Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Anne Lombard-Jourdan
DOI : 10.4000/books.enc.209
Éditeur : Publications de l’École nationale des chartes
Année d'édition : 2009
Date de mise en ligne : 26 septembre 2018
Collection : Études et rencontres
ISBN électronique : 9782357231054
http://books.openedition.org
Édition imprimée
ISBN : 9782357230033
Nombre de pages : 245
Référence électronique
LOMBARD-JOURDAN, Anne. Les halles de Paris et leur quartier (1137-1969) : Les halles de Paris et leur
quartier dans l'espace urbain (1137-1969). Nouvelle édition [en ligne]. Paris : Publications de l’École
nationale des chartes, 2009 (généré le 03 mai 2019). Disponible sur Internet : <http://
books.openedition.org/enc/209>. ISBN : 9782357231054. DOI : 10.4000/books.enc.209.
études et rencontres
DE L’ÉCOLE DES CHARTES 28
LES HALLES DE PARIS ET LEUR QUARTIER
DANS L’ESPACE URBAIN
(1137-1969)
© Copyright 2009 École nationale des chartes
All rights reserved. No part of this book may be reproduced or translated in any form, by print, photoprint,
microfilm, microfiche or any other means without written permission from the publisher.
ISBN 978-2-35723-003-3
ISSN 1760-5687
études et rencontres
DE L’ÉCOLE DES CHARTES
28
ANNE LOMBARD-JOURDAN
PARIS
ÉCOLE NATIONALE DES CHARTES
2009
Illustration de couverture : Aménagement intérieur d’une halle. Miniature, circa
1460. Bibliothèque municipale de Rouen, no 927 (I, 2) (Éthiques, Politiques et
Économiques d’Aristote, traduction par Nicole Oresme), fol. 145. Phot. Bibl.
municipale de Rouen.
Le 31 janvier 1933, Anne Jourdan soutenait à l’École des chartes une thèse
intitulée Le quartier des Halles à Paris, des origines à 1436. Examiné par Julien Cain
et Gustave Dupont-Ferrier, ce travail fut favorablement jugé et valut à son auteur
de sortir de l’École deuxième de sa promotion. Il fut remarqué par Marcel Poëte,
le grand historien et urbaniste de la capitale, qui, en juin 1933, dédicaça en ces
termes l’exemplaire de son livre Une vie de cité. Paris de sa naissance à nos jours qu’il
offrit à la jeune lauréate : « À Mademoiselle Anne Jourdan, en souvenir de sa
thèse sur les Halles, l’une des plus sûres et des plus précieuses contributions
apportées à l’histoire de Paris. » C’était la première étape d’une longue carrière
scientifique. La seconde fut le séjour qu’elle fit à Madrid (1934-1935), où elle
rencontra et épousa Maurice Lombard, futur spécialiste du monde musulman au
Moyen Âge. Devenue chef de travaux à la VIe section de l’École pratique des
hautes études (1960-1975), Anne Lombard-Jourdan publia de nombreux livres
et articles portant pour la plupart sur l’histoire de Paris et de l’Île-de-France : La
Courneuve. Histoire d’une localité de la région parisienne, des origines à 1900 (1980), Aux
origines de Paris. La genèse de la rive droite (1985), Montjoie et Saint-Denis. Le centre de
la Gaule aux origines de Paris et de Saint-Denis (1989), La Plaine Saint-Denis. Deux
mille ans d’histoire (1994), tous publiés aux Éditions du CNRS, et Saint-Denis, lieu
de mémoire (2000). Toutes ces études sont aujourd’hui devenues des classiques. Et
voici que l’auteur revient aujourd’hui à son point de départ avec une magistrale
synthèse sur l’histoire des Halles de Paris et de leur quartier depuis leur instal-
lation par Philippe Auguste au cœur de la capitale jusqu’à leur transfert en
banlieue au temps de Georges Pompidou. Elle nous livre ainsi tous les éléments
d’un dossier qu’elle n’a jamais cessé d’enrichir au fil des années, comme en témoi-
gnent les articles qu’elle a publiés sur le sujet en 1935 dans les Annales d’histoire
économique et sociale et dans le Bulletin philologique et historique du Comité des travaux
historiques et scientifiques, puis, bien des années plus tard, l’importante étude (87
pages) sur les « Fiefs et justices parisiens au quartier des Halles » que j’ai eu le
plaisir de faire paraître dans la Bibliothèque de l’École des chartes en 1976.
6 BERNARD BARBICHE
Parmi les changements, il reste à signaler le fait majeur que fut l’état prolongé
d’abandon dans lequel se sont trouvées les Halles pendant la moitié de leur exis-
tence, depuis la guerre de Cent Ans jusqu’au Second Empire. L’un des chapitres
les plus originaux du livre est celui (chapitre VI et dernier) dans lequel l’auteur
développe une réflexion méthodique tout à fait passionnante sur cette longue
désaffection dont elle cherche à comprendre les causes : l’indigence architec-
turale, l’apathie administrative, le coût prohibitif des expropriations qui auraient
été nécessaires, l’insalubrité, mais aussi ce qu’elle englobe sous le concept de
« pesanteur culturelle ». C’est que les Halles ont longtemps été considérées
comme un marché purement utilitaire dont seul importait le bon fonction-
nement. Comme l’écrivait le préfet de la Seine Nicolas Frochot au XIXe siècle,
« une halle ne saurait compter parmi les monuments d’une grande ville. C’est un
établissement utile, qui ne doit que se laisser voir. Donnez-lui le nécessaire, rien
de plus. » D’où l’absence prolongée de tout projet d’envergure.
C’est donc une véritable résurrection que les Halles ont connue sous le Second
Empire avec la construction des pavillons de Baltard à partir de 1857 : un
ensemble architectural pionnier, chef-d’œuvre de construction métallique, qui a
suscité l’admiration du monde entier et a été exporté notamment en Amérique,
sans jamais pourtant être classé comme Monument historique – ce qui a facilité
leur destruction au XXe siècle. On notera au passage que le douzième et dernier
pavillon n’a été terminé qu’en 1948, vingt ans seulement avant sa disparition.
Cette préface pourrait s’arrêter ici, après avoir dit toute la richesse, tout l’in-
térêt du livre, vaste fresque aussi vivante que pittoresque d’un aspect essentiel de
l’histoire de Paris. Mais deux remarques de caractère très personnel s’imposent
encore. Tout d’abord, c’est la première fois qu’une thèse d’École des chartes est
publiée par son auteur devenue centenaire. Anne Lombard-Jourdan fêtera très
bientôt son centième anniversaire. Il faut saluer la prouesse que représente une
recherche commencée il y a près de quatre-vingts ans, sans cesse remise sur le
métier, et dont l’achèvement marque l’épanouissement d’une longue réflexion
sur l’histoire de Paris appliquée à une portion de son territoire, fort exiguë mais
dont le destin est révélateur de la vie d’une cité dans ce qu’elle a de plus quotidien
et de plus vital. Quant au signataire de ces lignes, il n’est pas seulement fort
honoré d’avoir été sollicité pour présenter l’ouvrage au public savant. Il a pris un
plaisir particulier à découvrir le passé d’un quartier où il est né et où il a passé
son enfance et sa jeunesse. Après avoir maintes fois parcouru les rues de la
Grande-Truanderie, de la Cossonnerie, de la Lingerie, de la Ferronnerie, il
découvre aujourd’hui leur histoire et les origines de leurs noms pour lui si fami-
liers. Il a bien souvent traversé les Halles de Baltard. Il a éprouvé, quand il devait
enjamber les cageots de légumes sur les trottoirs en rentrant chez lui tard le soir,
les inconvénients de l’extension tentaculaire du marché central d’approvision-
nement de Paris hors des enceintes qui lui avaient été assignées par Napoléon III
8 BERNARD BARBICHE
Bernard BARBICHE
INTRODUCTION
L’urbanisme est défini comme l’étude générale des conditions et des manifes-
tations d’existence et de développement des villes. Le but est ici de retracer
l’histoire de l’organe essentiel de l’approvisionnement d’une ville : les Halles de
Paris. Il s’agit de déterminer et de décrire les réalités successives qu’a recouvert le
terme de « halles » depuis la fin du XIIe siècle jusqu’au milieu du XXe siècle, de
fournir les raisons de leur implantation et de leur durable stabilité, de mesurer l’im-
portance de leur rôle et la place qu’elles ont occupée dans l’espace de la capitale,
alors qu’une démographie galopante imposait l’enflure démesurée des échanges.
Le hasard a fait que les documents qui nous ont été conservés sont décevants
du point de vue de l’histoire économique. L’information est puisée dans de rares
livres de comptes, dans les minutes des procès, dans les mentions éparses des
chroniques ; les textes règlementaires des métiers, précis au sujet de l’organisation
et de l’administration des halles, ne fournissent qu’accessoirement des données
d’ordre économique. Les sources permettent, en revanche, de reconstituer de
façon très exacte la topographie des lieux dans le temps, ce qui serait d’assez peu
d’intérêt si le repérage de ces données n’autorisait pas à restituer l’image des Halles
et de leur quartier, d’en dresser le plan, d’en suivre les transformations et d’établir
la chronologie de leur évolution, de prendre conscience, enfin, des activités qui
s’y déployaient et de leur particulière importance pour la ville.
En 1877, paraissait l’article pionnier de Léon Biollay, inspecteur général des
perceptions municipales, sur « Les anciennes halles de Paris »1. Pour la première
fois, l’auteur dressait la liste commentée des bâtiments des Halles ; mais son étude,
sérieuse et encore utile aujourd’hui, n’utilisait que les documents imprimés avant
la date de sa parution. En 1960, Jean Martineau, docteur en droit et fonction-
naire de la préfecture de la Seine, publiait Les Halles de Paris des origines à 1789.
Évolution matérielle, juridique et économique, livre qui éclaire par l’analyse des textes
officiels et règlementaires les problèmes administratifs complexes que connut le
1. L. Biollay, « Les anciennes halles… », p. 293-355. Nous rappelons pour mémoire l’ouvrage de
C. Piton, Comment Paris…, dont le titre est trompeur, car il traite uniquement de l’hôtel de Soissons
et de ses alentours, et l’article de l’abbé V. Dufour, « Le cimetière des Saints-Innocents… ».
10 ANNE LOMBARD-JOURDAN
2. J.-P. Babelon, M. Fleury et J. de Sacy, Richesses d’art… ; J. de Sacy, Le quartier des Halles… ; S. Saint
Girons, Les Halles…
3. A. Chastel et al., Système de l’architecture… Voir aussi id., « L’aménagement du marché central… ».
4. A. Jourdan, « Le quartier des Halles à Paris, des origines à 1436 », dans Position des thèses de l’École
nationale des chartes de la promotion de 1933…, p. 63-71.
5. A. Jourdan, « La ville étudiée… ». Voir aussi ead., « L’immunité… » ; Anne Lombard-Jourdan,
« Fiefs et justices parisiens… » ; et ead., Aux origines de Paris…
INTRODUCTION 11
dans des locaux d’une architecture identique mais aux attributions diverses. La
période médiévale, de beaucoup la plus mal connue, retiendra davantage notre
attention. C’est au XIIIe siècle et au début du XIVe siècle que les Halles de Paris
connurent leur plus actif commerce de draps et de mercerie avec l’étranger et
l’apogée de leur richesse et de leur abondance, célébrées par Jean de Jandun.
L’aménagement d’aucun endroit de Paris n’a fait davantage travailler les
imaginations que celui du quartier des Halles. Mais les innombrables projets
conçus par des architectes officiels ou par de simples particuliers, dans le but de
les rendre plus vastes, plus commodes ou plus monumentales, échouèrent tous
jusqu’au XIXe siècle. Nous chercherons pourquoi, mais nous parlerons peu, en
dépit de leur intérêt, de ces projets les uns bien conçus, les autres utopiques,
qu’on a pu qualifier d’ « architectures de papier »6. Nous ne prendrons en consi-
dération que les réalisations ayant, à un moment ou à un autre, servi à
l’amélioration de l’activité marchande. Des plans de restitution des Halles
permettront de situer les données fournies par le texte, qu’illustreront par ailleurs
des documents iconographiques.
