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* elle enseigne ce qu’elle estime être les vérités de la religion chrétienne (pastorale
chrétienne : importance de l’Ecriture et de la Tradition, du péché originel, de la foi et des
œuvres, des miracles, de la communion des saints, du Purgatoire)
* elle administre les sacrements (les 7 sacrements) et prépare les hommes et les femmes à
la mort chrétienne et à l’au-delà (importance du purgatoire et des indulgences)
* elle distingue fortement le clergé (séculier et régulier) et les fidèles, les hommes et les
femmes (le clergé séculier est purement masculin et célibataire), les élites et le commun
peuple (les religieuses proviennent essentiellement de la noblesse)
31. Les huguenotes (« huguenot » et « huguenote » sont les mots qu’on utilise en français
pour désigner les calvinistes ; on utilise aussi « réformé », qui a dc un sens plus étroit que
« protestant »)
311. Les huguenotes au XVIe s
un lieu commun du MA, réactivé par le XVIe s, est la propension des femmes à donner ds
les hérésies : car les femmes sont des êtres faibles et débiles
* dès les années 1970, Natalie Zemon DAVIS s’est demandé si la Réforme avait exercé
sur les femmes un attrait particulier ; elle s’est également demandé quelles nouveautés la
Réforme avait pu apporter à la vie des femmes ; elle rappelle les hypothèses de ses
prédécesseurs :
** le sociologue allemand Max WEBER, ds sa Sociologie des religions, suggère que les
prophéties qui ne parlent ni de guerre ni de politique et les mouvements religieux à dimension
orgiaque, émotive ou hystérique, intéressent particulièrement les femmes ; Natalie Zemon
DAVIS réfutera ce point en montrant que les femmes du XVIe s qui se sont intéressées au
protestantisme y ont vu non une incitation à l’orgie et à l’émotivité mais un appel à la vie
intellectuelle et au contrôle de soi
** l’historien britannique Keith THOMAS, spécialiste des sectes anglaises du XVIIe s,
souligne que plus il y a, ds un mouvement religieux, d’égalité spirituelle entre les sexes, plus
les femmes y participent
** un autre historien britannique, Lawrence STONE, de même que l’historien français
Robert MANDROU, souligne que les femmes qui se sentaient particulièrement inutiles et
recluses (les femmes de l’élite, les femmes de maîtres de métier) trouvaient une échappatoire
ds la conversion religieuse
** Patrick COLLINSON, grand spécialiste britannique des puritains, pense que les
femmes de la gentry et les épouses de marchands auraient été prédisposées par leur éducation
et par une vie sociale assez libre à accueillir favorablement le calvinisme
** Roland BAINTON, biographe US de Luther, pense que les effets du protestantisme
ont été favorables aux femmes : la suppression du célibat ecclésiastique et la définition du
mariage comme école de bonne conduite auraient entraîné ds les rapports entre époux
protestants plus d’amitié et d’égalité qu’il ne s’en trouvait à la même époque entre époux
catholiques
* ds la France urbaine du début du XVIe s, les femmes suivent très fidèlement la conduite
sacramentelle de leur mari
** à Lyon, cette conduite est variable :
*** ds les élites, on se rend régulièrement à la messe, on se confesse et on communie
pour Pâques ; ds le reste de la population, ce n’est pas vrai de tout le monde (les paroisses
sont surchargées et les clercs ne sont pas tjrs très attractifs)
*** mais tout le monde fait baptiser ses enfants, se marie à l’église et la plupart des
gens font appeler le prêtre à l’article de la mort pour recevoir l’extrême onction ; bcp de gens
font un testament où ils précisent l’organisation de leurs funérailles (processions et
cérémonies) et les messes à dire pour le repos de leur âme (messes de fondation : il faut
prévoir plusieurs mois de salaire d’un tisserand ou d’une domestique ; bcp plus encore pour
les plus riches qui allouent une somme importante à la création d’une chapellenie [un prêtre se
consacrera à temps plein à la célébration de messes de fondation pour un individu et sa
famille])
** globalement, l’organisation de la vie religieuse est bien moins développée pour les
femmes que pour les hommes ; et les citadines ont moins d’occasions que les hommes de
