Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
ET ENSEIGNEMENT MORAL
KOFFI Lopez Emmanuel Oscar /Maître-Assistant
École Normale Supérieure d’Abidjan
koffilopez@live.fr
INTRODUCTION
L’éducation est l’une des activités les plus essentielles de toute société humaine.
Aujourd’hui, avec la crise des valeurs et le regain des tensions dans le monde, la question de
son fondement se pose : quel devrait-être le socle de toute pratique éducative ? Dans cette
interrogation, se joue en réalité le débat sur les principes au cœur de l’action éducative : la
science, la culture et les valeurs. Le monde moderne étant un monde de science et de
technique, que doit être l’éducation dans un tel espace ? Comment fonder un enseignement
moral sur la culture scientifique ? L’éducation peut-elle se passer de l’éthique ? Comment
dans un environnement marqué par le culte de la technocratie est-il possible d’allier la
science, la culture et les valeurs au fondement de la dignité humaine ?
D’un autre point de vue, l’éducation peut être saisie comme l’ensemble du processus qui
octroie aux jeunes générations des connaissances ou types de comportements déterminés.
L’éducation est ainsi un procédé d’acquisition de comportement. Le comportement se définit
comme un ensemble de réactions observables chez un individu ou un groupe social. Il
désigne la manière de se conduire face à une situation et renvoie aux habitudes propres à tout
être humain. L’éducation se définit comme une transmission de comportement parce que sa
mission essentielle est de faire acquérir des règles de conduites propres à une société.
La question qui se pose est la suivante : quel type de comportement l’éducation est-elle en
droit de transmettre ? Kant (1992) répond à cette interrogation, en arguant qu’il est de son
devoir de conférer à l’individu un comportement empreint d'humanisme. L’éducation, est le
processus permettant à l’homme de passer de la nature à la culture, de la barbarie à la
civilisation, de l’animalité à l’humanité. Cette perception n’est pas différente de celle de
Durkheim (1966) : « L’éducation a pour objet de superposer, à l’être individuel et asocial que
nous sommes en naissant un être entièrement nouveau. Elle doit nous amener à dépasser
notre nature animale ». Le travail de l’éducation permet à l’homme d’échapper à sa nature
animale et de libérer les sociétés de l’emprise de la coutume propre à l’état de sauvagerie.
La vie en société est faite de règle. La dignité de l’homme réside dans sa capacité à se
conformer aux lois de la nature. L’indépendance à l’égard de la loi est sauvagerie, tandis que
la discipline soumet l’homme aux exigences de l’humanité et lui fait sentir le poids de celles-
ci. L’éducation peut être également perçue comme une source des valeurs de progrès : « La
bonne éducation de la jeunesse est le garant le plus sûr de la prospérité de l’État ».
L’éducation est le moteur du progrès social. On comprend avec Touraine (1995) que le
changement « n’est pas l’œuvre d’un despote éclairé, d’une révolution populaire ou de la
volonté d’un groupe de dirigeant ; mais bien l’œuvre de la Raison elle-même et donc surtout
de la science, de la technologie et de l’éducation ». Dewey (1958) voit en l’éducation le
moteur du progrès de la société : l’éducation est un progrès social ; elle n’est pas une
préparation à la vie, mais elle est la vie elle-même. Cette idée résume pour l’essentiel toutes
ces définitions, car en fin de compte, il s’agit avec l’éducation de « préparer chacun à vivre
pour autrui afin de revivre dans autrui ». (A. Comte, 1928).
Antoine Furetière (1978) entrevoie l’éducation comme le soin qu’on prend d’élever les
enfants et de cultiver leur esprit pour la science. L’éducation, au regard de cette idée, a la
culture scientifique pour mission. La culture désigne tout ce que l’on acquiert par expérience.
Elle renvoie à l’ensemble des traditions, des valeurs, des techniques et institutions propres à
une société. Elle est selon M. Blais (2002), « ce par quoi l’existence humaine s’élève de la
pure animalité, et au-dessus de la simple nature ». La culture est aussi cet ensemble complexe
de formes symboliques que toutes les sociétés élaborent pour comprendre et aménager le
monde commun. Pour E. Tylor (1871), « la culture désigne ce tout complexe comprenant les
sciences, les croyances, les arts, la morale, les lois, les coutumes et autres facultés et
habitudes acquises par l’homme à l’état social ». La culture représente tout ce que nous
n’avons pas à la naissance et qui nous ai donné par l’expérience. Elle est ce qui reste
lorsqu’on a tout perdu. Du latin sciencia de scire qui signifie savoir, la science, se définit
comme toute connaissance rationnelle établie à partir de l’observation, de l’expérimentation
et du raisonnement. Elle est un ensemble cohérent de connaissances relatives à certaines
catégories de faits, d’objets ou de phénomènes obéissants à des lois et vérifiées par une
méthode expérimentale. Elle se présente comme un domaine de la connaissance présentant
les caractères de rigueur, d’exigence et d’objectivité.
