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25/09/2023, 15:22 Y a-t-il une spiritualité jésuite ?

- Expertise jésuite dans les procès de canonisation de Thérèse de l’Enfant-Jésus (1911-191…

LARHRA
Y a-t-il une spiritualité jésuite ? | Étienne Fouilloux,
Philippe Martin

Expertise jésuite
dans les procès de
canonisation de
Thérèse de
l’Enfant-Jésus
(1911-1916)
Claude Langlois
p. 190-214

Texte intégral
1 Le titre proposé demande de préciser d’abord comment
comprendre l’expertise jésuite. La neutralité de la formule
permet de prendre en compte, sous cette rubrique, toute
activité supposant une évaluation à finalité décisionnelle,
portant sur une personne ou sur une œuvre : le bénéficiaire
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étant soit une personne qui se décide à prendre une décision


à un moment important de sa vie (faire élection dans le
cadre des Exercices spirituels) soit une collectivité ecclésiale
qui doit se prononcer (mise à l’Index d’un ouvrage ou procès
de canonisation). Cette notion d’expertise peut s’appliquer
parfaitement à un secteur comme la vie spirituelle. On
pressent aussi que ce type d’expertise prend un relief
particulier dans un rapport homme/femme structurellement
inégal, puisque la légitimité de celui qui fait l’expertise
dépend à la fois de son statut de prêtre et de ses
connaissances théologiques alliées à un savoir-faire
spécifique (direction spirituelle).
2 Cet article se présentera de manière à la fois simple et
complexe. Simple parce que son objet est aisé à identifier : la
participation de trois jésuites au deux procès de Thérèse de
l’Enfant-Jésus en 1910-1911 (procès ordinaire) et 1915-
1916 (procès apostolique). Complexe, parce que j’y
introduirai de trois manières successives. D’abord en
balisant un domaine plus large qui peut servir de toile de
fond au sujet traité : le renouveau d’intérêt pour la mystique
à la fin du xixe siècle et au début du siècle suivant ; ensuite,
en identifiant les modalités de la présence jésuite au carmel
de Lisieux où Thérèse de l’Enfant Jésus a vécu moins d’une
dizaine d’années de 1888 à 1897 ; enfin en présentant la
réaction jésuite durant les premières années de la
publication de l’Histoire d’une âme.

Les jésuites et le retour de la mystique


3 L’approche de l’expertise jésuite peut s’opérer à partir d’un
dossier de grande ampleur comme l’accompagnement des
nouvelles congrégations féminines1, ou d’un autre de taille
plus limitée comme le débat autour la mystique qui renait à
partir de la fin du xixe siècle2. Il est possible de baliser ce
dernier en proposant quelques noms qui peuvent servir de
repères. En commençant par le jésuite belge Guillaume
Hahn3, qui en 1885 eut l’idée quelque peu téméraire de
reprendre à son compte la notion d’hystérie, développée par
l’École de la Salpêtrière, et surtout de l’appliquer à Thérèse
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d’Avila tout en montrant que cette pathologie ne mettait pas


en cause la qualité de son expérience mystique. L’Index en
jugea vite autrement4.
4 Le cas du père Henri Watrigant5 est moins connu :
de 1899 à 19106, ce bon spécialiste des Exercices spirituels
s’acharna à dénoncer comme semi-quiétiste la « voie »
prônée par l’entourage de la plus célèbre visitandine du
xixe siècle, Marie de Sales Chappuis (1793-1875). Et cette
campagne de harcèlement ne fut sans doute pas pour rien,
en pleine crise moderniste, dans le blocage d’un procès de
béatification pourtant bien engagé.
5 La figure du père Auguste Poulain7 est plus irénique. Cet
expert autoproclamé en phénomènes mystiques
8
extraordinaires entretint une courtoise polémique avec
l’abbé Saudreau9, ce qui témoigne du retour apaisé du débat
sur la mystique dans les sphères ecclésiastiques. Mais parler
de la mystique passée est une chose, en montrer l’actualité
en est une autre : Poulain se risqua à publier, hors
commerce, en 1910, le Journal spirituel de Lucie-Christine10,
une femme mariée mystique qui venait de mourir.
6 Le dernier témoin convoqué dans ce dossier à construire
pourrait être le père de Chastonay11, jésuite suisse, qui
en 1922, dans une chronique de la jeune Revue d’ascétique
et de mystique12, explique les bonnes raisons qu’avait eu
l’Index de mettre en garde (reprobandum) contre la
biographie, publiée en 1910, donc douze années plus tôt,
d’une humble religieuse enseignante, sœur Gertrude-
Marie13. Celle-ci, malgré d’illustres approbateurs, comme le
jésuite Poulain, le dominicain Hugon ou le trappiste
Lehodey, avait été condamnée parce que la sœur y faisait
parler Jésus trop familièrement et plus encore parce que
Rome voulait avertir, à peu de frais14, des directeurs de
conscience trop enclins à s’aventurer sur ce terrain délicat15.
7 Autant de dossiers qui, à condition d’être bien documentés,
permettraient de mieux comprendre l’implication de la
Compagnie dans l’appréciation théorique et pratique des
phénomènes mystiques.

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Présence jésuite au carmel de Lisieux


8 Voilà pourquoi je m’en suis tenu à un dossier plus
maitrisable, dans le prolongement de celui que je viens
d’évoquer, le rôle des jésuites dans la réception de Thérèse
de l’Enfant-Jésus à partir de la publication, en 1898, de
l’Histoire d’une âme. Thérèse Martin, née en 1873, la
dernière d’une fratrie composée de cinq filles16, est entrée
en 1888 au carmel de Lisieux où elle a vécu pendant moins
de dix ans avec trois de ses sœurs et une cousine. Elle meurt
de tuberculose en 1897. L’Histoire d’une âme, l’ouvrage qui
la fait connaître, en puisant dans ses écrits, paraît l’année
suivante, en 1898. Le succès de l’ouvrage et plus encore les
nombreux miracles qu’on attribue à la jeune carmélite
conduisent à l’ouverture en 1910 de son procès par
l’Ordinaire de Bayeux. Procès ratifié en 1914 par Rome qui
lance, en pleine guerre, la phase suivante, le second procès,
dit apostolique, toujours sous la direction de l’évêque de
Bayeux17. C’est à l’expertise jésuite faite durant ces deux
procès que je voudrais consacrer cette étude. Mais pour
mieux comprendre ce dossier, il est nécessaire de revenir
quelque peu en arrière, et au carmel de Lisieux et à Thérèse
elle-même, de son vivant, cette fois.
9 Les jésuites de papier attendaient, si l’on peut dire, Thérèse
de pied ferme. Lisieux est un carmel normand fondé
en 1838 ; il possède une petite bibliothèque de moins
de 300 titres à la fin du siècle, essentiellement des livres
publiés après la Révolution. Selon une disposition originale
par rapport aux autres carmels français, une partie des
ouvrages est consultable directement dans l’avant-chœur.
Après la littérature carmélitaine, la production jésuite est
celle qui y est la mieux représentée, avec une vingtaine
d’auteurs, dont la moitié appartient à la nouvelle
Compagnie, et quelque 35 titres, pour l’essentiel publiés
dans les années 1860-1880, donc avant l’arrivée de Thérèse.
Les ouvrages des jésuites de la Nouvelle Compagnie
introduisent souvent aux dévotions du xixe siècle, Sacré-
Cœur18, saint Joseph19, Vierge Marie20 ; ils font aussi
connaître une mystique médiévale dont le nom est associé au
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culte du Sacré-Cœur, sainte Gertrude21 ou de nouvelles


saintes ultramontaines, comme la sainte des catacombes,
Philomène22, ou la romaine Anne-Marie Taïgi (morte
en 1837)23, mère de famille et mystique. Les auteurs les plus
connus de ces publications le sont souvent pour d’autres
raisons que pour les ouvrages que le carmel abrite : Xavier
de Ravignan24 était un prédicateur célèbre ; Léonard Cros,
un écrivain abondant, de surcroît très bon connaisseur de
Lourdes ; Marcel Bouix, avant tout l’inépuisable traducteur
des œuvres de Thérèse d’Avila et d’autres carmélites proches
de la fondatrice du carmel réformé25.
10 En fait, l’essentiel de la nourriture spirituelle proposée aux
carmélites provient de la réédition d’auteurs jésuites. Si l’on
met à part l’insolite présence des œuvres complètes du
missionnaire Brydaine († 1767)26 et la réédition du sanctoral
de Ribadeneyra, complété par l’abbé Darras27, on trouve des
ouvrages classiques dans les communautés religieuses
comme le Rodriguez28, mais surtout de nombreuses
rééditions de membres de l’école jésuite française du
xviie siècle, comme Saint-Jure, Surin, Nouet et Guilloré,
voire du xviiie , comme Caussade29. Retenons, parce que
mieux représentées, les trois œuvres suivantes : les
Fondements de la vie spirituelle du père Surin30 ; l’inédit
alors très lu du père de Caussade31, l’Abandon à la divine
providence32, dont la paternité ne sera contesté que très
récemment33 ; et surtout L’homme d’oraison du père
Nouet – auteur alors très présent dans les couvents – dont le
carmel possède trois éditions successives34.
11 Les jésuites de Thérèse sont de papier et de chair. Thérèse,
alors novice, durant la longue attente de sa profession – le
supérieur du carmel lui fait payer ainsi d’être entrée très
jeune à l’encontre de son avis –, tire un grand profit de la
lecture, dans une édition de 1732, des Fondements de la vie
spirituelle de Surin35. À l’été 1894, au moment où sa sœur
Céline, après la mort de leur père, s’inquiète justement de
l’orientation qu’elle doit donner à sa vie, Thérèse lui fait lire
ce même ouvrage qui l’a aidé en un moment difficile et qui
donne pleine satisfaction à l’intéressée36. Et, deux ans plus