manifester collectivement leur piété ; certes, elles participent avec eux aux processions de la
Fête Dieu, ou aux processions appelant la protection divine contre une épidémie ou la famine
*** mais les femmes sont bcp moins nb que les hommes ds les confréries (qui sont
associées aux corporations ; une confrérie regroupe des hommes ayant le même métier et qui
doivent s’entraider en cas de coups durs : elle organise les funérailles de ses membres et vient
en aide à leurs veuves et leurs orphelins) ; à Rouen, pour la 1ère moitié du XVIe s, 6 confréries
sur 37 mentionnent la présence de femmes et tjrs en petit nb ; il existe à Lyon en 1500 une
confrérie de femmes mais elle a disparu en 1540 ; les jeunes gens célibataires s’organisent
souvent en confrérie de saint Nicolas mais les filles n’ont pas l’équivalent (elles prient sainte
Catherine mais sans créer entre elles une confrérie)
*** la vie monastique elle-même est bien plus masculine que féminine (les couvents
de femmes recrutent par ailleurs exclusivement dans les couches supérieures de la population)
** autrement dit, la piété des femmes est plus individuelle et informelle
*** elles récitent leur chapelet toute seule, elles sont souvent seules lorsqu’elles
déposent un cierge à l’église ou rendent visite au saint d’un sanctuaire voisin ; la grossesse et
plus encore l’accouchement sont les temps forts de ce culte des saints (on prie la Vierge ou
sainte Marguerite pour que tout se passe bien, que Dieu écarte le danger et que l’enfant vienne
au monde vivant et en bonne santé)
*** mais certaines femmes alphabétisées vont plus loin : elles lisent la Bible et des
ouvrages de dévotion en langue vulgaire ; les prédicateurs franciscains se moquent de ces
femmes « semi-théologales » ; d’autres sont plus tolérants mais soulignent tout de même que
les femmes « doivent se garder d’appliquer leur esprit aux curieuses questions de théologie,
concernant les choses secrètes de la divinité, dont le savoir appartient aux prélats, recteurs et
docteurs » ; seul Erasme entrevoit, ds un de ses Colloques, que les femmes vont faire irruption
ds la sphère religieuse (une femme sachant le grec et le latin est la risée d’un abbé « bête
comme un âne » [le mot est d’Erasme lui-même] ; elle finit par lui crier : « si vous continuez
comme vous avez commencé, les oies prêcheront plutôt que de souffrir les pasteurs muets que
vous êtes ; vous voyez bien que tout maintenant est sens dessus-dessous sur la scène du
monde ; il faut quitter le masque ou bien chacun dira son mot »)
une fois la Réforme lancée, bcp de femmes des catégories moyennes et supérieures s’y sont
tout particulièrement intéressées :
* le sacerdoce universel (tout le monde est prêtre et peut donc lire la Bible), la lecture de
la Bible en vulgaire (et non plus en latin), la révision générale des sacrements (des sept
sacrements des catholiques, on passe chez les protestants à seulement deux : le baptême et la
cène), la nouvelle définition du mariage (contrat et non plus sacrement), la valorisation du
couple (fin de l’idéalisation du célibat), tout cela a pu parler aux femmes de la bourgeoisie
urbaine et de la noblesse
** les contemporains ont été conscients du phénomène et les catholiques l’ont expliqué
par la faiblesse morale et intellectuelle du sexe féminin ; ils ont continué à enseigner qu’il
suffisait aux femmes pour faire leur salut de faire leur ménage, de coudre et de filer
** ds le pamphlet Le moyen de parvenir à la connaissance de Dieu, 1562, une
protestante de répondre : « vous envoyez au feu une femme qui lit la Bible, vous dites qu’il
suffit aux femmes pour assurer leur salut de faire leur ménage, de coudre et de filer ; mais
vous laisserez bientôt les araignées entrer en paradis puisqu’elles savent si bien filer »
** de son côté, Marguerite de Navarre réplique aux catholiques par ces vers bientôt mis
en musique : « Tous ceux qui disent qu’aux femmes N’appartient voir saints écrits Ils sont
méchants et infâmes Séducteurs et antéchrists »
** ds le Livre des martyrs de Jean Crespin, une servante de La Rochelle prouve à un
franciscain que sa prédication n’est pas fidèle à la parole de Dieu, une femme de libraire
