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** Anne d’Autriche a effectivement joué un rôle important, et pas seulement en

politique
*** en politique, elle a tenu le cap pendant les orages de la Fronde, empêché la
victoire des princes, soutenu Mazarin alors qu’il était très impopulaire ; par la suite, elle a
réalisé la paix des Pyrénées et le mariage de son fils avec sa nièce, Marie-Thérèse
*** pour le reste, elle a été un véritable mécène, manifestant bcp de goût pour les
lettres et les arts : elle a applaudi au Cid de Corneille (1637) et fait anoblir toute la famille de
l’écrivain, elle a bcp contribué à raffiner la vie de la cour de France (qui restait sans prestige à
son arrivée en France), elle y a fait entrer l’opéra italien et la danse de ballet (passion de son
fils), elle s’est fait peindre par Rubens, Philippe de Champaigne, Mignard 
*** elle a été aussi une des reines de France les plus pieuses, a soutenu saint Vincent
de Paul, a multiplié les œuvres pies (les prières et les pèlerinages) pour pouvoir donner un fils
à son mari, et a ainsi bcp compté ds l’histoire du Val de Grâce

les épouses de Louis XIV (qui règne de 1643 à 1715) sont Marie-Thérèse d’Autriche et
Mme de Maintenon (qui n’est pas reine)
* la 1ère épouse de Louis XIV est Marie-Thérèse d’Autriche (née en 1638-épousée et reine
en 1660-morte en 1683), infante aînée d’Espagne, fille du roi d’Espagne Philippe IV 
** Marie-Thérèse est le 8e enfant de Philippe IV et d’Elisabeth de France (elle est dc
doublement cousine germaine de Louis XIV) et le seul qui parvienne à l’âge adulte 
** sa mère, qui vivait à Madrid ds la nostalgie de la France et parlait bcp de son pays
natal, meurt en couches alors que l’infante n’a que 6 ans 
*** son père se remarie 5 ans plus tard avec sa nièce, Marie-Anne d’Autriche, une
Habsbourg de Vienne, âgée de 15 ans (alors que Marie-Thérèse a 11 ans) ; belle-fille et belle-
mère sont assez proches : la nouvelle reine donne bientôt naissance à l’infante Marguerite-
Thérèse (1651-1673), qui sera impératrice (les deux demi-sœurs sont également proches) et à
l’infant Charles, qui sera le dernier roi Habsbourg d’Espagne, Charles II
*** l’infante Marie-Thérèse est promise à deux cousins archiducs d’Autriche avant
d’être le prix de la paix des Pyrénées entre France et Espagne (1659) ; le peintre Velasquez
fait de l’infante un magnifique portrait qui est envoyé en France peu avant le mariage
** le mariage se fait par étape en juin 1660 :
*** le 3 juin, l’infante est mariée par procuration à Fontarrabie (du côté espagnol de la
frontière) 
*** le 6 juin, les deux délégations se rencontrent sur l’île des Faisans, au milieu de la
Bidassoa, rivière frontière entre les deux royaumes, et l’infante fait ses adieux à son père 
*** le 9 juin, le mariage officiel a lieu en l’église Saint-Jean-Baptiste de Saint-Jean-de-
Luz (on peut voir encore la « maison de l’infante » à SJDL) 
Marie-Thérèse renonce à ses droits sur la couronne d’Espagne et est supposée
recevoir en échange une dot de 500.000 écus d’or, payable en 3 versements (comme elle ne
sera pas totalement payée, on aura une guerre entre France et Espagne en 1667-1668, dite des
droits de la reine) 
Marie-Thérèse arrive en France avec une suite de 40 femmes mais le roi (qui craint
l’espionnage, la diplomatie parallèle et surtout l’influence néfaste que des Espagnoles
pourraient avoir sur la reine) exige le départ immédiat de la plupart d’entre elles (seulement
13 demeurent auprès de la jeune reine) et il crée ainsi un usage qu’on retrouvera jusqu’à la fin
de l’AR (Marie-Antoinette, arrivant en France en 1770, abandonnera la quasi-totalité de sa
suite autrichienne)
** fin juin 1660, le couple royal arrive à Paris, où la jeune reine passe sous l’aile de sa
belle-mère et tante, Anne d’Autriche, qui lui apprend tout ce qu’elle est censée savoir (Marie-
Thérèse, à la différence d’Anne, ne se débarrassera pas d’un fort accent espagnol) 
*** les deux reines développent une relation forte (Marie-Thérèse aime à se retrouver
auprès d’Anne pour parler espagnol et boire du chocolat, que Louis XIV n’aime pas : il
faudra, pour cette raison, attendre le règne de Louis XV pour que le chocolat soit à la mode à
la cour de France ; les deux femmes ont à peu près la même sensibilité religieuse et
s’associent très souvent ds des œuvres de charité) 
*** la reine Marie-Thérèse n’est ni jolie ni laide (elle est petite et joufflue, avec des
dents gâtées, en raison de son goût espagnol pour les sucreries, assez maladroite, pas
prognathe, à la différence de son demi-frère Charles II et des Habsbourg en général) et le roi
lui est infidèle dès 1661 (liaison de 1661-1667 avec Louise de La Vallière, fille d’honneur de
Madame [Henriette d’Angleterre] ; puis grande liaison avec Mme de Montespan [1668-1681],
épicée de liaisons de moindre importance avec la princesse de Monaco, la princesse de
Soubise, Mme de Ludres, la duchesse de Fontanges, Mme de Maintenon)
*** et la mort d’Anne en 1666 est une rude coup pour Marie-Thérèse, qui se retrouve
très isolée à la cour (Anne d’Autriche était la seule personne qui pouvait reprocher à Louis
XIV ses infidélités conjugales ; Marie-Thérèse vit alors replié sur ses proches, ses femmes,
avec lesquelles elle joue aux cartes, ses nains et ses petits chiens ; elle a une passion pour le
jeu et y perd des sommes considérables, obligeant souvent le roi à éponger ses dettes) 
** Louis XIV, qui a résolu de donner un statut élevé à ses maîtresses (on le voit
notamment ds les logements prestigieux qu’il leur fait donner à Versailles), oblige sa femme à
prendre comme dames d’honneur Mme de La Vallière et Mme de Montespan et promène les
« 3 reines » partout où il va (Mme de La Vallière est douce et demandera pardon à la reine
avant de se retirer ds un couvent ; Mme de Montespan est une peste et la reine doit subir les
outrages de sa rivale) 
*** le roi confie brièvement la régence à sa femme pendant la guerre de Hollande
(1672), où il se rend en personne (la reine reçoit les ambassadeurs, préside le conseil,
s’applique ds ces fonctions nouvelles), mais, en 1680, il marie le dauphin sans la consulter
(Marie-Thérèse souhaitait marier son fils à sa nièce Marie-Antoinette archiduchesse
d’Autriche, et elle est très mécontente, et désagréable avec la dauphine-Bavière) 
*** à partir de 1680, l’influence de Mme de Maintenon sur le roi permet un
rapprochement des deux époux (la reine en est très reconnaissante à Mme de Maintenon) ;
Marie-Thérèse meurt brutalement à Versailles le 30 juillet 1683, sans qu’on ait eu le temps de
lui administrer l’extrême onction (elle meurt donc « sans se reconnaître », selon l’expression
du temps) ; Louis XIV aurait dit de cette mort « voici le premier chagrin qu’elle me cause »

* la seconde épouse de Louis XIV, Françoise d’Aubigné (née en 1635-épousée


morganatiquement en 1683-veuve en 1715-morte en 1719), veuve Scarron, marquise de
Maintenon, a été épousée morganatiquement et n’a jamais été reine (un mariage morganatique
est un mariage entre des époux socialement très éloignés, l’épousée ne pouvant prétendre au
titre habituellement donné à la femme en pareil cas)
** cette fille de gentilhomme (son père est le fils du poète huguenot Agrippa d’Aubigné)
a connu la misère dans son enfance (à la Martinique) et son adolescence (à La Rochelle) 
*** convertie au catholicisme mais sans dot, elle a accepté d’épouser à 16 ans un
écrivain cul de jatte de 25 ans plus âgé qu’elle, Scarron, plutôt que d’entrer au couvent ; Mme
Scarron est belle et intelligente, charme les gens qui la croisent par son esprit 
*** en 1660, Scarron meurt, lui laissant bcp de dettes et une pension royale de 2000lt ;
en 1666, ladite pension que lui versait Anne d’Autriche est supprimée ; la veuve Scarron
connaît alors 3 nouvelles années difficiles jusqu’à ce que Mme de Montespan, en 1669, lui
demande d’être la gouvernante des enfants qu’elle a du roi
*** le roi ne tarde pas à remarquer ses qualités d’éducatrice et plus précisément ses
qualités de cœur (la veuve Scarron a pleuré à la mort prématurée de la 1ère Mlle de Blois, a
conduit le duc du Maine aux eaux de Barèges) ; quand il la croise, le roi apprécie qu’elle lui
parle avec simplicité et fermeté, sans aucun effort de séduction ; lorsqu’il tombe sous son
charme, elle commence par lui résister
** sa promotion a été progressive :
*** en 1673, en remerciement de ses bons et loyaux services, le roi lui donne 250.000
lt, qui lui permettent en 1674 de s’acheter la terre de Maintenon 
*** en 1675, le roi la fait marquise de Maintenon (on pense que c’est cette année-là
que commence leur relation charnelle) 
*** en 1680, il la fait 2e dame d’atours de la dauphine Bavière (c’est alors que Mme
de Maintenon conseille au roi de se rapprocher de la reine) 
*** la reine étant morte le 30 juillet 1683, le roi épouse secrètement Mme de
Maintenon ds la nuit du 9 au 10 octobre de la même année (ce mariage devant Dieu permet au
roi de ne pas vivre ds le péché –et son caractère secret évite le scandale d’une mésalliance)
** Mme de Maintenon s’est essentiellement consacrée à la Maison de Saint-Cyr (son
nom exact est Maison royale de Saint-Louis)
*** elle l’a créée en 1686 à Saint-Cyr (à l’extrémité du parc de Versailles) pour
l’éducation des jeunes filles de la noblesse provinciale impécunieuse (elle pensait sans doute à
sa propre jeunesse), jeunes filles auxquelles elle voulait qu’on donnât l’air de la cour (c’est
pour les demoiselles de Saint-Cyr que Racine a écrit Esther et Athalie) 
*** à la mort de Louis XIV, en septembre 1715, Mme de Maintenon s’est retirée à
Saint-Cyr où elle est morte en 1719
** elle a exercé une certaine influence sur le roi, sans doute exagérée par certains
historiens, qui lui attribuent la révocation de l’édit de Nantes 
*** elle aurait illustré la loi selon laquelle les convertis sont les plus intolérants
*** en fait, son influence réelle est bcp plus tardive : ds les dernières années de la vie
du roi, les ministres passent par elle pour ne pas fatiguer le vieux roi ; le paradoxe est qu’elle
avait 3 ans de plus que lui

* le Dauphin (1661-1711) est marié (en 1680) à Marie-Anne de Bavière (1660-1690)


** elle est la fille de l’électeur de Bavière et d’Henriette-Adélaïde de Savoie, cousine
germaine de Louis XIV (par sa mère, Christine de France) 
** la « dauphine Bavière » (dont LXIV pensait qu’elle remplacerait Marie-Thérèse ds
ses fonctions officielles : il organisa chez elle des loteries fastueuses) est malheureuse à
Versailles, n’ayant pas le goût de la médisance (elle n’est heureuse qu’avec sa femme de
chambre allemande), et meurt en 1690 

* le duc de Bourgogne est marié (en 1697, en application du traité de Ryswick, à l’issue de
la guerre de la Ligue d’Augsbourg, dans laquelle la Savoie a combattu la France) à sa cousine
germaine Marie-Adélaïde de Savoie (1685-1712), âgée de 12 ans (la mère de la duchesse de
Bourgogne était une fille de Monsieur, frère de LXIV, et d’Henriette d’Angleterre)
** la duchesse de Bourgogne (pleine de vie) va faire la conquête de la cour jusqu’à sa
mort, en 1712 ; on dit que son arrivée à la cour y remit un peu de gaieté, Louis XIV disant à
ses architectes et ses peintres « je veux de l’enfance partout »
** elle tient le rôle de reine, puisque sa belle-mère est morte en 1690 ; elle vit d’ailleurs
ds l’ancien appartement de la reine Marie-Thérèse 

l’épouse de Louis XV (qui règne de 1715 à 1774) aurait dû être sa cousine germaine,
l’infante aînée d’Espagne Marie-Anne Victoire (1718-1781), fille de Philippe V (ex-duc
d’Anjou, petit-fils de Louis XIV), arrivée en France à l’âge de 3 ans 1/2, en 1722 ; en 1725,
les fiançailles sont rompues, l’infante renvoyée en Espagne avec ses poupées et le roi marié à
Marie Leszczynska (née en 1703-épousée et reine en 1725-morte en 1768), fille du roi de
Pologne en exil Stanislas Leszczynski, duc de Lorraine
* Marie Leszczynska (qui a 7 ans de plus que le roi) a connu l’exil très tôt (son père, roi
de Pologne en 1703, a perdu son trône en 1709, quand elle avait 6 ans) ; elle a reçu une bonne
éducation, parle le français et l’allemand presque aussi bien que le polonais ; son père, qui a
peu de moyens financiers, a une haute idée de son statut et refuse de la marier à un homme
qui ne serait pas duc ; le résultat de tout cela est qu’elle ne trouve pas de parti (elle ne peut
espérer qu’une dot très modique) 
** on ne peut qu’imaginer sa sidération lorsqu’on lui annonce le 2 avril 1725 que le roi
de France demande sa main : elle l’épouse à Fontainebleau, dès le 5 septembre
*** pourquoi ce changement de cap totalement inattendu ? en 1725, l’infante avait 7
ans, Louis XV 15 ans et ML 22 ans : le roi venait de tomber gravement malade et on voulait
qu’il ait des enfants le plus tôt possible ; ML était en âge de procréer immédiatement, alors
que l’infante ne l’était pas 
*** il n’empêche que ce mariage polonais fit bcp jaser (la monarchie polonaise,
élective, était très peu prestigieuse ; bcp pensaient qu’on aurait vraiment pu trouver mieux ;
on cria une nouvelle fois à la mésalliance) ; du reste, la composition de la maison de la reine
fut décidée par le duc de Bourbon, qui ne l’autorisa pas à garder auprès d’elle une seule
suivante polonaise (en revanche, elle fit valoir qu’elle préférait se confesser en polonais et elle
eut jusqu’à sa mort des confesseurs polonais, les pères Labiszynski, Radominski, Bieganski,
Trapzinski, tous jésuites mais ne faisant pas partie de sa maison au sens technique)
** dès la nuit de noces, ML tombe amoureuse du roi, qui était très beau (grand et bien
fait) 
*** le roi aime sa femme, qui est elle-même tout à fait charmante, et il lui fait 10
enfants en 10 ans, le dauphin Louis (1729-1765, qui mourra sans avoir régné), un autre fils
(mort à 3 ans) et 8 filles (dont une seule se mariera, Elisabeth, devenue duchesse de Parme, et
dont 5 resteront célibataires à l’âge adulte : Mesdames Henriette, Adélaïde, Victoire, Sophie
et Louise [Marie-Louise et Thérèse sont mortes en bas âge] ; Madame Louise entrera au
carmel à 33 ans, en 1770, pour expier les fautes de son père) 
*** ML mène une vie assez monotone (« toujours couchée, toujours grosse, toujours
accouchée ») ; à partir de 1738, elle apparaît comme une femme d’âge mûr (35 ans), fatiguée
par les maternités, alors que le roi est un jeune homme de 28 ans : comme ses médecins lui
disent qu’une nouvelle grossesse pourrait lui être fatale, elle refuse au roi l’entrée de sa
chambre 
*** le roi la trompe dès 1733 avec les sœurs de Nesle ; la porte close de 1738 lui ôte
ses derniers scrupules (en une époque, la décennie 1730, où il découvre son goût immodéré
pour les femmes en général)
** ML n’a aucun rôle politique :
*** elle a voulu soutenir le duc de Bourbon en 1726 et a totalement échoué ds son
entreprise (Bourbon a été remplacé par le cardinal de Fleury) 
*** à partir des années 1730, elle subit les infidélités de son mari et vit très isolée à la
cour (on sait qu’elle est sans influence sur le roi et elle passe surtout pour terriblement
ennuyeuse) ; elle a un petit cercle d’intimes, qu’elle voit tous les jours et avec lesquels elle
s’adonne à sa passion pour le jeu (le roi éponge régulièrement ses dettes) ; elle s’intéresse
cependant aux arts, à la peinture (elle peint des aquarelles dont Mme Campan nous dit
qu’elles sont davantage l’œuvre de son maître de dessin que la sienne) et à la musique (elle
fait venir le castrat Farinelli en 1737 et entend Mozart en 1764) ; elle est d’une inattaquable
piété, entretenue par ses confesseurs polonais ; elle garde une grande dignité face aux
maîtresses de son mari, entretient des relations correctes avec Mme de Pompadour, se replie
sur le cercle de ses enfants, qui la soutiennent contre les maîtresses de leur père ; elle meurt en
1768

* le dauphin Louis (fils de Louis XV et de ML) a été marié deux fois :


** en premières noces, en 1745, il a épousé sa cousine l’infante Marie-Thérèse
d’Espagne, fille de Philippe V (en fait cousine germaine de Louis XV ; il s’agissait de faire
oublier l’affront de 1725), qui est morte en 1746 des suites de son premier accouchement,
après avoir mis au monde une fille, morte elle-même deux ans plus tard ; Marie-Thérèse
détestait Mme de Pompadour qu’elle et son mari avaient baptisée Maman-Putain
** en secondes noces, en 1747, plutôt que d’épouser la sœur cadette de sa femme
défunte, l’infante Marie-Antoinette, il épouse, sur les conseils donnés au roi par le maréchal
de Saxe (le vainqueur de Fontenoy) et Mme de Pompadour (qui espère que la nouvelle
dauphine lui en sera reconnaissante), Marie-Josèphe de Saxe (1731-1767), nièce du maréchal
de Saxe, fille d’un électeur de Saxe qui avait été roi de Pologne de 1734 à 1763 (Auguste III,
gd ennemi de Stanislas Leszczynski), petite-fille par sa mère d’un empereur du SERG, Joseph
1er, sœur (entre bcp d’autres) d’une reine de Naples devenue reine d’Espagne et d’un
archevêque-électeur de Trèves (qui accueillera ses neveux en émigration)
*** le mariage vise à réconcilier les deux camps de la guerre de succession de Pologne
mais il est très mal vu de ML et de son père (le cortège de Marie-Josèphe évite soigneusement
de traverser la Lorraine de Stanislas Leszczynski et passe par la Franche-Comté)
*** Marie-Josèphe, intelligente, douce et aimante, parvient à s’entendre avec tout le
monde à Versailles (le roi, la reine [qu’elle séduit en portant un portrait miniature de Stanislas
à son bracelet], le dauphin et Mme de Pompadour), ce qui relève de l’exploit ; elle s’entend
particulièrement bien avec son mari, qui n’a pas de maîtresse, le veille quand il est malade
(variole, tuberculose), et lui donne 8 enfants, dont 3 fils qui seront rois de France (Louis XVI,
le comte de Provence futur Louis XVIII et le comte d’Artois futur Charles X), et 2 filles qui
mourront en odeur de sainteté, Mme Clotilde, reine de Sardaigne, et Mme Elisabeth, restée
célibataire et guillotinée sous la Terreur (on notera les mariages savoyards : Clotilde a épousé
Charles-Emmanuel IV de Savoie, roi de Sardaigne, et ses deux frères Provence et Artois ont
épousé deux sœurs de Charles-Emmanuel IV)

l’épouse de Louis XVI (qui règne de 1774 à 1792) est Marie-Antoinette d’Autriche (née à
Vienne en 1755-épousée et dauphine en 1770-reine en mai 1774-déchue en août 1792-veuve
en janvier 1793-jugée et condamnée à mort en octobre 1793-guillotinée le 16 octobre 1793),
archiduchesse d’Autriche, fille de l’impératrice Marie-Thérèse et de François de Lorraine
* Marie-Antoinette est la dernière fille de Marie-Thérèse d’Autriche et de François de
Lorraine (qui ont eu 16 enfants, dont 11 filles)
** en 1770, elle est mariée au dauphin de France au titre de la politique dite de
renversement d’alliance menée par la France depuis 1756 (politique Choiseul ; la France,
traditionnellement alliée à la Prusse contre l’Autriche et la GB, s’allie à l’Autriche contre la
Prusse et la GB)
** elle est jolie (ce qui n’est pas sans importance ds une monarchie héréditaire : les rois
doivent autant que faire se peut épouser des femmes réservoirs de beauté susceptibles
d’améliorer la descendance) et elle a des qualités de vivacité et de gaieté
** mais son éducation intellectuelle a été à Vienne extrêmement négligée (à 12 ans, elle
ne sait quasiment pas écrire, pas même en allemand) et elle reculera toute sa vie devant un
véritable effort de pensée ; on lui a du reste envoyé de Versailles en 1768 l’abbé de Vermond
avec mission de la dégrossir (en particulier d’améliorer son français ; il restera son ami
jusqu’aux dernières années)

