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PLAN DU COURS
INTRODUCTION GÉNÉRALE
1. Qu’est-ce que l’éducation à la citoyenneté ?
2. Pertinence du cours : la citoyenneté s’apprend
3. Objectif global et objectifs spécifiques
4. Méthodologie suivie
5. Références bibliographiques
II. Des pratiques dont il faut prendre conscience pour mieux les combattre
1. Le vagabondage politique ou l’absence de convictions politiques solides
2. L’accaparement ou la manie de gouverner sans rendre de compte
3. Le syndrome d’Adam et Ève
4. La violence comme mode d’acquisition et de conservation du pouvoir
5. L’enrichissement illicite ou moralement condamnable
6. Le culte de la personnalité
Le régime parlementaire
1. Le régime présidentiel
IV. Les systèmes politiques
1. La monarchie
~3~
2. La République
3. La démocratie
CHAPITRE QUATRIÈME : POUVOIR ET AUTORITÉ : DE LA ROME ANTIQUE AUX PRA-
TIQUES CONGOLAISES
I. Deux paradigmes pour un choix décisif
1. Max Weber ou le pouvoir comme Bulamatari
2. Hannah Arendt et le chef Muhudumu
II. Repartir du Christ pour un Congo plus beau qu’avant
1. Une mémoire double et dangereuse
2. Les raisons d’espérer
INTRODUCTION GÉNÉRALE
aux libertés individuelles et collectives, aux droits de la personne proclamés dans la décla-
ration universelle des droits de l’Homme et la Charte africaine des droits de l’homme et des
peuples, mais aussi de développer des attitudes et des comportements responsables pour
vivre une vie civique et morale équilibrée et harmonieuse. Elle doit, en bref, réunir le sa-
voir, le savoir-faire et le savoir-être indispensables à l’exercice de la citoyenneté 4. »
Les analystes s’accordent sur le fait que la crise sociopolitique que traverse la République
démocratique du Congo est d’abord et surtout une crise d’homme. Après une première Ré-
publique marquée par l’instabilité politique et la rébellion muleliste et une deuxième Répu-
blique caractérisée par trente-deux ans de dictature, la troisième République est très mal
partie : corruption et détournements endémiques, absence de culture fiscale, manque de
notions élémentaires de politesse, non-respect des lois et des engagements pris, non-respect
du bien commun, ignorance des valeurs républicaines, etc. La société congolaise est à la
recherche de nouveaux repères. C’est pourquoi, pour réaliser le rêve d’un « Congo plus
beau qu’avant », dont parlent les évêques membres de la CENCO, il est certes important de
reconstruire les infrastructures socioéconomiques et de renforcer l’autorité de l’État sur
l’ensemble du territoire national, mais il est encore plus important, et très urgent, de former
des nouveaux citoyens et des nouveaux dirigeants congolais qui soient plus responsables,
plus consciencieux, plus compétents et plus honnêtes que ceux d’aujourd’hui. Le moyen le
plus efficace pour y parvenir est l’éducation à la citoyenneté. C’est donc tout logiquement,
et avec raison, que le gouvernement central a ajouté le cours d’éducation à la citoyenneté à
tous les cycles et à toutes les sections de l’enseignement en République démocratique du
Congo, y compris au niveau universitaire. Les faits renforcent la pertinence et l’urgence de
ce cours : alors qu’ils sont supposés être des modèles, beaucoup d’intellectuels congolais se
caractérisent par l’incivisme et des antivaleurs comme l’immoralité, la corruption, le clien-
télisme, la tricherie et la loi du moindre effort. Depuis des décennies, les milieux acadé-
miques congolais produisent beaucoup de diplômés mais très peu d’intellectuels modèles
qui soient des citoyens exemplaires, compétents et capables d’influencer positivement la
société. Le gouvernement de la République n’avait donc pas de choix, dans la dynamique
de la refondation de l’État congolais et la consolidation de la culture démocratique, d’édu-
quer les futurs dirigeants à une citoyenneté responsable. Cependant, pour ne pas prolonger
le contraste actuel, il est indispensable que les étudiants ne suivent pas ce cours par simple
formalité, juste pour avoir des points et monter de classe. Il ne s’agit pas d’un cours pour
avoir des point et un diplôme universitaire, il s’agit d’un cours pour apprendre à être un bon
citoyen et à vivre pleinement sa citoyenneté. Au-delà de l’acquisition des connaissances, ce
cours se justifie par l’impérieuse nécessité de faire de chaque étudiant congolais un citoyen
responsable et engagé, conscient de ses droits et de ses devoirs au sein de la société. En
plus des connaissances théoriques, les étudiants sont appelés à acquérir des attitudes et des
habilités leur permettant de vivre plus activement leur citoyenneté. Ils doivent prendre
conscience de leur mission dans la société congolaise : devenir des éveilleurs d’une ci-
toyenneté responsable auprès de leurs compatriotes. C’est pour cette raison que, en plus des
leçons magistrales, ce cours comportera une partie pratique portant sur l’exercice de la ci-
4
Mamadou Bella Baldé, Démocratie et éducation à la citoyenneté en Afrique, Paris, L’Harmattan, 2008, p.
181.
~6~
Ce cours d’éducation à la citoyenneté a pour objectif global de former des citoyens ca-
pables de participer activement à la vie sociale et politique du pays, en prenant part, de di -
verses manières, à la promotion et à la gestion d’une société démocratique, justice et pai-
sible. Pour atteindre cet objectif global, le cours se fixe des objectifs spécifiques :
4. Méthodologie suivie
Pour atteindre les objectifs fixés, le cours utilisera une méthodologie ecléptique, qui com-
bine plusieurs méthodes :
5. Références bibliographiques
Aundu, Matsanza Guy, État et partis au Congo-Kinshasa. L’ethnicité pour légitimité, Paris,
L’Harmattan, 2010.
&&&&&&
CHAPITRE PREMIER
~9~
_________________________________________________________________
LES DÉFIS DE L’ÉDUCATION À LA CITOYENNETÉ EN R. D. CONGO5
5
Voir Simon-Pierre Iyananio, L’Église catholique et l’éducation à la citoyenneté en République démocratique
du Congo, Paris, L’Harmattan, 2016, p. 29-68.
6
Concernant l’évolution économique, lire entre autres : Claudine Tshimanga Mbuyi, « Évolution de la pau-
vreté en République Démocratique du Congo » dans Stephen Maryse et Jean Omasombo (dir.), Conjonctures
congolaises. Chroniques et analyses de la RDC en 2011, Tervuren-Paris, Musée royal de l’Afrique centrale -
L’Harmattan, 2012, p. 143-170 ; Laurent Luzolela Lola Nkakala, Congo-Kinshasa. Combattre la pauvreté en
situation de post-conflit. Synergie entre l’État, le marché et le capital social, Paris, L’Harmattan, 2002 ;
Banque mondiale, « République démocratique du Congo. Vue d’ensemble ». www.banquemondiale. org/fr/
country/drc/overview (27/07/2014).
7
Gauthier de Villers, De Mobutu à Mobutu. Trente ans de relations Belgique-Zaïre, Bruxelles, De Boeck-
Wesmael s.a., 1995, p. 16.
~ 10 ~
réponse à l’allocution paternaliste du roi Baudouin le jeudi 30 juin 1960, jour de l’indépen-
dance de la RDC, Patrice Lumumba, le tout premier premier ministre du Congo, avait rap-
pelé les injustices subies par les Congolais durant l’occupation belge : « Nous avons connu
le travail harassant, exigé en échange de salaires qui ne nous permettaient ni de manger, ni
de nous vêtir ou de nous loger décemment, ni d’élever nos enfants comme des êtres chers.
Nous avons connu les ironies, les insultes, les coups que nous devions subir matin, midi et
soir, parce que nous étions nègres8. » Lumumba annonçait par la même occasion une ère
nouvelle pour les Congolais, une ère de liberté et d’égalité, de dignité et de prospérité.
D’énormes espoirs naquirent ce jour-là chez l’immense majorité de Congolais, et la RDC
prenait ainsi rendez-vous avec l’histoire. Mais ce rendez-vous sera complètement manqué.
Au lieu d’apporter la paix et le bonheur, l’indépendance apporta le chaos et la détérioration
progressive des conditions d’une vie déjà précaire pour nombre de Congolais. La Première
République fut une suite ininterrompue de querelles politiciennes, de conflits tribaux et de
sécessions9. La destitution, l’arrestation et l’assassinat du premier ministre Lumumba plon-
gèrent le pays dans une guerre civile meurtrière qui fit des milliers des morts 10. Puis arriva
ce jour du 24 novembre 1965. « À la suite d’un coup d’État, le lieutenant-général Joseph-
Désiré Mobutu prend le pouvoir à Léopoldville [Kinshasa]. Tout au long de son règne qui
débute, le président Mobutu s’attribuera le mérite d’avoir mis fin au désordre et à la frag-
mentation du pays11. » Avec Mobutu, de nouveaux espoirs naissent et un nouveau rendez-
vous est pris avec l’histoire, pour la RDC et les Congolais. Ce sera un autre rendez-vous
manqué. Avec l’imposition d’un parti unique, le MPR (« Mouvement populaire de la révo-
lution ») parti-État, et la politique de l’authenticité12 mettant en avant l’autorité incontes-
table du chef dans l’Afrique traditionnelle, le président Mobutu instaura en RDC une des
dictatures les plus abjectes du 20e siècle13. S’il est vrai que ses premières années connurent
un essor économique avéré, le règne du maréchal-président fut globalement un désastre
pour les Congolais : détérioration du tissu économique, dilapidation des fonds dans des
projets pharaoniques, corruption généralisée, détournements et impunité garantie aux vo-
leurs, etc. Des slogans comme « objectif 80 » ou « septennat du social » ont fait rêver les
Congolais mais, comme le fait remarquer Pierre Kamba : « Rien de ce qui avait été annoncé
et accompli par le pouvoir n’a grandi ni fait prospérer le pays. Tout n’était qu’idéologie,
mythe et mirage14 ». La mesure la plus suicidaire de Mobutu pour l’économie congolaise
fut la nationalisation brutale des entreprises ou la « zaïrianisation ». Selon Cléophas Kami-
tatu, cette mesure « a contribué très efficacement à ruiner ce qui restait de l’économie en-
core boiteuse pour la précipiter, non pas au bord du gouffre mais au fond du gouffre15 ».
8
David Van Reybrouck, Congo. Une histoire, Arles Cedex, Actes Sud, 2012, p. 296-297.
9
Pierre Kamba, Violence politique au Congo-Kinshasa, Paris, L’Harmattan, 2008, p. 206.
10
André-Bernard Ergo, Congo (1940-1963). Fractures et conséquences, Paris, L’Harmattan, 2011, p. 214.
11
de Villers, De Mobutu à Mobutu, p. 13.
12
Mathieu Kirongozi Bometa, De Gaulle et Mobutu. Deux figures paradoxales en quête de stabilité politique,
Paris, L’Harmattan, 2013, p. 55-61.
13
À ce sujet, lire entre autres : Évariste Tshimanga Bakadiababu, L’Occident pour ou contre la Démocratie en
Afrique. Le cas du Congo-Zaïre, Paris, L’Harmattan, 2006; Benoît Awazi Mbambi Kungua, Le Dieu crucifié
en Afrique, Paris, L’Harmattan, 2008, p. 233-235.
14
Kamba, Violence politique au Congo-Kinshasa, p. 12.
15
Cleophas Kamitatu-Massamba, ZAÏRE. Le pouvoir à la portée du peuple, Paris, L’Harmattan, 1977, p. 40.
~ 11 ~
Après la chute du mur de Berlin et le déferlement du vent de la perestroïka sur l’Afrique 16,
les Congolais se mirent à rêver à nouveau de liberté, de justice et de prospérité, comme au
jour de l’indépendance. Commença alors une contestation ouverte du régime : marches,
grèves, occupations des lieux et autres moyens de pression rendirent le pouvoir de Mobutu
de plus en plus instable. Pour éviter d’être emporté par cette vague de contestations, comme
le fut en Roumanie son ami Nicolae Ceausescu, le président Mobutu organisa une tournée à
travers le pays pour, disait-il, écouter le peuple 17. Plusieurs mémorandums lui furent dépo-
sés durant ces consultations populaires, dont celui des agents du ministère des Affaires
étrangères et celui de la Conférence des évêques catholiques 18. Le 24 avril 1990, le pré-
sident Mobutu s’adressa à la nation pour rendre compte de ce qu’il avait entendu durant les
consultations populaires. Il dissout le parti-État, annonça la démocratisation du pays et lan-
ça à cette occasion le processus de transition vers la Troisième République 19. De nouveaux
espoirs naquirent et les Congolais prirent un autre rendez-vous avec l’histoire. Comme les
précédents, ce rendez-vous fut lui aussi manqué, parce que le processus de démocratisation
tourna court. Voulue consensuelle et de courte durée, la transition politique fut non seule-
ment très conflictuelle mais aussi très longue (1990-1997). Bien plus, au lieu de déboucher
sur des élections transparentes et l’installation d’institutions démocratiques, le processus
déboucha sur la rébellion de l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération
(AFDL) et la prise du pouvoir par Laurent-Désiré Kabila le 17 mai 199720.
Quelques jours seulement après avoir été accueillis en héros, les « libérateurs » de l’AFDL
ont commencé à semer la terreur dans les villes et villages de la R.D.C. : intimidation des
personnes qui posent des questions embarrassantes au sujet de l’AFDL et de ses alliés
Rwandais et Ougandais; flagellation publique des personnes accusées de vol, escroquerie,
adultère, sorcellerie ou immoralité (jusqu’à 50 coups de fouet au ventre) ; réquisition des
biens des organisations humanitaires, confiscation arbitraire des maisons des anciens colla-
borateurs de Mobutu, etc. La peur s’installa et la désillusion fut totale.
Lorsque, pour des raisons non clairement élucidées à ce jour 21, LDK décida de renvoyer
chez eux ses parrains rwandais et ougandais, ces derniers décidèrent à leur tour de le chas-
ser du pouvoir. Recyclant la méthode qui avait fait ses preuves contre Mobutu un an plus
tôt, le Rwanda et l’Ouganda mirent sur pied une nouvelle coalition militaro-politique, le
Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD), qui lança une autre guerre à partir de
la ville de Goma, le 02 août 1998. Mais, miné de l’intérieur par un conflit de leadership
entre ses géniteurs rwandais et ougandais, dont les armées finirent par s’affronter dans la
16
Voir El Hadji Omar Diop, Partis politiques et processus de transition démocratique en Afrique noire. Re-
cherches sur les enjeux juridiques et sociologiques du multipartisme dans quelques pays de l’espace franco-
phone, Paris, Publibook, 2006, p. 23; Sekola Mosamete, L’Afrique et la Perestroïka. L’évolution de la pensée
soviétique sous Gorbatchev, Paris, L’Harmattan, 2007.
17
Dieudonné Ilunga Mpunga, Étienne Tshisekedi. Le sens d’un combat, Paris, L’Harmattan, 2007, p. 51.
18
Clément Makiobo, Église catholique et mutations sociopolitiques au Congo-Zaïre. La contestation du ré-
gime de Mobutu, Paris, L’Harmattan, 2004, p. 127.
19
Dieudonné Wamu Oyatambwe, Les mots de la démocratie au Congo-Zaïre (1990-1997), Paris, L’Harmat-
tan, 2006, p. 44-47.
20
Olivier Lanotte, Guerres sans frontières en République Démocratique du Congo, Bruxelles, Éditions Grip,
2003, p. 15.
21
Un de ses anciens opposants devenu thuriféraire du régime justifiera cette rupture par l’esprit nationaliste de
Kabila. Voir Lambert Mende Omalanga, Dans l’œil du cyclone. Les années 1997-2000 revisitées, Paris,
L’Harmattan, 2008, p. 53-78.
~ 12 ~
À la suite de l’assassinat du président LDK, dont le mystère reste entier 29, son entourage
s’empressa de désigner et d’installer au pouvoir son fils, le général-major Joseph Kabila
Kabange30, avec l’aide du Zimbabwe et de l’Angola. Comme Mobutu et LDK, le nouveau
président fut accueilli avec enthousiasme par la classe politique et la population congolaise,
à l’exception notoire de l’UDPS d’Étienne Tshisekedi et ses partisans. Feu le professeur
Philippe Biyoya disait qu’à cette époque, pour la majorité des Congolais, l’arrivée au pou-
voir de Joseph Kabila signifiait « la fin d’une histoire nationale marquée par le diktat de
l’armée et inaugurait une nouvelle histoire d’espoir d’un nouveau leadership démilitarisé et
dépolitisé. Sa légitimité ne résultait ni de sa qualité de fils et de successeur désigné ou de sa
position dans l’armée, mais plutôt de son message à la nation et de son engagement pour
une politique nationale et internationale d’ouverture, de dialogue et de paix 31 ». Un nouveau
22
Voir le rapport de l’ONG Groupe Lotus, Les rivalités rwando-ougandaises à Kisangani. Prise en otage de
la population civile, Kisangani, mai 2000. www.blog.lotusrdc.org/.../Les_rivalites_Ougando-
Rwandaises_a_Kisangani.pdf (10/06/2014).