dispute de questions de dogme avec l’évêque de Paris et des docteurs en théologie, une veuve
de Tours prend à témoin l’Ecriture ; les théologiens catholiques ne savent que faire de femmes
si monstrueuses et contre nature (« les femmes se doivent taire ès églises, disait saint Paul »)
les femmes protestantes sont amenées à tenir tête à des hommes (catholiques, certes, mais
aussi protestants) et cela ne va pas sans créer de vives tensions
* comme le dit Natalie Zemon DAVIS, « les femmes se sont engagées ds la Réforme pour
se rebeller contre les prêtres et le pape, pas contre leur mari » : or, ds certains cas, elles
doivent affronter leur mari
* ensuite, elles doivent affronter les autorités catholiques (les docteurs, les théologiens,
tjrs des hommes) :
** elles entrent ds le cadre plus général des laïcs qui, grâce à leur connaissance de la
Bible, sont capables d’en remontrer à des clercs, des incultes capables de faire la leçon à des
lettrés, des femmes plus savantes que des hommes (la chose passe très mal : ds son Histoire
des martyrs, Crespin souligne chez les juges qui les affrontent « dépit et vergogne d’être
repris d’une femme »)
** ds l’épreuve, les huguenotes manifestent un grand courage ; entre 1559 et 1598,
certaines huguenotes prennent la parole en prison (elles s’adressent aux autres protestants
emprisonnés, hommes et femmes) et certaines d’entre elles sont très rapidement présentées
comme des modèles (on a vu ds l’exaltation de ces femmes un effort pour compenser la
disparition de la sainteté féminine et notamment la disparition de la Vierge Marie)
* par ailleurs, les structures d’Eglise mises en place par les protestants ne sont pas très
accueillantes aux femmes : autrement dit, les femmes protestantes ont du mal avec les
hommes protestants
** les femmes n’ont pas à prendre la parole ds les assemblées (saint Paul l’interdisait
déjà), n’ont pas à prêcher, ne peuvent pas être pasteur ni contredire les pasteurs (en dépit du
sacerdoce universel), ne peuvent pas siéger au consistoire (le consistoire est, chez les
calvinistes, une instance normative composée du pasteur et d’ « anciens », ie de fidèles
honorablement connus)
** par ailleurs, les protestants ayant aboli le culte de la Vierge et des saints ont supprimé
toute possibilité d’adresser une prière à une femme alors que le Père et le Fils restent
masculins (la lettrée catholique Marie de Gournay, ds son Egalité des hommes et des femmes
de 1622, verra ds le sexe de Jésus une simple contingence historique : jamais les Juifs
n’auraient accepté une femme pour sauveur) ; cela signifie que les protestantes en train
d’accoucher ne peuvent plus invoquer la Vierge ni prier sainte Marguerite (Calvin leur
conseille d’adresser leurs gémissements et leurs soupirs au Seigneur, qui recevra leurs plaintes
comme une marque de soumission)
** enfin, les femmes protestantes restent soumises à leur mari (la sujétion du sexe
féminin reste affirmée par Calvin : « que la femme se contente de sa sujétion et qu’il ne lui
vienne pas à déplaisir qu’elle est sujette au sexe le plus excellent » ; les consistoires privent du
droit de communier les maris qui battent leur femme mais ils condamnent à 3 jours de prison
au pain et à l’eau les femmes qui répondent à leur mari d’aller au diable ou l’injurient assez
fort pour que les voisins l’entendent)
Nathalie Zemon DAVIS conclut en disant que le protestantisme semble assimilationniste (le
groupe subordonné [les femmes] serait porté au niveau du groupe supérieur [les hommes])
alors que le catholicisme est fondamentalement pluraliste (les groupes restent distincts) mais
que, ds les faits, aux XVIe-XVIIIe s, les femmes restent soumises aux hommes des deux côtés
de la frontière religieuse (ce qui est vrai) ; cela dit, le protestantisme me semble à terme
infiniment plus disruptif que le catholicisme et plus riche de conséquences pour
l’émancipation des femmes, comme le prouvera l’histoire du féminisme aux XIXe et XXe s
* chez les protestants, les ordres monastiques sont supprimés et les monastères sont
dissous (Angleterre 1536)
le principal mouvement d’observance chez des religieuses françaises au XVIIe s est celui
des religieuses de Port-Royal
