifiques et textes sacrés mène à la
perte de cohérence des théories scientifiques…
L’évolution et le progrès
Harmoniser la science et la religion, y compris sur la
question de l’origine de l’homme, est aussi une préoccupation
de Muhammad Abduh mais ce n’est pas la seule raison qui
l’amène à s’intéresser à la théorie de Darwin. Ce qui
l’intéresse aussi, ce sont les lois de l’évolution appliquées à la
compréhension des sociétés et au changement social, c’est
l’évolution associée au progrès des sociétés, ce que l’on
appelle le darwinisme social dont l’initiateur est Herbert
Spencer (1820-1903).
Le darwinisme social est une théorie sociale faisant du
concept d’évolution une théorie générale régissant l’univers
dans son ensemble, du cosmos à la morale, à la société, à
l’éducation. C’est ce que soutient Spencer dans ses nombreux
écrits. Dans son ouvrage First Principles publié en 1862, il
décrit les manifestations de la loi d’évolution dans les
changements du système solaire, de la structure géologique de
la Terre, des végétaux, des animaux ainsi que ceux des
individus et des sociétés. Spencer associe l’idée de progrès à
celle de l’évolution et propose de montrer que la loi du progrès
organique est la loi de tout progrès :
« Qu’il s’agisse du développement de la terre, du
développement de la vie à sa surface, du développement de
la Société, du gouvernement, de l’industrie, du commerce,
du langage, de la littérature, de la science, de l’art, toujours
le fond en est cette même évolution qui va du simple au
complexe, à travers des différenciations successives.
Depuis les plus anciens changements cosmiques dont il y
ait trace jusqu’aux derniers résultats de la civilisation, nous
allons voir que la transformation de l’homogène en
hétérogène est l’essence même du Progrès 28. »
La synthèse qu’établit Spencer entre biologie et sociologie
s’éloigne de l’argumentation purement biologique de Darwin.
Soulignons à ce propos que Darwin n’introduit pas le terme
« évolution » dans la première édition de L’Origine des
espèces en 1859, peut-être du fait de ses « connotations
progressistes et sociales ». Il ne l’introduit que plus tard, dans
la sixième édition de 1872. En outre, les chercheurs se sont
penchés sur la question de savoir si l’on trouve le concept de
« progrès » dans les textes de Darwin. Dans son ouvrage
Darwin contre Darwin. Comment lire L’Origine des espèces ?,
le philosophe Thierry Hoquet traite de cette question qui fait
partie des ambiguïtés du texte darwinien. L’une des
conclusions possibles est celle où Darwin réfute le
développement progressif : « La sélection naturelle ou la
survie du plus apte n’inclut pas nécessairement un
développement progressif – elle tire seulement avantage des
variations lorsqu’elles se produisent et sont bénéfiques à
chaque créature dans ses relations de vie complexes 29. »
L’idée d’évolution associée au progrès proposée par
Spencer a séduit le réformiste Abduh qui a tenté de faire
évoluer l’institution traditionnelle d’Al-Azhar et d’engager des
changements pour promouvoir une nation éclairée. Il traduit en
arabe le livre de Spencer Sur l’éducation à partir de sa version
française. Lors de son séjour en Angleterre l’été 1903 où il est
l’hôte du poète et aventurier britannique Wilfrid Blunt (1840-
1922), il rend visite à Spencer à Brighton et relate dans son
carnet de voyage, une partie de l’entretien :
« Le philosophe a exprimé son inquiétude à propos de
l’esprit de l’Europe. Il a manifesté son impuissance d’y
remédier malgré l’efficacité de la science. Où trouver le
remède ? Dans le retour à la religion. La religion, de tout
temps, a révélé à l’homme sa propre nature 30. »
Le concordisme coranique
Le concordisme prend de l’importance à la fin du
e
XIX siècle sous la forme d’exégèses coraniques scientifiques
qui ne sont ni de véritables exégèses ni des textes
scientifiques. Ce sont des textes apologétiques, qui veulent
amorcer un retour aux sciences dites rationnelles – distinctes
des sciences religieuses –, considérées comme une partie du
patrimoine islamique. Le rattachement des versets coraniques
aux découvertes scientifiques est une tendance qui va perdurer
au cours du XXe siècle et se déployer largement à l’aide des
moyens de communication les plus performants. Dans le
premier quart du XXe siècle, Tantawi Jawhari lui donne une
tournure dramatique qui, plutôt que de réconcilier l’islam avec
la science, creuse le fossé entre les pays industrialisés et les
pays d’islam par la naïveté de ce discours supposé
scientifique. Avec la montée de l’islamisme au cours du
dernier quart du XXe siècle, le concordisme se présente comme
une victoire des pays d’islam contre l’Occident, dominateur et
jugé coupable à deux titres, celui d’avoir accepté l’autonomie
de la science au prix de l’effacement de la religion et celui
d’avoir usé de sa supériorité pour coloniser les nations arabes.
Le succès des thèses islamistes à partir de la fin du XXe siècle
et le développement des moyens de communication –
télévisions satellitaires, cassettes, Internet – va se traduire par
un concordisme qui rend le message coranique de plus en plus
distant. Il l’obscurcit et l’encombre d’une mise en scène où les
« preuves » des « miracles scientifiques du Coran » vont de la
physique nucléaire à la théorie du Big Bang. Il ne s’agit pas de
science, mais plutôt de bouts de science exploités pour leurrer
le public par ce que Mohamed Arkoun qualifie de
« manipulations fantaisistes 2 ». Il s’agit de montrer que toutes
les découvertes scientifiques dont l’Occident se targue étaient
déjà connues, il y a quatorze siècles, par le Prophète de
l’islam. Soulignons à propos de l’évolution de l’exégèse
scientifique, la dégradation du niveau des écrits et
l’exacerbation de plus en plus forte du sentiment anti-
occidental. Le discours initialement apologétique dans le cadre
de la réforme religieuse s’est transformé en discours de guerre
idéologique. Un changement dont on doit mesurer l’impact,
car « les miracles scientifiques du Coran » vont concerner une
sphère bien plus large que celle des érudits. Ils vont couvrir la
sphère des réseaux sociaux. On n’est donc plus dans un débat
intellectuel, on est au cœur de la propagande politique.