23
Rachel Maendeleo Rutakaza, Le rétablissement et la consolidation de la paix en République Démocratique
du Congo de 1990 à 2008. Le rôle des acteurs internationaux, Paris, L’Harmattan, 2014, p. 232.
24
Marie-France Cross et François Miser, Géopolitique du Congo (RDC), Bruxelles, Éditions Complexe, 2006,
p. 12.
25
Rutakaza, Le rétablissement et la consolidation de la paix…, p. 218.
26
Voir Colette Braeckman, « La première guerre mondiale africaine », Le Soir (20 janvier 2001), p. 4.
www.archives.lesoir.be/la-premiere-guerre-mondiale-africaine-_t-20010120-Z. (10/06/2014).
27
Voir les deux documentaires « RDC : des millions de morts, un conflit oublié! » et « Du sang dans nos
portables » publiés par Mediapart en juillet 2013 sur http://blogs.mediapart.fr/blog/sam-la-touch/150713/rdc-
des-millions-de-morts-un-conflit-oublie (21/01/2015).
28
Serge Finia Buassa, Une semaine mémorable. Qui a tué Laurent-Désiré Kabila ?, Paris, L’Harmattan,
2012, p. 9-15.
29
Plusieurs thèses circulent incriminant sa garde rapprochée, l’Ouganda, le Rwanda, ou les Occidentaux. Pour
plus de détails, lire Emmanuel M. A. Nashi, Pourquoi ont-ils tué Laurent-Désiré Kabila ?, Paris, L’Harmat-
tan, 2007 ; Ngimbi Kalumvuenziko, Congo-Zaïre. Les acteurs de l’histoire, Paris, L’Harmattan, 2013, p. 197-
207.
30
Une des versions de cet événement est rapportée par Wikileaks : Trésor Kibangula, « Wikileaks - RDC :
Comment Joseph Kabila a été fait roi »,18 avril 2013. www.radiookapi.net/.../wikileaks-rdc-comment-joseph-
kabila-ete-fait-roi-jeune (01/08/2014).
31
Philippe Biyoya, Pari d’une transition apaisée en République Démocratique du Congo, Paris, L’Harmattan,
2008, p. 16.
~ 13 ~
départ venait de commencer pour la RDC et les Congolais, avec de nouvelles promesses, de
nouveaux espoirs et un nouveau rendez-vous avec l’histoire.
Pour aider la RDC à sortir de la guerre, les Nations Unies avaient voté plusieurs résolutions
à partir de 1998, dont celle créant la Mission de l’Organisation des Nations Unies au Congo
(la MONUC devenue MONUSCO en 2012)32. De négociations en négociations, plusieurs
accords de paix furent signés par les belligérants 33, et un dialogue politique inter-congolais
ouvert, sous l’égide d’un médiateur nommé par l’ONU, l’ancien président du Botswana,
Ketumile Masire. Alors que LDK sabotait ce processus 34, allant jusqu’à récuser le facilita-
teur et à sceller son bureau à Kinshasa 35, le jeune président Joseph Kabila fils relança le
dialogue inter-congolais, dont les travaux se déroulèrent à Sun City et à Pretoria en Afrique
du Sud36. Grâce aux efforts du président sud-africain Thabo Mbeki et de l’envoyé spécial
du secrétaire général des Nations Unies, le Sénégalais Moustapha Niasse 37, ce dialogue
politique aboutit à la signature de l’accord global et inclusif, qui mit officiellement fin à la
« première guerre mondiale africaine ». Aboutissement d’un long processus jalonné par
plusieurs accords politiques38, l’accord global et inclusif inaugura également une deuxième
période de transition vers la Troisième République, après celle torpillée par Mobutu (1990 à
1997). Malheureusement, comme la première, la gestion de la deuxième transition fut elle
aussi difficile, à cause notamment du manque de volonté politique des acteurs impliqués.
Les anciennes rébellions, converties en partis politiques, avaient gardé leurs armées et
continuaient à obéir à leurs parrains étrangers. Quant à la famille politique du président
Kabila, elle n’avait comme principale préoccupation que le maintien au pouvoir de Joseph
Kabila, que devaient légitimer des élections démocratiques. Malgré la lenteur et le difficile
jeu d’équilibre, le processus enregistra une avancée notable avec l’organisation du référen-
dum constitutionnel, la promulgation de la constitution du 18 février 2006, et l’organisation
des élections législatives et présidentielles la même année. L’élection de Joseph Kabila
Kabange au suffrage universel direct, et son discours le jour de sa prestation de serment
comme premier président de la Troisième République, firent naître des espoirs immenses.
On vit apparaître à Kinshasa des affiches annonçant : « Le réveil du géant ». Force est de
constater que les élections et l’entrée dans la Troisième République n’ont pas apporté aux
Congolais la paix, la justice et la prospérité attendues. Dix ans après les élections histo-
riques de 2006, la RDC n’est toujours pas dotée d’une armée capable de sécuriser entière-
ment le pays, le gouvernement a du mal à restaurer l’autorité de l’État sur l’ensemble du
territoire national, à combattre la corruption et à décentraliser fortement le pays comme le
32
Voir la Résolution 1279 (1999) adoptée par le Conseilde sécurité à sa 4076 e séance, le 30 novembre 1999.
www.un.org/fr/documents/scres.shtml (23/07/2014).
33
Jean-Claude Willame, « Le processus de paix en RDC après Lusaka ». www.ua.ac.be/objs/00111791.pdf
(23/07/2014).
34
Sissa Le Bernard N’zapa A Nai Colo, Laurent-Désiré Kabila. La longue marche pour un bref destin, Paris,
L’Harmattan, 2013, p. 163-164.
35
Tshibangu Mwamba, Congo-Kinshasa ou la dictature en série, Paris, L’Harmattan, 2007, p. 196-198.
36
Paule Bouvier et Francesca Bomboko (coll.), Le dialogue intercongolais. Anatomie d’une négociation à la
lisière du chaos. Contribution à la théorie de la négociation, Paris, L’Harmattan (coll. Cahiers Africains nos
63-64), 2004, p. 253-258.
37
Vital Kamerhe, « RD Congo : Heurts et malheurs d’un long processus de paix ».
www.pambazuka.org/fr/category/features/64036 (23/07/2014).
38
Henri-Pensée M’Pereng, Histoire du Congo-Kinshasa indépendant, Paris, L’Harmattan, 2012, p. 156.
~ 14 ~
stipule la constitution. Dans l’Est du pays, des groupes armés nationaux et internationaux
restent très actifs, semant la mort et la désolation. De tous les espoirs suscités par l’entrée
dans la troisième République, il reste des slogans sur lesquels les Congolais ironisent allé-
grement : « finie la recréation », les « cinq chantiers39 », « la révolution de la modernité ».
Au regard de ces multiples rendez-vous manqués et de ces espoirs gâchés, certaines ques-
tions se posent inévitablement : pourquoi, depuis des décennies, la RDC n’est-elle pas ca-
pable de se trouver des citoyens responsables et aptes à bien la gouverner ? Pourquoi les
populations congolaises continuent-elles à voter et à danser pour des acteurs politiques
qu’elles jugent responsables de leur malheur ? Pourquoi, depuis des décennies, les masses
congolaises se résignent-elles à vivre dans la misère et dans l’humiliation, exploitées et
continuellement manipulées par des gouvernants, hommes et des femmes, qui ont fait
montre d’un manque flagrant de nationalisme et de responsabilité dans la gestion de l’État ?
Un des enjeux centraux dans cette succession des rendez-vous manqués semble être celui
de la mémoire collective du peuple congolais. Les Congolais donnent l’impression d’avoir
une mémoire courte qui les fait replonger dans les erreurs du passé, alimentant ainsi un re-
tour continuel à la case de départ. Ne pas se souvenir de ses erreurs conduit à les répéter
continuellement. C’est pour cette raison que nous pensons qu’il est important de faire
prendre conscience aux étudiants de certaines pratiques politiques que tout bon citoyen
congolais doit combattre, si nous voulons construire une société démocratique et prospère
dans ce pays.
II. Des pratiques dont il faut prendre conscience pour mieux les combattre
Nous ne traiterons ici que des éléments négatifs qui constituent des obstacles à la recons-
truction et à l’instauration d’un État de droit en RDC et, par ce fait même, constituent aussi
des défis pour l’éducation à la citoyenneté. Ce choix ne signifie nullement qu’il n’existerait
rien de positif dans la gouvernance actuelle de la RDC. Ce n’est pas par hasard que ce pays,
menacé de balkanisation, pillé et ruiné par l’amateurisme et la mauvaise foi de ses diri -
geants, reste malgré tout uni et conserve des chances de se redresser un jour. C’est certaine-
ment parce qu’il y a des Congolais qui, en assumant une citoyenneté responsable, par leur
honnêteté, par leur patriotisme et par leur esprit de sacrifice, réussissent chaque jour à sau-
ver ce qui peut encore l’être de ce bateau à la dérive. Les éléments négatifs dont il est ici
question ne sont pas non plus des clichés fabriqués par notre imagination mais des constats
faits à partir des phénomènes et des pratiques objectivement vérifiables sur le terrain. Notre
but n’est pas de les expliquer mais de les mettre en lumière, afin d’en souligner l’impact
négatif sur la vie de Congolais et l’exercice de la citoyenneté dans ce pays. Nous voulons
aussi, une fois de plus, démontrer la nécessité d’éduquer tous les Congolais, en particulier
la jeunesse estudiantine, à la citoyenneté.
39
Olivia Marsaud, « RDC. Les chantiers de Kabila », 5 décembre 2006. www1.rfi.fr/actufr/articles/084/ar-
ticle_47988.asp (26/07/2014).
~ 15 ~
À ce titre, les manœuvres des hautes sphères ne relèvent pas même de l’oppor-
tunisme visant à gagner des points au sein même de la sphère politique : la plu-
part des acteurs politiques sont plutôt des personnes à la recherche d’emplois,
des positions rémunératrices destinées à assurer leur propre survie. Vu sous cet
angle, leur activisme politique s’inscrit dans le cadre d’une ambition matéria-
liste et triviale : pouvoir manger, avoir une maison, posséder une voiture, etc.
Or, à Kinshasa, cette ambition ne se réalise que par le biais de tricheries de
toutes sortes41.
Contrairement à ce qui se passe dans les démocraties occidentales, où la gauche (les socia-
listes) se démarque clairement de la droite (les conservateurs ou les républicains) et du
centre (les sociaux-démocrates), la différenciation idéologique est une pure fiction en RDC.
Il est vrai que, dès avant l’indépendance du pays, certains acteurs politiques congolais se
disent fédéralistes et d’autres unitaristes. Certains partis politiques s’affichent sur papier
comme des libéraux, d’autres comme faisant partie de la social-démocratie. Mais, ces cli-
vages idéologiques restent très marginaux et ne transparaissent guère dans les pratiques
politiques des uns et des autres. Sans racines idéologiques, sans convictions politiques
fermes, les acteurs politiques congolais vagabondent, changeant d’allégeances sans scru-
pule, à la recherche des postes politiques qui donnent accès à l’argent et aux honneurs42.
Lié à la politique du ventre, le deuxième constat qui ressort de l’analyse du contexte socio-
politique congolais est la manie de gouverner sans rendre de compte. Dans l’imaginaire
40
Jean-François Bayart, L’État en Afrique. La politique du ventre, Paris, Fayard, 2006.
41
Athanase Nzeza Bilakila, « La “coop” à Kinshasa : survie et marchandage » dans Theodore Trefon (dir.),
Ordre et désordre à Kinshasa. Réponses populaires à la faillite de l’État, Tervuren, Musée royal de l’Afrique
centrale, 2004, p. 44-45.
42
Voir Olivier Dioso, « L’homme politique congolais demeure celui d’avant 1997 », 16 mai 2014.
www.lepotentielonline.com/index.php?...politique-congolais (24/07/2014).
~ 16 ~
collectif des Congolais, le pays et ses richesses appartiennent à ceux qui les gèrent. La
conception traditionnelle africaine du chef pourrait justifier ce phénomène qui pourrait aus-
si s’expliquer autrement. Quelle qu’en soit la source, il est un fait que les gouvernants
congolais ne croient pas avoir l’obligation de rendre compte de leur gestion aux citoyens, et
ces derniers ne croient pas avoir le droit de demander des comptes à ceux qui gèrent le
pays. Il est très frappant de voir comment, les rares fois que l’État congolais construit un
tronçon de route, un pont, un centre de santé ou une école dans un village ou dans une ville,
les autorités locales présentent toujours la réalisation comme une libéralité, un cadeau du
président de la République. Alors que le projet a été réalisé avec l’argent des contribuables,
c’est la bonté et la magnanimité du chef de l’État qui sont mises en avant, jamais son obli-
gation de rendre compte de la gestion des fonds des contribuables. En cette matière, le ré-
gime Kabila ne fait que reproduire ce que faisait Mobutu sous la deuxième République.
Juste un exemple : le 25 septembre 1974, le président Mobutu organisa à Kinshasa « le
combat du siècle » entre les boxeurs George Forman et Muhammad Ali. Cette mégaloma-
nie occasionna des dépenses faramineuses, que le simple bon sens aurait déconseillées à un
pays sous-développé comme la RDC43. Non seulement le président Mobutu dilapida l’ar-
gent des contribuables dans ce projet trop dispendieux, mais l’affiche publicitaire présentait
clairement ce combat comme « un cadeau du président Mobutu au peuple zaïrois44 ».
Autre illustration : l’enclavement de l’arrière-pays. Sans route, sans eau potable et sans
életricité, plusieurs cités et villages du Congo profond illustrent bien cette culture du gou-
verner sans rendre de compte. Un exemple : depuis la fin des années 1970, la route reliant
la cité de Shabunda à Bukavu (la capitale provinciale du Sud-Kivu), longue d’environ 320
km, est impraticable. Depuis près de quarante ans maintenant, à cause des éboulements et
de l’absence de ponts sur quelques rivières, les voitures et les camions ne peuvent circuler
entre Bukavu et Shabunda. Pour se déplacer d’un village à un autre, la population marche
des journées entières, les bagages au dos ou sur la tête. Les commerçants se ravitaillent par
avion, ce qui fait exploser les prix des produits manufacturés. Alors qu’elle était jadis le
principal axe de ravitaillement en produits de première nécessité et d’exportation des pro-
duits miniers et agricoles, l’impraticabilité de la route Shabunda-Kigulube-Bukavu a tué
l’économie locale et plongé les habitants dans la misère. À chaque élection, les candidats la
présentent comme la priorité numéro un de leur mandat. Des gouverneurs ont plusieurs fois
annoncé sa réouverture, des cérémonies de lancement des travaux ont même été organisées.
Mais quarante ans après, la route reste impraticable. Ni le gouvernement provincial ni le
gouvernement central ne se sentent obligés d’expliquer à la population de Shabunda pour-
quoi, depuis quarante ans, l’État congolais n’arrive pas à réhabiliter moins de trois cents
kilomètres d’une route en terre battue, dont dépend pourtant la vie d’une population estimée
à plus de cinq cent mille habitants. Des exemples de ce type sont légion. Les futurs gouver-
nants que sont les étudiants doivent prendre conscience de ce défi et se préparer à le rele-
ver.
43
Voir Emmanuel Dungia Mobutu et l’argent du Zaïre. Les révélations d’un diplomate ex-agent des services
secrets, Paris, L’Harmattan, 1993, p. 33; Glenito, « Le combat du siècle : Kinshasa vit toujours dans l’ombre
de Mohamed Ali », 8 juillet 2009. http://glob.bargeo.fr/fr/actualite/politique/le-combat-du-siecle-kinshasa-vit-
toujours-dans-lombre-de-mohamed-ali/ (22/01/2015).
44
Kalumvuenziko, Congo-Zaïre, p. 113.