* Jacqueline Arnauld (1591-1661) est entrée à l’abbaye cistercienne de Port-Royal des
Champs (à l’O de Paris, ds la vallée de Chevreuse) comme novice à 8 ans ; à 11 ans, elle en
est l’abbesse (elle devient Mère Angélique Arnauld) ; à 18 ans, en 1609, elle décide de
réformer l’abbaye, en commençant par la clôture (elle affronte très violemment son père ds ce
qu’on appelle la « journée du guichet », 25 septembre 1609 : rompant avec sa pratique
antérieure, elle refuse de le voir ailleurs qu’au parloir, séparé d’elle par une grille ; la journée
est devenue très célèbre ds l’histoire du jansénisme)
* de 1618 à 1623, le succès de la réforme de Port-Royal la pousse à intervenir de même à
Maubuisson (plus au N, vers Pontoise), abbaye jusque là très mal tenue, tandis qu’elle confie
Port-Royal à sa sœur, Mère Agnès
* en 1624, l’air de Port-Royal s’étant révélé malsain, elle achète l’hôtel de Clagny, près du
faubourg Saint-Jacques, qui va lui permettre de transférer les religieuses de Port-Royal des
Champs à Port-Royal de Paris ; à Maubuisson, elle avait rencontré François de Sales, gde
figure spirituelle de l’époque, et, à la mort de François de Sales, en 1622, elle était passée sous
l’influence de l’abbé de Saint-Cyran, introducteur en France des idées de Jansénius : en 1635,
elle en fait le confesseur des moniales (elle est aussi en étroite relation avec Jeanne de
Chantal, fondatrice de l’ordre de la Visitation)
* en 1638, de pieux laïcs de sa famille (le 1er, Antoine Le Maistre, est le neveu de Mère
Angélique) lui demandent l’autorisation de s’installer à Port-Royal des Champs déserté par
les religieuses et qui leur paraît propice à la méditation et à la prière : on les appelle bientôt les
Solitaires de Port Royal (ils se livrent à des activités intellectuelles [par exemple
l’enseignement, ds ce qu’on appelle les Petites Ecoles de Port-Royal, sans doute de très loin le
meilleur établissement d’enseignement de France au XVIIe s mais qui hélas n’a fonctionné
qu’une vingtaine d’années ; il suffit de rappeler que Racine y fut élève et qu’il y a tout appris]
et à des activités manuelles, notamment des travaux d’assainissement qui feront reculer la
malaria et permettront le retour des sœurs)
les carmélites :
* l’ordre du Carmel, réformé en Espagne par la grande mystique Thérèse d’Avila (1515-
1582), est introduit en France par Mme Acarie (1566-1618)
** Barbe Acarie a été mariée à 16 ans ½ à un riche robin, doté de plusieurs seigneuries,
Pierre Acarie, qui adhère à la Ligue avec passion, ce qui lui vaut qqes ennuis qd Henri IV
entre ds Paris, en 1594 ; c’est Barbe qui, par ses qualités de négociation, parvient à obtenir
pour son mari le pardon royal, en 1599 ; ds la même décennie 1590, Barbe commence ses
expériences mystiques et, en particulier, elle reçoit les stigmates (sous le nom de Marie de
l’Incarnation, elle est la 1ère stigmatisée française)
** vers 1599-1600, elle anime aussi un cercle spirituel qui comprend Pierre de Bérulle,
Michel de Marillac, François de Sales, Vincent de Paul ; elle lit les œuvres de Thérèse
d’Avila, qui viennent d’être traduites en français et lui vient alors l’idée de créer un Carmel en
France (les carmélites sont des contemplatives qui veulent pousser à l’extrême le retrait du
monde), idée partagée au même moment par la duchesse de Longueville
* les Espagnols ne sont pas très enthousiastes pour envoyer qqes-unes de leurs carmélites
en France mais, finalement, le 15 octobre 1604, grâce à Mme Acarie, deux carmélites
espagnoles participent à la fondation du premier carmel français, à Paris (ce couvent de
l’Incarnation du faubourg Saint-Jacques, rasé en 1797, se trouvait à l’emplacement de l’actuel
lycée Lavoisier ; deux maîtresses de Louis XIV s’y retireront, Mme de La Vallière et Mme de
Montespan)
** suivent les carmels de Pontoise (1605), Dijon (1605), Amiens (1606), Tours (1608),
Rouen (1609) ; en 1618, à la mort de Mme Acarie, il y a 27 carmels en France ; en 1668, il y
en a 62
** en 1614, Barbe Acarie perd son mari et entre comme sœur converse au carmel
d’Amiens ; en 1616, elle passe au carmel de Pontoise ; elle y meurt en 1618
* créée en 1598 par Pierre Fourier et Alix Le Clerc, la congrégation Notre-Dame est
