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HST 2264 Le Siècle des Lumières en Europe Semaine #8

Civilité
• Au début de l’époque moderne, on connaît les règles de bienséance sous le nom de
civilité.
• “Manière honnête, douce et polie d’agir, de converser ensemble.” — Dictionnaire de
Furetière (1690)
• Discipline imposée au corps et visible dans le comportement.
Développée dans l’Italie des XVe et XVIe siècles pour maintenir la paix sociale.
• Inspirée d’un concept néoplatonicien, selon lequel la qualité de l’âme se reflète dans
l’apparence et dans le comportement.
• Deux sources majeures:
• Baltassar Castiglione, Le courtisan (1528)
• Érasme de Rotterdam, Savoir-vivre à l’usage des enfants (1530)

Honnêteté
• Honnête homme: cultivé sans être pédant, curieux, raffiné, guidé par son sens moral,
courtois
• Honnête femme: au comportement irréprochable
• Pas du tout la même chose…

Tensions
• La civilité et l’honnêteté impliquent certaines tensions: doiton être spontané
(parfaitement candide) ou démontrer de la discipline (maîtrise de soi)?
• Importance de l’authenticité, de la délicatesse du coeur
• vs modération des sentiments pour laisser de la place à l’interlocuteur
• Comment, alors, connaître la personne qui se cache sous les bonnes manières?
• Politesse: une “fausse” civilité de façade, qui ne fait que suivre des règles, plutôt que
de démontrer une véritable grandeur d’âme?

Les salons
• Réunions d’hommes et femmes de lettres où l’on discute de littérature et (surtout à
partir du milieu du XVIIIe siècle) de politique
• Presque toujours accueilli par une femme de la noblesse (“salonnière”)
• Pas de “membres” officiels, que des invité(e)s plus ou ou moins réguliers
• Carolyn Lougee: on y mélange volontairement les origines sociales pour aplanir les
différences.

Salons du XVIIe
• Les salons apparaissent au XVIIe siècle. Le premier salon célèbre est celui de Catherine
Vivonne, marquise de Rambouillet (1588-1665).
• Invités: Corneille, Madame de Sévigné, La Rochefoucauld…
• Madeleine de Scudéry, salonnière elle-même, met les salons en scène dans Artamène
ou le Grand Cyrus
Horaires et sujets réguliers (thématiques, intérêts de l’hôtesse)
• Écrivains et philosophes y présentent leurs écrits pour fins de débat
• La salonnière dirige et discipline la conversation (Dena Goodman: la salonnière joue le
rôle d’un chef d’État)
• Pas de transcriptions, mais les idées percolent à travers la (haute) société

Le salon du baron d’Holbach


• Rare salon organisé par un homme, Paul Thiry, baron d’Holbach, un philosophe athée
• Regroupe Diderot, d’Alembert, Rousseau, Buffon, Beccaria, Smith, Hume, Gibbon,
Priestley, Helvétius…
• Noyau du groupe des Encyclopédistes

Ailleurs en Europe
• Blue Stockings Circles (~1750-1790): Phénomène britannique; cercles de discussion
intellectuelle autour d’une tasse de thé
• Inclut des femmes de classe moyenne, instruites au privé, qui souhaitent continuer
leur éducation
• Objectifs: parité hommes-femmes en éducation et dans la vie sociale/intellectuelle
• Italie: des salons similaires à ceux de la France, mais avec une discussion politique plus
restreinte (censure)

Une institution féministe?


• Arguments en faveur:
• Rôle des femmes: arbitre du goût (elles représentent le public élargi)
• Elles s’en servent pour s’instruire (vs. exclues des universités)
• Participation parfois active aux discussions
• Arguments contre:
• Servent surtout à promouvoir les invités masculins
• En tant qu’arbitres, les salonnières contribuent peu au contenu

Une institution des Lumières?


• Selon Dena Goodman, oui:
• Les éloges funèbres de femmes de lettres semblent démontrer la qualité des
discussions
• Selon Antoine Lilti, non:
• L’archive de police semble démontrer que les activités y sont frivoles: flirt,
gastronomie, théâtre amateur
• Probablement des exemples probants des deux côtés: les diplomates étrangers, suivis
par la police et mentionnés par Lilti, n’ont pas intérêt à participer aux discussions
politiques trop radicales…
Les “coffeehouses”
• Institution d’abord anglaise (Oxford, 1650), puis répandue ailleurs
• Lieu de commerce et de conversation politique
• Conversation alimentée par l’imprimé: journaux, pamphlets et broadsides
• Pas d’hôte(sse) ni besoin d’invitations pour entrer: plus démocratique mais plus
chaotique qu’un salon

• Image des cafés change après la Glorieuse Révolution de 1688-1689:


• Avant: la discussion libre et non censurée était source d’inquiétude pour la monarchie
Stuart
• Après: les Tories voient les cafés comme des lieux de sédition, mais pour les Whigs il
s’agit d’un lieu de renouveau de la société polie
• Lawrence Klein: facteur-clé dans la construction de la société civile en Grande
Bretagne (lieu d’éducation sociale)

Les cafés sur le continent


• France: plus de 600 cafés à Paris sous Louis XV (règne: 1715-1774)
• On y va après le théâtre pour discuter du spectacle
• Café Procope (f. 1689): lecture de mémoires, gazettes et correspondances
• Italie: lieu de discussion pour le théâtre, la littérature, la moralité; on y vend des
journaux

La franc-maçonnerie
• Une institution qui aplanit (quelque peu) la hiérarchie sociale
• Originalement une corporation formée de véritables maçons (Écosse, XVIe); réformée
en société pour inclure des membres d’origines diverses
• Grande Loge de Londres
• Livre des Constitutions de 1723 régit les activités

Franc-maçonnerie en Europe continentale


• France: premières loges en 1725-26, 50 loges en 1750, 300 en 1777, 600 à 900 en
1797
• Daniel Roche: un résident urbain sur 20 est francmaçon en 1789
• En Espagne dès 1728, en Italie dès 1723, dans les colonies…
• Et des réunions informelles avant la constitution de loges telles quelles
• En tout, des milliers de loges et une Grande Loge indépendante de Londres par pays.

