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Civilité
• Au début de l’époque moderne, on connaît les règles de bienséance sous le nom de
civilité.
• “Manière honnête, douce et polie d’agir, de converser ensemble.” — Dictionnaire de
Furetière (1690)
• Discipline imposée au corps et visible dans le comportement.
Développée dans l’Italie des XVe et XVIe siècles pour maintenir la paix sociale.
• Inspirée d’un concept néoplatonicien, selon lequel la qualité de l’âme se reflète dans
l’apparence et dans le comportement.
• Deux sources majeures:
• Baltassar Castiglione, Le courtisan (1528)
• Érasme de Rotterdam, Savoir-vivre à l’usage des enfants (1530)
Honnêteté
• Honnête homme: cultivé sans être pédant, curieux, raffiné, guidé par son sens moral,
courtois
• Honnête femme: au comportement irréprochable
• Pas du tout la même chose…
Tensions
• La civilité et l’honnêteté impliquent certaines tensions: doiton être spontané
(parfaitement candide) ou démontrer de la discipline (maîtrise de soi)?
• Importance de l’authenticité, de la délicatesse du coeur
• vs modération des sentiments pour laisser de la place à l’interlocuteur
• Comment, alors, connaître la personne qui se cache sous les bonnes manières?
• Politesse: une “fausse” civilité de façade, qui ne fait que suivre des règles, plutôt que
de démontrer une véritable grandeur d’âme?
Les salons
• Réunions d’hommes et femmes de lettres où l’on discute de littérature et (surtout à
partir du milieu du XVIIIe siècle) de politique
• Presque toujours accueilli par une femme de la noblesse (“salonnière”)
• Pas de “membres” officiels, que des invité(e)s plus ou ou moins réguliers
• Carolyn Lougee: on y mélange volontairement les origines sociales pour aplanir les
différences.
Salons du XVIIe
• Les salons apparaissent au XVIIe siècle. Le premier salon célèbre est celui de Catherine
Vivonne, marquise de Rambouillet (1588-1665).
• Invités: Corneille, Madame de Sévigné, La Rochefoucauld…
• Madeleine de Scudéry, salonnière elle-même, met les salons en scène dans Artamène
ou le Grand Cyrus
Horaires et sujets réguliers (thématiques, intérêts de l’hôtesse)
• Écrivains et philosophes y présentent leurs écrits pour fins de débat
• La salonnière dirige et discipline la conversation (Dena Goodman: la salonnière joue le
rôle d’un chef d’État)
• Pas de transcriptions, mais les idées percolent à travers la (haute) société
Ailleurs en Europe
• Blue Stockings Circles (~1750-1790): Phénomène britannique; cercles de discussion
intellectuelle autour d’une tasse de thé
• Inclut des femmes de classe moyenne, instruites au privé, qui souhaitent continuer
leur éducation
• Objectifs: parité hommes-femmes en éducation et dans la vie sociale/intellectuelle
• Italie: des salons similaires à ceux de la France, mais avec une discussion politique plus
restreinte (censure)
La franc-maçonnerie
• Une institution qui aplanit (quelque peu) la hiérarchie sociale
• Originalement une corporation formée de véritables maçons (Écosse, XVIe); réformée
en société pour inclure des membres d’origines diverses
• Grande Loge de Londres
• Livre des Constitutions de 1723 régit les activités
Structure et gouvernance
• Rêve manqué d’une association pan-européenne
• Grande Loge de Londres voudrait tout fédérer et
administrer l’ensemble
• Grand Orient de France revendique la souveraineté
pour chaque Grande Loge nationale
• Certains refusent de reconnaître les frontières étatiques
• Margaret C. Jacobs: la gouvernance des loges donne aux membres une expérience
politique réelle (taxation, assemblées nationales, loges mixtes) qui remet la monarchie
en question.
