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HEINICH
CE QUE LE
MILITANTISME
FAIT À LA
RECHERCHE
N°29
TRACTS.GALLIMARD.FR
D I R E C T E U R D E L A P U B L I C AT I O N : A N T O I N E G A L L I M A R D
DIRECTION ÉDITORIALE : ALBAN CERISIER
ALBAN.CERISIER@GALLIMARD.FR
L A C ONF U S ION DE S A RÈ NE S
Ce n’est pas que ces luttes soient illégitimes en soi, bien
sûr : il ne s’agit pas de mettre en doute la légitimité des
causes défendues par ces nouveaux « académo-militants »
(encore un néologisme que l’on aurait préféré ne pas avoir
à inventer), et notamment le combat contre les discrimi-
nations basées sur le sexe, la sexualité, l’origine ethnique,
la catégorie sociale ou la religion – discriminations au
demeurant prohibées par la loi, ce qui n’empêche mal-
heureusement pas leur persistance dans la réalité des faits.
Le problème est de savoir de quelle façon y mettre fin.
Or les moyens que prétendent imposer les défenseurs
de ces causes dans le monde académique sont illégitimes 7
8 dans le contexte de leur activité professionnelle, et ce
quelle que soit la justesse des causes en question. Ils com-
mettent en effet ce que les sociologues nomment une
« confusion des arènes » entre celle, scientifique ou épisté-
mique, de la production et de la transmission du savoir et
celle, politique ou civique, de la transformation du monde
social.
Car ce n’est pas le militantisme en tant que tel qui est
critiquable, mais seulement sa pratique dans des lieux où
il n’a pas sa place. Et par « lieux » il ne faut pas entendre la
réalité topographique des établissements d’enseignement
supérieur : le militantisme syndical, voire politique, est
parfaitement admissible dans les espaces d’accueil et les
couloirs des universités. Mais une fois franchi le seuil des
amphithéâtres, une fois soumis à une revue scientifique
à expertise par les pairs, un enseignement ou un article
devrait s’affranchir de toute visée politique ou morale
au profit de la seule visée épistémique. Faut-il rappeler
que les enseignants-chercheurs sont rémunérés par leurs
concitoyens pour produire et transmettre du savoir – et
rien d’autre ? Utiliser ce privilège pour d’autres activités,
notamment militantes, qu’est-ce d’autre qu’un détourne-
ment de fonds publics ?
C’est pourtant ce que pratique et promeut ce que nous
nommerons désormais le « militantisme académique » :
terme qui, dans son sens anglais, a l’avantage de dénoter
à la fois l’enseignement supérieur et la recherche, et, dans
son sens français, de connoter une tendance peu glorieuse
L E MIL I TA N T IS M E A C A D É MIQUE A DO RE L E S S L O G A N S
À force d’être répétés, érigés en mantras ou stigmatisés en
repoussoirs, les concepts se réduisent à l’état de couteaux
suisses voire de slogans. Ainsi « la-domination » devient
une clé de lecture universelle, héritage dévoyé d’une socio-
logie bourdieusienne réduite à l’os et qui ramène l’ensemble 23
24 de notre monde commun au mieux à des rapports de force,
au pire à une guerre perpétuelle plus ou moins larvée. Son
grand frère « le-pouvoir », détourné du vocabulaire foucal-
dien, écrase sous sa fausse évidence bien d’autres façons
d’appréhender les dissymétries – violence, contrainte,
emprise, puissance, autorité, influence, fascination, cha-
risme, capacité d’action… (un bel exemple de ce que
Bourdieu lui-même aurait qualifié d’« objet préconstruit 21 »).
Quant à leur cousin « le-néo-libéralisme », il est particuliè-
rement prisé des pseudo-chercheurs indignés à l’idée qu’en
soumettant leurs travaux à évaluation on puisse introduire
concurrence et compétition dans l’univers enchanté de la
recherche : exiger d’eux une production substantielle et sui-
vie, n’est-ce pas une insulte à leur liberté, une atteinte inac-
ceptable à leurs prérogatives, tout droit issue du « dogme
néo-libéral » ?