d’abord une congrégation séculière à vocation enseignante (sans clôture, sans vœux),
s’adressant à un public de petites villageoises des Trois Evêchés et de Lorraine
** la pression est très forte et, en 1628, la clôture est imposée
** la clôture modifie le public, qui devient plus sélectif
* les Filles de la Charité, créées en 1633 par Vincent de Paul et Louise de Marillac (nièce
du garde des sceaux Michel de Marillac ; les Marillac sont une famille de la robe auvergnate)
** les Filles de la Charité ne sont pas un ordre religieux mais une simple congrégation
sans vœux, sans clôture, sans couvent (« elles auront pour monastère les maisons des malades,
pour cellule une chambre de louage, pour chapelle l’église paroissiale, pour cloître les rues de
la ville, pour voile la sainte modestie »)
** en fait, malgré ces beaux principes, elles vivent en établissement (il y en a 280 en
1700, 420 en 1789 : presque un établissement par bailliage) ; leur très grande originalité, c’est
leur origine sociale bcp plus modeste que celle des religieuses stricto sensu : elles sont
d’origine paysanne et vivent parmi les pauvres, vêtues d’une simple robe-tablier de couleur
sombre et d’une cornette (coiffe qui ne disparaîtra que ds les années 1960 : c’est celle des
bonnes sœurs dans La grande vadrouille)
* sous Louis XIV, on crée des structures analogues pour enseigner gratuitement les filles
du peuple : ce sont
** les Sœurs de la Providence en Normandie (issues des Maîtresses des écoles
charitables du Saint Enfant Jésus du père Barré, Rouen, 1666)
** les Sœurs de l’enfant Jésus à Reims
** les Dames de Saint-Maur ds le reste du royaume
* on peut parler d’une réelle promotion des femmes ds l’Eglise ; passée l’époque où les
évêques ne rêvent que de clôture (« il faut à une femme le mariage ou une clôture »), on se
rend compte que ces congrégations de femmes sont bien utiles, permettront de faire
progresser l’alphabétisation des filles du peuple, de plus en plus indispensable à la pastorale
catholique
* ces trois femmes ne sont pas les seules : se multiplient dans les élites les vocations
féminines du même type (sans doute en relation avec les troubles de l’époque : guerres de
religion, guerre étrangère, régences)
** c’est pour ces femmes que François de Sales publie en 1609 son Introduction à la vie
dévote, « premier guide spirituel explicitement destiné aux laïcs » (Jean QUENIART)
** ds ce texte, François de Sales s’adresse à l’une de ses pénitentes d’Annecy qu’il
appelle « très chère Philothée » : il l’assure que la perfection chrétienne est compatible avec le
mariage et la vie ds le monde ; par ce texte, François de Sales essaie de renverser le préjugé
lourdement antiféministe des milieux ecclésiastiques (« il faut aider le sexe féminin lequel on
méprise ») et de montrer aux dames chrétiennes qu’il n’est pas nécessaire « d’entrer en
religion » (de devenir religieuse consacrée et cloîtrée) pour mener une vie chrétienne ; signe
d’un réel succès, il a bcp d’imitateurs et on voit se multiplier pendant tout le XVIIe s les
correspondances suivies entre directeurs de conscience et dirigées
la mystique est très importante dans la religion chrétienne, en même temps qu’elle est très
problématique :
* par son obsession du contact direct et non intellectuel, elle est accessible à ceux qui sont
écartés de la théologie et des positions d’autorité et dc aux femmes
* le discours mystique insiste sur le fait que Dieu préfère parler aux simples plutôt qu’aux
savants et que pour cette raison, il préfère s’adresser aux femmes à cause de la leur faiblesse,
de leur petitesse, de leur bassesse (Mme Guyon écrit : « les femmes restant nues, vides,
dépouillées de tout, sans science, sans distinguer si ce qu’elles disent est bien ou mal, elles
sont plus propres à faire couler les vérités nues. Et c’est pourquoi ordinairement, les grandes
âmes que Dieu veut humilier et illuminer, non en lumière de raison mais en vérité, il les
attache à de pauvres femmelettes » ; « cela coulait comme du fond et ne passait point par ma
tête »)
elle nie du même coup le rôle de la rationalité théologique et le rôle de l’Eglise institution,
qui est supposée justement être l’intermédiaire indispensable entre la divinité et les fidèles –et