* Marie-Antoinette a conjugué 3 handicaps


** ds la décennie 1770 (les années d’impuissance de Louis XVI), elle a gagné une
réputation de frivolité –et sa maternité tardive n’y a rien changé (une fille, Marie-Thérèse,
Madame Royale, naît en 1778 [elle survivra à la Révolution et épousera son cousin germain,
le duc d’Angoulême, tiendra la cour de ses oncles Louis XVIII et Charles X entre 1814 et
1830, mourra en exil en 1851], deux fils prénommés Louis en 1781 et 1785 [l’aîné, le 1er
dauphin, meurt en juin 1789 ; le 2e, d’abord duc de Normandie, devient alors dauphin et
mourra en 1795, au Temple], et une dernière fille, Sophie, en 1786 [qui meurt dès l’année
suivante]) 
*** aux yeux de l’opinion, Marie-Antoinette est
dépensière (dans ses lettres, Marie-Thérèse la tance très souvent à ce sujet) ; vous
notez que le règne de Louis XVI correspond à la période où l’opinion s’empare de la question
des dépenses de cour
jouisseuse (aimant les fêtes et les bals, notamment les bals masqués)
et même libertine (elle aimerait le plaisir physique)
*** en 1785-1786, l’affaire du collier l’éclabousse très cruellement
l’affaire renvoie à son image de dépensière inconsidérée (l’objet de l’affaire est un
collier de 2840 carats, valant 1.600.000 livres [27M d’euros]) ; c’est d’ailleurs pour cela que
l’opinion ne veut pas croire à l’innocence de la reine
l’acquittement de Rohan par le parlement de Paris (du chef d’escroquerie et du
chef de lèse-majesté) est un autre camouflet pour la reine : il signifie qu’un homme d’Eglise a
le droit d’essayer d’obtenir la faveur de la reine de France en lui avançant l’argent d’un
somptueux collier
*** pis encore pour l’époque, on prête à Marie-Antoinette des relations homosexuelles
avec ses belles amies (elle a des « fureurs utérines » ; elle est « tribade »)
** elle ne s’est pas dirigée très clairement (et elle s’est beaucoup laissé manœuvrer)
dans les cabales de la cour :
*** elle est du parti dévot de Mesdames Tantes contre la Du Barry mais elle est aussi
du parti choiseuliste contre Mesdames Tantes et Louis XVI (sur la question de l’alliance
autrichienne : elle est pour, ils sont contre)
*** à partir de 1775, elle est menée par le bout du nez par Gabrielle de Polignac (qui
en profite d’une façon monstrueuse : les Polignac obtiennent une pension de 500.000 lt par an
[plus de 5M d’euros actuels], une dot de 800.000 lt pour leur fille Aglaé qd elle épouse le duc
de Guiche –et, en 1780, le titre ducal [jusque là, ils étaient comtes])
*** bref, une image d’intrigante écervelée qui se piquerait de politique et qui aggrave
les pb financiers de la monarchie
** elle a très vite pâti d’une image exécrable d’étrangère :
*** il est vrai que sa mère Marie-Thérèse et son mentor autrichien Mercy-Argenteau
lui ont demandé de défendre à Versailles les intérêts de l’Empire, et que son frère Joseph II a
eu la même attitude après 1780 ; d’où la thématique de l’Autrichienne, qui ne la lâchera plus
*** or on doit noter que l’Autriche et les Habsbourg étaient traditionnellement très
mal vus en France (la France a affronté les Habsbourg presque continuellement depuis
François 1er jusqu’au renversement d’alliance de 1756) ; Marie-Antoinette a ainsi réactivé des
clichés très négatifs

* quelle vérité derrière ces images négatives ?


** un rôle pas totalement négatif en matière de mode
*** Marie-Antoinette a succédé à la dernière maîtresse de Louis XV, Mme du Barry,
comme prescriptrice de modes
*** il est clair que la reine a renforcé le système pyramidal de la mode à la française,
qu’elle a lancé et renouvelé profondément la mode, donné un éclat particulier aux créations
parisiennes :
les modes ont évolué avec le goût de la reine, de l’extravagance des années 1770
(très hautes coiffures) à la simplification des années 1780 (ab 1783, abandon de la robe à la
française ou robe de cour à paniers et adoption de la robe à la polonaise moins encombrante ;
ab 1786, adoption croissante des modes anglaises : robe chemise de cotonnade blanche sans
falbala, simplification des tissus, adoption de la redingote et d’autres éléments masculins) 
ds cette politique, sa modiste (marchande de modes) Rose Bertin a joué un rôle
absolument essentiel
*** le négatif, c’est que des dépenses considérables de vêtements (la reine porte trois
tenues différentes tous les jours) ont coïncidé avec une mauvaise conjoncture économique
** une liaison discrète et compliquée avec un gentilhomme suédois, Axel de Fersen,
rencontré ds un bal masqué à l’Opéra
*** il a cherché à la fuir, a suivi La Fayette en Amérique ; mais ils se sont retrouvés
par la suite et Fersen a joué un rôle très important en 1791 dans les préparatifs de la fuite de la
famille royale, dite « fuite à Varennes »
*** la correspondance récemment retrouvée de MA permet d’affirmer que la reine
était éperdument amoureuse de Fersen et que leur relation a été charnelle (la chose
scandalisait les tenants de la mystique du sang royal)
** une tendance au dédoublement de l’existence (sur le modèle créé par Louis XV) :
*** existence d’apparat à Versailles, vie de simple particulière à Trianon (ab 1774) et
au Hameau (ab 1782-1783)
*** tout cela contribue un peu plus à la désacralisation de la monarchie et donne
quelque crédit à l’idée d’une coterie de la reine (les habitués de Trianon : la princesse de
Lamballe, la comtesse puis duchesse de Polignac, le comte d’Artois)
** des interventions politiques plutôt concentrées en politique intérieure et ds les
dernières années de la monarchie :
*** c’est la reine qui obtient le renvoi de Calonne en 1787 et l’appel à Loménie de
Brienne, ami de l’abbé de Vermond
*** au début de la Révolution, elle conseille au roi la ligne dure ; ce faisant, elle
scandalise l’opinion puisqu’elle « apparaît vouloir faire le roi au lieu de se satisfaire des
fonctions maternelles et charitables qui sont normalement celles de l’épouse du souverain »
(Jacques REVEL) ; loin de s’inscrire ds la lignée de Marie Leszczynska, elle devient
l’héritière des maîtresses honnies de Louis XV

2122. Les points communs aux reines


la reine est généralement d’extraction princière et presque toujours étrangère : elle est
épousée sur des critères
* politiques (on veut accroître le domaine royal)

* diplomatiques (on veut conclure une alliance ou mettre fin à une guerre)

* religieux (à partir de la Réforme, on cherche des princesses catholiques)

la reine est un personnage profondément ambigu


* elle ne possède pas l’autorité souveraine mais, par son lien charnel avec le roi, elle
participe de la dignité royale (ambiguïté autorité/dignité)

* ds son contrat de mariage, il est spécifié qu’il n’y a pas de communauté de biens (le roi
n’ayant que l’usufruit du domaine royal) mais la maison de la reine est bel et bien financée
par le domaine royal 

* le sacre rappelle son caractère royal et en même temps qu’elle n’est pas le roi :
** le sacre de la reine, tant qu’il existe, est très simplifié par rapport à celui du roi 
*** il n’a pas lieu à Reims (sauf exception : Henri III et la reine Louise) mais à Saint-
Denis
*** la reine ne prête pas les serments à l’Eglise et au royaume
*** la reine ne reçoit pas les regalia chevaleresques, ne reçoit pas les habits
sacerdotaux (ce qui ne l’empêche pas de communier sous les deux espèces, comme le roi)
*** la reine ne voit pas sa couronne tenue au-dessus de sa tête par les pairs de France
*** la reine s’assoit sur un trône légèrement plus bas que celui du roi
*** la reine n’est ointe qu’en 2 endroits du corps (la tête et la poitrine) et pas en 9 (et
pas avec le saint chrême) –et le sacre ne lui confère pas de pouvoirs thaumaturgiques (elle ne
guérit pas les écrouelles après la cérémonie)
** et, après 1610, il n’y a plus de sacre de la reine mais un simple couronnement de la
reine à l’occasion du sacre de son époux

globalement, il y a un effacement de la reine des cérémonies royales à partir du début du


XVIIe s
* la dernière reine sacrée est Marie de Médicis, 10 ans après son mariage avec Henri IV (à
la veille de l’assassinat de son mari) ; les reines suivantes sont simplement couronnées lors du
sacre de leur époux ; elles ne sont plus reines par la grâce de Dieu mais par la grâce du roi (à
la mort de Marie-Thérèse, en 1683, on ne dira pas « reine de France par la grâce de Dieu »
mais « infante d’Espagne, épouse du roi, reine de France », manière de dire que c’est le roi
qui l’a faite reine de France)

* ds les entrées royales (on appelle ainsi la cérémonie qui accompagne l’entrée du
souverain ds une ville), il faut distinguer le XVIe s des périodes suivantes :
** au XVIe s, elle est reçue après le roi et, alors que le roi est reçu comme roi de guerre,
elle est reçue comme reine de paix et de maternité, intercesseur auprès du roi (comme la
Vierge Marie est intercesseur auprès du Christ) 
** à partir du XVIIe s, l’entrée est conjointe mais la reine est ds l’ombre de son seigneur
(Fanny COSANDEY dit d’elle qu’elle est désormais moins l’intermédiaire que le reflet,
« représentation sans pouvoir de la grandeur monarchique »)

le rôle fondamental de la reine : faire des enfants et, de préférence, des mâles
* l’ordinaire des reines, ce sont des grossesses à répétition : 11 en 20 ans d’Anne de
Bretagne (de deux maris différents, sans compter plusieurs fausses couches), 7 en 10 ans pour
la reine Claude, 10 en 12 ans pour Catherine de Médicis, 6 en 10 ans pour Marie de Médicis,
6 en 11 ans pour Marie-Thérèse, 10 en 10 ans pour Marie Leszczynska, 4 en 8 ans pour
Marie-Antoinette

* les reines qui ne font pas d’enfant ou qui ont du mal à en faire sont ds une situation
difficile : on peut penser à Jeanne l’Estropiée, à Marie Stuart (mais son mariage fut bref,
François II étant mort très jeune), Elisabeth d’Autriche, Louise de Vaudémont, mortes sans
héritier mâle, et à Anne d’Autriche ou Marie-Antoinette qui ont attendu longtemps avant de
concevoir (23 ans pour Anne d’Autriche, 8 ans pour Marie-Antoinette)

le recul des reines est une réalité importante des XVIIe-XVIIIe s


* comme l’a souligné Fanny COSANDEY, la modernisation de l’Etat passe par sa
masculinisation :
** en 1603, Henri IV avait appelé Marie de Médicis au conseil pour assurer son
éducation politique 
** après 1661, ce n’est absolument plus imaginable ; le Conseil est désormais composé
de professionnels faisant carrière au service du roi (robins à la Colbert, Le Tellier,
Pontchartrain), ce qui exclut les grands seigneurs et a fortiori les grandes dames (une femme
ne peut absolument pas être un professionnel au service du roi)

* la chose vaut non seulement pour les reines mais aussi pour les maîtresses royales
(Louis XIV écrit ds ses Mémoires pour l’instruction du dauphin : « un roi doit séparer les
tendresse d’amants d’avec les résolutions du souverain ») et plus généralement pour les dames
de la cour, réduites à des intrigues très nombreuses mais de très faible amplitude ; le féminin
est désormais du côté du privé alors que la royauté est du côté du public

213. Les régentes


lorsque le roi s’absente, il confie assez souvent le pouvoir à sa femme (comme un noble
confie sa seigneurie à sa femme) 
* c’est par exemple le cas en 1551 et 1553 : ds les deux cas, Henri II doit faire la guerre à
Charles Quint en Allemagne et, avant de partir, il se rend au parlement déclarer sa femme
régente 

* c’est également le cas en 1672 : Louis XIV part pour la guerre de Hollande et il confie la
régence à Marie-Thérèse (elle fait le lien entre le roi et les ministres, reçoit les ambassadeurs
étrangers) ; c’est la dernière régence d’une reine de France

* la régente, ds ces cas-là, n’est pas nécessairement reine :


** l’exemple le plus fameux, ds votre programme, nous est fourni par les régences de
Louise de Savoie (1476-1531) pendant les campagnes italiennes de François 1er, son fils (en
1515-1516 et en 1523) et pendant son emprisonnement à Madrid (en 1525-1526) ; la 3e
régence de Louise de Savoie est très importante car François 1er a été fait prisonnier à la
bataille de Pavie et la régente a alors manifesté un grand talent politique et diplomatique,
parvenant à nouer des alliances (Henry VIII, Soliman le Magnifique) et à obtenir la libération
de son fils (échange du roi contre ses deux fils aînés, François et Henri) 
** en 1529, sans être régente, Louise de Savoie négocie la paix des dames, qui permet la
libération de ses deux petits-fils ; à sa mort, en 1531, François 1er lui fera faire des obsèques
royales

en cas de mort prématurée du roi et de minorité du futur roi, on a un autre type de régence :
* les règles ne sont pas fixées mais depuis la fin du MA, on estime qu’il est assez naturel
que la mère du roi, qui assure la tutelle ordinaire de l’enfant, assure aussi la direction du
royaume 
** on pense que le fait que les femmes soient exclues de la souveraineté présente un
avantage : elles ne pourront pas usurper le pouvoir 
** cela dit, ces régences n’ont jamais rien eu d’automatique : en théorie, à chaque fois,
ce sont les états généraux qui devraient se prononcer mais le pouvoir royal se méfie des états
généraux qui sont d’ailleurs compliqués à réunir ; ds la pratique, c’est le parlement de Paris
qui attribue la régence

* c’est ainsi que Catherine de Médicis, Marie de Médicis et Anne d’Autriche ont été
désignées comme régentes pendant la minorité de leurs fils (en 1560-1563, en 1574 jusqu’au
retour d’Henri III de Pologne, en 1610-1614, en 1643-1651) 
** à chaque fois, il y a eu des tractations avec les princes du sang et le parlement 
** à chaque fois, elles se sont appuyées sur des conseillers masculins (Michel de
L’Hospital, Concini, Mazarin) 
** à chaque fois, elles ont conservé une influence majeure après la majorité du roi
(Catherine de Médicis joue un rôle très important jusqu’à la mort de Charles IX, en 1574, et
est de nouveau influente sous le règne d’Henri III alors qu’il se pique de gouverner par lui-
même [elle meurt qqes semaines avant lui, en 1589] ; Marie de Médicis et Anne d’Autriche
gardent le titre de chef du conseil après la majorité du roi : Marie de Médicis influence Louis
XIII avec des hauts et des bas jusqu’à la Journée des Dupes, en 1630 ; Anne d’Autriche pèse
ds les affaires de l’Etat jusqu’au début du règne personnel de Louis XIV, en 1661)

* les régences sont contestées :


** on reproche aux régentes leur goût du pouvoir, leur origine étrangère, leur qualité de
femme toujours associée à l’incompétence et à la duplicité 
** on les accuse de mauvaises mœurs (il y a un déchaînement à ce sujet contre Anne
d’Autriche, accusée d’être la maîtresse de Mazarin) 
** au temps de la Fronde, un bourgeois de Reims (Oudard Coquault) écrit ds ses
Mémoires : « les anciens Gaulois ont été bien sages de mettre pour loi fondamentale que le
royaume ne tomberait pas en quenouille » ; même les défenseurs d’Anne d’Autriche notent
que « les Français portent plus impatiemment le gouvernement des femmes »

* la seule régence masculine de votre programme, la Régence, ie la régence de Philippe


d’Orléans, entre 1715 et 1723, est due à plusieurs facteurs :
** Louis XV a perdu ses deux parents, le duc et la duchesse de Bourgogne avant la mort
de Louis XIV 
** Louis XIV ds son testament désignait le duc du Maine (bâtard légitimé) comme
garde de l’enfant royal et le duc d’Orléans (neveu du roi, fils de Monsieur) comme président
du conseil de Régence ; le duc d’Orléans l’a emporté en s’alliant avec le parlement et en
obtenant que le testament de Louis XIV soit partiellement cassé ; mais cette solution
masculine et légitime a suscité des craintes : on pouvait craindre que le Régent, neveu de
Louis XIV, ne fît disparaître l’enfant Louis XV pour que lui et sa descendance prissent sa
place

22. Les dames de la cour


221. La féminisation de la cour
2211. Chronologie
la féminisation de la cour est un phénomène de l’époque moderne (les cours médiévales
étaient plus masculines) 
* la première à avoir fait venir à la cour un nb important de femmes de bonne noblesse est
Anne de Bretagne, femme de Charles VIII et de Louis XII 

* François 1er poursuit le mouvement, voulant faire de la cour, à l’exemple de l’Italie, le


miroir de la majesté royale (« une cour sans dame est comme un jardin sans fleur ») ; le climat
de la cour change radicalement : ce ne sont que bals et fêtes, vêtements et bijoux somptueux,
commandes variées aux musiciens et artistes (on a bel et bien sous François 1er un phénomène
que l’on retrouvera sous Louis XIV : féminisation = civilisation des mœurs)