Le but de l’éducation est de libérer l’homme des obstacles à son épanouissement. Le rejet
des dogmes et la revendication de l’autonomie de la conscience par rapport aux traditions
susceptibles de conduire au maintien des valeurs statiques constituent un des pans du travail
de l’éducation dans son processus de libération de l’homme des forces asservissantes d’une
part et du conditionnement et de l’assujettissement de l’autre. (M. Njimon Soulé, 2012).
L’éducation est un effort fourni pour faire sortir l’homme des ténèbres de la superstition.
Elle est un moyen pour développer l’esprit critique. Cet esprit s’exerce comme la prise de
conscience par l’homme de la liberté d’agir de son propre chef et la capacité de négation de
tout enfermement dans une logique préhistorique. Il existe un lien étroit entre l’éducation et
la civilisation technoscientifique, car elle a pour rôle de faire passer l’homme d’un état
complet d’ignorance à un état de connaissances lui permettant de s’assumer pleinement dans
la société. Aujourd’hui, cette fonction épistémique de l’éducation est décriée.
L’accent est mis plus sur la formation de l’esprit critique que la formation à la vertu. La
conséquence en est qu’on assiste à la formation d’un monde en perte de repères et dépourvue
de valeurs sociales. La contestation de l’autorité, la dépravation des mœurs de même que le
rejet de la tradition sont des conséquences de cette crise de valeurs. Pour beaucoup, la cause
de cette situation est inhérente au système éducatif qui se préoccupe plus du volet scientifique
de la formation de l’individu que du volet civique et moral. Le résultat en est que nos sociétés
sont en proie à une crise d’éducation, traduite par la montée en puissance du terrorisme, de
l’intégrisme et du fondamentalisme. Les actes d’incivilités, de refus d’obéir à l’autorité, ne
sont que les formes de cette crise qui a pour origine une éducation centrées sur la
transmission des savoirs disciplinaires. Face à cette situation, il apparaît clairement que la
formation scientifique devrait avoir autant d’importance que l’enseignement moral, car en
réalité que vaut la science sans la morale ? Que vaut un grand scientifique dépourvu de
valeurs et de vertus ? Une telle personne n’est-elle pas un danger pour lui-même et pour
l’humanité ? La science, en elle-même, n’est rien sans la morale. C’est pourquoi, tout
processus d’enseignement-apprentissage ne devrait jamais perdre de vue la dimension éthique
de la formation. L’éducation lorsqu’elle n’est pas éclairée par les principes éthiques et
moraux conduit à la ruine de l’homme. Elle participe à l’anéantissement de la nature
humaine. Elle concourt à la mise en place de pensée ayant pour but la domination de
l’homme par l’homme. Une éducation sans vertu est un danger pour l’équilibre du monde car
elle conduit à l’aliénation mentale. Pour toutes ces raisons, il paraît essentiel d’accorder aux
compétences disciplinaires la même valeur que la formation à la vertu.
À l’analyse, l’éthique et la morale ont des significations très proches. Toutefois, il est
possible de trouver une nuance entre ces deux concepts, puisque le crédo de la morale est
l’impératif tandis que celui de l’éthique est le questionnement permanent. L’éducation ne
peut nullement se passer des principes éthiques et moraux en raison des nombreux
dangers liés à l’absence de vertu dans le processus d’apprentissage. De fait, une éducation
sans vertu est une menace pour l’équilibre social. Une telle éducation est de nature à
conduire à la ruine de l’humanité. Cette expression signifie la fin de l’homme.
Toutefois, la fin dont il s’agit ici n’est pas la fin au sens de finalité ; mais bien au
contraire la fin au sens de finitude existentielle. La ruine de l’homme traduit l’éclipse de
l’humanité et celle-ci n’est rien d’autre que la cessation de la vie sur terre. Ruine prend le
sens d’anéantissement, de destruction. Une éducation dépourvue d’éthique pourrait
conduire à l’anéantissement de l’espèce, puisqu’elle participe à l’avènement de personnes
qui ne se préoccupent guère des conséquences de leur découverte sur la nature humaine.
CONCLUSION
Dans cette production, se trouve posée l’une des problématiques les plus importantes
de ce début du XXIe siècle : quel devrait être le socle de toute pratique éducative ? Si pour
certains, la science et la culture sont le fondement de l’action éducative, pour d’autres encore
plus nombreux, les valeurs sociales devraient caractériser l’acte d’enseigner. Toute éducation
privée d’éthique produit des personnes n’ayant aucun respect pour la dignité humaine et qui,
de ce fait, seraient à mesure de mettre en place des théories les plus élaborées aux fins de
l’anéantissement de la nature de l’homme. Pour parvenir à la protection du monde, les
pratiques pédagogiques devraient être élaborées conformément aux lois de l’humanité.
BIBLIOGRAPHIE