Pratiques de lecture
• Lecture intensive: on possède peu de livres mais on les relit jusqu’à les mémoriser,
souvent en public et à haute voix
• Lecture extensive: on possède une plus grande quantité de matériaux (livres,
périodiques, pamphlets) que l’on lit une fois, souvent en privé
• Roger Chartier: lecture de plus en plus extensive au cours du XVIIIe
• Robert Darnton et John Brewer: pas tant que ça; plus de matériel, mais lecture
intensive perdure
La censure
• L’État surveille de qui est imprimé et publié
• De 1750 à 1789: entre 122 et 178 censeurs (souvent des auteurs, académiciens,
officiers royaux)
• La Direction de la Librairie passe en revue 200-400 ouvrages en 1700 et plus de 1000
en 1780
• Taux de refus assez bas (~10%)
• Daniel Roche: il y a plus de censeurs parce que la censure s’adoucit et qu’il devient
moins intéressant de publier dans l’illégalité
• Raymond Birn: le censure se relâche dans les années 1750 à cause de la demande du
public pour les auteurs (controversés) des Lumières
• On veut éviter que la manne économique aille à l’étranger
• On ajoute, en plus du privilège officiel, la “permission tacite” (pas de protection contre
le piratage, fausses adresses d’impression à l’étranger), permission verbale (le livre peut
circuler… pour le moment) et les approbations exceptionnelles.
• Les censeurs peuvent négocier les changements au texte avec les auteurs ou les faire
eux-mêmes, sans prévenir qui que ce soit
• L’Église, les Parlements et le Conseil royal se réservent le droit d’interdire
rétroactivement des textes approuvés.
• On surveille les libraires pour éviter la circulation d’ouvrages clandestins (interdits ou
versions piratées
d’ouvrages protégés par un privilège d’impression)
• Pour contourner le système: impression clandestine en ville ou importation illégale
• Mais il est plus simple de s’autocensurer pour éviter les problèmes…
• En Grande-Bretagne: plus de censure avant publication depuis 1695
• Licensing Act de 1662: donne au gouvernement le droit de surveiller tout ce qui se
publie et accorde un monopole sur la publication commerciale à la Stationers’ Company
• Pas renouvelé en 1695, après la Glorieuse Révolution (mais le gvt peut toujours
bloquer les textes obscènes, blasphématoires ou diffamatoires après publication)
• La fin du monopole de la Stationers’ Company entraîne la prolifération des journaux
• Copyright Act de 1709: Protection de 21 ans pour le droit d’auteur
L’évolution du marché
• Développement de formats plus petits (in-quarto, inoctavo) en plus du gros in-folio.
L’évolution du marché
• Prix diminuent
• 30% des salariés possèdent au moins in livre en 1780
• Bibliothèques familiales prennent de l’envergure entre la fin du XVIIe et le milieu du
XVIIIe:
• Bourgeoisie libérale: on passe de 1-20 livres à 20-100.
• Clergé: de 20-50 à 100-300
• Noblesse et grands officiers: de 1-20 à 300 et plus L’évolution du marché
• À Paris: une grande concentration de libraires-imprimeurs
• En province: habituellement 1-2 libraires majeurs dans chaque ville, quelques libraires
mineurs, colporteurs et autres vendeurs irréguliers qui rasent la campagne.
• Contenu des bibliothèques privées:
• Moins de livres religieux et de classiques de l’Antiquité,
plus d’arts, de sciences et de belles-lettres
• Attention: ne tient compte que des livres chers (et légaux!)
Accéder au livre
• Solutions alternatives à l’achat:
• Bibliothèques publiques (18 à Paris, au moins une dans 16 autres villes; ouvertes
quelques heures par jour et souvent pour une clientèle de savants seulement)
• Cabinet de lecture: salle de lecture rattachée à une librairie, où l’on peut lire à volonté
moyennant un abonnement payant; ouverts plus souvent et à un public plus large
(marchands, avocats, étudiants…)
• 13 à Paris et 36 en province vers 1789
La littérature clandestine
• La majorité des livres sont inoffensifs (dévotion, manuels scolaires, romans, récits de
voyage) mais il y a aussi toute une panoplie de “livres philosophiques”
• Terme général qui inclut les Lumières mais aussi les libelles, la pornographie, etc.