~ 17 ~
Dans un pays où les dirigeants refusent de rendre compte de leur gestion, la culture de l’ir -
responsabilité se développe incontestablement. Occupant le bas-fond de l’indice de déve-
loppement humain depuis plusieurs années maintenant, la RDC fait partie des « États
faillis46». Selon Le dico du commerce international :
Il est vrai que la notion d’État failli ne fait pas l’unanimité 48, mais elle permet de souligner
l’incapacité d’un État à assumer ses obligations régaliennes 49, à cause notamment du dys-
fonctionnement de ses institutions. C’est le cas de la RDC depuis des décennies. Ce pays va
mal, il va même très mal depuis les années 1980. Pourtant, à entendre ses acteurs poli-
tiques, anciens et nouveaux, aucun d’eux ne serait ni coupable ni responsable de ce dé-
sastre. Comme dans le récit biblique d’Adam et Ève (Genèse 3, 9-14), chacun rejette la
responsabilité du marasme socioéconomique congolais sur l’autre : les partis d’opposition
sur la majorité au pouvoir, la Troisième République sur la Deuxième, les gouvernés sur les
gouvernants, les jeunes sur leurs aînés, etc. C’est ce que nous appelons le syndrome
d’Adam et Ève, une sorte de gangrène de l’irresponsabilité qui ronge la classe politique et,
avec elle, la société congolaise dans son ensemble. En faisant référence au récit biblique,
nous ne sous-entendons pas une quelconque malédiction divine dont les Congolais seraient
frappés. D’ailleurs, dans le récit biblique lui-même, « il n’y a pas de malédiction d’Adam et
Ève. Pas plus du travail. Seuls sont maudits le serpent et la terre (qui représentent le chaos
primitif). Ce chaos, c’est le monde sans projet, laissé à lui-même, désorganisé 50 ». Juste-
ment, pour mettre fin au chaos dans lequel gît la RDC aujourd’hui, il faut que les Congolais
assument, devant Dieu et devant l’histoire, leur responsabilité de gestionnaires de la créa-
tion. Malheureusement, avant et après l’indépendance, les gouvernants de la RDC ont sou-
45
Ce titre a déjà été utilisé par d’autres chercheurs mais avec une autre approche : I. K. Kornakares, « Le
syndrome d’Adam et Ève », Gregorios o Palamas Thessaloniki, 62 (1979), nos 672-673, p. 145-151.
46
Un collectif très éclairant a été publié sur cette question : Jean-Marc Châtaigner et Hervé Magro (dir.), États
et sociétés fragiles. Entre conflits, reconstruction et développement, Paris, Karthala, 2007.
47
www.glossaire-international.com/pages/tous-les-termes/etat-failli.html (01/08/2014).
48
Kathia Légaré, « État failli », 14 février 2008.
http://www.operationspaix.net/51-resources/details-lexique/etat-failli.html (22/01/2015).
49
Émile Bongeli Yeikelo Ya Ato, Mondialisation. L’Occident et le Congo-Kinshasa, Paris, L’Harmattan,
2011, p. 136-155.
50
Didier Crouzet, Travailler, faire son marché, lire la Bible, Lyon, Éditions Olivetan, 2006, p. 109.
~ 18 ~
vent accusé les autres au lieu d’assumer pleinement la responsabilité de leurs actes, de leurs
échecs ou de leur inaction.
Les Belges disent n’avoir rien à se reprocher parce qu’à l’indépendance, la RDC était parmi
les pays les plus prospères de l’Afrique. Ce n’est pas faux, mais les Belges oublient de dire
qu’ils n’ont jamais préparé une élite congolaise capable de gouverner le pays. La première
université congolaise (l’Université Lovanium devenue Université de Kinshasa) date de
1954, et les quatre premiers partis politiques 51 (MNC, UPCO, MPNC, CONAKAT) datent
seulement de 1958, à la veille de l’indépendance. Avant cela, il était strictement interdit aux
Congolais de mener une activité à caractère politique. Comme les mutuelles tribales étaient
autorisées, certaines se muèrent en partis politiques. C’est le cas de l’ABAKO (Alliance des
Bakongo). À part ceux qui avaient fait un peu de philosophie au grand séminaire avant d’en
être renvoyés pour diverses raisons, les premiers politiciens congolais n’avaient jamais fait
d’études postsecondaires. Dans l’armée, aucun Congolais n’avait le grade d’officier. En
refusant d’envisager l’indépendance, en interdisant aux Congolais de s’exercer à la poli-
tique, en les excluant de la prise des décisions sur l’avenir du pays avant de leur accorder
précipitamment l’indépendance, les Belges n’ont-ils pas préparé le déluge après leur dé-
part ? Avec des politiciens néophytes et des partis politiques créés sur une base tribale ou
clanique, l’indépendance congolaise avait des allures d’un échec programmé. Comme
l’écrit Nimy Maidika, c’était une indépendance « sans “esprit”, sans culture démocratique
légués par le colonisateur. Sans cadres préparés à la gestion économique, administrative,
judiciaire, militaire du pays. Tout au plus une montagne de bonne volonté chez nos “pères
de l’indépendance”52 ». En plus, il leur manquait l’argent nécessaire au bon fonctionnement
des institutions53, sans compter le très déstabilisant soutien militaire belge à la sécession du
Katanga. On peut donc logiquement parler, avec Colette Braeckman, d’une décolonisation
calamiteuse, volontairement bâclée54 par les Belges.
Côté congolais, c’est la même chose. Le premier président, Joseph Kasavubu, est souvent
présenté comme le politicien le plus sage et le plus propre que la RDC ait connu. Pourtant
c’est lui qui, par sa tentative de destituer illégalement le premier ministre Lumumba, dé-
clencha la grave crise politico-juridique qui grisa la machine démocratique de la Première
République55. Sa décision injustifiée de destituer le premier ministre Moïse Tshombe, vain-
queur des législatives, et son entêtement à le remplacer par Cyrile Adoula, très impopulaire
et recalé par les deux chambres du parlement, plongea le pays dans une crise politique dont
profita l’armée pour prendre le pouvoir le 24 novembre 1965 56. Kasavubu était également
un homme très impulsif. Durant la table ronde de janvier 1960, qui préparait l’indépen-
dance, ses décisions unilatérales et ses absences remarquées mirent gravement à mal le car-
tel ABAKO-PSA. De même, la guerre qu’il mena contre la famille Kanza au sein de
51
Guy Aundu Matsanza, État et partis au Congo-Kinshasa. L’ethnicité pour la légitimité, Paris, L’Harmattan,
2010, p. 88.
52
José Patrick Nimy Mayidika Ngimbi, Je ne renie rien Je raconte… L’histoire d’un parcours sur un par-
cours d’histoires, Paris, L’Harmattan, 2006.
53
Isidore Ndaywel è Nziem, Histoire générale du Congo. De l’héritage ancien à la république démocratique,
Bruxelles, Duculot, 1998, p. 578.
54
Voir Colette Braeckman (dir.), Congo 1960, échec d’une décolonisation, Waterloo, Éditions André Ver-
saille, 2010.
55
Alain Fogue Tedom, Enjeux géostratégiques et conflits politiques en Afrique noire, Paris, L’Harmattan,
2008, p. 150-151.
56
Kamba, Violence politique au Congo-Kinshasa, p. 199-205.
~ 19 ~
l’ABAKO a miné ce grand parti politique, qui en est presque mort 57. Pour leur part, les lu-
mumbistes nagent dans la victimisation et passent leur temps à accuser indistinctement Ka-
savubu, Mobutu, les Belges et les Américains d’être les instigateurs des troubles politiques
ayant conduit à la mort de Lumumba et à l’instauration d’un régime néocolonial en RDC. Il
y a certainement du vrai dans ces accusations, comme l’ont démontré le livre de Ludo de
Witte58 et le rapport de la Commission d’enquête du parlement belge sur la mort de Lu-
mumba59. Mais l’intransigeance de Lumumba60, les rivalités internes qui ont conduit à la
désintégration du MNC61, les erreurs politiques de Lumumba, comme sa décision de mater
dans le sang la sécession du Kasaï62, et les crimes commis par les Lumumbistes pendant la
rébellion de 1963-196463 sont des faits historiques attestés64, dont les conséquences sur
l’avenir du pays ont été néfastes65. Le discours de Lumumba le 30 juin 1960 a certainement
exprimé la voix des masses congolaises mais, comme le dit David Van Reybrouck :
Le moment ne pouvait être plus mal choisi. C’était le jour où le Congo accédait
à l’indépendance, mais Lumumba parlait comme si on était encore en pleine
campagne électorale […]. Le discours de Lumumba eut donc une portée impor-
tante, mais un impact problématique […]. Et par rapport aux discours véritable-
ment grandioses de l’histoire […] celui de Lumumba contenait un regard tourné
plutôt vers le passé que vers l’avenir, plus de colère que d’espoir, plus de ran-
cune que de magnanimité, et donc reflétant plus l’esprit d’un rebelle que celui
d’un homme d’État66.
Depuis l’indépendance, les Congolais ont vu défiler des acteurs politiques dont le principal
programme politique, souvent le seul, était de s’en prendre à leurs adversaires politiques : à
la veille de l’indépendance, les principaux leaders politiques congolais accusaient l’admi-
nistration belge de tous les maux dont souffraient les Congolais ; pendant la rébellion mule-
liste, les Lumumbistes ont fait des discours incendiaires contre le gouvernement de Kinsha-
57
Mahaniah Kimpianga Kasa-Vubu, Lumumba et l’indépendance du Congo. 1956-1960, Paris, L’Harmattan,
2013, p. 179-190.
58
Ludo de Witte, La mort de Lumumba, Paris, Karthala, 2000, p. 127-277.
59
François Durpaire, Les États-Unis ont-ils décolonisé l’Afrique noire francophone?, Paris, L’Harmattan,
2005, p. 280-284.
60
de Witte, La mort de Lumumba, p. 191.
61
Kimpianga, Kasa-Vubu, Lumumba et l’indépendance du Congo, p. 47-154.
62
Nziem, Histoire générale du Congo., p. 579.
63
Kamba, Violence politique au Congo-Kinshasa, p. 193.
64
Ergo, Congo (1940-1963), p. 214.
65
Jean-Paul Sartre, « La Pensée politique de Patrice Emery Lumumba ». http://www.kongo-kinshasa. de/do-
kumente/lekture/lumumba.pdf (22/01/2015).
66
Van Reybrouck, Congo, p. 297-298.
67
Kalumvuenziko, Congo-Zaïre, p. 159.
68
Ibid., p. 198-199.
~ 20 ~
sa et ordonné de fusiller les militaires de l’armée nationale congolaise (ANC) qui avaient
été faits prisonniers. Ils ont sciemment fait exécuter l’élite surnommée les “Penepene”
(membres du PNP ou Parti National du Progrès, considérés comme antirévolutionnaires 69.
Lorsque l’AFDL a installé ses comités populaires (CPP) ou Chembechembe, les meetings
de ses responsables consistaient en une diatribe contre Mobutu et les politiciens de la
Deuxième République. De même, les différents responsables du RCD, du MLC, du CNDP
et du M23 n’avaient comme principal programme à soumettre à la population congolaise
que le rappel des défauts du régime Kabila père et fils, que certains accusaient d’avoir
confisqué la révolution du 17 mai 1997.
Encore une fois, il ne s’agit pas de noyer la culpabilité et la responsabilité de certains déci-
deurs politiques dans une responsabilité collective de tous les Congolais. Il s’agit simple-
ment de mettre en lumière un phénomène récurrent en RDC. Le syndrome d’Adam et Ève
requiert un travail minutieux d’éducation à la citoyenneté, de manière à ce que chaque
congolais en général, et chaque acteur politique en particulier, reconnaisse sa part de res-
ponsabilité, si minime soit-elle, dans une dynamique globale de changement des mentalités
et de conversion des cœurs (Ap 2,5-16; Lc 19,1-10). Apprendre à assumer ses erreurs et à
se corriger est nécessaire pour reconstruire la société congolaise et faire prospérer le pays,
ce jardin d’Éden confié aux Congolais (Gn 1,28) que le mensonge, l’orgueil, l’égoïsme,
l’incompétence et l’irresponsabilité des hommes ont transformé en enfer. Les étudiants
congolais, citoyens et futurs gouvernants du pays, doivent prendre conscience de cet autre
défi et apprendre à le relever au quotidien.
Même si tous les humains l’expérimentent régulièrement, comme auteurs ou comme vic-
times, la violence reste un concept difficile à saisir. « Une définition classique et restrictive
de ce terme fait appel à son étymologie latine : vis (force) et latus (participe passé de fero,
qui signifie porter). La violence est donc le fait de porter une force sur quelqu’un ou sur
quelque chose. Cette définition est celle de la violence physique, la plus durement ressentie
et la plus visible. Mais les choses se compliquent dès lors que l’on cherche à appréhender
les notions de violences douces, selon l’expression de Michel Foucault70.
Nous situant au niveau phénoménologique, sur le seul plan de l’observation des faits, dans
le but de mettre en lumière ce phénomène, nous n’entrerons pas dans l’analyse conceptuelle
de la violence et ses multiples dimensions : violence politique, violence économique, vio-
lence psychologique, violence structurelle, etc. À cette fin, les étudiants pourraient consul-
ter les écrits de Thomas Hobbes, Karl Max, Max Weber, Hannah Arendt, Michel Foucault,
Yves Michaud. Ils pourraient aussi se référer à Pierre Bourdieu, qui parle de la violence
symbolique, ou à Philippe Braud qui considère qu’il « est réducteur de penser la violence
uniquement à travers les atteintes physiques aux personnes ou aux biens 71 ». Il y a égale-
ment les écrits de Xavier Crettiez, qui a analysé le lien entre la violence et le nationalisme,
69
Jean Pierre Sonck, « Bukavu, amère défaite des Simba ». www.congo-1960.be/Operation_Bukavu_ Amere_
Defaite_Des_Simba.html (29/07/2014).
70
« Comprendre la violence », Labyrinthe (2000), no 5. http://labyrinthe.revues.org/286 (19/10/2016).
71
Pierre Bourdieu, Langage et pouvoir symbolique, Paris, Le Seuil, 2001; Philippe Braud, « Violence symbo-
lique et mal-être identitaire », Raisons politiques (2003) n°9, p. 33-47.
~ 21 ~
et les écrits de Pierre Kamba, qui distingue la violence de l’État de la violence politique 72.
Si leurs approches sont différentes, toutes ces études montrent, comme le dit Pascal Picq :
[Qu’il] existe une longue tradition en philosophie politique qui lie étroite-
ment la politique et le pouvoir au contrôle et à l’exercice de la violence,
jusqu’à considérer que c’est le seul moyen, comme chez Thomas Hobbes,
Karl Max et Max Weber. Machiavel et Hannah Arendt admettent l’impor-
tance de la violence dans les enjeux politiques du pouvoir mais en souli-
gnant que la multitude peut toujours être plus forte que quelques indivi-
dus abusant du pouvoir par la force. La violence seule ne suffit pas,
comme pour Togoli et d’autres73.
Notre propos ici ne concerne donc que la violence physique (tortures, coups et blessures,
meurtre, usage des armes à feu et des armes blanches) à des fins politiques. Nous observons
combien le recours systématique à la violence est une réalité constante de la vie politique
congolaise. Pour accéder ou se maintenir au pouvoir, les acteurs politiques de ce pays usent
constamment de la violence : Lumumba, le chef du premier gouvernement du Congo indé-
pendant, a été assassiné74 ; Kasavubu, le premier président, a été renversé par un coup
d’État militaire ; Mobutu, arrivé et resté au pouvoir par la force 75, en a été chassé par les
armes ; Laurent-Désiré Kabila, arrivé au pouvoir par les armes, a été abattu dans son bureau
de travail le 16 janvier 2001. Du RCD au M23 en passant par le MLC, le CNDP, les Bundu
dia Kongo, les Enyelé, les Maï Maï et les Raïa Mutomboki, les tentatives de prise de pou -
voir par les armes sont le lot quotidien des populations congolaises 76 et ce n’est pas nou-
veau. Bien avant l’arrivée des Belges, dans les « empires satellites 77 » de l’Est et du Sud-Est
de la RDC, les chefs arabo-swahilis, Tippo Tip et Msiri, imposaient leur autorité par la vio-
lence, en organisant des razzias dans des villages pour capturer des esclaves qu’ils reven-
daient aux abords de l’océan Indien. Pendant ce temps, dans l’Ouest de la RDC, la traite
négrière et l’esclavage nourrissaient le commerce sur l’océan Atlantique 78. À l’époque de
l’EIC (1885-1908), le régime du roi Léopold II n’hésita pas à faire couper les mains de
Congolais pour obliger l’ensemble de travailleurs à produire plus de caoutchouc 79. Durant
la période coloniale (1908-1960), les Belges renforcèrent la pratique de la chicotte, type de
fouet déjà utilisé pendant la traite des esclaves et sous l’État Indépendant du Congo (EIC) 80.