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tard, en octobre 1896, Marie de l’Eucharistie, cousine et


novice de Thérèse, qui dit avoir tiré elle-même un grand
profit de l’ouvrage, en conseille la lecture à Céline
Maudelonde, une cousine très proche qui vient de se marier,
en lui fournissant le mode d’emploi d’un ouvrage, qui est,
selon elle, aussi utile aux laïques qu’aux religieuses37.
12 En fait, l’influence jésuite, plus diffuse, déborde la simple
lecture avérée d’un ouvrage précis. Ainsi de Claude La
Colombière, le directeur de Marguerite-Marie38 : Thérèse, en
février 1897, le donne en exemple à son petit frère, l’abbé
Bellière, comme modèle de ce que devrait devenir l’union de
leurs deux âmes39. Faut-il ajouter aussi les conférences de
l’abbé Arminjon ? On sait combien l’ouvrage du grand
prédicateur, Fin du monde présent et Mystères de la vie
future40, joua un rôle décisif dans l’évolution de la jeune
Thérèse durant l’année décisive de ses quatorze ans41 où elle
décida de faire aboutir au carmel sa vocation apostolique42.
L’hésitation provient de la trajectoire de son auteur : Charles
Arminjon (1824-1885) entra en effet dans la Compagnie à
dix-huit ans, et y passa dix-sept années (1842-1859), puis fut
relevé de ses vœux parce que son activité de prédicateur à
travers toute la France était peu compatible avec la stricte
délimitation des activités apostoliques entre provinces. Mais
il est demeuré proche de la Compagnie, comme en témoigne
sa réintégration discrète avant sa mort43. Et on peut le
considérer à tout le moins comme un prêtre très proche de la
Compagnie et apprécier à ce titre l’influence décisive que cet
ouvrage eut sur Thérèse.
13 Autres sont les deux jésuites qui ont croisé directement la
route de Thérèse. Elle vit – et surtout entendit – le père
Laurent Blino qui prêchait au carmel en 1890, alors qu’elle
était encore novice, en attente de sa profession. En direction,
celui-ci aurait tempéré avec quelque vigueur ses désirs de
sainteté. Mais l’épisode, probable, a été grossi plus tard dans
une perspective résolument hagiographique44. Le cas du père
Almyre Pichon (1843-1919), seul directeur de conscience de
Thérèse durant ses premières années au carmel, est
autrement plus important, sans avoir pour autant été

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apprécié à sa juste mesure. Connu de la famille Martin à


Lisieux où il a prêché en 188145, Pichon dès 1882 est pris
comme directeur de conscience par Marie, l’aînée des filles
Martin, qui, âgée de 22 ans, hésite sur son choix de vie46.
Céline, la sœur la plus proche de Thérèse, en fera autant
en 1887, alors qu’elle a dix-huit ans. Thérèse, de son côté,
avait aussi sollicité Pichon en octobre 188747 afin qu’il la
dirige quant elle serait entrée au Carmel. Parvenu à ses fins,
la très jeune postulante lui fait une confession générale en
mai 1888. C’est à cette occasion que Pichon la délivre de ses
scrupules, ce dont elle lui sera reconnaissante48. Elle prend
effectivement Pichon comme directeur de conscience, alors
qu’il part pour un long séjour au Canada49. Thérèse dira dans
son autobiographie, avec quelque exagération, qu’à ses
lettres mensuelles, Pichon répondait seulement une fois par
an50. En fait, son directeur sut la soutenir dans les difficultés
du début de son noviciat. Il ne faut pas oublier aussi que, si
Thérèse a tendance à dévaluer le rôle de ses directeurs en
général et de Pichon en particulier, c’est afin de mieux faire
apparaître celui de Jésus, « le Directeur des directeurs », qui
seul la guidait51. Il importe donc de réévaluer le rôle de
Pichon, ce disciple du père Ramière, qui inculqua à Thérèse
la dévotion au Sacré-Cœur, ce qui a joué un rôle important
dans la formation de Thérèse et l’a sans doute conduite à la
découverte capitale, à partir de juin 1895, du Dieu de
Miséricorde.

Les premiers thérésiens jésuites (1898-


1914)
14 Les jésuites sont aussi en bonne place parmi les premiers
thérésiens qui se manifestent dès la publication de l’Histoire
d’une âme, en octobre 189852. Ils ne figurent certes pas
parmi les personnalités spirituelles sollicitées en 1898 et
surtout en 1899 pour cautionner le nouvel ouvrage. Mais
quelques pères ont eu l’occasion de faire immédiatement
connaître leur avis au carmel, comme le père Blino
justement, alors en résidence à Versailles, qui témoigne
aussi de l’intérêt porté par le père de Rochemonteix53. Mais
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les jésuites ont aussi des moyens de rendre compte,


en 1898 et 1899, du nouvel ouvrage dans leurs publications.
On cite souvent le compte-rendu un peu pincé – après la
seconde édition - des Études où le père d’Octeville voit dans
l’Histoire d’une âme un ouvrage pour religieuses, pour
public féminin à tout le moins54 ; mais on oublie de
mentionner l’immédiat soutien du Messager du Cœur de
Jésus55, autrement plus important par son tirage et par ses
divers relais internationaux. Et si Henri Bremond, ancien
rédacteur aux Études, fait connaître en 1904 – l’année où la
Compagnie se sépare de lui –, ses réticences56 vis-à-vis de
l’Histoire d’une âme qui rejoignent celle de la revue qu’il
quitte, le Messager du Cœur de Jésus sera encore attentif au
phénomène thérésien une décennie plus tard, accompagnant
d’un long article très favorable le procès de Thérèse. En effet,
en 1911, le scolastique Jacques Sevin57, connu plus tard
comme introducteur du scoutisme en France, alors qu’il
commence sa théologie au scolasticat d’Enghien, publie un
article d’une trentaine de pages intitulé « La petite Sainte de
Lisieux, sœur Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte
Face » en insistant sur son esprit d’enfance58.
15 Il faut toutefois faire une place à part à deux jésuites, de
modeste notoriété, qui ont été les premiers à cautionner de
manière explicite les publications thérésiennes
périphériques qui, de 1908 à 1914, accompagnent le succès
de l’Histoire d’une âme. Le premier est le père Florian
Jubaru59. Ce spécialiste de sainte Agnès a été sollicité par le
carmel en 1907 pour préfacer la première édition
séparée60 des Poésies de Thérèse. Le jésuite, connu à Lisieux
en 1906, sinon plus tôt, donne au carmel, en mars 1907, une
préface aux Poésies, élogieuse et juste de ton, qui ouvrira
l’édition de 190861 et y introduira aussi longtemps que les
Poésies seront ainsi rééditées jusqu’aux années 1950. Dans
une lettre de juillet 1908, Florian Jubaru témoigne
incidemment de la bonne réception de Thérèse au scolasticat
d’Enghien où son frère Henri enseigne la théologie et plus
encore chez les missionnaires jésuites de Chine62.

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16 L’autre jésuite qui écrit sur Thérèse est le père Jean


Carbonel. En 1914 paraît, sous son nom, une Histoire de
Thérèse de l’Enfant-Jésus pour les enfants63. L’idée de
l’ouvrage date de 1911 et provient de Céline, la sœur de
Thérèse, alors surtout illustratrice de l’Histoire d’une âme.
Le jésuite, qui a été sollicité pour faire la révision du
manuscrit, donne son nom à une publication joliment
illustrée qu’il a largement réécrite et qui ne pouvait paraître
alors sous celui d’une sœur de Thérèse. En tout cas, les pères
Jubaru, Sevin et Carbonel servent de précieuses cautions
publiques à Thérèse : celles-ci sont d’autant plus
importantes pour le carmel que ces jésuites sont les seuls
religieux à se prononcer publiquement en faveur de la jeune
carmélite dans les années où la production thérésienne
s’emballe à partir de 1908, portée notamment par la
perspective du procès qui s’ouvre en 1910.

Expertise jésuite au procès ordinaire


(1910-1911)
17 Et c’est maintenant du procès ordinaire64 qu’il faut rendre
compte. Il est ouvert par les Articles du vice-postulateur,
Mgr de Teil, qui fournit un plaidoyer argumenté que les
dépositions des témoins devront appuyer. À la rubrique des
traductions de l’Histoire d’une âme, figure en bonne place le
père de Santanna65, jésuite portugais, introducteur de
Thérèse dans son pays. Au procès ordinaire, en plus des
carmélites, dont les trois sœurs de Thérèse, les juges
entendirent dix-sept clercs, dont huit appartenaient à
diverses familles religieuses ou communautés de prêtres.
Trois avaient connu Thérèse : le père Roulland, le frère de
Thérèse, des Missions étrangères, revenu récemment de
Chine ; le père Madelaine, prémontré, prieur de Mondaye,
originaire du diocèse, très proche du carmel : il est l’éditeur
du manuscrit, le préfacier de l’Histoire d’une âme, et plus
encore le confesseur extraordinaire de Thérèse ; et enfin le
père Pichon, jésuite, le lointain directeur de conscience de
Thérèse, également de retour de sa mission canadienne.
Parmi les autres, un seul s’imposait : comme il fallait, au
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procès d’une carmélite, un carme romain, on choisit un