Programme des francsmaçons


• S’opposent généralement à la religion organisée
• Bulle papale de 1738 interdit aux Catholiques de joindre une loge; peu d’effet
• Promotion de la tolérance, du progrès et de l’esprit critique
• Mais en pratique, c’est parfois moins clair
• Vision politique plus radicalement égalitaire que celle des Académies
• 74% de membres du Tiers état (vs 43%), très peu de clercs, recrutent des marchands,
manufacturiers…
• Fraternité à l’échelle européenne
• Amitié d’esprits vertueux qui entraîne la confiance et le soutien mutuels
• Accueil des “frères” maçons en voyage
• Secours financier
• Les hiérarchies sociales de l’extérieur sont cependant souvent reproduites à
l’intérieur, même si l’on progresse officiellement au mérite à l’intérieur de l’organisation

Structure et gouvernance
• Rêve manqué d’une association pan-européenne
• Grande Loge de Londres voudrait tout fédérer et
administrer l’ensemble
• Grand Orient de France revendique la souveraineté
pour chaque Grande Loge nationale
• Certains refusent de reconnaître les frontières étatiques
• Margaret C. Jacobs: la gouvernance des loges donne aux membres une expérience
politique réelle (taxation, assemblées nationales, loges mixtes) qui remet la monarchie
en question.

République des Lettres


• Communauté internationale de savants et de gens de lettres, qui vise à créer un
sentiment d’appartenance au-delà des frontières politiques, linguistiques, culturelles ou
religieuses
• XVIIe: regroupe ceux qui pratiquent la philosophie naturelle et s’éloignent des dogmes
religieux. Ex.: Galilée (1564-1642)
• XVIIIe: s’étend partout (correspondance, livres, idées) jusqu’en Amérique et en Asie

Académies et République des Lettres


• Les Académies font partie de la République des lettres
• Échanges formels entre institutions
• Réseaux de correspondants privés pour la plupart des académiciens. Ex.: Henri Louis
Duhamel du Monceau (1700-1782)

République des Lettres et religion


• Il ne faut pas trop insister sur l’opposition entre les savants et l’Église:
• Jésuites produisent beaucoup de connaissances
• La plupart des savants ne remettent pas l’existence de Dieu en question, quoiqu’ils
s’objectent souvent à la notion de miracles
• Sir Isaac Newton (1642-1727): Dieu a créé le monde et intervient seulement pour
corriger des imperfections
• Les ouvrages qui traduisent Newton insistent surtout sur la distance entre Dieu et le
monde
• Déistes, dont Voltaire: Dieu a créé le monde mais n’intervient plus jamais par la suite
• Un miracle n’est requis que si Dieu a commis une erreur; croire aux miracles est donc
une insulte envers Dieu.

Le Siècle des Lumières en Europe Semaine #9

Contexte du marché de l’imprimé


Un marché très différent…
• Pas de “maisons d’édition”, que des imprimeurs-libraires-éditeurs
• Presses manuelles
• Réseaux d’imprimeurs qui s’échangent leurs catalogues pour répondre à toutes les
commandes
• Vivre de sa plume quasiment impossible
• Privilège royal d’imprimer… mais piraterie universelle
• Très difficile de savoir ce qui se vendait!

Pratiques de lecture
• Lecture intensive: on possède peu de livres mais on les relit jusqu’à les mémoriser,
souvent en public et à haute voix
• Lecture extensive: on possède une plus grande quantité de matériaux (livres,
périodiques, pamphlets) que l’on lit une fois, souvent en privé
• Roger Chartier: lecture de plus en plus extensive au cours du XVIIIe
• Robert Darnton et John Brewer: pas tant que ça; plus de matériel, mais lecture
intensive perdure