La question sera enfin posée des causes de la longue immutabilité des Halles
dans l’espace urbain de Paris7. Pourquoi cette volonté de permanence, cette
crainte de tout changement souvent exprimées par les fonctionnaires de l’ad-
ministration comme par les usagers, marchands et chalands, chaque fois que
l’existence du marché au cœur de la ville fut menacée ?
Au moment où j’achève ce livre, ma pensée reconnaissante va à Marcel Poëte,
qui me fit connaître l’histoire urbaine, à Lucien Febvre et Marc Bloch qui m’en-
couragèrent dans cette voie, à Maurice Lombard qui m’y aida et à Florence
Lombard sans laquelle ce livre n’aurait pu être achevé. Mes remerciements vont
également à Jacques Berlioz, directeur de l’École nationale des chartes, qui a
accueilli ce volume dans la présente collections, à Bernard Barbiche, président
de la Société de l’École des chartes, qui a soutenu activement ce projet, et à
Olivier Canteaut et Guénaël Visentini, qui ont veillé avec soin à la fabrication de
ce livre.
6. Les plans destinés à améliorer l’espace marchand des Halles ont tous été étudiés dans les deux
ouvrages cités supra, p. 10, n. 3.
7. Cette partie du texte correspond à une communication faite au colloque de Venise, « Mercato
e spazio urbano in Europe XV-XVII secolo », 7-11 novembre 1989, dont les actes n’ont pas été
publiés.
CHAPITRE PREMIER
8. Sur la formation et la nature géologique du sol de cette partie de Paris, voir R. Dion, « Paris dans
la géographie. Le site et la croissance de la ville », dans Revue des deux mondes, 1er janvier 1951, p. 5-
30 ; et id., « Le site de Paris dans ses rapports avec le développement de la ville », dans L. Hautecoeur
et al., Paris. Croissance d’une capitale, Paris, 1961, p. 17-39 ; P. M. Duval (Paris antique, des origines au
IIIe siècle, Paris, 1961) cite l’importante bibliographie dont il s’est servi pour son chapitre I : La
formation géologique du sol de Paris, p. 13-25.
9. É. Vallet, « Carte du sol naturel », dans Commission municipale du Vieux-Paris. Procès-verbaux, 1910,
annexe au procès-verbal de la séance du 9 mars 1910 ; « Carte géologique de Paris », dans Commission
municipale du Vieux Paris. Procès-verbaux, 1901, annexe au procès-verbal de la séance du 25 avril 1901.
10. Au niveau de l’actuelle gare de l’Est. Aquae vero extra solitu invaluerunt ; nam tantum inundatione
Sygona Matronaque circa Parisius, ut inter civitatem et basilicam intulerunt Sancti Laurenti naufragia saepe contin-
gerent (Gregorii episcopi Turonensis libri historiarum X, éd. B. Krusch et W. Levison, 2e éd., Hanovre, 1951
(Monumenta Germaniæ historica. Scriptores rerum Merovingicarum, 1, 1), livre VI, 25, p. 293).
14 ANNE LOMBARD-JOURDAN
C’était comme une « défense » naturelle, une protection du site qui était dite en
latin Tutela. Cette zone de marais fut asséchée, défrichée, puis mise en pâturages
et, à partir du milieu du XIIe siècle, en cultures11.
L’évêque de Paris réussit à s’assurer, grâce à un long usage non contesté,
la possession du vaste territoire qui s’étendait dans l’angle formé par la Seine
au sud et la rue Saint-Martin à l’est, et qui était limité à l’ouest par le marais.
Il avait droit de voirie et de justice infra mariscum, c’est-à-dire jusqu’aux ponts
du Roule et de Chaillot, lesquels permettaient aux routes de franchir le
marécage à l’ouest. La paroisse de Saint-Germain-l’Auxerrois avait la même
étendue que la seigneurie épiscopale. Au XVIIIe siècle on l’appelait encore « la
grande paroisse », bien que son territoire ait été restreint par les démembre-
ments successifs de dix autres paroisses12.
I. — LES CHAMPEAUX
Dans l’angle droit formé par les grandes voies qui conduisaient vers le Nord
et vers l’Ouest et que dessinent encore aujourd’hui la rue Saint-Denis avec les
rues Ferronnerie et Saint-Honoré, s’étendait une vaste plateforme que sa pente
imperceptible menait doucement de 35 à 33 mètres d’altitude, entraînant les
eaux de ruissellement dans la direction du Nord et du vieux bras du fleuve et non
vers le Sud et la Seine voisine. Propice aux cultures, cet espace fut de bonne
heure exploité et reçut le nom de Campelli ou « Petits Champs »13. Au XIIIe siècle,
la Chanson d’Octavien décrit ainsi l’aspect agreste de leurs origines :
Defors Paris dedans Champaus,
Ou li prés estoit lors molt beaus,
Arbres i ot vers et floris.
Et plus loin :
En Champeaux n’avoit nule rien,
Tout estoit vingnes et boscage
Par tot faisoit hon gaagnage14.
Au haut Moyen Âge, en raison de leur caractère sacré, les territoires bénits
des cimetières accueillirent souvent les premiers échanges commerciaux régis
par la simple loi de l’offre et de la demande. Les marchands y apportaient leurs
15. Rapport du 2 juillet 1866. Bibliothèque historique de la ville de Paris, D 96-97 (papiers Vacquer).
16. Octavian…, vers 45-48.
17. Guillaume le Breton, « Philippidos libri XII », dans Œuvres de Rigord et Guillaume le Breton, histo-
riens de Philippe Auguste, éd. H.-F. Delaborde, Paris, 1882-1885 (Société de l’histoire de France), t. II,
à la p. 59, vers 500-503. Voir A. Lombard-Jourdan, Aux origines de Paris…, n. 285.
18. Guillaume le Breton, « Gesta Philippi Augusti », dans Œuvres de Rigord…, t. I, p. 168-320,
à la p. 233, § 154.
19. Découvertes fortuites : rue de la Cossonnerie (1852), rue de la Poterie, sous l’ancienne halle
aux Draps (vers 1852), rue de Turbigo, lors de son percement (1858), rue Courtalon (1899). Fouilles
en 1973-1974, à l’emplacement de l’ancien cimetière des Innocents. Sur l’ancienneté et l’étendue
de ce cimetière, sa qualité de cimiterium publicum et de « cimetière de Paris », voir A. Lombard-Jourdan,
Aux origines de Paris…, p. 53-59.
16 ANNE LOMBARD-JOURDAN
20. Cimiterium enim illud antiquitus fuerat platea grandis omnibus transeuntibus pervia et vendendis mercibus
exposita. Voir Rigord, « Gesta Philippi Augusti », dans Œuvres de Rigord…, t. I, p. 1-167, à la p. 70, § 47.
21. Voir « Commentaire ajouté par Raoul de Presles à sa traduction de La Cité de Dieu (livre V,
chapitre XXV) et contenant une description de la ville de Paris sous Charles V (1371) », dans Paris
et ses historiens…, p. 81-115, à la p. 110.
22. A. Lombard-Jourdan, « Du problème de la continuité : y a-t-il une protohistoire urbaine
en France ? », dans Annales ESC, t. 25, 1970, p. 1121-1142 ; et ead., « Foires gauloises et origines
urbaines », dans Archéocivilisation, nouv. série, no 11-13, déc. 1972-sept. 1974, p. 46-86.
LE « MARCHÉ DU ROI » AUX CHAMPEAUX 17
en traçant un fossé qui l’isolait et le distinguait des terrains voisins. Puis il décida
que les marchands qui fréquenteraient désormais l’endroit devraient opérer obli-
gatoirement leurs transactions à l’intérieur de ce « fossé », dit « fossé du
Champeau » (fossatum Campelli). L’existence du fossé matérialisa l’autorité de
l’évêque, fondée jusqu’alors sur la seule coutume. Les bornes imposées à des
échanges en quelque sorte sauvages, permirent de les mesurer, de les contrôler
et de les réglementer. En raison de la peine qu’il s’était donnée et des frais qu’il
avait engagés, l’évêque se trouva habilité à tirer quelque profit du marché, à y
exercer police et justice et à percevoir redevances et amendes.
La forme et l’étendue de l’emplacement destiné à accueillir le marché et entouré
par le « fossé » sont connues. Elles demeurèrent, en effet, par la suite, celles de la
directe royale et les terriers du roi en décrivent avec précision les limites et le plan :
Le « fossé » avait la forme d’un grand rectangle de deux cents mètres sur
deux cent cinquante mètres environ. C’est à l’intérieur de cet espace de cinq
hectares que se tint désormais le marché. Au sud et en-dehors du fossé, on
vendait les animaux. Raoul de Presles écrit : « Le marché des bestes estoit par
dessa la rue des Bourdonnoys, ou lieu que l’en dit le Siege au Deschargeur, et
encore l’appelle l’en la viez place aux Poursiaux »24. Ce marché aux bestiaux,
élément obligé de toute foire rurale, fut transféré dès avant 1285 hors de l’en-
ceinte de la ville et près de l’église Saint-Honoré25.
23. AN, P 948, fol. 164 (état en détail des domaines du roi, 1728), d’après le « Terrier de Louis
XII ». Même texte dans Q1 1185. Le 14 janvier 1702, les limites assignées au quartier des Halles
seront encore approximativement celles à l’intérieur desquelles se tenait la foire Saint-Lazare, c’est-
à-dire celles dessinées par le « fossé du Champeau » ; voir N. de Lamare, Traité de la police…, t. I,
p. 108 et 110 ; M. Félibien et G. Lobineau, Histoire de la ville…, t. IV, preuves, col. 395a.
24. « Commentaire ajouté par Raoul de Presles… », dans Paris et ses historiens…, p. 108.
25. Maison dite in butto Ferronerie prope Campellos ante vetus plateam porcorum (1285). Arch. des
Quinze-Vingts, no 1921. La rue de la Ferronnerie séparait la place aux Chats, au nord, de la place
aux Pourceaux, au sud. La proximité de celle-ci explique la présence des porcs, que Guillaume le
Breton montre parcourant librement le cimetière des Innocents avant sa clôture. Guillaume le
Breton, « Philippidos… », t. II, p. 25, vers 439. Le nouveau marché aux bestiaux se tint : « Prés du
chevais Saint Honoré » (1297). AN, S 1822. Il est indiqué là sur le plan de la Tapisserie (1540).
18 ANNE LOMBARD-JOURDAN
26. Cartulaire général de Paris…, no 264. Accord confirmé par une bulle d’Innocent II du
26 mars 1138. Cartulaire de l’église Notre-Dame de Paris, éd. B. Guérard, 4 t., Paris, 1850 (Collection
de documents inédits sur l’histoire de France), t. I, p. 24. Pour plus de détails voir A. Lombard-
Jourdan, Aux origines de Paris…, p. 69 et suiv.
27. Sur les prétendus droits de l’évêque de Paris sur la partie occidentale de la rive droite et le faux
diplôme de Louis le Pieux daté du 19 octobre 820, voir A. Lombard-Jourdan, Aux origines de Paris…,
p. 63-65.
LE « MARCHÉ DU ROI » AUX CHAMPEAUX 19
et du marché (forum) qui se tenait sur la place voisine. On assistera, au XIIe siècle,
aux efforts des rois Louis VI, Louis VII et Philippe Auguste pour recouvrer,
par des mesures énergiques et adroites, la suprématie économique qui leur avait
échappé dans leur bonne ville de Paris.
Au début du XIIe siècle, les échanges commerciaux avaient atteint une réelle
importance dans le « fossé du Champeau ». Peu de temps après l’accord intervenu
entre lui et l’évêque Étienne de Senlis et peu avant sa propre mort, survenue le
1er août 1137, Louis VI décida d’y établir le « nouveau marché » (novum forum28).