Le Coran et le Spoutnik
Que dit le Coran sur les sciences ? Le Coran est-il en
accord avec les découvertes scientifiques occidentales ?
Comment interpréter le verset 38 de la Sourate 6 à la base des
exégèses « scientifiques » du Coran : « Nous n’avons rien
omis dans le Livre » ? Pour certains commentateurs, ce verset
signifie que le Coran contient des indications sur toutes les
sciences exactes alors que, pour d’autres, il ne fait qu’appeler
à la réflexion. L’étude historique des exégèses du texte
coranique montre que les deux tendances coexistent depuis le
Moyen Âge.
Un événement précis a relancé le débat entre les
spécialistes des lectures du Coran. Il s’agit du lancement réussi
du satellite artificiel Spoutnik 1 le 4 octobre 1957. La
performance scientifique soviétique inaugure l’ère de la
conquête spatiale, jette « un pont solide de la Terre dans
l’Espace », et ouvre la voie des étoiles. Spoutnik 1 a fait le tour
de la Terre à une altitude comprise entre 230 et 950 kilomètres
en quatre-vingt-dix-huit minutes environ et finit son aventure
le 4 janvier 1958, consumé lors de sa chute dans l’atmosphère
terrestre, après avoir accompli mille quatre cents orbites autour
de la Terre. L’ingénieur Sergueï Korolev 3, maître d’œuvre du
programme spatial prédit que cette conquête de l’espace
permettra « d’assurer des communications mondiales et de
relayer les transmissions de radio et de télévision » et « de
créer des systèmes de satellites faisant des révolutions
quotidiennes autour de notre planète à une altitude de quelque
40 000 kilomètres ». Une prévision largement réalisée une
vingtaine d’années plus tard. L’avancée spectaculaire réalisée
par l’Union soviétique fait l’effet d’une bombe pour les
gouvernants des États-Unis en pleine période de guerre froide
et le New York Times se demande si c’est là la route vers
l’enfer ou vers le ciel. Bonne question ! D’autres se demandent
si ce voyage dans l’espace d’un engin conçu par l’homme est
prévu par le Coran. Si rien n’a été omis dans le Texte, un
événement aussi incroyable, la traversée de l’atmosphère de la
Terre, le mouvement à travers les cieux d’un objet terrestre,
doit certainement y être mentionné.
C’est donc cette présomption qui fut l’objet du débat
au Caire, dans le cadre des réunions de la revue de
vulgarisation religieuse musulmane, Liwa al-Islam. Des
personnalités connues, diplômées de l’université d’Al-Azhar
ou d’autres universités, collaboraient à la revue et se
réunissaient chaque mois pour discuter d’un certain nombre de
sujets. Ces rencontres donnaient ainsi régulièrement l’opinion
des cercles autorisés. Le lancement du Spoutnik ne pouvait
passer inaperçu dans ce lieu de débat. La réunion
d’octobre 1957 de la revue Liwa eut pour ordre du jour le
Spoutnik et le Coran. L’assemblée de notables et érudits
égyptiens avait à se prononcer sur la délicate question de
savoir s’il y a dans le Coran un passage sur le Spoutnik 4.
Parmi ceux qui soutenaient qu’il y avait dans le Coran des
indications sur toutes les sciences exactes, le « Maître »
Mohammad al-Banna 5 étaie sa proposition en citant les trois
versets suivants. La possibilité de voyages interplanétaires est
prévue dans le verset 55 :33 :
« Races des génies et des humains, s’il vous est donné un
jour de franchir les bornes des cieux et de la terre, passez-
les ! Un pouvoir réel vous sera nécessaire pour les
franchir 6. »
La bombe à hydrogène est présente dans le verset 81 :6,
« Quand les océans se mettront à bouillir 7 ». Et l’atome est
prévu dans le verset 34 :3 :
« “Nous ne verrons venir l’Heure”, disent les mécréants.
Réponds-leur : “Certes, l’Heure vous surprendra à coup sûr.
J’en fais le serment par mon maître, lui qui connaît le
mystère impénétrable et à qui rien ne saurait échapper dans
les cieux et sur la terre, fût-ce l’équivalent d’un atome, ou
d’un poids plus grand ou moindre : il n’est rien qui ne soit
porté sur un livre explicite 8.” »
La proposition concordiste ne fut pas partagée par
l’assistance et une autre conception fut dégagée. Les
phénomènes de la nature suscitent l’intérêt de l’homme et
l’amènent à réfléchir, à user de son intelligence, un don de
Dieu pour tous les hommes, qu’ils soient croyants ou non. Le
Coran « ouvre la voie à l’invention des sciences », mais son
but est d’abord la guidance des hommes dans le domaine
religieux. Le professeur et vice-doyen de la faculté de droit de
l’Université d’État du Caire, Abu Zahra explicite son point de
vue en citant le verset 7 :52 :
« Certes, Nous leur avons apporté un Livre que Nous avons
rendu intelligible, en [pleine] connaissance, [afin qu’il soit]
une direction et une grâce (rahma) pour un peuple qui
croit 9. »
Le rapprochement de ce verset et le verset 6 :38 cité plus
haut lui permet de conclure que « le Coran n’a rien omis dans
le domaine des sciences de la religion destinées à diriger les
hommes 10. » Cette réunion, qui a lieu au milieu du XXe siècle
entre personnalités égyptiennes, nous éclaire sur l’atmosphère
qui pouvait régner au Caire à cette époque. Le débat s’est
déroulé dans un lieu de diffusion de la culture : ce n’est pas un
espace religieux même si les questions abordées peuvent
porter sur l’islam. Les personnalités sont des oulémas de
l’Université Al-Azhar et des professeurs à l’Université d’État
du Caire. L’un des grands sujets de discussion a trait à la
confrontation avec la science moderne. Elle était déjà posée
par les réformistes du XIXe siècle, comme nous l’avons vu
précédemment. Elle se poursuit et imprègne la façon dont doit
être abordée la lecture du Coran à la lumière des temps
modernes.