La censure
• L’État surveille de qui est imprimé et publié
• De 1750 à 1789: entre 122 et 178 censeurs (souvent des auteurs, académiciens,
officiers royaux)
• La Direction de la Librairie passe en revue 200-400 ouvrages en 1700 et plus de 1000
en 1780
• Taux de refus assez bas (~10%)
• Daniel Roche: il y a plus de censeurs parce que la censure s’adoucit et qu’il devient
moins intéressant de publier dans l’illégalité
• Raymond Birn: le censure se relâche dans les années 1750 à cause de la demande du
public pour les auteurs (controversés) des Lumières
• On veut éviter que la manne économique aille à l’étranger
• On ajoute, en plus du privilège officiel, la “permission tacite” (pas de protection contre
le piratage, fausses adresses d’impression à l’étranger), permission verbale (le livre peut
circuler… pour le moment) et les approbations exceptionnelles.
• Les censeurs peuvent négocier les changements au texte avec les auteurs ou les faire
eux-mêmes, sans prévenir qui que ce soit
• L’Église, les Parlements et le Conseil royal se réservent le droit d’interdire
rétroactivement des textes approuvés.
• On surveille les libraires pour éviter la circulation d’ouvrages clandestins (interdits ou
versions piratées
d’ouvrages protégés par un privilège d’impression)
• Pour contourner le système: impression clandestine en ville ou importation illégale
• Mais il est plus simple de s’autocensurer pour éviter les problèmes…
• En Grande-Bretagne: plus de censure avant publication depuis 1695
• Licensing Act de 1662: donne au gouvernement le droit de surveiller tout ce qui se
publie et accorde un monopole sur la publication commerciale à la Stationers’ Company
• Pas renouvelé en 1695, après la Glorieuse Révolution (mais le gvt peut toujours
bloquer les textes obscènes, blasphématoires ou diffamatoires après publication)
• La fin du monopole de la Stationers’ Company entraîne la prolifération des journaux
• Copyright Act de 1709: Protection de 21 ans pour le droit d’auteur

Quantifier les ventes de livres?


• Une seule source complète: les archives de la Société typographique de Neuchâtel
(STN)
• Petit imprimeur-libraire suisse de faible envergure, en opération de 1769 à 1794
seulement
• Représentative?
• Robert Darnton: oui; tous les imprimeurs s’échangeaient leurs livres et vendaient la
même chose
• Simon Burrows et Mark Curran: non; représentatif du marché suisse, tout au plus
• Éléments bizarres: un “best-seller” que jamais personne n’a acheté!
• Mais les livres sont certainement plus disponibles au XVIIIe siècle qu’auparavant

L’évolution du marché
• Développement de formats plus petits (in-quarto, inoctavo) en plus du gros in-folio.
L’évolution du marché
• Prix diminuent
• 30% des salariés possèdent au moins in livre en 1780
• Bibliothèques familiales prennent de l’envergure entre la fin du XVIIe et le milieu du
XVIIIe:
• Bourgeoisie libérale: on passe de 1-20 livres à 20-100.
• Clergé: de 20-50 à 100-300
• Noblesse et grands officiers: de 1-20 à 300 et plus L’évolution du marché
• À Paris: une grande concentration de libraires-imprimeurs
• En province: habituellement 1-2 libraires majeurs dans chaque ville, quelques libraires
mineurs, colporteurs et autres vendeurs irréguliers qui rasent la campagne.
• Contenu des bibliothèques privées:
• Moins de livres religieux et de classiques de l’Antiquité,
plus d’arts, de sciences et de belles-lettres
• Attention: ne tient compte que des livres chers (et légaux!)
Accéder au livre
• Solutions alternatives à l’achat:
• Bibliothèques publiques (18 à Paris, au moins une dans 16 autres villes; ouvertes
quelques heures par jour et souvent pour une clientèle de savants seulement)
• Cabinet de lecture: salle de lecture rattachée à une librairie, où l’on peut lire à volonté
moyennant un abonnement payant; ouverts plus souvent et à un public plus large
(marchands, avocats, étudiants…)
• 13 à Paris et 36 en province vers 1789

Accéder au livre en Grande Bretagne


• En Grande-Bretagne, l’équivalent des cabinets de lecture est la “Circulating Library”
• Vivienne Dunstan: les professionnels achètent des livres utilitaires (manuels) et
empruntent des livres de divertissement à la Circulating Library
• Pas de source comparable aux siennes pour savoir si c’est la même chose en France,
du moins pour les cabinets qui prêtent des livres pour circulation au lieu de simplement
permettre de lire sur place
• Book Clubs (élite du village se réunit pour lire et discuter des livres en buvant du thé)
• Loueurs de livres qui prêtent de vieux livres pour quelques sous par jour

La littérature clandestine
• La majorité des livres sont inoffensifs (dévotion, manuels scolaires, romans, récits de
voyage) mais il y a aussi toute une panoplie de “livres philosophiques”
• Terme général qui inclut les Lumières mais aussi les libelles, la pornographie, etc.
• Robert Darnton: ces livres ont miné la légitimité du pouvoir royal et facilité la
Révolution: même certains des plus puissants lisaient Rousseau et Voltaire avec zèle

Le livre en Italie
• Pas de marché autosuffisant à cause du morcellement politique
• Libraires ont toujours besoin d’être subventionnés par des mécènes
• Publient donc surtout des livres de prestige (arts, architecture, classiques)
• Mais on importe beaucoup de livres de l’étranger, surtout de la France

Les périodiques Un “double marché” de l’information?


• Gilles Feyel: en France, il existe un double marché de l’information sous l’Ancien
Régime
• Gazette (Gazette de France après 1762) semiofficielle pour les nouvelles, à laquelle se
rattachent le Mercure de France (littéraire) et le Journal desSavants
• Quelques gazettes étrangères qui ont le droit de circuler en France mais qui coûtent
généralement beaucoup plus cher.
• Moins surveillées, mais leur droit de circulation peut être révoqué n’importe quand

La Gazette (de France)


• Fondée en 1631 par Théophraste Renaudot; hebdomadaire puis bihebdomadaire
après 1762
• De loin le périodique de nouvelles le plus lu jusqu’aux années 1770
• Privilège exclusif de publier des nouvelles politiques (les autres peuvent réimprimer
ses nouvelles plus tard, moyennant rétribution)
• Articles datés et géolocalisés mais non signés.