Au sommet de la hiérarchie des slogans pseudo-savants
trône le « socialement-construit », mélange de « constructi-
visme » sociologique et de « déconstruction » philosophique
post-moderne. « C’est socialement construit » : grâce à cette
formule magique, qui épate encore les étudiants de pre-
mière année (et devrait leur être réservée), l’on fait savoir
qu’on ne croit plus à ces vieilles lunes réactionnaires que
sont la nature, la culture ou la science, qui nous interdi-
raient d’oser le changement en garantissant la nécessité et
donc l’éternité du monde tel qu’il est. « Mais le sexe, voyons,
c’est socialement construit ! » Et d’ailleurs on dit « genre »
pour ne pas risquer d’oublier cet article de foi, et aussi pour
éviter la connotation dangereusement sexuelle du mot
« sexe » qui, en français, désigne à la fois le genre gramma-
tical et la sexualité, au grand dam d’une certaine tendance
puritaine du féminisme, très présente aux États-Unis.
« Tout naturel » ou « tout social » : ce raisonnement
binaire a le défaut d’exclure par principe l’hypothèse,
pourtant raisonnable, selon laquelle la différence des sexes
constitue une intrication de données physiologiques et de
représentations imaginaires et symboliques. Et surtout, il
repose sur un sophisme trahissant une profonde incul-
ture des sciences sociales : la nécessité serait du côté de
la nature (inamovible) et la contingence du côté de la
société (arbitraire et donc malléable à volonté). Ce natu-
ralisme latent se nourrit d’un étrange aveuglement à la
force de ce qui fait société, à savoir les représentations,
les valeurs, les normes, les lois, les institutions : toutes
ces réalités au moins aussi difficiles à modifier qu’une
donnée physiologique, comme on l’a vu avec les progrès
de la procréation médicalement assistée et les intermi-
nables problèmes juridiques et éthiques qu’elle engendre.
Naturalisme rampant et individualisme forcené : voilà à
quoi sont aujourd’hui réduites les sciences sociales régies
par le slogan du « socialement construit ».
L E MIL I TA N T IS M E A C A D É MIQUE NE S ’ IN T É RE S S E
PA S B E A UC OUP A U R ÉE L
Une angliciste se définissant comme « afroféministe »,
maître de conférences à l’université de Tours, déclarait 25
L E MIL I TA N T IS M E A C A DÉ MIQUE DÉ C O U V RE L A L U NE
« La race est socialement construite » (ou le « genre », ou
la sexualité, etc.), ressassent les adeptes des études déco-
loniales. Oui, mais qu’est-ce qui ne l’est pas ? Comment
l’expérience humaine pourrait-elle ne pas être « sociale-
ment construite » puisqu’elle est faite de représentations
plus ou moins partagées, d’institutions, de normes, de lois
au moins autant que de réalités biologiques ou physiques ?
Il faut un sérieux déficit d’acculturation aux sciences
humaines et sociales pour qu’une telle assertion puisse être
autre chose qu’une découverte de la lune. Le pire est qu’elle
est présentée par ces ingénus comme une importante leçon
qu’ils auraient pour mission de délivrer au monde.
Par ailleurs il semble bien que la couleur de peau, dès
lors qu’elle est invoquée comme une cause de « discrimi-
nation », échappe à cette entreprise de « déconstruction »
par le « socialement construit ». Il y a donc deux poids,
deux mesures : on « déconstruit socialement » d’une main
ce qui dérange (la « race »), tandis qu’on essentialise de
l’autre la couleur de peau. Ou bien encore – comble de
subtilité – on fait de la « race » au singulier l’apanage 27
L E MIL I TA N T IS M E A C A DÉ MIQUE E S T M O N O M A NI A Q U E
En s’érigeant comme le défenseur d’une cause, le militant
tend à lire le monde en fonction de cette unique grille de
lecture – et c’est ce qui fait une bonne part de l’efficacité
du militantisme. Mais dans le contexte universitaire cette
force devient une faiblesse, par l’ignorance de la pluralité
des paramètres et des causalités, des ambiguïtés et ambi-
valences, et de la plasticité adaptative, qui font la com-
plexité du monde vécu et la compétence aux interactions.