Que devient dans ce contexte la science de l’exégèse, ce
que l’on appelle le tafsir*, l’explication, le commentaire ? Le
penseur tunisien Hamadi Redissi y répond dans ses Lectures
musulmanes modernes du Coran 11 en définissant en particulier
les enjeux théoriques. La crise du savoir classique nous
interpelle sur la science selon trois modes : celui portant sur la
connaissance objective, universelle ; le deuxième, à travers les
découvertes physiques, du train à la fusée ; le troisième, sous
le mode idéologique du scientisme favorisant la croyance en la
supériorité de la science et sa capacité de tout expliquer.
Redissi note au passage que les quelques inventions
scientifiques (en pays d’islam) n’ont jamais pu bousculer le
Coran. Je rejoins ce constat en soulignant que les avancées en
matière d’astronomie et les réserves au modèle géocentrique
de Ptolémée que certains savants ont émises, Ibn al-Haytham
en particulier dans son ouvrage Doutes sur Ptolémée, n’ont
pas abouti à la rupture accomplie dans le monde chrétien par
Copernic.
« Les repères donc vacillent », souligne Redissi. La finalité
de l’exégèse va changer. Trois courants émergent, celui
inauguré par le courant réformiste qui se refuse à remettre en
question l’islam et prône une compréhension rationnelle du
message divin permettant aux croyants d’être de leur temps.
Celui d’une lecture islamiste proposant un islam radical
rejetant fermement la modernité occidentale et la tutelle
coloniale. Enfin, le courant de l’exégèse soi-disant
« scientifique » qui, en mettant en valeur des versets
coraniques dans un contexte scientifique, veut islamiser la
science.
L’argument de Shatibi
Le bien-fondé de l’orientation scientifique de l’exégèse
coranique a été remis en question et combattu dès les temps
anciens, souligne Al-Khouli. L’Andalou Abu Ishaq al-Shatibi
fait partie de cette opposition. Spécialiste des « principes » des
e
sciences religieuses du XIV siècle, Shatibi interprète les
versets utilisés par les auteurs de l’exégèse scientifique. Il a
une position claire sur l’interprétation du verset coranique
6 :38 : « Nous n’avons rien omis dans le Livre. » C’est, dit-il,
la position des « hommes vertueux parmi les anciens », c’est-
à-dire ce que l’on désigne comme les al-salaf al-salihin*, les
compagnons du Prophète, la génération suivante et celle
d’après. Shatibi s’appuie sur cet argument pour valider son
point de vue. Les pieux anciens connaissaient parfaitement le
Coran, mieux que quiconque. « Or on ne rapporte d’aucun
d’entre eux la moindre allusion à une exégèse du type
“scientifique” en question ». Pour eux, dans le verset 6 :38, il
n’était question que de règles en rapport aux obligations
morales et de considérations sur l’autre vie.
Dans son ouvrage Les Harmonies (Al-mowafaqat), Shatibi
rappelle que les Arabes se préoccupaient des sciences alors
connues. La Loi a tenu compte de ce qui leur était familier,
déclarant valables certaines sciences – dont celle des astres,
des diverses branches de la météorologie, l’histoire et les
chroniques des peuples d’autrefois – et d’autres vaines. Ces
dernières que la Loi a abolies sont la science des auspices,
celle des présages, la divination, la géomancie. Les principes
suivants peuvent être dégagés : « Beaucoup de personnes
exagèrent dans leur sollicitude pour le Coran en lui rattachant
toutes les sciences connues des anciens et des modernes,
sciences physiques, mathématiques, logique, science
cabalistique des carrés magiques et toutes les spéculations des
savants, en somme tous les arts et les sciences analogues.
Après ce que nous avons exposé ci-dessus, une telle position
est erronée. »
Shatibi s’intéresse à la situation des anciens et à leur point
de vue sur les sciences. Le Coran ainsi que les sciences et leur
contenu étaient fort bien connus des hommes vertueux d’antan
et cependant on ne connaît aucune allusion de leur part à une
exégèse scientifique. Le problème n’existait pas pour eux.
Cela prouve que le Coran ne se réfère à aucun détail précis
supposé par l’exégèse scientifique. Certes, les références du
Coran à des sciences que connaissaient les Arabes ou à des
notions fondées sur ces sciences pouvaient susciter
l’émerveillement des gens intelligents. « Quant à penser qu’il
y aurait dans le Coran autre chose, non ! […] D’ailleurs, il
n’est pas permis d’ajouter au Coran ce que celui-ci n’exige
pas, de même qu’on ne doit pas en retrancher ce qu’il exige.
Pour le comprendre, il faut uniquement recourir aux
connaissances qui faisaient nettement partie du bagage
intellectuel des Arabes ; c’est ainsi que l’on parvient à
comprendre les règles de la Loi coranique 25. » Lorsque l’on
relit des passages de cet exégète du XIVe siècle on est surpris
que peu s’en réclament. C’est la conviction d’Al-Suyuti – un
siècle après Shatibi – invoquant la présence dans le Coran, de
tous les sujets fondamentaux dans le domaine scientifique, qui
l’a plutôt emporté.