Le forum de la ville romaine sur la rive gauche de la Seine était depuis longtemps
abandonné. Le lieu de réunion et le marché médiéval étaient sur la place de Grève
qui ouvrait sur le port de Seine, là où accostaient les nautes parisiens. Mais les habi-
tants souhaitaient que cette place où ils avaient l’habitude de tenir leurs assemblées
communautaires, près de la maison de ville, restât libre de tout encombrement29.
Quand Louis VI prit la décision de transférer « son marché », le « marché du
roi », de la place de Grève aux Champeaux, il ne créa pas un « nouveau » marché
ex nihilo. Il se contenta de « l’établir » (stabilire), c’est-à-dire de donner à un état
de choses déjà existant mais précaire, la caution royale qui lui conférait légalité
et valeur durable. Des merciers et des changeurs sont signalés au marché du
Champeau dès 113830, ce qui prouve qu’il ne s’agissait plus déjà d’un marché
agricole ou local. Parmi les participants il y avait des forains et des étrangers,
puisqu’on y pratiquait le change des monnaies et que des merciers satisfaisaient
à la demande d’une clientèle variée et raffinée.
Des hôtes s’étaient installés à l’intérieur de l’enclos délimité par « le fossé du
Champeau ». Une femme riche, Adelende, épouse du médecin Obizon et
surnommée « dame Gente », y avait fait construire en 1137 un grand hôtel et un
four à pain. Louis VII ordonna que ce four demeure à l’avenir le seul dans
l’espace du marché et que la maison et ses occupants (hospites) jouissent pour
toujours du droit d’immunité31.
28. Dans un acte en faveur de Saint-Martin-des-Champs, Louis VII mentionne en 1138 : Terra qui
est in Campeaus in qua pater meus stabilivit novum forum ubi habent locum venditores mercium et pars cambia-
torum ; voir Cartulaire général de Paris…, no 271, p. 265.
29. Sur le marché de Grève à la fin du IXe siècle, voir A. Lombard-Jourdan, Aux origines de Paris…,
p. 69. En 1134, Louis VI donne aux religieuses de Montmartre des hôtes « dans son marché à
Paris », celui de Grève (in foro nostro Parisius) ; et en 1137, Louis VII confirme l’acte précédent dans
les mêmes termes ; voir Cartulaire général de Paris…, nos 255 et 266. En 1141-1142, la place de Grève
est qualifiée de vetus forum. Ibid., no 289.
30. Voir supra, n. 28.
31. Acte de Louis VII entre le 1er août 1137 et janvier 1138. Voir Cartulaire général de Paris…, no 267.
Adelende donna four et hôtel à l’abbaye Saint-Martin-des-Champs qui les conserva jusqu’à la
20 ANNE LOMBARD-JOURDAN
Révolution sous le nom de « fief de la Rappée » ou « d’hôtel à l’Image de saint Martin ». L’immunité
fut rachetée et supprimée avec toutes les justices parisiennes autres que celle du roi par l’édit
de février 1674. Voir A. Jourdan, « L’immunité… », p. 7-13 ; et A. Lombard-Jourdan, « Fiefs et
justices parisiens… », p. 305-307.
32. Recueil des actes de Philippe Auguste roi de France, 6 t., Paris, 1916-2005, t. I : 1179-1194, éd. H.-F.
Delaborde, p. 42, no 31. Sur les foires Saint-Lazare et Saint-Germain voir J. Martineau, Les Halles
de Paris…, p. 91-94 et A. Lombard-Jourdan, Aux origines de Paris…, p. 74-75.
LE « MARCHÉ DU ROI » AUX CHAMPEAUX 21
33. M. Poëte, Une vie de cité…, t. I, p. 160-161. Voir aussi infra p. 53, sur la halle « du Petit Lendit ».
34. En décembre 1213, Philippe Auguste indemnise les chanoines de Saint-Merri pour la perte de
deux étaux qu’ils possédaient : in Campellis Parisius ubi hale nostre facte fuerunt. L. Cadier et C. Couderc,
« Cartulaire et censier de Saint-Merri de Paris », dans Mémoires de la Société de l’histoire de Paris et de l’Île
de France, t. 18, 1890, p. 101-271, à la p. 125.
35. Rigord (vers 1145-vers 1210), moine de Saint-Denis, a écrit les Gesta Philippi Augusti sur les faits
de ce roi entre 1179 et 1208.
22 ANNE LOMBARD-JOURDAN
36. Idem rex [Philippus] ad preces multorum et maxime ad suggestionem cujusdam servientis qui eo tempore fide-
lissimus in negotiis regiis pertractandis esse videbatur, Parisius, a leprosies extra ipsam civitatem manentibus,
nundinas sibi et suis successoribus emit et in civitate transferri fecit, scilicet in foro quod Campellis vocatur, ubi ob
decorem et maximam institorum utilitatem per ministerium predicti servientis, qui in hujusmodi negotiis probatis-
simus erat, duas magnas domos, quas vulgus halas vocat, edificari fecit, in quibus tempore pluviali omnes mercatores
merces suas mundissime venderent et in nocte ab incursu latronum tute custodirent. Ad majorem etiam cautelam,
circa easdem halas jussit in circuitu murum edificari, portas sufficienter fieri precipiens, que in nocte semper claude-
rentur, et inter murum exteriorem et ipsas halas mercatorum stalla fecit erigi desuper operta, ne mercatores tempore
pluvioso a mercatura cessarent et sic damnum incurrent. Rigord, « Gesta… », t. I, p. 33-34 ; A. Lombard-
Jourdan, Aux origines de Paris…, p. 75-77.
37. En 1385, l’architecte Raymond du Temple sera intitulé : « sergent d’armes et maître-maçon des
œuvres du roi ». H. Stein, « Une expertise au XIVe siècle », dans Bibliothèque de l’École des chartes, t. 70,
1909, p. 446-455, à la p. 447.
LE « MARCHÉ DU ROI » AUX CHAMPEAUX 23
Innocent. De toute ancienneté, celui-ci avait été une vaste place ouverte à tout
venant et propice à la vente des marchandises38. C’est là que les Parisiens avaient
pris l’habitude d’ensevelir leurs morts. Mais parce que les corps des défunts ne
pouvaient être enterrés décemment à cause du ruissellement des pluies et de
l’abondance excessive d’une boue malodorante, ce même Philippe, roi très
chrétien, toujours soucieux de bien faire, considérant que cette entreprise était
convenable et plus que nécessaire, ordonna que l’ensemble du cimetière soit clos
de toute part d’un mur de pierre percé d’un nombre suffisant de portes qui
seraient fermées pendant la nuit pour éviter les mauvaises surprises. Il jugea, avec
grandeur et piété que le cimetière, où gisaient tant de milliers de morts, serait
ainsi gardé très convenablement par ses successeurs craignant Dieu […]39.
Entouré d’un haut mur qui n’était, à l’origine, percé que de deux portes
toujours fermées la nuit de l’intérieur, le cimetière des Innocents semblait bien
isolé de l’extérieur. Il fut pourtant bientôt envahi par les activités qui encom-
braient ses abords40.
Cependant le roi n’était pas le seul maître du marché qui, au cœur de sa ville-
capitale, prenait chaque jour plus d’importance, et cela le préoccupait. Depuis
l’accord de 1137, il était gêné par la possibilité qu’avait conservée l’évêque de
Paris d’intervenir dans l’organisation et l’administration de ce marché. Étienne
de Senlis n’avait pas renoncé à la propriété du « fossé du Champeau ». Il s’était
contenté d’associer le roi aux revenus de celui-ci. Le prévôt du roi et celui de
l’évêque devaient agir conjointement chaque fois que cette terre était concernée
et qu’une décision devait être prise. Philippe Auguste résolut de mettre fin à
cette sérieuse entrave à son pouvoir.
En décembre 1222, peu de temps avant sa mort, il conclut avec l’évêque de
Paris, Guillaume de Seignelay, un accord qui régla de façon solennelle et défi-
nitive les droits respectifs du roi et de l’évêque à l’intérieur de la ville de Paris et
notamment en ce qui intéressait les halles. Cet acte important et précis sera
38. Cimiterium enim illud antiquitus fuerat platea grandis omnibus transeuntibus pervia et vendendis mercibus
exposita, ubi cives Parisienses mortuos suos sepelire consueverant.
39. Rigord, « Gesta… », t. I, p. 70-71. Guillaume le Breton insiste sur les ordures et les immon-
dices qui couvrent le sol du cimetière et ajoute la présence de porcs et de prostituées. Guillaume le
Breton, « Philippidos… », t. II, p. 25, vers 436-457 ; id., « Gesta… », dans Œuvres de Rigord…, t. I,
p. 168-333, à la p. 184, § 34. Au XVe siècle, Robert Gaguin écrira que le roi « enferma d’un mur de
pierre de taille la partie du Champeau située près du sanctuaire de Saint-Innocent, où étaient
apportées et mises en vente les marchandises (importandis venalibus rebus) ». Robert Gaguin,
Compendium de origine et gestis Francorum, Lyon, 1497, fol. 39, l. 20.
40. Pour plus d’information sur le cimetière et les activités qui s’y déroulaient, voir A. Lombard-
Jourdan, Aux origines de Paris…, p. 77-78 et n. 492 et suiv.
24 ANNE LOMBARD-JOURDAN
désormais invoqué lors de tous les conflits ultérieurs entre ces deux autorités.
Voici le passage où il est question des halles :
Au sujet de nos halles sises en Champeaux, qu’il en soit ainsi : elles demeureront
notre propriété et celle de nos héritiers pacifiquement et pour toujours ; mais
l’évêque y aura ses coutumes pendant sa semaine. Ni l’évêque, ni le chapitre de
Paris, ne pourront à ce sujet nous attaquer en justice, nous et nos héritiers41.
Le roi fit admettre d’une part que les Halles appartiendraient désormais et
pour toujours au roi et à ses successeurs et à eux seuls ; d’autre part que l’évêque
de Paris se contenterait d’y percevoir le montant des coutumes pendant une
semaine sur trois. Le partage des revenus du marché ne se ferait donc plus
chaque année sur le total des sommes collectées, mais au fur et à mesure du
temps. Les agents royaux lèveraient les coutumes à l’intérieur du marché pendant
deux semaines et les agents de l’évêque pendant les huit jours suivants – c’est ce
qu’on appela : « le droit de tierce semaine » – et ainsi « tout au long de l’an et tout
le temps, en foire et hors foire »42. Les dispositions de la Forma pacis de 1222
furent confirmées en 1270 par Philippe III, puis en 1293 par Philippe IV, et
furent respectées jusqu’en 167443.
La construction des halles parisiennes fut, en 1183, une innovation. Non par
le type architectural adopté : depuis longtemps déjà la « halle », composée de
deux parois en bois ou en clayonnage ou de deux murs gouttereaux et coiffée
d’une charpente et d’un toit à deux rampants, servait à abriter les gens, les bêtes
ou les récoltes ; la nouveauté résidait dans l’usage qu’imagina d’en faire le serviens
de Philippe Auguste et dans les dimensions imposantes qu’il lui donna. Il eut
l’idée de grouper « tous les marchands », parisiens, provinciaux et étrangers, à
l’intérieur d’un même bâtiment très vaste et de leur faire étaler leurs denrées côte
à côte, ce qui permettait la comparaison et le contrôle de la qualité des produits,
ainsi que la concurrence entre les marchands, et ce qui facilitait le prélèvement
des taxes et droits de place. Pour les mettre tous à couvert, il fallut construire
41. De halis vero nostris sitis in Campellis ita est quod nobis et heredibus nostris remanent in perpetuum pacifice
salvo eo quod episcopus et sucessores sui habebit in eis suas consuetudines debitas in sua septimana, nec episcopus,
nec capitulum Parisiense poterunt nos nec haeredes nostros super hiis trahere in placitum (Recueil des actes de Philippe
Auguste, t. IV : 1215-1223, éd. M. Nortier, Paris, 1979, no 1805, p. 486-491).