Il en va ainsi de la lecture unilatérale des relations en
termes de dominants/dominés, qui fait de la « domina-
tion » non plus un concept à analyser, comme chez Weber,
mais une réalité omniprésente à dénoncer (et là, bien mal
venu qui oserait la qualifier de « socialement construite » !).
L’obsession de la « domination » ou du « pouvoir » vire à la
monomanie : adieu donc interactions et interdépendances,
jeux de langage et règles de civilité, situations d’ano-
mie et stratégies d’appartenance, pluralité des valeurs et
structures de la parenté, intériorisation de la contrainte
et contrôle de la violence – adieu donc la sociologie,
l’anthropologie, l’histoire, la démographie, etc., et leurs
formidables apports conceptuels. Le monde, enfin, est
devenu simple : il n’est plus que pouvoir et domination.
Mais vivons-nous vraiment dans un tel monde ? Et d’ail-
leurs, pourrions-nous seulement y survivre ?
Réduire une grille interprétative à un seul paramètre,
ou même à deux ou à trois (le genre, la race, la classe…),
c’est se condamner à ne voir dans la réalité observée que
ce qu’on y a injecté d’entrée de jeu : soit l’inverse de la
démarche scientifique, qui peut reposer, certes, sur des
hypothèses, mais qui doit aussi laisser advenir le doute
sur leur validité et la possibilité d’autres hypothèses, 31
32 d’autres paramètres analytiques que ceux présumés au
départ. C’est ce qu’on appelle l’esprit de découverte… La
sociologie est un exemple bien connu de discipline basée
sur la pluralité des paramètres explicatifs : n’importe quel
sondage d’opinion met en jeu une batterie de paramètres
socio-démographiques (âge, sexe, profession, origine
sociale, etc.), en se donnant pour objectif de découvrir
leur degré de pertinence explicative – ce qui interdit
bien sûr de décréter par avance que tel ou tel paramètre
serait à privilégier. Soit, une fois de plus, l’inverse de la
démarche militante.
L E MIL I TA N T IS M E A C A DÉ MIQUE CU LT I V E L E S C O NF U S IO N S
La première des confusions que commet le militantisme
académique est, nous l’avons vu, la confusion des arènes,
entre celle dévolue à la connaissance et celle dévolue à
l’action politique. Cette confusion est patente lorsque des
militants sans aucune qualification académique sont invi-
tés dans des séminaires : telle, à l’université de Limoges,
Houria Bouteldja, ex-porte-parole du Parti des Indigènes
de la République (PIR), dont les propos antisémites ont
fait scandale et qui déclara dans Mediapart que « On
ne peut pas être israélien impunément 27 » ; ou telle, à
l’EHESS, la comédienne Océane-Rose-Marie, membre
du collectif « Décoloniser les arts » et qui, dans une tri-
bune publiée en 2016, avait estimé que Bouteldja « inter-
roge l’extermination des Juifs d’Europe et son instrumen-
talisation par le projet sioniste depuis le monde colonisé ».
Mais la confusion est aussi, plus subtilement, concep-
tuelle. C’est le cas notamment avec la confusion entre
différence et discrimination, que commettent nombre
d’« études féministes ». Or, dans le premier cas on
constate que deux entités (deux personnes, deux catégo-
ries…) ne sont pas identiques, alors que dans le second
on déplore qu’elles ne soient pas égales. La différence
des sexes serait ainsi forcément synonyme d’inégalité,
comme si la différence entre deux entités ne pouvait se
penser qu’en termes hiérarchiques, quels que soient les
contextes : ce qui incite les militantes anti-discrimination
à exiger l’effacement de cette différence pour atteindre
l’égalité. Cela n’empêche d’ailleurs pas les mêmes d’exi-
ger l’affirmation de la spécificité féminine à travers l’im-
position de l’écriture inclusive : la confusion n’exclut pas
l’autocontradiction.
