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132.

Le travail féminin en ville


1321. L’atelier et la boutique
l’atelier
* l’atelier est très généralement masculin et dirigé par un homme ; mais on y trouve qqes
femmes (femmes de, veuves de, filles de), dont nous avons déjà parlé 
** la femme de maître a son importance
*** sa dot permet l’équipement de l’atelier
*** elle trône souvent derrière le comptoir, se chargeant de commercialiser la
production de son époux 
*** mais, comme elle n’a pas de compétence technique reconnue, elle peut être en
butte aux critiques des compagnons ou de la jurande 
*** Natalie ZEMON DAVIS souligne l’importance des femmes de maître dans les
ateliers lyonnais du XVIe s : elles peuvent corriger les apprentis, qui se plaignent du reste
d’être battus par une femme, aider les compagnons devant les grands métiers, vendre au
détail, emprunter de l’argent pour aider l’entreprise familiale
** il y a qqes corporations féminines
*** à Paris, au XVIIIe s, sur 120 corporations, seulement 6 corporations féminines :
les couturières, les lingères [vendent des toiles], les bouquetières, les filassières, les sages-
femmes et ab 1776 les marchandes de mode ; ds ces métiers, les filles peuvent suivre un
apprentissage réglé, les femmes peuvent accéder à la maîtrise et diriger la communauté (il y a
des jurandes de femmes)
*** les couturières parisiennes ont dû batailler ferme contre les tailleurs pour se voir
reconnaître en 1675 le monopole des vêtements de femmes et d’enfants mais elles n’en sont
pas moins devenues une énorme corporation au XVIIIe s (3000 maîtresses, 1200
apprenties/apprentisses) et contribuent à développer l’idée que la mode relèverait
naturellement des femmes (en province, les choses sont différentes et les tailleurs ont souvent
résisté victorieusement aux prétentions des couturières)
** il y a de rares corporations mixtes (2 à Paris avant 1776 : les grainetiers et les
peintres)
** il y a aussi les métiers non corporés qui, par définition, n’excluent pas les femmes
(fripières [revendent les vieux vêtements des riches], regrattières [revendent les restes
alimentaires des riches], revendeuses de ferraille) 
** on peut noter que l’édit de février 1776 abolissant les corporations (il fut abrogé en
août de la même année) avait pour ambition de permettre aux femmes d’accéder plus
facilement au marché de l’emploi : « nous voulons abroger ces institutions arbitraires qui ne
permettent pas à l’indigent de vivre de son travail, qui repoussent un sexe à qui sa faiblesse a
donné plus de besoins et moins de ressources et qui semblent, en les condamnant à une misère
inévitable, seconder la séduction et la débauche » ; du reste, l’édit d’août 1776 rétablissant les
corporations les rend toutes mixtes et de nb femmes entrent alors ds des professions qui leur
étaient jusque là interdites (à Châtellerault, il n’y avait que 4,5% de femmes parmi les maîtres
de métier avant 1776, alors qu’elles donnent 43,5% des maîtres reçus après cette date)

* les femmes sont très visibles


** ds certains métiers de contact avec le public (aubergistes, tavernières, cabaretières)
** ds le commerce (essentiellement alimentaire) de détail : au marché (marchandes
publiques du type harengères), en boutique (de la boulangerie la plus ordinaire jusqu’à la
confiserie A la mère de famille, à l’angle de la rue de Provence et de la rue du faubourg
Montmartre, une des plus anciennes maisons de Paris, ouverte en 1761, toujours en activité en
2022) ou à la criée (marchandes des rues, vendant du tabac, du fil, des épingles, des hardes,
des fleurs, des en cas, à savoir petits pâtés, oublies [petites gaufres roulées en cylindre creux],
pains d’épice, marrons chauds, cerises), mais aussi porteuses d’eau, de bois, de charbon
** ds le secteur du textile, du cuir et du vêtement, y compris la blanchisserie et la soierie
lyonnaise (20.000 à 25.000 femmes à la fin de l’AR, soit 65% des effectifs : avant 1786, elles
ne sont pas officiellement tisserandes mais tordeuses de soie, tireuses de cordes et surtout
dévideuses [elles mettent le fil en écheveaux] ; la féminisation du travail de la soie va de pair
avec la prolétarisation du secteur, y compris des maîtres-ouvriers, les canuts, écrasés par les
marchands, les soyeux) 
** ds certains métiers périphériques du luxe non textile (brunisseuses et polisseuses
travaillant le métal pour les armuriers, les argenteurs, les orfèvres, les imprimeurs [25% des
effectifs de Firmin Didot, qui fabrique des caractères pour imprimeurs]), certains métiers
périphériques du livre (papetières, brocheuses [couseuses de cahiers] et doreuses de tranche
[mais il n’y a pas de typotes, la presse ie l’imprimerie étant la chasse gardée des hommes ;
une brocheuse est 5 à 8 fois moins payée qu’un typographe]), certains métiers périphériques
de la menuiserie (fabricantes de cannage, rempailleuses de chaises ; dire ici la différence entre
menuiserie et ébénisterie)

la boutique, l’essor de la consommation du luxe et du demi-luxe et la progression des


valeurs féminines dans la consommation : Paris au XVIIIe s (Natacha COQUERY)
* au XVIIe s, les rois, les reines, les princes ont attiré bcp d’artisans à Paris ; Colbert a fait
venir d’excellents ouvriers qualifiés étrangers ; les Flamands ont apporté la taille des pierres
précieuses, les Italiens la reliure en cuir doré, les Allemands l’ébénisterie 