Le Mercure de France
• Fondé en 1672 (Mercure galant)
• Comparable à un magazine généraliste
• Contenu typique: poèmes, comptes-rendus d’ouvrages, jeux de vocabulaire, discours
d’académiciens, nouvelles du théâtre…
• Mensuel de 200+ pages

Journal des savants (sçavans)


• Première “revue scientifique” du monde occidental, fondée en 1665 toujours publié
en 2022.
• Contenu typique: 7-8 longs comptes-rendus d’ouvrages et/ou lettres ouvertes pour
entretenir les débats
• Ses rédacteurs sont souvent des académiciens et auteurs eux-mêmes, alors le ton est
généralement flatteur

La circulation des périodiques


• Tirages étonnamment faibles:
• Gazette: 15 000 en 1789, 17 000 pendant la Guerre de Sept ans.
• Mercure de France: environ 1 600 en 1763, 15 000 à 20 000 pour une version politisée
dans les années 1780
• Gazettes étrangères: souvent quelques dizaines ou quelques centaines d’abonnés en
France; quelques milliers dans les années 1780
• Gilles Feyel: chaque numéro passe entre 6-8 paires de mains; avec la lecture à haute
voix, marché de 500 000 lecteurs.

Les périodiques interdits


• Il existe aussi un nombre croissant de périodiques publiés hors du territoire français et
illégaux dans le royaume à cause de leur contenu
• 40 entre 1700 et 1710
• 98 dans les années 1740
• 188 entre 1771 et 1780

Un médium passif?
• Pierre Albert: sous l’Ancien Régime, la presse rend compte sans remettre en cause et
sans expliquer
• Peu de prestige ou d’influence
• Il faut attendre la Révolution pour que le journalisme devienne un métier respecté et
indispensable
• Jeremy Popkin: 300 000 exemplaires et 3 millions de lecteurs pour les journaux
révolutionnaires de 1789-90
• “Nouvelles à la main”, manuscrites et plus ou moins clandestines, restent un
concurrent significatif de la presse chez les bien connectés

La presse dans l’Empire britannique


• Journaux libres de toute censure (du moins avant publication)
• Plus nombreux, plus lus, plus intéressants
• Opération commerciale: première page souvent consacrée aux petites annonces
• Journalisme de repiques (“cut and paste”) assez fréquent
• Éditeur s’abonne à des journaux d’ailleurs dans

l’Empire et copie leurs nouvelles pour ses lecteurs.


Littérature de colportage
• Toutes sortes de littératures, souvent (mais pas toujours) destinées aux classes
populaires, existent en marge du livre
et des périodiques “officiels”
• “Canards”: histoires de monstres, de crimes…
• Images religieuses
• Chansons
• Almanachs
• Mais surtout: la Bibliothèque bleue
• Vendu de porte à porte ou de village en village par des colporteurs plus ou moins
indépendants

La bibliothèque bleue
• Nommée d’après la couleur de ses couvertures
• Apparaît à Troyes (Champagne) au début du XVIIe
• Collection bigarrée (romans de chevalerie, livres de recettes, vie de saints,
burlesque…)
• Certains remontent à la Renaissance, d’autres sont des versions modifiées d’ouvrages
dont le privilège vient d’expirer
• Constamment adaptés, découpés, édités en fonction des “besoins” d’un lectorat
modestement alphabétisé (mais parfois les coupures ne tiennent pas debout)
• On ne sait pas exactement combien de livres bleus se vendaient, mais la demande est
soutenue
• Geneviève Bollème: environ 450 titres restent dans la collection du XVIIe au XIXe; 150
imprimeurs impliqués
• Vers 1740: environ 520 colporteurs de livres bleus
• Pas beaucoup de concurrence en campagne

Le public de la Bibliothèque bleue


• Plus étendu qu’on pourrait le croire
• Lise Andries: artisans, domestiques, petits commerçants, couches populaires
nouvellement alphabétisées
• Roger Chartier: au XVIIe, de petits notables et avocats qui délaissent les livres bleus au
XVIIIe
• Mais les lectures populaires traversent les frontières de classe à toutes les époques!

Littérature populaire en Grande-Bretagne


• “Chapbooks”: les équivalents de la bibliothèque bleue
• Bon marché, imprimés par centaines de milliers
• Contes traditionnels, récits moralisateurs, romans abrégés
• Littérature jeunesse apparaît à la fin du XVIIe et au début du XVIIe.
• Romans adaptés, livres de vulgarisation scientifique (Tom Telescope enseigne les idées
de Newton)
• Polices de caractères plus grosses, contenu simplifié, messages édifiants (les bons
gagnent, la vertu se reflète dans le comportement…)