Le commentaire d’Aicha
Abderrahmane
Une femme égyptienne, professeur de littérature arabe à
l’Université Ayn al-Shams du Caire, Aïcha Abderrahman
(1913-1998), a laissé sa marque dans la confrontation à propos
des exégèses scientifiques du Coran. Plus connue sous son
pseudonyme Bint al-Shati (La Fille de la rive), elle est la
première femme égyptienne à publier des études sur l’exégèse
coranique. Elle adopte l’approche d’Amin al-Khuli qui fut son
professeur puis son époux. Elle rejette catégoriquement les
exégèses scientifiques et propose dans son ouvrage Al-Quran
wa-l-tafsir al-asri (Le Coran et le commentaire moderne) de
démonter le commentaire de Mustafa Mahmud, Essai pour
une compréhension moderne du Coran, paru dans les années
1970. Médecin égyptien, très connu du grand public pour ses
émissions télévisées sur la science, Mahmud est passé du
marxisme à l’antimarxisme islamiste. Il se révéla alors un
adepte de l’exégèse scientifique et de l’antidarwinisme,
soulignant « l’accord étrange et précis », « la ressemblance à
la lettre » entre les découvertes scientifiques et les affirmations
coraniques. Bint al-Shati souligne « l’absurdité » du
concordisme coranique et « l’aventurisme » sans limites de
certains, les conduisant à découvrir dans le Coran des allusions
à l’invention des avions à réactions 26. Refusant le ridicule de
ce genre d’apologétique, l’intellectuelle égyptienne écrit un
article dans le grand quotidien cairote Al-Ahram du 7 janvier
1972 27, texte polémique et sarcastique à propos de l’Essai de
Mahmud. Préoccupée par l’avenir de son pays et défendant le
point de vue que la foi ne rend pas vaine la raison, elle y
manifeste le souci de s’adresser à la jeunesse étudiante
égyptienne :
« Les enfants de la génération actuelle ne sont pas si
stupides, ignorants et simples d’esprit pour croire que nous
pouvons reconnaître les avions à réaction dans le verset de
la Sourate Al-Falaq : “Je demande à Dieu protection contre
celles qui soufflent dans les nœuds” (Coran, 113, 4), et les
secrets de l’atome dans le verset de la Sourate Al-Zalzala :
“Quiconque aura fait le poids d’un atome de bien le verra ;
quiconque aura fait le poids d’un atome de mal le verra”
(Coran, 99, 7-8), et la technologie des barrages dans
l’histoire de Dû’l-Qarnayn, dans la sourate Al-Kahf 28 ! Au
contraire, ce sont eux qui riront de la simplicité d’esprit
qu’ils peuvent lire dans un “commentaire moderne” qui
découvre la géologie…
« Aucun inconvénient pour nous, au point de vue de la
religion, à lire la théorie de l’évolution et de l’origine des
espèces dans les études de Darwin et des biologistes. Ce
qui est interdit, c’est de lire cette théorie déformée et
défigurée, insérée dans le Coran au nom de la science, de la
modernité et de la foi 29. »
Mais la cause ne fut pas entendue. La « simplicité
d’esprit » l’a emporté et les « coïncidences » entre les
découvertes scientifiques et les versets coraniques 30 se sont
multipliées depuis cet article datant de près d’un demi-siècle.
Le commentaire sur Darwin montre aussi le changement de
point de vue dans les milieux musulmans par rapport à cette
théorie.
Qiyas : analogie.
Ra’y : opinion, jugement personnel.
Révélation : acte par lequel Dieu communique avec le
Prophète, processus par lequel le Prophète reçoit le message
divin.
Salaf : ancêtres ou prédécesseurs ; al-salaf al-salihin, pieux
prédécesseurs, terme désignant les trois premières générations
de l’islam.
Sîra : récit de la vie du Prophète.
Sunna : tradition de l’islam fondée sur l’exemple du Prophète.
Sunnites : partisans du sunnisme, courant majoritaire de
l’islam, qui se conforme à la Sunna*, orthodoxes.
Tafsir : explication, exégèse, commentaires du Coran.
Taqlid : imitation, conformisme.
Traditionniste : mot désignant le compilateur de hadiths*.
Oulémas (ou ulémas) : pluriel de alim*.
Uçul : sources ; uçul al-fiqh : sciences des sources et des
fondements du fiqh*.
DU MÊME AUTEUR
CHEZ ODILE JACOB
Sacrées questions… Pour un islam d’aujourd’hui, 2017.
La Science voilée, 2013.
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TABLE
Introduction
Chapitre 1 - Un héritage universel
Les débuts de la science « arabe »
Le mouvement de traduction gréco-arabe
Le rêve aristotélicien d’Al-Ma’mun
Le développement de la tradition scientifique
La traduction des textes anciens ne fut pas une simple réception
Les traductions persanes et indiennes
Ibn al-Haytham et la nouvelle science de l’optique
Biruni et le mouvement possible de la Terre
Pour une conception sécularisée de l’histoire des sciences arabes
Les sciences rationnelles
Adjectifs coupables
Chapitre 2 - Le détournement de la science
La période de basculement
Bibliothèques et enseignement des sciences
Madrasa vs dar al-ilm ?
Médecine et astronomie : des sciences pratiques ?
Contextes politiques et religieux
Le règne des sciences du fiqh
L’ordre naturel et l’omnipotence du Créateur
Une vision étriquée de la science
De la place du savant en terres d’islam
La première grande révolution scientifique
L’Empire ottoman, Copernic et l’héliocentrisme
Chapitre 3 - La sécularisation et la science moderne en débat
Abduh et Antun : la séparation entre science et religion
Une ancienne controverse au cœur du débat
Rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu
Quel retour à la science ?
L’islam, la chrétienté et la science
La science moderne encore lointaine… aux pays du Levant
Chapitre 4 - La réception de Darwin en pays d’islam
L’évolution et le matérialisme
Al-Afghâni et Darwin
Les scientifiques arabes… toujours des précurseurs, même de Darwin ?
Le matérialiste et le musulman
L’évolution et le progrès
Qacim Amin, l’évolution et la condition féminine
Shibli Shumayyil et Darwin
Chapitre 5 - Pour une nouvelle exégèse du Coran
Le concordisme coranique
Le Coran et le Spoutnik
Des exégèses d’un type nouveau
La pression atmosphérique dans le Coran ?