ancien missionnaire en Inde, le père Élie de la Mère de
Miséricorde qui, comme secrétaire de deux généraux
carmes, avait été en contact avec le carmel dès 189966. Trois
ordres religieux, au sens strict, étaient invités à fournir des
témoins au procès de Thérèse, les carmes déchaux, les
prémontrés et les jésuites. Mais seule la Compagnie a fourni
trois témoins : outre le père Pichon, les pères Auriault et
Flamérion67.
18 Le premier et le plus légitime est donc Almyre Pichon, âgé
de 67 ans quand il dépose, docteur en théologie, ancien
professeur de philosophie au scolasticat de Laval, mais
surtout, pendant vingt-et-un ans, missionnaire au Canada
d’où il a fait retour en 1908. Il avait dirigé Thérèse depuis
son entrée au carmel jusqu’à 1894. Ce témoin idéal fournit
une déposition en miteinte68. Tout le monde avait lu en effet
dans l’Histoire d’une âme, à son propos, que Thérèse,
« réduite à ne recevoir qu’une lettre par an » de son
directeur, se tourna avantageusement vers Jésus lui-même.
On comprend que l’intéressé écarte toute référence à
l’Histoire d’une âme. Mais il fait aussi un trait sur ce qu’il
avait su comme directeur de conscience, ayant de toute façon
détruit la correspondance de ses dirigées ; il estimait sans
doute que ce qu’il avait appris de Thérèse relevait du for
interne et donc ne pouvait être livré à la publicité, même
toute relative, du tribunal.
19 Pichon, en contrepartie, est plus abondant sur la réputation
de sainteté de Thérèse au Canada voire en Europe69, et il
témoigne sur la famille Martin fréquentée avant l’entrée de
la cadette au carmel en puisant dans ses souvenirs. Il évoque
ainsi le père de Thérèse, « un religieux égaré dans le
monde70 », mais surtout la jeune fille qu’il a connue avant
son entrée au carmel, mettant en avant ses qualités
(simplicité, ingénuité, innocence), son désir précoce de vie
religieuse, sa vocation à moins de quinze ans qu’il examina
et approuva71. Il est plus discret sur la vie de Thérèse au
carmel, soulignant seulement qu’elle passa, dès les premiers
jours de vie religieuse, « par la voie des sécheresses, des

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privations et des épreuves intérieures » tout en conservant


« une égalité d’humeur inaltérable ». Il termine en attestant
que son autobiographie « est l’expression la plus vraie de sa
physionomie morale72 » et en donne pour preuve… le
témoignage d’un collègue jésuite, le père de Causans73 qui,
en 1900, lui avait avoué que, après les œuvres de Thérèse
d’Avila et de Jean de la Croix il ne connaissait « rien de plus
beau74 ». Interrogé sur l’héroïcité de ses vertus, il se contente
de répondre à ses juges : « Jamais je n’ai pu surprendre en
elle la moindre défaillance, le moindre découragement, le
plus léger fléchissement de la volonté dans la pratique de la
perfection75 ».
20 Mince singularité : à l’encontre des autres témoins, Pichon
après avoir relu sa déposition, se hasarde enfin à s’exprimer,
d’un mot, sur l’essentiel, la « voie ou direction spirituelle »
de Thérèse, qu’il résume ainsi : esprit de foi, esprit de
confiance et d’amour, culte pour la souffrance et la croix. Du
très classique, n’était cette ultime remarque : « Son cœur
était toujours prêt de bénir Dieu de tout. Loin de
méconnaitre par une humilité chagrine les dons de Dieu en
elle, la pente de son cœur la portait à les avouer pour en
remercier Dieu76 ». Manière adroite de répondre par avance
à l’accusation portée contre quelqu’un qui faisait l’éloge de
sa propre sainteté.
21 Le père Raoul Auriault, 56 ans, témoigne peu après Pichon77,
par une proximité voulue par le vice-postulateur, Mgr de Teil,
qui orchestra soigneusement les dépositions de ses
témoins78. Auriault vient, comme de Teil, du diocèse de
Poitiers, où il a été formé dans la faculté de théologie que
Mgr Pie avait ouverte après 1870 en faisant appel à des
jésuites étrangers. Entré dans la Compagnie, il enseigne,
pendant plus de vingt ans à l’Institut catholique de Paris, la
théologie dogmatique en commentant saint Thomas, mais il
n’exerce plus quand il dépose. Il est présentement
responsable des maisons parisiennes de la Compagnie –
poste délicat alors que les jésuites ont été en principe
expulsés après 1901 – et fait à Notre-Dame de Paris, durant
les vendredis de Carême, des conférences où il brosse année

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après année une large fresque de la sainteté dans l’Église,


des origines à nos jours79. Un personnage sûr pour une
déposition-clé. C’est un professeur méticuleux qui ne
cherche pas d’effets rhétoriques mais préfère une
argumentation serrée et qui a donné sa déposition
écrite80 pour être assuré que le notaire transcrive exactement
ses propos. Son argumentaire est explicité en deux parties.
Dans la première, il entend définir les traits de la sainteté de
la servante de Dieu. Or ce qui la commande, explique-t-il
tout d’abord,
c’est la « mission » spéciale qu’elle reçut de provoquer dans
le monde des âmes un mouvement de confiance généreuse
envers l’amour miséricordieux de Dieu et de frayer la voie de
simplicité et d’enfance évangéliques. De là vient qu’en elle
les dons naturels et surnaturels s’harmonisent pour lui
donner une transparence divine et la rendre capable de
refléter merveilleusement la beauté et la bonté de Dieu. D’où
le sentiment filial qui marque ses rapports avec le Père
céleste, sentiment qui va toujours grandissant…81

22 En quelques mots, Auriault se place au cœur de la


découverte thérésienne (l’amour miséricordieux) comme
source de doctrine (voie de simplicité) et montre comment
l’ouverture de Thérèse à la grâce, par une heureuse réponse
de la nature, et dans une perspective toute filiale vis-à-vis du
Père, fait d’elle comme un miroir où Dieu se révèle dans sa
beauté comme dans sa bonté. La seconde partie entend
préciser le rapport du message thérésien à une actualité
menaçante : « De la mission reçue résulte un type nouveau
de perfection chrétienne ». Et d’évoquer le contexte actuel en
jouant sur deux registres. Auriault ne craint pas d’abord de
relire le présent à travers l’Apocalypse : Thérèse se trouve à
la charnière de deux époques ultimes dont celle qui advient
sera marquée par de « prestigieuses opérations
diaboliques » à laquelle il faudra répondre par de
« prodigieuses manifestations de sainteté divine », dont
Thérèse est comme le prototype82. L’autre perspective est
plus historique ; Auriault se rapporte à la crise moderniste
qui a ébranlé l’Église. Thérèse ainsi s’oppose aux menaces
présentes
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c) Par la mise en relief de l’esprit d’humilité évangélique, elle


détruit l’illusion de nature qui fait le fond de l’américanisme,
système dépréciateur des vérités dites passives ; […]
f) par le réalisme dogmatique de sa piété et ses rapports
actifs avec Dieu, Notre Seigneur, la Sainte Vierge, saint
Joseph, les saints, l’Église, le pape, l’évêque, le prêtre, les
âmes, elle confond le nominalisme de l’erreur moderniste et
garantit les esprit contre un transformisme menteur qui
détruit la personnalité de Dieu et l’historicité des mystères
que nous croyons83.

23 Il n’est pas possible ici d’expliquer longuement le sens de


cette lecture antimoderniste de Thérèse84. La déposition du
théologien Auriault correspond parfaitement à une demande
d’expertise d’une doctrine nouvelle au regard d’une
conjoncture difficile. En effet, le vice-postulateur ne pouvait
ignorer ce qu’il était advenu de la voie, prônée par l’ainée de
Thérèse, la visitandine Marie de Sales Chappuis, attaquée
par le tenace jésuite Watrigant. D’autant plus que, en 1908,
un article fort explicite de la Civiltà cattolica, intitulé « Il
modernismo ascetico85 » – relayé l’année suivante par un
autre de même titre de l’abbé Chollet, professeur de
théologie à l’Institut catholique de Lille86, « L’ascétique
moderniste87 » – faisait le lien entre la bête noire du Vatican,
Il Santo de Fogazzaro88, et la cible de Watrigant, Marie de
Sales Chappuis, accusée de semi-quiétisme89. On comprend
mieux que Marie de la Trinité, une novice très proche de
Thérèse, rapporte opportunément au procès une parole de
Thérèse où celle-ci prenait explicitement ses distances vis-à-
vis de Madame Guyon90. Ne fallait-il pas, pour le procès,
choisir un autre jésuite dont la compétence théologique
permette de dresser le portrait d’une Thérèse
antimoderniste, donc non quiétiste91 ? On comprend mieux,
dans cette perspective, l’angle d’attaque choisi par Auriault,
le « réalisme dogmatique », quitte à transformer en doctrine
une manière, somme toute banale pour une spirituelle, de se
situer de plain pied avec ses interlocuteurs du monde
invisible, Dieu, Jésus, la Vierge, les saints, autant sinon plus
présents à elle, même dans leur absence, que ceux du monde
visible.
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24 Le dernier témoin jésuite est le père Flamérion92 : soixante