Le Siècle des Lumières en Europe Semaine #10

Les Encyclopédistes
• Denis Diderot (1713-1784)
• Rédacteur en chef principal mais pas toujours commode!
• Auteur d’un grand nombre d’articles sur la géographie, la physiologie et l’histoire
naturelle
• Philosophe de premier plan, radical, persécuté?
• Jean le Rond d’Alembert
(1717-1783)
• Mathématicien et académicien
• Rédacteur en chef secondaire: astronomie, maths, physique, musique
• Son article sur Genève attire les foudres des censeurs
• Quitte le projet en 1758-59. Les Encyclopédistes
• Louis de Jaucourt (1704-1780)
• Chevalier de haute noblesse et médecin
• Rédige plus de 17 000 articles (géographie, médecine, plusieurs autres sujets) sans
rémunération
• Porte le projet à bout de bras vers la fin
• André-François Le Breton (1708-1779)
• Libraire-imprimeur
• Obtient le privilège de traduire le Cyclopedia d’Ephram Chambers
• Embauche Diderot et d’Alembert; finance le projet Les Encyclopédistes
• Certains des plus grands esprits du siècle contribuent sur leurs champs d’expertise
• Le cartothécaire de la marine, Jean-Nicolas Bellin, sur des sujets marins (plus de 1000
articles)
• L’explorateur Charles-Marie de La Condamine, sur l’Amérique latine
• Le physiocrate François Quesnay, sur l’économie et la métaphysique
• Voltaire, sur la philosophie et la littérature (environ 40 articles)
• D’autres écrivent sur des sujets auxquels nous n’avons pas tendance à les associer
aujourd’hui…
• Montesquieu sur le goût
• Jean-Jacques Rousseau sur la musique
• … ou sur une variété étonnante de thèmes
• Paul Thiry d’Holbach sur les sciences de la terre, la religion et la politique
• Anne-Robert-Jacques Turgot sur l’étymologie, la philosophie, la physique et
l’économie
• Environ 160 contributeurs au total (nombre exact inconnu)
• Beaucoup d’articles non signés
• Peu d’informations sur le processus de rédaction
• Certains se sont retirés avant de livrer leurs textes (ex.: Buffon) ou ont demandé qu’on
ne les publie pas pour éviter la controverse.

Projet philosophique,
projet éducatif
Contenu
• 28 volumes (17 d’articles, 11 de planches)
• Publiée entre 1751 et 1772
• Plus de 70 000 articles et 2 500 illustrations

Objectifs du projet
• Éduquer: la connaissance comme outil d’amélioration du monde
• Diderot insiste sur les arts et métiers, les techniques et outils des artisans (vs.
érudition stérile)
• Favoriser l’invention de nouvelles machines
• Messages politiques et intellectuels
• Description de formes de gouvernement bien différentes de la monarchie française…

Inspirations
• Les dictionnaires des XVIIe et XVIIIe siècles
• Surtout: Dictionnaire historique et critique de Pierre Bayle (2 vols., 1697)
• Cyclopedia d’Ephram Chambers (1728)
• L’oeuvre des académies, des savants…

Système de la connaissance
• Un modèle de cohérence pour le lectorat
• La connaissance est ordonnée… contrairement à la société environnante, qui est
chaotique et absurde
• Remise en question de l’incohérence des autorités reçues en matière de
connaissances, au profit de la raison, de l’observation…
• … ce qui implique de faire de même en matière de politique et de religion
• Message reçu?
• Difficile à dire…
• Mais le texte se répand partout en Europe, à des dizaines de milliers d’exemplaires,
notamment chez les classes dominantes
• Alors une influence considérable est au moins plausible

L’Encyclopédie comme moteur économique


Première édition
• Le prospectus de 1750 attire ~4000 abonnements
• In-folio de luxe
• Ventes de 4 millions de livres pour des frais de 500 000 livres
• Salaire de Diderot: 80 000 livres
• ÉNORME profit

Autres éditions
• Des versions in-quarto, puis in-octavo (de poche) beaucoup moins chères et plus
répandues apparaisset entre 1771 et 1782.
• 6 en tout avant 1780; 25 000 exemplaires vendus avant 1789 en incluant les éditions
in-folio, in-quarto et inoctavo, dont 11 500 en France
• Des encyclopédies rivales, parfois plus ou moins piratées
• Charles-Joseph Panckoucke (1736-1798) encourage Diderot à produire une suite, puis
publie un Supplément en quatre volumes sans lui

Moteur économique
• Plus de 1000 ouvriers employés
• 1% de la population de Paris en dépend
• Entreprise chaotique dont les promoteurs se trahissent, se traitent mutuellement de
brigands, promettent n’importe quoi pour vendre…
• “Capitalisme de butin”

L’Encyclopédie Méthodique
• Années 1780: Charles-Joseph Panckoucke (1736-1798) promet une édition revue et
corrigée de fond en comble en 42 volumes
• Le projet boursoufflé atteint environ 200 volumes lorsque la fille de Panckoucke arrête
la production… en 1832. La clientèle de l’Encyclopédie
• Centres culturels et administratifs, plutôt que villes protoindustrielles et campagnes
• Administrateurs, professions libérales, noblesse
• Sature les couches supérieures, traverse les classes moyennes, à peu près invisible
dans les classes populaires
• Diffusion à partir du sommet, qui dépasse les salons et les académies mais sans
atteindre toute la société

L’Encyclopédie et la censure
Un projet risqué
• L’Encyclopédie remet en question l’autorité, en particulier celle de la religion et de la
Bible, ce qui attire l’attention de la censure.
• Aussi plusieurs passages qui s’opposent au droit divin des monarques, aux prétentions
des aristocrates…
• Publication suspendue en 1752, mise à l’index et révocation du privilège royal en 1759
Une aide en sous-main
• Cependant, le Directeur de la Librairie, Chrétien-Guillaume de Lamoignon de
Malesherbes (1721-1794), apporte un soutien semi-officiel au projet
• Partisan (modéré) des Lumières et ami de Jaucourt
• Permet la publication des dix derniers volumes de texte en 1765, avec une adresse
fictive en Suisse
• 11 volumes de planches publiés en 1772, suivi des quatre volumes de suppléments de
Panckoucke Une aide en sous-main
• Pourquoi une adresse de publication fictive en Suisse?
• Pour que l’on puisse faire comme si la censure n’y pouvait rien…
• … tout en gardant l’activité économique à Paris
• La persécution des années 1750 se transforme en protection quasi-ouverte dans les
années 1770