* au XVIIIe s, Paris s’affirme comme un très grand centre de consommation et de


production d’objets de luxe et même comme la capitale européenne du luxe :
** énorme production de tissus de très grand luxe (tissus et rubans d’or et d’argent,
brocards, damas, moires), de quincaillerie de luxe (boucles, boutons, médaillons, chinoiseries,
services de table), de produits de la sellerie, de l’orfèvrerie, de la joaillerie, de l’horlogerie,
d’instruments scientifiques de précision
** les négociants parisiens sont en relation avec Lyon, Bordeaux, l’Angleterre,
l’Espagne, l’Europe centrale et orientale ; la poupée du Faubourg Saint-Honoré fait connaître
les modes parisiennes à l’ensemble des élites européennes ; l’essor des voyages
internationaux et l’apparition du tourisme font émerger le shopping (cf l’historienne anglaise
Claire WALSH : on assiste au XVIIIe s à une transformation de l’acte d’achat en une activité
socio-culturelle liée au loisir, divertissante et instructive) ; à la fin de l’AR, des boutiques
parisiennes sont présentées ds les guides comme des lieux remarquables (le Magasin anglais,
les galeries du Palais-Royal, le Petit Dunkerque) ; toute une série d’innovations se produisent
en matière commerciale (publicité, commis-voyageurs, vitrines) et l’économiste Dupin crée le
concept de « consommateur », homme plein de désir et de jugement

* essor de ce que Daniel ROCHE a appelé une « culture de consommation » :


** le luxe et le demi-luxe :
*** la cour marque profondément la consommation de la capitale (la noblesse de cour
joue toujours un rôle-clé ds le commerce de luxe) ; la noblesse de finance, très riche, est très
importante aussi (pensez aux fermiers généraux à la Lavoisier : Lavoisier a fait énormément
travailler les producteurs d’instruments scientifiques) ; la noblesse provinciale vient aussi
consommer à Paris (la baronne d’Oberkirch fait à chacun de ses 3 voyages à Paris ds la
décennie 1780 la tournée des boutiques et elle en repart avec des fourgons)
*** mais il n’y a pas que les très riches : l’élévation du niveau de vie permet aux
classes moyennes d’accéder au superflu 
des objets se généralisent (indiennes, livres, miroirs, tabatières, services de
porcelaine) ; des produits de luxe du XVIIe s (thé et café) sont devenus produits médicinaux
(dans le premier XVIIIe s) puis des produits de consommation courante (le café plus que le
thé, qui reste en France très cher et élitiste, à la différence de ce qu’on observe en
Angleterre) ; l’indienne connaît une évolution comparable (début XVIIIe s, les indiennes
servent à faire des robes de chambre pour aristocrates ; puis, elles gagnent les classes
moyennes, qui en font des rideaux ; le prix baissant, grâce à la levée de la prohibition en 1759,
l’engouement touche enfin les classes populaires à la fin de l’AR) 
l’obsolescence s’accroît (phénomène de mode saisonnière, extrême fragilité de la
porcelaine) ; la demande joue un rôle très important (on désire des objets interdits : les
indiennes avant 1759 ; on veut suivre la mode) ; les classes moyennes jouent un rôle clé mais
les classes populaires ne sont pas exclues (les historiens anglais parlent de « populux »,
soulignent l’importance du marché d’occasion qui permet la diffusion des objets à travers
toute la société) 
le XVIIIe s connaît la « querelle du luxe » : le luxe (défendu par Voltaire ds Le
Mondain) ou la nécessité (défendue par Rousseau), « luxe d’ostentation » (du XVIIe s :
manifester son statut social) et « luxe de commodité » (permettant d’accroître le confort et le
plaisir, typique du XVIIIe s) ; à l’article « luxe » de l’Encyclopédie, le chevalier de Jaucourt
ajoute le « luxe de bienséance », qui concernerait tout le monde (« sans un immense superflu,
chaque condition se croit misérable ») 
** le boutiquier, acteur du brouillage social
*** la boutique joue un rôle très important ds le brouillage social ; Natacha
COQUERY étudie deux boutiques parisiennes, le tapissier Law au faubourg Saint-Honoré, le
bijoutier Aubourg au faubourg Saint-Germain
*** le tapissier est à la fois marchand et artisan, il est réparateur et décorateur
d’intérieur et fait circuler bcp de produits (il peut décorer tout un hôtel ou un château) ; il ne
fabrique pas le meuble et travaille sur le meuble que lui fournit un menuisier ou un ébéniste (il
rembourre, garnit de paille, de crin, enjolive, ajoute des roulettes) mais il vend bcp de meubles
à la mode (à l’anglaise, à la chinoise, à l’antique, à la d’Artois [comtesse d’Artois]) ; il loue
des éléments de décoration (y compris les flambeaux et girandoles), décore des appartements
provisoires, fournit des décors pour une fête
*** le bijoutier fabrique, répare, recycle ; il achète des objets usagés, voire détériorés
(des brillants jaunes, des boîtes de métal précieux cassées) ; la pratique du troc est importante
(l’aristocratie y a souvent recours, le troc est pour elle un moyen de payer des sommes
importantes en se débarrassant d’un produit ancien, périmé, démodé)
** le jeu sur les différences de qualité
*** ce qui frappe, c’est l’hétérogénéité des objets qui se trouvent chez un même
marchand (Gersaint, cf le tableau de Watteau L’enseigne de Gersaint)
*** les livres de comptes montrent la diversité des objets et l’hétérogénéité de la
clientèle (les nobles donnent 47% des clients du tapissier Law et 30% de ceux du bijoutier
Aubourg ; les marchands et négociants donnent 25% des clients du tapissier et 61% des
clients du bijoutier) ; ces acheteurs dissemblables révèlent les nuances de la culture de
consommation propre au XVIIIe s ; d’où l’extrême variété des factures : chez le tapissier,
elles vont de 10 sols pour une attache en cuivre pour un chandelier de musique acheté par un
vitrier jusqu’à 11.000 livres pour l’ameublement de l’hôtel parisien du marquis de
Trémouville ; on notera que les producteurs sont aussi consommateurs (les Berthout, célèbre
dynastie d’horlogers parisiens sont aussi de gros acheteurs d’objets)
*** du bas de gamme au haut de gamme, les prix varient fortement : une paire de
flambeaux de cuivre est à 5lt, en bronze doré à 168lt ; une lanterne basique est à 12lt, une jolie
lanterne à 288lt ; un lustre basique est à 34lt, un lustre à pampilles en cristal de Bohême est à
500lt ; chez le bijoutier, de 4lt à 5600 lt pour une bague, de 12 lt à 3300 lt pour une montre (la
montre est l’objet typique du demi-luxe ; est associée à la chaîne et à l’étui, la boîte de
montre)