ans, enseignant en collège et prédicateur. Depuis 1900, il
dirige93 la villa Manrèse « où se donnent des séries de
retraites sacerdotales94 ». Mais surtout, depuis dix-huit
mois, comme exorciste du diocèse de Paris, il a succédé au
célèbre père de Haza, jésuite aussi, dont il a été l’adjoint
pendant neuf ans. Et c’est sur ce terrain diabolique qu’il
entendra se situer95. Mgr de Teil, tôt alerté par mère Agnès
des diables de Flamérion qui disent du bien de Thérèse,
hésite d’abord à le faire déposer96. Il le fait pourtant, mais il
le convoque à la fin du procès97 avec ceux qui témoignent des
miracles de Thérèse.
25 Le père Flamérion a sans doute eu l’ambition d’être le
nouveau Surin d’une nouvelle Jeanne des Anges98. Déposant
sur l’action des démons, il évoque d’abord la prière à saint
Michel prescrite par Léon XIII – enrichie d’indulgences par
Pie X – et destinées à être récitée par le prêtre après la fin de
la messe : « Repoussez en enfer par la vertu divine, Satan et
les autres esprits malins qui errent dans le monde pour la
perte des âmes »99. En fait, il entend faire témoigner ses
dirigées – une, avant tout – regroupées dans « L’œuvre de la
Mère toute miséricordieuse et des victimes du cœur de
Jésus », léguée par le père de Haza. Ces pieuses femmes
constituaient une sorte de commando d’élite dans lequel
chacune s’offrait pour abriter en elles les démons dont elles
épuisaient la nocivité en résistant à leurs assauts100. L’œuvre
en effet était destinée à « délivrer les prêtres des démons qui
les tentent ou même les asservissent, en enchaînant les
démons aux seuls victimes dont les vertus font leurs
tourments et les réduisent à l’impuissance101 ». Et Thérèse
dans tout cela ? Les démons s’expriment par ces possédées
de substitution qui témoignent de l’aide que Thérèse apporte
à la mission du P. Flamérion, mais aussi de son action
directe sur le clergé, elle qui est qualifiée par les démons de
« petite mangeuse de prêtres » et enfin de la bonté de sa voie
de « perfection par l’humilité et l’obéissance102», rempart
assuré contre la tentation démoniaque.

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26 Le témoignage de Flamérion peut apparaître quelque peu


décalé par rapport aux précédents. Sa déposition a une triple
visée, qui en brouille la lisibilité. D’abord réintégrer dans le
miraculeux thérésien le témoignage démoniaque, alors
même que, du vivant de Thérèse, l’affaire Léo Taxil103 avait
dévalué la réalité diabolique par le récit fictionnel qu’on en
avait fait. En second lieu, comme le montre la localisation de
son témoignage avec ceux d’autres prêtres, bénéficiaires de
l’intervention de Thérèse104, montrer toute l’aide que la jeune
carmélite entend apporter au clergé. Enfin, le témoignage
paradoxal des démons anticipe celui de Thérèse elle-même
qui, selon les deux derniers témoins appelés à déposer, le
pasteur Grant105 et l’évêque de Nardo, étaient apparu à deux
personnes en situation difficile, les avait secourues dans leur
besoin et surtout leur avait certifié la véracité de sa propre
doctrine106.

Nouvelles perspectives au procès


apostolique (1915-1916)
27 Ces trois témoignages, provenant de jésuites d’une certaine
notoriété, joueront leur rôle pour faire ratifier le procès
ordinaire et donc pour permettre de lancer aussitôt le procès
apostolique, qui s’ouvre quatre ans seulement après la
clôture du premier, alors qu’en principe il fallait attendre au
moins dix ans pour seulement ouvrir le dossier des
dépositions. Et les trois mêmes jésuites y déposeront.
Comme beaucoup de témoins, il le feront en se répétant,
mais surtout en infléchissant plus ou moins leur propos.
28 Pichon demeure égal à lui-même et ne change rien à
l’essentiel107. Il se contente d’apporter des précisions
factuelles sur le comportement de Thérèse durant deux
moments importants de sa vie. D’abord, au début de son
noviciat, quand elle apprend l’enfermement de son père
dans un hospice d’aliénés à Caen à la suite de sa maladie
cérébrale. Ensuite et surtout quand Thérèse tombe
longuement malade à dix ans - entre hystérie et possession –
et n’est guérie que par l’intervention miraculeuse de la
Vierge. Pichon demeure prudent sur le diagnostic, évoquant
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une « affection nerveuse bien particulière108 ». Mais il a


pressenti l’importance que cette étrange maladie de la jeune
Thérèse risquait de prendre dans le déroulement du procès
et anticipe toute interprétation dommageable : « Ce mal, qui
aurait pu altérer son équilibre mental, n’avait laissé
absolument aucune trace, ce qui me confirma dans la foi de
la guérison miraculeuse109 ». Pareillement, il entend, à
l’encontre de la première déposition de Mère Agnès, ne pas
laisser proliférer l’extraordinaire dans la vie de Thérèse : en
dehors de cette apparition, témoigne-t-il, « je n’ai pas eu
connaissance que [Thérèse] ait été affectée d’états mystiques
extraordinaires ». Et d’ailleurs ajoute-t-il : « En eut-elle
éprouvé quelqu’un à titre exceptionnel […], ce n’est pas le
caractère dominant de sa sainteté si simple […] que Dieu
voulait donner en exemple aux "petites âmes" »110. Pichon
est l’un des premiers à identifier Thérèse comme une
mystique d’un nouveau genre, sans états extraordinaires,
anticipant un débat qui va se développer après la guerre111.
29 Le cas de Flamérion est différent112. Il faut signaler ici, sans
pouvoir y insister davantage, le chantage que le jésuite a
longuement fait peser sur le carmel, dès le lendemain du
procès ordinaire : contre le maintien de sa déposition, il
exigeait l’entrée au carmel de Lisieux de sa protégée, qui
avait si bien fait parler les démons. Mère Agnès, qui avait
apprécié de loin les diableries du jésuite, ne souhaitait pas,
en faisant entrer le loup dans sa bergerie, les partager au
quotidien113 et bénéficia, sur ce dossier délicat, de l’appui
total de l’évêque de Bayeux. On en est que plus surpris de
voir Flamérion déposer de nouveau, appelé par le promoteur
de la foi du procès. Flamérion était bien décidé d’évoquer un
contentieux qui, pour lui, n’était pas réglé114, mais sur lequel
il devait mettre une sourdine115, quitte à évoquer le
modernisme mais de manière allusive116. Aussi dut-il
rééquilibrer son témoignage, en mettant en avant les
confidences de prêtres qui disaient devoir « l’augmentation
de leur perfection sacerdotale à leur dévotion envers sœur
Thérèse et à la pratique de la petite voie117 ». Il revint aussi
sur son cas personnel, évoqué rapidement, lors du premier

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procès, où il disait qu’il n’avait pas immédiatement apprécié


l’Histoire d’une âme. En 1916, il précise l’année d’un premier
contact peu satisfaisant (1901), le temps qu’il lui a fallu pour
apprécier Thérèse (cinq ou six ans) et surtout la raison de ce
ralliement tardif : « La lecture de ces œuvres était très
salutaire pour des âmes que je dirigeais »118. Cette
conversion tardive ne l’empêche pas de certifier haut et fort
la conformité de la doctrine de Thérèse avec celle des grands
spirituels, Thérèse d’Avila et Jean de la Croix, et aussi
Catherine de Sienne, François de Sales et Henri Suso ;
l’avocat du diable, malgré cette avalanche de références,
revient sur le risque de quiétisme. Réponse ferme de
Flamérion : si Thérèse « engage du premier coup les âmes
vers l’amour de Dieu, c’est pour leur faire trouver dans cet
amour la force de pratiquer effectivement et dans les détails
les plus positifs les vertus mortifiantes »119.
30 Auriault, lui, change sa déposition, presque du tout au
tout120. Plus de couplets sur les signes des temps, plus de
perspectives apocalyptiques, plus donc de Thérèse
antimoderniste. Avec Benoît XV, ce terrain est
momentanément neutralisé et, avec la guerre, l’apocalypse
est sur les champs de bataille. Auriault répond donc
sagement sur les vertus de Thérèse, insistant cette fois
davantage sur « l’abandon total à Dieu […] comme trait
saillant de sa physionomie spirituelle », un abandon qui
demeurerait inébranlable, Thérèse eût-elle « commis tous
les péchés les plus graves », et qui se traduit, dans la vie
quotidienne, par « une soumission sans réserve à toute les
directions de ses supérieurs », allant jusqu’à donner
l’impression « qu’elle obéit à tort et à travers »121. Expression
surprenante ! Cette prééminence accordée à l’abandon est
toutefois équilibrée par l’insistance sur la prudence qu’elle
manifeste « dans ses lettres et ses conseils de direction qui
reflètent avec clarté et force la doctrine des maîtres les plus
autorisés de la vie spirituelle122 ». Auriault n’a pas oublié que
l’un des points délicats123 du procès des vertus est leur
héroïcité et sur ce terrain, il revient à sa manie professorale.
À la question comment la servante de Dieu a-t-elle

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« pratiqué à un degré héroïque » toutes les vertus, il


énumère les réponses :
1° par l’intensité d’amour qu’elle mettait dans tous ses actes ;
2° par la continuité dans la fidélité, soit aux règles de
l’observance, soit aux inspirations de la grâce ; 3° par une
patience vraiment extraordinaire à se maintenir égale et
douce dans les épreuves ; 4° par le grand courage qu’elle mit
à se vaincre elle-même dans les combats d’une nature
spécialement sensible124.

31 Mais, ajoute-t-il, elle l’a fait à la manière de saint Jean


Berchmans, le jeune scolastique jésuite récemment canonisé
(1888), en faisant « extraordinairement bien […] toutes les
choses ordinaires125». Lui aussi, comme Pichon, mais sur un
autre terrain, fait la chasse à l’extraordinaire.