42. Voir procès d’avril 1487 (n. st.). M. Félibien et G. Lobineau, Histoire de la ville…, t. IV, p. 609.
43. L’évêque jouit de son droit de « tierce semaine » jusqu’au 5 décembre 1674, date où Louis
XIV le lui racheta moyennant 8 000 livres de rente. AN, P 2380, fol. 651 et s. Sur les stipulations
de la forma pacis de 1222, voir A. Lombard-Jourdan, Aux origines de Paris…, p. 87-89.
LE « MARCHÉ DU ROI » AUX CHAMPEAUX 25
grand : la longue nef fut flanquée de bas-côtés dont l’isolaient les rangées de
piliers qui soutenaient la charpente du toit. Les marchands apprécièrent cet abri
commode au plan simple, où ils pouvaient séjourner et circuler aisément sans
avoir à souffrir, eux et leurs marchandises, des intempéries, du soleil ou du vent.
Ce genre d’abri couvert et clos avait été déjà utilisé pendant les foires et connut
un grand succès après 1183. Les halles de Paris furent, sinon les premières, du
moins parmi les premières grandes halles urbaines à être construites. Elles se
multiplièrent à partir de la fin du XIIe siècle, sans qu’il soit souvent possible de
leur attribuer une autre date que celle de leur apparition dans les textes44.
Les villes d’Orient possèdent de longue date des bazars et des souks où est
réunie toute leur activité commerciale. Mais, à la fin du XIIe siècle, l’Occident ne
connaissait encore que la vente en plein air ou en boutique. L’idée de regrouper
dans un seul grand local permanent les marchands de tous les horizons vint-elle
à l’imitation des souks orientaux que les croisés avaient pu voir ? Bien qu’il
n’existe aucun document à ce sujet, c’est possible. Mais le plan de la « halle »
s’apparenterait plutôt à celui d’une basilique romaine.
Enfin, l’obligation faite à tous les artisans de Paris de fermer boutique trois
jours par semaine et de transporter leurs marchandises aux halles pour les y
vendre, ainsi que l’arrivée de drapiers venus de l’étranger et d’artisans d’autres
métiers firent des halles parisiennes le siège de véritables foires pluri-hebdoma-
daires. Celles-ci, par la fréquence de leur retour, offraient aux produits
manufacturés un débouché et un lieu de vente presque continuels45. L’appel de
la consommation stimula la production et provoqua l’essor de l’activité arti-
sanale, locale, régionale et lointaine.
En un seul vers, Guillaume le Breton a résumé l’œuvre de Philippe Auguste
aux Champeaux :
Campellos mundat et celsis moenibus ornat46.
(Il nettoie les Champeaux et les orne de hautes murailles.)
Il assainit ce terrain vague aux limites de la ville et élève des murs pour
protéger le marché contre les voleurs et l’isoler du cimetière voisin. Mais aussi
pour les mettre à l’abri des attaques surprises (propter insidias supervenientium). La
proximité de l’ennemi anglais qui occupait la Normandie était alors une menace
permanente et le marché éveillait les convoitises. Le cimetière fortifié par son
44. Voir P. Wolff, « Les villes de France au temps de Philippe Auguste », dans La France de Philippe
Auguste. Le temps des mutations. Actes du colloque international du CNRS, septembre-octobre 1980, Paris,
1982, p. 645-674, à la p. 654.
45. L’obligation d’aller vendre aux Halles trois jours par semaine : mercredi, vendredi et samedi,
fut ramenée à deux jours : vendredi et samedi par les lettres patentes du 13 octobre 1368. Ordonnances
des rois de France de la troisième race, éd. E. de Laurière et al., 21 t., Paris, 1723-1849, t. V, p. 147-148.
46. « Philippidos… », t. II, p. 6.
26 ANNE LOMBARD-JOURDAN
mur de clôture fut sans doute un moment considéré comme un poste de défense
avancé. Peu avant 1204, il fut avantageusement remplacé dans ce rôle par le
donjon du Louvre construit pour protéger Paris des incursions venues de l’Ouest.
Les mesures prises par Philippe Auguste pour aménager les Champeaux
poursuivaient l’action de Louis VI et de Louis VII. Aussitôt après avoir pris pied
à l’intérieur du « fossé » par l’accord de 1137, Louis VI y avait bien établi son
« nouveau marché ». Mais le sol de celui-ci était toujours propriété reconnue de
l’évêque de Paris. La Forma pacis de 1222 mit fin à cette situation.
L’important chantier que représenta, pendant les années 1180, la
construction de deux longues halles, du « gros mur » qui les entoura et de la
clôture du cimetière des Innocents impressionna les Parisiens d’alors. Sous leurs
yeux et en peu de temps, les Champeaux se métamorphosèrent. Le terrain vague
à la vie nocturne inquiétante situé à la périphérie de l’agglomération fit place à
un quartier ordonné autour d’un marché structuré. Le pouvoir du souverain sur
celui-ci était désormais assuré dans un but fiscal, certes, mais, « toujours soucieux
de bien faire » (bonis operibus semper intentus), Philippe Auguste se préoccupait aussi
de l’approvisionnement de sa capitale et de l’amélioration des conditions de
travail des marchands qui y pourvoyaient. Pour la première fois en France, des
édifices couverts, de dimensions imposantes, s’offraient de façon permanente à
recevoir les marchands à l’intérieur d’une ville. Le type de la « halle urbaine »
était créé et son succès fut immédiat.
Pour désigner ce nouveau type de marché couvert, on employa d’abord, au
XIIe siècle, le substantif domus, maison, et quelquefois domipole, mot hybride formé
du latin domus et du grec πωλω, « je vends »47. Rigord parle de : duas magnas domos
quas vulgus halas vocat. Le nom de hala fut donc choisi et imposé par l’usage
commun. Il servit à désigner un des bâtiments nouvellement construits (halle aux
Draps, halle à la Mercerie), puis seulement quelques travées louées à l’intérieur
de ceux-ci par une ville foraine (halles de Douai, d’Amiens, de Malines, etc.), ou
encore un groupe d’étaux occupés par une même corporation (halle aux Fripiers,
aux Tapissiers). Le pluriel « les halles », en usage d’abord à Paris pour évoquer
la pluralité des bâtiments et l’ensemble du complexe marchand, en vint à désigner
un seul marché couvert.
Philippe Auguste semble s’être soucié d’orner la ville par autre chose que
des églises. Au-delà du respect dû à Dieu et du désir de confort ou de prestige
des puissants, une préoccupation nouvelle apparaît : le bien-être des
marchands (ob maximam institorum utilitatem). Les chroniqueurs Rigord et
Guillaume le Breton traduisent la satisfaction des Parisiens. Ils décrirent ces
murailles « semblables à celles des châteaux et des villes » (castris aut urbibus
aptis), faites de pierres « régulièrement taillées à angle droit » (quadrati lapides),
47. C. Du Cange et al., Glossarium mediae et infimae latinitatis, 10 t., Niort, 1883-1887, t. III, p. 919.
LE « MARCHÉ DU ROI » AUX CHAMPEAUX 27
ces murs « lisses et soignés » (politi muri) édifiés en beau calcaire des carrières
de la rive gauche ou du val d’Oise. La pierre n’est plus cassée au marteau sous
forme de moellons, mais débitée et calibrée selon un même gabarit, confor-
mément à un procédé adopté depuis peu à Paris, qui permettait d’empiler les
blocs plus rapidement et de les mieux ajuster.
Les travaux effectués aux Halles et au cimetière voisin ont leur place parmi
ceux entrepris pour améliorer la vie quotidienne des habitants sous le règne de
Philippe Auguste : enceinte fortifiée pour défendre la rive droite, mesure d’utilité
publique (1190), ou pour protéger la rive gauche et accélérer son peuplement,
opération immobilière pour favoriser le développement harmonieux de la ville
(1210), pavage des rues principales (circa 1185), aménagement d’un port fluvial
(1214)48. Le roi, écrit Rigord, agit ob decorem. S’il est exagéré de traduire : « par
amour du beau », l’expression suggère une démarche qui dépasse la pure utilité
et tend au beau par l’ordre et la netteté. Pour définir l’ensemble des actions entre-
prises à Paris par Philippe Auguste on peut, semble-t-il, parler d’un premier essai
réussi de politique urbaine.
ASPECTS MATÉRIELS
ET RÉALITÉS FONCTIONNELLES
DES HALLES MÉDIÉVALES
jusqu’au sous-sol des halles53. Vers 1425, dans un rapport sur le domaine du
roi à Paris, il est question d’une maison « soulz la halle au Blé » et de la censive
royale sur douze maisons « soulz la halle de Saint-Denis »54. Deux passages
enjambaient la rue de la Lingerie à ses extrémités, couloirs qui faisaient
communiquer les étages de la mercerie des Champeaux. Des logements furent
construits au-dessus des portes en forme de porches profonds qui donnaient
accès à l’intérieur du marché55 ou au-dessus des grands escaliers extérieurs de
pierre qui desservaient les parties hautes de certaines halles et parfois les
maisons adjacentes56. Le moindre espace vacant était aussitôt occupé par un
petit commerçant qui y introduisait sa sellette. Un rôtisseur s’était installé sous
les degrés de la halle de Bruxelles en 142057. Loin de s’opposer à cet envahis-
sement de son marché et à cet enchevêtrement immobilier parasitaire la
royauté les tolérait, les autorisait et même les favorisait dans un but fiscal, selon
les opportunités et sous réserve de quelques conditions58.
Grâce aux ordonnances royales, aux règlements de police, aux statuts des
métiers, aux sentences de justice et aux minutes des procès, aux documents
administratifs et comptables, il est possible de connaître les obligations
auxquelles devaient se plier les marchands, leurs droits et les redevances
diverses qu’ils acquittaient, bref les problèmes juridiques et fiscaux qui se
posaient, et ils ont été bien étudiés. La topographie et l’aménagement des
Halles, leur aspect et leurs côtés matériels sont, en revanche, moins bien
connus. La documentation est dispersée, laconique, parfois peu claire.
Toutefois l’énorme quantité des sources disponibles et la possibilité de les
confronter d’une part, la quasi immutabilité du cadre du marché et de la répar-
tition de ses activités de l’autre, permettent de reconstituer l’aspect des lieux
de façon suffisamment assurée pour autoriser à dessiner le plan et à entre-
prendre la description de la partie de Paris qui remplit la fonction essentielle
de son approvisionnement.
53. L’important cellier de quatre caveaux d’une maison de la rue de la Tonnellerie est dit « estant
soulz et oultre les anciens murs de la halle aux Chanvriers ». Arch. Assistance publique, fonds de
Saint-Jacques-aux-Pèlerins, l. 53, no 1304.
54. BNF, fr. 24070, fol. 219.
55. Au-dessus de la porte aux Savetiers. Voir infra p. 118.
56. Maison assise « sur les degrés des halles de Malines ». Arch. Assistance publique, fonds de
Saint-Jacques-aux-Pèlerins, l. 51, no 1255 (1404). En 1407, un homme et une femme demeurent
ensemble « sur les degrez des hales de Douay ». AN, JJ 161, no 348.
57. « Soubz le degré de Brucelles et y demeure ung rotisseur » (1420), BNF, fr. 24070, fol. 215 ;
« une petite loge souz le degré de ladite halle [de Malines] », AN, JJ 66, no 1476 (édité dans Documents
parisiens du règne de Philippe VI de Valois (1328-1350), éd. J. Viard, 2 t., Paris, 1899-1900 (Société de
l’histoire de Paris et de l’Île-de-France. Documents), t. I, p. 205) ; « Les chambretes qui sont
dessoubz ung degré par ou l’en monte en la halle de Cambray », AN, L 434, no 2 ; Y 3, fol. 37v.