* la féminisation des sensibilités au XVIIIe s


** les femmes jouent un rôle capital ds l’histoire matérielle du XVIIIe s : on peut parler
d’une féminisation du goût et de la sensibilité
** elles interviennent d’abord comme productrices :
*** tout au bas de l’échelle : dentellières, fileuses, pinceauteuses
les dentellières sont des paysannes de tous les âges (en Auvergne, on offre des
carreaux miniatures aux petites filles de cinq ans pour qu’elles apprennent en jouant) qui
travaillent à l’aiguille pour les marchands de Sedan, d’Argentan et d’Alençon, au fuseau pour
ceux du Puy, de Valenciennes, de Chantilly (mise à part la dentelle du Puy qui passe alors
pour un peu trop grossière, toutes les autres connaissent une extraordinaire faveur, et
deviennent de plus en plus fines, le réseau prenant de plus en plus d’importance ; les dentelles
de fil sont utilisées pour embellir le linge et les draps de lit ; les dentelles de soie sont utilisées
dans la coiffure)
les fileuses des villages du Saint-Quentinois : produisent un fil de lin d’une
finesse extrême (celui dont leurs maris tissent ensuite les batistes)
les pinceauteuses d’Oberkampf : parachèvent les motifs imprimés à la planche ou
au cylindre sur les toiles de Jouy
*** au niveau des métiers urbains : blanchisseuses, couturières, lingères, marchandes
de modes
les blanchisseuses se multiplient en ville au XVIIIe s (2000 à Paris, avec une
clientèle qui couvre l’essentiel de la société) : on change plus souvent de linge (en moyenne,
on changerait de chemise tous les 3 jours d’après ROCHE, La culture des apparences), la
lessive est trop compliquée à faire chez soi, la mode est au linge impeccablement blanc
les couturières parisiennes partagent avec les tailleurs et les fripiers le marché du
vêtement citadin (en théorie, elles ne peuvent habiller que les femmes et les enfants ; de fait,
le passage de la robe d’apparat à la robe de commodité leur est très favorable, au détriment
des tailleurs ; en 1781, on les autorise officiellement à fabriquer les robes de chambre
d’homme) ; leurs salariées sont les « grisettes »
les lingères fabriquent les vêtements de dessous (les chemises, les bas) et leur
activité ne cesse de grossir avec la révolution du coton
les marchandes de mode prennent une importance croissante en coordonnant le
travail de tous les métiers du vêtement (les merciers, les bonnetiers, les boutonniers, les
passementiers, les rubaniers, les plumassiers, les épingliers, les dentellières, les gaziers, les
mousseliniers, les fourreurs, les lingères, les tailleurs, les couturières, les brodeurs) et en
valorisant les accessoires ; la plus célèbre marchande de mode est Rose Bertin (1747-1813)
dont la vie est une véritable success story
Rose Bertin, native d’Abbeville, fille d’un gendarme et d’une garde-malade, a
commencé à travailler très jeune (à 12 ans) comme fileuse à la manufacture Van Robbais de
sa ville natale (une manufacture fondée en 1665 par un Hollandais attiré en France par
Colbert) ; à 16 ans, en 1763, elle part pour Paris où elle est embauchée par une marchande de
mode, qui se trouve fournir des princesses du sang et notamment la princesse de Conti ; le
métier de marchande de mode (on dit aussi modiste mais le mot a pris un sens plus étroit en
français) vient de faire son apparition (on appelle ainsi ds les années 1760 les épouses de
marchands merciers pour les distinguer des tailleurs et des couturières qui fournissent les
corps [nous dirions les corsages] et les jupes ; la marchande de mode fournit les
accessoires [ceintures, cravates, nœuds, mantelets, pelisses, manchons, chapeaux] et, pour ce
faire, fait appel à un très grand nombre de fournisseurs)
protégée par la princesse de Conti, Rose Bertin peut ouvrir à 23 ans, en 1770, sa
propre boutique de mode, Au Grand Mogol, rue du Faubourg Saint-Honoré : Mlle Bertin
allège les paniers, crée des robes de mousseline inspirées des robes chemises anglaises,
invente les robes de grossesse ; c’est un magnifique succès (la boutique emploie bientôt 30
salariés et compte plus de 100 fournisseurs de tous les types), en particulier ds l’aristocratie
parisienne : plusieurs dames de la cour deviennent de fidèles clientes, y compris la duchesse
de Chartres, qui présente Mlle Bertin à la reine Marie-Antoinette le lendemain de son
avènement, le 11 mai 1774 ; l’appui de la reine permet à Mlle Bertin d’obtenir en 1776 que
soit créée une corporation des « faiseuses de mode », dont l’indépendance est ainsi reconnue
vis-à-vis des marchands merciers et qui devient la 6e corporation féminine de la ville de Paris
(il y a une vingtaine de marchandes de mode à Paris, 450 employées ds le secteur et, comme
de juste, Mlle Bertin est le 1er syndic de la corporation)
à partir de là, Rose Bertin devient le ministre des modes de la reine et le reste
jusqu’à la RF, jouant un rôle central ds le vêtement féminin des élites françaises et
européennes (elle envoie tous les mois ds les capitales européennes jusqu’à Saint-Pétersbourg
une poupée vêtue des dernières créations portées par la reine, la fameuse poupée du faubourg
Saint-Honoré) ; elle sait parfaitement renouveler les formes, les motifs, les couleurs, passe des
extravagances des coiffures hautes à la simplicité rousseauiste de la robe chemise et des
chapeaux galettes portés à l’anglaise (inclinés sur le visage) ; sa success story sera brisée net
par la RF mais il est clair que Rose Bertin annonce la haute couture qui se mettra en place à
Paris sous le Second Empire (Worth)