S’adonner à l’exégèse scientifique n’est d’aucune utilité pour le Coran
Le tafsir, exégèse traditionnelle du Coran
L’argument de Shatibi
Le commentaire d’Aicha Abderrahmane
Renouveler l’exégèse coranique : le commentaire littéraire du Coran
La thèse qui bouscule les cercles orthodoxes
Les récits du Coran, un but religieux et non historique
Conclusion - La crise de la science en pays d’islam : une impossible sortie ?
Glossaire
Du même auteur chez Odile Jacob
Pour en savoir plus
1. Hamadi Redissi, L’Exception islamique, Seuil, 2004, p. 20.
2. Spinoza, Traité théologico-politique, Presses universitaires de France, 1999.
3. Ibid., p. 65-67.
4. * Tous les mots suivis d’un astérisque sont expliqués dans le glossaire en fin
d’ouvrage.
5. Mohamed Charfi, Islam et liberté. Le malentendu historique, Albin Michel,
1998, p. 197.
6. La presse internationale a largement rendu compte de cette décision. Voir en
particulier « Turquie : polémique après la suppression de l’enseignement de la
théorie de l’évolution », L’Orient-Le Jour, 6 juillet 2017.
7. L’AKP (Adalet ve Kalkınma Partisi en turc), Parti de la justice et du
développement, est au pouvoir en Turquie depuis 2002.
8. Je donne des précisions sur les changements introduits après 1985 dans La
Science voilée, Odile Jacob, 1973, p. 176-179.
9. Kheireddine, Essai sur les réformes nécessaires aux États musulmans,
présenté et annoté par Magali Morsy, Edisud, 1987.
10. Habib Bourguiba, « Discours du 18 février 1960 à Tunis », Discours.
Volume VII : année 1959-1960, Publications du secrétariat d’État à
l’Information, 1976, p. 146.
11. Voir l’article de Mona Abaza, « Two intellectuals : The Malaysian
S. N. Al-Attas and the Egyptian Mohammed ‘Immara, and the islamization of
knowledge debate », Asian Journal of Social Science, 2002, 30 (2), p. 354-383.
12. Issam Toualbi-Thaâlibî, « Regards sur la société musulmane du
e
IX siècle », Revue européenne des sciences sociales, 2012, 50-1, p. 227-252.
[En ligne, https://journals.openedition.org/ress/1208, consulté le 02 février
2021].
13. Sur cette question, je m’appuierai sur le livre de l’islamologue Youssouf T.
Sangaré, Repenser le Coran et la tradition islamique. Une introduction à la
pensée de Fazrul Rahman, Albouraq éditions, 2017, chapitre V, p. 107-111.
14. Fazrul Rahman, « Islamization of knowledge : A response », Islamic
Studies, 2011, 50 (3/4), p. 449-457.
15. Youssouf T. Sangaré, Repenser le Coran et la tradition islamique, op. cit.,
p. 110.
16. Fazrul Rahman, Islam & Modernity. Transformation of an Intellectual
Tradition, The University of Chicago Press, 1982, p. 147, cité par Youssouf T.
Sangaré, Repenser le Coran et la tradition islamique, op. cit., p. 111.
17. Youssouf T. Sangaré, Repenser le Coran et la tradition islamique, op. cit.,
p. 110.
18. En particulier par le biais de la finance islamique en forte progression
depuis le début des années 1970, recouvrant des produits financiers en
conformité avec la loi coranique interdisant l’usure et le fait d’investir dans des
secteurs considérés illicites.
19. Youssouf T. Sangaré, Repenser le Coran et la tradition islamique, op. cit.,
p. 110-111.
20. Voir l’étude de José-Luis Wolfs, professeur à l’Université libre de
Bruxelles, Sciences, religions et identités culturelles. Quels enjeux pour
l’éducation ?, De Boeck, 2013.
21. José-Luis Wolfs, Coralie Delhaye, « Convictions religieuses et adoption ou
non-adoption d’une conception sécularisée de la science. Enquête réalisée
auprès d’élèves de terminale en Belgique francophone », Zeitschrift für
Religionskunde 2016, 2, p. 14-29.
22. Rapport arabe sur le développement humain 2002. Créer des opportunités
pour les générations futures, Programme des Nations unies pour le
développement, 2002, p. 87.
23. Je reprends l’expression d’Hélène Bellosta, qui intitule « Science arabe et
science tout court », sa contribution à l’ouvrage collectif Les Grecs, les Arabes
et nous. Enquête sur l’islamophobie savante, Fayard, 2009, p. 53.
24. Nasr Abou Zeid, Critique du discours religieux, Sindbad-Actes Sud, 1999,
p. 56.
1. Alain de Libera, professeur d’histoire de la philosophie médiévale, propose
de partir de l’héritage oublié, faisant référence au rôle positif des « Arabes »,
évanoui de notre mémoire « … lui qui est la trame, l’arrière-pensée de tout ce
qui suit », dans son livre, Penser au Moyen Âge, Seuil, 1991, chapitre IV, p. 98-
142.
2. Ibid., p. 106-107.
3. Dimitri Gutas, Pensée grecque, culture arabe. Le mouvement de traduction
gréco-arabe à Bagdad et la société abbasside primitive (IIe-IVe/VIIIe-Xe siècles),
traduit de l’anglais par Abdesselem Cheddadi, Aubier, 2005, p. 32-33.
4. Abdelhamid. I. Sabra, « Situating Arabic science. Locality versus Essence »,
Isis, 1996, 87, p. 654-670.
5. Dimitri Gutas, Pensée grecque, culture arabe, op. cit., p. 31.
6. Voir l’Histoire des sciences arabes, sous la direction de Roshdi Rashed avec
la collaboration de Régis Morelon, Seuil, 1997.
7. Ibid., p. 10.
8. Ibid., p. 12.
9. Abdelhamid. I. Sabra, « The appropriation and subsequent naturalization of
Greek science in medieval Islam : A preliminary statement », History of
Science, 1987, 25 (3), p. 223-243.