* c’est par cette Cour de Valois que les mœurs et le goût français ont commencé à se
policer et à s’italianiser ; la réputation de la cour des Valois est durable : La princesse de
Clèves, roman publié par Mme de La Fayette en 1678, commence ainsi : «  La magnificence
et la galanterie n’ont jamais paru en France avec tant d’éclat que dans les dernières années du
règne de Henri II. Ce prince était galant, bien fait, et amoureux : quoique sa passion pour
Diane de Poitiers, duchesse de Valentinois, eût commencé il y avait plus de vingt ans, elle
n’en était pas moins violente, et il n’en donnait pas des témoignages moins éclatants. Comme
il réussissait admirablement dans tous les exercices du corps, il en faisait une de ses plus
grandes occupations : c’était tous les jours des parties de chasse et de paume, des ballets, des
courses de bagues, ou de semblables divertissements. Les couleurs et les chiffres de madame
de Valentinois paraissaient partout, et elle paraissait elle-même avec tous les ajustements que
pouvait avoir mademoiselle de la Marck, sa petite-fille, qui était alors à marier. La présence
de la reine autorisait la sienne : cette princesse était belle, quoiqu’elle eût passé la première
jeunesse ; elle aimait la grandeur, la magnificence, et les plaisirs. Le roi l’avait épousée
lorsqu’il était encore duc d’Orléans, et qu’il avait pour aîné le dauphin, qui mourut à
Tournon ; prince que sa naissance et ses grandes qualités destinaient à remplir dignement la
place du roi François Ier, son père. L’humeur ambitieuse de la reine lui faisait trouver une
grande douceur à régner. Il semblait qu’elle souffrît sans peine l’attachement du roi pour la
duchesse de Valentinois, et elle n’en témoignait aucune jalousie ; mais elle avait une si
profonde dissimulation, qu’il était difficile de juger de ses sentiments ; et la politique
l’obligeait d’approcher cette duchesse de sa personne, afin d’en approcher aussi le roi. Ce
prince aimait le commerce des femmes, même de celles dont il n’était pas amoureux. Il
demeurait tous les jours chez la reine à l’heure du cercle, où tout ce qu’il y avait de plus beau
et de mieux fait de l’un et de l’autre sexe ne manquait pas de se trouver. Jamais cour n’a eu
tant de belles personnes et d’hommes admirablement bien faits ; et il semblait que la nature
eût pris plaisir à placer ce qu’elle donne de plus beau dans les plus grandes princesses et dans
les plus grands princes. Madame Élisabeth de France, qui fut depuis reine d’Espagne,
commençait à faire paraître un esprit surprenant, et cette incomparable beauté qui lui a été si
funeste. Marie Stuart, reine d’Écosse, qui venait d’épouser M. le Dauphin, et qu’on appelait la
Reine Dauphine, était une personne parfaite pour l’esprit et pour le corps ; elle avait été élevée
à la cour de France, elle en avait pris toute la politesse ; et elle était née avec tant de
dispositions pour toutes les belles choses, que, malgré sa grande jeunesse, elle les aimait et s’y
connaissait mieux que personne. La reine, sa belle-mère, et Madame, sœur du roi, aimaient
aussi les vers, la comédie, et la musique. Le goût que le roi François Ier avait eu pour la
poésie et pour les lettres régnait encore en France ; et le roi, son fils, aimant les exercices du
corps, tous les plaisirs étaient à la cour. Mais ce qui rendait cette cour belle et majestueuse,
était le nombre infini de princes et de grands seigneurs d’un mérite extraordinaire. Ceux que
je vais nommer étaient, en des manières différentes, l’ornement et l’admiration de leur
siècle. »

* Catherine de Médicis, devenue veuve en 1559, joue un rôle important


** en 1566, elle fixe la résidence habituelle de la cour au Louvre (alors que la cour des
décennies précédentes était itinérante entre le Val de Loire, Saint-Germain-en-Laye et
Fontainebleau) ; bcp déplorèrent ce choix et soulignèrent que Fontainebleau était plus apte
que le Louvre à accueillir toute la cour
** elle entretient une importante suite féminine, 25 demoiselles d’honneur (qui entrent
ds la maison de la reine-mère entre l’âge de 11 et l’âge de 15 ans), 80 dames de compagnie
(les dames sont mariées ; leur nb augmente fortement ds la décennie 1560, passant à 300 :
certaines de ces dames sont devenues célèbres par leur culture et leur intelligence, on peut
penser à Louise de Clermont-Tallard, comtesse du Bellay, comtesse puis duchesse d’Uzès,
protestante à la parole très libre, ou à Claude-Catherine de Clermont, baronne de Retz, puis
duchesse de Retz [par son mariage avec Albert de Gondi], autre femme très brillante, mère du
cardinal de Retz, ou à Charlotte de Chabannes-Curton, qui fut ensuite 1ère dame d’honneur de
Marguerite de Valois, reine de Navarre) 
*** une petite partie de cette suite est devenue mythique, à savoir « l’escadron
volant » (appellation apparue au XVIIe s) : les demoiselles d’honneur de l’escadron volant
(qui sont 14 en 1564, 15 en 1576, 25 en 1585) ont cette originalité de l’assister ds ses
négociations politiques, voire d’espionner pour le compte de la reine ; parmi elles, Isabelle de
Limeuil (de la famille de La Tour d’Auvergne, ie apparentée à Catherine de Médicis), Renée
de Rieux, dite la belle Châteauneuf (qui, en 1577, par jalousie, blessa mortellement son mari
au Louvre), Hélène de Surgères (dédicataire des « sonnets à Hélène » de Ronsard : « Ronsard
me célébrait du temps que j’étais belle »), Madeleine de Bourdeille (sœur de Brantôme),
Victoire d’Ayelle (en fait d’Alaya, elle était espagnole et fut l’une des nb maîtresses d’Henri
IV), Louise de La Béraudière (qui fut jetée dans les bras d’Antoine de Bourbon), Charlotte de
Sauve (née de Beaune-Semblançay, qui fut maîtresse d’Henri de Navarre mais aussi du duc
d’Alençon) 
*** Brantôme a écrit à propos de la cour de Catherine : « Pour fin, sa compaignie et sa
Court estoit un vray Paradis du monde et escolle de toutte honnestete, de vertu, l’ornement de
la France, ainsin que le sçavoyent bien dire les estrangiers quand ils y venoyent; car ils y
estoyent très-bien receuz, par commandement exprez à ses Dames et elles de se parer, lors de
leur venue, qu’elles parroissoyent Deesses, et les entretenir sans s’amuser ailleurs; autrement
elles estoyent bien tansées d’elle, et en avoient bien la reprimande. »

* le raffinement de la cour, désormais très nombreuse (1500 à 2000 personnes), est plus
grand encore sous Henri III et la reine Louise :
** le roi met en place de grandes cérémonies :
*** le règlement de 1574 fixe les règles du dîner du roi, le public étant tenu à distance,
le règlement général de la cour de 1578 formalise l’étiquette du lever, et le règlement de 1585
répartit les courtisans ds les différentes pièces de l’appartement en fonction de leur rang (il
semble vouloir s’inspirer de la cour d’Elisabeth 1ère d’Angleterre : « l’Angleterre est la
maistresse en ceste science ; chacun y sçait son rang ») 
*** Henri III codifie aussi les grandes cérémonies, la réception des ambassadeurs (les
contemporains furent impressionnés par le faste de la réception des ambassadeurs
d’Angleterre, en 1585, apportant au roi l’ordre de la jarretière), les cérémonies de l’ordre du
Saint Esprit
** le spectacle de cour s’enrichit
*** trois soirs par semaine, de 19h à 20h, le roi et les courtisans rejoignent les dames
dans l’appartement de la reine mère (Catherine de Médicis) pour écouter les musiciens de la
chambre
*** 2 à 3 fois par semaine (dimanche, mardi, jeudi) ont lieu les bals, qui sont de
magnifiques spectacles, où l’on danse la pavane (une danse glissée, très majestueuse), la
gaillarde, la volte, l’allemande, la gavotte
*** c’est aussi à cette époque qu’arrive d’Italie le ballet de cour : le premier ballet de
cour dansé en France est le Ballet comique de la reine, donné en 1581 à l’occasion du mariage
de Marguerite de Lorraine-Vaudémont, sœur de la reine, avec le duc de Joyeuse, mignon
d’Henri III ; le succès est immédiat et la mode du ballet de cour durera jusqu’aux années 1670

la féminisation recule sous Henri IV et Louis XIII


* la cour d’Henri IV est très peu raffinée, ce qui horrifie Marie de Médicis :
** Henri IV est insoucieux des bienséances : il fait des scènes en public à la reine et
laisse élever ensemble ses bâtards et ses légitimes ; il joue à quatre pattes avec ses enfants ; il
tolère les familiarités ; il est grivois avec les dames ; il sent le bouc
** il fait simplifier ou escamote les grandes cérémonies mises en place par Henri III

* la cour de Louis XIII est un peu moins rustique mais le roi n’aime pas la vie de
représentation, les guerres perpétuelles ne sont guère favorables au raffinement et les cercles
polis (salons et ruelles) sont extérieurs à la cour
** la vie de Cour est très souvent interrompue par les campagnes et endeuillée par les
duels (la concentration de gentilshommes, pour ne pas dire de soudards, et la mode espagnole
du point d’honneur rendent le phénomène extrêmement visible)
** la Cour est dc incapable de bon ton : les courtisans sont comme la plupart des
gentilshommes du début du XVIIe s peu cultivés et c’est pour cela que, lorsque la préciosité
se développe, à la fin du règne de Louis XIII, c’est en dehors de la Cour, ds des sociétés
particulières (Chambre bleue de l’hôtel de Rambouillet jusque vers 1645, salon de Mlle de
Scudéry et de Mme de Sablé ensuite)

la féminisation reprend sous la régence d’Anne d’Autriche :


* entre 1643 et 1648, au Palais-Royal, la reine préside avec bonheur à la vie mondaine, ds
une explosion de gaieté ; Anne d’Autriche est rompue à la redoutable étiquette hispano-
bourguignonne et Mazarin connaît les raffinements des cours italiennes ; c’est alors qu’entre à
la cour l’opéra italien et qu’apparaît à la cour un intérêt pour le baroque en peinture

* la Fronde interrompt tout cela 

* mais, après 1653, la vie de cour reprend avec éclat, au Louvre, cette fois, plus facile à
défendre de la populace 
** y participe le jeune roi, « vigoureux et ardent au plaisir »
*** ds les années 1650, Cupidon est partout (sans doute en réaction contre la dévotion
de la reine-mère) : le jeune Louis se promène sur les toits pour aller conter fleurette à des
« filles d’honneur » de la reine ; il est amoureux des belles nièces de Mazarin, Olympe et
Marie Mancini 
*** la Cour des années 1650 a qqe chose de charmant mais sans familiarité
** c’est l’époque de la participation du jeune roi à des ballets de cour : le succès du
genre ds les décennies 1650 et 1660 tient beaucoup au goût immodéré du jeune roi pour la
danse (goût hérité de son père et que le roi partage avec les jeunes seigneurs qui sortent du
collège : les collèges se sont dotés de maîtres de danse, au grand dam des dévots) et au fait
que ces ballets exaltent la place éminente du roi et son immense capacité de séduction
*** Louis XIV apparaît alors ds deux ou trois ballets par an :
ds le Ballet de la nuit de 1653, qui compote 45 entrées (scènes), il danse une
Heure, un Jeu, un Feu follet, un Curieux, un Furieux (contre l’ « espagnole fierté »), puis, à la
fin, le Soleil levant, présenté par l’Etoile du jour (son frère) de la façon suivante : « Depuis
que j’ouvre l’Orient / Jamais si pompeuse et si fière / Et jamais d’un air si riant / Je n’ai brillé
ds ma carrière / Ni précédé tant de lumière. / Quels yeux en la voyant n’en seraient éblouis ? /
Le Soleil qui me suit, c’est le jeune LOUIS. / La troupe des astres s’enfuit / Dès que ce grand
roi s’avance ; / Les nobles clartés de la Nuit, / Qui triomphaient en son absence, / N’osent
soutenir sa présence : / Tous ces volages feux s’en sont évanouis / Le Soleil qui me suit, c’est
le jeune LOUIS ») et vêtu d’un extraordinaire vêtement de toile d’or ; il va sans dire que ce
final exalte le parfait souverain : le roi y dit ceci « Déjà seul je conduis mes chevaux
lumineux, / Qui traînent la splendeur et l’éclat après eux ; / Une divine main m’en a remis les
rênes : / Une grande déesse a soutenu mes droits / Nous avons même gloire, elle est l’astre des
Reines ; / Je suis l’astre des Rois » (tous ces vers sont de Benserade)
en 1654, le roi tient six rôles différents (dt celui d’Apollon) ds les Noces de Thétis
et de Pélée (aux milieux d’artifices et de machines créant mille illusions) ; Benserade lui fait
dire ceci (en Apollon) : « J’ai vaincu ce Python qui désolait le monde / Ce terrible serpent que
l’Enfer et la Fronde / D’un venin dangereux avaient assaisonné : / La Révolte en un mot ne
saurait plus me nuire / Et j’ai mieux aimé la détruire / Que de courir après Daphné. /
Toutefois, il le faut, c’est une loi commune, / Qui veut que tôt ou tard je coure après
quelqu’une / Et tout dieu que je suis je m’y vois condamné : / Que mes premiers soupirs vont
attirer de presse ! / Est-il Muse, reine ou déesse / Qui ne voulût être Daphné ? »
en 1655, il est le Génie de la danse ds le Ballet des plaisirs ; en 1656, le Printemps
ds Psyché ; en 1658, l’Esprit follet et en ris ds le Ballet de la raillerie
il poursuivra dans la décennie 1660 et dansera encore Neptune et Apollon ds les
Amants magnifiques en 1670 ; la même année, le roi cesse de danser (il danse à la première
des Amants magnifiques mais il se fait remplacer à la seconde) et le ballet cesse d’être un
instrument de gouvernement
*** ds ces ballets de la jeunesse de Louis XIV, le roi danse avec des princes
(notamment, ds le Ballet de la nuit, avec Monsieur, qui danse l’Etoile du jour) 
il danse aussi parfois avec des princesses, souvent avec sa cousine (puis belle-
sœur) Henriette d’Angleterre, qui dansait très bien 
ensemble, ils formaient un duo magnifique : en 1661, ds le Ballet des saisons, le
roi danse Cérès, Henriette d’Angleterre danse Diane ; en 1663, ds le Ballet des arts, le roi
danse un berger, Henriette d’Angleterre danse une bergère, rejointe par 4 jeunes filles dont
Mlle de La Vallière et Mlle de Sévigné ; en 1665, ds La Naissance de Vénus, le roi danse le
guerrier Renand, Henriette danse Vénus sortant de l’onde dans une nacelle brillante,
accompagnée de 12 charmantes néréides, puis le roi danse Alexandre le Grand et Henriette
danse la belle Roxane ; en 1666, ds le Ballet des muses, le roi danse Jupiter, Henriette une
bergère avec Mme de Montespan et Mlle de La Vallière

avec le règne personnel de Louis XIV, la cour devient un lieu de civilisation des mœurs
(Norbert ELIAS) où les femmes, privées de toute action politique, sont censées jouer un rôle
esthétique et civilisateur
* si Louis XIV n’a pas créé la Cour, il lui a cependant donné tous ses soins pdt tte sa vie
(s’inspirant du modèle espagnol) et a ainsi fini par lui donner un lustre sans équivalent avant
comme après lui, faisant de la Cour de France « la plus magnifique cour qu’il y eût jamais »
** il voit ds l’étiquette de la Cour une des choses les plus importantes de l’Etat :
*** « ceux-là s’abusent lourdement qui s’imaginent que ce ne sont là que des affaires
de cérémonie ; les peuples sur qui nous régnons, ne pouvant pénétrer le fond des choses,
règlent d’ordinaire leurs jugements sur ce qu’ils voient au dehors et c’est le plus souvent sur
les préséances et les rangs qu’ils mesurent leur respect et leur obéissance ; comme il est
important au public de n’être gouverné que par un seul, il lui est important aussi que celui qui
fait cette fonction soit élevé de telle sorte au-dessus des autres qu’il n’y ait personne qu’il
puisse ni confondre ni comparer avec lui et l’on ne peut, sans faire tort à tout le corps de
l’Etat, ôter à son chef les moindres marques de la supériorité qui le distingue des membres »
(Mémoires pour l’instruction du Dauphin)
*** ailleurs, ds les Mémoires, il raconte cette anecdote significative : « mon frère se
proposa de me faire une demande qui fut que sa femme, étant en présence de la reine, pût
avoir une chaise à dos ; je lui fis entendre incontinent avec toute la douceur possible que je ne
pouvais lui donner satisfaction et que, pour tout ce qui pouvait servir à l’élever au-dessus de
mes autres sujets, je le ferais toujours avec plaisir, mais ce qui semblerait l’approcher de moi,
je ne croyais pas le devoir jamais permettre »
*** toujours ds les Mémoires, Louis XIV insiste sur le rôle des fêtes : « elles donnent
une impression très avantageuse de magnificence, de puissance, de richesse et de grandeur » ;
le rituel, ce qu’on appelait alors les « cérémonies », ce que les cuistres qualifiaient de
« theatrum ceremoniale », joue un rôle similaire
*** avec Louis XIV, la cour devient incroyablement réglée, comme une gigantesque
chorégraphie :
lever du roi, avec 6 entrées différentes (les plus recherchées sont les « grandes
entrées », « si rares, si estimées, si utiles », qui permettent de parler au roi avant qu’il y ait
foule ; « le roi ôte sa robe de chambre ; le maître de la garde-robe lui tire la camisole de nuit
par la manche droite, le premier valet de garde-robe par la manche gauche ; la chemise de jour
est apportée par le grand chambellan ou par un fils de France s’il s’en trouve, et mise par le
premier valet de chambre qui tient la manche droite et par le premier valet de garde-robe qui
tient la manche gauche ; le roi se lève de son fauteuil et le maître de la garde-robe aide à
relever son haut de chausse ; le grand-maître de la garde-robe agrafe l’épée au côté du roi, lui
passe la veste dans les bras, aide le roi à passer le justaucorps et met la cravate que le roi noue
lui-même ») 
messe dans la chapelle royale, devant la cour 
conseils de gouvernement (les courtisans font alors des visites de tous les types,
notamment de sollicitation ou de félicitation) 
dîner (notre déjeuner) du roi au grand couvert (le roi mange avec la reine [avant
1683], puis avec la dauphine [avant 1690], puis seul, devant la cour) 
après-midi consacré à la promenade et à la chasse (accompagnent le roi ceux qui
ont obtenu ce privilège une fois pour toutes) 
retour de chasse, le roi se rend chez Mme de Maintenon, pour la conversation 
viennent ensuite les soirées d’appartement (lundi, mercredi, jeudi : jeu, billard,
danse, collation, concert, ds les salons des planètes à Versailles) ou la comédie (les soirées
sans appartement, le mardi et le vendredi) ou le bal (le samedi) 
vient ensuite le souper (le roi mange avec les fils et petits-fils de France, mais pas
les princes du sang, qui regardent sans manger, femmes assises et hommes debout) 
après le souper, le roi reste dans l’intimité familiale (avec Mme de Maintenon,
rejointe par les fils et petits-fils de France, les filles et petites-filles de France) 
coucher du roi (lever à l’envers)
*** à cela s’ajoutent les grandes cérémonies, du premier de l’an, des fêtes religieuses
(la cène de la reine pour Pâques), des mariages des membres de la famille royale, des
réceptions d’ambassadeurs
** le roi intervient quotidiennement ds la vie de cour par la faveur et la disgrâce
*** la faveur est très subtilement graduée par des « riens » qui prennent une
importance considérable : le fait que le roi vous adresse la parole, comme ce fut le cas pour
Mme de Sévigné après la 1ère représentation d’Esther, le fait qu’il vous accorde lors de son
coucher le privilège (très envié) du bougeoir, qu’il vous invite à Trianon ou à Marly (où l’on
peut voir le roi en petit comité)
*** la disgrâce est également très finement calculée (188 cas entre 1684 et 1715) : elle
concerne surtout des hommes (le marquis de Vardes, qui avait écrit la lettre à la reine lui
annonçant que le roi la trompait avec Mlle de La Vallière ; le comte de Bussy-Rabutin, pour
avoir écrit l’Histoire amoureuse des Gaules ; le marquis de Lauzun, pour avoir osé aspirer à la
main de la Grande Mademoiselle) mais elle peut concerner des femmes (Mme de Montespan
après l’affaire des Poisons, Mme de Murat)