L’indépendance n’a rien changé à cette culture politique de la violence, elle l’a même exa-
72
Xavier Crettiez, Violence et nationalisme, Paris, Odile Jacob, 2006; Kamba, Violence politique au Congo-
Kinshasa, p. 44.
73
Pascal Picq, L’homme est-il un grand singe politique ?, Paris, Odile Jacob, 2011, p. 254.
74
de Witte, L’assassinat de Lumumba, p. 275.
75
José Mulenda Zangela, Le Congo-Kinshasa est un eldorado. À qui profite-t-il ?, Paris, L’Harmattan, 2010,
p. 127.
76
Emmanuel Chaco, « La vie reprend petit à petit à Mbandaka, mais la peur subsiste ».
http://www.ips.org/fr/rd-congo-la-vie-reprend-petit-a-petit-a-mbandaka-mais-la-peur-subsiste/ (22/01/2015) ;
Thomas Serge Kivouele, La quête de l’identité culturelle dans les associations religieuses d’origine congo-
laise. Cas de Bundu Dia Kongo (B.D.K). Mémoire de maîtrise en sociologie, université Marien Ngouabi,
Brazzaville, 2007. http://www.memoireonline.com/03/12/5528/m_La-qute-de-lidentite-culturelle-dans-les-
associations-religieuses-d-origine-congolaise-cas-de0.html (21/01/2015) ; Philippe Biyoya Makutu Kahandja,
Pari d’une transition apaisée en République Démocratique du Congo, Paris, L’Harmattan, 2008, p. 9.
77
Médard Kayamba Badye, « Cités pré-coloniales dans les États du Katanga cuprifère (XIX e siècle) » dans
Maurice Amuri Mpala-Lutebele (dir.), Lubumbashi, cent ans d’histoire, Paris, L’Harmattan, 2013, p. 219.
78
Van Reybrouck, Congo. Une histoire, p. 38.
79
Voir Adam Hochschild, Les fantômes du roi Léopold II. Un holocauste oublié, Paris, Belfond, 1998.
~ 22 ~
cerbée. Or, une gestion de l’État fondée sur la violence physique ne saurait conduire à
l’avènement d’une vie démocratique dans le pays. Les étudiants sont invités à prendre
conscience de ce défi et s’engager à le relever.
Bien qu’elle soit liée au vagabondage politique, nous présentons séparément une pratique
de la vie publique congolaise : l’enrichissement illicite ou moralement condamnable. Par
enrichissement illicite, nous entendons l’accumulation des biens de manière illégale, c’est-
à-dire non conforme à la loi, tandis qu’un enrichissement moralement condamnable peut
être légal mais choquant sur le plan éthique ou moral. Il serait naïf et même injuste de de-
mander à ceux et celles qui s’engagent en politique, comme acteurs politiques ou partisans
d’un parti politique, de le faire sans penser à en tirer un quelconque bénéfice matériel ou
immatériel, qu’il soit immédiat ou futur. Il y a cependant une grosse différence entre re-
cueillir des dividendes mérités d’un engagement politique et se servir de l’engagement poli-
tique pour un enrichissement illicite ou moralement répréhensible, comme le font nombre
de congolais. En 2014, alors qu’ils occupent déjà une situation privilégiée 81, les députés
congolais frôlent l’indécence en réclamant une augmentation de plus de cent pour cent de
leurs salaires, dans un pays où la majorité de la population croupit dans la misère 82. Au-delà
des salaires exorbitants, des soupçons sur leur enrichissement illicite sont alimentés par des
changements sensationnels et très rapides dans leur train de vie. Alors qu’ils avaient tra -
vaillé des années voire des décennies sans jamais être capables de s’acheter un vélo, plu-
sieurs élus acquièrent maisons et voitures de luxe après seulement quelques mois passés au
Sénat, à l’Assemblée, au gouvernement ou dans des entreprises d’État. Ce constat alimente
l’opinion générale selon laquelle, en RDC, s’engager en politique est devenu le moyen le
plus facile et le plus rapide de s’enrichir. Le nombre record des candidatures aux élections
législatives de novembre 2011 (18555 candidats pour 500 sièges 83) illustre bien cette course
à l’argent facile. Parce que les exceptions ne manquent jamais, il serait exagéré de mettre
tous les Congolais dans le même sac et les considérer tous comme des corrompus. N’em-
pêche que, dans leur grande majorité, ceux qui ont gouverné la RDC jusque maintenant ont
souvent été motivés par le goût de s’enrichir plus que par l’idéal de servir la nation, de
construire un État digne de ce nom et de servir d’abord et avant tout la population congo -
laise. Une fois de plus, il ne s’agit pas d’un phénomène marginal mais d’une constante de la
vie politique en RDC.
Le libre-échange que le roi Léopold II favorisa à l’époque de l’EIC « avait de fortes moti-
vations économiques. Les éventuels profits qu’il espérait générer n’étaient pas destinés à
développer l’État indépendant du Congo, mais à être transférés en masse vers Bruxelles 84».
Son aventure congolaise fut tellement rentable pour lui et sa famille qu’à sa mort en 1909,
80
Jean-François Bayart, « Hégémonie et coercition en Afrique subsaharienne. “ La politique de la chicotte”»,
Politique africaine (2008), n° 110, p. 150.
81
Fidèle Bwirhonde, « RDC : les politiciens préoccupés plus par l’argent que par le bien-être social », 22 avril
2013. http://fideleblog.canalblog.com/archives/2013/04/04/26831909.html (23/01/2015).
82
Tshitenge Lubabu, « RDC : pauvres députés », 25 octobre 2012.
www.jeuneafrique.com/Article/JA2701p043.xml0 (16/07/2014).
83
Dans la seule circonscription électorale de Shabunda, il y avait soixante-deux candidats pour deux sièges.
Lire aussi Cédric Kalonji, « RDC : Gagner sa place au parlement, un très bon plan financier », 29 novembre
2011. www.slateafrique.com/70971/place-au-parlement-question-de-survie (16/07/2014).
84
Van Reybrouck, Congo. Une histoire, p. 80.
~ 23 ~
6. Le culte de la personnalité
Un dernier défi que doit relever l’éducation à la citoyenneté par rapport à la vie politique
congolaise est celui du culte de la personnalité. Comme nous l’avons dit précédemment,
bien avant la découverte du fleuve Congo par Diego Cao en 1482 94, il existait dans l’espace
qu’occupe l’actuelle RDC des entités politiques structurées :
C’est malheureusement ce qui arriva à l’État moderne constitué par Léopold II à partir de
ces entités politiques précoloniales et reconnu par la conférence de Berlin le 26 février
188596. Dans les différentes phases de son évolution, l’histoire politique de la RDC sera
réellement « maniaco-dépressive ». Le modèle féodal et la personnalisation du pouvoir
marqueront sa gouvernance politique, avec une forte propension de ses dirigeants au culte
de la personnalité. Dans Afriques indociles97, le camerounais Achille Mbembe parle d’un
« principe autoritaire » commun aux régimes africains postcoloniaux. Ce principe autori-
taire, les Congolais en ont fait les frais, avant mais surtout après l’indépendance. À ce sujet,
nous ne sommes pas de ceux qui, comme Francis Akindès 98, imputent l’autoritarisme et le
culte de la personnalité des dirigeants africains à la culture africaine qui serait intrinsèque-
ment autoritaire. Nous désapprouvons également l’idée inverse selon laquelle ce phéno-
mène serait uniquement un produit de la colonisation99. La position défendue par Crawford
Young100 nous semble plus proche de la réalité : « ce phénomène se comprend mieux si on
94
Malu-Malu, Le Congo-Kinshasa, p. 68.
95
Van Reybrouck, Congo, p. 37.
96
« Grands traités politiques. Acte général de la conférence de Berlin de 1885 », 2006. http://mjp.univ-
perp.fr/traites/1885berlin.htm (23/01/2015).
97
Achille Mbembé, Afriques indociles. Christianisme, pouvoir et État en société postcoloniale, Paris, Kartha-
la, 1988.
98
Lire surtout le chapitre 4 de Francis Akindès, Les mirages de la démocratisation en Afrique subsaharienne
francophone, Paris, Codesria/Karthala, 1996.
99
Ainsi Matsanza, État et partis au Congo-Kinshasa, p. 13.
100
Crawford Young, The African Colonial State in Comparative Perspective, New Haven/Londres, Yale Uni-
versity Press, 1994, p. 1.
~ 25 ~
le place à l’intersection des dynamiques endogènes et exogènes 101». Pour ce qui est de la
RDC, chaque période et chaque dirigeant politique y ont apporté leur touche.
Dans les États précoloniaux, le pouvoir a souvent été personnalisé au point que certains
chefs se faisaient quasiment adorer, mais il y avait des mécanismes, comme les conseils ou
les assemblées102, chargés de limiter voire de contrôler le pouvoir du chef. Léopold II en a
ajouté une couche en gouvernant sans se présenter devant ses sujets, parce qu’il n’a jamais
mis les pieds au Congo. Cette gouvernance à distance a conduit à une mystification du mo-
narque, parce que les Congolais se mirent à fantasmer autour de la personne de ce chef très
lointain, qui avait sur eux pouvoir de vie et de mort. Il était comme Dieu : chef invisible
toujours présent, à la fois craint et adoré. Au temps du Congo-Belge, l’administration colo-
niale développa le mythe du Blanc supérieur en tout, omniscient, beau, bon, invincible et
sans défaut : « L’administration coloniale défendait le prestige du colonisateur blanc. Tout
était fait pour que les Congolais comprennent que tout ce qui était européen était mieux,
voire même meilleur que ce qui était congolais ou africain 103 ». Pendant la Première Répu-
blique, des politiciens congolais, dont la plupart avaient été des « évolués 104 », remplacèrent
les Belges au gouvernement, au parlement et dans l’administration. Face à leurs frères de-
venus indépendants mais demeurés « indigènes », beaucoup de ces acteurs politiques repro-
duisirent les attitudes de leurs anciens maîtres et se comportèrent à leur tour comme des «
Blancs », perchés au-dessus de la hiérarchie sociale héritée de la colonisation. Sous la
Deuxième République, le culte de la personnalité atteignit des sommets. L’endoctrinement
de la jeunesse en est une illustration. Chaque jour, avant de commencer les cours, toutes les
écoles du pays devaient organiser une séance d’animation politique, avec chants et danses à
l’honneur du président Mobutu, le « guide de la révolution zaïroise 105 ». Et tout le long de
leur parcours scolaire, « les enfants n’avaient qu’un seul enseignement d’éducation poli-
tique à mémoriser et à réciter : le mobutisme […]. Il a fallu la chute de Mobutu pour que
tous se rendent compte que toute cette machine-là n’était qu’un château des cartes 106 ».
Alors qu’il disait le combattre pour sa mégalomanie et son monolithisme, le régime de
l’AFDL ne tarda pas à emboiter les pas à celui de Mobutu Sese Seko. Comme sous Mobu-
tu, les bulletins d’information de la RTNC devaient commencer par « un éditorial laudatif
sur le président. Puis, inéluctablement, “l’information” se fait l’écho des faits et gestes du
chef de l’État. Des portraits géants du “libérateur” apparaissent çà et là dans les rues de
Kinshasa. On peut y lire : “voici l’homme qu’il fallait”107 ».
Au début de son mandat, le président Joseph Kabila donna l’impression de vouloir sortir la
RDC de ce culte de la personnalité, comme en témoigne cette dépêche de juillet 2001 : « Le
général-major Joseph Kabila, qui combat le culte de la personnalité, a obligé récemment le
gouverneur intérimaire de la ville de Kinshasa, Christophe Muzungu, à rembourser en 24
101
Gazibo, Introduction à la politique africaine, p. 83.
102
Mamadou Bella Bardé, Démocratie et éducation à la citoyenneté en Afrique, Paris, L’Harmattan, 2008,
p. 57.
103
Bakadiababu, L’Occident pour ou contre la Démocratie en Afrique, p. 16.
104
Joséphine Mulumba, « L’évolué au Congo Belge, l’homme à l’identité en pièces », 18 sept. 2007.
http://mondesfrancophones.com/espaces/afriques/l%E2%80%99evolue-au-congo-belge-l
%E2%80%99homme-a-l%E2%80%99identite-en-pieces/ (23/01/2015).
105
Makiobo, Église catholique et mutations socio-politiques au Congo-Zaïre, p. 71.
106
Norbert X. Mbu-Mputu, Patrice Lumumba. Discours, lettres, textes, Newport, Éditions Norbert Mbu-mpu-
tu, 2012, p. 18.
107
Malu-Malu, Le Congo Kinshasa, p. 224.
~ 26 ~
heures au Trésor Public près de 3 millions de Francs congolais dépensés dans l’organisation
d’une marche de soutien au chef de l’État 108». Depuis, les choses ont beaucoup changé. Les
effigies du président sont ostentatoirement placardées dans les rues des villes, les bureaux
de l’État, les écoles, les hôpitaux et les marchés. Il n’y a rien de mal à ce que le président de
la République soit connu, mais développer un culte de la personnalité du chef conduit in-
évitablement à des dérives. Comme à l’époque du MPR parti-État et de l’AFDL, les médias
publics passent aujourd’hui l’essentiel de leur temps à vanter les mérites du président et à
rapporter ses faits et gestes. Au passage du convoi présidentiel, les autres voitures doivent
dégager la voie et se mettre de côté, comme s’il s’agissait d’une ambulance. Les récalci -
trants s’exposent à l’agressivité de la garde républicaine qui n’hésite pas à interpeller vio-
lemment et à tabasser les citoyens. On peut également constater que, depuis quelque temps,
l’entourage du président préfère l’appeler « le Raïs », au lieu de dire simplement le pré-
sident de la République. Cela peut paraître un détail, mais il s’agit bien d’un détail qui
contribue au culte de la personnalité et à la mystification du pouvoir du président 109. En
RDC, le culte de la personnalité est une maladie dont souffre particulièrement la classe po-
litique. Si tous les politiciens n’y succombent pas nécessairement, tous en sont atteints et
aucun ne peut prétendre l’ignorer. Les étudiants, citoyens et futurs gouvernants de ce pays,
doivent prendre conscience de la nécessité et de l’urgence de mettre fin à cette pratique,
pour qu’advienne en RDC un véritable État de droits. C’est un grand défi à relever.
&&&&&
Il existe plusieurs autres traits marquants de la vie politique congolaise qui constituent des
défis à relever. Nous n’avons repris ici que quelques-uns de ceux qui nous semblent être les
plus frappants, de par leur généralisation et leur constance dans l’évolution politique de ce
pays. Ce tableau n’est donc pas exhaustif mais simplement illustratif, afin d’aider les étu-
diants à prendre conscience de la gravité de la situation et de la nécessité de faire naître des
pratiques politiques conformes à une gouvernance démocratique. En ce sens, le portrait que
nous venons de dresser ne s’oppose pas mais complète ceux établis par d’autres chercheurs.
Eddie Tambwe avait répertorié dix défis majeurs pour le deuxième quinquennat du pré-
sident Joseph Kabila (2011-2016) parmi lesquels on trouvait les suivants : accélérer les
réformes de l’État, contrôler l’Est du pays, affronter plus méthodiquement les défis du dé -
veloppement, bien gérer la démographie110. De son côté, Roland Pourtier a énuméré
quelques craintes et défis de la reconstruction de l’État et du territoire en RDC. Il cite no-
tamment l’état des routes, la recherche d’une centralité perdue, l’équité spatiale et l’éthno-
diversité111. Enfin, dans sa tentative quelque peu désespérée de justifier la longue complicité
des intellectuels congolais avec le dictateur Mobutu, feu maître Nimy Maidika Ngimbi
mentionne deux principes républicains prioritaires : la primauté de l’intérêt général et le
108
Panapress, « Affichage de l’effigie officielle de Joseph Kabila », 18 juillet 2001.
http://www.panapress.com/Affichage-de-l-effigie-officielle-de-Joseph-Kabila--13-613102-17-lang2-
index.html (23/01/2015).
109
Ce type de culte est présenté de façon satirique dans le film de Michel Hazanavicius, OSS 117. Le Caire,
nid d’espions, sorti en 2006.
110
Eddie Tambwe, « RDC, 2011-2016. Poursuite et accélération des réformes de l’État », dans Jean-Marie
Dikanga Kazadi (dir.), RD-Congo 2006-2011. Ce qui a changé, Paris, L’Harmattan, 2011, p. 43-51.