Étude de cas: la géographie dans l’Encyclopédie


La géographie dans l’Encyclopédie
• Une science à la mode au XVIIIe siècle
• Production abondante de savoir géographique
• Consommation: récits de voyage, jeux, discours…
• 14 547 articles géographiques dans l’Encyclopédie (20% du total)
• 6 053 articles de tous genres (histoire naturelle, économie, botanique…) qui
mentionnent l’un ou l’autre des quatre continents connus: Amérique, Europe, Asie,
Afrique
• Un corpus trop vaste pour la lecture rapprochée
• Solution: méthodes numériques (statistique,
apprentissage machine, etc.)
• Première étape: apprentissage machine non supervisé, pour trouver d’éventuelles
structures dans le corpus et savoir où concentrer les efforts
• Textes très représentatifs ou très uniques
• En comptant les mots les plus fréquents: sans surprise, le corpus est urbain et euro
centrique
• Mais pour aller plus loin, il faut des méthodes plus compliquées…

Exploration avec l’analyse factorielle


• Analyse factorielle des correspondances
• Méthode statistique développée en France par Jean-Paul Benzécri
• Représentation graphique des similitudes entre différentes parties d’un corpus
L’histoire au XVIIe siècle
Synonyme de politique
• énumération érudite des guerres, diplomatie, actes des grands personnages)
• Empreinte de religion
• Jacques Bénigne Bossuet (1627-1704): Dieu et sa Providence sont le moteur du
changement historique, selon son Discours sur l’Histoire universelle de 1681.
Une véritable histoire philosophique
• S’intéresse à l’humanité toute entière (commerce, arts, sciences, sociétés non
européennes…)
• Cherche des causes humaines aux changements historiques (en utilisant la raison)
• S’intéresse au progrès historique, à identifier des lois générales de l’histoire
• S’intéresse au quotidien, y compris celui des grands personnages, et à la façon dont les
gens vivent les événements
Le “message” de l’histoire
• On écrit une histoire plus sentimentale, qui incite le public à ressentir de l’empathie
envers les acteurs historiques (pour devenir plus vertueux)
• Lord Kames (Elements of Criticism, 1762): il faut transporter le lecteur dans le passé
pour qu’il s’engage émotionnellement.
• Adam Ferguson (Essai sur l’histoire de la société civile, 1767): le récit doit susciter la
compréhension 3des différences dans la conduite des individus.

Premier courant
• Histoire critique et philosophique de la civilisation
• Voltaire (Essai sur les moeurs et l’esprit des nations, 1756): louange les bienfaits du
progrès technique et du commerce, utilise la géologie plutôt que la Bible pour sa
chronologie
• William Robertson (1721-1793): étudie le peuple, le droit, le commerce et la propriété
privée pour bien comprendre les sociétés.

Deuxième courant
• Histoire naturelle de la société civile (philosophie du progrès historique)
• Montesquieu (Esprit des lois, 1748) étudie l’histoire des sociétés pour justifier ses
préférences
• Adam Ferguson (1723-1816): l’histoire de l’humanité est divisée en étapes et marquée
par le progrès vers une meilleure organisation du travail, de la propriété et du
gouvernement: vie sauvage, “barbarie”, civilisation

Troisième courant
• Histoire philosophique des grands narratifs
• Edward Gibbon (1737-1794) combine l’histoire érudite et un argument philosophique
sur les bienfaits de la paix et de la civilisation dans son Histoire du déclin et de la chute
de l’Empire romain.
La conception de l’être humain selon Buffon
• Rappel: Georges Louis Leclerc, comte de Buffon, considère que l’être humain est une
espèce distincte des animaux à cause de l’existence de l’âme
• “Variétés dans l’espèce humaine”:
• Classifie les peuples selon des critères physiques (couleur de peau, couleur des
cheveux, forme des lèvres, du visage, du nez), les moeurs, les climats
• Cherche à expliquer les différences physiques
Une ou plusieurs espèces?
• Voltaire (Traité de métaphysique): les êtres humains peuvent être classés en races qui
existent depuis toujours
• Buffon: non, tous les humains appartiennent à la même espèce et ce sont le climat, le
style de vie, la nourriture qui expliquent les différences.
• Ex.: la couleur de peau est héréditaire mais elle peut changer si l’on change de climat
• Buffon introduit beaucoup de catégories (nuancées)
• Mais il pense que l’être humain est apparu en Europe
et ques les Européens constituent le modèle humain typique Climats et progrès
• Les philosophes essaient de comparer les sociétés pour comprendre le progrès
• Plusieurs, comme Buffon, font appel au climat et aux moeurs
• Ex.: un climat trop doux n’encourage pas le travail; un climat trop dur les empêche de
se développer
• La nature est donc vue comme un déterminant (partiel mais significatif) du progrès
des sociétés.