58. Documents parisiens…, t. I, p. 102 (1331).
ASPECTS MATÉRIELS ET RÉALITÉS FONCTIONNELLES 31
59. G. Espinas, La draperie dans la Flandre française au Moyen Âge, 2 t., Paris, 1923, t. II, p. 422 ; H.
Laurent, Un grand commerce d’exportation au Moyen Âge : la draperie des Pays-Bas en France et dans les pays
méditerranéens (XIIe-XVe siecles), Paris, 1935, p. 271.
60. La halle la plus importante, celle aux draps de Paris qui avait deux niveaux, comptait soixante-
dix toises de long (environ cent quarante mètres) et huit toises de large (seize mètres). Elle comptait
trente-deux travées et était éclairée par soixante-dix fenêtres. H. Sauval, Histoire et recherches des anti-
quités de la ville de Paris, 3 t., Paris, 1724, t. I, p. 652.
61. En 1417, la halle d’Aumale, qui faisait partie de la halle du Commun, était « couverte d’une
voûte de pierre de taille », ibid., t. I, p. 650.
62. En 1344, son toit et peut-être une partie de sa façade couverts d’ardoise avaient valu à un
hôtel, situé rue Saint-Denis et aboutissant rue du Cygne, l’appellation de maison d’Ardoise. Elle fut
vendue à Saint-Jacques-de-l’Hôpital qui lui était contigu moyennant la grosse somme de 620 livres,
pour payer la rançon d’un seigneur prisonnier des Anglais. Arch. Assistance publique, fonds de
Saint-Jacques-aux-Pèlerins, l. 30, no 636 (1 et 2).
63. H. Sauval, Histoire et recherches…, t. III, preuves, p. 434 ; C. Samaran, « Les frais du procès et
de l’exécution de Jacques d’Armagnac, duc de Nemours, décapité aux Halles en 1477 », dans
Mémoires de la Société de l’histoire de Paris et de l’Île-de-France, t. 49, 1937, p. 142-154.
64. Rigord, « Gesta… », t. I, p. 34, § 20. Voir supra p. 21 et n. 35.
32 ANNE LOMBARD-JOURDAN
doute pas d’emplacement. Elles peuvent être identifiées sur les plans du
XVIe siècle et figurent encore sur celui de Verniquet. Trois d’entre elles
donnaient accès au vaste préau du marché au Blé ; deux autres ouvraient sur la
place aux Poirées, de part et d’autre du pâté de maisons allant de la taverne de
la Rappée à celle des Bourses. La principale des deux au nord, était dite porte
aux Oignons ou aux Savetiers ; la seconde, au sud, s’appela porte aux Tapissiers,
puis aux Fripiers et ouvrait juste en face du débouché de la rue au Feurre65.
Deux autres portes existaient rue de la Tonnellerie66 ; l’une d’elles était située
entre l’extrémité sud de la halle de Saint-Denis et la halle du Commun. C’était
là que se tenait le receveur du roi qui percevait le droit de tonlieu67.
La porte dite aux Savetiers ou aux Oignons était l’entrée principale donnant
accès, du côté de Paris, à l’intérieur du complexe des halles, dit la « halle
commune ». Elle ouvrait sur la place du marché aux Poirées et formait un
passage couvert de sept mètres de profondeur ; au-dessus une maison était
construite. Celle-ci fut cédée en 1308 par Philippe IV à Pierre Senebron, dit « de
Salins », son sergent d’armes, pour services rendus. Ce don fut complété en 1316
par Philippe V qui y ajouta deux places ou échoppes attenantes dans la halle
commune. Enfin, peu après, Pierre se fit céder à perpétuité un terrain voisin, où
se trouvait un étal de boucher. Cet important ensemble immobilier passa à la fille,
puis au petit-fils de Pierre de Salins. Celui-ci, un boucher nommé Jean de Rueil,
eut en 1381, des difficultés avec les « commissaires ordonnés sur le fait de la
visitation du domaine du roy es Halles de Paris ». Le document qui en rend
compte permet de reconstituer cet endroit des Halles avec une grande
précision68. La façade du corps de logis sur la place aux Poirées mesurait cinq
toises et deux pieds, soit près de onze mètres de long, depuis l’hôtel de la Rappée,
à gauche jusqu’à l’escalier de la halle de Malines à droite. Elle était coupée sur
toute sa longueur par un monumental auvent d’une toise et un pied et demi
(environ deux mètres quarante) de large. Il abritait deux étaux situés à droite et
à gauche de l’entrée des Halles par la porte aux Savetiers. Les propriétaires de la
maison entretenaient cet auvent en bon état et faisaient réparer la chaussée au-
dessous, quand il en était besoin ; mais ils pouvaient louer un bon prix les deux
étaux où l’on vendait du lard. Jean de Rueil eut beau protester que son auvent
65. « La porte par ou l’on va en la halle des Fripiers, a l’opposite du bout de la rue au Feurre » (1306),
Archives des Quinze-Vingts, no 2481. « La porte de la halle aux Freppiers » (1421), AN, S 4680. « La
voye par laquelle on entre a la halle aux Tapissiers » (1468), AN, K 981, no 63. « La porte des halles
dites aux Tapiz » (1502), AN, S 90B. « L’une des portes de l’entrée de ladite halle [aux Freppiers], du
costé de la Lingerie, anciennement appelée la porte aux Tapissiers » (1533, n. st.), AN, S 4680.
66. AN, L 878, no 28 (1436) ; X1C 182B, no 184 (1452) ; S 1963 (3) (1464) ; etc.
67. « Auprés l’entree de l’huys de la halle du Commun, la ou celui qui queult le tonlieu siet »
(28 avril 1293), AN, Y 4 (Livre vert vieil), fol. 96.
68. AN, JJ 119, fol. 44v, no 65.
ASPECTS MATÉRIELS ET RÉALITÉS FONCTIONNELLES 33
ne pouvait gêner la circulation sur la chaussée qui était très large, il fut condamné
à retrancher un demi-pied (environ dix-sept centimètres) de sa largeur sur toute
sa longueur. En compensation, on lui permit de le prolonger jusqu’à couvrir
l’escalier de la halle de Malines qui était commun à sa maison ; mais il dut s’en-
gager à entretenir à ses frais cet escalier comme il le faisait déjà pour la
maçonnerie de la porte aux Savetiers. Il fut aussi obligé de reculer ses deux étaux
« pour avoir plus large entree aux passans et repassans par ladicte porte ». Il avait
trois mois pour faire exécuter les travaux. L’affaire est significative de l’âpreté
avec laquelle était disputé aux Halles le moindre pouce de terrain, de la confusion
existant entre édifices publics et propriétés privées et de la façon dont le roi se
déchargeait de l’entretien des bâtiments des Halles.
69. In superioribus vero illius edis partibus, que ad modum unius vici mirabilis longitudinis ordinate sunt […].
Voir Jean de Jandun, « Tractatus de laudibus Parisius/Traité des louanges de Paris », dans Paris et ses
historiens…, p. 32-79, à la p. 50.
70. « Et est assavoir que en chacune travee de ladite halle a la Laine, c’est a dire de Beauvais, a
compter de mur a autre entre deux piliers, a et sont ordenez quatre places, c’est assavoir en la moitié
de chacune travee deux places » (1369). G. Fagniez, Études sur l’industrie…, p. 218.
71. Donation par un mercier de neuf quartiers d’étal contigus sis dans les hautes halles de la
Mercerie (1351). AN, S 3679, no 9. Voir aussi AN, JJ 97, fol. 19v, no 41 (1366) ; etc.
34 ANNE LOMBARD-JOURDAN
Une miniature du XVe siècle72 montre l’architecture intérieure d’une halle, les
supports délimitant la travée, les fenêtres hautes, la disposition des étaux. Trois
marchands, de souliers, de draps et de vaisselle, vendent côte à côte. Ils sont le
dos à la paroi contre laquelle s’appuient l’armoire et le dressoir où sont entre-
posées leurs denrées. Leurs étaux les séparent des clients qui circulent dans l’allée
centrale de la halle. L’artiste a bien voulu représenter l’intérieur d’une halle, et
nous n’en connaissons pas d’autre image. Celle-ci n’est d’ailleurs pas d’une scru-
puleuse exactitude ; elle a été dessinée d’après des souvenirs : les cordonniers,
les drapiers et les potiers ne vendirent jamais dans un même bâtiment.
Une large allée centrale était réservée aux clients potentiels et aux curieux. Le
sol était souvent en terre battue. En 1432, les merciers durent s’engager à faire
paver l’intérieur des Basses-Merceries avant de les louer aux pelletiers73. Aux deux
extrémités du rez-de-chaussée, de larges portes permettaient aux bêtes de somme
et aux charrettes de pénétrer jusqu’aux étaux pour y déposer leurs chargements74.
Les halles étaient éclairées par des fenêtres hautes et interdiction était faite d’of-
fusquer celles du rez-de-chaussée en appuyant contre les murs extérieurs des
échoppes trop élevées ou quelque construction que ce soit75. Chaque occupant
pouvait d’ailleurs percer à ses frais des ouvertures pour éclairer son étal, à condition
de ne porter préjudice à personne76. Les pelletiers, avant de s’installer aux Basses-
Merceries, exigèrent qu’une paroi soit abattue et reconstruite en appentis pour leur
permettre de secouer la craie de leurs peaux et de les aérer avant leur vente77. Le
premier étage des halles était aménagé comme le rez-de-chaussée et on y accédait
par de grands escaliers extérieurs qui desservaient aussi les habitations voisines78.
Dans son Traité des louanges de Paris, Jean de Jandun fait une description
enthousiaste des halles des Champeaux au début du XIVe siècle. Il a été
impressionné par la beauté et la profusion des marchandises exposées. Les
mots latins lui manquent pour énumérer et décrire ces abondantes richesses :
au rez-de-chaussée l’amoncellement des draps plus beaux les uns que les
72. Aristote, Éthiques, Politiques et Économiques, traduction française de Nicole Oresme, manuscrit
du XVe siècle, Bibl. mun. de Rouen, ms. 927 (I, 2), fol. 145. La miniature illustre un passage d’Aristote
où il étudie la monnaie comme contrepartie de tout achat.
73. AN, X1A 67, fol. 249.
74. En 1430, deux marchands furent condamnés pour avoir, après sept heures du matin, fait
mener des laines « en une charrette en ladicte halle [de Beauvais], et illec sans arrester, au moins sans
icelles deslier ne monstrer publicquement », les avoir vendues. G. Fagniez, Documents relatifs à l’his-
toire de l’industrie et du commerce en France, 2 t., Paris, 1898-1900, t. II : XIVe et XVe siècles, p. 229, no 127.
75. AN, JJ 119, fol. 45 ; S 1393, no 1 ; X1C 182B, no 184 ; etc.
76. « En telle maniere que pourront estaulx pour monstrer leurs draps et veues si comme il leur
plaira, a leur coust, en telle maniere que ils ne fassent prejudice a autruy » (1293). AN, Y 4, fol. 96.
77. AN, X1A 67, fol. 247.
78. L’escalier de la halle de Malines près de la porte aux Savetiers, est dit « commun au roy et aux
marchans et audit [Jehan de Rueil] ». AN, JJ 119, no 63, fol. 45v, no 65.
ASPECTS MATÉRIELS ET RÉALITÉS FONCTIONNELLES 35
autres et les pelisses de fourrure et de soie ; au premier étage, tout ce qui peut
servir à parer le corps humain : couronnes, bonnets, peignes d’ivoire, cein-
tures, bourses, gants, colliers, ornements de toutes sortes, le tout exposé le
long des murs, « si bien qu’à peine a-t-on fini d’examiner une rangée d’étaux,
on se précipite vers l’autre, et, après avoir parcouru le bâtiment dans toute sa
longueur, on est emporté par le désir de recommencer non pas une fois, mais
indéfiniment »79.