111
Roland Pourtier, « L’État et le territoire. Contraintes et défis de la reconstruction », dans Théodore Trefon
(dir.), Reforme au Congo (RDC). Attentes et désillusions, Paris-Tervuren, L’Harmattan-Musée royale
d’Afrique centrale, 2009, p. 35.
~ 27 ~
112
Ngimbi, Les raisons d’un retour, p. 76.
~ 28 ~
CHAPITRE DEUXIÈME
_________________________________________________
LES NOTIONS DE BASE DE LA CITOYENNETÉ
Dans le premier chapitre, nous avons épinglé quelques pratiques qui constituent des défis à
relever pour l’éducation à la citoyenneté en République démocratique du Congo. Ces pra-
tiques concernent surtout les leaders politiques et la gouvernance de l’État. Dans le
deuxième, nous avons parlé d’une des stratégies que nous croyons efficaces pour l’avene-
ment d’un État de droit prospère en RDC. Ces deux chapitres ont ainsi permis d’aborder la
question de la pratique de la citoyenneté dans notre pays. Nous pensons avoir donné, par
ses deux chapitres, un portrait des problèmes que pose l’exercice de la citoyenneté en RDC.
Dans le chapitre qui va suivre, nous voulons revenir aux sources, en rappelant l’origine de
la démocratie, en définissant les notions clés et les contours de la citoyenneté à partir de
l’expérience gréco-romaine.
I. La démocratie athéniène
C’est vers la fin du VIe siècle avant Jésus-Christ que les citoyens Athéniens, sous la conduite de
Clisthène, dotèrent leur Cité-État de la première constitution démocratique. Mais, comme type de
gouvernement, la démocratie athénienne initiée par Clisthène n’a pris véritablement forme qu’au V e
et IVe siècles, grâce aux réformes entreprises par Périclès 113 et par Démosthène114. Si donc Clisthène
est considérée comme l’inventeur de la démocratique, c’est à Périclès que l’on doit les grandes ré-
formes qui ont conduit à la participation active des pauvres à la vie politique de la Cité et à la nais -
sance de ce que nous pouvons considérer comme étant l’ancêtre de la fonction publique. C’est Pé-
ricles qui a fait voter par l’Assemblée la loi sur la rémunération des magistrats (pour permettre aux
pauvres de s’occuper de la gestion de la chose publique sans grave préjudice sur leurs revenus) et la
loi retrecissant l’accès à la citoyenneté athénienne (être né de père et de mère ayant la nationalité
113
Voir Kagan, Donald, Péricles. La naissance de la démocratie, Paris, Éditions Tallandier, 2011, p. 71-94.
114
Voir Herman, Hansen Mogens, La démocratie athénienne à l’époque de Démosthène, Paris, Éditions Tallendier, 2008,
p. 51-114.
~ 29 ~
athénienne). Il est vrai que la citoyenneté athénienne n’était pas accordée à tous les habitants de
cette Cité-État, parce qu’elle ne concernait que les hommes adultes de naissance athénienne et ex -
cluait sans exception les femmes, les enfants et les étrangers (les métèques). Mais, qu’ils soient
pauvres ou riches, qu’ils soient nés d’une famille bien connue ou d’une famille moins connue, à
ceux qui étaient citoyens, la démocratie athénienne garantissait une participation active et totale à
chaque étape de la vie politique de la Cité. Dans l’histoire de l’humanité, il n’y a que la Cité-État
d’Athènes et les États-Unis d’Amérique qui ont connu un régime démocratique qui a duré plus de
deux siècles. À l’inverse, les régimes de domination, comme les dictatures militaires ou les monar-
chies de droit divin, sont la règle et certains ont parfois duré plus de mille ans. À Athènes, la démo -
cratie, « Cette forme de gouvernement introduite par Clisthène en 508/507 av. J.C. fut abolie par les
Macédoniens quand ils conquirent Athènes en 322/321 115. » Il a fallu la détermination des citoyens
Athéniens pour qu’elle soit restaurée et maintenue.
Il est important, avant d’entrer dans l’étude des concepts clefs, que les étudiants aient conscience
que la démocratie n’est pas donnée, elle doit chaque fois être conquise, parfois au prix du sang. Elle
n’est pas non plus l’affaire d’un ou de quelques individus, elle doit être l’affaire de tous les citoyens
et devenir une culture dans laquelle beigne toute la population. Sans cela, la démocratie restera au
niveau des principes théoriques sans impact réel sur l’acquisition et le respect des droits que cette
forme de gouvernement garantit à tous les citoyens.
115
Herman, La démocratie athénienne à l’époque de Démosthène, p. 23.
116
Bella Baldé, Démocratie et éducation à la citoyenneté, p 31.
~ 30 ~
Ce que nous appelons aujourd’hui État est une forme moderne de ce que les anciens Grecs
et les anciens Romains appelaient Cité. Le terme cité vient du latin civitas et désigne « le
lieu, la communauté sociale au sein de laquelle le civis, le citoyen, mène son existence et où
il jouit des droits et possibilités que lui offre le fait de la nationalité qui lui est reconnue. La
Civitas désignait, chez les Romains, l’ensemble des citoyens, des habitants d’une ville, le
mot ville étant identifié, chez les Grecs (polis) et, chez les latins (civitas), à l’État au sens
moderne117. » Autrement dit, l’État est une réalité géographique, politique et sociale pou-
vant désigner à la fois une entité nationale (État-territoire) et l’autorité chargée de gérer
cette entité (État-gouvernement). L’individu reconnu comme appartenant à la Cité ou à
l’État est appelé citoyen, une traduction du latin Civis. Le citoyen est différent de l’étranger,
que les Grecs appelaient métèque, parce que, contrairement à ce dernier, le citoyen jouit des
droits et devoirs civiques de la Cité. C’est d’ailleurs de ces droits civiques (civicus en latin)
du citoyen que découle le civisme qui doit caractériser la conduite du citoyen jouissant des
droits de la Cité. Le professeur Ngoma-Binda fait une bonne description d’un bon compor-
tement civique du citoyen : « Le tout premier acte de civisme d’un bon citoyen c’est de se
reconnaître comme citoyen, c’est-à-dire comme un individu appartenant à une cité, vivant
nécessairement dans une communauté qui est supérieure, vis-à-vis de laquelle il a des obli-
gations et le droit d’attendre qu’elle garantisse ses droits. Le second acte de civisme de tout
citoyen, c’est de reconnaître et de respecter les droits des autres citoyens. Ce respect des
droits de l’autre constitue le fondement de la paix et de l’harmonie dans la cité 118. » La ci-
toyenneté est la qualité que la Cité ou l’État confère à ses citoyens, c’est la qualité du ci-
toyen ayant des droits et des devoirs définis et garantis par la Cité. De nos jours, la citoyen -
neté est essentiellement signifiée par la possession d’une pièce d’identité nationale (passe-
port, carte pour citoyen ou carte d’électeur). Parce qu’elle est à la fois de l’ordre de la léga-
lité et de l’ordre de la conscience, la citoyenneté comporte un aspect juridique et un aspect
moral. L’aspect juridique fait que la personne qui jouit de la citoyenneté d’un pays a des
droits et des devoirs qu’un étranger n’a pas (naturalisation, droit et devoir de voter, droit de
postuler à certaines charges publiques, etc.). Mais, il faut que le citoyen accepte librement
de jouir de ces droits et de s’acquitter des devoirs que lui impose son appartenance à la Ci-
té. C’est l’aspect moral de la citoyenneté. Être citoyen c’est se sentir redevable envers la
Cité et envers les autres citoyens. Il y a dans la citoyenneté une sorte d’engagement moral
qui fait que le citoyen se sent obligé de veiller à la bonne marche de la Cité, parce qu’il se
sent responsable de la destinée de la Cité et de la destinée de ses concitoyens. Assumer sa
citoyenneté c’est donc jouir de ses droits et respecter ses obligations (aspect juridique),
mais c’est aussi faire preuve de responsabilité en travaillant activement au bien de la Cité et
de tous ses citoyens (aspect moral).
De la Cité antique à la Nation moderne, l’État demeure cette communauté de citoyens, des
personnes physiques habitant une entité géographique délimitée et formant une communau-
té. Des citoyens soumis à des règles et à des convenances définies et adoptées de commun
117
Élie Phambu Ngoma-Binda, La participation politique. Éthique civique et politique pour une culture de
paix, de démocratie et de bonne gouvernance, Kinshasa, Ifep, 2005, p. 35.
118
Élie Phambu Ngoma-Binda, La participation politique, p. 37.
~ 31 ~
accord, qu’ils s’engagent à respecter librement 119. Trois éléments sont nécessaires à l’exis-
tence d’un État :
- Un territoire géographiquement délimité
- Un groupement humain (population) le territoire
- Un pouvoir politique (gouvernement) qui administre l’entité
L’État de droit fait référence à l’exercice du pouvoir politique qui respecte les droits de
l’homme et les libertés fondamentales des peuples, tels qu’ils ont été définis par les instru-
ments internationaux (Déclaration universelle des droits de l’homme, Charte africaine des
droits de l’homme et des peuples, …) et nationaux (Constitution de la République, diverses
chartes nationales, etc.). L’Angleterre et les États-Unis sont les premiers États à de doter
des textes définissant clairement les droits des citoyens120 :
a. La grande charte (12 juin 1215) : ce texte de 60 articles, signé par le roi Jean
d’Angleterre, précise les libertés accordées à perpétuité à l’Église d’Angleterre et à
tous les hommes libres du royaume.
b. L’acte d’Habeas Corpus de 1679 (Angleterre) : 21 articles précisant les droits des
personnes qui ont affaire avec la justice.
c. Le Bill of rights de 1689 (Angleterre) : Ce texte a été adopté par les lords spirituels
et temporels et les communes assemblés à Westminster réduit les pouvoirs du roi et
accroit les pouvoirs du peuple représenté par des élus.
d. La déclaration d’indépendance des États-Unis d’Amérique (4 juillet 1776) : elle
met fin à la dépendance des États signataires à l’égard de la Couronne britannique.
e. Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 (France) : 17
articles adoptés par les représentants du peuple français constitués en Assemblée
nationale après la révolution du 14 juillet 1789 qui a mis fin à la monarchie. Notons
ici la différence qui est faite entre les droits de l’homme (reconnus mêmes aux
étrangers habitants dans le pays) et les droits du citoyen dont ne jouissent pas ceux
qui ne sont pas reconnus comme citoyens du pays. La liberté d’expression ou le
droit à la propriété sont des droits de l’homme, garantis à tous les humains, tandis
que le droit de vote et de postuler à la présidence de la République est réservé aux
seuls citoyens.
119
Ibidem, p. 36.
120
Dominique Schnapper, Qu’est-ce que la citoyenneté ?, Paris, Gallimard, 2000, p. 51-138.
~ 32 ~
f. Déclaration universelle des droits de l’homme (10 décembre 1948) : Adoptée par
l’Assemblée générale de l’organisation des nations unies. L’article premier de cette
déclaration stipule : « Tous les humains naissent libres et égaux en dignité et en
droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les
autres dans un esprit de fraternité. »
g. La Constitution de la Ve République française (5 octobre 1958) : adoptée par
l’Assemblée nationale, ce texte proclame solennellement l’attachement du peuple
français aux droits de l’Homme en s’appuyant sur la déclaration de 1789 et sur le
préambule de la Constitution de la IVe République dont le préambule est ainsi intro-
duit : « Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes
qui ont tenté d’asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français pro-
clame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de
croyance, possède des droits inaliénables et sacrés. » La Constitution de la V e Répu-
blique française a inspiré beaucoup de Constitutions des pays africains, dont celle
de la IIIe République en RDC (Constitution de février 2006).
Pour reprendre les termes de Michel Mbambi Monga, nous pouvons définir l’État de droit
comme étant un État « qui reconnaît au peuple le droit de participer, par ses représentants
élus, à la gestion de la chose publique et où la loi souveraine impose un contrôle et des
sanctions qui oblige toutes les couches sociales et les institutions à la bonne gouvernance 121.
» Une telle conception fait de la bonne gouvernance une composante indispensable de
l’État. Un État de droit est donc celui dont les gouvernants gèrent les ressources publiques
(économiques, culturelles et politiques) de manière transparente, au profit de tous les habi-
tants du pays et pour le développement de la Cité. La Bonne gouvernance est une autre ma -
nière de définir une gestion de l’État fondée sur la primauté du droit, sur la transparence et
la redevabilité, sur la compétence et l’efficacité, sur le respect strict des droits humains et la
promotion de la démocratie, sur la promotion d’un développement socioéconomique à la
fois participatif et durable. Il faut mentionner ici le débat ouvert par certains auteurs sur la
citoyenneté multiculturelle et les droits des minorités. Pour Will Kymlicka, notamment : «
les droits des minorités ne peuvent pas être subsumés sous la catégorie des droits de la per -
sonne. Les critères traditionnels relatifs aux droits de l’être humain ne permettent tout sim-
plement pas de répondre à quelques-unes des questions les plus importantes et les plus dif-
ficiles soulevées par l’existence des minorités culturelles : quelles langues doivent être utili-
sées au Parlement, dans l’administration et dans les tribunaux ? Chaque groupe ethnique ou
national doit-il disposer, dans sa langue maternelle, d’un système éducatif financé par l’État
?122 » Le professeur Mampuya123considère les éléments suivants comme les fondamentaux
d’un État de droit :
La Cité ou l’État s’appelle aussi Nation. Ce terme provient du latin Nasci (naître) et fait
référence à un groupe de personnes provenant d’une même origine, ayant les mêmes ra-
cines familiales. La nation peut donc être définie comme une communauté sociale et poli-
tique située dans un espace géographique donné et organisée autour des us et coutumes
communes. Comme nous l’avons dit au point précédent, la nationalité est la qualité que
confère la nation à ses citoyens pour les identifier et les différencier des personnes qui n’ap-
partiennent pas à la Nation. Le professeur Ngoma-Binda énumère quelques facteurs qui
concourent à la formation d’une Nation : la race commune, la langue partagée, le territoire
commun, l’héritage culturel commun et la conscience nationale. La conscience nationale
est ce sentiment qui unit les membres d’une communauté dans leur volonté de vivre en-
semble. Ce sentiment d’appartenance à une communauté étatique, qu’on appelle aussi le
sentiment national, est le ciment qui soude la cohésion nationale d’une Nation. Ce senti-
ment naît de la conscience qu’ont tous les citoyens d’un pays d’appartenir à une même fa-
mille, d’avoir les mêmes institutions et de former un corps. Vécu et développé positive-
ment, le sentiment national produit le nationalisme, qu’on peut définir comme la préférence
accordée par un citoyen à sa Nation, en privilégiant les intérêts de la Nation par rapport à
des intérêts personnels et en travaillant à la promotion des valeurs nationales (langue, mu-
sique, art, gastronomie, etc.). Tout bon citoyen se doit d’être un nationaliste convaincu et
convainquant.
3. Patrie et patriotisme
Du latin Patria, le terme Patrie vient de terra patria (terre des ancêtres). La Patrie évoque
donc une communauté géographique organisée socialement et politiquement sur la base de
l’appartenance commune à un même arbre généalogique. La Patrie est la terre nationale
qui regroupe des citoyens ayant les mêmes ancêtres ou des citoyens ayant choisi ce terri-
toire national comme leur terre d’adoption. Même si elle renvoie à la même entité géogra -
phique et politique, la notion de Patrie se distingue de celle de la Nation et de l’État par son
caractère particulier d’intimité et d’affectivité, ce sentiment spécifique qu’on appelle le pa-
triotisme. Le patriotisme est un sentiment qui relève de la sacralité de la terre des ancêtres
aux yeux d’un citoyen. Ayant conscience de ce lien sacré qui l’unit à la terre de ses an-
cêtres, le citoyen développe envers la Patrie une révérence quasi religieuse, il ressent en-
vers la terre de ses ancêtres un amour tellement fort qu’il pourrait accepter volontairement
des sacrifices sans limites pour défendre l’honneur et les intérêts de sa Patrie. Un véritable
patriote est un martyr potentiel, parce qu’il est prêt à mourir pour son pays et pour ses com-
patriotes. C’est proche du nationalisme mais avec une portée beaucoup plus intime, plus
historique et plus généalogique. Lorsqu’il est exagéré, le patriotisme se détériore et devient
du chauvinisme. Il conduit alors le citoyen à des comportements pathologiques comme le
fanatisme, la xénophobie et le racisme.