La physiognomie
• Tentative de classer les personnalités et les traits de caractère des individus à partir de
l’apparence physique, en particulier celle des yeux et du visage.
• Johann Kaspar Lavater (1741-1801): la lecture globale du visage est insuffisante, il faut
mesurer chaque trait séparément (yeux, forme des lèvres, etc.)
• Influencé par le développement de l’anatomie descriptive
• Longue influence dans les arts, la littérature, la police

La critique des empires


• Adam Smith, Jeremy Bentham: le libre échange est supérieur au mercantilisme alors
les empires sont inutiles
• Mirabeau: le système colonial est injuste alors l’indépendance des colonies est
inévitable

L’Histoire des deux Indes


• Oeuvre collective compilée par l’abbé Guillaume-Thomas Raynal (1713-1790)
• Trois éditions (1770, 1774, 1780), réimprimées au moins 48 fois.
• Traduite en anglais, allemand, espagnol
• Beaucoup de collaborateurs anonymes, mais Denis Diderot est fortement impliqué
dans l’édition de 1780.
Une oeuvre anticolonialiste?
• Message parfois contradictoire qui se radicalise avec le temps.
• Passages qui vantent les mérites de l’empire, d’autres qui dénoncent les torts causés
aux peuples colonisés
• Version de 1770 acceptée, 1774 mise à l’index, 1780 interdite par le gouvernement à
cause de ses critiques trop virulentes contre la politique coloniale française
• Critiques principales: l’esclavage, la destruction des peuples colonisés, la
dégénérescence de ceux qui en profitent

Tensions dans le message


• Les articles de Diderot sont les plus virulents; Raynal luimême était probablement
beaucoup plus modéré.
• Marco Platania: au début, l’ouvrage était procolonialiste et voulait montrer comment
bâtir un nouvel empire colonial français sur de meilleures bases (en s’inspirant du
modèle britannique)
• Diderot, lui, ne fait pas dans la dentelle et il critique durement tous les modèles
impériaux.
• Des contemporains, comme Thomas Paine, critiquent un contenu qu’ils considèrent
inadéquat.

Les réseaux antiesclavagistes


• L’histoire des deux Indes a une influence durable, notamment pour son message anti-
esclavagiste.
• Réseaux anti-esclavagistes transatlantiques promeuvent une émancipation graduelle
et l’éducation des captifs, pour des motifs économiques
• Société des Amis des Noirs (1788) réunit Condorcet, Jacques-Pierre Brissot, etc.
• Mais ils restent minoritaires

La base de données sur la traite transatlantique


• Retrace, par le nombre sinon par le nom, quelque 12,5 millions de captifs (entre 1501
et 1867)
• Démontre que la traite est particulièrement intense entre 1780 et 1840 et qu’elle suit
des routes commerciales bien établies.
• 44% des voyages de traite français commencent à Nantes; 90% finissent dans les
Caraïbes

L’esclavage autochtone
• 2 à 4 millions d’autochtones sont capturés et réduits en esclavage entre le XVe et le
XIXe siècles.
• En Nouvelle-France, les captifs constituent non seulement de la main d’œuvre mais
aussi des outils politiques
Production des savoirs
• Dans le monde atlantique, le savoir est une marchandise de grande valeur
• Comment exploiter les cultures lucratives, trouver les bonnes routes maritimes,
préserver les marins et les colons du scorbut et des maladies tropicales
• (Et garder les captifs en vie pour qu’ils travaillent…)
• La science a donc une dimension utilitaire Production des savoirs
• La notion d’utilité s’étend beaucoup plus loin
• Compréhension et manipulation du climat
• Voyages d’exploration
• Enquêtes auprès des administrateurs coloniaux et mobilisation des bureaucraties
impériales
• Livres de bord des navires compilent des données météorologiques et hydrologiques
• Mais les administrations sont rarement en mesure d’exploiter toute cette masse de
données brutes

“Mercantilisme épistémologique” ?
• Le savoir vaut cher et les empires souhaitent le conserver
• Jose Cañizares-Esguerra et Antonio Barrera-Osorio: le culte du secret a entraîné une
sous-estimation du progrès scientifique dans les empires ibériques
• Ralph Bauer: c’est une forme de mercantilisme épistémologique
• En pratique, l’information circule plus facilement que les autorités le souhaiteraient:
échanges informels, publications illicites, captures d’individus-clés.

Un système rentable?
• Pieter Emmer: pas tellement (le commerce transatlantique est une fraction du PIB de
l’Europe)
• Mais certains secteurs sont très influents:
• le poisson américain nourrit les pays catholiques
• l’argent mexicain et péruvien finance l’empire espagnol
• le commerce colonial oriente l’économie britannique
• le sucre nourrit, préserve, soigne et réduit la pression sur l’agriculture métropolitaine
• Le mercantilisme ne fonctionne pas très bien
• Des grandes familles accumulent leurs fortunes grâce à la contrebande
• Les États-Unis importent d’Europe et réexportent à l’extérieur des empires d’origine
• Les autorités locales ferment les yeux lorsque la contrebande est la meilleure façon
d’accéder à des biens de qualité à un prix raisonnable
• Wim Klooster: 75% du coton à Saint-Domingue (1770-1790) et 97% de tout le
commerce en Louisiane (1770-1780) entre en contrebande.