Autre confusion : l’affirmation selon laquelle il exis-
terait en France un « racisme d’État » ou un « racisme
systémique » confond les conduites racistes de certains
agents de l’État (illégales et sanctionnables, sinon dûment
sanctionnées) avec une politique systématique et légali-
sée de discrimination raciale – comme si la France vivait
sous un régime d’apartheid ou sous le statut des Juifs de
Vichy. Certains enseignants-chercheurs spécialisés dans
cette chimère appuient en outre leurs enquêtes sur l’auto-
déclaration (le sentiment d’une discrimination en réponse
à une question sur le sujet), au mépris des règles minimales
censées gouverner les enquêtes d’opinion. Ils s’inscrivent ce 33
34 faisant en droite ligne de la brèche ouverte par Bourdieu
avec La Misère du monde, qui avait systématisé et légitimé
l’inflexion militante de la sociologie, au prix d’entorses
flagrantes avec les règles qu’il avait lui-même édictées vingt
ans auparavant dans Le Métier de sociologue 28.
Il en va de même avec la notion discutée d’« islamo-
phobie ». Un livre qui lui a été consacré par deux cher-
cheurs se propose de faire une « description rigoureuse
des discours et actes islamophobes, en les inscrivant dans
l’histoire longue du racisme colonial29 ». Ainsi s’opère
insidieusement la confusion entre religion (islam) et
race (« racisme colonial »), par leur association présentée
comme évidente dans une même phrase. Or, de race on
ne peut pas changer, alors que de religion on est libre de
changer, ou de l’abandonner (du moins en France et dans
les nombreux pays qui ne sont pas régis par l’interdiction
de l’apostasie), ce qui fait une différence majeure entre ces
deux réalités présentées comme équivalentes. D’autre part
le racisme est proscrit par la loi, alors que la détestation
des religions est légale et même légitime pour peu qu’on
soit attaché à la liberté de conscience, l’un des grands
acquis de la Révolution. C’est dire que ce terme d’« isla-
mophobie » procède d’une double confusion, entre une
identité assignée et une identité choisie, et entre le légal
et l’illégal : n’est-ce pas problématique lorsqu’on est payé
pour enseigner les sciences sociales ?
L’on pourrait ajouter que ce concept scientifiquement
inepte est aussi utilisé de façon politiquement dange-
L E MIL I TA N T IS M E A C A DÉ MIQUE P RÉ F È R E E N T E RR E R
L E S DÉ B AT S
Face à leurs détracteurs, les académo-militants préfèrent
l’anathème à la discussion : ceux qui les critiquent, fût-ce
au nom de la qualité de la science, sont forcément « de
droite » voire, pourquoi pas, « d’extrême droite » ou encore
– soyons subtils – « néo-maccarthystes30 » ou « trumpiens31 ».
Ainsi la neutralité serait « de droite32 », affirment-ils
sans paraître réaliser qu’ils renouent ainsi avec un clas-
sique du stalinisme. Mais est-elle souhaitable ou pas, et
pour quelles raisons ? On ne le saura pas. Droite/gauche,
gauche/droite : le militantisme ne sait pas penser sans ses 37
38 béquilles en forme d’essuie-glaces, qui permettent de ne
pas avoir à répondre aux arguments qui dérangent.
Lorsque l’évitement du débat intellectuel par sa poli-
tisation ne suffit pas pour esquiver le débat, une autre
ressource de choix est la culpabilisation, avec sa face
inversée qu’est la victimisation. Par exemple, la directrice
d’un laboratoire de recherche de l’Institut d’études poli-
tiques de Grenoble accusait de « harcèlement et d’atteinte
morale violente » un collègue qui critiquait la « validité
des résultats scientifiques » d’une collègue du même labo-
ratoire, laquelle entendait placer l’« islamophobie » sur le
même plan que le racisme et l’antisémitisme33. Mais si la
discussion sur la validité d’un concept relève de l’infrac-
tion aux règles morales, faudra-t-il en déduire que, symé-
triquement, une main aux fesses constituerait une faute
épistémologique ?