Conclusion
32 Les jésuites sont bien présents mais différemment, dans les
deux moments essentiels de l’après Thérèse, la caution
apportée par des religieux en 1898-1900 à l’Histoire d’une
âme et le temps des procès. On ne fait appel à eux ni
en 1898, pour préfacer la vie de Thérèse, ni en 1899, pour
apporter une plus large caution en provenance de religieux
compétents dans la spiritualité. Mais ils pèsent
immédiatement, de l’extérieur, par leurs publications, qui
montrent une appréciation différente : réserve parisienne
des Études, approbation chaleureuse à Toulouse du
Messager du Cœur de Jésus. La conjoncture est différente
au moment du procès. On a des preuves convergentes d’une
pénétration de l’Histoire d’une âme dans la Compagnie
auprès de spirituels, de théologiens, de missionnaires, de
jeunes scolastiques. À la caution publique apportée par un
Jubaru, un Sevin, un Carbonel, jésuites alors peu connus,
correspondent les dépositions au procès des Pichon,
Auriault, Flamérion, de plus grande notoriété. Raison de
principe : la Compagnie dispose de théologiens compétents
et de spirituels avertis. Raison pratique aussi : les jésuites
sont demeurés en France, discrètement, alors que beaucoup
de religieux s’exilaient. Le poids donné à leurs dépositions
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témoigne aussi de la volonté du vice-postulateur, bon


manœuvrier, de faire appel, dans un dossier où le centre de
gravité est très provincial, à des experts parisiens
susceptibles d’apporter une dimension nationale voire
internationale, à la hauteur de l’écho rencontré par Thérèse
dans la catholicité.
33 Mais plus encore les intervenants jésuites se montrent
sensibles à des conjonctures changeantes à cinq ans
d’intervalle. On l’a vu, la déposition d’Auriault est capitale au
début de 1911, pour éviter que Thérèse ne soit prise dans la
tourmente moderniste, et plus précisément que sa petite
voie soit rapprochée de la voie de Marie de Sales Chappuis,
alors que l’on connaît la proximité spirituelle entre le Carmel
et la Visitation126. Mais pourquoi avoir introduit les diables
de Flamérion ? Il faut se rappeler la perspective
apocalyptique d’Auriault, marquée par un surcroît
d’interventions diaboliques. Plus concrètement, les diables
de Flamérion attestent de la réalité d’un surnaturel
multiforme dont il faut réaffirmer l’existence face à un
modernisme enclin à proposer de l’intérieur des explications
psychiatriques ou psychologisantes du démoniaque.
34 Dans le procès apostolique, on ne peut qu’être surpris de la
sensibilité d’un Pichon et surtout d’un Auriault à des
questionnements nouveaux qui vont occuper une place
importante dans le déroulement ultérieur du procès :
l’invisibilité des vertus de Thérèse127, le poids que sa maladie
initiale faisait peser sur son équilibre psychologique, le type
de sainteté que Thérèse entendait mettre en valeur, en
dehors de toutes manifestations mystiques extraordinaires.
Les jésuites, qui se sentent plus libres d’approuver la
doctrine thérésienne de l’abandon, continuent à se montrer
attentifs aux difficultés doctrinales d’un procès qu’ils veulent
fortement contribuer à faire aboutir.

Notes
1. Approche récemment renouvelée par un collectif : Silvia Mostaccio et
alii (éd.), Échelles de pouvoir, rapport de genre. Femmes, jésuites et
modèles ignatiens dans le long xixe siècle, Louvain, Presses
universitaires de Louvain, 2014.
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2. Émile Poulat, L’Université devant la mystique. Expérience de Dieu


sans mode. Transcendance du Dieu d’Amour, Paris, Éditions Salvator,
1999.
3. Guillaume Hahn (1841-1903). Notice dans Stéphane Gumper et
Franklin Rausky, Dictionnaire de psychologie et psychopathologie des
religions, Paris, Bayard, 2013, p. 812-816 [abrégé infra DPPR].
4. Les phénomènes hystériques et les révélations de sainte Thérèse,
Bruxelles, Alfred Vromant, 1883. Tiré-à-part de la Revue des Questions
scientifiques. L’article avait été d’abord couronné par l’Académie de
Salamanque en 1882 à l’occasion du 3e centenaire de la mort de Thérèse.
La publication fait l’objet d’une condamnation immédiate, le 1er
décembre 1885, par la Congrégation des Rites, aussitôt relayée par
l’Index.
5. Henri Watrigant (1845-1926). Voir l’importante notice que lui a
consacrée J. Dutilleul, « Le R.P. Watrigant », Collection Bibliothèque
des Exercices, n° 100, 1926, p. 1-56.
6. Un abondant fonds d’archives à Vanves et une copieuse bibliographie
attend le chercheur désireux de démêler les fils embrouillés de ce dossier
qui commence avec un sermon de Joseph Fragnière (La Voie, sermon
prononcé à la Visitation de Fribourg, le 19 novembre 1897, second jour
du triduum célébré à l’occasion de l’introduction de la cause de la
vénérable mère Marie de Sales Chappuis, Paris, Annales salésiennes,
1898) et qui dure jusqu’à la veille de la première guerre mondiale. Voir,
plus loin, l’effet de cette polémique sur le procès de Thérèse commencé
en 1910.
7. Auguste Poulain (1836-1919). Sur ce jésuite, scientifique de formation,
voir les notices complémentaires de Jean-François Catalan dans
François Laplanche, Les sciences religieuses, Le xixe siècle, 1800-1914,
Paris, Beauchesne, 1996 et de Dominique Salin, DPPR, p. 1113-1115. Voir
aussi la longue introduction de Jean-Vincent Bainvel à la 10e édition de
l’ouvrage référence de Poulain, Des grâces d’oraison, Paris,
Beauchesne, 1922, p. VIII-LCIV.
8. Des grâces d’oraison, traité de théologie mystique Paris, V. Rétaux,
1901.
9. DPPR, notice p. 1201-1202.
10. Paris, Beauchesne, 1910. Le manuscrit comportait seize cahiers.
Poulain publie surtout des extraits du premier.
11. Paul de Chastonay, jésuite valaisan (1870-1943). Cet ancien maitre
des novices (1907- 1913), après la guerre, exerce une importante activité
pastorale à Zurich en milieu universitaire. Sur ce dossier : Claude
Langlois, Les premiers thérésiens. De l’Histoire d’une âme (1898) à la
canonisation de Thérèse de l’Enfant-Jésus (1925), Paris, Honoré
Champion, 2015, p. 351-356 [abrégé infra PT].

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12. Revue d’ascétique et de mystique, 3e année, 1922, « Chronique »,


p. 333-334.
13. Abbé Stanislas Legueu, Une mystique de nos jours : sœur Gertrude-
Marie (Anne-Marie Bernier), religieuse de la Congrégation de Saint-
Charles d’Angers, Angers, Communauté de Saint-Charles, 1910.
14. La sœur Gertrude-Marie (1870-1908) appartenait à une dynamique
congrégation enseignante régionale, affaiblie après 1904, qui ne
disposait pas de moyens pour se faire entendre à Rome.
15. La condamnation pouvait aussi avoir pour but de contenir les
manifestations mystiques à l’intérieur d’ordres spécialisés où celles-ci
seraient mieux contrôlées.
16. La famille Martin a eu quatre autres enfants décédés dans les
premiers mois voire les premières années après leur naissance.
17. La suite de l’histoire est connue : canonisation de Thérèse de
l’Enfant-Jésus en 1925, la première « sainte » de Pie XI, doctorat de
Thérèse par Jean-Paul II en 1997 pour le centenaire de sa mort. En 2015,
canonisation des parents de Thérèse, Louis et Zélie Martin, et ouverture
du procès diocésain de Léonie Martin, visitandine.
18. R.P. Arnold [Pierre Arnoudt, 1811-1865], Imitation du Sacré-Cœur
de Jésus, approuvée par le R. P. Roothaan, général des Jésuites et trad.
par Abbé P. Bélet, Dijon, E. Pellion, 1864.
19. Marcel Bouix [1806-1889], Saint Joseph d’après les Saints et les
Maîtres de la vie spirituelle, avec une introduction sur son culte, Tours,
M ; Léon-Marie-Benoit Arcis de Chazournes [1824-1871], Petit mois de
Saint Joseph, Clermont-Ferrand, Libr. Catholique, 1872.
20. Victor Mercier, La Vierge Marie d’après Mgr Pie. Extraits des
discours publiés ou inédits..., Paris-Poitiers, H. Oudin, 1881.
21. Léonard Cros [1831-1913], Le cœur de sainte Gertrude ou un cœur
selon le Cœur de Jésus, Toulouse, Régnault, Paris, Jules Vic, 1876 ;
L’année de sainte Gertrude, Toulouse, Adolphe Régnault., 1871.
22. Vie et miracles de Sainte Philomène, vierge et martyre, surnommée
la thaumaturge du xixe siècle traduit de l’italien par M. J. F. B. [Joseph-
François Barelli] de la Compagnie de Jésus. Paris, Audin, 1836.
23. Elle sera béatifiée en 1920, trois ans avant Thérèse.
24. Xavier de Ravignan [1795-1858], Dernière retraite donnée aux
Religieuses Carmélites du Monastère de la rue de Messine à Paris
(novembre 1857), Paris, Ch. Douniol, 1863.
25. La bibliothèque du Carmel en possède un bon nombre.
26. Jacques Brydaine, missionnaire royal [1701-1767], Sermons publiés
sur les manuscrits autographes, Avignon, Séguin, 1841 [3e éd.], 7 vol.
Les premières éditions ont été publiées sous la Restauration.