Dans tous les espaces restés vacants entre les halles et leur muraille, on
édifia des loges ou échoppes qui affectaient l’aspect de petites maisons munies
d’un toit et de gouttières, parfois d’un foyer et d’une cheminée. Elles étaient
tenues à titre héréditaire ou louées à terme. Lorsque les fripiers vinrent s’ins-
taller aux Halles, à la fin du XIVe siècle, on leur enjoignit d’avoir à faire
construire leurs loges, à faire paver à leurs frais la chaussée devant celles-ci80
et à l’entretenir. Mais, en beaucoup d’endroits, le sol demeurait en terre battue,
ce qui n’était pas sans inconvénient par temps de pluie.
Certains artisans vendaient sur des étaux, des bancs ou des buffets, tels
quelques drapiers de Saint-Denis81, ou sur des tables et des selles mobiles
qu’ils ne pouvaient laisser longtemps au même endroit. Quant aux colpor-
teurs, qui n’étaient pas autorisés à s’arrêter et à déposer à terre leurs denrées,
ils circulaient en criant la marchandise qu’ils portaient « à col », aussi bien à
l’intérieur du périmètre du marché que dans les rues voisines. C’étaient surtout
des merciers ou fripiers, ou encore des « gasteliers » ou pâtissiers qui expo-
saient à la convoitise des passants des échaudés, des gaufres et des craquelins82
et, la veille de l’Épiphanie, des « gastiaulx a la feve ès halles »83. En 1295, un
arrêt du Parlement interdit aux fripiers de stationner trop longtemps devant
les ouvroirs des merciers, charrons, chaussiers et bourreliers de la rue de la
Charronnerie, dont ils offusquaient les vues, et leur ordonna d’aller vendre
place aux Chats84. Demeurée sans effet, cette prescription fut renouvelée en
79. Jean de Jandun, « Tractatus… », dans Paris et ses historiens…, p. 57 (voir infra document V).
80. AN, Y 2, fol. 85v (1389, n. st.) ; voir N. de Lamare, Traité de la police…, t. IV, p. 681 ; AN, S
1393 et S 4680. Voir aussi les « Droits de la foire Saint-Ladre », dans Étienne Boileau, Réglemens
sur les arts et métiers de Paris au XIIIe siècle et connus sous le nom de « Livre des métiers », éd. G.-B. Depping,
Paris, 1837, p. 440.
81. A.-A. Beugnot, Les Olim ou registres des arrêts rendus par la cour du roi…, 3 t. en 4 vol., Paris,
1839-1848 (Collection de documents inédits sur l’histoire de France), t. III, p. 502, no 1.
82. AN, Z1F 5, fol. 104 (1410) ; X2A 41 (1477, n. st.).
83. N. de Lamare, Traité de la police…, t. IV, p. 648.
84. Ordonnances…, t. IV, p. 82.
36 ANNE LOMBARD-JOURDAN
1303 et plusieurs fois par la suite, avec l’autorisation toutefois de s’arrêter une
heure au même endroit pour conclure une affaire85.
Enfin, il y avait toujours aux Halles, en souvenir disait-on de saint Louis, un
certain nombre de places réservées aux pauvres femmes et qui étaient « données
pour Dieu », c’est-à-dire attribuées gratuitement par le receveur de Paris86.
85. A.-A. Beugnot, Les Olim…, t. II, p. 463, no VI ; Ordonnances…, t. IV, p. 84-85.
86. AN, Z1F 5, fol. 31v et Z1F 7A, fol. 89.
87. AN, L 570, no 35 (mémoire de 1736) et no 38 (mémoire de 1763). Procès-verbal de visite
du 27 avril 1763 : BNF, coll. Joly de Fleury, no 1207, fol. 250 et suiv. Par arrêt du Conseil d’État
du 18 octobre 1669, le cimetière fut amputé d’une bande au sud pour élargir la rue de la
Ferronnerie. AN, S 3372.
88. Il fut fermé trois ans pendant la peste noire, de 1349 au 21 septembre 1351 (AN, L 528, no 3).
Des incidents survenus au Moyen Âge dans l’église et au cimetière exigèrent plusieurs fois leur
fermeture et leur réconciliation. En août 1466, la grosse chaleur amena à Paris une telle mortalité
que « tout y fut remply » et qu’ordre fut donné de porter désormais les morts au cimetière de la
Trinité. Jean de Roye, Journal de Jean de Roye connu sous le nom de « Chronique scandaleuse » (1460-1483),
éd. B. de Mandrot, 2 t., Paris, 1894-1896 (Société de l’histoire de France), t. I, p. 165. Condamné
en 1765, il fut fermé définitivement par arrêt du Parlement du 27 octobre 1780. AN, X1B 8975.
89. H. Sauval, Histoire et recherches…, t. I, p. 497.
90.AN, LL 400, fol. 27v ; Arch. Assistance publique, fonds de l’Hôtel-Dieu, layette 7bis, l. 58, cote Cc.
91. Des lettres patentes de Charles V en 1385 mentionnent les « voutes des dites loges et galeries
appelees charniers ». AN, K 167, no 16.
ASPECTS MATÉRIELS ET RÉALITÉS FONCTIONNELLES 37
92. Confréries des fripiers, des drapiers, des gantiers, des crieurs de vin, etc. qui avaient toutes un
jour fixe pour leurs réunions et leurs processions, AN, L 656, no 6. Voir abbé J. Lebeuf, Histoire de
la ville et de tout le diocèse de Paris, éd. F. Bournon et al., 6 t., Paris, 1883-1893, t. I, p. 195.
93. Le chapitre de Saint-Germain-l’Auxerrois autorisait sept aveugles des Quinze-Vingts à quêter
au cimetière. C’était un privilège car ils étaient sûrs d’y faire une bonne recette ; aussi devaient-ils
payer un droit de quatre livres par an. L. Le Grand, « Les Quinze-Vingts depuis leur fondation
jusqu’à la translation au faubourg Saint-Antoine (XIIIe-XVIIIe siècles) », dans Mémoires de la Société de
l’histoire de Paris et de l’Île-de-France, t. 13, 1886, p. 107-260 et t. 14, 1887, p. 1-208, au t. 13, p. 237.
94. AN, LL 408, fol. 149. Rabelais prétend que « les guenaulx de Sainct Innocent se chauffoyent
le cul des ossemens des mors » ; voir François Rabelais, Œuvres, éd. A. Lefranc, J. Boulenger et
al., 4 t., Paris, 1912-1922, t. III : Pantagruel, p. 217.
95. AN, LL 401, fol. 130 et 160.
96. Journal d’un bourgeois de Paris. 1405-1449, éd. A. Tuetey, Paris, 1881, p. 233-234.
97. AN, L 570, no 22.
98. AN, Y 3, fol. 90 et suiv. (ordonnance prévôtale du 9 novembre 1397).
99. A.-A. Beugnot, Les Olim…, t. II, p. 502, no 1.
38 ANNE LOMBARD-JOURDAN
107. AN, X2A 41 (24 mars 1477, n. st.) ; Z1F 5, fol. 104 (1410).
108. In vico straminis aut straminum. L. Brièle et E. Coyecque, Archives de l’Hôtel-Dieu de Paris (1157-
1300), Paris, 1894 (Collection de documents inédits sur l’histoire de France), no 596 (1253, n. st.).
Le commerce de la paille était important dans un Paris où régnait le cheval et où les écuries étaient
nombreuses. Au début du XIVe siècle, le voyer prélevait deux faix de paille sur chaque « feurrier
vendant près des Innocents ». N. de Lamare, Traité de la police…, t. IV, p. 645, col. 1. « Feurre », «
fuerre » ou « fouarre » signifie « paille ». Par confusion, on dit aussi rue au Fer et au Fèvre.
109. On vendait la ferraille (vetera ferramenta) rue de la Ferronnerie, face au coin du cimetière des
Innocents. Arch. Assistance publique, fonds de l’Hôtel-Dieu, l. 280. Les rues Charronnerie et
Ferronnerie furent bien distinguées jusqu’à ce que au XVIIe siècle, le nom de Ferronnerie servît à
les désigner toutes deux.
110. Quotiens aliquod stallum per mortem aut resignacionem vel transportum de ipso in manibus ipsorum voerii
et receptoris aut quomodolibet factum vacantem locare seu ad certum redditum tradere contingebat, prefati receptor
et voerius dictos stallos et plateas per certas personas, unanimi eorum consensu interveniente, ad hoc per eos depu-
tatas in certis locis proclamari et subhastari ac plus offerenti tradi facere consueverant, prout a temporibus retroactis
erat et est fieri solitum, absque impedimento quocumque (1360). AN, X1A 14, fol 427v.
111. Ibid. et AN, JJ 74, no 521, édité dans Documents parisiens…, t. II, p. 156.
112. Voir à titre d’exemples : AN, X1A 1471, fol. 445 (7 mars 1381, n. st.) ; X2A 41 (24 mars 1477,
n. st.) ; X1A 14, fol. 426 (1360).
40 ANNE LOMBARD-JOURDAN
de Paris d’occuper la rue à une heure si matinale que les forains, quand ils arri-
vaient, ne trouvaient plus de place où se loger113.
La clôture du cimetière des Innocents offrait à l’extérieur un solide point
d’appui à la halle en appentis des Lingères, à l’ouest. Contre les trois autres
côtés s’adossaient des étaux et s’accrochaient des auvents. Au début du Moyen
Âge, c’étaient surtout des fripiers et des drapiers qui vendaient dans ces
boutiques improvisées. Ils avaient pris l’habitude de suspendre des tentes
devant leurs échoppes. En 1391, des acheteurs se plaignirent d’avoir été
trompés sur la nature et la qualité des tissus à cause des « grans umbres et
veues obscures » qu’occasionnaient « les grandes serpillières noires et autres
pendues devant les ouvroirs »114. Les drapiers objectèrent que, si on interdisait
l’usage des tentes, le vent et la poussière saliraient leurs draps, tandis que les
rayons du soleil décevraient l’acheteur sur leur qualité et leur couleur. Aussi
furent-ils autorisés à utiliser des tentes descendant jusqu’à 1 mètre 80 du sol,
et débordant d’autant sur la rue, mais sans que rien empêche de circuler par-
dessous à pied ou à cheval. Si toutefois près d’un drapier vendait un pelletier,
le premier pouvait tendre une serpillière entre les deux ouvroirs pour
empêcher le poil de voler sur ses draps115.
Du côté de la rue Saint-Denis, des marchands avaient, en septembre 1385116
pris à cens l’emplacement occupé par des échoppes et y avaient fait édifier de
hautes maisons. Les marguilliers protestèrent : l’eau s’écoulant du toit de ces
maisons abîmait les charniers ; le bruit que faisaient les forgerons et ferrons
dans les nouveaux ateliers troublait le service divin et les murs élevés obscur-
cissaient l’église voisine. Pour mettre fin à ces réclamations, la Chambre des
comptes attribua ces places et édifices à la fabrique des Saints-Innocents, à
charge de payer à la recette de Paris vingt-quatre livres parisis de rente annuelle
et perpétuelle. À la mort des locataires du moment, les marguilliers pourraient
faire détruire ou diminuer leurs maisons ou étaux ou en faire construire de
nouveaux, à condition qu’ils n’empiètent pas sur la voirie plus que les précé-
dents ne le faisaient. Ce fut donc du côté de la rue Saint-Denis que s’élevèrent
les premières maisons adossées aux charniers. Du côté de la Charronnerie, ce
fut sous le règne de Louis XI117.
2. Le besoin d’eau
122. AN, K 34, fol. 5 ; abbé J. Lebeuf, Histoire de la ville…, p. 131 ; M. Félibien et G. Lobineau,
Histoire de la ville…, t. IV, preuves, p. 24.
123. N. de Lamare, Traité de la police…, t. I, p. 582.
124. F. Lecaron, « Essai sur les travaux publics de la ville de Paris au Moyen Âge », dans Mémoires
de la Société de l’histoire de Paris et de l’Île-de-France, t. 3, 1876, p. 82-125, aux p. 101-102. Nous possédons
des représentations de la fontaine des Halles, au XVe et au XVIIIe siècle. Elle fut reconstruite en
1605. Elle ne disparut définitivement que lors du percement de la rue Rambuteau, en 1843.
125. « Ruau » a le sens de ruisseau. Il se trouvait entre Belleville et le Pressoir Saint-Martin. Il
alimentait aussi les fontaines de la Croix-du-Trahoir et de l’hôtel d’Orléans, voisines des Halles.