Précisons que cette accusation date du 7 décembre
2020, au moment où l’enseignant en question, ainsi qu’un
collègue qui l’avait soutenu, venaient d’être publiquement
qualifiés d’« islamophobes » par un syndicat d’étudiants
aussi incultes qu’irresponsables, et ce quelques semaines
après l’assassinat de Samuel Paty pour cette même « rai-
son ». Il arrive que l’étouffement du débat sous l’invective
dépasse tragiquement la sphère intellectuelle.
Mais la meilleure parade aux objections que peut sus-
citer le militantisme académique est encore ce qu’on
nomme – et ce n’est pas un hasard là encore si le mot
nous vient des États-Unis, où le phénomène fait rage – la
CE QU E L E MIL I TA N T IS M E FA I T À L A R E CHE R C HE
Déficit de curiosité intellectuelle et de rigueur scienti-
fique, radicalisme borné, lâcheté individuelle protégée
par la meute, jouissance perverse du pouvoir exercé par la
culpabilisation, par la menace ou par la force : voilà donc
quelques-uns des effets du militantisme académique. Le 39
40 monde universitaire que nous dessinent les nouveaux
chantres de l’identitarisme et du communautarisme est
un monde intellectuellement exsangue, obnubilé par le
« genre », la « race » ou la sexualité, appauvri de toute la
richesse de nos ressources conceptuelles ; et le monde
social qu’ils tentent de construire est un monde relation-
nellement invivable, habité par la méchanceté, la hargne
et le désir de vengeance.
Après les dérives des années post-1968, nous pen-
sions en avoir presque fini avec la contamination de la
recherche par le militantisme, qui subordonne la mis-
sion épistémique à la mission politique. Eh bien non :
dans une splendide ignorance des calamités engendrées
par cette confusion dans un passé pourtant récent, nos
« universitaires engagés », trouvant sans doute que voter,
manifester, militer dans une association ou un parti ne
sont pas assez chics pour eux, tentent d’y revenir. Certes,
leurs causes ont changé : la classe sociale s’est effacée
derrière la race et le sexe36, tandis que la religion passait
chez certains du statut d’opium du peuple à celui d’éten-
dard des opprimés. Mais le fond est le même : justifica-
tion de moyens plus que douteux par la mise en avant
de causes légitimes, sur le vieux modèle du « la fin jus-
tifie les moyens » ; refus de l’autonomie de la science,
n’empêchant pas d’ailleurs la défense opportuniste de la
liberté académique dès qu’un doute est émis sur la place
de ces productions à l’université ; médiocrité intellec-
tuelle, encouragée par une division en « studies » mono-
N AT H A L IE HE INIC H
45
À l’heure du soupçon, il y a deux attitudes possibles. Celle de
la désillusion et du renoncement, d’une part, nourrie par le
constat que le temps de la réflexion et celui de la décision n’ont plus
rien en commun ; celle d’un regain d’attention, d’autre part, dont
témoignent le retour des cahiers de doléances et la réactivation d’un
débat d’ampleur nationale. Notre liberté de penser, comme au vrai
toutes nos libertés, ne peut s’exercer en dehors de notre volonté de
comprendre.
Voilà pourquoi la collection « Tracts » fera entrer les femmes et
les hommes de lettres dans le débat, en accueillant des essais en
prise avec leur temps mais riches de la distance propre à leur sin-
gularité. Ces voix doivent se faire entendre en tous lieux, comme
ce fut le cas des grands « tracts de la NRF » qui parurent dans les
années 1930, signés par André Gide, Jules Romains, Thomas Mann
ou Jean Giono – lequel rappelait en son temps : « Nous vivons les
mots quand ils sont justes. »
Puissions-nous tous ensemble faire revivre cette belle exigence.
antoine gallimard
NATHALIE HEINICH, SOCIOLOGUE AU CNRS, EST L’AUTEUR D’UNE QUARANTAINE D’OUVRAGES SUR LE STATUT D’A R-
TISTE ET L’ART CONTEMPORAIN, L’IDENTITÉ, LES VALEURS ET L’ÉPISTÉMOLOGIE DES SCIENCES SOCIALES.
MAI 2021
Ce que le
militantisme
fait à la recherche
Nathalie Heinich