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27. R. P. [Pedro de] Ribadeneyra [1526-1611], Les vies des saints et fêtes
de toute l’année, traduction française revue et augmentée des fêtes
nouvelles, des vies des saints et bienheureux nouveaux, par M. l’abbé E.
Daras, [J.-E. Darras] Paris, L. Vivès, 1862, 12 vol.
28. Alphonse Rodriguez [1538-1616], Pratique de la perfection
chrétienne, trad. de l’espagnol par M. l’abbé Régnier des Marais [F.-S.
Régnier-Desmarais, + 1713], de l’Académie française, Versailles, Impr. de
J. A. Lebel, 1813, 4 vol.
29. Jean-Baptiste Saint-Jure (1588-1657) ; Jean-Joseph Surin (1600-
1665) ; Jacques Nouet (1605-1680) ; François Guilloré (1615-1684) ;
Jean-Pierre de Caussade (1675-1751).
30. Sur Joseph Surin, outre les travaux de Michel de Certeau, voir
Patrick Goujon, Prendre part à l’intransmissible. La communication
spirituelle à travers la correspondance de Jean-Joseph Surin, Grenoble,
Jérôme Million, 2008. Les carmélites de Lisieux peuvent consulter dans
l’avant-chœur, de Jean-Joseph Surin, Les fondements de la vie
spirituelle, tirés du livre de l’Imitation de J. C [Jésus-Christ], Paris, Libr.
catholique Périsse, s. d. [1874], nlle éd. revue et corrigée par le père
Brignon. La bibliothèque dispose du même ouvrage, publié par Marcel
Bouix, (Paris/Bar-le-Duc), Impr. de l’Œuvre de Saint-Paul, 1879. Elle
possède aussi, de Surin, un Traité inédit de l’amour de Dieu, précédé de
la vie de l’auteur, Paris, Impr.-libr. de l’Œuvre de Saint-Paul, 1879 ; et
enfin le Catéchisme spirituel de la perfection chrétienne, nouvellement
revu et corrigé par le P. T. B. F., Lyon-Paris, Périsse Frères, 1857, 2 vol.
31. Du même auteur, De l’oraison. Instructions spirituelles sur les divers
États d’oraison, suivant la doctrine de Bossuet, évêque de Meaux, Paris,
Lecoffre, 1890 et 1895, 2 vol.
32. Jean-Pierre de Caussade, L’abandon à la Providence divine, Paris,
Libr. Victor Lecoffre, 1886, 2 vol.
33. L’Abandon à la Providence divine, autrefois attribué à Jean-Pierre
de Caussade, nouvelle édition par Dominique Salin, Desclée de Brouwer,
2005.
34. Jacques Nouet, disciple de Lallemant, engagé dans la polémique
janséniste. Le carmel possède de lui : L’homme d’oraison, ses lectures
spirituelles pendant tout le cours de l’année ou dévotion envers Notre
Seigneur Jésus Christ, Clermont-Ferrand, Thibauld-Landriot, 1837,
10 tomes en 5 vol. ; L’homme d’oraison, ses sept retraites annuelles,
renfermant les exercices spirituels de Saint Ignace, et suivies de la
retraite pour se préparer à la mort, Clermont-Ferrand, Thibaud-
Landriot, 1837, 6 tomes en 4 vol. ; L’homme d’oraison, sa conduite dans
les voies de Dieu, Lyon, Périsse, 1858, 2 vol. ; L’homme d’oraison, ses
méditations et entretiens pour tous les jours de l’année, Paris, Lecoffre,
11 tomes en 6 vol. [1875-1887].

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35. « Au premier moment il me fut bien difficile d’accepter ce grand


sacrifice, mais bientôt la lumière se fit dans mon âme ; je méditais alors
les "Fondements de la vie spirituelle" par le père Surin » (Man. A, 73v 21-
23). Ce passage figure équivalemment dans l’Histoire d’une âme [abrégé
infra HA], Bar-le-Duc, Imprimerie Saint-Paul, 1898, p. 122). Ce que
confirme sa sœur Céline, au procès apostolique : « Au Carmel, elle apprit
à goûter […] les "Fondements de la vie spirituelle", du père Surin lui
firent beaucoup de bien » (Procès de béatification et de canonisation de
sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face, II – Procès
apostolique, Rome Teresianum, 1976, p. 263-4). [abrégé infra PA]
36. « Ton livre du P. Surin est extraordinaire et bien sûr je vais m’en
acheter un pareil. C’est tout à fait ce langage-là qu’il faut me tenir à moi…
À chaque livre que tu me prêtes je dis la même chose, mais je crois que je
n’en ai encore jamais trouvé qui me fasse autant de bien comme conseils
évangéliques » (Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face,
Correspondance générale, tome II, 1992, LC 159, 17 juillet 1894, p. 772).
[abrégé infra CG]
37. Lettre à Madame Pottier, née Maudelonde, le 6 octobre (?) 1896 :
« J’ai pensé à toi en lisant un livre intitulé : les Fondements de la vie
spirituelle par le père Surin. Je crois que cela te plairait et te ferait du
bien […]. C’est un bon livre de méditation que je compare à l’Imitation, il
peut servir toute la vie, et est aussi bien à la portée de ceux qui vivent
dans le monde que des religieuses. Chacun peut y prendre sa petite
provision. Je te conseille donc, ma chère petite Céline, de le faire venir,
c’est une petite brochure qui n’est pas bien volumineuse » (CG, tome II,
p. 774).
38. Le jésuite Pichon (voir infra) recommande à Thérèse la méditation
d’une parole de La Colombière (lettre à Thérèse du 16 août 1889, CG,
tome I, p. 500).
39. Lettre du 25 avril 1897. Thérèse se décide alors à considérer l’abbé
Bellière comme son « cher petit frère » et lui donne comme exemple de
leur nouvelle proximité le couple Marguerite-Marie et La Colombière.
CG, tome II, LT 224, p. 974.
40. Charles Arminjon, Fin du monde présent et Mystères de la vie
future Conférences prêchées à la Cathédrale de Chambéry, Paris, Victor
Palmé, 1881 ; seconde édition, 1882, éditions Saint-Paul.
41. « Cette lecture fut encore une des plus grandes grâces de ma vie, je la
fis à la fenêtre de ma chambre d’étude, et l’impression que j’en ressens
est trop intime et trop douce pour que je puisse la rendre... » (A, 47v, 2-
4).
42. HA, 1898, p. 74.
43. Autre preuve : la présence d’Arminjon dans le dictionnaire
biographique de Paul Duclos (dir.), Les Jésuites, Dictionnaire du monde

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religieux de la France contemporaine, Tome 1, Paris, Beauchesne, 1985,


p. 27.
44. Cet épisode est connu par des notes préparatoires de mère Agnès
pour le procès apostolique. À son désir d’être une sainte, même plus
grande que Thérèse d’Avila, le jésuite aurait répondu : « quel orgueil et
quelle présomption ! » (CG, tome I, p. 533-534). Mère Agnès s’en
explique au procès, sans citer le jésuite et en condensant les propos de
Thérèse (PA, p. 159). Sœur Geneviève au même procès, fait allusion à
cette mise en garde : « le père Blinot [sic], S.J., lui dit que c’était
présomption d’aspirer à la sainteté » (PA, p. 289). Or le même père Blino
parle, quelques semaines après cet échange présumé, avec sympathie de
Thérèse à la future Marie de la Trinité, qui fait alors une retraite au
carmel parisien de l’avenue de Messine (CG, tome I, p. 534).
45. Cette prédication avait été faite à l’usine Lambert.
46. Marie en 1909, dans ses « Souvenirs autobiographiques », explique
comment elle prit contact avec Pichon auquel elle s’attacha vivement
(Archives du carmel de Lisieux en ligne).
47. LT 28 21 (?) octobre 1887, CG, tome I, p. 254.
48. Thérèse en a retenu cette formule solennelle, destinée à apaiser ses
scrupules : « En présence du Bon Dieu, de la Sainte Vierge et de tous les
Saints, je déclare que jamais vous n’avez commis un seul péché mortel ».
La formule était toutefois assortie d’une mise en garde : si le bon Dieu
vous abandonnait, « au lieu d’être un petit ange, vous deviendriez un
petit démon » (A, 70,9-17).
49. Sur la chronologie, voir la brève notice Pichon de sœur Cécile, CG,
tome I, p. 1213.
50. « Réduite à recevoir de lui une lettre par an sur les douze que je lui
écrivais » (A, 71, 5-6).
51. A, 71,7. Il faut ajouter que Pichon avait préparé Céline à venir le
seconder dans une fondation envisagée au Canada. Et Thérèse ne
supporta ni l’éloignement qui en aurait résulté, ni l’obligation qu’il avait
faite à sa sœur de lui taire ses intentions. D’où un conflit brutal entre les
sœurs carmélites de Thérèse et Pichon au lendemain de la mort de M.
Martin. Pichon céda et Céline vint rejoindre sa Thérèse.
52. PT, p. 89-113.
53. PT, p. 109-110.
54. « Cette vie sera lue avec grand fruit dans les communautés de
femmes. Elle retrace leurs occupations quotidiennes, transfigurées par
l’amour divin et l’abnégation. Le style lui-même ne leur déplaira peut-
être pas. C’est le style jeune fille, avec sa grâce encore enfantine et ses
comparaisons printanières » (Études, P. d’Octeville, juillet 1899,
p. 138-139).