• Robert Darnton: ces livres ont miné la légitimité du pouvoir royal et facilité la
Révolution: même certains des plus puissants lisaient Rousseau et Voltaire avec zèle
Le livre en Italie
• Pas de marché autosuffisant à cause du morcellement politique
• Libraires ont toujours besoin d’être subventionnés par des mécènes
• Publient donc surtout des livres de prestige (arts, architecture, classiques)
• Mais on importe beaucoup de livres de l’étranger, surtout de la France
Le Mercure de France
• Fondé en 1672 (Mercure galant)
• Comparable à un magazine généraliste
• Contenu typique: poèmes, comptes-rendus d’ouvrages, jeux de vocabulaire, discours
d’académiciens, nouvelles du théâtre…
• Mensuel de 200+ pages
Un médium passif?
• Pierre Albert: sous l’Ancien Régime, la presse rend compte sans remettre en cause et
sans expliquer
• Peu de prestige ou d’influence
• Il faut attendre la Révolution pour que le journalisme devienne un métier respecté et
indispensable
• Jeremy Popkin: 300 000 exemplaires et 3 millions de lecteurs pour les journaux
révolutionnaires de 1789-90
• “Nouvelles à la main”, manuscrites et plus ou moins clandestines, restent un
concurrent significatif de la presse chez les bien connectés
La bibliothèque bleue
• Nommée d’après la couleur de ses couvertures
• Apparaît à Troyes (Champagne) au début du XVIIe
• Collection bigarrée (romans de chevalerie, livres de recettes, vie de saints,
burlesque…)
• Certains remontent à la Renaissance, d’autres sont des versions modifiées d’ouvrages
dont le privilège vient d’expirer
• Constamment adaptés, découpés, édités en fonction des “besoins” d’un lectorat
modestement alphabétisé (mais parfois les coupures ne tiennent pas debout)
• On ne sait pas exactement combien de livres bleus se vendaient, mais la demande est
soutenue
• Geneviève Bollème: environ 450 titres restent dans la collection du XVIIe au XIXe; 150
imprimeurs impliqués
• Vers 1740: environ 520 colporteurs de livres bleus
• Pas beaucoup de concurrence en campagne
Les Encyclopédistes
• Denis Diderot (1713-1784)
• Rédacteur en chef principal mais pas toujours commode!
• Auteur d’un grand nombre d’articles sur la géographie, la physiologie et l’histoire
naturelle
• Philosophe de premier plan, radical, persécuté?
• Jean le Rond d’Alembert
(1717-1783)
• Mathématicien et académicien
• Rédacteur en chef secondaire: astronomie, maths, physique, musique
• Son article sur Genève attire les foudres des censeurs
• Quitte le projet en 1758-59. Les Encyclopédistes
• Louis de Jaucourt (1704-1780)
• Chevalier de haute noblesse et médecin
• Rédige plus de 17 000 articles (géographie, médecine, plusieurs autres sujets) sans
rémunération
• Porte le projet à bout de bras vers la fin
• André-François Le Breton (1708-1779)
• Libraire-imprimeur
• Obtient le privilège de traduire le Cyclopedia d’Ephram Chambers
• Embauche Diderot et d’Alembert; finance le projet Les Encyclopédistes
• Certains des plus grands esprits du siècle contribuent sur leurs champs d’expertise
• Le cartothécaire de la marine, Jean-Nicolas Bellin, sur des sujets marins (plus de 1000
articles)
• L’explorateur Charles-Marie de La Condamine, sur l’Amérique latine
• Le physiocrate François Quesnay, sur l’économie et la métaphysique
• Voltaire, sur la philosophie et la littérature (environ 40 articles)
• D’autres écrivent sur des sujets auxquels nous n’avons pas tendance à les associer
aujourd’hui…
• Montesquieu sur le goût
• Jean-Jacques Rousseau sur la musique
• … ou sur une variété étonnante de thèmes
• Paul Thiry d’Holbach sur les sciences de la terre, la religion et la politique
• Anne-Robert-Jacques Turgot sur l’étymologie, la philosophie, la physique et
l’économie
• Environ 160 contributeurs au total (nombre exact inconnu)
• Beaucoup d’articles non signés
• Peu d’informations sur le processus de rédaction
• Certains se sont retirés avant de livrer leurs textes (ex.: Buffon) ou ont demandé qu’on
ne les publie pas pour éviter la controverse.