10. George Sarton, « La transmission au monde moderne de la science
ancienne et médiévale », Revue d’histoire des sciences et de leurs applications,
1949, 2 (2), p. 118.
11. Alain de Libera, Penser au Moyen Âge, op. cit., p. 100-101.
12. Pour reprendre l’expression de l’un des fondateurs du réformisme
musulman, Jamal Eddine Al-Afghâni, faisant le constat du décalage entre
l’Occident du XIXe siècle industrialisé et le monde musulman.
13. Dimitri Gutas, Pensée grecque, culture arabe, op. cit.
14. George Saliba, Islamic Science and the Making of the European
Renaissance, MIT Press, 2007.
15. Le zoroastrisme est une religion monothéiste, liée à son fondateur
Zarathoustra, Zoroastre pour les Grecs, originaire du nord-est de l’Iran au
premier millénaire avant notre ère, prêchant l’opposition entre le Bien,
représenté par le Dieu unique Ahura Mazda, et le Mal, et admettant une vie
après la mort et un jugement des êtres humains selon leurs mérites. Les textes
religieux du zoroastrisme sont contenus dans l’Avesta renfermant toutes les
connaissances.
16. Dimitri Gutas, Pensée grecque, culture arabe, op. cit., p. 83-84.
17. L’Empire perse achéménide (VIe-IVe siècle avant notre ère) a atteint une
extension remarquable, de l’Indus à la mer Égée et eut comme villes illustres
Babylone et Persépolis.
18. Ibn Khaldûn, Le Livre des exemples, volume I : Autobiographie,
Muqaddima, trad. française par A. Cheddadi, Gallimard, « Bibliothèque de la
Pléiade », p. 943-944.
19. Dimitri Gutas, Pensée grecque, culture arabe, op. cit., p. 80-81.
20. Ibid., p. 109.
21. Ibid., p. 182.
22. Citation d’Hélène Bellosta, in Les Grecs, les Arabes et nous, op. cit., p. 64,
extraite de Diophante, Les Arithmétiques, trad. française Roshdi Rashed, Les
Belles Lettres, 1984.
23. Ibn Al-Nadim, Fihrist, trad. B. Dodge, vol. 2, p. 383, cité par Marwan
Rashed, « Les débuts de la philosophie moderne (VIIe-IXe siècle) », in Les
Grecs, les Arabes et nous, op. cit., p. 143.
24. Dimitri Gutas, Pensée grecque, culture arabe, op. cit., p. 160.
25. Mohamed Arkoun, Essais sur la pensée islamique, G.-P. Maisonneuve et
Larose, 1973, p. 25.
26. Ibid., p. 26.
27. Roshdi Rashed, « The Arab nation and indigenous acquisition of scientific
knowledge (tawṭīn al-ilm) », Contemporary Arab Affairs, 2008, 1 (4), p. 519-
538.
28. Les Mille et Une Nuits, tome 1, trad. française par Antoine Galland,
Gallica-BNF, [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k103280c.image], p. 442-
443.
29. Dimitri Gutas, Pensée grecque, culture arabe, op. cit., p. 160.
30. Voir Roshdi Rashed, « al-Riyadiyyat », The Encyclopedia of Islam,
volume 8, Brill, 1995, p. 550b ; et « Problems of transmission of Greek
scientific thought into Arabic : Examples from mathematics and optics »,
History of Science, 1989, 27 (2), p. 199-209.
31. Dimitri Gutas, Pensée grecque, culture arabe, op. cit., p. 102 et p. 182-188.
32. Roshdi Rashed, « Les échanges culturels en Méditerranée. L’exemple de
l’optique », Revue Alliage, octobre 2008, 63, Varia.
33. Al-Kindi, Sur la philosophie première, éd. et trad. par R. Rashed et
J. Jolivet, Brill, 1997, cité par Marwan Rashed, « Les débuts de la philosophie
moderne (VIIe-IXe siècle) », in Les Grecs, les Arabes et nous, op. cit., p. 148.
34. Ibid., p. 147-153.
35. David Pingree, « Astronomy and astrology in India and Iran », Isis, 1963,
54 (2), p. 229-246.
36. Régis Morelon, « L’astronomie arabe orientale entre le VIIIe et le
e
IX siècle », Histoire des sciences arabes, op. cit., volume 1, p. 35-36.
É
34. Slim Laghmani, Éléments d’histoire et de la philosophie du droit. Le
discours fondateur du droit, tome 1 : La Nature, la révélation et le droit,
op. cit., p. 195-196.
35. Ibid., p. 198.
36. Ali Mezghani, L’État inachevé, op. cit., p. 120.
37. Majid Fakhry, Histoire de la philosophie islamique, traduit de l’anglais par
Marwan Nasr, Les éditions du Cerf, 2007, p. 246-247.
38. Ibid., p. 247.
39. Louis Gardet et M. M. Anawati, Introduction à la théologie musulmane.
Essai de théologie comparée, Librairie philosophique J. Vrin, Paris, 1970,
p. 63.
40. Ibid., p. 64.
41. Ibid., p. 64.
42. Majid Fakhry, Histoire de la philosophie islamique, op. cit. : les
développements qui suivent sont tirés de la synthèse proposée dans cet
ouvrage, p. 254 et s.
43. Jacques Berque, Le Coran. Essai de traduction, Albin Michel, 2002.
44. Ibid.
45. Ibid.
46. Majid Fakhry, Histoire de la philosophie islamique, op. cit., p. 255.
47. Nasr Hamid Abu Zayd, « Le discours religieux contemporain. Mécanismes
et fondements intellectuels », art. cit., p. 10.
48. Ibid., p. 34.
49. Abdelhamid. I. Sabra, « The appropriation and subsequent naturalization of
Greek science in medieval Islam : A preliminary statement », art. cit., p. 237.