* les femmes interviennent aussi comme clientes :


** elles jouent un rôle très important ds les achats de meubles et d’objets (d’où la
multiplication des meubles qui leur sont spécifiquement destinés : coiffeuses, « bonheurs-du-
jour », « travailleuses » [tables à ouvrages] ; d’où aussi le caractère miniature de beaucoup
d’objets précieux du XVIIIe s, destiné à entrer en résonance avec ce qu’on croit être le goût
naturel des femmes : bijoux, châtelaines, nécessaires, livres de format in-12 ou in-16) ; Mme
de Pompadour a joué un rôle très important à l’apogée de la mode rocaille (le style Louis
XV), Mme du Barry, la princesse de Conti, la comtesse d’Artois, Marie-Antoinette ont joué
un rôle de prescriptrices au temps du passage au néo-classique (le style Louis XVI)
** elles jouent un rôle encore plus net dans les achats de vêtements et elles dépensent
deux fois plus que les hommes pour se vêtir : l’unification du goût vestimentaire passe donc
par elles (en province, elles sont les grandes lectrices des journaux de mode, les admiratrices
des « poupées du faubourg Saint-Honoré ») comme passe par elles la révolution des
indiennes, si importante dans la convergence des goûts de l’élite et de la classe moyenne (ce
sont les femmes d’avocats, de marchands et de maîtres qui adoptent la cotonnade imprimée
pour leurs rideaux ou leurs tentures, puis pour leurs robes) 
** par ailleurs, les servantes et les femmes de chambre, qui reçoivent les vêtements dont
leurs maîtresses ne veulent plus, contribuent aussi à la diffusion de certaines modes dans le
peuple et donc à l’accentuation du brouillage social

* les femmes interviennent enfin comme inspiratrices et éducatrices (elles sont du reste
plus instruites : l’alphabétisation féminine part de plus bas que l’alphabétisation masculine
mais elle progresse plus vite)
** les valeurs nouvelles de politesse, d’intimité ou de douceur familiale leur doivent
beaucoup ; la transmission des règles de civilité passe toujours nettement par elles,
notamment ds les classes moyennes (cf. les scènes de genre de Chardin, presque toujours
centrées sur une figure féminine : le Bénédicité, la Toilette du matin, la Gouvernante, la
Garde attentive) ; ce sont les mères des classes supérieures et moyennes qui pèsent en faveur
d’une nouvelle pédagogie moderne, familiale et non-violente, celle des pensionnats de la fin
de l’AR (les prospectus publicitaires leur sont destinés)
** les femmes des classes moyennes et supérieures jouent un rôle non négligeable dans
le nouveau « tribunal de l’opinion » : elles affirment leur goût pictural à l’occasion du Salon
(après 1737 ; Diderot dit que les visiteuses du Tiers Etat aiment à se reconnaître dans les
personnages de Chardin) ; devenues des lectrices passionnées, elles font pendant tout le siècle
le succès des romans sentimentaux (de Richardson, de Rousseau, de Bernardin de Saint-
Pierre)
** enfin, ce sont les femmes du monde qui sont au cœur de la vie de salon, et l’on
trouve parfois chez elles des femmes artistes, comédiennes comme Adrienne Lecouvreur,
Mlle Quinault, Mlle Clairon, portraitistes comme Rosalba Carriera et Mme Vigée-Lebrun,
femmes de lettres comme Mme du Châtelet, Mme d’Epinay, Mme de Genlis ou, tout à la fin
de l’Ancien Régime, la dramaturge féministe Olympe de Gouges