126. Voir entre autres l’intervention d’Hugues Aubriot pendant sa prévôté (1368-1381). N. de
Lamare, Traité de la police…, t. I, p. 588.
ASPECTS MATÉRIELS ET RÉALITÉS FONCTIONNELLES 43
le droit de brancher des tuyaux sur les canalisations publiques. En 1317, après
l’incendie qui causa de gros dégâts à son hôtel, Mahaut d’Artois fut autorisée à
faire venir chez elle l’eau de la fontaine des Halles127. Des emprunts privés trop
nombreux amenèrent la raréfaction de l’eau potable aux fontaines publiques, car
les sources étaient peu abondantes128. Par ordonnance du 9 octobre 1392,
Charles VI ordonna la suppression de toutes les fontaines privées sauf de celles
des hôtels parisiens du roi et des princes. Mais les abus reprirent aussitôt129. En
1593, le Corps de ville décida de faire poser sur tous les regards une serrure
dont seuls ses agents détiendraient la clef130.
Les puits étaient nombreux au quartier des Halles : puits privés dans les cours
intérieures des maisons et puits publics. Le plus connu de ces derniers était
devant le « maistre huys » de la maison qui occupait l’angle aigu formé par la
rencontre des deux rues de la Truanderie ; signalé dès 1252131, il reçut, au
XVIe siècle, le nom de « Puits d’amour » parce que les jeunes gens s’y fixaient
rendez-vous. D’autres puits publics existaient rue de la Tonnellerie, vis-à-vis de
la porte de la halle au Blé, en face du débouché de la ruelle Jean-Bigne et au
milieu de la Charronnerie ; ce dernier était accessible aussi bien depuis la rue
que par l’intérieur du charnier des Innocents132.
La crainte des « accidents de feu » est souvent formulée dans les actes et
contrats concernant le quartier car le bois entrait pour une grande part dans
la construction des Halles, par ailleurs remplies de marchandises inflam-
mables. Pourtant, parmi les nombreux textes médiévaux consultés, deux
incendies seulement sont signalés : celui de l’hôtel d’Artois en 1317 et celui de
la maison à l’enseigne de la Pomme-Rouge sous les piliers des Halles en
1460133. Aucun chroniqueur, à notre connaissance, ne mentionne un incendie
survenu aux Halles. Grâce aux sérieuses précautions qui étaient prises et à la
127. J.-M. Richard, Mahaut, comtesse d’Artois et de Bourgogne (1302-1329), Paris, 1887, p. 289 ; J.
Rigault, « Documents sur les hôtels parisiens des ducs de Bourgogne », dans Actes du 100e congrès
nationale des sociétés savantes, Paris, 1975. Études sur l’histoire de Paris et de l’Île-de-France, t. II, Paris,
1978, p. 129-133.
128. En été la plupart étaient à sec et il en fut ainsi jusqu’à ce que, sous Louis XI, Simon de
Neufville ait fait venir les eaux du Pré Saint-Gervais. En récompense, le roi l’autorisa à prendre de
l’eau « du gros d’un pois » et de faire une fontaine dans son hôtel de la rue des Prouvaires. Quand
les conduites de plomb crevaient et inondaient les fondations des maisons voisines, il fallait, pour
les réparer, dépaver les rues, puis les repaver. AN, X1A 8318, fol. 187-188v.
129. N. de Lamare, Traité de la police…, t. IV, p. 381. La fontaine établie en son hôtel par Jehan
Braque, seigneur de Chastillon, fut maintenue parce que l’arrivée d’eau située dans la rue était utile
aux gens du quartier. AN, JJ 144, fol. 265v, no 461 (août 1393).
130. L. Beaumont-Maillet, L’eau à Paris…, p. 68.
131. AN, S 1140, no 4 ; BNF, lat. 5413, p. 38 ; Arch. Assistance publique, fonds de Saint-Jacques-
aux-Pèlerins, l. 44, no 1039.
132. AN, K 976-977, no 79 ; Arch. des Quinze-Vingts, no 1965.
133. AN, S 3744A, nos 8 et 9.
44 ANNE LOMBARD-JOURDAN
surveillance exercée jour et nuit par les halliers134, ce qui n’aurait pu manquer
d’être une catastrophe fut donc évité.
3. Propreté et salubrité
L’entretien régulier des Halles était prévu. Un compte de 1425 mentionne les
mailles payées tous les samedis par les marchands pour le nettoyage des bâti-
ments qu’ils occupaient135.
Le quartier possédait deux établissements de bain ou « étuves » : l’un
destiné aux hommes rue Mauconseil, près de l’église Saint-Jacques-de-
l’Hôpital136 ; l’autre, réservé aux femmes, existait dès 1303 rue de la Truanderie,
avec issue sur la rue du Cygne137.
L’évacuation des eaux usées et des déchets posait un sérieux problème. En
raison de la configuration du sol des Champeaux, les eaux de pluie et les eaux
ménagères s’écoulaient dans la direction du lit septentrional abandonné par la
Seine. Au point où confluaient les ruisseaux du quartier, au chevet de l’église
Saint-Eustache existait un véritable cloaque, « le plus ort (sale) lieu de Paris ».
On le franchissait sur une passerelle de pierre dite « poncel de l’église Saint-
Eustache » ou pont Alais. La tradition voulait que « Jean Alais » ait fait
construire la chapelle Sainte-Agnès, qui précéda l’église Saint-Eustache, pour
expier le fait d’avoir imposé d’une maille le poisson de mer vendu aux Halles.
Il aurait demandé que son corps soit jeté dans ce cloaque138. Le pont Alais ne
fut supprimé que vers 1760139. Jusqu’à cette date l’endroit était fréquemment
inondé. On lit, en 1485, dans le texte d’un procès :
Tous les esgoutz des halles et des rues voisines jusques d’aupres de Saint
Innocent se esgoutent par le bout de ladite eglise [Saint-Eustache], tellement que,
quant il vient grant inundacion d’eau, la rue du costé des halles, devant la petite
porte de ladite eglise est si plaine de eaue que on ne y peut passer pour entrer en
l’eglise ; aussi, en yver, quant il y a glaces, il y en a en si grant habondance que
l’on ne peut aller à l’eglise par ladite petite porte140.
134.Sur le hallier et ses emplois, voir G. Espinas, La draperie dans la Flandre française…, t. II, p. 422-423.
135. BNF, fr. 24070, fol 218v (voir infra document IX). Ce soin était souvent négligé. N. de
Lamare, Traité de la police…, t. IV, p. 263.
136. AN, S 934A (1375) ; Arch. Assistance publique, fonds de Saint-Jacques-aux-Pèlerins, l. 16, nos
30 et 41 (1456).
137. AN, K 978, no 94 (1353). Arch. Assistance publique, fonds de Saint-Jacques-aux-Pèlerins,
l. 43, no 992 et l. 68, no 1991 (1303) ; l. 43, nos 1000 à 1007 (XVe siècle), etc.
138. G. Corrozet et N. B[onfons], Les Antiquitez, histoires, chroniques et singularitez… de Paris, Paris,
1576, fol. 156v. La chapelle Sainte-Agnès est qualifiée de « neuve », en février 1214. Voir infra p. 116.
Il existe un petit dessin au crayon du pont Alais. Musée Carnavalet, estampes, topographie pari-
sienne, petits cartons, 27 E.
139. A. Le Roux de Lincy, Histoire de l’église et de la paroisse Saint-Eustache, Paris, 1850, p. 24.
140. AN, X1A 8318, fol. 187.
ASPECTS MATÉRIELS ET RÉALITÉS FONCTIONNELLES 45
141. Chronique du Religieux de Saint-Denys contenant le règne de Charles VI de 1380 à 1422, éd. L. Bellaguet,
6 t., Paris, 1839-1852 (Collection de documents inédits sur l’histoire de France), t. I, p. 100.
142. H. Lemoine, « Les égouts de Paris du XIVe siècle à 1825 », dans Revue mensuelle de la
Chambre syndicale des entrepreneurs de maçonnerie, ciments et bétons armés de la ville de Paris
et du département de la Seine, 1929, p. 252-258, 319-328, 406-413, 479-486, 544-550, 632-642, et
770-773 ; 1930, p. 37-40, 103-106, 198-200 et 276-280, à la p. 103.
143. N. de Lamare, Traité de la police…, t. IV, p. 261 (1356).
144. AN, Y 2, fol. 225v (1405).
145. AN, JJ 160, fol. 4, no 5.
146. N. de Lamare, Traité de la police…, t. IV, p. 529.
46 ANNE LOMBARD-JOURDAN
partout. Le prévôt renouvelait ses interdictions, mais rien n’y faisait. L’absence
d’avant-train tournant rendait d’autre part compliquée la manœuvre des haquets et
charrettes dans des rues se coupant à angle droit147. Approcher de la place des Halles
aux jours de marché devint un exercice laborieux ; ce qui décida Charles VI à trans-
férer l’étape au Vin à la place de Grève, en 1413. Il justifia ainsi cette mesure :
Ce ne fut qu’en décembre 1498 que les marchands de poisson de mer et les
habitants de la rue Montorgueil furent autorisés à faire disparaître la vieille tour
qui bloquait le trafic à la hauteur de l’enceinte de Philippe Auguste149.
Comme toutes celles de Paris, les rues du quartier étaient obscures la nuit. Dès
1258, Étienne Boileau avait bien ordonné aux habitants de placer des pots à feu en
façade de leurs maisons ; mais peu obéissaient et seuls brûlaient les lumignons
disposés au pied des statues de la Vierge et des saints au coin des rues. Les passants
attardés emportaient avec eux une lanterne ou une chandelle. La sécurité était
assurée dans chaque quartier par le guet que les métiers faisaient chacun à son tour.
En cas de besoin, il était soutenu par le guet du roi qui parcourait toute la ville150.
présentait quatre pignons, deux sur la Cossonnerie et deux reposant sur plusieurs
piliers de pierre du côté du marché aux Poirées. Elle comprenait plusieurs corps
de logis abritant une boulangerie, des chambres et une taverne qui ouvrait sur la
Place et dont on trouve fréquemment mention158.
Se dirigeant ensuite vers la rue au Feurre, on passait devant une « taverne à
cervoise » ou maison d’un fabricant de bière, à l’enseigne de la Truie-qui-File159 ;
puis devant le Lion-d’Or. En face, de l’autre côté du marché aux Poirées,
ouvraient les tavernes et hôtelleries bien situées et bien achalandées de la Rappée,
près de la porte aux Savetiers, et des Bourses160, près de la Porte aux Tapissiers,
les deux entrées principales des Halles.
Dès 1357 (n. st.), la taverne à l’enseigne des Trumelières existait dans la rue
de la Fromagerie, contre le mur de la halle aux Cuirs. Villon l’a immortalisée
dans son Testament161.
Les rues voisines avaient aussi leurs hôtelleries et tavernes qui n’étaient guère
moins fréquentées que celles de la Place. C’étaient rue de la Tonnellerie et du sud
au nord : la Fleur-de-Lis, vis-à-vis de la porte de la Grande Friperie, et la « maison
à feste » à l’Image-Sainte-Catherine ; la taverne du Pestel et la Danse face à la porte
de la halle au Blé et aux Toiles, le Plat-d’Étain et la Lanterne et enfin l’hôtel des
Trois-Becques, dernier de ces établissements sous les piliers, du côté de Saint-
Eustache.
En venant de la rue Saint-Denis, on trouvait successivement, du côté septen-
trional de la rue de la Truanderie, les hôtelleries de l’Image-Notre-Dame et du
Pot-d’Étain, la taverne de l’Écu-de-France et, à nouveau, l’hôtellerie de la Hache,
presque devant le puits.