La circulation de l’information
• Vitesse et fréquence des échanges d’information entre les colonies et les métropoles
dépendent du climat et de l’économie locale
• Canada: un vaisseau royal par année; ports fermés 5-6 mois par an
• Caraïbes françaises: bateaux commerciaux aux deux semaines, toute l’année
• Empire britannique: navires partent vers les colonies majeures à tous les mois; des
individus traversent l’Atlantique fréquemment (Benjamin Franklin: 8 aller-retours)

Le “Grand Tour”
• Voyage éducatif pour l’aristocratie (surtout britannique) qui dure 2 à 3 ans
• Sommet de popularité entre 1700-1760, puis entre 1815 et 1835.
• Destination: Italie surtout, mais aussi Paris, Allemagne, Suisse et (vers la fin du XVIIIe
siècle) la Grèce
• On veut voir Rome, les monuments, les oeuvres d’art, Pompéi…
• Justifications officielles du Grand Tour:
• Perdre les préjugés nationaux
• Intégrer les normes d’interactions sociales
• Apprendre l’indépendance
• Raisons moins avouables en bonne société…
• Plaisirs sexuels, alcool, jeux de hasard
• Le Grand Tour a ses détracteurs, qui invoquent:
• Syphilis et autres ITS (infertilité, troubles mentaux, décès)
• Enfants illégitimes
• Mariages non approuvés par la famille
• Acculturation exagérée: les “macaronis”

Logistique du “Grand Tour”


• On visite surtout de grandes villes (Paris, Rome, Florence…)
• Carrosses démontés pour traverser les cols des Alpes!
• Les voyageurs utilisent leurs propres carrosses, en louent ou utilisent des “transports
publics”
• Logement généralement apprécié
• Cuisine et boissons parfois critiquées (par chauvinisme)

Les récits et guides devoyage


• Aident les voyageurs à se préparer
• Donnent un accès au monde à la majorité qui ne voyage pas
• Immensément populaires: 3540 récits publiés au cours du XVIIIe siècle selon la
Bibliothèque universelle des voyages de Gilles
Boucher de la Richarderie (1808)
James Cook Bougainville

La popularité des récits


• Bougainville et Cook : best-sellers en France
• Voyage de George Anson: cinq éditions la première année
• John Hawkesworth: plus forte avance à un auteur de tout
le XVIIIe siècle (6000 livres) pour ses récits des voyages de Cook, Wallis, Byron et
Carteret.
• Livres de Hawkesworth sont les plus empruntés à la bibliothèque de Bristol entre 1773
et 1784.
• Selon Daniel Roche: une littérature de masse

Les ouvrages de description


• Cousins des récits de voyage, qui présentent des lieux, des personnes, des œuvres
d’art ou des événements en (très) grand détail
• Tableau de Paris de LouisSébastien Mercier: 12 volumes publiés entre 1781 et 1788
• Pour les voyageurs mais aussi pour les locaux, qui veulent reconnaître leurs ennemis

Les femmes et les voyages


• Les femmes aussi voyagent et écrivent au sujet de leurs expériences
• Par exemple sous forme épistolaire, un genre souvent associé aux femmes car il laisse
place à l’émotion et à la sensibilité
• On se méfie de tous les voyageurs, mais encore plus des femmes, considérées comme
facilement emportées par l’imagination

La querelle des voyages


• Peut-on se fier aux récits de voyages?
• Philosophes et géographes: non, ils mentent et/ou copient ce qu’ils ont lu ailleurs,
sans l’avoir observé
• Voyageurs: oui, nous sommes des témoins empiriques bien plus valides que les scribes
qui ne sortent jamais de chez eux
• Dans les faits, il y a des arguments troublants des deux côtés…

Giuseppe Baretti
• Journaliste et enseignant italien qui vit longtemps à Londres
• Dénonce les voyageurs qui voient peu et posent encore moins de questions
• Dénonce les voyageurs qui cherchent surtout à trouver le pays de leurs rêves

Le Pacifique sud
• Méconnu au XVIIIe siècle car:
• Long et difficile à traverser
• Vents et courants mal cartographiés
• Difficile d’accès (détroit de Magellan ou cap Horn)
• Difficile de calculer la longitude pour s’orienter dans un espace immense et presque
vide

Pourquoi explorer?
• Terra Australis: une opportunité coloniale?
• On soupçonne toujours l’existence d’un vaste continent, représenté ici sur une carte
de Mercator datant du XVIe siècle.
• Aussi pour des motifs scientifiques (parfaire les instruments et techniques de
navigation, les connaissances astronomiques…)
• Pour préciser les cartes et repérer des escales pour le ravitaillement des navires
• Parfaire les connaissances en matière d’hygiène maritime
• Tout cela, pour des raisons stratégiques et militaires Endeavor, navire de James Cook
• Pour connaître les mœurs des peuples étrangers
• Ci-contre: portrait d’un autochtone de la Terre de Feu, tracé lors du second voyage de
James Cook en 1774.

Le chronomètre maritime de John Harrison (1755)


• Pour calculer la longitude à bord des navires
• Sécurise les voyages Les publics des récits
• D’abord les autres navigateurs qui veulent planifier leurs propres voyages
• Où aller? Où se ravitailler? Comment trouver les bons ports?
• Quels obstacles éviter? Les publics des récits
• Ensuite les adeptes de connaissances géographiques
• Il faut raffiner des connaissances bien imparfaites…
• Et le “public” du colonialisme
• On présente les nouveaux territoires comme des extensions possibles de l’Europe…
• … à condition de les “domestiquer”

Les publics des récits


• Le grand public
• À la recherche d’aventure (frissons et catastrophes!)
• Affolé par les descriptions du scorbut
• Et par la nourriture putride des pauvres marins

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