* bref, la sensibilité générale s’est fortement féminisée : on comprend mieux ds ces


conditions le sujet de concours de l’Académie de Besançon en 1775 (« comment l’éducation
des femmes peut-elle rendre les hommes meilleurs ? »)

1312. Les autres emplois urbains


la domesticité
* la place des femmes ds la domesticité est importante en ville au XVIe s (à Lyon, le
moindre ménage d’artisans a sa servante ; Natalie ZEMON DAVIS nous dit que ces
domestiques très mal payées étaient souvent recrutées ds des orphelinats)
** et elle s’accroît au XVIIIe s : à cette époque, en ville, 10 à 20% des femmes sont
domestiques et près de 50% des domestiques sont des femmes ; et, déjà, à cette époque là,
quand on n’a qu’un domestique, c’est très généralement une servante, venue de la campagne
(quand bien même on la qualifie de camériste ou de gouvernante, pour faire plus chic) ; cela
dit, on a encore un nombre non négligeable d’hommes seuls qui vivent avec un domestique de
sexe masculin, dans une relation du type Jacques le fataliste et son maître
** l’appellation « bonne à tout faire » ne fera son apparition qu’au XIXe s mais la réalité
de la servante est en place depuis plusieurs siècles 

* ds les grandes maisons, les domesticités sont plus étoffées


** 3 ou 4 personnes pour une famille de la noblesse lyonnaise : une femme de chambre,
une cuisinière, deux valets qui sont aussi porteurs de chaise 
** bcp plus ds les familles parlementaires : au moins 10 domestiques, essentiellement de
sexe masculin (un maître d’hôtel, un valet de chambre, deux laquais, un cuisinier, un aide-
cuisinier, un cocher, une gouvernante, deux femmes de chambre) 
** bcp plus encore ds les familles princières, où la domesticité peut monter jusqu’à une
centaine de personnes (mais elle se distingue mal de la suite ou de la retenue : un prince a
avec lui un ou plusieurs ecclésiastiques, un secrétaire/bibliothécaire, éventuellement des gens
de qualité) ; on distingue toujours très nettement l’élite (ceux qui partagent les repas de leur
employeur) et le tout venant (ceux qui dînent et soupent à l’office avec les autres
domestiques)
** quand il y a plusieurs domestiques, on trouve toute une hiérarchie d’emplois
féminins, depuis la servante mal dégrossie qui fait le gros œuvre et frotte les parquets jusqu’à
la gouvernante, qui s’occupe des enfants, à la femme de chambre, qui habille sa maîtresse et
entretient le linge, à la dame de compagnie, qui peut partager les repas de sa maîtresse 

* les domestiques viennent massivement de la campagne (95% des domestiques lyonnais


sont des ruraux) et on sait que Molière en tire des effets comiques (la servante des Femmes
savantes, Martine, confond la grammaire et la grand-mère ; M. Jourdain dit à Nicole « vous
avez le caquet bien affilé pour une paysanne ») 
** les gages restent modestes : 50 à 90 livres par an (ils devraient être versés
annuellement mais ils sont en général versés en bloc au départ de la domestique), la moitié,
parfois le tiers de ce qu’on donne à un domestique de sexe masculin, mais il est vrai qu’on a
le gîte et le couvert 
** aux XVIe-XVIIe s, le modèle est celui de la dédition de soi à ses maîtres (avec
tolérance de châtiments corporels), d’où les personnages de servantes de Molière, qui
s’identifient aux enfants de la famille, connus depuis toujours, et sont pour cela menacées de
coups de bâton par le chef de famille (les plus réussies, Dorine et Toinette, sont parmi les plus
beaux personnages de notre théâtre) 
** mais les choses changent au XVIIIe s : la domesticité devient une activité salariée
comme une autre et ce changement s’accompagne d’une bien plus forte mobilité (on a
retrouvé des livres de raison lyonnais où la durée moyenne en service est à peine supérieure à
un an ; la mobilité est si forte que les employeurs promettent d’augmenter les gages de plus de
10% si le domestique reste à son poste au moins 3 ans) 

* la loi reste très dure :


** le vol commis par un domestique sous le toit de son maître est considéré comme vol
aggravé
*** en 1735, un ancien domestique du marquis de Pardailhan est pendu à Paris pour
voir volé un louis d’or 
*** en 1759, une servante d’auberge de Vendôme, Marie Lanoue, est pendue pour
avoir volé un drap, un rideau, un tablier, une paire de bas et une cornette de nuit 
*** en 1767, à Toulouse, une servante de 17 ans est pendue pour avoir volé une petite
cuillère en argent
** ces exécutions passent de plus en plus mal et celle de Marie Lanoue a suscité un
« grand tumulte » (une véritable émotion populaire : la « populace », au sein de laquelle
plusieurs domestiques, se porte en foule vers l’auberge, insulte l’aubergiste, menace de lui
faire subir le sort de sa servante, casse ses carreaux et tente de mettre le feu à sa maison ; il
faut faire appel à un détachement de cavalerie pour dégager l’aubergiste)

la prostitution (Erica-Marie BENABOU, La prostitution et la police des mœurs au XVIIIe s,