c’est pourquoi elle va susciter tant d’hostilité ds l’institution
* de fait, fortes de leur contact direct avec Dieu, les mystiques en viennent à donner des
conseils et à pratiquer sans le dire la direction de conscience, avec des femmes, avec des
hommes, et même (abomination de la désolation) avec leur propre directeur de conscience
** ce fut le cas de Marguerite du Saint-Sacrement (1619-1648) avec son confesseur au
Carmel de Beaune : « il la dirigeait et se faisait à son tour diriger par elle » écrit un autre curé,
scandalisé
** ce fut aussi le cas de Marie Rousseau (1596-1680), veuve d’un marchand de vin
parisien, qui reprocha à Jean-Jacques Olier, curé oratorien de Saint-Sulpice, sa légèreté et sa
vanité et qui, ce faisant, le poussa à se réformer et à fonder le séminaire de Saint-Sulpice et la
compagnie des prêtres de Saint-Sulpice (Olier écrit : « Quoique cette femme soit d'une basse
naissance et d'une condition qu'on a presque honte de nommer, elle est toutefois le conseil et
la lumière des personnes de Paris les plus illustres par leur extraction et des êtres les plus
élevées en vertu et en grâce » « Que ne dois-je pas à Dieu de m'avoir donné pour fils à cette
créature, et plût à Lui qu'il ait bien voulu me la donner pour mère ! »)
** de même, du propre aveu de Fénelon, Mme Guyon (1648-1717) a fortement
influencé l’archevêque de Cambrai ds le sens de la dévotion à l’Enfant-Jésus, et elle a
entretenu avec lui une correspondance nourrie
* Marie Bouvier de La Motte est la fille d’un maître des requêtes (son père appartient à la
robe d’Etat) et elle grandit sur les terres familiales, à Montargis
** ayant lu la Vie de Jeanne de Chantal et ayant, à partir de l’âge de 13 ans, subi
l’influence mystique de la duchesse de Béthune-Charost (hébergée par sa famille), elle désire
entrer à la Visitation mais elle est mariée, à 16 ans, à un homme très riche et bcp plus âgé
qu’elle, Jacques Guyon du Chesnoy, âgé de 38 ans (il lui fait 5 enfants, dont 3 atteignent l’âge
adulte) ; elle a toute une série de contacts avec des mystiques, dont le plus important est le
Normand Jacques Bertot, qu’elle rencontre en 1671 et qui est son directeur mystique pendant
10 ans
** son mari meurt en 1676 et, à 28 ans, elle se retrouve à la tête d’une belle fortune dont
elle peut disposer à sa guise
*** en 1681, elle se rend à Gex, près de Genève, pour y prendre la direction d’un
établissement de Nouvelles Catholiques, ce qui ne va pas sans peine ni tracas (elle se rend
compte que les malheureuses ont été forcées à se convertir) ; au même moment, elle écrit le
Moyen court et très facile de faire oraison
*** en 1686, elle s’installe à Paris où elle prend la direction spirituelle d’une groupe
qui s’était constitué sous la houlette de Jacques Bertot ; son demi-frère, le père de La Motte,
lance alors contre elle une campagne de calomnies, l’accusant de quiétisme et de débauche
*** en janvier 1688, accusée d’hérésie, elle est internée chez les visitandines de la rue
Saint-Antoine : elle commence à y écrire sa Vie ; Mgr de Harlay, archevêque de Paris qui
lorgne la fortune de Mme Guyon, se livre à un chantage odieux : si la fille de Mme Guyon
épouse le neveu de l’archevêque, elle est libre
*** de fait, elle est libérée en septembre 1688 sur intervention de Mme de Maintenon ;
elle se retire chez les miramiones, puis séjourne au château de Beynes où elle rencontre
Fénelon, qui est d’abord circonspect, puis littéralement conquis (il dit d’elle qu’elle est sa
« directrice de conscience », sa « dispensatrice de grâce ») ; c’est alors qu’elle fait des adeptes
ds les milieux de la cour (Fénelon lui fait connaître les ducs de Beauvilliers et de Chevreuse,
et leurs femmes, filles de Colbert ; se constitue alors ce qu’on appelle le « petit troupeau » ;
Mme de Maintenon n’en fait pas partie stricto sensu mais elle apprécie bcp Mme Guyon et, en
1689, la fait entrer à Saint-Cyr, où elle multiplie les adeptes ; au même moment, Louis XIV
nomme Fénelon précepteur de ses petits-fils, les ducs de Bourgogne et d’Anjou) ; mais Mme
Guyon a aussi des ennemis qui s’inquiètent de plus en plus : l’un d’eux, Paul Godet des
Marais, est confesseur à Saint-Cyr et il va utiliser contre elle des agents provocateurs (deux