Projet philosophique,
projet éducatif
Contenu
• 28 volumes (17 d’articles, 11 de planches)
• Publiée entre 1751 et 1772
• Plus de 70 000 articles et 2 500 illustrations
Objectifs du projet
• Éduquer: la connaissance comme outil d’amélioration du monde
• Diderot insiste sur les arts et métiers, les techniques et outils des artisans (vs.
érudition stérile)
• Favoriser l’invention de nouvelles machines
• Messages politiques et intellectuels
• Description de formes de gouvernement bien différentes de la monarchie française…
Inspirations
• Les dictionnaires des XVIIe et XVIIIe siècles
• Surtout: Dictionnaire historique et critique de Pierre Bayle (2 vols., 1697)
• Cyclopedia d’Ephram Chambers (1728)
• L’oeuvre des académies, des savants…
Système de la connaissance
• Un modèle de cohérence pour le lectorat
• La connaissance est ordonnée… contrairement à la société environnante, qui est
chaotique et absurde
• Remise en question de l’incohérence des autorités reçues en matière de
connaissances, au profit de la raison, de l’observation…
• … ce qui implique de faire de même en matière de politique et de religion
• Message reçu?
• Difficile à dire…
• Mais le texte se répand partout en Europe, à des dizaines de milliers d’exemplaires,
notamment chez les classes dominantes
• Alors une influence considérable est au moins plausible
Autres éditions
• Des versions in-quarto, puis in-octavo (de poche) beaucoup moins chères et plus
répandues apparaisset entre 1771 et 1782.
• 6 en tout avant 1780; 25 000 exemplaires vendus avant 1789 en incluant les éditions
in-folio, in-quarto et inoctavo, dont 11 500 en France
• Des encyclopédies rivales, parfois plus ou moins piratées
• Charles-Joseph Panckoucke (1736-1798) encourage Diderot à produire une suite, puis
publie un Supplément en quatre volumes sans lui
Moteur économique
• Plus de 1000 ouvriers employés
• 1% de la population de Paris en dépend
• Entreprise chaotique dont les promoteurs se trahissent, se traitent mutuellement de
brigands, promettent n’importe quoi pour vendre…
• “Capitalisme de butin”
L’Encyclopédie Méthodique
• Années 1780: Charles-Joseph Panckoucke (1736-1798) promet une édition revue et
corrigée de fond en comble en 42 volumes
• Le projet boursoufflé atteint environ 200 volumes lorsque la fille de Panckoucke arrête
la production… en 1832. La clientèle de l’Encyclopédie
• Centres culturels et administratifs, plutôt que villes protoindustrielles et campagnes
• Administrateurs, professions libérales, noblesse
• Sature les couches supérieures, traverse les classes moyennes, à peu près invisible
dans les classes populaires
• Diffusion à partir du sommet, qui dépasse les salons et les académies mais sans
atteindre toute la société
L’Encyclopédie et la censure
Un projet risqué
• L’Encyclopédie remet en question l’autorité, en particulier celle de la religion et de la
Bible, ce qui attire l’attention de la censure.
• Aussi plusieurs passages qui s’opposent au droit divin des monarques, aux prétentions
des aristocrates…
• Publication suspendue en 1752, mise à l’index et révocation du privilège royal en 1759
Une aide en sous-main
• Cependant, le Directeur de la Librairie, Chrétien-Guillaume de Lamoignon de
Malesherbes (1721-1794), apporte un soutien semi-officiel au projet
• Partisan (modéré) des Lumières et ami de Jaucourt
• Permet la publication des dix derniers volumes de texte en 1765, avec une adresse
fictive en Suisse
• 11 volumes de planches publiés en 1772, suivi des quatre volumes de suppléments de
Panckoucke Une aide en sous-main
• Pourquoi une adresse de publication fictive en Suisse?