Paris, Perrin, 1987)
* la prostitution est fermement condamnée par l’Eglise mais tolérée depuis des siècles

* cela dit, à l’époque moderne, la législation se durcit :


** l’arrivée de la syphilis, conséquence de la découverte des Amériques, explique l’édit
de 1560 demandant la fermeture de tous les « bordeaux » 
** nouveau durcissement sous Louis XIV :
*** les ordonnances de 1684 et 1713 affirment que les prostituées sont dangereuses
pour la société, la santé publique et la morale et prescrivent leur enfermement à l’Hôpital
général, où elles expieront leurs péchés par la prière, la pénitence et le travail
*** le lieutenant général de police a dès 1684 la haute main sur elles et leur impose la
détention ds des conditions épouvantables à la Salpêtrière, où elles sont souvent rasées et
fouettées ; cette politique répressive de la lieutenance générale de police se maintient voire se
durcit jusqu’en 1770 et fournit surabondamment la Salpêtrière : tous les ans, de 600 à 800
prostituées comparaissent devant le lieutenant général 
*** en 1747 est nommé un « inspecteur de police » chargé de la surveillance des
mœurs, qui resserre les mailles du filet, ds une boulimie policière d’infiltration : « pas un
étranger, pas un marquis, pas un magistrat, pas une actrice, pas un diplomate, pas un curé, pas
une maquerelle qui n’ait été suivie, écoutée et dont les emplois du temps galants n’aient été
minutieusement rapportés ds des notes de police » (entre 1755 et 1764, la principale cible est
le curé libertin : plus d’un millier d’ecclésiastiques sont arrêtés, 80% sont relâchés après
interrogatoire détaillé ; pour Erica-Marie BENABOU, c’est un volet de la lutte antijanséniste :
on intimide ainsi des curés jansénistes et on s’efforce plus encore de couper l’herbe sous le
pied à la propagande janséniste sur l’immoralité de l’Eglise officielle) 
** sous la Régence, l’arrêt du 10 mars 1720, pris sous l’impulsion de John Law, prescrit
d’expédier les prostituées, les mendiants et les vagabonds valides dans les établissements
français d’Amérique (origine du Manon Lescaut de l’abbé Prévôt, 1731) 
*** on manque alors de femmes dans les colonies françaises d’Amérique (on n’a pas
assez de « filles du roi » et de « filles à la cassette ») 
*** cette politique suscite de très rapides protestations et est assez vite abandonnée :
dès le 9 mai 1720, un arrêt du conseil de Régence interdit la transportation forcée des sujets
du roi vers le Mississipi
** au XVIIIe s, ds les grandes villes, des refuges religieux (la Madeleine, le Bon
Pasteur) accueillent les « filles repenties » et leur font mener une vie de mortification

* cela n’empêche pas la prostitution de très bien se porter à Paris, où l’on compterait
10.000 à 15.000 prostituées à la fin de l’AR, peut-être plus (BENABOU penchait pour
20.000-25.000, soit entre 3% et 8% des Parisiennes [Paris compte près de 600.000 habitants])
** les prostituées parisiennes sont jeunes (une sur deux a moins de 22 ans)
*** 75% d’entre elles viennent de province 
*** les contemporains voient ds la prostitution un fléau social plus qu’un péché, un
effet du manque d’emplois féminins (cf l’édit d’août 1776), les prostituées elles-mêmes se
considèrent victimes de la misère, de l’engrenage et des tentations de la ville 
** il y a plusieurs types de prostitution
*** bcp sont à temps partiel (ne s’adonnant à la prostitution en fin de journée que
lorsqu’elles ont besoin d’argent) et on trouve parmi elles nombre d’actrices, de lingères et
d’ouvrières en mode
*** les professionnelles travaillent assez souvent en bordeaux ou bordels (mais ces
établissements sont bcp moins réglementés qu’ils ne le seront au XIXe s) et sont généralement
sous la coupe de maquerelles ou de souteneurs, ds un milieu où pullulent les voleurs, les
escrocs, les indicateurs de police et les soldats (principaux clients et parfois souteneurs) 
*** échappent à la persécution les mieux protégées, celles qui ont un protecteur
débrouillard ou des clients puissants, les grandes courtisanes de la fin de l’AR comme :
Rosalie Duthé, aimée du duc de Chartres, du comte d’Artois et du comte de
Provence, qui a son carrosse et son hôtel particulier à l’angle de la rue de la Chaussée d’Antin
et de la rue Saint-Lazare
la Guimard, danseuse de l’Opéra entretenue par le prince de Soubise (qui lui verse
72.000 livres par an) et ayant pour greluchon (ou amant de cœur) un certain Dauberval (entre
1768 et 1772, elle avait une maison de campagne à Pantin incluant un théâtre où elle donnait
des spectacles licencieux, puis ab 1772 un hôtel particulier à la Chaussée d’Antin là encore
avec un théâtre de 500 places, où elle donnait 3 soupers par semaine [un avec de grands
seigneurs, un avec des artistes et des gens d’esprit et le 3e qui était une véritable orgie avec les
filles les plus lascives de Paris] ; en 1779, ces vers circulent à son sujet : « C’est Guimard
qu’on vient d’élire / Trésorière de l’Opéra, / On a raison car elle a / La plus grosse tirelire »)
Jeanne Bécu, qui atteint les sommets en 1768 en devenant maîtresse du roi (elle le
restera jusqu’à la mort de Louis XV, en 1774) et comtesse du Barry

les femmes travailleuses inattendues (Natalie ZEMON DAVIS)