dames de Saint-Cyr se font passer pour des adeptes et font ensuite des rapports à Godet)
*** en mai 1693, Mme Guyon est chassée de Saint-Cyr ; en 1694-1695, ses écrits
(Torrents spirituels, Moyen court de faire oraison, Cantique des cantiques de Salomon, Vie de
Mme Guyon écrite par elle-même) sont examinés par Bossuet qui, ds un premier temps, n’y
voit rien que de catholique, puis, ds un second temps, devient plus hostile (en particulier lors
de ce qu’on appelle les conférences d’Issy, ds une dépendance du séminaire de Saint-
Sulpice) ; en janvier 1695, Mme Guyon se rend à Meaux pour pouvoir être interrogée par
Bossuet : il se montre désagréable et emporté ; in fine, en février 1695, il interdit à Mme
Guyon d’« écrire, d’enseigner, de dogmatiser dans l’Eglise, ou de répandre ses livres
imprimés ou manuscrits, ou de conduire les âmes ds la voie d’oraison » (mais elle refuse de
signer un aveu d’hérésie)
*** la querelle entre l’aigle de Meaux et le cygne de Cambrai est ouverte :
entre février et juillet 1695, Mme Guyon est enfermée à la Visitation de Meaux ;
en juillet, elle quitte Meaux en triomphe ds la voiture de la duchesse de Mortemart, puis
séjourne clandestinement à Paris où elle est interdite de séjour
en décembre 1695, elle est découverte et enfermée à Vincennes, puis en 1696 au
couvent de Vaugirard, puis en juin 1698 à la Bastille, où elle reste 5 ans sans chef
d’accusation
ab 1703, elle finit sa vie à Blois, où elle est entourée de quelques fidèles,
catholiques et protestants (aujourd’hui, son influence est bcp plus forte ds le monde protestant
que ds le monde catholique) et elle meurt en 1717
* comme le dit Linda TIMMERMANS, la fin du mysticisme a marqué « la fin d’une
forme originale de promotion féminine » ; à partir de la querelle quiétiste, de plus en plus de
femmes mystiques sont enfermées au couvent, en prison ou avec les fous de l’hôpital général
** le mysticisme paraît le résultat d’une imagination déréglée, d’une nature
mélancolique, la mélancolie étant une maladie mentale proche de la folie et qui touche bcp les
femmes, à cause de leur faiblesse morale et physique
** on pense de plus en plus que c’est à la médecine de s’en occuper, par un changement
d’air ou des médicaments
* mais le 13 avril 1661, le Conseil d’Etat rend obligatoire pour tous les ecclésiastiques (y
compris les religieuses de PR) la signature d’un Formulaire condamnant 5 propositions tirées
de l’Augustinus de Jansenius
** les proches de PR affirment très rapidement que les propositions sont condamnables
ds l’absolu mais qu’elles ne se trouvent pas chez Jansenius (c’est la distinction du droit et du
fait) ; les religieuses ajoutent que, si on ne leur permet pas de faire cette distinction, elles ne
signeront pas
** c’est la guerre : Louis XIV interdit à PR (communauté florissante de 130 religieuses,
dont 113 professes [on distingue les novices, qui n’ont pas encore prononcé leurs vœux, des
professes, qui les ont prononcés]) de recevoir des novices et des pensionnaires et ses
directeurs spirituels (dont Lemaistre de Sacy) doivent quitter l’abbaye ; Mère Angélique
meurt en 1661 et sa successeuse Mère Madeleine de Sainte-Agnès connaît 8 années très
difficiles : en août 1664, l’archevêque de Paris, Hardouin de Péréfixe, se rend à PR de Paris et
décide d’exiler 16 religieuses ds divers couvents de la capitale ; en novembre 1664, il se rend
à PR des Champs et agit de la même façon ; les religieuses de Paris finissent par céder ds le
courant de l’année 1665 mais celles de PR des Champs tiennent bon, alors qu’elles sont
privées de sacrements et sous la surveillance de 4 archers qui leur imposent brimades et
interdictions
mais le jansénisme ne se réduit pas à PR : il a séduit de nb laïcs des deux sexes
* les auteurs jansénistes (pensez à Pascal) ont défendu leur point de vue en français, ce qui
leur a donné une audience assez importante (et notamment une audience féminine ; en longue
durée, les femmes ne savent pas le latin ; Pascal écrit ds Les Provinciales : « j’ai cru qu’il
fallait écrire d’une manière propre à faire lire mes lettres par les femmes et les gens du
monde »)