50. Ibid., p. 240.
51. George Saliba, « Les théories planétaires en astronomie arabe après le
e
XI siècle », Histoire des sciences arabes, op. cit., p. 113-126.
31. Qasim Amin, The Liberation of Women and The New Woman, Qacim
Amin, Two Documents in the History of Égyptian Feminism, traduit par Samiha
Sidhom Peterson, The American University in Cairo Press, 2004, p. 62.
32. Ibid., p. 63.
33. Ibid., p. 72.
34. Ibid., p. 35 et s. et p. 82 et s.
35. Ibid., p. 195.
36. Ibid., p. 186.
37. Mansour Fahmy, La Condition de la femme dans l’islam, Éditions Allia,
2007.
38. Jean Lecerf, « Sibli Sumayyil, métaphysicien et moraliste contemporain »,
Bulletin d’études orientales, 1931, 1, p. 153-186, Institut Français du Proche-
Orient [en ligne : http://www.jstor.org/stable/41603380, consulté le 1-11-2020].
39. Shibli Shumayyil, Magmu’at ad-Duktur Shibli Shmayyil, volume I,
Falsafat an-nushu’ wa-l-’irtiqa’, Matb’a,al-Muqtataf (Le Caire) 1910, p. 40,
cité par Anwar Moghith, « Le darwinisme et la sécularisation de la pensée en
Égypte », Rue Descartes, 2013/2, 78, p. 57-67 [en ligne :
https://www.cairn.info/revue-rue-descartes-2013-2-page-57.htm].
40. Citation de Jean Lecerf, « Sibli Sumayyil, métaphysicien et moraliste
contemporain », art. cit., p. 184-185.
41. Anwar Moghith, « Le darwinisme et la sécularisation de la pensée en
Égypte », art. cit., p. 62.
42. « Kitab Asl al-anwaʿ » [The book Origin of Species], Al-Muqtataf, 1919,
55, p. 73, cité in Marwa Elshakry, Reading Darwin in Arabic, 1860-1950, op.
cit., p. 267.
1. Amin al-Khuli, extrait de la note conjointe à l’article Tafsir de la traduction
arabe de l’Encyclopédie de l’islam, traduit par Jacques Jomier in « L’exégèse
scientifique du Coran d’après le cheikh Amin al-Khouli », MIDEO (Mélanges
de l’Institut dominicain d’études orientales), 1957, 4, p. 278-279.
2. Mohammed Arkoun, Lectures du Coran, Alif-Éditions de la Méditerranée,
1991, p. XIX.
3. Lors de l’annonce du lancement réussi de Spoutnik 1, le nom du responsable
scientifique Sergueï Korolev (1906-1966) a été tenu secret pour des raisons
politiques. Ingénieur en aéronautique, il avait été arrêté au moment des purges
staliniennes et déporté au goulag. En 1940, tout en restant prisonnier, il
contribue aux recherches en aéronautique militaire. Il sera libéré en 1944 et
jouera un rôle clé dans la réalisation du programme spatial soviétique.
4. Ce qui suit est inspiré de l’article de Jacques Jomier, « L’exégèse
scientifique du Coran d’après le cheikh Amin al-Khouli », art. cit., p. 269-280.
5. Ibid., p. 269, note 1.
6. Sadok Mazigh, Le Coran, op. cit.
7. Ibid.
8. Ibid.
9. La traduction est de Jacques Jomier, dans le même sens que celle de Jacques
Berque, « et pourtant Nous leur avions dûment apporté un Écrit, l’articulant de
science certaine, en tant que guidance et miséricorde pour un peuple capable de
croire ».
10. Jacques Jomier, « L’exégèse scientifique du Coran d’après le cheikh Amin
al-Khouli », art. cit., p. 270.
11. Hamadi Redissi, « Lectures musulmanes modernes du Coran », Annali di
storia dell’esegesi, 1994, 11 (1), p. 267-292.
12. Voir Jacques Jomier, « L’exégèse scientifique du Coran d’après le cheikh
Amin al-Khouli », art. cit., p. 272-274.
13. Encyclopédie de l’islam, op. cit., volume 7, p. 395-396.
14. Traduction de Sadok Mazigh, comportant une note intéressante : « Il s’agit
essentiellement des questions d’ordre spirituel, religieux, moral, des points
intéressant le salut dans l’Au-delà. Les grands problèmes humains, comme
ceux du cosmos, y sont sans doute évoqués, mais nullement expliqués. »
15. Encyclopédie de l’islam, op. cit., volume 7, p. 396.
16. Jacques Jomier, « Le cheikh Tantawi Jawhari (1862-1940) et son
commentaire du Coran », MIDEO, 1958, 5 p. 115-174.
17. Traduction de Jacques Berque.
18. En Tunisie, le français reste la langue des sciences mathématiques,
physiques et des sciences de la vie et de la terre au niveau des collèges pilotes
et lycées ainsi que dans les facultés des sciences et écoles d’ingénieurs.
19. Jacques Jomier, « L’exégèse scientifique du Coran d’après le cheikh Amin
al-Khouli », art. cit., p. 269-280.
20. Ibid., p. 270
21. Voir la section, « La critique littéraire », in Hamadi Redissi, « Lectures
musulmanes modernes du Coran », art. cit., p. 284-287.
22. Jacques Jomier, « L’exégèse scientifique du Coran d’après le cheikh Amin
al-Khouli », art. cit., p. 269-280.
23. Ibid., p. 273-274.
24. Citation in Pr Mohamed Talbi et Dr Maurice Bucaille (dir.), Réflexions sur
le Coran, Seghers, 1989, p. 57.
25. Jacques Jomier, « L’exégèse scientifique du Coran d’après le cheikh Amin
al-Khouli », art. cit., p. 276.
26. Voir Pr Mohamed Talbi et Dr Maurice Bucaille (dir.), Réflexions sur le
Coran, op. cit., p. 63.