* les batelières qui font traverser la Saône, marchandant le prix de la traversée tout en
ramant

* les femmes qui creusent des tranchées ou qui portent des fardeaux sur les chantiers de
construction (elles travaillent à côté d’hommes, journaliers sans qualification, mais perçoivent
un salaire qui n’est que la moitié ou le tiers du leur)

14. Femmes et sociabilité


141. Les sociabilités mixtes
à la campagne
* la veillée
** la pratique est encore assez générale, attestée en Champagne, Bourgogne, Lorraine,
Limousin (elle s’estompera au XIXe s) ; le soir, on se réunit à plusieurs familles de voisins au
coin du feu ; on se raconte des histoires en mangeant des châtaignes (ds les pays à
châtaigniers)
** c’est un moment important ds les relations entre garçons et filles : les filles filent ou
cousent, les garçons profitent de la pénombre pour leur chuchoter des compliments ou leur
lancer des baisers à la dérobée

* les fêtes
** les dimanches et fêtes chômées : au XVIIe s, il y a ds le diocèse de Paris 55 fêtes
chômées en plus des 52 dimanches (soit près du tiers des jours de l’année) ; l’année est ainsi
rythmée par des fêtes
*** les fêtes mobiles de Pâques, de l’Ascension [immédiatement précédée des
Rogations], de Pentecôte et de la Fête-Dieu 
*** les fêtes fixes les plus importantes sont la Saint-Michel le 8 mai, la Saint-Jean le
24 juin (très importante par ses célébrations : on fait des feux en plein air et la jeunesse saute
par dessus), l’Assomption le 15 août, la Nativité de la Vierge le 8 septembre, la Toussaint le
1er novembre, le Jour des morts le 2 novembre, la Saint-Martin le 11 novembre, Noël le 25
décembre, l’Epiphanie le 6 janvier, la Chandeleur le 2 février
** une fois par an a lieu la fête patronale, ie la fête du saint-patron de la paroisse :
*** c’est l’occasion d’un banquet et de jeux (quilles, boules, soule, paume, tir à l’arc,
courses, concours de lutte, cassage de pots, « fesser le mouton », « écorcher le renard »,
« abattis » d’une oie, d’un porc, d’un bœuf [élément de loisir meurtrier]) et de danses à forte
signification communautaire (danses en rond et en ligne, au son du violon, de la vielle, du
luth, du tambourin, parfois de la cornemuse ou musette) ; le groupe de jeunesse (abbaye de
jeunesse, bachellerie) joue un rôle très important ds la fête patronale, au grand dam du curé,
comme ds le Mardi-Gras et plusieurs autres fêtes
*** la ducasse ou anniversaire de la dédicace de l’église paroissiale peut ressembler à
la fête patronale
** il existe des fêtes liées au cycle agraire : fête des moissons, fête des vendanges ou
paulée (on a une très jolie paulée bourguignonne dans le film récent Ce qui nous lie) ; ce sont
des fêtes très arrosées et très joyeuses
** il existe un fête d’inversion, à savoir le Mardi-Gras (fête bachique qui précède
immédiatement l’entrée en Carême) ; on peut y associer une asinade ou asouade (le mari
mené par le bout du nez a droit à la promenade de l’âne)
** s’y ajoutent les fêtes familiales et notamment la célébration des mariages, toujours
occasion de festivités et de danses (on se marie un jour gras, en général lundi ou mardi), la
fête entre voisins qui suit la tuerie du cochon

* les processions, pardons, pèlerinages


** deux processions très importantes sont la procession des Rogations, juste avant le
jeudi de l’Ascension, et la procession de la Fête-Dieu, trois semaines plus tard ; lors de la
procession des Rogations, on fait des prières pour les récoltes en faisant le tour du finage ;
lors de la procession de la Fête-Dieu, on célèbre le Saint-Sacrement porté sous un dais en
faisant des haltes devant des reposoirs et en marchant sur des pétales de roses
** il peut y avoir, à la campagne, des pèlerinages locaux (à une chapelle, une source)
qui se font une fois l’an et rassemblent la communauté (élément important de la religion
populaire)
** en Bretagne, les pardons associent la messe, le pèlerinage et les festivités : ce sont
des fêtes localement très importantes (il y a en Bretagne 800 saints locaux et 6000 chapelles)

en ville
* la rue : la rencontre des deux sexes est permanente en ville par la rue
** Arlette FARGE a bien montré (La vie fragile) que les hommes et les femmes du
peuple urbain, très mal logés, vivent ds la rue ; on ne reste pas chez soi quand on peut s’en
dispenser, on se hèle d’une fenêtre à l’autre, on se tient sur le pas de sa porte les soirs d’été ;
du coup, la vie citadine est très bruyante (bruits d’escalier, bruits de portes, cris, appels,
menaces)
** la rue est ainsi pleine de femmes : revendeuses criant leurs marchandises, servantes
faisant les courses, blanchisseuses rapportant du linge à leurs clients, bonnes sœurs faisant la
charité, dames de qualité