Nous avons vu que le terme État pouvait couvrir plusieurs réalités. Considérant que la di-
mension géographique a été bien rendue par les notions de Cité, Nation et Patrie, nous al-
~ 34 ~
Jusqu’à l’invention de l’agriculture (environ 9000 ans Avant J.C.), les humains vivaient de
la chasse et de la cueillette, ce qui les contraignait à une vie nomade. Ils devaient se dépla-
cer continuellement, à la recherche de la nourriture. Lorsqu’ils découvrent qu’il était pos-
sible de semer des grains et d’amasser de la nourriture sans se déplacer au loin, ils com-
mencèrent à se sédentariser, pour cultiver la terre et élever les animaux. L’invention de
l’agriculture a résolu un problème (celui du ravitaillement en vivres) mais il a créé un autre
problème non moins important : le contrôle et la gestion de la terre. La Mésopotamie et la
Vallée du Nil, où se formèrent les premières agglomérations, les guerres ne tardèrent pas à
éclater pour le contrôle de la terre. Cette épreuve de forces fit émerger un groupe de gens
qui commença à prendre le contrôle des terres cultivés par plusieurs personnes et à les orga-
niser moyennant l’établissement des règles. Certains politologues contestent à ces pre-
mières organisations le statut d’État et préfèrent les appeler des Proto-État. Des sources
sérieuses attestent l’existence des conseils des anciens dans les États monarchiques de ce
qu’on appelle le Croissant fertile124 : « à Uruk dès le quatrième millénaire, dans les villes du
royaume akkadien et dans les villes-États de Phénicie comme Byblos. ‘’ Les anciens de
Guebal [Byblos] et ses sages étaient chez toi comme des calfats’’ dit la Bible au livre
d’Ézéchiel (Ez 27,9). Ici et là, des anciens sont en effet associés au pouvoir politique, admi-
nistratif, législatif et judiciaire du roi125. »
On peut considérer que les premiers États naissent avec l’élaboration des Codes ayant va-
leur de Loi au sens moderne du terme. Même si l’existence d’autres anciens codes a été
confirmée, notamment les Codes d'Urukagina (2350 Avant J.C.), le code d’Ur-Nammu
(2100 Avant J.C.) et celui d'Eshnunna (1800 Avant J.C.), le code d’Hammourabi (1700 ans
Avant J.C.) est le plus connu et le plus célèbre 126. Le texte complet, inscrit sur une stèle de
2,2 m trouvée à Suse, en Mésopotamie, a été découverte par l’archéologue Morgan en
1901. C’est Hammourabi, roi de Babylone (1792-1750), qui a édicté ce code dont l’épi-
logue précise l’objectif : « afin de proclamer la Justice en ce pays, de régler les disputes et
réparer les torts. » Une des dispositions du code d’Hammourabi est le fameux « œil pour
œil, dent pour dent » qui, à l’époque, était déjà une grande évolution dans le règlement des
conflits entre citoyens.
La véritable révolution dans l’organisation de l’État s’opère avec la naissance des Cités
grecques (Athènes, Sparte, etc.) qui s’érigent en États et se dotent des Lois définissant clai-
rement les droits et les devoirs des citoyens. C’est à Athènes que va naître une des formes
d’organisation politique qui vont marquer et traverser les générations : la démocratie.
« Dans la dernière décennie du VIe siècle avant notre ère, les Athéniens établirent la pre-
mière constitution démocratique. Ce nouveau type de gouvernement reçut sa forme clas-
sique un demi-siècle plus tard, grâce aux réformes de Périclès, et c’est dans ce cadre que
124
Cette dénomination renvoie à une région du proche-orient dont les terres sont très fertiles. La zone couvre
un vaste territoire qui touche à plusieurs États actuels : Israël, la Palestine, la Jordanie, la Syrie, le Liban, la
Turquie, l'Irak et l'Iran.
125
Sophie Hasquenoph, Initiation à la citoyenneté. De l’Antiquité à nos jours, Paris, Éditions Ellipses, 2015,
p. 17.
126
Christian Hermansen, « CODE D'HAMMOURABI (~1760 env.) », Encyclopædia Universalis [en ligne],
consulté le 24 octobre 2016. URL : http://www.universalis.fr/encyclopedie/code-d-hammourabi/
~ 35 ~
survinrent les grands accomplissements des Grecs. Tandis que le reste du monde demeurait
caractérisé par des sociétés monarchiques, rigides, hiérarchisées et autoritaires, la démocra-
tie fut portée à Athènes aussi loin qu’elle le serait avant les temps modernes, et peut-être
même jamais. Certes, cette citoyenneté ne concernait que les hommes adultes, de naissance
athénienne, mais elle leur garantissait une participation totale et active à chacune des déci-
sions de l’État, indépendamment de leur richesse ou de leur classe 127. » Nous reviendrons
sur ce concept de démocratie dans la partie sur les régimes politiques. Pour le moment, pré-
cisons que, contrairement aux Proto-État de la Mésopotamie et de la Vallée du Nil et aux
Cités grecques d’avant notre ère, les États modernes n’ont pas tous la même organisation
administrative. Au-delà des régimes politiques, que nous détaillerons par la suite, les États
modernes peuvent être unitaires, décentralisés, fortement décentralisés ou fédéraux.
1. L’État unitaire
Depuis les dernières années de la colonisation belge, avant même l’indépendance du pays,
deux courants politiques majeurs traversent la RDC : les partis politiques unitaristes et les
partis fédéralistes. La forme de l’État fut la plus grande pomme de discorde entre le mouve -
ment national congolais (MNC) de Patrice Emery Lumumba et le parti association des Ba-
kongo (Abako) de Joseph Kasavubu durant la première République. Sous la deuxième Ré-
publique, l’UFERI de Ngunz-a-Karl-i-bond était ouvertement fédéraliste, tandis que le
MPR de Mobutu Sese Seko a toujours été unitariste. Depuis le début de la Troisième Répu-
blique, certains partis politiques ne cessent de réclamer l’instauration d’un État fédéral en
RDC. C’est le cas de l’ancien Bundu dia Kongo de Ne Mwanda Nsemi et de l’Unafec de
Gabriel Kyungu wa Kumwanza, entre autres. Le professeur Élie Phambu Ngoma-Binda
clame dans plusieurs de ses ouvrages son ardent désir de voir la RDC devenir un État fédé -
ral128.
Un État est dit unitaire lorsque qu’il a une unité de commandement, un seul centre d’impul-
sion politique et gouvernementale. Même sans nécessairement centraliser son administra-
tion, un État unitaire se caractérise par le l’énorme pouvoir que détient le gouvernement
centrale de modifier ou de supprimer des structures et des lois régionales et locales, sans
aucune obligation d’associer à cette prise de décision les régions ou les collectivités locales
dont le fonctionnement pourrait être affecté. Dans un État unitaire, comme le précise le
professeur Ngoma-Binda : « la décentralisation accorde une autonomie très limitée aux
entités régionales et locales. Il s’agit simplement d’une autonomie administrative. Toutes
les décisions sont prises au niveau du pouvoir central qui peut, à sa convenance et sans en-
trave, casser la plupart des actions entreprises au niveau inférieur 129. » Beaucoup de pays
africains, dont la RDC, l’Angola, le Congo-Brazzaville, le Rwanda et la République centra-
fricaine, ont hérité de leurs anciennes métropoles (France, Belgique, Portugal) cette forme
de l’État.
Notons cependant qu’un État unitaire peut être fortement décentralisé. Dans ce cas, tout en
ayant un gouvernement central ayant beaucoup de pouvoir, les entités régionales et locales
obtiennent la gestion autonome de certaines matières. C’est la formule voulue par les signa-
127
Donald Kagan, Périclès. La naissance de la démocratie, Paris, Éditions Tallendier, 2011, p. 17.
128
Élie Phambu Ngoma-Binda, La participation politique, p. 70-92.
129
Ibidem, p. 60.
~ 36 ~
taires de l’accord politique de Sun City et promue par la Constitution de février 2006 en
RDC. Selon cette dernière, les provinces devraient, par exemple, garder à la source 40 %
des recettes et gérer de manière autonome l’enseignement et la santé, pour ne donner que
quelques exemples. Malheureusement, bien qu’inscrite dans la Constitution, cette forte dé-
centralisation a du mal à se mettre en place en RDC. Les 26 provinces sont aujourd’hui
créées, mais elles sont très limitées dans leur fonctionnement par une très forte mainmise
du gouvernement central qui, par crainte des sécessions ou par manque de moyens d’argent,
contrôle encore les assemblées provinciales et les gouvernements provinciaux au-delà de ce
que la loi permet.
2. L’État fédéral
Contrairement à l’État unitaire, qui n’a qu’un seul centre d’impulsion politique et gouver-
nementale, l’État fédéral est celui qui a deux niveaux d’autorité qui impulsent, en collabo -
ration continue, la politique gouvernementale. Il y a comme deux autorités dans un seul
État, l’une au niveau national et l’autre au niveau régional. Selon les États, l’es appellations
des composantes de la fédération diffèrent. Aux États-Unis et au Nigéria, par exemple, on
parle des États fédérés, au Canada de provinces, tandis que la Suisse est découpée en Can-
tons et l’Allemagne en Land. La Belgique a préféré l’appellation régions.
Dans une fédération, le gouvernement fédéral gère les affaires nationales, tandis que le gou-
vernement régional ou provincial gère de manière autonome les affaires provinciales ou
régionales. Dans certaines fédérations, comme la Suisse et le Canada, il n’existe pas de
ministère national ou fédéral de l’éducation, cette matière étant entièrement laissée au pou-
voir des provinces ou régions. Jadis État unitaire, la Belgique est devenue un État fédéral
dans lequel les régions ont en propres certaines compétences sur lesquelles le gouverne-
ment central n’a aucun contrôle. Un de plus ressent exemple du pouvoir d’une région dans
un État fédéral est le refus du parlement wallon de donner son feu vert pour que le gouver-
nement belge signe le CETA, l’accord commercial entre le Canada et l’union européenne.
La bonne marche d’un État fédéral dépend de la manière dont les provinces, tout en gardant
leur autonomie, participent à l’élaboration des lois et des politiques de la fédération. En
Afrique, le Nigéria, l’Afrique du Sud, le Soudan et la Tanzanie ont adopté le modèle fédé-
ral. D’autres pays, comme la RDC, ont déjà connu les deux modèles mais sont revenus à
l’État unitaire par la volonté de leurs gouvernants. Dans le cas de la RDC, il est attesté que,
chaque fois que cette question a été débattue sérieusement, les représentants du peuple ont
toujours opté pour la forme fédérale de l’État : Loi fondamentale issue de la Table ronde de
Bruxelles (1960), la Constitution de Luluabourg (1964), la Constitution de la Transition
adoptée à la Conférence nationale souveraine (1992). Malgré cette volonté clairement affi-
chée, la RDC est et demeure un État unitaire. Sous Mobutu, depuis 1982, des efforts
avaient été fournis pour décentraliser le Zaïre, mais ils n’ont jamais abouti. Non seulement
le Zaïre de Mobutu était un État unitaire, mais il était un État unitaire fortement centralisé.
Cet échec peut être dû au refus du régime Mobutu de démocratiser le pays et de transférer
aux régions une partie du pouvoir contrôlé par le président et les structures du MPR parti-
État.
Être un État unitaire ou une fédération comporte des avantages et des inconvénients. Au-
cune forme de l’État n’est donc pas bonne en soi, tout dépend de ce qu’elle apporte comme
~ 37 ~
bénéfices aux citoyens. Dans un ouvrage qu’il a publié sur cette question, le professeur
Ngoma-Binda relève les avantages et les inconvénients ci-après :
Nous ne parlerons pas ici des proto-États ni des Cité-États de la Grèce antique mais des
États modernes tel qu’on les rencontres dans l’Occident depuis le moyen-âge mais surtout
après la révolution française de 1789.
Qu’ils soient unitaires ou fédéraux, les États modernes organisent leur gouvernance poli-
tique suivant deux modalités, que nous appelons régimes politiques. Soit en donnant plus
de pouvoir aux représentants du peuple (régime parlementaire), soit en confiant la gouver-
nance du pays au président de la République (régime présidentiel).
1. Le régime parlementaire
Dans les États ayant adopté le régime parlementaire, comme l’Australie, la Grande Bre-
tagne et le Canada, le premier ministre est issu obligatoirement du parti qui a majorité au
parlement. Le premier ministre forme un cabinet de ministres (gouvernements) qui gou-
verne le pays. Ne peut être premier ministre ou ministre qu’une personne élue, ayant reçu
mandat du peuple pour représentation une circonscription électorale. Le premier ministre et
son cabinet ne réponde pas devant le président de la République ou le roi mais devant la
chambre des représentants du peuple (le parlement), qui peut faire tomber le gouvernement
en lui retirant la majorité par motion de censure ou de défiance. En d’autres termes, dans un
régime parlementaire, ce n’est pas le président de la République ou le roi qui a la direction
des affaires publiques mais le Parlement, qui est souvent composé de deux chambres : la
~ 38 ~
2. Le régime présidentiel
1. La monarchie
Le système monarchique s’organise autour d’un roi (dans un royaume) ou d’un empereur
(dans un empire). Il s’agit d’une organisation politique qui confère le pouvoir à une seule
personne, un monarque (roi ou empereur). C’est l’étymologie du mot monarchie qui vient
du grec monos (un) et archè (commandement). Dans ce système le pouvoir suprême, consi-
déré être de droit divin, est entre les mains d’un seul individu, qui le gère à sa guise et le
transmet en héritage à sa descendance, c’est-à-dire par voie de consanguinité. Une monar-
chie peut être constitutionnelle, lorsque le roi règne mais ne gouverne pas. C’est le cas en
Grande Bretagne, en Belgique et au Canada. Dans ces pays, c’est le premier ministre, chef
de file du parti ayant la majorité au parlement, qui gouverne le pays. Il prête serment devant
le roi mais ce dernier n’interfère pas dans la gestion gouvernementale. La monarchie consti-
tutionnelle est récente, par rapport à l’autre forme, la monarchie absolue. Dans ce type de
monarchie, le roi règne et gouverne à la fois, et ce de façon arbitraire, sans rendre de
compte à personne. Tous les citoyens sont des sujets du roi, qui a sur eux le droit de vie et
de mort. Ils travaillent pour lui, pour sa sécurité, pour sa famille, pour ses biens et pour ses
plaisirs. En France, c’est la Révolution française (1789) qui a renversé la monarchie abso-
lue dont jouissaient plusieurs rois, surtout Louis XIV, le roi soleil (1638-1715). Le Consul
Napoléon Bonaparte (1769-1821), devenu empereur Napoléon Ier puis Napoléon le Grand,
va instaurer une nouvelle monarchie absolue, qui ne durera cependant pas longtemps, heu-
reusement.
2. La République
Du latin res (chose) publica (publique), la République est un système politique dans lequel
l’État est considéré comme une chose publique, un bien commun de tous les citoyens. La
gestion de la chose publique est soumise à un pouvoir contrôlé par les citoyens au moyen
130
Élie Phambu Ngoma-Binda, La participation politique, p. 96.
131
Platon, La République, Paris, Flammarion, 2002, p. 401-444.
~ 40 ~
d’élections libres et transparentes organisées à des périodes définies par la loi. La Répu-
blique ne peut donc être gouvernée par une seule personne (comme dans une monarchie ou
une tyrannie), comme le pouvoir politique ne peut s’y acquérir par voie héréditaire, le pré-
sident de la République étant toujours élu par le peuple (suffrage universel direct) ou par les
représentants du peuple (suffrage indirect).
Parmi les principales valeurs d’une République (les valeurs républicaines), le professeur
Ngoma-Binda mentionne132 :
- L’attachement à la patrie
- Le strict respect des lois
- La reconnaissance de la dignité et de l’égalité de chaque citoyen
- Le souci du bien commun
- L’engagement patriotique impliquant des sacrifices
- Le sens du devoir
- Le respect des droits des autres citoyens
- Le souci de la solidarité
- L’esprit de fraternité
- L’esprit de travail et de sacrifice
3. La démocratie
Comme nous l’avons indiqué au point I du présent chapitre, la démocratie est née à
Athènes, au VIe siècle avant Jésus-Christ (Vers 510) et c’est Clisthène qui en serait l’initia-
teur. Chassé par les Spartiates qui gouvernaient la cité, Clisthène fut ramené triomphale-
ment à Athènes par la population. Comme il l’avait promis avant d’être ostracisé, « Clis-
thène tint ses promesses et mit en œuvre les réformes qui établirent la démocratie à
Athènes. Tous les hommes adultes et libres furent admis à voter pour désigner les magis-
trats de la cité et les membres du Conseil des Cinq-Cents (Boule), chargé de la prépara-
tion des lois. Ils pouvaient siéger dans les jurys et participer à l’Assemblée (Ekklèsia), dé-
tentrice de l’autorité suprême. Les débats étaient libres et ouverts, et en théorie, tout Athé-
nien pouvait soumettre un projet de loi, proposer des amendements ou défendre les mérites
de n’importe quelle question133. » En instaurant la démocratie à Athènes, Clisthène avait
libéré les athéniens de la tyrannie qui y régnait depuis des siècles et, grâce à sa gouvernance
démocratique, la cité-État d’Athènes est devenue une des grandes puissances de la région.