• Pour que l’on puisse faire comme si la censure n’y pouvait rien…
• … tout en gardant l’activité économique à Paris
• La persécution des années 1750 se transforme en protection quasi-ouverte dans les
années 1770
Premier courant
• Histoire critique et philosophique de la civilisation
• Voltaire (Essai sur les moeurs et l’esprit des nations, 1756): louange les bienfaits du
progrès technique et du commerce, utilise la géologie plutôt que la Bible pour sa
chronologie
• William Robertson (1721-1793): étudie le peuple, le droit, le commerce et la propriété
privée pour bien comprendre les sociétés.
Deuxième courant
• Histoire naturelle de la société civile (philosophie du progrès historique)
• Montesquieu (Esprit des lois, 1748) étudie l’histoire des sociétés pour justifier ses
préférences
• Adam Ferguson (1723-1816): l’histoire de l’humanité est divisée en étapes et marquée
par le progrès vers une meilleure organisation du travail, de la propriété et du
gouvernement: vie sauvage, “barbarie”, civilisation
Troisième courant
• Histoire philosophique des grands narratifs
• Edward Gibbon (1737-1794) combine l’histoire érudite et un argument philosophique
sur les bienfaits de la paix et de la civilisation dans son Histoire du déclin et de la chute
de l’Empire romain.
La conception de l’être humain selon Buffon
• Rappel: Georges Louis Leclerc, comte de Buffon, considère que l’être humain est une
espèce distincte des animaux à cause de l’existence de l’âme
• “Variétés dans l’espèce humaine”:
• Classifie les peuples selon des critères physiques (couleur de peau, couleur des
cheveux, forme des lèvres, du visage, du nez), les moeurs, les climats
• Cherche à expliquer les différences physiques
Une ou plusieurs espèces?
• Voltaire (Traité de métaphysique): les êtres humains peuvent être classés en races qui
existent depuis toujours
• Buffon: non, tous les humains appartiennent à la même espèce et ce sont le climat, le
style de vie, la nourriture qui expliquent les différences.
• Ex.: la couleur de peau est héréditaire mais elle peut changer si l’on change de climat
• Buffon introduit beaucoup de catégories (nuancées)
• Mais il pense que l’être humain est apparu en Europe
et ques les Européens constituent le modèle humain typique Climats et progrès
• Les philosophes essaient de comparer les sociétés pour comprendre le progrès
• Plusieurs, comme Buffon, font appel au climat et aux moeurs
• Ex.: un climat trop doux n’encourage pas le travail; un climat trop dur les empêche de
se développer
• La nature est donc vue comme un déterminant (partiel mais significatif) du progrès
des sociétés.
La physiognomie
• Tentative de classer les personnalités et les traits de caractère des individus à partir de
l’apparence physique, en particulier celle des yeux et du visage.
• Johann Kaspar Lavater (1741-1801): la lecture globale du visage est insuffisante, il faut
mesurer chaque trait séparément (yeux, forme des lèvres, etc.)
• Influencé par le développement de l’anatomie descriptive
• Longue influence dans les arts, la littérature, la police
L’esclavage autochtone
• 2 à 4 millions d’autochtones sont capturés et réduits en esclavage entre le XVe et le
XIXe siècles.
• En Nouvelle-France, les captifs constituent non seulement de la main d’œuvre mais
aussi des outils politiques
Production des savoirs
• Dans le monde atlantique, le savoir est une marchandise de grande valeur
• Comment exploiter les cultures lucratives, trouver les bonnes routes maritimes,
préserver les marins et les colons du scorbut et des maladies tropicales
• (Et garder les captifs en vie pour qu’ils travaillent…)
• La science a donc une dimension utilitaire Production des savoirs
• La notion d’utilité s’étend beaucoup plus loin
• Compréhension et manipulation du climat
• Voyages d’exploration
• Enquêtes auprès des administrateurs coloniaux et mobilisation des bureaucraties
impériales
• Livres de bord des navires compilent des données météorologiques et hydrologiques
• Mais les administrations sont rarement en mesure d’exploiter toute cette masse de
données brutes
“Mercantilisme épistémologique” ?