* le cabaret et la taverne
** on les distingue à partir du XVIe s : le cabaret peut servir du vin au verre et de la
nourriture, la taverne ne peut servir que du vin au pot (c’est dc un lieu plus populaire, plus
faubourien, où le vin est d’ailleurs moins cher) ; on y joue aussi aux cartes, aux dames, à
d’autres jeux
** ce sont des lieux mixtes (contrairement à ce qu’affirme LS Mercier, les femmes
qu’on y voit ne sont d’ailleurs pas toutes de mauvaise vie ; on y va parfois en famille)

* les fêtes
** les fêtes de corporation ou de confrérie (fête du saint patron de la corporation, ds son
principe assez proche de la fête patronale d’un village) doivent être assez masculines
** les foires sont sans doute bcp plus mixtes : moment commercial accompagné de
festivités variées (jeux d’adresse et de force ; spectacles de marionnettes ou d’animaux ;
mascarades, danses, beuveries) ; pensez à la foire Saint-Germain à Paris (qui marqua
durablement le jeune Jean-Baptiste Poquelin) ou à la foire Saint-Laurent
** le Carnaval et le Mardi Gras sont tout à fait mixtes et s’accompagnent de très nb
mascarades (dès le XVIe s, le corps de ville de Lille fait interdire les masques, en raison « des
désordres et inconvénients préjudiciables au salut des âmes et au bien de la chose publique par
la licence que se donnent plusieurs personnes de l’un et de l’autre sexe d’aller par la ville
masquées ou autrement travesties »)
** l’octave de la Fête Dieu à Provins en 1570 offre un bel exemple de passage de la
non-mixité à la mixité : on assiste à la messe (les hommes d’un côté, les femmes de l’autre),
puis les hommes jouent aux boules pendant que les femmes jouent aux quilles, puis on
banquette ensemble sur des tables dressées dans la rue, puis on parcourt la ville en dansant
** les autorités s’efforcent d’encadrer les fêtes urbaines, qui leur font peur par leur
caractère bachique et potentiellement violent
*** dès le XVIIe s, elles interviennent et limitent le nb de jours de fêtes : à Paris, en
1515, il y avait 46 jours de fête chômée (en plus des dimanches), il n’y en a plus que 36 en
1666 (ce nb se maintient jusqu’à la RF)
*** au XVIIIe s, elles fournissent de plus en plus la matière du divertissement : « alors
qu’au XVIe siècle le peuple artisan offrait aux grands le spectacle des chevauchées de l’âne, au
XVIIIe siècle, ce sont les autorités qui offrent au populaire leurs feux d’artifice » (ROCHE et
GOUBERT)

142. Les sociabilités séparées


les sociétés de jeunesse, les compagnonnages et les confréries ne sont pas mixtes mais
purement masculins 
* ds les villages, les tavernes sont aussi exclusivement masculines 

* en ville, les loges maçonniques et les académies n’accueillent que des hommes (de
l’élite pour les académies, de l’élite et des classes moyennes pour les loges maçonniques)

les sociabilités féminines existent cependant :


* en ville, on peut citer les confréries de dévotion, qui étaient mixtes au XVIIe s et sont de
plus en plus désertées par les hommes au XVIIIe s, ou les sociétés de Dames charitables
(même si elles sont sous la houlette d’un prêtre) 
** mais les plus importantes sociabilités féminines sont informelles : ce sont les
sociabilités de voisinage (une femme gardera les enfants d’une voisine, la défendra si son
mari la maltraite, l’abritera même une heure ou deux si les choses dégénèrent)
** les hommes voient plutôt ds ces relations de voisinage la tendance naturelle des
femmes au bavardage et au commérage

* à la campagne, les femmes se rencontrent à la fontaine, au lavoir, au four, au moulin, se


rendent des services lors des accouchements (la matrone est souvent une voisine), mais
tiennent surtout entre elles une chronique des mœurs (elles notent les écarts de conduite,
surveillent les jeunes filles dont le ventre s’arrondit ou dont le linge n’est plus taché par les
menstrues, se chargeant ensuite de propager la rumeur, le « bruit public ») 
** cette « assemblées des commères » est importante au sens où elle est tout à la fois
« un forum d’actualités, une agence de contrôle social et un tribunal des déviants » (Sara
MATTHEWS GRIECO, Ange ou diablesse, La représentation de la femme au XVIe s, Paris,
Flammarion, 1991) ; « favorisant la transmission des normes morales, elles en tirent une
forme de pouvoir social tout en contribuant à perpétuer leur situation infériorisée » (D.
GODINEAU) 
** les femmes peuvent aussi se quereller, jusqu’à la violence physique, jusqu’à la rixe :
les archives sont pleines de batteries entre femmes, survenues souvent au lavoir (on se traite
de salope, de gueuse, de putain, on se menace de mort, on se donne des gifles, des coups de
battoir, des coups de sabots) ; cette violence n’est pas réservée aux femmes du peuple : à
Versailles aussi, nous dit-on (Journal de Dangeau), de grandes dames qui se refusaient la
préséance au passage d’une porte « se traitèrent de putains et s’envoyèrent faire foutre en
propres termes »

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