* la cour se féminise
** à bcp d’égards, la noblesse est émasculée après la Fronde et le coup de partie de 1661
(le roi se méfie de la noblesse et ne veut plus entendre parler de rébellions ou d’assemblées ;
le roi n’appelle plus la grande noblesse au Conseil)
** la grande noblesse ne peut plus accéder au roi que par le biais de la cour :
*** le roi ne partage pas avec elle le pouvoir mais sa vie quotidienne et ses menus
plaisirs 
*** la cour est hiérarchisée (enfants de France, princes du sang, ducs et pairs,
commensaux de 1er ordre, de 2e ordre, de 3e ordre) ; les courtisans (3000 personnes des deux
sexes) doivent respecter cette hiérarchie (les questions de préséance sont permanentes) mais
ils sont également pris dans une compétition quotidienne pour la faveur royale
** pour obtenir la faveur, il faut plaire et on ne peut plaire qu’en ayant le « bon ton », le
« bel air », « l’air du monde » (les vertus mondaines priment désormais les qualités militaires,
morales ou religieuses) ; or, ces vertus mondaines sont des vertus qui ont été valorisées et
peaufinées par les femmes de la bonne société parisienne dans les décennies précédentes 
*** à la cour, la conversation (dont on sait qu’elle est l’école des femmes) l’emporte
sur l’éloquence et l’érudition (typiquement masculines) 
*** la préciosité a préparé le terrain à l’usage courtisan de la langue (les courtisans
évitent soigneusement les mots et expressions désuets, populaires, juridiques, les syllabes
sales [con et cu], les expressions provinciales ; en revanche, ils aiment les mots nobles [fer
pour épée, flanc pour ventre, hymen pour mariage, éclat emprunté pour fard] et les mots
vagues [on parle des charmes ou des attraits d’une femme ; des notions abstraites reviennent
constamment : l’esprit, le goût, le sublime ; et l’indicible est très souvent dit par le biais
d’« un je ne sais quoi »]) 
*** l’esprit d’observation du détail qui est permanent à la cour est également emprunté
à un habitus féminin (la question des sièges : les duchesses simples n’ont pas droit au
tabouret, les femmes de ducs et pairs ont droit au tabouret, les princesse du sang ont droit au
siège à dos, les filles de France ont droit au fauteuil ; la question du « pour » : quand la cour
change de résidence, le nom des courtisans est écrit à la craie sur la porte de leur
appartement mais seuls les princes du sang ont droit à ce que leur nom soit précédé du mot
« pour » ; la question du deuil : la cour entière prend le deuil quand meurt un membre de la
famille royale mais seuls les enfants de France drapent leur appartement de noir et la longueur
des traînes de deuil des princesses est fonction de leur place dans la hiérarchie) 
*** autrement dit, il y a bel et bien une féminisation des hommes dans la fabrication
du courtisan (les Anglais railleront le « petit maître » à la française et l’associeront au contre-
nature) ; on peut également penser que l’importance des coteries et des cabales a à voir avec
les femmes (entourage féminin de Monsieur, réputé très médisant ; entourage de la
Maintenon ; cour de la duchesse du Maine à Sceaux)
** l’extrême galanterie de la cour apparaît dans les trois grandes fêtes de cour de 1664,
1668, 1674
*** elles ont de nb points communs
ce sont des sortes de féeries orientées vers le merveilleux visuel (jeux d’eau, feux
d’artifice, pyramides de nourriture), utilisant au mieux les ressources des jardins de Versailles,
créant une architecture de fête provisoire (la grotte de Thétis, le Trianon de Porcelaine),
jouant à fond sur la symbolique solaire, la mythologie des Métamorphoses d’Ovide, les séries
allégoriques de l’Iconologie de Ripa (les Eléments, les Saisons, les Mois, les Tempéraments)
y travaillent Colbert, la petite académie, des spécialistes comme les Vigarani (une
famille de décorateurs italiens), Henri de Gissey, Jean Berain (extraordinaire dessinateur de
costumes et metteur en scène de la fête de 1674), Molière (en tout cas, pour les 2 premières),
Lully
le souvenir de ces fêtes exceptionnelles a été largement diffusé par la gravure,
délibérément utilisée pour faire connaître à tte l’Europe la splendeur du roi-soleil
*** les Plaisirs de l’île enchantée (Versailles) durent du 7 au 13 mai 1664, devant 600
invités ; ces fêtes sont dédiées aux deux reines, Anne et Marie-Thérèse
c’est le duc de Saint-Aignan qui a choisi le thème principal (un épisode du Roland
furieux de l’Arioste : Roger et les chevaliers sont retenus par la magicienne Alcine, jusqu’à ce
que les délivre la bague magique d’Angélique, amante de Roger ; le roi joue Roger : c’est sa
dernière grande participation d’acteur)
les préparatifs ont duré plus de 4 mois (Lully a écrit la partition des 3 premières
journées, Benserade a écrit quantité de madrigaux, de quatrains, de sonnets, de récits et de
dialogues, Carlo Vigarani a dressé des architectures de verdure et des « fabriques » de carton
doré)
un des principaux objectifs est de dépasser en somptuosité les fêtes de Vaux de
1661 (celles de Fouquet) et un recueil de gravures d’Israël Silvestre est chargé de conserver le
souvenir de ces merveilles (La Fontaine avoue que « ces magnifiques choses rendront les
enchantements croyables à l’avenir »)
tout commence le 7 mai
l’après-midi, somptueux carrousel où défilent le roi et les chevaliers vêtus à la
grecque (cuirasse de lames d’argent, couverte pour le roi d’une riche broderie d’or et de
diamant, le harnais du cheval du roi éclatant lui aussi d’or, d’argent et de pierreries), suivis du
char d’Apollon lui-même encadré de statues et escorté des 12 heures du jour et des 12 signes
du zodiaque
la soirée est consacrée à une course de bague entre les chevaliers
la nuit venu, nouveau défilé avec Lully, ses musiciens, une montagne et des
arbres où l’on voit Molière déguisé en Pan et Madeleine Béjart déguisé en Diane, le tout
annonçant un somptueux festin (confitures, fruits et glaces) servi par des jardiniers, des
moissonneurs, des vendangeurs et des « vieillards gelés » ds une clarté « presque aussi grande
et plus agréable que celle du jour »
le 8, représentation de La Princesse d’Elide, « comédie galante de Molière mêlée
de musique et d’entrées de ballet » (« il ne s’était encore rien vue de plus beau en ballet »)
le 9, spectacle au bord du lac :
la magicienne Alcine (Mlle du Parc) et ses suivantes (Mlle de Brie et Mlle
Molière) s’arrêtent devant la Cour et, ds un dialogue en vers, mêlent des louanges à la Reine-
Mère à la fiction d’Alcine
elles regagnent l’île où apparaît un palais magnifique et où dansent les nains et
les géants, les chevaliers et les monstres
la bague libératrice est passée au doigt de Roger, la foudre s’abat sur le palais
d’Alcine, qui disparaît au milieu d’un énorme feu d’artifice
le 10, course de têtes (à cheval) gagnée par le roi ds les fossés du château
le 11, la comédie ballet Les Fâcheux (jouée à Vaux en 1661) est jouée par la
troupe de Molière
le 12, somptueuse loterie, suivie d’une joute entre le duc de Saint-Aignan et le
marquis de Soyecourt, puis ds la soirée d’une représentation des 3 premiers actes de Tartuffe
(la caballe des dévots commence aussitôt : l’archevêque de Paris, Mgr Hardouin de Péréfixe,
intervient auprès du roi ; dès le 17 mai, le roi interdit que la pièce soit rejouée)
le 13, Molière et sa troupe jouent le Mariage forcé ; on notera que les fêtes ont fait
ressortir l’exiguïté du château (c’est le constat de la marquise de Sévigné) et qu’elles ont dc
sans doute contribué aux aménagements ultérieurs
*** le Grand divertissement royal de Versailles (1668) célèbre la victoire française sur
l’Espagne ds la guerre de dévolution (rattachement de Lille à la France) et entend réparer ce
que la Cour a perdu ds le Carnaval la même année (à cause de la guerre) ; on retrouve les
mêmes organisateurs qu’en 1664 (plus Le Vau et Gissey)
la fête a lieu le 18 juillet 1668 :
collation (sur 5 longues tables dressées parmi des orangers chargés de fruits
confits, l’une d’elle imitant la façade d’un palais « bâti de massepain et de pâtes sucrées »)
comédie représentée ds un théâtre de verdure, à l’emplacement de l’actuel
bassin de Bacchus (Georges Dandin, avec une musique de Lully, puis le ballet des Fêtes de
l’Amour et de Bacchus : « jamais il n’y eut sur une même scène autant de musiciens, de
danseurs et d’acteurs »)
souper (de 5 services et 56 plats, autour d’un édifice octogone monté par Gissey
et symbolisant le Parnasse)
bal (ds un pavillon octogonal en rocaille réalisée par Le Vau)
illumination et feu d’artifice (la fête s’achève à 2 heures et demi du matin)
l’ensemble a coûté 117.000 livres, soit le tiers des sommes allouées à Versailles
cette année-là
on notera les différences avec 1664 :
la fête est moins longue, on a abandonné les courses de bague et de têtes, on n’a
cherché aucun argument ds la Fable, le roi n’est plus acteur
autre différence : la fête est ouverte au public (il s’agit d’un public filtré ; 3000
personnes sont rassemblées ds le parc, ce qui crée des embarras : une demi-heure durant, la
reine enceinte ne peut accéder à la comédie)
cela dit, l’atmosphère est féerique :
Félibien souligne que « l’une des choses que l’on doit bcp considérer ds les fêtes
et les divertissements dt le roi régale sa Cour est la promptitude qui accompagne leur
magnificence ; car ses ordres sont exécutés avec tant de diligence par le soin et l’application
particulière de ceux qui en ont la principale intendance qu’il n’y a personne qui ne croie que
tout s’y fait par miracle, tant on est surpris de voir, en un moment, et sans qu’on s’en
aperçoive, des théâtres élevés, des bocages ornés et enrichis de fontaines et de figures, des
collations dressées et mille autres choses, qui semblent ne pouvoir se faire qu’avec un long
temps et ds l’embarras d’un nb infini d’ouvriers »
pour Joël CORNETTE, « le roi se donne comme ordonnateur du temps,
magicien, maître apollinien d’un âge d’or dt la fête est l’illustration » : c’est que la fête
célèbre la nature, mais une nature à laquelle commande le souverain, comme Apollon
*** les Divertissements de Versailles (1674) célèbrent le retour du roi après les débuts
victorieux de la guerre de Hollande (rattachement de la Franche Comté) ; ces fêtes occupent 6
jours non consécutifs entre le 4 juillet et le 31 août et elles mettent en valeur les innovations
de Versailles et notamment la Cour de Marbre et le Grand Canal
le 4 juillet, l’Alceste de Lully est joué ds la Cour de Marbre
le 11 juillet, l’Eglogue de Versailles, pastorale de Lully et Quinault, est donnée
près du Trianon de Porcelaine, avant un souper ds les jardins de Versailles illuminés
le 19 juillet, collation à la Ménagerie, promenade sur le Canal ; le soir, Le Malade
imaginaire de Molière (mort l’année précédente) est joué devant la grotte de Thétis
le 28 juillet, collation suivie des Fêtes de l’Amour et de Bacchus, opéra de Lully,
d’un feu d’artifice sur le Grand Canal (colonne de lumière de Vigarani) et d’un extraordinaire
souper ds la Cour de Marbre
le 18 août, présentation au roi des drapeaux pris par Condé à la bataille de Senef,
puis collation ds un bosquet et représentation de l’Iphigénie de Racine ds l’Orangerie ; la
soirée s’achève par un feu d’artifice et une illumination sur le Canal
le 31 août, illumination du Canal et des jardins : c’est le plus beau spectacle ayant
jamais utilisé le Canal
Louis XIV a fait venir de Venise une flottille de gondoles dorées
tandis que la Cour embarque sur lesdites gondoles, les rives sont comme
métamorphosées : 650 statues de lumière y sont disposées, dont de nb représentations de
Naïades et de Tritons, plus une grande statue d’Apollon sur son char et une grande statue de
Neptune sur le sien, réalisant en quelque sorte l’union de l’eau et du feu
« jamais la mythologie n’avait si totalement exprimé la puissance royale, sa
vertu d’enchantement, sa liaison magique avec les éléments, sa puissance créatrice » (Jean-
Pierre NERAUDEAU)

* à la cour de Louis XIV, hommes et femmes ont la passion du sexe et la passion du jeu
** le libertinage sexuel est énorme :
*** l’exemple vient du roi, qui collectionne les maîtresses jusqu’en 1683 
*** contribuent au libertinage l’oisiveté et la promiscuité, ainsi que la mode de
l’infidélité conjugale (Saint-Simon écrit de Barbézieux : « lui vivait très bien avec sa femme ;
mais il ne voulait pas tomber dans le mépris du bel air, en n’ayant d’yeux que pour elle » ; la
cour compte du reste quelques Messaline, telle la femme du Grand Condé, qui couche avec
ses valets ; enfin, comme nous l’avons déjà vu, l’homosexualité masculine est très visible)
*** tout cela va de pair avec énormément de ragots et de médisance (on est
constamment sous le regard malveillant des autres courtisans)
** la passion du jeu peut aller jusqu’au scandale et à la ruine :
*** les jeux d’argent les plus pratiqués sont le lansquenet et l’hombre (jeux de carte)
mais la cour joue aussi bcp au tric-trac et au billard 
Saint-Simon prétend que c’est Mazarin qui acclimata le « gros jeu » en France :
« ce fut une des sources où il puisa largement et un des meilleurs moyens de ruiner les
seigneurs qu’il haïssait et qu’il méprisait » 
en fait, comme souvent à Versailles, la mode vient du roi lui-même (« pendant
une nuit il perdit plusieurs millions ; il quitta sur le matin et voulut que les joueurs
continuassent pour que Mme de Montespan pût le racquitter ; en s’éveillant, il demanda s’il
était encore roi ; il apparit avec joie qu’il était racquitté à 1400 ou 1500 mille près ; ce voyage
le corrigea pour le reste de sa vie ») ; jusqu’à sa mort, en 1683, la reine a bcp joué et bcp
perdu
*** la passion du jeu a plusieurs origines
la saveur du hasard ds le règne de la règle (le jeu est un moyen de ne pas
s’ennuyer)
le fait qu’on n’y est pas obligé de parler ds un univers où tte parole risque d’être
colportée ou déformée, mais qu’en même temps on puisse s’y défouler (cf ce qu’en dit la
Palatine : « l’un hurle, l’autre frappe si fort sur la table du poing que tte la salle en retentit, le
troisième blasphème »)
le caractère social du jeu (lieu de rencontre et d’échange de toute la cour) ;
certains lui doivent leur « fortune » (Chamillard fit sa percée en faisant la partie de billard du
roi)
*** le scandale est pluriel
le jeu est une école de tricherie et de vol (Saint-Simon : « la hardiesse de la vieille
duchesse d’Harcourt à voler au jeu était inconcevable, et cela ouvert ; on l’y surprenait : elle
chantait pouille et empochait »)
le jeu provoque la ruine de certaines familles : « Mme de Polignac joua tant et si
bien qu’elle se ruina sans ressources et que ne pouvant plus vivre ni se montrer à Paris, elle
s’en alla au Puy ds les terres de son mari » (les Polignac se referont sous Louis XVI)
des sommes considérables sont englouties quotidiennement au jeu, y compris ds
des périodes difficiles : en 1693, à Marly, « les courtisans jouèrent un jeu effroyable et qui ne
sentait pas la misère où la meilleure partie du royaume était réduite en ce temps-là »

après 1715, le système se maintient mais se sclérose


* les femmes restent l’élément central de la cour
** le fait que la reine Marie Leszczynska soit morte âgée (en 1768), après 43 ans de
mariage, et qu’elle ait été remplacée dès 1770 à Versailles par la dauphine puis reine Marie-
Antoinette, le fait que Louis XV ait eu bcp de filles et qu’une seule se soit mariée, les autres
restant à la cour, le fait que deux maîtresses du roi, Mme de Pompadour et Mme du Barry,
aient été installées dans de somptueux appartements à l’intérieur même du palais, tout cela a
joué en faveur de cette féminisation
** sous Louis XVI, les maisons féminines sont particulièrement nombreuses : maison de
la reine, maison de Madame Royale (fille du roi), maison de Madame Elisabeth (sœur du roi),
maison de la comtesse de Provence (belle-sœur du roi), maison de la comtesse d’Artois (autre
belle sœur du roi), maison de Madame Adélaïde, maison de Madame Victoire, maison de
Madame Sophie (tantes du roi) ; et les artistes femmes sont très présentes à la cour (Elisabeth
Vigée Le Brun, Adélaïde Labille-Guiard, Anne Vallayer-Coster, Gabrielle Capet, Marie
Guillemine Leroulx-Delaville, Marguerite Gérard, Constance Charpentier : une telle
féminisation du métier de peintre était sans précédent), sans oublier Rose Bertin, modiste de
la reine
** l’esthétique rococo et l’esthétique Louis XVI jouent avec des codes féminins (les
tissus à semis de fleurs, les fêtes galantes à la Watteau, les couleurs pastel au temps de Louis
XV ; sous Louis XVI, les temples de l’Amour, les soieries à rayures et les toiles de Jouy,
l’affectation de naturel du Petit Trianon et du Hameau de la reine)

* le faste de la cour reste très grand


** c’est particulièrement vrai ds les grandes occasions (les visites de princes étrangers,
les mariages princiers ; en 1770, le mariage du dauphin avec Marie-Antoinette a été
l’occasion de très grandes réjouissances et d’embellissements à Versailles, notamment la
construction de l’Opéra et du Petit-Trianon par Gabriel) 
** encore en 1788, les dépenses de la Cour représentent 7% des revenus de l’Etat (16
milliards d’euros d’aujourd’hui, ie 160 fois ce que nous dépensons pour l’Elysée)