** c’est ainsi qu’on a eu le phénomène des « belles amies de PR » (Louise-Marie de
Gonzague, proche de Vincent de Paul, reine de Pologne en 1645, sœur d’Anne de Gonzague
dont Bossuet a fait l’oraison funèbre en 1684 ; ou ces anciennes frondeuses que sont Mme de
Sablé et la duchesse de Longueville)
** n’en sont pas très loin Mme de Sévigné (dont le mari, avant de mourir en duel pour
sa maîtresse en 1651, était un proche du duc de Longueville) et Mme de La Fayette (proche
du cardinal de Retz au début de la Fronde et grande amie de La Rochefoucauld et de Mme de
Sévigné)
* les adversaires des jansénistes leur reprochent de consulter ces mondaines comme des
docteurs, de leur faire croire qu’elles peuvent se prononcer sur les matières de religion (ainsi,
« dans le pays de Jansénie », dépeint en 1660 par Zacharie de Lisieux, la doctrine « serait
tombée en quenouille », ie tombée entre les mains des femmes)
** il est sûr que le caractère élitiste du jansénisme a pu attirer des femmes de
l’aristocratie qui avaient une conscience aiguë de leur supériorité
** mais le jansénisme a aussi attiré des femmes de condition plus modeste (des régentes
d’école par exemple), peut-être parce qu’il exalte les droits de la conscience
* par ailleurs, la crise janséniste des années 1660 a poussé les religieuses de PR à
s’affirmer comme jamais auparavant
** Jacqueline Pascal écrit à la Mère Angélique de Saint-Jean en 1661 : « puisque les
évêques ont des courages de filles, les filles doivent avoir des courages d’évêques »
** autrement dit, il est incontestable que la crise janséniste a introduit du trouble ds le
genre et ds les représentations genrées
* Germaine Cousin dite Germaine de Pibrac (canonisée en 1867), bergère martyrisée par
sa marâtre
* Marie Guyart de l’Incarnation veuve Martin fondatrice des ursulines de Nouvelle France
(béatifiée en 1980)
on a ici la preuve que le XVIIe s a joué en faveur de la considération des femmes ds l’Eglise
(en longue durée, puisque la très gde majorité des béatifications et des canonisations sont
postérieures à la RF) ; cela dit, les femmes restent exclues de la théologie et le règne de Louis
XIV correspond incontestablement à une fermeture
* pour l’Eglise, la lutte contre les sorciers et les sorcières est impérative
** il faut nettoyer le monde de l’emprise satanique (qui tend à s’accroître à l’infini)
** la condamnation à mort des sorciers est par ailleurs le dernier moyen de les sauver :
le procès doit servir en effet à l’aveu du pacte et à la reconnaissance d’une véritable trahison ;
le sorcier repenti peut être réconcilié à l’article de la mort et il gagne ainsi une chance
d’échapper ds l’au-delà à l’enfer éternel
* l’Eglise ne juge pas elle-même des affaires de sorcellerie mais elle attend que la justice
royale s’en occupe avec la plus grande fermeté (la justice royale apparaît ici comme le bras
séculier de l’Eglise)
la place des femmes est très importante dans la sorcellerie (ce qui expliquera la place de la
sorcière ds le féminisme des années 1970)
* en France, aux XVIe-XVIIe s, les femmes représentent de 60% à 80% des individus
accusés de sorcellerie (la seule exception est la Normandie, où les accusés sont des hommes
dans 72% des cas)
* ce sont le plus souvent des veuves relativement âgées : s’exprime ici la méfiance vis-à-
vis des femmes –et notamment des « vieilles femmes décrépites » ; cette méfiance concerne
au premier chef les savoirs de ces femmes (elles connaissent les « simples » et leurs effets,
elles connaissent des gestes réputés dangereux, savent par exemple « nouer les aiguillettes »
ou jeter des sorts sur les hommes ou sur les bêtes, sont capables de concocter des breuvages
plus ou moins susceptibles d’empoisonner)
* les paysans qui accusent une femme de sorcellerie disent généralement : elle est sorcière
parce qu’elle est connue comme telle, elle est fille de sorcière, elle a jeté un sort sur tel ou tel,
tout le monde vous le dira
* cela dit, la magie naturelle se maintient vigoureusement ds l’univers rural parce que les
raisons de son existence se maintiennent (fragilité des existences, étroitesse des horizons) ; le
XVIIIe s voit un retour en force des guérisseurs et de la sorcellerie populaire, qui reprennent
leur place au village