Si Clisthène est le père de la démocratie athénienne, Périclès en a été le plus grand réforma-
teur. Cet orateur remarquable, fin observateur de la vie politique et acteur politique très
prudent, fit sa première grande apparition sur la scène athénienne en 463 Avant J.C., alors
qu’il avait 31 ans134. « Dans les années 450, sous la conduite de Périclès, l’Assemblée athé-
nienne vota une série de lois qui firent de sa constitution l’instrument le plus démocratique
de tous les temps. Elle accordait un pouvoir direct et ultime aux citoyens de l’Assemblée et
aux cours populaires, dont toutes les décisions étaient prises à la majorité simple ; l’attribu-
tion de la plupart des charges se faisait par tirage au sort – sauf pour une poigne soigneuse -
ment choisie, soumise à l’élection directe – les mandats étaient de courte durée et tous les
132
Élie Phambu Ngoma-Binda, La participation politique, p. 99-100.
133
Donald Kagan, Péricles. La naissance de la démocratie. p. 36.
134
Ibidem, p. 49.
~ 41 ~
magistrats étaient soumis à un scrupuleux contrôle public 135. » C’est Périclès qui a fait voter
deux lois qui ont eu beaucoup d’influence sur la démocratie athénienne et continuent à in-
fluencer les démocraties actuelles : une loi sur la citoyenneté (il faut être de père et de mère
ayant la citoyenneté athénienne) et une loi sur la rémunération des citoyens pauvres enga-
gés comme jurés ou dikastai (élus pour siéger sur les tribunaux populaires ou dikastèria.
Par la suite, tous les membres du conseil des Cinq-Cents, les archontes et tous les magis -
trats choisis au sort, les marins et les soldats en service ont commencé à recevoir une in-
demnité permanente de la cité. La fonction publique rémunérée que nous connaissons au-
jourd’hui pourrait remonter à cette loi de Périclès.
La démocratie athénienne n’était pas organisée comme la démocratie l’est dans les États
modernes aujourd’hui. Il n’y avait pas de partis politiques comme nous les connaissons en
RDC (PPRD, UDPS, UNC), aux États-Unis (les républicains et les démocrates), au Canada
(parti libéral, parti conservateur, nouveau parti démocratique, etc.). Il reste que les principes
de base sont les mêmes dans toutes les démocraties du monde, celles d’hier comme celles
d’aujourd’hui. Du grec demos (peuple) et cratos (force, pouvoir ou gouvernement), la dé-
mocratie est le système politique dans lequel la souveraineté appartient au peuple qui, parce
qu’il est le seul détenteur du pouvoir politique, se gouverne lui-même. C’est pourquoi il est
de coutume de définir la démocratie comme étant, selon la formule utilisée par le président
Abraham Lincoln : « le gouvernement du peuple par le peuple pour le peuple ». Il s’agit
d’un système de gouvernement dans lequel le peuple est supposé être non seulement la
source mais le détenteur du pouvoir, l’instance souveraine de prise des décisions qui
touchent à la gestion de la chose publique, instance d’orientation de la politique de l’État et
instance de contrôle de l’action de ceux qui gèrent la chose publique. Comme mode de gou-
vernement, la démocratie comporte des variantes : lorsqu’elle accorde plus d’importance
aux libertés individuelles des citoyens et favorise la concurrence élective, le pluralisme et la
représentativité, elle est appelée une démocratie libérale. Elle peut être une démocratie
communautaire ou démocratie socialiste, lorsqu’elle met l’accent sur les intérêts commu-
nautaires au lieu de privilégier les libertés individuelles. Elle se fonde sur la dialectique de
la lutte des classes et accorde le rôle dirigeant à la classe ouvrière. Cette forme de démocra-
tie est encore vécue dans certains pays communistes ou socialistes, malgré la disparition de
l’union soviétique et les gouvernements marxistes-léninistes qui l’ont conceptualisée. Pour
corriger les excès de ces deux formes de démocratie, des penseurs comme Ngoma-Binda et
Arend Lijphart préconisent une troisième variante appelée la démocratie libérale commu-
nautaire, une sorte de mélange entre les deux premières formes. En combinant les valeurs
de la démocratie libérale à celles de la démocratie populaire, la démocratie libérale commu-
nautaire préconise l’intégration des composantes les plus importantes de la société dans la
gestion du pouvoir politique. Elle prévient ou s’oppose à tout gouvernement dictatorial, en
imposant le partage du pouvoir à la tête de l’État entre un président et rois vice-présidents
(un pouvoir triarchique)136.
concept peuple. Socrate, Aristote, Platon se méfiaient des risques auxquels exposait le fait
de confier la gestion de la cité au peuple, alors que, pris comme groupe : le peuple manque
d’esprit critique et de lucidité, ce qui le rend moins apte à prendre de bonnes décisions et à
commander ; dans le peuple il y a des esprits faibles, des imbéciles, qui, à cause du principe
de participation de tous au gouvernement de manière rotative, pourraient se retrouver un
jour aux commandes de la cité ; le peuple ayant des opinions et des intérêts divers, le prin-
cipe de la libre discussion expose la cité à des risques de division. Comme leurs collègues
grecs, d’autres philosophes occidentaux se sont montrés très réticents, car ils considéraient
le gouvernement du peuple par le peuple comme un système inférieur ou inefficace. C’est
le cas de Jean-Jacques Rousseau, John Locke, Montesquieu et Hobbes 137. Si Rousseau
trouve la démocratie trop idéaliste et considère qu’elle ne peut être appliquée par des
hommes mais seulement par un peuple composé uniquement de dieux, les pères fondateurs
des États-Unis s’en méfiaient, eux aussi, au point que ce terme est totalement absent de la
constitution américaine. Alexis de Tocqueville, qui a étudié la démocratie américaine, n’est
pas du reste. S’il croit qu’il est impossible de vivre sans dogmatisme, parce que personne
ne peut vérifier tout ce à quoi il croit, il se méfie du pouvoir qu’exerce la majorité dans la
démocratie, une voyant une autre forme de despotisme qui s’oppose à la liberté de penser
de chacun individu : « Pour moi, quand je sens la main du pouvoir qui s’appesanti sur mon
front, il m’importe peu de savoir qui m’opprime, et je ne suis pas mieux disposé à passer
ma tête dans le joug, parce qu’un million de bras me le présentent138. »
Malgré ces résistances, il est incontestable que la démocratie a acquis, surtout à partir du
XVIIIe et de la Révolution française, une grande renommée comme mode idéal de gouver-
ner l’État-nation moderne. La démocratie est perçue très positivement par la majorité de la
population à travers le monde, au point de s’imposer partout comme forme idéale et recher-
chée de gouvernement. Depuis la perestroïka et la chute du mur de Berlin (1989), tous les
pays jadis dirigés par des pouvoirs dictatoriaux ont adopté le système démocratique. Et si,
comme c’est le cas en Afrique, la démocratie n’est pas encore pleinement respectée, le pro -
cessus d’apprentissage est en cours et le système se consolide petit à petit. Cet engouement
vers la démocratie pourrait s’expliquer en grande partie par l’attrait du principe de repré-
sentation qui fonde le système démocratique. Il y a dans ce principe un réalisme qui permet
de corriger l’idéalisme de la démocratie radicale, que pratiquaient systématiquement les
Athéniens (la démocratie directe). Ce type de démocratie ne semble pas réaliste pour de
grandes nations. En même temps, le principe de représentation permet de respecter la pleine
souveraineté du peuple comme gestionnaire du pouvoir politique qu’il délègue à des élus
qu’il se choisit librement et conformément à la loi électorale. D’où le nom de la représenta-
tion. En d’autres termes, dans le système démocratique, le peuple souverain peut gouverner
la cité de deux manières : par des assemblées citoyennes qui prennent des décisions directe-
ment, comme c’était le cas à Athènes. On parle alors de la démocratie directe, ou en se
choisissant des gouvernants qui administrent la chose publique en son nom, c’est la démo-
cratie représentative.
Il est fondamental, et même obligatoire, que les citoyens, en particulier les jeunes, s’inté-
ressent à la vie démocratique, qu’il s’efforce de connaitre les structures et les mécanismes
d’une gouvernance démocratique, pour qu’il en réclame l’instauration dans son pays ou
137
Ibidem, p. 159.
138
Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, Paris, Gallimard, 1961, p. 24.
~ 43 ~
qu’il se batte pour le respect de ses principes lorsqu’ils sont ignorés ou violés par les gou-
vernants. Connaitre les structures et les mécanismes du fonctionnement démocratique d’un
État permet au citoyen d’apprécier les actions de ceux qui sont au pouvoir et de sanctionner
ces derniers, positivement ou négativement, en particulier lors des élections.
Dans les États modernes, il est impossible de parler de démocratie sans parler de l’État de
droits, les deux notions étant intimement liées. L’exercice de la démocratie exige, en effet,
que chaque citoyen jouisse pleinement de ses droits et soit suffisamment protégé par le sys -
tème judiciaire de son pays. C’est pourquoi les principes ci-après servent aujourd’hui d’in-
dicateurs objectivement vérifiables de la bonne santé démocratique des États à travers le
monde :
de ce cours, nous avons fait ce travail d’analyse des causes profondes de l’absence d’un
État de droit en RDC avons conclu que : d’une part, les causes sont multiples. Certaines
causes sont endogènes ou internes, d’autres sont exogènes ou extérieures. Il existe des
causes très anciennes (liées à la colonisation) auxquelles s’ajoutent chaque fois de nou-
velles causes très diversifiées. Une cause nous semble cependant déterminante : la concep-
tion du pouvoir et de l’autorité. C’est parce que les citoyens congolais en général, les gou-
vernants congolais en particulier, conçoivent et exercent mal l’autorité et le pouvoir que la
démocratie a du mal à s’installer en RDC. C’est pourquoi, dans ce cours destiné à former à
la citoyenneté des étudiants, citoyens et futurs gouvernants, nous allons essayer d’approfon-
dir la question du pouvoir et de l’autorité.
Les chapitres précédents ont permis de définir les contours de l’État en précisant ses diffé-
rentes formes, les régimes politiques et les systèmes politiques possibles. Nous avons aussi
fait le point sur le citoyen et les différents sentiments qui peuvent le lier à l’État (nationa -
lisme, patriotisme, citoyenneté). Nous avons également pu mettre en lumière des pratiques
qui rendent difficile l’établissement de l’État de droit en RDC, et partant de l’enquête me -
née dans quelques communautés chrétiennes du Sud-Kivu, nous avons montré comment
cette absence de l’État de droit était vécue par les populations congolaises à la base. Nous
~ 45 ~
Comme nous l’avons dit dans l’introduction, le cours d’éducation à la citoyenneté ne doit
pas seulement aider les étudiants à gagner des points et à avoir un diplôme. Il doit aussi et
surtout les aider à mieux vivre leur vie de citoyen en ayant la connaissance et la conscience
de leurs droits et de leurs devoirs. L’éducation à la citoyenneté est un cours pour la vie au
quotidien. Une bonne éducation à la citoyenneté dote le citoyen des capacités intellec-
tuelles, morales et spirituelles nécessaires à une vie en société. Ce cours devrait faire de
chaque étudiant un citoyen utile, pour lui-même et pour la société, un citoyen conscien-
cieux et digne, qui connaît son pays et travaille assidument à son développement. L’éduca-
tion à la citoyenneté devrait rendre les citoyens plus responsables, tournés vers l’excellence,
attachés à leur nation tout en étant ouverts au monde, jaloux de leurs droits mais aussi très
respectueux de leurs devoirs, en famille, au travail et partout ailleurs où ils se trouvent.
C’est pourquoi nous avons insisté sur le fait que, plus qu’acquérir un savoir, le cours d’édu-
cation à la citoyenneté doit aider les étudiants à acquérir un savoir-être et un savoir-faire
citoyen. Nous complétons cet appel à la pratique citoyenne en revenant sur quelques élé-
ments qui nous paraissent fondamentaux dans l’exercice d’une citoyenneté responsable.
139
Élie Phambu Ngoma-Binda, La participation politique, p. 38.
~ 46 ~
Nous l’avons dit, le civisme permet au citoyen de prendre conscience de ses droits et de ses
devoirs et de les vivre librement et de manière responsable. Le citoyen est un Homme de
droits et de devoirs, envers l’État et envers ses concitoyens. Peu importe le milieu dans le-
quel il vit, il est appelé à vivre, à parler et à agir comme une personne ayant des droits ac-
quis et des obligations à respecter. Un vrai citoyen s’engage dans la vie de la société, il ne
peut pas s’enfermer sur lui-même. Lorsque ses droits ou les droits des autres citoyens sont
bafoués, il réagit en respectant les lois du pays. Certes, l’engagement est souvent criti-
quable, dans ses moyens ou dans ses objectifs immédiats, que ce soit en politique ou dans
les mouvements associatifs, mais l’investissement citoyen est une condition pour que la vie
démocratique soit vécue, partagée et protégée commun un bien commun de la communauté.
Sans engagement citoyen conséquent, il y a risque que le respect des principes démocra-
tiques soit négligé ou même ignoré par ceux qui gouvernent la cité. Plus que tout, les politi-
ciens souhaitent que le peuple ignore ce qu’ils font et pourquoi ils le font. Seuls les citoyens
engagés dans la vie de leur communauté sont capables de jouer le rôle de veilleur et d’aler -
ter chaque fois que le respect des principes démocratiques est mis en mal par ceux qui gou-
vernent. La citoyenneté est, « comme la vie, un investissement de tous les jours, difficile et
fragile. Mais les droits et devoirs de chacun ne méritent-ils pas cet investissement ? 140 »
Nous avons défini le patriotisme comme une relation d’amour unissant le citoyen à la terre
de ses ancêtres (terra patria). Malgré quelques nuances, dues à la terminologie, le patrio-
tisme est la même chose que le nationalisme. Les deux termes sont souvent utilisés comme
des synonymes. Tout bon citoyen doit, dans ses paroles, ses actes et ses attitudes, se mon-
trer un bon patriote, vivre et agir en nationaliste. Cela veut dire s’engager au quotidien à ne
rien faire qui puisse nuire aux intérêts de la patrie comme terre des ancêtres et à la nation
comme communauté de citoyens. Le sentiment national ou nationalisme conduit au patrio-
tisme. Le président Laurent Désiré Kabila a légué aux citoyens Congolais cette devise que
chacun de nous devrait faire sienne : « Ne jamais trahir le Congo », c’est-à-dire ne jamais
rien faire et ne jamais rien dire qui puisse mettre en danger l’intégrité territoriale de l’État
congolais ou qui puisse affecter négativement le bien-être des citoyens congolais. Un tel
engagement comporte une prise consciente des risques, un citoyen nationaliste étant prêt à
se sacrifier librement, pour l’État et pour la communauté. Lorsque nous disons que tout
citoyen congolais doit être un patriote, cela veut dire qu’il doit être prêt au martyr (martiria
en grec), c’est-à-dire une personne qui offre un témoignage vibrant de son amour à la pa-
trie. « Tout citoyen doit être un patriote, c’est-à-dire, un martyr potentiel pour sa patrie. Il
doit toujours, au nom de la cité et du civisme, être prêt à se dévouer, à s’engager sans ré-
serve, et même à se sacrifier pour défendre les concitoyens, les biens, et les symboles de la
patrie141. » Refuser de s’investir pour défendre la nation et les droits civiques c’est, d’une
certaine manière, refuser la citoyenneté. Par peur, par capitulation ou par stratégie, certains
citoyens choisissent de se mettre en retrait des enjeux de la société, assumant de facto le
refus de leur citoyenneté. Cette attitude n’est pas nouvelle. Le philosophe Platon (Grèce) et
le prêtre français Siéyès (sous Robespierre) en sont des exemples. Cela n’en fait pas pour
140
Sophie Hasquenoph, Initiation à la citoyenneté, p. 216.
141
Élie Phambu Ngoma-Binda, La participation politique, p. 127.
~ 47 ~
autant une bonne attitude citoyenne, parce que refuser de s’investir comme citoyen est un
manque de courage. En ce sens, il faut fustiger l’idéologie de non-implication politique
véhiculée par les sectes (religieuses et philosophiques), en RDC et ailleurs, parce que, en
négligeant la lutte pour la liberté et les droits civiques, qui font l’homme et le citoyen, les
sectes font peser des graves menaces sur l’État et sur la vie démocratique d’une société 142.