* le cérémonial reste relativement rigide


** Mme Campan a rendu célèbre un épisode du lever de Marie-Antoinette où la reine
grelotte en attendant que sa chemise suive le canal hiérarchique des mains de ses dames
d’honneur (l’épisode a été repris par Sofia Coppola ds son film Marie-Antoinette)
** le ton de la cour reste « de la plus grande politesse » et un modèle que la bonne
compagnie parisienne, les élites provinciales et les nobles étrangers admirent, sans parvenir
toutefois à l’imiter parfaitement
** les querelles de préséances demeurent vives et sont même avivées par le fait que
Louis XV choisit tous les jours ses commensaux (soupers particuliers)
* cela dit, il y a dégradation de l’image de la cour :
** le rayonnement de la cour est altéré :
*** en septembre 1715, le Régent installe la Cour à Paris et, dès la Régence, c’est
Paris qui donne le ton
*** dès 1722, la cour revient à Versailles mais la vie culturelle glisse lentement de
Versailles à Paris
c’est très net dans la plupart des secteurs au XVIIIe s, notamment en matière de
théâtre ou de littérature ; désormais, c’est à Paris qu’un écrivain cherche la consécration
Louis-Sébastien Mercier le dit ds son Tableau de Paris de 1783 : « le mot de cour
n’en impose plus parmi nous comme au temps de Louis XIV ; on ne reçoit plus de la cour des
opinions régnantes ; elle ne décide plus des réputations en quelque genre que ce soit » 
** Louis XV sépare sa vie privée de sa vie publique
*** il a un goût immodéré des femmes qu’il assouvit par tous les moyens :
après qqes années de mariage, il accumule les maîtresses :
à partir de 1733, 4 des 5 filles du marquis de Nesle (Mme de Mailly, Mme de
Vintimille, Mme de Lauraguais, Mme de Châteauroux ; on les chantonna : « L’une est
presque en oubli, l’autre presque en poussière, La troisième est en pied, la quatrième attend,
Pour faire place à la dernière. Choisir une famille entière, Est-ce être infidèle ou constant ? »)
ab 1745, Jeanne-Antoinette Poisson, épouse Le Normant d’Etiolles, que le roi
fait marquise de Pompadour (la période Pompadour s’étend de 1745 à la mort de la marquise,
en 1764, même si la marquise n’est maîtresse exclusive qu’entre 1745 et 1750)
ab 1750, de toutes jeunes filles tout à fait obscures (les « petites maîtresses »)
que lui fournissent la marquise, le vieux duc de Richelieu, les valets de chambre Bachelier et
Le Bel (les filles du « Parc-aux-Cerfs », une maison de Versailles, près du château)
enfin, de 1768 à 1774, Jeanne Bécu, comtesse du Barry
ces débordements extra-conjugaux ont eu des conséquences politiques
1/ils ont déterminé ce que Michel ANTOINE appelle « les deux
existences » (mort du système louis-quatorzien qui reposait sur le fait que le roi n’avait pas de
vie autre que publique : les maîtresses elles-mêmes étaient publiques)
2/ces débordements ont également suscité une opposition familiale : Mesdames,
associées à leur mère et au Dauphin, ont constitué, contre les maîtresses et Choiseul, ce qu’il
est convenu d’appeler le parti dévot
3/une partie de la haute noblesse a été choquée par l’origine relativement
modeste des favorites (à partir de la Pompadour) ; le point a favorisé la collusion (constatable
après 1756) d’une partie de la haute noblesse et des parlements
4/les amours de Louis XV ont permis le développement hors de la Cour d’une
légende noire du roi (sorte de sultan oriental, esclave de ses plaisirs, ne respectant aucune loi,
ni naturelle ni religieuse)
*** il fait aménager de petits appartements dans Versailles où il peut échapper à
l’étiquette officielle :
il y a dc un dédoublement de Versailles et la personne privée du souverain prend
bcp plus de place que par le passé (par exemple, après le cérémonial du coucher dans sa
chambre de parade, il passe dans sa vraie chambre, dans les appartements privés, ou dans la
salle dite du trébuchet, à l’entresol, où on lui mène ses maîtresses, de plus en plus souvent des
prostituées)
il préfère à la vie de représentation les « petits soupers » rassemblant qqes intimes
ds les petits appartements (au retour de la chasse, ceux qui ont chassé avec lui se massent
devant les petits appartements ; le roi passe la tête et regarde qui est là ; puis, il referme la
porte et dicte la liste des happy few qu’un huissier va chercher ; le souper dure de 7 h ½ à
minuit ; on se place sans protocole, dans l’ordre d’arrivée ; après le repas proprement dit, on
passe dans un salon proche où le roi lui-même verse le café ; contrairement à la légende,
l’atmosphère n’est pas du tout Régence : les sujets licencieux et irréligieux sont bannis, les
jours maigres sont scrupuleusement observés) 
il ne s’astreint pas aux mêmes horaires rigoureux que son arrière-grand-père 
il quitte souvent Versailles pour Choisy, Crécy, Bellevue, La Muette, Saint-
Hubert
Marie-Antoinette fait de même, se retire souvent au Petit Trianon et au Hameau
(endroits qui lui appartiennent en propre et où le roi lui-même n’est qu’invité)
*** ce faisant, Louis XV et Marie-Antoinette créent la noblesse de cour frustrée, celle
qui a le sentiment de n’avoir pas accès au roi comme son ancienneté et ses illustrations lui en
donneraient le droit (à la tête de cette noblesse frustrée, on trouve sous Louis XVI le duc de
Chartres devenu duc d’Orléans en 1785 et qui du Palais Royal multiplie les libelles contre
Marie-Antoinette)

* le cérémonial se maintient mais il est à peu près vidé de son sens, formaliste, ennuyeux :
une physique sans métaphysique
** la société de cour, qui s’était déjà divisée en coteries sous Louis XIV, se redivise
après le ministère du cardinal de Fleury (mort en 1743) et joue désormais un rôle politique
non négligeable
*** le parti dévot contre la duchesse de Châteauroux, maîtresse de Louis XV, en 1744
*** le dauphin contre Mme de Pompadour, entre 1745 et 1764
*** les ducs accèdent enfin à des postes ministériels après 1758 (Choiseul)
*** cabales du camp Mesdames-Dauphine-parlementaires contre le camp de la Du
Barry-Maupeou-Terray après l’éviction de Choiseul en 1770
*** rôle de la Cour ds la chute de Turgot en 1776, de la reine ds celle de Necker en
1781 (Necker avait publié le Compte rendu, ie la liste précise des pensions), du clan Polignac
ds les dernières années de l’AR
** d’où le discours qui présente la Cour comme le principal obstacle aux nécessaires
réformes et la contribution de la Cour à la désacralisation de la monarchie

2212. Les princesses humanistes et politiques du XVIe s


les princesses du XVIe s ont un rôle supérieur à celui des princesses des XVIIe et XVIIIe s

plusieurs d’entre elles s’inscrivent clairement ds le courant humaniste


* Marguerite d’Angoulême puis de Navarre (1492-1549), sœur de François 1er, très
cultivée, protectrice de Clément Marot, pèse en faveur de la création du Collège royal (futur
Collège de France) et, une fois mariée, est la dédicataire du Tiers Livre de Rabelais et l’auteur
de l’Heptaméron, recueil de 72 nouvelles étalées sur 7 journées (d’où le titre)

* Renée de France (1510-1574), fille de Louis XII et Anne de Bretagne, duchesse de


Ferrare, elle aussi très cultivée, lisant couramment le latin et le grec, s’intéressant aux sciences
comme à la théologie, tient une cour très brillante à Ferrare avant d’être convertie au
calvinisme par Calvin lui-même et d’avoir de sérieux ennuis avec l’Inquisition, qui la
poussent à rentrer en France à la mort de son mari et à s’installer à Montargis, où elle établit
une église réformée

* Marguerite de France (1523-1574), duchesse de Savoie, fille de François 1er et de la


reine Claude, filleule de sa tante Marguerite de Navarre, est une grande mécène qui, à
Chambéry puis à Turin, protège Ronsard et Du Bellay et plus généralement les poètes de la
Pléiade ; elle éprouve, elle aussi, de la sympathie pour la Réforme et appelle à la tolérance ;
en Savoie, on l’appelle la « Minerve de France »

* Marguerite de Valois (1553-1615), la reine Margot, fille d’Henri II et de Catherine de


Médicis, reine de Navarre par son mariage de 1572 avec Henri de Bourbon, est elle aussi très
belle et très lettrée, amie de Brantôme, et a tenu elle aussi à Nérac une cour brillante,
fréquentée par Du Bartas, Agrippa d’Aubigné et Montaigne ; à sa mort, elle laisse, ds son
magnifique hôtel parisien du Pré aux Clercs, une épaisse correspondance, d’intéressants
mémoires et une très riche bibliothèque

plusieurs ont essayé de jouer un rôle politique


* Louise de Savoie, mère de François 1er, est très estimée de son fils : elle occupe la 2e
place au Conseil privé, elle est nommée trois fois régente, elle négocie en 1529 avec
Marguerite d’Autriche, tante de Charles Quint, la paix des dames

* Marguerite d’Angoulême, fille de la précédente et sœur de François 1er, a également la


tête politique et l’estime de son frère : elle aussi siège au conseil, reçoit les ambassadeurs et
François 1er la désigne comme éventuelle régente en cas de décès de leur mère ; lors de la
captivité madrilène du roi, elle se rend en Espagne et négocie sa libération ; elle épouse le roi
de Navarre en 1527 et devient dc reine consort de Navarre jusqu’à sa mort en 1549

* sa fille, Jeanne d’Albret (1528-1572), est reine régnante de Navarre de 1555 à 1572 (la
loi salique ne s’applique pas en Navarre) : digne héritière de sa mère, elle passe à la Réforme
calviniste en 1560 (elle fait traduire la Bible en béarnais et en basque, elle crée l’académie
d’Orthez, elle est chef du parti protestant entre 1568 et 1572) et est à l’origine du
protestantisme de son fils, Henri III de Navarre et IV de France (1553-1610)
* la reine Margot a des relations très compliquées avec son mari Henri de Navarre (chacun
a des aventures de son côté ; elle est par ailleurs stérile, ce qui va permettre l’annulation de
leur mariage, en 1599) mais, fille de Catherine de Médicis, elle se pense prédestinée à jouer
les intermédiaires entre les deux camps des guerres de religion (elle a essayé en 1577 de jouer
les négociatrices aux Pays-Bas en faveur de son plus jeune frère Alençon-Anjou) ; elle aurait
été à l’origine de la 7e guerre de religion (1579-1580), dite « guerre des amoureux »

* Diane de France (1538-1619), fille légitimée d’Henri II et de Filippa Duci (mais


Brantôme pense qu’elle était la fille de Diane de Poitiers, qui fut chargée de l’élever), mariée
à Horace Farnèse puis au fils du connétable de Montmorency, était très estimée de ses demi-
frères, et notamment d’Henri III dont elle fut la conseillère et qu’elle poussa à se réconcilier
avec Henri de Navarre (l’ayant convaincu, elle entama les négociations en son nom avec ledit
roi de Navarre, qui en vint lui aussi à l’estimer et lui confia l’éducation de ses enfants ds la
décennie 1600)

* cela dit, il ne faut pas s’exagérer ce rôle politique des princesses, même au XVIe s : le
principal rôle politique des princesses est d’épouser celui qu’on a choisi pour elles, ds une
sorte de « potlatch » d’échelle européenne (don et contredon)

2213. Une princesse originale du XVIIe s, la Princesse Palatine


Elisabeth Charlotte du Palatinat (1652-1722, en allemande Liselotte von der Pfalz) a été la
2 femme de Monsieur, frère de Louis XIV (le mariage a eu lieu en 1671), et la mère du
e

Régent (né en 1674) 


* cette princesse allemande, fille de l’électeur palatin du Rhin, petite-nièce de Charles 1er
d’Angleterre, a été élevée à Heidelberg ds le calvinisme familial mais aussi auprès de sa tante
Sophie, duchesse de Hanovre, qui l’a cultivée (elle lui a fait lire Montaigne et lui a donné le
goût de la bonne littérature) ; elle a une réelle intelligence (Mme de Sévigné parlera de son
« esprit non pas agréable mais de bon sens »)

* c’est sa tante par alliance Anne de Gonzague de Clèves qui négocie le remariage de
Monsieur avec Elisabeth Charlotte  (Monsieur est veuf depuis la mort d’Henriette
d’Angleterre, en 1670, et la Grande Mademoiselle, sollicitée par le roi, refuse de l’épouser
[elle file le parfait amour avec Lauzun]) ; ds cette offre de mariage, Elisabeth-Charlotte
souffre de trois handicaps : elle a une faible dot, elle est protestante, elle vient d’une cour peu
raffinée (à Heidelberg, les princesses vont ramasser les cerises, ce qui n’est pas possible à
Versailles)

* le mariage est décidé cependant : le but est d’assurer à la France une neutralité du


palatinat du Rhin dans le conflit récurrent entre le roi et les Habsbourg ; Elisabeth Charlotte se
convertit au catholicisme en arrivant à Metz et se marie par procuration dans la cathédrale de
la même ville, le 16 novembre 1671 
par ce mariage, elle devient Madame, duchesse d’Orléans, la plus importante princesse de
France après la reine 
* elle n’est pas très jolie (à la différence d’Henriette d’Angleterre, qui était une des plus
belles femmes de la cour) : elle a un gros nez de travers, des yeux trop petits, un teint
rougeaud de paysanne –et elle s’enlaidira encore par la suite (petite vérole de 1693,
embonpoint, dents gâtées) ; ses portraits par Mignard (1675, 1678) sont excessivement flattés

* elle découvre immédiatement (avec stupeur) l’homosexualité de son mari et va devoir


rapidement affronter ses favoris, qui se croient tout permis (une rumeur accuse le chevalier de
Lorraine et le marquis d’Effiat d’avoir assassiné Henriette d’Angleterre, morte très
brutalement) ; à la longue, elle établit avec Monsieur un modus vivendi fondé sur une estime
mutuelle et le sens du devoir (il lui fait 3 enfants, dont le futur Régent et la future duchesse de
Lorraine, belle-mère de Marie-Thérèse d’Autriche et grand-mère de Marie-Antoinette ; après
la naissance du 3e, en 1676, ils ne couchent plus ensemble ; en 1695, Madame écrit ds une de
ses lettres : « est-ce qu’on est redevenu vierge, au bout de dix-neuf ans ? ») 

* ils sont à Versailles le plus souvent, suivent la cour ds ses déplacements (Madame adore
chasser à Fontainebleau) mais passent plusieurs semaines par an ds leur magnifique palais de
Saint-Cloud (au milieu d’une véritable cour) et au Palais-Royal, qui est la résidence
parisienne des Orléans ; Monsieur dépense énormément et il est assez pingre avec sa femme
(ds une de ses lettres, elle se plaint de n’avoir que 100 pistoles par mois d’argent de poche,
soit 1100 livres, soit 13.200 livres par an)

* par chance pour elle, le roi l’apprécie : il sait qu’elle ne donnera pas ds des affaires de
galanterie, il découvre qu’elle aime les chiens et les chevaux et qu’elle peut l’accompagner à
la chasse, où elle le fait rire par ses déclarations tout à trac (ils galopent tous les deux côte à
côte) ; et Madame l’aime beaucoup, en tout cas ds les premiers temps (elle lui est
reconnaissante d’avoir séché ses larmes à son arrivée de Heidelberg et il est pour elle un
souverain d’une grandeur incontestable : elle l’appelle « le grand homme », sans aucune
ironie) ; le hic, c’est que le roi ne la prend absolument pas au sérieux et qu’elle ne peut le
détourner de procéder au ravage du Palatinat en 1674 (lorsque, sous la pression paternelle,
elle demande à Louis XIV d’ordonner à ses hommes de se comporter plus humainement, le
roi la rabroue) ; elle ne parvient pas non plus à l’empêcher de récidiver en 1689 (c’est
l’épisode tristement célèbre du sac du Palatinat, avec incendie d’Heidelberg et destruction de
Mannheim)

* à partir de là, elle vit en recluse à la cour : elle fait ce qu’elle doit, assiste aux
cérémonies, va à Fontainebleau, mais, dès qu’elle le peut, elle reste dans ses appartements
avec ses dames

Elisabeth-Charlotte est une infatigable épistolière (elle a écrit 60.000 lettres, dont nous
n’avons conservé qu’une sur dix) 
* elle y dénonce la débauche et la malveillance de la cour de France (elle est injustement
accusée d’adultère, ds un épisode qui l’indigne ; elle ne fait triompher la vérité qu’en
menaçant d’aller s’enfermer ds un couvent) ; au moment des dragonnades (1682-1685) et de
la révocation de l’édit de Nantes (octobre 1685), elle manifeste sa fidélité intérieure, contre
vents et marées, au protestantisme de son enfance

* après 1683, elle y affiche sa détestation de Mme de Maintenon (qu’elle appelle la


« vieille guenipe », la « vieille ripopée », la « vieille ratatinée », autrement dit la vieille
salope) ; la Palatine est convaincue que c’est Mme de Maintenon qui a changé le roi, qui l’a
rendu dur et méchant, et elle se plonge ds les voluptés de l’injure, sans imaginer un seul
instant que ses lettres passent par le « cabinet noir » où elles sont ouvertes et lues avant d’être
résumées au roi et à Mme de Maintenon

* elle y affiche également son mépris des enfants illégitimes du roi : Louis XIV lui
imposera cependant le mariage de son fils Philippe avec Mlle de Blois, une de ses bâtardes ; si
l’on en croit Saint-Simon, apprenant que son fils avait accepté ce qu’elle tenait pour une
abominable mésalliance, elle l’aurait giflé devant toute la cour ; elle dira par la suite : « ma
belle-fille ressemble à un cul comme deux gouttes d’eau »

* on comprend pourquoi Louis XIV lui dit un jour : « si vous n’étiez pas ma belle-sœur, je
vous chasserais de la cour » 
** en 1701, à la mort de Monsieur, il lui est rappelé que, en vertu de son contrat de
mariage, la fortune de son mari doit aller à leur fils ; il se murmure alors que Madame pourrait
être envoyée à l’abbaye de Maubuisson, où sa tante est abbesse ; Madame supplie le roi de
n’en rien faire ; le roi accepte mais lui impose une réconciliation avec Mme de Maintenon ;
Madame proteste devant l’épouse du roi de ses bons sentiments à son égard ; Mme de
Maintenon sort alors de sa poche une lettre injurieuse envoyée par Madame à sa tante Sophie ;
Madame comprend un peu tard comment fonctionne Versailles 
** elle n’écrit plus d’injures sur Mme de Maintenon (elle l’appelle désormais « la vieille
dame ») mais elle continue de la détester ; la cour s’aligne bien évidemment sur Mme de
Maintenon et Madame écrit « en général, on me traite bien, mais, en particulier, on ne veut de
moi nulle part » (ds les cérémonies, elle reçoit tous les honneurs qui lui sont dus mais elle
n’est jamais invitée nulle part ni par le roi ni par les princes)

* bref sa solitude s’accroît : la mort de Louis XIV, le départ de Mme de Maintenon,


l’accès de son fils à la régence n’y changent rien ; elle ne vit qu’avec ses dames, ses chiens,
ses chats et ses perroquets, en attendant une éventuelle visite du Régent (la mère et le fils
s’aiment beaucoup) ; elle meurt à Saint-Cloud en 1722, à l’âge de 70 ans
222. Les maîtresses royales
2221. Généralités
les maîtresses du roi ont un pouvoir difficile à apprécier
* ce sont des figures centrales dans le récit des règnes, dès le XVIIe s, et en même temps,
ce sont des figures féminines et dc marginales ; il y a une énorme « ambivalence entre leur
pouvoir apparent mais fictif et leur pouvoir réel mais officieux » (Flavie LEROUX)

* dans le contexte catholique de la monarchie française, ce sont toujours des figures


transgressives (l’adultère est un crime aux yeux de l’Eglise, d’où les refus d’absolution que
subit Louis XV pendant de longues années) ; mais la plupart des rois ont des maîtresses
(Flavie LEROUX parle de « transgression raisonnée ») ; Louis XVI fut le seul Bourbon sans
maîtresse et on ne peut pas dire que sa vertu ait amélioré son image ni qu’elle lui ait
véritablement porté chance

* les maîtresses sont investies d’un pouvoir de fascination considérable, qui explique les
noms dont elles sont affublées (la favorite, la sultane) mais elles risquent toujours de finir par
se faire traiter de putain (cf l’élégant sobriquet donné à la Pompadour par le Dauphin)

sociologie
* avant Louis XV, toutes les maîtresses des rois appartiennent à la noblesse, et plus
précisément à la noblesse de cour ; « la faveur est le résultat d'un processus social avant d'être
la conséquence d'une inclination personnelle » (Flavie LEROUX ; autrement dit, c’est ds une
strate très limitée de la gent féminine que le roi choisit sa favorite)

