Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Denis Diderot est né en 1713. Il fait ses études chez les jésuites. En 1746, reprenant l'idée
du libraire Le Breton de publier une traduction de la Cyclopaedia de l'anglais Chambers –
dictionnaire contenant des articles et des planches sur les arts mécaniques – il s'engage avec
D'Alembert dans la rédaction de L'Encyclopédie.
La même année, dans la Lettre sur les aveugles à l'usage de ceux qui voient, Diderot
confesse son athéisme, ce qui lui vaut un emprisonnement à Vincennes, d'où il ne sortira que contre
la promesse de ne plus jamais rien publier qui déplaise aux autorités en place.
Jacques le Fataliste
Diderot narre le voyage de Jacques et son maître vers un but dont le lecteur n'est informé
qu'à la fin du livre. Leur dialogue est entrecoupé de multiples récits et des interventions du
narrateur s'adressant au lecteur. Diderot y dépeint de façon réaliste la société de son époque tout
en développant le thème du fatalisme et du déterminisme.
Le style littéraire choisi par Diderot lui permet d'intégrer naturellement dans le récit ses
idées sur le fatalisme notamment. L'ouvrage véhicule une vision nouvelle de la société,
particulièrement perceptible dans les relations entre Jacques et son maître.
Jacques le Fataliste est une œuvre à la narration complexe, fondée sur un dialogue entre
un maître et son valet, dialogue qui se rattache à son tour à un autre dialogue entre le narrateur et
son lecteur et auquel les récits des personnes rencontrées viennent également se raccrocher.
Jacques et son maître voyagent à cheval, d'auberge en auberge, sans but précis – du moins le but
n'est pas connu du lecteur avant la fin de l'ouvrage. Ils causent sur le chemin, vivent des aventures
au gré du voyage, croisant la route d'autres personnages. La construction de Jacques
le Fataliste est donc globalement empruntée au roman picaresque, (tradition romanesque
développée en Espagne aux seizième et dix-septième siècles – Don Quichotte de Cervantes ou Gil
Blas de Lesage –) C'est d'ailleurs un grand roman picaresque du dix-huitième siècle qui a influencé
Diderot : Le compère Mathieu de l'abbé Du Laurens.
La critique du fatalisme
Dès le début de l'ouvrage, Diderot présente au lecteur la thèse que Jacques reprendra tout
au long du voyage : « Tout ce qui nous arrive de bien ou de mal est écrit là-haut ». Cette thèse a
été enseignée à Jacques par son capitaine lorsqu'il était à l'armée : le destin de chaque homme est
écrit à l'avance par une entité supérieure (Dieu) dans un « grand rouleau » et ne peut donc pas être
changé, quel que soit son comportement.
Cette doctrine impose un certain comportement : il est tout d'abord inutile d'agir pour tenter
de déjouer le fil de son destin. Il est également inutile de tenter de prévoir les conséquences de son
action, et donc d'être prudent. Pour Jacques, tous les événements sont donc liés entre eux ; ce qui
les relie est ce « grand rouleau ». Diderot introduit les critiques de ce fatalisme en pointant les
contradictions de Jacques de diverses manières tout au long de son ouvrage.
Tout d'abord, l'attitude de Jacques n'est la plupart du temps pas conforme à celle que son
fatalisme devrait lui dicter. Diderot montre que Jacques agit en réalité tout à fait librement et que
l'invocation du destin, loin de paralyser son action, lui sert souvent à justifier des décisions qu'il
prend librement.
En outre, la thèse fataliste mène à la négation de toute morale, puisque le bien ou le mal
que fait chaque homme n'est pas imputable à lui-même mais au grand rouleau. Pourtant, Jacques
n'est pas indifférent à toute considération morale.
Enfin, le fatalisme suppose que l'on croie en un Dieu auteur du « grand rouleau », maître
de notre destin. Jacques ne cesse au contraire d'affirmer son manque de foi. Le fatalisme est ainsi
présenté à travers l'ouvrage comme une doctrine à la fois stupide et impossible à mettre en pratique
puisque Jacques lui-même n'agit pas en fataliste
En réalité, Jacques n'est pas fataliste ; il se comporte en homme soucieux du bien et du mal,
conscient des résultats probables de son action et désireux d'agir pour le mieux à tout moment.
Jacques est en fait beaucoup plus proche de la philosophie de Diderot qu'il ne semble à première
vue. En effet, Diderot, en philosophe athée matérialiste, pense que tout ce qui se passe dans le
monde réel est explicable rationnellement par des lois scientifiques. Cette doctrine est appelée
déterminisme (mot apparu au début du dix-neuvième siècle quelques années après la mort de
Diderot).
Si Jacques est désigné comme fataliste, c'est parce qu'il attribue les causes des événements
à un « grand rouleau » écrit par un auteur tout-puissant, mais sa manière d'agir montre qu'il cherche
à établir des liens rationnels entre les événements auxquels il est confronté et à agir en
conséquence.