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55. Joseph Baudry, « Les premières éditions de l’Histoire d’une âme »,


Thérèse et ses théologiens, Joseph Baudry (éd.), Vénasque, Édition du
Carmel, 1998, p. 62. Cette revue est l’organe de l’Apostolat de la Prière,
mouvement fondé par le père Gautrelet et développé à Toulouse par le
père Ramière. À la fin du xixe siècle l’œuvre touche un large public par
l’intermédiaire de multiples traductions de la revue mère.
56. Ses réserves, plus générales, portent sur les trop abondantes
monographies de religieuses dont les vies, brèves et sans éclat, ne
peuvent intéresser que des proches. Bremond à titre d’exemple donne
trois extraits de HA qui seuls auraient mérité, selon lui, d’être retenus
(PT, p. 169-183).
57. Jacques Sevin (1882-1951) joue un rôle capital dans l’introduction du
scoutisme, catholicisé, en France au lendemain de la Première Guerre
mondiale. Lire sa présente réévaluation (« Le Père Jacques Sevin et le
scoutisme ») sur le site des Jésuites de la Province de France.
58. Il y écrit notamment que si Thérèse eut, « dans un haut degré,
l’esprit d’enfance, il ne s’ensuit pas que sa sainteté fut enfantine. Sa
mortification intérieure, son apostolat, sa spiritualité n’eurent rien de
puéril. Et si, un jour, comme nous l’espérons, on la voit élevée sur les
autels, la dévotion à sœur Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte Face
ne sera pas le monopole des petites filles ».
59. Le nom du père Jubaru reste attaché à l’examen, en 1903, des
reliques conservées à la chapelle romaine San Lorenzo in Palatio, connue
sous le nom de Sancta sanctorum pour son accumulation de reliques
dont la tête de sainte Agnès. Voir Florian Jubaru, Sainte Agnès, vierge
et martyre de la voie Nomentane, d’après de nouvelles recherches,
Paris, Dumoulin, 1907.
60. Le carmel publie en un ouvrage séparé l’ultime et définitive sélection
des poésies, opérée pour la nouvelle édition de l’Histoire d’une âme
de 1907 et demande, pour mettre en valeur la publication, une préface au
spécialiste de sainte Agnès.
61. Poésies de sœur Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte Face,
illustré de 15 gravures, Imprimerie Saint-Paul, Bar-Le-Duc, 1908,
préface de Florian Jubaru, s.j. Jubaru estime que ce recueil « donne une
heureuse idée de la vie intellectuelle et littéraire dans les carmels de
notre époque ; il témoigne que ce n’est pas seulement l’âme, mais l’esprit
qui s’embellit dans ces cloîtres. Même au point de vue humain, là se
trouve, pour la femme, la haute vie : aucune affection pour la famille,
pour la patrie, la belle nature, qui n’y soit conservée, mais affinée et
sublimée » (Préface, p. II).
62. PT, p. 281.
63. À la différence des suivantes, les deux premières éditions de
l’ouvrage sont peu présentes dans les bibliothèques : La Petite Thérèse.

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Histoire de Sœur Thérèse de l’Enfant Jésus, Carmel de Lisieux,


Imprimerie des Orphelins-Apprentis [date de l’imprimerie, 1913] ;
Histoire de Sœur Thérèse de l’Enfant Jésus pour les enfants, Bar-le-Duc,
Impr. Saint-Paul, 1914 (rééd.).
64. Procès de béatification et de canonisation de sainte Thérèse de
l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face, I – Procès informatif ordinaire,
Rome Teresianum, 1973. Abrégé PO.
65. « Je viens de bien loin vous demander instamment la permission de
traduire et faire imprimer en langue portugaise la vie si admirable de
notre chère "petite Thérèse" […]. Dès qu’un heureux hasard me l’a fait
connaître, ici à Madère, pendant que j’étais occupé à prêcher une retraite
au clergé de l’Île, sœur Thérèse est devenue pour moi une vraie sœur et
une douce amie d’âme. Je l’ai fait connaître à toutes les personnes
confiées à ma direction, et partout et toujours la lecture de ce livre a
produit les plus abondants fruits de joie et de grâce. On me demande
donc instamment la traduction. Je désire la faire imprimer
immédiatement après mon retour à Lisbonne, au commencement
d’octobre […]. [Signé] P. de Santanna, S.J., Funchal (Madeira),
14 août 1905 » (PO, article 116, p. 68). Le nom du père de Santanna est
également cité par la carmélite Isabelle du Sacré-Cœur qui apporte au
procès une abondante compilation de témoignages écrits dont elle
présente d’un mot les plus importants : « L’édition portugaise [de
l’Histoire d’une âme], composée par le père de Santanna, jésuite, fort
connu dans ce pays pour sa science et son éloquence, a été indulgenciée
par 13 évêques ou archevêques » (PO, p. 441). La traduction est parue
en 1906 : Historia d’uma alma escripta por ella mesma. Soror Thereza
do Menino Jesus e da Sagrada Face, trad. de Laura Julia Moreira,
revista pelo padre M. Fernandes de Santanna, Lisboa. Typ. da Libraria
Ferin, 1906. La nouvelle édition de l’Histoire d’une âme de 1907, dans la
nouvelle rubrique intitulée "Pluie de Roses", cite, de manière anonyme,
un extrait d’une lettre du Jésuite, du 26 septembre 1905, toujours de
F[unchal], où il explique combien le succès de ses retraites pastorales
était du à Thérèse (HA 1907, p. 14*).
66. PO, p. 320.
67. Et tous les trois figuraient déjà sur une première liste de sept clercs
que Mgr de Teil estimait, le 15 mars 1910, souhaitable d’entendre (PT,
p. 189), bien avant que le vice-postulateur dépose le 6 août 1910, sa
première liste de témoins où figurent les trois jésuites (PO, p. 116-117).
68. Pichon témoigne, après le père Roulland, les 25 et 26 janvier 1911,
PO. p. 378-385.
69. Ainsi que dans l’Europe autrichienne où il vient de donner des
retraites, PO, p. 383 ; il donne aussi des indications sur divers miracles
de quelque notoriété, Idem, p. 383-384.
70. Ibid., p. 380.
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71. Ibid., p. 381.


72. Ibid.
73. Le père de Causens, est alors supérieur de la résidence jésuite de
Rouen. Pichon reprend ce témoignage au procès apostolique et explique
que le dit père « était regardé parmi nous comme très versé dans les
choses spirituelles » (PA, p. 117).
74. PO, p. 382.
75. Ibid.
76. Ibid., p. 385.
77. Il dépose le 7 février 1911, PO p. 390-395.
78. Claude Langlois, « Le choix des témoins entre habileté tactique et
finalité spirituelle », in Dominique-Marie Dauzet et Claude Langlois,
Thérèse au tribunal en 1910, Paris, Cerf, 2015, p. 149-170. [abrégé TT]
79. De 1901 à 1909. PT, p. 208-209.
80. C’est habituellement le chanoine Deslandes, notaire actuaire, qui
transcrit les dépositions.
81. PO, p. 391.
82. Ibid., p. 395
83. Ibid., p. 394.
84. Voir plus longuement PT, p. 213-219.
85. Le 8 mai 1908.
86. Jean-Arthur Chollet (1862-1952), prêtre du diocèse de Verdun, est
l’un des premiers élèves de la faculté de théologie de l’Institut catholique
de Lille où il revient rapidement comme enseignant. Il était ouvert aux
questions d’actualité, notamment à l’évolutionnisme sur lequel il a eu
une position plutôt favorable. Sa trajectoire épiscopale – évêque de
Verdun en 1910, archevêque de Cambrai en 1913 – traduit bien la force
du tropisme lillois (J.-O. Boudon in François Laplanche, Dictionnaire
des sciences religieuses, p. 144-145).
87. « L’ascétique moderniste », Lille, 15 rue d’Angleterre, (s. d.). Édition
des Questions ecclésiastiques, juin-août 1909.
88. Chollet avait publié en 1907 une étude sur Le Modernisme dans la
religion, étude sur le roman "Il Santo" de M. Fogazzaro, Arras, Sueur-
Charruey, (1907), 31 p., Extrait de la Revue des sciences ecclésiastiques,
décembre 1906. Le roman italien, traduit en français en 1906, fit
beaucoup pour répandre dans le grand public les thèmes modernistes.
89. L’article de la Civiltà cattolica cite explicitement l’ouvrage de H.
Watrigant, Les deux méthodes de spiritualité, Lille, Desclée De
Brouwer, 1900. L’abbé Chollet dans un compte rendu très élogieux du dit
ouvrage, cite longuement son avant-propos : « Nous voudrions nous
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tromper, mais il nous paraît que, de nos jours, il se prépare quelque