27. Bint al-Šāṭi’ [‘Ā’iša ‘Abd al-Raḥmān], Al-īmān wa l-’ilm (La foi et la
science), article d’al-Ahrām, 7 janvier 1972, ar. 39-45. La traduction de l’article
de Bint al-Shatir en français est de Robert Caspar (1923-2007), père blanc,
cofondateur du Groupe de recherches islamo-chrétien (GRIC), auteur de
plusieurs ouvrages dont le Traité de théologie musulmane, aimablement
communiquée par un des membres du GRIC.
28. Note de Robert Caspar : Le Coran, 18, 83-98, raconte l’histoire de Dû’l-
Qarnayn (Alexandre le Grand) qui part à l’extrémité orientale de la terre
(civilisée), y rencontre des peuples barbares, les Gog et Magog, qui menacent
de submerger la civilisation. Il la protège en élevant contre ces barbares une
digue faite de fer et d’airain fondus, qui durera jusqu’à la fin du monde.
29. Traduction de Robert Caspar, de l’article de Bint al-Shati.
30. Faouzia Farida Charfi, La Science voilée, op. cit., chapitre 3 : « Le
tourbillon de coïncidences », p. 85-101.
31. Jacques Jomier, « L’exégèse scientifique du Coran d’après le cheikh Amin
al-Khouli », art. cit., p. 277-279.
32. Jacques Jomier, « Quelques positions actuelles de l’exégèse coranique en
Égypte révélées par une polémique récente et suscitée par le travail de M.
Khalafallah », art. cit., p. 41.
33. Abdou Filali-Ansary, Réformer l’islam, op. cit., chapitre 1 : « Muhammad
Ahmad Khalafallah. Peut-on proposer des lectures modernes du Coran ? »,
p. 13.
34. Ibid., p. 14-15.
35. Ibid., p. 11.
36. Jacques Jomier, « Quelques positions actuelles de l’exégèse coranique en
Égypte révélées par une polémique récente et suscitée par le travail de
M. Khalafallah », art. cit., p. 70-71.
37. Voir ibid., p. 39-72, pour cette citation (Al-Risala, 24 novembre 1947, 751,
p. 1294-1295) et celles qui suivent dans cette section.
38. Nasr Abu Zayd, Reformation of Islamic Thought. A Critical Historical
Analysis, Amsterdam University Press, 2006, p. 58.
39. Abdou Filali-Ansary, Réformer l’islam, op. cit., p. 9-39.
40. Jacques Jomier, « Quelques positions actuelles de l’exégèse coranique en
Égypte révélées par une polémique récente et suscitée par le travail de
M. Khalafallah », art. cit., p. 64.
41. Le Prophète était-il illettré ? Nombreux sont les islamologues et historiens
qui pensent que le Prophète savait lire et écrire. La thèse de l’illettrisme du
Prophète soutenue par la tradition fait du texte coranique un miracle littéraire
encore plus fort. Elle est développée sur Internet pour appuyer le miracle
scientifique du Texte.
42. Abdou Filali-Ansary, Réformer l’islam, op. cit., p. 38.
43. Faouzia Farida Charfi, La Science voilée, op. cit., p. 101-111.
1. Extrait de « Les femmes dans le monde arabe », Sou’al, novembre 1983,
no 4 (Association pour le développement de la culture et de la science dans le
tiers monde), cité par Jacqueline Costa-Lascoux, « Une autre voix de l’islam »,
Hommes & migrations, février-mars 1990, no 1129-1130, p. 83.
2. Roshdi Rashed, « Recherche scientifique et modernisation en Égypte.
L’exemple de ‘Ali Mustafa Musharafa (1898-1950). Étude d’un type idéal », in
Alain Roussillon (dir.), Entre réforme sociale et mouvement national. Identité
et modernisation en Égypte (1882-1962), CEDEJ-Égypte/Soudan, 1995,
p. 275-284 [en ligne, https://books.openedition.org/cedej/1418, généré le
8 mai 2018].
3. Kheireddine Pacha (1822-1890) fut Premier ministre de la régence de Tunis
de 1873 à 1877. Il fonda en 1875 le collège Sadiki, premier établissement
d’enseignement moderne de la Tunisie, comportant l’enseignement des
sciences et des langues étrangères.
4. Faouzia Farida Charfi, « Tunisie : une thèse sur la terre plate et immobile
fait scandale », Science et pseudo-science, juillet 2017, no 321.
5. Kharroubi Amira et Touir Jamel, « The geocentric model of the Earth :
Physics and astronomy argument », The International Journal of
Science & Technoledge, 2016, 4 (8), p. 57-62. La commission des thèses de
l’Université de Sfax a rejeté la recherche proposée ainsi que tout travail publié
dans ce cadre pour des raisons d’ordre scientifique et éthique.
6. « Chercher à séparer chacune des hypothèses de la physique théorique des
autres suppositions sur lesquelles repose cette science, afin de la soumettre
isolément au contrôle de l’observation, c’est poursuivre une chimère ; car la
réalisation et l’interprétation de n’importe quelle expérience de physique
impliquent l’adhésion à tout un ensemble de propositions théoriques », Pierre
Duhem, La Théorie physique, son objet, sa structure, chapitre VI : « La théorie
physique et l’expérience », Vrin, 2007, p. 161.
7. Voir la liste sur https://beallslist.net/standalone-journals/#update (consultée
le 16 février 2020).
8. Nasr Abou Zeid, Critique du discours religieux, op. cit., p. 67.
9. Ibid., p. 22.
10. Ibid.
11. Sur l’affaire Abu Zeid, voir l’article de Beaudouin Dupret et Jean-Noël
Ferrié, « Participer au pouvoir, c’est édicter la norme : sur l’affaire Abu Zayd
(Égypte, 1992-1996) », Revue française de science politique, décembre 1997,
47 (6), p. 762-775.
12. Mansour Fahmy, La Condition de la femme dans l’islam, op. cit., p. 15.
13. Ibid., p. 16.
14. Ibid., p. 17.
15. Ibid., p. 7.