* les premières maîtresses de Louis XV ressortissent aussi à la noblesse de cour (ce sont
les 4 filles du marquis de Nesle : la comtesse de Mailly, la comtesse de Vintimille, la
duchesse de Lauragais, la duchesse de Châteauroux) ; mais la suite de la carrière amoureuse
de Louis XV s’accompagne d’une démocratisation accentuée de la sélection des maîtresses,
d’abord avec la Pompadour, bourgeoise associée à la noblesse financière, puis avec les filles
du Parc aux Cerfs et la du Barry, issues carrément du peuple ; la chose a scandalisé la
noblesse de cour mais elle a aussi inquiété le peuple, nourrissant la légende noire de Louis XV
(thématique du roi ogre, qui se repaît de la chair du peuple)

ascension sociale
* le roi se montre toujours généreux avec ses favorites et la fortune qu’elles accumulent
est toujours le moyen d’une promotion sociale (Flavie LEROUX observe que les maîtresses
savent généralement gérer leurs gains, sans doute parce qu’elles sont conscientes de la
précarité de leur statut) ; la générosité du roi à l’égard de ses maîtresses est, de sa part, un
moyen de manifester sa toute puissance (il n’a que faire des critiques et il entend donner « à
qui il lui plairait, quand il lui plairait », pour reprendre une formule de Louis XIV)
* les maîtresses du roi cherchent à combler le fossé entre la fortune qu’elles accumulent et
le rang modeste qui est le leur à la cour : elles achètent des terres, attribut essentiel à la qualité
noble, et elles font d’importantes dépenses de paraître, pour éblouir la cour ; mais, à la
différence des mignons d’Henri III, elles n’accèdent pas aux grands offices de la couronne ou
aux offices de la maison du roi (les deux exceptions sont Olympe Mancini et Mme de
Montespan, qui se succèdent à la surintendance de la maison de la reine Marie-Thérèse) ; elles
sont exclues des cérémonies monarchiques et des rituels quotidiens du monarque, réservés
aux très proches et à la famille royale ; ce n’est que ds les situations où l’ordre des dignités
légitimes est suspendu (chasses, fêtes, voyages de la cour) que les maîtresses peuvent
véritablement se distinguer

* les maîtresses deviennent souvent mères :


** Henri IV a eu 9 enfants de ses maîtresses, Louis XIV en a eu 13, Louis XV un
nombre inconnu (un fils de Mme de Vintimille et au moins 8 enfants des « petites
maîtresses » d’après 1750, peut-être bcp plus ; la légende noire lui donnait 60 enfants
naturels) 
** Henri IV et Louis XIV ont légitimé leurs bâtards, pour leur donner un statut digne du
sang royal ; ces bâtards sont assimilés aux plus grands princes et se voient offrir une
éducation et un mode de vie dignes de leur père ; ils et elles accèdent à des charges très
élevées, font des mariages mirifiques, ce qui ne va pas sans quelque scandale (cf la Palatine)
*** les 3 bâtards légitimés d’Henri IV (nés de Gabrielle d’Estrées) : César de
Vendôme duc de Vendôme duc d’Etampes duc de Beaufort duc de Mercoeur gouverneur de
Bretagne grand amiral de France ; Catherine-Henriette de Bourbon duchesse d’Elbeuf
(maison de Guise) ; Alexandre de Vendôme prieur de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem
*** les 7 bâtards légitimés de Louis XIV : des 5 enfants que lui a donnés Mlle de La
Vallière, 2 légitimés (Mademoiselle de Blois future princesse de Conti, le comte de
Vermandois) ; des 7 enfants que lui a donnés Mme de Montespan, 5 légitimés (le duc du
Maine, le comte de Vexin abbé de Saint-Denis et de Saint-Germain-des-Prés, le comte de
Toulouse, Mlle de Nantes future princesse de Condé, la seconde Mlle de Blois future
duchesse d’Orléans épouse du Régent)

2222. Les principales maîtresses royales, de Diane de Poitiers à Jeanne du Barry


Diane de Poitiers (1500-1566) :
* elle appartient à une famille en vue
** ses deux grands-pères étaient des proches de Louis XI ; sa grand-mère paternelle est
la sœur du grand-père maternel La Tour d’Auvergne de Catherine de Médicis : les deux
rivales sont dc cousines issues de germaines
** elle a fait à 15 ans un beau mariage avec un Brézé de 40 ans son aîné, sénéchal de
Normandie et grand veneur de France, et lui a donné deux filles, qui feront de magnifiques
mariages (l’une sera duchesse de Bouillon, l’autre duchesse d’Aumale, belle-sœur de la reine
d’Ecosse Marie de Guise, ancêtre de Marie-Adélaïde de Savoie duchesse de Bourgogne et dc
de Louis XV, Louis XVI, Louis XVIII et Charles X) 
* veuve en 1531, elle devient la maîtresse du prince Henri vers 1538 et elle le restera
jusqu’à la mort d’Henri II, en 1559 :
** dès son avènement (en 1547), le roi la couvre de cadeaux de prix (bijoux, terres,
fonctions) : elle est notamment faite dame d’honneur de la reine et l’année suivante duchesse
de Valentinois ; en 1549, lors du sacre de Catherine de Médicis, elle et sa fille, la duchesse de
Bouillon, escortent la reine 
** Diane de Poitiers exerce sur le roi un ascendant exceptionnel
*** il se considère comme son chevalier-servant et cela tout au long de sa vie,
autrement dit elle est « sa dame », comme ds les romans de chevalerie ; il fait du croissant de
lune, emblème de Diane, son emblème personnel ; son monogramme qui entrelace un H et
deux C semble entrelacer un H et un D 
*** qd il s’éloigne de la cour, il lui écrit tous les jours alors qu’il écrit très peu à sa
femme ; et qd il est physiquement présent, il vient la voir après chaque repas pour s’entretenir
avec elle de toutes les questions politiques ; il est tout à fait certain que l’antiprotestantisme de
Diane de Poitiers se retrouve dans la politique antiprotestante d’Henri II, qui fut
particulièrement virulente

* notez que Diane de Poitiers fut une maîtresse royale relativement âgée (elle avait 19 ans
de plus qu’Henri II et elle est l’objet de son amour entre l’âge de 38 ans et l’âge de 59 ans) ;
du coup, elle qui était extrêmement belle était obsédée par la question de la conservation de sa
beauté (l’analyse de ses ossements a récemment permis de conclure qu’elle buvait très
régulièrement de l’or potable)

Gabrielle d’Estrées (1573-1599), maîtresse d’Henri IV ds les années 1591-1599 et qu’Henri


IV voulait épouser quand elle est morte (elle avait bcp d’ennemis et il est fort possible qu’elle
ait été empoisonnée)
* Henri IV était un obsédé sexuel, qui a possédé un nombre considérable de femmes de
toutes les conditions sociales (les malheureuses devaient supporter l’haleine de bouc d’un
homme qui puait « de l’aile et du gousset »)

* son grand amour est Gabrielle d’Estrées :


** il s’éprend d’elle quand elle n’a que 18 ans (en 1591), la marie au sire d’Amerval
puis l’oblige à s’en séparer en prétendant que le mariage n’a pas été consommé en raison
d’une prétendue impuissance du mari
** il la fait duchesse de Beaufort et lui fait 3 enfants qu’il couvre d’honneurs (César de
Vendôme est gouverneur de Bretagne dès l’âge de 4 ans, Alexandre de Vendôme est
gouverneur de Caen de sa naissance à sa mort, Catherine-Henriette sera duchesse d’Elbeuf) 
** Gabrielle était enceinte d’un 4e enfant au moment de sa mort et Henri IV lui a fait des
funérailles royales (on sait qu’il envisageait de l’épouser, au grand dam du pape ; d’où le
surnom de « presque reine » donné à Gabrielle d’Estrées)
* Gabrielle d’Estrées était bcp moins brillante que Diane de Poitiers mais elle a pesé en
faveur de l’édit de Nantes :
** elle a joué un rôle important ds la soumission du duc de Mercoeur, gouverneur de
Bretagne et un des leaders du parti catholique (elle a rencontré la duchesse de Mercoeur, qui
était encore plus enflammée que son mari) ; Mercoeur a obtenu le pardon du roi en échange
de sa renonciation au gvt de Bretagne et du mariage de sa fille avec César de Vendôme
** ensuite les deux rédacteurs de l’édit, le catholique Forget de Fresnes et le protestant
Chamier, ont travaillé de conserve au château de Veretz, tout près du château où était née
Gabrielle d’Estrées

Mme de Montespan (1640-1707), née Françoise-Athénaïs de Rochechouart-Mortemart


* Françoise (elle prendra le prénom d’Athénaïs sous l’influence de la préciosité) de
Rochechouart de Mortemart est la fille d’un gentilhomme de la Chambre du roi et d’une dame
d’honneur d’Anne d’Autriche 
** elle appartient à une famille extrêmement prestigieuse, en raison de son ancienneté 
** dès 1661, elle est placée au service de Madame (Henriette d’Angleterre) ; en 1663,
elle est mariée au marquis de Montespan, dont elle a deux enfants (Louis sera fait duc
d’Antin) ; réputée pour son esprit et ses bons mots (« l’esprit des Mortemart », dont Mme de
Sévigné nous dit qu’il était « héréditaire ds sa famille »), elle devient bientôt dame d’honneur
de la reine

* c’est en 1666 qu’elle rencontre Louis XIV, qui est alors très amoureux de Louise de La
Vallière (que Madame lui a jetée dans les pattes en 1661) 
** Mme de Montespan se fait l’amie de Louise de La Vallière, ce qui multiplie les
occasions de rencontre avec le roi : celui-ci s’éprend bientôt de son esprit, de sa conversation
piquante 
** en 1667, elle devient sa maîtresse ; son mari fait un esclandre à la cour quand il
apprend la nouvelle, ce qui lui vaut d’être éloigné de force, enfermé au For l’Evêque, puis
exilé sur ses terres ; Louise de La Vallière sert un temps de paravent au double adultère, avant
d’entrer au Carmel (1674) 
** dès 1668, Louis XIV a doté Mme de Montespan d’un appartement proche du sien, ce
qui est une manière d’affirmer la place prestigieuse qu’occupe une maîtresse du roi de
France ; la reine est publiquement humiliée, le roi lui infligeant la présence de sa maîtresse et
le spectacle quotidien des faveurs qu’il a pour elle 
** de cette liaison naissent (entre 1669 et 1678) 7 enfants, que Louis XIV légitime ab
1673 (ds l’acte de légitimation, le nom de la marquise est omis, n’apparaît que le nom du
roi) ; on leur donne comme gouvernante la veuve Scarron, née Françoise d’Aubigné (les 5
enfants survivants sont le duc du Maine, le comte de Vexin, le comte de Toulouse, Mlle de
Nantes future princesse de Condé, et la 2e Mlle de Blois, future duchesse d’Orléans et femme
du Régent)

* entre 1670 et 1678, Mme de Montespan règne sur la cour :


** tout le monde recherche son appui (on la craint aussi un peu, car la marquise a la dent
dure)
** elle s’étourdit d’un luxe inouï (vêtements, bijoux, meubles, carrosses) et pousse le roi
sur la voie de la magnificence 
** le roi lui fait construire un magnifique château tout près de Versailles (Clagny,
aujourd’hui disparu, dû à Hardouin-Mansart et Le Nôtre) et elle y tient une cour brillante ; on
l’appelle la « sultane reine »

* la relation du roi et de Mme de Montespan devient cependant orageuse :


** la maîtresse se croit tout permis, dit au roi que sa famille est plus ancienne que la
sienne, ne supporte pas qu’il regarde une autre femme qu’elle, mais en même temps
s’empâte ; elle supporte de moins en moins les entretiens du roi avec la veuve Scarron, dont le
roi apprécie l’amour qu’elle manifeste à ses enfants et qu’il fait marquise de Maintenon en
1675 
** en 1678, le roi tombe éperdument amoureux de Mlle de Fontanges, qui meurt en
1681, à l’âge de 20 ans, dans des circonstances suspectes, en pleine affaire des Poisons ;
aussitôt, les soupçons se portent sur Athénaïs : il est vrai que, ds l’affaire des Poisons, le nom
de Mme de Montespan apparaît assez souvent (on découvre qu’elle a fait boire au roi des
élixirs d’amour, qu’elle a fait dire des messes noires accompagnées de sacrifices d’enfants) 

* elle n’est pas poursuivie mais la disgrâce est prononcée –et lorsque meurt Marie-
Thérèse, en 1683, le roi épouse Mme de Maintenon ; Mme de Montespan perd son
appartement mais reste à la cour, assiste avec fierté au mariage de ses enfants avec des princes
et princesses du sang ; en 1691, elle se retire à proximité de l’abbaye de Fontevrault dont sa
sœur est l’abbesse ; elle meurt en 1707 à Bourbon l’Archambault, où elle était allée prendre
les eaux

Mme de Pompadour (1721-1764)


* Jeanne-Antoinette Poisson est une jeune et jolie bourgeoise parisienne, qui a reçu une
éducation soignée (chez les ursulines, puis en fréquentant le salon de Mme de Tencin, amie de
sa mère), avant d’épouser à 19 ans un financier, Le Normand d’Etiolles, neveu et héritier de
l’amant de sa mère, Le Normand de Tournehem 
** en 1743, elle est remarquée par le roi, à l’occasion d’une partie de chasse 
** en 1745, elle devient sa maîtresse, se sépare de son mari, obtient le titre de marquise
de Pompadour et la terre qui va avec, est présentée à la cour (où le dauphin la baptise
« maman putain » : ses sœurs et lui lui reprochent d’induire le roi en adultère et la modestie de
ses origines, qui contraste avec la naissance des précédentes maîtresses royales)

* Mme de Pompadour se pique de politique :


** elle protège Voltaire qu’elle fait élire à l’Académie française en 1745 et nommer
historiographe du roi en 1747 ; elle protège aussi Montesquieu, au moment de la parution de
De l’esprit des lois en 1748 ; elle fait en 1749 du docteur Quesnay son médecin personnel et
protège les physiocrates 
** à la demande du maréchal de Saxe, vainqueur de Fontenoy (1745), elle favorise en
1747 le remariage du dauphin avec Marie-Josèphe de Saxe (fille du roi de Pologne et nièce du
maréchal) 
** elle obtient en 1749 la disgrâce de Maurepas (SE de la marine, accusé d’avoir fermé
les yeux sur les poissonnades et d’y avoir peut-être participé) 

* en 1750, elle cesse d’avoir des relations sexuelles avec le roi mais reste sa maîtresse en
titre jusqu’à sa mort (en 1764)
** elle s’efforce d’empêcher qu’une autre prenne sa place en imaginant le Parc aux
Cerfs (une maison de Versailles où l’on prépare de très jeunes filles du peuple au coït avec le
roi ; le premier valet de chambre, Lebel, vient chercher celle qui lui paraît prête et la conduit
dans une chambre du château) 
** Mme de Pompadour, elle, dispose d’un très bel appartement à Versailles : elle y
reçoit les ministres, contribuant notamment à la carrière de Choiseul dont elle soutient les
choix diplomatiques
** elle maintient des contacts amicaux très réguliers avec le roi
*** elle le conseille en matière d’art et d’architecture, étant à l’origine de la
construction du petit Trianon dont elle ne verra pas l’achèvement, faisant nommer son frère,
marquis de Marigny, directeur des bâtiments du roi (elle lui lèguera sa résidence parisienne,
achetée en 1753, l’hôtel d’Evreux, actuel palais de l’Elysée)
*** elle s’efforce aussi avec un certain succès d’intercéder en faveur des
encyclopédistes lorsque les choses se gâtent pour eux, en 1752 et 1759

* malgré son intérêt personnel pour les Lumières, elle laisse incontestablement une image
noire :
** Michel ANTOINE pense qu’elle a eu au bout du compte une mauvaise influence sur
le roi qu’elle a enfoncé dans le plaisir, le doute de soi et la morosité (le Parc aux Cerfs renvoie
à une vision très dégradée de la femme) 
** on l’accuse aussi d’avoir pesé en faveur de certains choix désastreux de la guerre de
7 ans et d’avoir soufflé à Louis XV, en 1757, la fameuse formule « après moi le déluge ! »
(il est vrai que la fin des années Pompadour correspond à une période noire du règne,
notamment en politique étrangère [guerre de 7 ans], avant que le roi ne se ressaisisse, au
lendemain de la période Pompadour [séance de la flagellation 1766, réforme Maupeou 1771])

Mme du Barry (1743-1793)


* Jeanne Bécu est une enfant du peuple et une enfant naturelle :
** sa mère Anne Bécu, femme galante et cuisinière, est la fille d’un rôtisseur ; son père
est inconnu (on pense qu’il s’agit d’un moine franciscain, Ange de Vaubernier, Jeanne ayant
porté le nom de Jeanne de Vaubernier) ; Jeanne a été pensionnaire chez les dames de Saint-
Aure, ds un couvent parisien du Val de Grâce (elle a reçu, pour son milieu, une très bonne
éducation, lecture, écriture, dessin, musique) 
** en 1759, à 16 ans, elle devient femme de chambre chez la veuve d’un fermier
général, et elle apprend auprès d’elle les usages du monde ; en 1761, elle est vendeuse chez
une marchande de modes, A la toilette, rue Neuve des Petits-Champs, non loin du Palais
Royal, commence alors à fréquenter le demi-monde et y remporte un succès immédiat car elle
est d’une très grande beauté 
** en 1764, elle s’adonne à la prostitution sous la protection d’un gentilhomme
toulousain complètement dépravé, Dubarry (il lui cherche des clients dans les milieux de la
cour et trouve notamment le duc de Richelieu) 

* au printemps 1768, par l’intermédiaire de Richelieu et de Lebel, elle est mise dans le lit
du roi (qui est sans attache, depuis la mort de Mme de Pompadour, en 1764)
** le roi s’éprend très vite d’elle 
** fin 1768, elle est mariée au frère de Dubarry, devenant comtesse du Barry, ce qui
permet de la présenter à la cour 6 mois plus tard

* elle est alors maîtresse en titre et va occuper cette fonction jusqu’à la mort du roi, en mai
1774 
** elle a contre elle le clan Choiseul, Mesdames (filles de Louis XV) et, ab 1770, la
dauphine Marie-Antoinette (qui refuse longtemps de la saluer ; et lorsqu’elle lui adresse enfin
la parole, le 1er janvier 1772, c’est pour lui dire « il y a bien du monde aujourd’hui à
Versailles ») 
** le clan Choiseul est à l’origine des pamphlets, chansons et libelles pornographiques
qui trainent dans la boue Mme du Barry (la cour est en fait scandalisée qu’une maîtresse en
titre puisse être d’aussi modeste origine)

* elle n’a guère de rôle politique et ne cherche pas à en avoir mais elle a une certaine
influence en matière d’art et de modes :
** elle contribue à l’essor du néo-classicisme, passe commande à Ange Gabriel, Claude-
Nicolas Ledoux, Vien, Greuze, Fragonard, Allegrain, met les tissus rayés à la mode (elle
invente le style Louis XVI) 
** elle est par ailleurs couverte de cadeaux par le roi et en particulier de bijoux de très
grand prix (il est évident qu’il veut qu’elle ait de quoi vivre s’il mourait brutalement ; en
1772, il commande pour elle aux joaillers Böhmer et Bassenge un collier de diamants de très
grand prix, qui sera le célèbre collier de la reine [674 diamants, 2842 carats] ; il ne sera
achevé qu’en 1778, proposé à Louis XVI pour Marie-Antoinette –mais le roi l’estimera trop
cher ; des escrocs se faisant passer pour la reine convaincront le cardinal de Rohan de
l’acheter pour elle : le scandale éclatera au grand jour en 1785)