chose comme une renaissance du semi-quiétisme ; après avoir parcouru
un certain nombre de petits opuscules qui ne sont pas mis dans le
commerce, mais sont discrètement distribués à des personnes éprises du
désir de la perfection, nous craignons que plusieurs ne soient entraînés
sur les routes nouvelles qui, comme au dix-septième siècle, sont appelées
la Voie. Dans tous ces opuscules, il est très peu question de travailler à sa
perfection ; il faut, selon leur enseignement, laisser faire le bon Dieu, se
dépouiller du soin des vertus, établir le règne du Saint-Esprit, de l’Esprit
de Jésus ; par la voie de charité, on parviendra vite au terme, à la
consommation, à la vie d’oraison qui est même au-dessus de la vie
parfaite ; on y est possédé par Dieu. » Et Chollet de préciser que
Watrigant vise avant tout « des groupes nombreux de personnes de choix
qui se mettent sous le patronage de saint François de Sales et de la
vénérable Mère Marie de Sales-Chapuis » (CR, Revue des sciences
ecclésiastiques, 1900, p. 408-409).
90. « Un jour, je lui dis que j’allais expliquer sa "petite voie d’amour" à
tous mes parents et amis, et leur faire faire son "Acte d’offrande" afin
qu’ils aillent droit au ciel. "Oh ! – me dit-elle – s’il en est ainsi, faites bien
attention ! car notre petite voie mal expliquée ou mal comprise, pourrait
être prise pour du quiétisme ou de l’illuminisme". Ces mots, inconnus
pour moi, m’étonnèrent et je lui en demandai la signification. Elle me
parla alors d’une certaine Madame Guyon qui s’était égarée dans une
voie d’erreur, et elle ajouta : "Qu’on ne croie pas que suivre notre ‘petite
voie’, c’est suivre une voie de repos, toute de douceur et de consolations.
Ah ! c’est tout le contraire ! S’offrir en victime à l’amour, c’est s’offrir à la
souffrance, car l’amour ne vit que de sacrifice, et quand on s’est
totalement livré à l’amour, il faut s’attendre à être sacrifié sans aucune
réserve" » (Marie de la Trinité, 13 mars 1911, PO, p. 456). Marie de la
Trinité résume ainsi la mise en garde de Thérèse au Procès apostolique :
« Je me rappelle qu’elle me cita Madame Guyon comme hérétique. »
(PA, p. 480). En fait, le carmel revenait de loin. Dans la première édition
de 1898 de l’Histoire d’une âme, il avait laissé entendre que Thérèse se
situait dans le sillage de Marie de Sales Chappuis : « Une de ses sœurs lui
dit, dans le cours de cet épanchement intime : "Vous nous avez montré la
voie de l’amour et de la confiance d’une manière suave et toute nouvelle.
La vénérable Marie de Sales Chappuis avait bien raison de dire : ‘qu’elle
voyait en Dieu des amours encore cachées’ ; celui qui vous a été
découvert est certainement un de ces amours inconnus jusqu’ici". Au lieu
de démentir cette parole, la chère enfant eut un sourire ineffable. Ce fut
sa seule réponse » (HA 1898, p. 247). Un conseiller bien avisé dut avertir
les carmélites d’éviter tout ce qui pourrait ressembler à une liaison
dangereuse. Un point reste à éclaircir. La seconde édition de HA,
de 1899, délestée de la référence intempestive, a été imprimée dans la
seconde moitié de mai 1899. Le premier article de Watrigant contre
Marie de Sales Chappuis, « Une nouvelle école de spiritualité », paraît
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dans le numéro de juin 1899 de la revue Études. Reste à trouver la vigie


attentive qui alerta le carmel d’un conflit qui couvait à partir de 1898.
91. PT, p. 210-219.
92. Anatole-Armand-Marie Flamérion (1851-1923) a été exorciste officiel
du diocèse de Paris de 1909 à 1918, puis il fut démis de ces fonctions.
93. Directeur adjoint en 1900, selon les archives de la Compagnie
consultée par Hervé Guillemain (voir note 95). « J’ai été appelé à diriger
la maison » de retraite, dira-t-il au PO (p. 509) ; il se présente
en 1916 comme « directeur de l’œuvre des retraites sacerdotales » (PA,
p. 426).
94. Mais aussi des retraites pour laïcs.
95. Hervé Guillemain, « Les diables déposent au procès. L’affaire
"Flamérion" », TT, p. 241-249
96. Ibid., p. 164.
97. Il témoigne le 3 avril 1911, après les abbés Frapereau et Gaignet
(le 30 mars), PO, p 508-514.
98. Sa protégée, dont le nom n’est pas cité au procès, s’appelle Jeanne
Piechocka. Hervé Guillemain, qui en révèle le nom, situe aussi la
démarche de Flamérion dans une possible volonté de réactualisation de
Loudun (TT, p. 244-246).
99. Dom Gaspard Lefebvre, Missel quotidien et vespéral, grande
édition, Abbaye de Saint-André, Saint-André-lez-Bruges, 1937, p. 148-
149.
100. On lira avec intérêt une lettre du 27 octobre 1911 de Marie du Sacré-
Cœur, carmélite à Lisieux, à sa sœur Léonie, visitandine au Mans sur de
Haza, Flamérion et un vendéen, le père Martin, qui lui aussi s’était mis à
exorciser une possédée (Archives du carmel en ligne).
101. PO, P. 510-511.
102. Ibid.
103. Léo Taxil (1854-1907), après une phase initiale ouvertement
anticléricale, s’était soudain converti et a longuement alimenté un public
catholique très à l’écoute avec des histoires mêlant diableries en tous
genres et franc-maçonnerie exotique. Thérèse non seulement avait vibré
aux péripéties de l’héroïne imaginée par lui, Diana Vaughan, mais, dans
plusieurs publications ultimes, se disait même inspirée par cette nouvelle
Jeanne d’Arc. Taxil dévoila son double jeu seulement en avril 1897, cinq
mois avant la mort de Thérèse.
104. L’abbé Claude-Marcel Weber, prêtre du diocèse de Metz, à la
jeunesse cléricale mouvementée, termine sa vie au diocèse de Bayonne
où Thérèse guérit soudain sa vue déficiente (PO, p. 483-490). L’autre
prêtre qui bénéficie d’un miracle de la carmélite est l’abbé Rossignol,

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ancien directeur au grand séminaire de Luçon : Thérèse lui apparaît à la


veille de sa mort, pour apaiser ses craintes du jugement de Dieu et/ou
pour le rassurer sur le sort d’une fondation qui lui tenait à cœur. Les
juges entendent deux témoins de cet épisode miraculeux, l’abbé
Frapereau (PO, p. 501-503) et le sulpicien Jean-Jules-Pierre Gaignet
(p. 504-506).
105. PO, p. 534-540 : le pasteur Grant explique comment Thérèse est
intervenue, par des paroles intérieures qui l’ont plusieurs fois aidé de
manière décisive dans son cheminement vers le catholicisme.
106. Ibid., p. 557-568, Mgr Nicolas Gianttanamo di Francesco, évêque de
Nardo, rend compte de l’affaire du carmel de Gallipoli, en Italie du Sud.
Thérèse intervient à la fois pour aider financièrement un carmel dans le
besoin et pour préciser à la prieure italienne que sa doctrine est sûre. Sur
ces deux dossiers, PT, p. 219-227.
107. Pichon témoigne le 23 avril 1915, au procès dit inchoatif. PA, p. 112-
119.
108. PA, p. 114.
109. Ibid. Le dossier de la maladie de Thérèse revient en force, lors des
trois congrégations aboutissant au procès des vertus, PT, p. 363-367.
110. PA, p. 117.
111. PT, p. 337-358.
112. Ce témoin est alors entendu à la demande du promoteur fiscal,
l’avocat du diable, le 25 août 1916, à la fin du procès (PA, p. 425-431).
113. L’évêque mit heureusement le holà à une affaire qui, bien qu’elle
échappât à toute publicité, prit une ampleur démesurée. Flamérion s’en
explique brièvement à la fin de sa déposition au procès apostolique
(p. 431).
114. PA, p. 431.
115. En 1918, sur demande de Rome, il est démis de sa charge
d’exorciste.
116. Quand il évoque la conversion d’intellectuels, il ne peut s’empêcher
de s’en prendre à ceux « qui avaient une disposition d’esprit universitaire
et modernisante (je me sers d’expressions un peu simplistes, mais le
tribunal saisira les nuances) ou bien une tendance à l’ironie et à un
dédain d’ailleurs du mysticisme » (PA, p. 429).
117. Ibid., p. 428
118. Ibid., p. 427.
119. Ibid., p. 427-428
120. Il dépose après Pichon, le 3 mai 1915, PA, p. 120-126.
121. Ibid., p. 122.

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122. Ibid., p. 123.


123. Il est aussi sensible à la polémique qui enfle sur le rôle du carmel
dans le développement de la dévotion à Thérèse et il y répond en bon
logicien : « Les moyens de publicité employés par le carmel de Lisieux
ont plutôt par rapport à cette réputation une relation d’effet à cause que
de cause à effet » (PA, p. 125).
124. Ibid., p. 123.
125. Idem, p. 124.
126. En fait, cette proximité passe davantage par la postérité de
Marguerite-Marie et par le culte du Sacré-Cœur. Voir Claude Langlois,
« La famille Martin, Thérèse de Lisieux et la Visitation », Marie-
Élisabeth Henneau et alii (dir.), Pour Annecy et pour le monde. L’ordre
de la Visitation (1610-2010), Cinisello Balsamo, Silvana editoriale, 2011,
p. 263-275.
127. Point largement développé dans les Animadversiones de l’avocat du
diable, Mgr Verde, en 1914. Anne Langlois, « Les objections de Mgr
Verde : Thérèse, une sainte autoproclamée », TT, p. 201-212.

Auteur

Claude Langlois
Du même auteur

Le continent théologique,
Presses universitaires de
Rennes, 2016
Le catholicisme en congrès
(xixe-xxe&nbspsiècles),
LARHRA, 2009
Jean-Marie Mayeur, Presses
universitaires de Rennes, 2022
Tous les textes
© LARHRA, 2016

https://books.openedition.org/larhra/4724#ftn90 31/32
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Référence électronique du chapitre


LANGLOIS, Claude. Expertise jésuite dans les procès de canonisation de
Thérèse de l’Enfant-Jésus (1911-1916) In : Y a-t-il une spiritualité
jésuite ? (xvie-xxie siècles) [en ligne]. LARHRA, 2016 (généré le 25
septembre 2023). Disponible sur Internet :
<http://books.openedition.org/larhra/4724>. ISBN : 9791036543067.
DOI : https://doi.org/10.4000/books.larhra.4724.

Référence électronique du livre


FOUILLOUX, Étienne (dir.) ; MARTIN, Philippe (dir.). Y a-t-il une
spiritualité jésuite ? (xvie-xxie siècles). Nouvelle édition [en ligne].
LARHRA, 2016 (généré le 25 septembre 2023). Disponible sur Internet :
<http://books.openedition.org/larhra/4589>. ISBN : 9791036543067.
DOI : https://doi.org/10.4000/books.larhra.4589.
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