• Le savoir vaut cher et les empires souhaitent le conserver
• Jose Cañizares-Esguerra et Antonio Barrera-Osorio: le culte du secret a entraîné une
sous-estimation du progrès scientifique dans les empires ibériques
• Ralph Bauer: c’est une forme de mercantilisme épistémologique
• En pratique, l’information circule plus facilement que les autorités le souhaiteraient:
échanges informels, publications illicites, captures d’individus-clés.
Un système rentable?
• Pieter Emmer: pas tellement (le commerce transatlantique est une fraction du PIB de
l’Europe)
• Mais certains secteurs sont très influents:
• le poisson américain nourrit les pays catholiques
• l’argent mexicain et péruvien finance l’empire espagnol
• le commerce colonial oriente l’économie britannique
• le sucre nourrit, préserve, soigne et réduit la pression sur l’agriculture métropolitaine
• Le mercantilisme ne fonctionne pas très bien
• Des grandes familles accumulent leurs fortunes grâce à la contrebande
• Les États-Unis importent d’Europe et réexportent à l’extérieur des empires d’origine
• Les autorités locales ferment les yeux lorsque la contrebande est la meilleure façon
d’accéder à des biens de qualité à un prix raisonnable
• Wim Klooster: 75% du coton à Saint-Domingue (1770-1790) et 97% de tout le
commerce en Louisiane (1770-1780) entre en contrebande.
La circulation de l’information
• Vitesse et fréquence des échanges d’information entre les colonies et les métropoles
dépendent du climat et de l’économie locale
• Canada: un vaisseau royal par année; ports fermés 5-6 mois par an
• Caraïbes françaises: bateaux commerciaux aux deux semaines, toute l’année
• Empire britannique: navires partent vers les colonies majeures à tous les mois; des
individus traversent l’Atlantique fréquemment (Benjamin Franklin: 8 aller-retours)
Le “Grand Tour”
• Voyage éducatif pour l’aristocratie (surtout britannique) qui dure 2 à 3 ans
• Sommet de popularité entre 1700-1760, puis entre 1815 et 1835.
• Destination: Italie surtout, mais aussi Paris, Allemagne, Suisse et (vers la fin du XVIIIe
siècle) la Grèce
• On veut voir Rome, les monuments, les oeuvres d’art, Pompéi…
• Justifications officielles du Grand Tour:
• Perdre les préjugés nationaux
• Intégrer les normes d’interactions sociales
• Apprendre l’indépendance
• Raisons moins avouables en bonne société…
• Plaisirs sexuels, alcool, jeux de hasard
• Le Grand Tour a ses détracteurs, qui invoquent:
• Syphilis et autres ITS (infertilité, troubles mentaux, décès)
• Enfants illégitimes
• Mariages non approuvés par la famille
• Acculturation exagérée: les “macaronis”
Giuseppe Baretti
• Journaliste et enseignant italien qui vit longtemps à Londres
• Dénonce les voyageurs qui voient peu et posent encore moins de questions
• Dénonce les voyageurs qui cherchent surtout à trouver le pays de leurs rêves
Le Pacifique sud
• Méconnu au XVIIIe siècle car:
• Long et difficile à traverser
• Vents et courants mal cartographiés
• Difficile d’accès (détroit de Magellan ou cap Horn)
• Difficile de calculer la longitude pour s’orienter dans un espace immense et presque
vide
Pourquoi explorer?
• Terra Australis: une opportunité coloniale?
• On soupçonne toujours l’existence d’un vaste continent, représenté ici sur une carte
de Mercator datant du XVIe siècle.
• Aussi pour des motifs scientifiques (parfaire les instruments et techniques de
navigation, les connaissances astronomiques…)
• Pour préciser les cartes et repérer des escales pour le ravitaillement des navires
• Parfaire les connaissances en matière d’hygiène maritime
• Tout cela, pour des raisons stratégiques et militaires Endeavor, navire de James Cook
• Pour connaître les mœurs des peuples étrangers
• Ci-contre: portrait d’un autochtone de la Terre de Feu, tracé lors du second voyage de
James Cook en 1774.