Un bon citoyen doit s’engager politiquement, c’est-à-dire s’intéresser à la vie de sa commu-
nauté et travailler activement à la promotion de la justice et de la paix.
L’histoire de la RDC est marquée par des témoignages marquants des citoyens qui ont vécu
en témoins d’un amour profond pour la RDC, jusqu’à la mort. Ceux que l’État reconnaît
sont élevés par le gouvernement au rang de héros national, mais beaucoup d’autres sont
connus de leurs compatriotes dans divers coins de la République. Lumumba, Kasavubu et
Mzee Laurent Kabila ont des monuments qui immortalisent leur mémoire, mais d’autres
congolais ont fait preuve d’un patriotisme non encore reconnu par l’État, parfois jusqu’au
martyr : Kimpa Vita Béatrice, Simon Kimbangu, Paul Panda Farnana (ingénieur agronome
formé en Belgique vers 1930 et premier universitaire congolais), Mgr Christophe Munzihir-
wa, Mpolo Maurice, Floribert Chebeya, cardinal Joseph Malula. Ce sont ces modèles que
tout bon citoyen congolais est invité à suivre.
Comme dans toute relation amoureuse, l’amour de la patrie se cultive et s’entretient. Pour
être un bon citoyen, il est important d’adhérer consciemment et librement aux droits et aux
obligations définis par la loi (civisme), de se sentir attaché à la communauté nationale (na-
tionalisme) et d’aimer la terre de ses ancêtres jusqu’au martyr s’il le faut (patriotisme).
Civisme, nationalisme et patriotisme constituent des piliers d’une citoyenneté responsable.
Ils ne sont jamais acquis une fois pour toutes, ils doivent être entretenus, nourris et amélio-
rés constamment. La citoyenneté responsable est, de ce point, un idéal de vie pour le ci-
toyen, plutôt qu’une étape à atteindre, une phase statique de la vie. C’est chaque jour que le
citoyen est appelé à se construire en développant son civisme, son nationalisme et son pa-
triotisme. Il revient à chaque citoyen de faire l’effort de s’informer sur la vie de la nation,
de s’intéresser à la gestion de la chose publique, afin d’élever son niveau de culture poli-
tique. Pour aider ses citoyens dans ce processus de formation continue, l’État a le devoir de
mettre à leur disposition des symboles (drapeau, hymne national et chansons patriotiques,
devise, armoiries), des lieux (monuments, mausolées, palais du peuple, palais de la nation,
stades, musées, parcs nationaux, sites historiques, etc.) et des personnes de référence (héros
nationaux et autres personnages historiques ayant réalisé des hauts faits). Tout cela consti-
tue le symbolisme patriotique, dont la fonction est de « forger et de raviver constamment le
sentiment national, de servir de lieu d’unification des volontés et des énergies pour la
construction de la nation. Ils servent à consolider l’unité nationale par l’évocation et l’exal-
tation continuelles de la mémoire collective des fils et des filles de la nation. Les symboles
de la patrie doivent donc être respectés, honorés, protégés par tout bon citoyen. Quiconque
les néglige se rend coupable de manque d’amour pour sa patrie 143. » Une chose est cer-
taine : si les citoyens sont des analphabètes politiques, il est difficile de construire une cité
142
Sophie Hasquenoph, Initiation à la citoyenneté, p. 203-207
143
Élie Phambu Ngoma-Binda, La participation politique, p. 131.
~ 48 ~
« L’habit ne fait pas le moine » dit-on, mais le moine porte l’habit. De la même manière,
les élections ne font pas la démocratie mais il ne peut exister de vie démocratique sans élec-
tions démocratiques. Depuis Périclès, les élections ont toujours été une composante indis-
pensable de la vie démocratique, le plus grand mode de participation politique dans une
démocratie. Dans Democracy and its critics144, Robert Dahl énumère huit critères qu’il juge
indispensables à toute vie démocratique, éléments parmi lesquels les élections occupent une
place centrale. Il s’agit de :
- Le droit de voter : pour convaincre les Athéniens de lui confier le pouvoir, Périclès
leur avait promis de mettre en application le principe « une personne une voix ».
Depuis, le droit de votre de chaque citoyen est devenu une condition sine qua non
de la démocratie.
- Le droit d’éligibilité : dans le système démocratique, sauf empêchements définis par
la loi, tout citoyen a la possibilité de se présenter aux élections, pour briquer un
mandat politique.
- Le droit de battre campagne ou le droit à entrer librement en concurrence pour ob-
tenir les voix de la population.
- Le caractère libre et juste des élections : il ne suffit pas d’organiser les élections
pour se vanter d’avoir une démocratie, encore faut-il que ces élections soient justes
(sans exclusion arbitraire de certains candidats ou falsifier les résultats), libres (sans
intimider ou acheter les électeurs) et transparentes (sans bourrer les urnes à l’avance
ou compiler les résultats en catimini).
- La liberté d’association : dans une démocratie, les citoyens sont libres de se regrou-
per en associations et de se réunir librement sur l’ensemble du territoire
- La liberté d’expression : si les citoyens ne peuvent pas exprimer librement leurs
opinions sur des questions touchant la vie de la cité, il n’y a pas de démocratie dans
cette cité. Il ne s’agit pas d’injurier, de menacer ou de ridiculiser les autres mais de
donner librement son avis sur telle ou telle autre question, dans le respect de la di-
gnité des autres citoyens et des lois du pays.
- La liberté et la diversité des médias : Lorsque les médias sont muselés ou lorsqu’il
n’existe qu’un seul média donnant chaque fois une seule version des faits, la démo-
cratie est impossible
- Des institutions républicaines : qui ne sont pas soumises à un seul parti politique ou
à une catégorie de citoyens. Sans des institutions publiques capables de promouvoir
les activités des partis politiques et d’organiser des élections démocratiques aux
dates prévues par la loi, il est impossible à un État d’instaurer une vie démocratique
en son sein.
144
Cité par Élie Phambu Ngoma-Binda, La participation politique, p. 521.
~ 49 ~
De par la manière dont elle s’est construite à travers l’histoire, la citoyenneté a toujours
été vécue au niveau national, la nationalité étant considérée comme la source de toute ci-
toyenneté. Sophie Hasquenoph pense que « ce sont les nationalismes du XIXe siècle et la
philosophie sociale qui les accompagnait qui ont posé le principe que la nationalité et la
citoyenneté devaient être confondues. La nationalité peut parfaitement s’exercer au niveau
infranational ou supranational. Entre la nation et la citoyenneté le lien n’est pas logique
mais historique. Mais c’est un fait historique que nous ne pouvons juger sans importance et
sans signification145. » Contrairement à l’Europe ou à l’Asie, où les États se sont construits
à la suite des guerres (les états issus du découpage de l’empire Ottoman en sont une illustra-
tion146), les États africains sont nés d’un partage politique fait de manière unilatérale par les
Occidentaux à la conférence de Berlin (15 novembre 1884 au 26 février 1885). Des peuples
ont été divisés ou contraints à la cohabitation, ce qui ne pouvait que conduire à des tensions
ethniques au sein des nouvelles entités. Conscients de la situation, les pères des indépen-
dances africaines ont lancé le projet d’unification qui a conduit à la création de l’Organisa-
tion de l’Unité Africaine (OUA), lors d’un sommet réunissant 30 pays africains du 22 au 25
mai 1963 à Addis-Abeba (Éthiopie). Lors d’un sommet extraordinaire tenu en 1999 à Syrte
(Lybie), l’OUA a décidé de se transformer en une nouvelle organisation appelée l’Union
Africaine (UA), lancée officiellement en 2002 au sommet de Durban (Afrique du Sud). Le
but poursuivi par les pays africains est l’intégration politique et économique du continent.
En même temps que se construit cette unité panafricaine, d’autres organisations travaillent
à l’intégration politique et politique des régions : Communauté économique des États
d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) depuis 1975 révisée en 1993 ; Communauté des États
d’Afrique centrale (CEEAC) depuis 1983 ; Autorité intergouvernementale sur la sécheresse
et le développement (IGAD) depuis 1986 ; Communauté de développement d’Afrique aus-
trale (SADC) depuis 1980 révisée en 1993 ; Union du Maghreb arabe (UMA) depuis 1989 ;
Communauté des États sahélosahariens (CEN-SAD) depuis 1998 révisée en 2000 ; Com-
munauté Économique des Pays des Grands Lacs (CEPGL) depuis 1976 relancée en 2010,
etc.
Toutes ces organisations, en particulier l’union africaine, sont dans un processus de
construction d’une citoyenneté transnationale, les citoyens des États membres étant aussi
des citoyens des ensembles constitués. Certains regroupements ont déjà mis en circulation
un passeport sous-régional permettant aux citoyens des pays membres de circuler librement
dans tout l’espace créé par l’intégration économique. C’est le cas de l’Afrique de l’Ouest et
de l’Afrique centrale. L’Afrique australe et d’autres organisations régionales devraient faire
la même chose prochainement. Même s’il n’y a pas encore un passeport pour la CEPGL,
les citoyens du Rwanda, du Burundi et de la RDC peuvent circuler dans cet espace sans
visa, à la seule présentation d’une pièce d’identité valide. S’il est vrai que tout ce qui rend
concrète la citoyenneté reste encore national, parce que les États et les peuples africains
tiennent pour l’instant aux institutions politiques qui les organisent, la citoyenneté vécue
au-delà des frontières est en pleine construction en Afrique. Des identités multiples sont en
construction à travers les différentes organisations sous régionales, et ces nouvelles identi-
145
Sophie Hasquenoph, Initiation à la citoyenneté, p. 247.
146
L’empire Ottoman a duré 624 ans (de 1299 à 1923). Son héritière est la Turquie actuelle (fondée en 1923
par Mustafa Kemal Atatürk), mais plusieurs autres États de la région en sont issus, de l’Égypte et l’Algérie à
la Grèce en passant par la Syrie et l’Iran.
~ 50 ~
Comme la démocratie, la citoyenneté est dynamique, c’est-à-dire qu’elle n’est jamais tota-
lement acquise. Elle doit être chaque fois reconquise et continuellement améliorée, pour
que le citoyen jouisse pleinement des droits et respecte librement les obligations qui dé-
coulent de son statut. Il en résulte que la citoyenneté a toujours été une construction histo-
rique, à travers des conflits et des compromis entre diverses conceptions et diverses
couches sociales. D’où la multitude de variétés de modèles et les différences plus ou moins
grandes entre pays. C’est pourquoi l’organisation et le fonctionnement des institutions poli-
tiques d’un État démocratique est un art qui n’est pas facile à apprendre. Domique Schnap-
per pose bien la question : « Le “citoyen” est individu abstrait, mais il ne peut exercer sa
souveraineté qu’à travers des institutions et des personnes. Comment organiser ce passage
de l’individu-citoyen à l’organisation des institutions politiques ? 148 » La conception du
citoyen chez un peuple influence grandement ses institutions politiques.
C’est la constitution, considérée comme la mère des lois, qui définit l’ossature institution-
nelle et les différentes dimensions de vie des citoyens d’un pays (la forme de l’État, le ré-
gime politique, le mode de scrutin, le fonctionnement de la justice, les symboles distinctifs
du pays). La RDC a connu dix constitutions depuis son indépendance en 1960, signe d’une
certaine instabilité constitutionnelle. Ces dix textes constitutionnels sont 151 :
Première République :
Deuxième République :
Troisième République :
Un dernier outil important de l’engagement politique des citoyens dans un État démocra-
tique c’est le parti politique. Apparu en Angleterre et aux États-Unis vers 1850, le parti
politique « est une organisation structurée rassemblant des personnes d’une même nation,
lesquelles partagent une même vision en ce qui concerne l’organisation et la gestion poli-
tique d’un État, et qui, de ce fait, cherchent à conquérir le pouvoir politique en vue d’impri-
mer cette vision à la société globale 152. » Le nombre de partis politiques varie d’un pays à
un autre mais il faut qu’il y ait plus d’un parti pour qu’il y ait une compétition véritable
dans la course au pouvoir. Les États-Unis d’Amériques fonctionnent avec deux principaux
partis (les Républiques et les Démocrates) tandis que la République fédérale d’Allemagne a
quatre principaux partis politiques (l’Union Chrétienne-Démocrate/CDU, le Parti Social-
Démocrate/SPD, le Parti Libéral-Démocrate/FPD, l’Union Chrétienne-Sociale/CSU). En
RDC, c’est la Loi n°04/002 du 15 mars 2004 qui régit les partis politiques. Les principaux
partis politiques de la RDC153 sont :
Depuis la Première République154 :
- ABAKO : Association des Bakongo, dirigé par Joseph Kasavubu
- MNC : Mouvement national congolais, dirigé par Patrice Emery Lumumba. Il sera
scindé en MNC-aile Lumumba, MNC- aile Kalondji
- ASSORECO : Associations des ressortissants du Haut-Congo
- BALUBAKAT : Association des Baluba du Katanga
- PNP : Parti National du Peuple
- CONAKAT : Confédérations des Associations Tribales du Katanga
152
Élie Phambu Ngoma-Binda, La participation politique, p. 443-444.
153
Guy Aundu Matsanza, État et partis au Congo-Kinshasa. L’ethnicité pour légitimité, Paris, L’Harmattan,
2010, p. 87-228.
154
Kimpianga Mahaniah, Kasa-vibu, Lumumba et l’indépendance du Congo 1959-1960, Paris, L’Harmattan,
2013, p. 9-11.
~ 53 ~
CONCLUSION GÉNÉRALE
155
Robert Damien, Éloge de l’autorité. Généalogie d’une (dé)raison politique, Paris, Armand Colin, 2014,
p. 34.
~ 54 ~
PLAN DU COURS.................................................................................................................2
INTRODUCTION GÉNÉRALE............................................................................................4
1. Qu’est-ce que l’éducation à la citoyenneté ?....................................................4
2. Pertinence du cours : la citoyenneté s’apprend...............................................5
3. Objectif global et objectifs spécifiques..............................................................6
4. Méthodologie suivie............................................................................................6
5. Références bibliographiques..............................................................................6
CHAPITRE PREMIER............................................................................................................8
LES DÉFIS DE L’ÉDUCATION À LA CITOYENNETÉ EN R. D. CONGO....................9
I. Bref aperçu de l’évolution sociopolitique de la RDC..............................................10
1. Rendez-vous manqués et espoirs engloutis...............................................................10
2. La deuxième période de transition............................................................................13
II. Des pratiques dont il faut prendre conscience pour mieux les combattre...........15
1. Le vagabondage politique ou l’absence de convictions politiques solides...............15
2. L’accaparement ou la manie de gouverner sans rendre de compte.........................16
3. Le syndrome d’Adam et Ève.....................................................................................17
4. La violence comme mode d’acquisition et de conservation du pouvoir...................21
5. L’enrichissement illicite ou moralement condamnable............................................23
6. Le culte de la personnalité........................................................................................25
CHAPITRE DEUXIÈME.......................................................................................................29
LES NOTIONS DE BASE DE LA CITOYENNETÉ..........................................................37
I. La démocratie athéniène...............................................................................................37
II. La Cité dans ses différentes acceptions.........................................................................38
1. État, citoyen et citoyenneté.................................................................................38
2. Nation, nationalité et nationalisme.....................................................................42
3. Patrie et patriotisme...........................................................................................42
III. Les formes de l’État.............................................................................................42
1. L’État unitaire....................................................................................................44
2. L’État fédéral......................................................................................................45
IV. Les régimes politiques..........................................................................................46
~ 55 ~
1. Le régime parlementaire.....................................................................................46
2. Le régime présidentiel........................................................................................47
V. Les systèmes politiques........................................................................................48
1. La monarchie......................................................................................................48
2. La République.....................................................................................................49
3. La démocratie.....................................................................................................49
VIVRE LA CITOYENNETÉ AU QUOTIDIEN..................................................................62
I. Apprendre la citoyenneté pour bien la pratiquer..............................................62
1. La citoyenneté comme pratique du civisme........................................................62
2. La citoyenneté comme pratique de l’investissement politique..........................63
3. La citoyenneté comme prise des risques pour la patrie.....................................63
4. La citoyenneté comme pratique de la formation continue..................................64
5. La citoyenneté comme pratique électorale.........................................................65
6. La citoyenneté comme pratique de l’appartenance multiple..............................66
II. De la conception du citoyen aux institutions démocratiques............................67
III. Quelques textes de références..............................................................................70
CONCLUSION GÉNÉRALE..............................................................................................71