* le 10 mai 1774, jour même de la mort de Louis XV, Louis XVI la fait conduire par lettre
de cachet dans une abbaye du diocèse de Meaux où elle est en résidence surveillée pendant un
an 
** elle est ensuite libre de regagner le château de Louveciennes que Louis XV lui avait
offert en 1769 et elle y vit très heureusement, faisant la charité dans le village tout en étant la
maîtresse du duc de Cossé-Brissac 
** la RF l’emporte dans sa tourmente : en janvier 1791, son château de Louveciennes
est cambriolé et elle commet l’erreur de publier la liste des somptueux bijoux qu’on lui a
volés (elle se rend ensuite en Angleterre à plusieurs reprises dans l’espoir de les retrouver) ;
en septembre 1792, le ci-devant duc de Cossé-Brissac, qui avait été arrêté, est massacré lors
d’un transfert ; en septembre 1793, dénoncée par son page Zamor, Mme du Barry est déclarée
suspecte (en raison notamment de ses 4 séjours en Angleterre) et arrêtée, emprisonnée à
Sainte-Pélagie ; jugée par le Tribunal révolutionnaire le 6 décembre, elle est guillotinée deux
jours plus tard

223. Les femmes de l’aristocratie dans les guerres civiles : les guerres de religion et la Fronde
2231. Les femmes dans les guerres de religion
de grandes dames figurent ds plusieurs épisodes importants des années 1560-1598

elles figurent assez marginalement ds la conjuration d’Amboise :


* en 1560, la princesse de Condé et sa mère (sœur de l’amiral de Coligny), deux
aristocrates protestantes, sont partie prenante de la conjuration d’Amboise dirigée contre les
Guise (il s’agit de mettre la main sur la personne du jeune roi François II et de l’arracher à la
tutelle des Guise, la femme de François II, Marie Stuart, étant la fille de Marie de Guise et la
nièce du duc François de Guise et du cardinal de Lorraine) 

* la conjuration qui unit des gentilshommes protestants de tout le royaume est un échec
complet et la répression fait 1200 à 1500 victimes (masculines)

elles figurent assez marginalement encore, ds la conjuration des Malcontents :


* en 1574, deux ans après la Saint-Barthélemy, Marguerite de Valois (1553-1615), la
duchesse de Nevers (1542-1601, gde aristocrate catholique de la maison de Clèves, mariée à
Louis de Gonzague, prince de Mantoue) et la duchesse de Retz (1543-1603, née de
Dampierre, veuve du baron de Retz remariée au maréchal de Gondi, général des galères, dont
elle eut 10 enfants, mère de deux cardinaux, évêque et archevêque de Paris, grand-mère d’un
3e, le célèbre cardinal de Retz) figurent dans la 2e phase de la conjuration des Malcontents,
intrigue qui vise à libérer François d’Alençon et Henri de Navarre (mari de Marguerite) de la
cour de France (Henri de Navarre y est quasiment prisonnier depuis la Saint-Barthélemy, ie
août 1572), à évincer Catherine de Médicis du jeu politique et à faire de François d’Alençon
le successeur de Charles IX (Henri, son frère aîné, étant roi de Pologne) 

* les trois femmes sont très brillantes : la reine Margot est la sœur lettrée du roi Charles
IX et la femme du roi de Navarre ; la duchesse de Nevers est le prototype de l’aristocrate
libre ; la duchesse de Retz, dame d’honneur de Catherine de Médicis puis d’Elisabeth
d’Autriche, est infiniment cultivée (elle tient le salon littéraire le plus important du temps, ce
qui lui a valu le surnom de 10e muse)
* le complot, éventé, échoue ; peu après, Charles IX meurt et Henri revient de Pologne
pour régner sur la France sous le nom d’Henri III

les femmes figurent bcp plus visiblement ds l’épisode final de la Ligue


* ds les années 1588-1589, la mère, la sœur et la femme du duc de Guise sont en première
ligne :
** le 23 décembre 1588, le duc Henri de Guise, chef de la Ligue ou parti
ultracatholique, a été assassiné à Blois à l’initiative d’Henri III 
** sa sœur (Catherine, duchesse de Montpensier), sa mère (Anne, duchesse de Guise
puis de Nemours, née Anne d’Este, fille de Renée de France, duchesse de Ferrare), sa veuve
(Catherine, duchesse de Guise, fille du duc de Nevers François de Clèves, sœur de la duchesse
de Nevers de la conjuration des Malcontents) jouent un rôle de 1er plan ds l’opposition au roi 
** la duchesse de Montpensier que Brantôme qualifie de « grande femme d’Etat »
anime la résistance du peuple de Paris (ville ligueuse, hostile aux protestants comme à Henri
III) ; sans surprise, ces princesses ligueuses applaudissent en août 1589 à l’assassinat d’Henri
III par Jacques Clément (pour elles, Henri III n’était qu’un tyran qui méritait d’être trucidé ;
elles reprennent les thèses monarchomaques développées par les protestants après la Saint-
Barthélemy)

* Henri IV a conscience de leur importance et s’adresse à elles après son sacre (qui a lieu
à Chartres, en 1594, Reims étant alors aux mains des ligueurs) 
** son entreprise est couronnée de succès : elles se rallient à sa politique de pacification
et interviennent auprès des hommes de la famille pour qu’ils déposent les armes 
** de son côté, la duchesse de Mercoeur, ligueuse enflammée qui avait (enceinte de 8
mois) soulevé Nantes en 1589, négocie en 1598 avec Gabrielle d’Estrées et les deux femmes
signent l’édit de Nantes

2232. Les femmes dans la Fronde


la duchesse de Longueville
* Anne-Geneviève de Bourbon-Condé, duchesse de Longueville (1619-1679) est la sœur
du prince de Condé (1621-1686) et du prince de Conti (1629-1666) 
** la duchesse et ses deux frères sont des Bourbons-Condé, des princes du sang (leur
mère est par ailleurs une Montmorency), très prestigieux (d’autant plus que le jeune Condé, à
22 ans, en 1643, a écrasé la redoutable infanterie espagnole à Rocroi, ce qui le propulse à la
tête du conseil de régence) 
** mariée à 23 ans au duc de Longueville (gouverneur de Normandie, qui a 24 ans de
plus qu’elle), Anne-Geneviève se sent pousser des ailes lorsqu’elle participe en 1646 avec son
mari aux négociations de Münster qui 2 ans plus tard mettent un terme à la guerre de Trente
Ans (on l’appelle alors « la déesse de la paix et de la concorde ») ; au même moment, elle
devient la maîtresse du prince de Marcillac, futur duc de La Rochefoucauld (l’auteur des
Maximes)
* pendant la Fronde parlementaire (1648-1649), elle a en vain cherché à pousser Condé à
s’allier aux parlementaires contre Mazarin 
** le refus de Condé l’a poussée à s’allier aux parlementaires parisiens avec son jeune
frère, Conti, son mari, le duc de Longueville, et son amant, le duc de La Rochefoucauld 
** très populaire parmi les Parisiens, elle s’installe à l’Hôtel de Ville, présidant ds sa
chambre le conseil de guerre de la Fronde ; elle prend part aux négociations de la paix de
Rueil de 1649 mais regrette l’annulation de l’arrêté d’expulsion de Mazarin

* en janvier 1650, coup de théâtre, Mazarin fait arrêter Condé, Conti et le duc de
Longueville :
** la duchesse s’enfuit alors en Normandie et s’efforce vainement de soulever la
province ; déguisée en homme, elle passe par la mer aux Provinces Unies, puis de là se rend à
Stenay (à l’E de Sedan), où elle négocie avec les Espagnols et pousse Turenne à se révolter
contre Mazarin (elle cosigne avec Turenne un traité avec l’Espagne), tout en recrutant des
troupes qu’elle paye en gageant ses bijoux
** début 1651, elle croit la victoire acquise : Mazarin s’enfuit de Paris (il s’installe
successivement à Saint-Germain, au Havre, puis hors du royaume, à Cologne), les princes
sont libérés et font une entrée triomphale ds la capitale, le parlement renouvelle son arrêt de
bannissement de Mazarin, la reine accorde la réunion des états-généraux pour le 1er octobre
(en fait, elle sait que le roi sera majeur à cette date et ne sera pas tenu par la promesse faite par
sa mère) 

* méfiant, Condé quitte Paris en direction de la Guyenne (dont il est gouverneur) à la


veille de la majorité de Louis XIV (5 septembre), suivi d’une grande partie de sa famille, dont
sa sœur, devenue entre temps la maîtresse du duc de Nemours
** à Bordeaux, Anne-Geneviève anime le parti de l’Ormée jusqu’à la reprise de la ville
par les troupes royales, en juillet 1653 
** Condé étant passé en Espagne où il reste exilé jusqu’à la paix des Pyrénées (1659),
Conti étant reclus ds son château de Pézenas puis rallié à Mazarin dont il épouse une nièce, la
duchesse connaît la tristesse des vaincus, est assignée à résidence en Anjou puis à Moulins,
avant de pouvoir rejoindre son mari en Normandie 

* elle finit ses jours ds la dévotion et le jansénisme, devenant la protectrice de l’abbaye de


Port-Royal des Champs et l’amie de Pascal et de Racine ; mais il est clair que, pendant la
Fronde, « elle fut comme un tison ardent qui mit le feu à tout le royaume »

les autres grandes frondeuses


* Anne de Gonzague de Clèves, princesse palatine (1616-1684)
** elle était destinée par sa famille à la vie religieuse (elle a passé une partie de sa
jeunesse à l’abbaye de Faremoutiers, en Brie) mais elle n’a pas la vocation et, à 21 ans, elle
fuit le couvent 
*** elle tombe éperdument amoureuse de son cousin Henri II de Guise, prétend avoir
contracté avec lui un mariage secret en 1639, ce qui explique que, lorsqu’il se détourne d’elle,
elle lui intente un procès 
*** de guerre lasse, elle épouse le fils d’un éphémère roi de Bohême, Edouard de
Palatinat, en exil et particulièrement désargenté ; il lui fait trois filles, qui feront de brillants
mariages (la 1ère sera princesse de Salm, la 2e sera princesse de Condé [bru du Grand Condé
mais mariée à un dingue], la 3e sera duchesse de Brunswick-Lunebourg) 
*** très liée aux Condé, elle a de nb aventures galantes, voire libertines (y compris au
sens religieux : elle et Condé se seraient amusés à faire brûler un morceau de la vraie croix) 
** horrifiée par l’arrestation des princes en janvier 1650, elle se donne pour mission de
les libérer en travaillant à l’union des Frondes
*** elle conçoit l’idée d’un mariage du prince de Conti avec Mlle de Chevreuse, idée
qui déplaît à la duchesse de Longueville (Mlle de Chevreuse ne lui paraît pas un assez beau
parti pour son frère), ce qui jette la mère de la jeune pressentie ds les bras de la reine 
*** à la fin de la Fronde, la princesse palatine s’efforce de jouer les intermédiaires
entre tous les partis mais Mazarin et le roi se méfient d’elle 
** après la Fronde, elle ne s’en tire pas trop mal :
*** en 1660, elle est nommée surintendante de la maison de la reine mais perd sa
charge au bout d’un an 
*** en 1663, elle perd son mari mais elle parvient à marier sa 2e fille avec le fils du
Grand Condé, grâce à sa sœur, reine de Pologne, qui promet de soutenir la candidature du duc
d’Enghien au trône polonais 
*** en 1671, elle réussit un coup considérable : elle marie Monsieur, frère unique du
roi, veuf depuis un an, à une nièce de son mari, la Princesse Palatine ; la même année, elle se
convertit et vit dès lors ds la dévotion 
*** elle meurt en 1685 : Bossuet prononce son oraison funèbre et voit en elle le
modèle de la sainte veuve

* Elisabeth-Angélique de Montmorency, duchesse de Châtillon (1627-1695) :


** fille du comte de Montmorency-Bouteville qui fut décapité en 1627 (l’année de la
naissance d’Elisabeth) pour s’être battu en duel, elle est aussi la sœur du futur maréchal de
Luxembourg 
*** en 1645, à 18 ans, déjà renommée pour sa beauté et sa coquetterie, elle est enlevée
par Gaspard de Coligny, duc de Châtillon (né dans une famille protestante très célèbre, il s’est
converti au catholicisme 3 ans plus tôt), manière de mettre les deux familles au pied du mur
(c’est dc un mariage d’amour, protégé par Condé, qui les accueille à Stenay) 
*** mais, assez rapidement, les deux époux se trompent mutuellement (il aime Mlle
de Guerchy, elle aime le duc de Nemours) 
** son entrée ds la Fronde est assez largement due au fait que son mari meurt en 1649
dans les troupes royales, avec une jarretière de Mlle de Guerchy nouée autour du bras, alors
que son amant à elle, le duc de Nemours, est frondeur
*** ce qui est sûr, c’est que la mort de son mari la libère totalement et qu’elle
multiplie pendant toute la Fronde les aventures galantes (y compris avec le Grand Condé ; elle
suscite la passion d’un autre frondeur, le duc de Beaufort, fils de César de Vendôme, qui défie
Nemours et le tue en duel, en février 1652 ; elle a eu comme autres amants l’abbé Fouquet,
frère du surintendant des finances Nicolas Fouquet, « qui la battait au besoin » d’après Bussy
Rabutin, et le maréchal d’Hocquincourt) 
*** en 1652-1653, en relation suivie avec Condé et des hommes de mains de Condé
(Berthault et Ricous), elle a comploté l’assassinat de Mazarin (on le sait par les réponses de
Berthault et Ricous, lorsqu’ils ont été soumis à la question préalable, juste avant d’être roués
vifs ; elle n’a été inquiétée que lors de la défection du maréchal d’Hocquincourt mais a repris
son rang à la cour dès 1656) 
** en 1664, elle fait une fin en épousant le duc de Mecklembourg-Schwerin, qui lui
assure un train de vie exceptionnel ; en 1695, ds une lettre où elle commente sa mort, Mme de
Sévigné souligne le goût de l’accumulation (or, argent, meubles précieux, pierreries) de la
duchesse de Mecklembourg
** trois portraits littéraires de la duchesse de Châtillon duchesse de Mecklembourg
*** par Mme de Motteville, femme de chambre d’Anne d’Autriche : « Cette dame
étoit belle, galante et ambitieuse, autant que hardie à entreprendre et à tout hasarder pour
satisfaire ses passions ; artificieuse pour cacher les mauvaises aventures qui lui arrivoient,
autant qu'elle étoit habile à se parer de celles qui étoient à son avantage. Sans la douceur du
ministre, elle auroit sans doute succombé dans quelques-unes ; mais par ces mêmes voies, elle
trouvoit toujours le moyen de se faire valoir auprès de lui, et d'en tirer des grâces qui ont fait
murmurer contre lui celles de notre sexe qui étoient plus modérées. Le don de la beauté et de
l'agrément, qu'elle possédoit au souverain degré, la rendoient aimable aux yeux de tous. Il
étoit même difficile aux particuliers d'échapper aux charmes de ses flatteries ; car elle savoit
obliger de bonne grâce et joindre au nom de Montmorency une civilité extrême qui l'auroit
rendue digne d'une estime tout extraordinaire, si on avoit pu ne pas voir en toutes ses paroles,
ses sentiments et ses actions, un caractère de déguisement et des façons affectées, qui
déplaisent toujours au personnes qui aiment la sincérité. » 
*** par Mme de Châtillon elle-même, autoportrait : « Le peu de justice et de fidélité,
que je trouve dans le monde, fait que je ne puis me remettre à personne pour faire mon
portrait ; de sorte que je veux moi-même vous le donner le plus au naturel qu'il me sera
possible, et dans la plus grande naïveté qui fut jamais. C'est pourquoi je puis dire que j'ai la
taille des plus belles et des mieux faites que l'on puisse voir. Il n'y a rien de si régulier, de si
libre ni de si aisé. Ma démarche est tout à fait agréable, et en toutes mes actions j'ai un air
infiniment spirituel. Mon visage est un ovale des plus parfaits selon toutes les règles ; mon
front est un peu élevé ; ce qui sert à la régularité de l'ovale. Mes yeux sont bruns, fort brillants
et bien fendus ; le regard en est fort doux et plein de feu et d'esprit. J'ai le nez assez bien fait,
et pour la bouche, je puis dire que je l'ai non-seulement belle et bien colorée, mais infiniment
agréable par mille petites façons naturelles qu'on ne peut voir en nulle autre bouche. J'ai les
dents fort belles et bien rangées. J'ai un fort joli petit menton. Je n'ai pas le teint fort blanc ;
mes cheveux sont d'un châtain clair et tout à fait lustrés. Ma gorge est plus belle que laide.
Pour les bras et les mains, je ne m'en pique pas ; mais pour la peau, je l'ai fort douce et fort
déliée. On ne peut avoir la jambe ni le pied mieux tourné. J'ai l'humeur naturellement fort
enjouée et un peu railleuse ; mais je corrige cette inclination par la crainte de déplaire. J'ai
beaucoup d'esprit, et j'entre agréablement dans les conversations. J'ai le ton de la voix tout à
fait agréable et l'air fort modeste. Je suis fort sincère et n'ai pas manqué à mes amis. Je n'ai pas
un esprit de bagatelle ni de mille petites malices contre le prochain. J'aime la gloire et les
belles actions. J'ai du cœur et de l'ambition. Je suis fort sensible au bien et au mal ; je ne me
suis pourtant jamais vengée de celui qu'on m'a fait, quoique ce soit assez mon inclination ;
mais je me suis retenue pour l'amour de moi-même. J'ai l'humeur fort douce et prends mon
plaisir à servir mes amis, et ne crains rien tant que les petits démêlés des ruelles [salons], qui
d'ordinaire ne vont qu'à des choses de rien. C'est à peu près de cette sorte que je me trouve
faite en ma personne et en mon humeur ; et je suis tellement satisfaite et de l'une et de l'autre,
que je ne porte envie à qui que ce soit. Ce qui fait que je laisse à mes amis, ou à mes ennemis,
le soin de chercher mes défauts. » 
*** par Bussy-Rabutin ds l’Histoire amoureuse des Gaules : « elle avait les yeux
noirs et vifs, la bouche rouge mignonne et relevée, le teint comme il lui plaisait mais
d'ordinaire elle le voulait avoir rose et blanc. Elle avait un rire charmant et qui allait éveiller la
tendresse jusqu'au fond des coeurs. Elle avait les cheveux fort noirs, la taille grande, l'air bon,
les mains longues, sèches et noires, les bras de la même couleur et carrés, ce qui tirait à de
méchantes conséquences pour ce que l'on ne voyait pas. Elle avait l'esprit doux, accort,
flatteur, et insinuant. Elle était infidèle, intéressée et sans amitié. Cependant, quelque prévenu
que l'on fût de ses mauvaises qualités, quand elle voulait plaire, il n'était pas possible de se
défendre de l'aimer. Elle avait des manières qui charmaient. Elle en avait d'autres qui attiraient
le mépris de tout le monde. Pour de l'argent et des honneurs, elle se serait déshonorée et aurait
sacrifié père, mère et amant. Avec cette belle, les amants étaient comme une hydre dont on ne
coupait point la tête qu'on en fît renaitre une autre. »

* Marie de Rohan, duchesse de Chevreuse (1600-1679) :


** elle appartient à la très grande famille bretonne des Rohan 
*** elle épouse en 1617 un célèbre favori de Louis XIII, Charles d’Albert fait duc de
Luynes peu après et qui sera fait connétable 3 ans plus tard, tandis qu’elle a été faite dès 1618
surintendante de la maison de la reine 
*** veuve en décembre 1621, elle se remarie en avril 1622 avec celui qui était son
amant du vivant de son mari, le duc de Chevreuse (un membre de la famille des ducs de
Lorraine ; ce remariage lui permet de réintégrer la cour d’où elle avait été chassée par Louis
XIII en mars pour avoir involontairement provoqué une fausse couche de la reine) 
** elle commence peu après sa carrière d’intrigues
*** en 1623, elle devient la maîtresse du comte de Holland, venu négocier le mariage
d’Henriette de France avec Charles 1er : c’est alors que les deux amants envisagent ce qui fit
tellement fantasmer Alexandre Dumas au XIXe s, jeter Anne d’Autriche dans les bras du duc
de Buckingham, venu à Paris chercher la mariée (ça ne débouche sur rien : à l’étape
d’Amiens, Buckingham se fait entreprenant, la reine crie, la cour accourt et ça ne va pas plus
loin) 
*** en 1626, Marie de Chevreuse est éclaboussée par la conspiration de Chalais (la
conspiration vise à empêcher un mariage voulu par Richelieu, celui de Gaston d’Orléans avec
Mlle de Montpensier, et pour cela, à assassiner Richelieu) ; une nouvelle fois, Louis XIII la
chasse de la cour et l’envoie en Poitou mais elle se réfugie en Lorraine, le duc étant un cousin
de son mari (en Lorraine, elle a une liaison avec un ambassadeur anglais, lord Montaigu) 
*** en 1628, elle rentre à Paris et crée alors avec sa belle-mère (2e épouse de son père)
et une cousine le clan Rohan, un clan d’intrigantes de première bourre 
*** après la journée des dupes (10-11 novembre 1630), Marie devient la maîtresse du
garde des sceaux, Chateauneuf, qui se verrait bien à la place de Richelieu ; en 1633, le roi s’en
émeut et l’exile une nouvelle fois, cette fois-ci en Touraine ; elle y reste en relation épistolaire
avec la reine, lui servant de relais avec l’Espagne 
*** en 1635, la France déclare la guerre à l’Espagne mais Mme de Chevreuse
continue sa double correspondance au bénéfice de la reine ; en 1637, Louis XIII et Richelieu
s’aperçoivent que la reine entretient une correspondance avec son frère, l’obligent à faire
amende honorable ; Mme de Chevreuse est prévenue à temps et réussit à s’enfuir déguisée en
homme et à gagner l’Espagne ; elle ne se plait pas en Espagne et gagne l’Angleterre, où elle
retrouve ses anciens amants, Holland et Montaigu 
*** en mai 1640, pour fuir le duc de Chevreuse venu la chercher à Londres, elle
s’enfuit aux Pays Bas espagnols ; là, elle trempe ds deux conspirations contre Richelieu, celle
du comte de Soissons et celle de Cinq-Mars ; par chance, la mort de Richelieu (1642) et celle
de Louis XIII (1643) lui laissent le champ libre
** en 1643, Anne d’Autriche laisse rentrer en France son ancienne amie, après 10 ans
d’absence 
*** la duchesse de Chevreuse éprouve très vite à l’égard de Mazarin les sentiments
qu’elle éprouvait à l’égard de Richelieu : elle reprend dc ses conciliabules et participe dès
1643 à la cabale des importants (avec Beaufort et Chateauneuf) 
*** Anne d’Autriche lui demande alors de quitter Paris ; Marie de Chevreuse passe à
Saint-Malo et de là en Angleterre, mais elle y arrive en pleine révolution de Cromwell ; elle
fuit l’Angleterre et retourne aux PB 
** elle est à Bruxelles quand éclate la fronde parlementaire, en 1648 
*** pour la rallier à leur cause, les parlementaires lui envoient le marquis de Laigues,
qui devient son amant 
*** en 1649, la duchesse de Chevreuse rentre à Paris, retrouve la cour et prend contre
les Condé le parti de Gondi, évêque coadjuteur de Paris et futur cardinal de Retz, qui devient
l’amant de sa fille Charlotte ; elle triomphe dc au moment de la triple arrestation de janvier
1650, d’autant plus qu’au même moment Chateauneuf récupère la garde des sceaux 
*** en 1651, ds les tentatives d’apaisement, on imagine qu’une solution à la crise
pourrait être apportée par un mariage de Mlle de Chevreuse et du prince de Conti ; la
duchesse de Longueville fait capoter le projet ; humiliée, la duchesse de Chevreuse est du
parti de la reine ds les dernières années de la Fronde 
** après la Fronde, elle vit entre la cour et son château de Dampierre 
*** en 1657, au décès du duc de Chevreuse, elle épouse le marquis de Laigues 
*** en 1667, elle arrange le mariage d’un de ses petits-fils, Charles-Honoré de
Chevreuse, avec l’aînée des filles de JB Colbert

* la Grande Mademoiselle (1627-1693) :


** Anne-Marie-Louise d’Orléans, fille de Gaston d’Orléans et dc cousine germaine de
Louis XIV (on l’appelle la Grande Mademoiselle parce que son père était appelé le Grand
Monsieur à partir de la naissance de Philippe, frère de Louis XIV, appelé enfant le Petit
Monsieur), duchesse de Montpensier, titre qui lui vient de sa mère Marie de Bourbon,
absolument richissime (la Grande Mademoiselle passait pour la princesse la plus riche
d’Europe) 
** enfant, elle rêvait d’épouser le roi son cousin (qui avait tout de même 11 ans de
moins qu’elle) 
** son père, Gaston d’Orléans, a passé sa vie à conspirer contre son frère et Richelieu
(conspirations de Chalais, d’Ornano, de Montmorency, de Cinq-Mars) et à devoir prendre la
tangente 
*** au début de la Fronde, il s’abstient de prendre parti mais ses sympathies sont
évidentes 
*** en 1651, il intervient en faveur de la libération des princes et boit ensuite du petit
lait en constatant les ennuis de Mazarin 
** en 1652, Gaston d’Orléans laisse sa fille agir à sa place :
*** le 27 mars 1652, elle se rend à Orléans avec ses deux « maréchales de camp », la
comtesse de Fiesque et la comtesse de Frontenac, et harangue le corps de ville pour qu’il
n’ouvre pas les troupes de la ville aux troupes royales 
*** le 2 juillet 1652, lors de la bataille du Faubourg Saint-Antoine, elle fait tirer le
canon de la Bastille sur les troupes royales (l’épisode est célèbre et il était figuré ds mon
manuel d’histoire d’école primaire)
** tout cela pèse contre elle (et son père) à la fin de la Fronde :
*** Gaston est consigné ds son château de Blois, où il reste de 1652 à sa mort, en
1660
*** la Grande Mademoiselle est consigné ds son château de Saint-Fargeau, où elle
réside de 1652 à 1657, avant d’être autorisée à se rendre ds son château d’Eu, en Normandie,
puis, la même année 1657, d’être autorisée à reparaître à la cour 
** en 1670, elle revient au premier plan de la chronique mondaine lorsqu’on annonce
qu’elle a été autorisée par le roi à épouser le comte de Lauzun (avant démenti)

l’appréciation du rôle des femmes ds les guerres de religion et la Fronde a longtemps été
très péjorative :
* on y a vu des rhapsodies de séductions sans queue ni tête témoignant du caractère
passionné et peu intelligent des femmes, de leur désir de gloire et goût de l’intrigue 

* Simone VERGNES ds son travail sur les femmes dans la Fronde (Les Frondeuses, une
révolte au féminin, Champ Vallon, 2013) voit les choses d’un autre œil :
** elle constate que les femmes n’y sont pas très différentes des hommes :
*** désir de gloire et goût de l’intrigue caractérisent aussi les hommes de la Fronde,
les femmes méprisent autant que les hommes « le Mazarin » et détestent autant qu’eux
l’absolutisme 
*** Mme de Longueville, ds un texte qu’elle écrit, intitulé le Manifeste ou l’Apologie,
condamne la conception moderne de l’Etat et voit ds le royaume un patrimoine héréditaire qui
devrait être dirigé par les parents du roi mineur et non par Mazarin, étranger de basse extrace
auquel les Princes n’ont pas à obéir et qui exerce une autorité despotique contraire aux
traditions françaises
** Simone VERGNES constate aussi que les affaires familiales et les affaires politiques
sont alors constamment emmêlées, que les Grands s’appuient sur leurs réseaux et leurs
clientèles –et que les femmes sont très importantes à ce niveau-là
*** elles créent du lien : elles font le lien entre leur famille paternelle, leur famille
maternelle et la famille de leur mari
*** Mazarin note à propos de Mme de Longueville : « si elle aime la galanterie, ce
n’est pas du tout qu’elle songe à mal, mais pour assurer des serviteurs et des amis à son
frère » (il parle ici du Grand Condé) 
** la limite de cet engagement féminin, c’est que ces femmes s’engagent pour des
hommes, pour accroître le pouvoir d’un homme de la famille ou de deux hommes de la
famille (ds le cas de la duchesse de Longueville) 

quelles furent les modalités d’action de ces femmes ?


* ds les conflits des XVIe-XVIIe s, ces femmes sont particulièrement chargées
** de la propagande de leur camp, comme le souligne Eliane VIENNOT : Jeanne
d’Albret a rédigé le manifeste du parti huguenot, la duchesse de Montpensier (sœur du duc de
Guise) et la duchesse de Mercoeur ont entretenu des prédicateurs ligueurs 
** surtout de la négociation : comme le genre féminin est associé à la paix comme à
l’art de la conversation, elles jouent un rôle majeur de négociatrices : on distingue les
« intrigantes », qui participent aux négociations entre groupes, des « amazones », qui
combattent les armes à la main

* ce n’est qu’exceptionnellement qu’elles peuvent être guerrières : à l’échelle de leur fief,


d’assez nb femmes sont capables de prendre les armes, en l’absence de leur mari
** les exemples ne manquent pas au temps des guerres de religion :
*** en 1567, la catholique Claudine de Tournon défend sa ville contre les protestants
et elle « fait si bien le devoir de capitaine et de soldat » que les huguenots se retirent 
*** en 1574, la protestante Madeleine de Miremont, née de Saint-Nectaire, veuve du
bailli des montagnes d’Auvergne, se met à la tête d’une soixantaine de vassaux de son mari et
de son père et engage le combat à cheval contre les catholiques, « connue par amis et ennemis
à ses cheveux qui dessous la salade lui couvrait l’échine », gagnant le surnom de « l’Amazone
de son siècle » 
*** en 1588, la catholique Jacquette de Montbron, assiégée par Condé, refuse de lui
livrer des hommes réfugiés chez elle et se dit inspirée par le courage de son aïeule la comtesse
de Montfort (référence à Jeanne de Montfort, qui, en 1342, résista aux Français les armes à la
main lors du siège d’Hennebont et accomplit à cheval je ne sais combien de hauts faits qui lui
valurent de se faire appeler « Jeanne la Flamme »)
*** en 1590, la protestante Marguerite d’Ailly, femme de François de Coligny, fils de
l’amiral de Coligny assassiné lors de la Saint-Barthélemy, étant assiégée ds son château de
Châtillon, est capable de rassembler les gens qui lui restent, de diriger une sortie, de mettre les
assiégeants en fuite, de capturer leur chef et de reprendre le butin qu’ils avaient déjà chargé
sur des chariots 
*** la même année 1590, Françoise de Cezelli a manifesté un tel courage lors du siège
de Leucate par les Espagnols qu’Henri IV lui laisse le titre de gouverneur de la ville : il est
vrai que, son mari étant tombé entre les mains des Espagnols, elle a refusé de rendre la ville
en échange de la libération de son mari, que les Espagnols ont étranglé
** les exemples ne manquent pas non plus au temps de la Fronde :
*** Alberte-Barbe d’Ernecourt, dame de Saint-Balmont, en Lorraine, porte en
permanence l’habit d’homme (justaucorps, haut de chausse) sous sa jupe, qu’elle jette à la
première occasion pour enfourcher son cheval (son mari lui donnait des leçons d’équitation,
d’escrime et de tir au fusil et il lui avait donné l’habitude de se travestir ; il organisait des
entraînements, où elle était à cheval tandis que, tel un coach sportif, il l’abreuvait de
consignes et de commentaires depuis son carrosse) 
*** Mme de La Guette avait reçu de son père une formation du même type et elle était
tout à fait capable de se battre au fleuret, au pistolet et au fusil (elle ne l’a pas fait pendant la
Fronde, alors que son mari servait ds l’armée des Princes, mais elle dit ds ses mémoires le
plaisir qu’elle prenait à parler de guerre et à vivre ds une atmosphère guerrière [elle aimait les
fanfares et les roulements de tambour ; elle écrit : « Si je suivais ma fantaisie Je m’en irais
dans les combats Avec un fort grand coutelas Faire une étrange boucherie »] ; on se souvient
qu’elle se contente à l’initiative de la reine d’aller à Bordeaux remettre sur le droit chemin son
mari et les amis de son mari) 
*** le thème de la femme guerrière est important ds la littérature du début du XVIIe
siècle (Amadis des Gaules, Roland furieux, L’Astrée), réactivant le mythe antique de
l’Amazone, qui est à la fois un mythe guerrier mais devient aussi un mythe de défense
politique des femmes, en particulier un mythe de défense des régentes (Marie de Médicis a
fait figurer une amazone ds ses armes ; les duchesses de Chevreuse, de Longueville, de
Montpensier se font représenter en reines des Amazones) ; le thème est christianisé : les
frondeuses sont des Amazones chrétiennes, envoyées par Dieu pour sauver leur pays ; il est
aussi utilisé pour dire la supériorité du sang noble : c’est leur sang noble qui permet à ces
femmes de dépasser la faiblesse de leur sexe ; les femmes du commun en seraient totalement
incapables
** cela dit, les exploits militaires féminins suscitent toujours un mélange
d’émerveillement et de réserves car ils sont très transgressifs
*** ils transgressent la barrière de genre ; pensez qu’il faut attendre 1972 pour que les
femmes puissent faire de vraies carrières militaires en France
*** pour Gaspard de Saulx-Tavannes, l’action militaire des femmes ne peut être
qu’exceptionnelle (pour remplacer des hommes absents ou organiser la défense d’une ville
assiégée) car les femmes qui prennent les armes sont « injuriées des ennemis et moquées des
amis » (elles offensent la bienséance en sortant de la modestie et de la réserve, qui sont leurs
qualités naturelles ; il est vrai qu’elles risquent constamment le viol, très ordinaire en temps
de guerre : pendant la Fronde, Mme de La Guette met du reste ses filles à l’abri ds un couvent
avant de partir pour Bordeaux où la reine lui a confié une mission)
*** et ces exploits féminins disparaissent tout ceci disparaît avec la masculinisation
royale associée au règne de Louis XIV : il n’y a plus de troubles publics, plus de ligues et de
frondes, où des femmes pourraient jouer un certain rôle ; au même moment, les progrès de la
discipline militaire, l’encasernement font disparaître l’emploi de personnages comme Mme de
La Guette ; Dominique GODINEAU dit très justement : « l’éventuelle action militaire d’une
dame, qui n’avait jamais été totalement approuvée, devint tout aussi impensable que sa
présence au conseil »

23. L’irruption des femmes du peuple : la participation aux émeutes et émotions


les femmes jouent un rôle très important dans les émeutes frumentaires :
* elles sont les premières à dénoncer la cherté ou la disette de pain 

* dès le XVIe s, des femmes de compagnons et de journaliers participent aux émeutes


frumentaires urbaines 

* ds 70% des émeutes frumentaires du XVIIe et du XVIIIe s, elles forment la totalité ou la


majorité des participants ; elles empêchent les départs de grains en bloquant les chariots, elles
exigent un prix « juste » du pain, elles obligent les autorités à perquisitionner chez les
marchands et les accapareurs

* on sait l’importance de la marche des femmes sur Versailles, les 5 et 6 octobre 1789
(elles prennent d’assaut le palais, menacent la reine et ramènent à Paris « le boulanger, la
boulangère et le petit mitron »)

elles sont également présentes ds les émotions religieuses :


* au XVIe s, protestantes, elles chantent des psaumes dans la rue, participent à des cultes
clandestins ou des opérations d’iconoclasme, font le coup de main au côté des hommes ;
catholiques, elles participent aux massacres (de Vassy, en 1562, comme de la Saint-
Barthélemy, en 1572, à Paris comme en province) 

* au XVIIe-XVIIIe s, elles sont importantes dans le protestantisme clandestin (de la


guerre des camisards aux cultes du désert : pensez à Marie Durand, emprisonnée pendant 38
ans à la tour de Constance à Aigues-Mortes) comme elles sont importantes dans la querelle
janséniste (les curés jansénistes en butte à la persécution sont soutenus par leurs paroissiennes
ou leurs pénitentes ; il y a de nb femmes parmi les convulsionnaires de Saint-Médard)

elles sont enfin présentes dans les révoltes politiques :


* les femmes du peuple sont très présentes dans la Fronde parlementaire (participation de
certaines femmes à la journée des barricades, chansons des harengères contre Mazarin et la
reine)

* les femmes sont parfois visibles dans les révoltes paysannes et les émotions citadines
** ds les révoltes paysannes du XVIIe s : 1593-1595 (Tard-Avisés ou Croquants du
Limousin et du Périgord), 1624 (Croquants du Quercy), 1636 (paysans d’Angoumois et de
Saintonge), 1637 (Croquants du Périgord), 1639 (Nu-Pieds de Normandie), 1638-
1645 (paysans gascons du comté de Pardiac), 1643 (Rouergats), 1658 (sabotiers de Sologne),
1662 (Lustucru du Boulonnais), 1663-1665 (révolte d’Audijos ds les Landes), 1670 (paysans
du Vivarais), 1675 (bonnets rouges de Bretagne), 1707 (Tard Avisés du Quercy) 
** ds les émotions urbaines (émotions frumentaires de 1693-1694, 1698, 1709-1710,
1725, 1739-40, 1749, 1752, 1768, 1770, 1775, 1785, 1788-1789 ; affaire des enlèvements
d’enfants à Paris en 1750 ; émotions des villes parlementaires au XVIIIe s, pré-révolution
française à Grenoble et à Rennes) 

* les femmes jouent un rôle important


** en début de révolte, elles jouent un rôle de boutefeu, notamment à l’origine de la
rumeur (elles s’indignent des expédients imaginés par les agents du roi : par exemple, en
1691, à Montauban, elles font courir le bruit d’un impôt sur les naissances et les décès) mais
elles sont aussi très importantes dans le rassemblement, la fabrication de la foule (elles sont
très promptes à rameuter le voisinage, en criant, en tapant sur une poêle, ou en sonnant le
tocsin, et à s’assembler contre un huissier, un gabelou, les hommes du guet) 
** D. GODINEAU souligne très justement que les hommes mettent délibérément les
femmes en avant en début de révolte (ils pensent que les autorités auront plus de mal à sévir si
elles se trouvent confrontées à des femmes, qui sont du reste souvent accompagnées de leurs
enfants) et qu’elles passent ensuite au second plan ds l’émeute proprement dite (les armes
sont masculines ; et l’émeute, une fois lancée, est gouvernée par les hommes) ; globalement,
les femmes sont moins durement réprimées que les hommes (même s’il y a eu des femmes
pendues, comme à Laval ou Rouen en 1725, les hommes fournissent les gros contingents de
pendus et la totalité des galériens) 

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