Au débouché de la rue Pirouette sur la place des Halles était l’hôtellerie du
Heaume. C’était au XIVe siècle une importante bâtisse de près de dix-huit mètres
de façade sur la rue et dont le principal corps d’hôtel mesurait presque huit
mètres de profondeur. Une allée conduisait de la rue à une cour qui s’étendait
par derrière jusqu’à une dépendance dite le Petit Heaume, qui ouvrait sur la
Grande Truanderie. Cette cour intérieure était entourée de galeries et mesurait
environ vingt mètres de long sur cinq mètres cinquante de large. Une « descente
158. Arch. Assistance publique, fonds de Saint-Jacques-aux-Pèlerins, l. 46, no 1104 (copie d’actes
du XIIIe siècle) et no 1090 ; Arch. des Quinze-Vingts, nos 1839, 1842, etc. ; AN, JJ 160, no 49 (1405) ;
AN, S 4372 ; AN, Z1F 7B, fol. 299v (1416).
159. Celle-ci faisait l’objet de plaisanteries. En 1452, un écolier voulut la décrocher et, l’échelle
étant trop courte, il se rompit les os. P. Champion, François Villon…, t. I, p. 55. Le Musée du
Moyen Âge conserve une enseigne sculptée de la Truie-qui-File, datant du milieu du XVIe siècle,
et qui y fut apportée lors de la démolition du no 24 de la rue aux Poirées. Voir C. Fegdal, Les vieilles
enseignes de Paris, Paris, s. d. [1913], p. 29-30.
160. L’hôtellerie des Bourses est connue dès 1306. Arch des Quinze-Vingts, no 2481.
161. Les « trumelières » sont des jambières. Villon lègue ses « brayes », qu’il dit avoir laissées en
gage à la taverne. Voir P. Champion, François Villon…, t. I, p. 73.
ASPECTS MATÉRIELS ET RÉALITÉS FONCTIONNELLES 49
a degrez » menait à deux étables basses. Là était la cheminée et la cuisine avec ses
deux « éviers » ou égouts qui évacuaient les eaux usées dans la rue de la Grande-
Truanderie. Tous les bâtiments de ce « grand hostel a faire hostellerie », un des
plus spacieux et des plus renommés du quartier, étaient couverts d’« esseaule »
ou lattes d’un bois spécial162. En face, dans la même rue Pirouette, était encore
la taverne à l’Image-Saint-Antoine.
Il n’y avait, semble-t-il, qu’une seule hôtellerie dans la rue de la Chanvrerie
plus à l’écart de l’activité des Halles, celle du Fardeau située du côté nord et à
son extrémité orientale163.
Rue aux Prêcheurs, outre l’importante hôtellerie des Connins déjà mentionnée,
on peut citer la taverne du Prêcheur164, à l’angle gauche de la rue Maudétour, et
celles des Quatre-Fils-Hémon et du Mouton sur le côté sud de la rue.
La rue de la Cossonnerie était sans doute celle du quartier qui comptait le
plus grand nombre d’hôtelleries. À son extrémité occidentale et sous les piliers
de la place, celle de Cornouaille déjà décrite, puis, à gauche en se dirigeant vers
la rue Saint-Denis, celle des Trois-Écus qui aboutissait par-derrière à l’auberge
du Mouton de la rue aux Prêcheurs, les tavernes des Canettes et du Plat-
d’Étain. En revenant vers les Halles par le côté sud de la même rue, on passait
devant les hôtelleries des Trois-Rois165 et des Maillets. Cette dernière occupait
l’angle de la rue opposé à l’enseigne de la Cornouaille. La taverne du Grand-
Godet lui attenait. Celles de l’Écu-de-France et du Griffon, situées du côté
sud de la même rue et communiquant par derrière avec la brasserie de la Truie-
qui-File sont mentionnées en 1457. Pierre Champion signale, en outre, les
tavernes de l’Écu-de-Bourgogne et de la Limace, place aux Chats, et celle de
la Fleur-de-Lis en la Charronnerie166.
Cette énumération quelque peu fastidieuse, cette liste longue mais non
exhaustive, donnent une idée de la quantité d’hôtelleries et de tavernes existant
à proximité des Halles médiévales. Leur nombre ne surprend pas près d’un
marché dont le va et vient permanent s’intensifiait en période de foire ou d’eu-
phorie économique. Les tenanciers devaient s’opposer de tout leur pouvoir à ce
que l’on vende dans leurs établissements, frauduleusement et à prix réduit, des
162. Sur l’hôtellerie du Heaume voir AN, S 3748A et 3748B, dossier 1, no 7 (1393).
163. AN, S 3752A (1406) ; S 1070B et 1071A.
164. Domus Roberti Predicatoris en 1184. Cartulaire de Saint-Magloire, BNF, lat. 5413, p. 40.
165. Eustache Deschamps se plaint que les marchands allemands qui logent « en la Cossonnerie,
aux Cannettes et aux Trois Rois » ne parlent jamais que leur langue : le « thioys ». Voir Eustache
Deschamps, Œuvres complètes, éd. A. Queux de Saint-Hilaire et G. Raynaud, Paris, 1878-1903, t. VII,
ballade MCCCV, p. 61, vers 31-36.
166. P. Champion, « Liste des tavernes de Paris… », p. 263 ; voir aussi « Le mariage des quatre fils
Hémon et des filles Dampsimon », facétie du XVe siècle sur les noms des enseignes de Paris, dans
Mystères inédits du quinzième siècle, éd. A. Jubinal, 2 t., Paris, 1837, t. I, p. 369.
50 ANNE LOMBARD-JOURDAN
denrées qui auraient dû être descendues aux Halles, passer au contrôle et payer
les taxes167. Des rixes éclataient entre buveurs et dégénéraient souvent jusqu’à
mort d’homme. Les lettres de rémission accordées aux meurtriers par le roi ne
laissent ignorer aucune dramatique péripétie168.
Une fois exposés les caractères d’ensemble des Halles au Moyen Âge, il est
nécessaire d’établir leur topographie et la répartition des lieux de vente à l’in-
térieur de l’espace étroitement circonscrit qui leur resta assigné dans la ville
jusqu’au XXe siècle. Reconstituer et dessiner le plan du grand marché tel qu’il
fut à l’apogée de son activité médiévale permettra d’y inscrire ensuite les
transformations, d’ailleurs limitées, qu’il eut à subir jusqu’à la radicale réno-
vation de Victor Baltard.
167. Voir, pour la vente coupable de vingt-deux aunes de drap à l’hôtellerie du Plat-d’Étain en la
Tonnellerie, O. Martin, Sentences civiles du Châtelet de Paris (1395-1505), Paris, 1914, p. 124.
168. AN, JJ 153, fol. 335, no 505 (1398) ; JJ 157, fol. 17, no 15 (1402) et fol. 229v, no 379 (1403, n.
st.) ; JJ 160, fol. 40, no 45 (1405) ; etc.
CHAPITRE III
169. AN, JJ 30A, fol. 103v, no 297 (mars 1264, n. st.) (voir infra document I).
170. Ordonnances…, t. V, p. 106.
171. Hale quas rex debet sustinere, tradite per magistrum Johannem de Sereuz, mercurio post [festum] Omnium
Sanctorum XCVIo. BNF, fr. 2833, fol. 181v (voir infra document III).
52 ANNE LOMBARD-JOURDAN
172. Voir D. Cardon, La draperie au Moyen Âge : essor d’une grande industrie européenne, Paris, 1999 ; G.
Fagniez, Études sur l’industrie… ; et R Gourmelon, « L’industrie et le commerce des draps à Paris du
XIIIe au XVIe siècle », dans Positions des thèses de l’École des chartes…, 1950, p. 61-63.
BÂTIMENTS ET LIEUX DE VENTE 53
du nord, appelé « halle de Paris »173, se vendaient les draps au détail au rez-de-
chaussée et exclusivement en pièces à l’étage174. En 1397, une ordonnance du
prévôt autorisa les drapiers forains à y vendre ceux qu’ils n’avaient pu écouler aux
foires du Lendit, de Saint-André et de Compiègne, ainsi que de Lagny, à
condition de les y apporter aussitôt et de les vendre sous huit jours175. Les
drapiers parisiens protestèrent, mais le Parlement confirma la sentence du
prévôt176, et la partie de la halle qu’occupèrent désormais ces forains fut dite « la
halle du Petit Lendit »177. Plus tardivement on y vendit aussi les toiles.
La seconde halle de Philippe Auguste, située au sud de l’autre était dite
« halle aux Tisserands »178. Dès le milieu du XIIIe siècle, les drapiers de Paris la
partagèrent avec ceux de Beauvais qui laissèrent le nom de leur ville à la partie
occidentale du bâtiment, puis au bâtiment tout entier179. La partie orientale est
quelquefois dite « halle des Blancs-Manteaux », à cause des drapiers « faisant
draps rue des Blancs-Manteaux »180. Entre ces derniers et les tisserands, les
foulons de Paris possédaient, au XVe siècle, deux étaux pour vendre le samedi
les draps qu’ils avaient travaillés ou façonnés, sans qu’il y ait aucune cloison
pour les séparer181. En outre, le commerce de la laine fut transféré peu avant
1369 à l’extrémité ouest de la halle de Beauvais, qui prit le nom de « halle à la
Laine »182. À leur jonction, les fripiers, tondeurs et couturiers étaient autorisés
à vendre, bien qu’ils n’appartinssent pas à la corporation des drapiers de Paris,
173. « Les halles aux Draps : l’une appelée la “halle de Paris” et l’autre la “halle de Beauvais” ».
Lettres patentes du 2 mai 1454. Ordonnances…, t. XIV, p. 318. La première conserva sa primitive
attribution jusqu’en 1855, à travers de multiples restaurations et une reconstruction à la veille de la
Révolution.
174. Parisius erant halle alte pro vendicione pannorum integrorum non alseissorum et absque detaillio disposite ; […]
erant eciam inferiores halle in quibus vendi poterant […] pannorum pecia et escroe (2 mars 1398, n. st.). Édité dans
G. Fagniez, Études sur l’industrie…, p. 371, no 44. Les droits perçus par le roi étaient plus élevés sur la
vente en gros que sur celle au détail. Ordonnance de juillet 1362, confirmée par celle de février 1365
(n. st.) et de mars 1393 (n. st.). Voir Ordonnances…, t. III, p. 582 ; t. IV, p. 535 ; et t. VII, p. 555.
175. AN, Y 2, fol. 140v (20 juin 1397).
176. Édité dans G. Fagniez, Études sur l’industrie…, p. 371, no 44.
177. AN, X1A 4786, fol. 340, 346v et 347 (juin-juillet 1404).
178. « La hale que li tisserant de Paris ont assise es hales de Paris », voir Ordonnances…, t. III,
p. 585 (1362).
179. En 1296, la halle de Beauvais est citée parmi celles dont le roi a l’entretien à sa charge. En
1484, la halle aux Tisserands est dite à côté et sous une même couverture avec la halle de Beauvais.
Voir H. Sauval, Histoire et recherches…, t. III, preuves, p. 453. Il est question des « drapiers qui font
et font faire draps a Paris et qui mettent a la halle de Beauvais » ; voir Ordonnances…, t. III, p. 584
(1362) et t. XIV, p. 318 (1454).
180. Arrêt du Parlement du 23 décembre 1407. Voir Les métiers et corporations…, t. III, p. 157.
181. Sentence du prévôt de Paris (18 mai 1443). Ibid., t. III, p. 100. Ordonnance des foulons de
draps, art. 20 (1467). Ordonnances…, t. XVI, p. 590.
182. « La halle a la Laine de nouvel ordenee ». Ordonnance d’Hugues Aubriot (1369). G. Fagniez,
Études sur l’industrie…, p. 213. La laine se vendait déjà aux halles en 1340 (n. st.). AN, X1A 8, fol. 25.
54 ANNE LOMBARD-JOURDAN
2. Halles à la Mercerie
183. Arrêt du Parlement du 23 décembre 1407. Voir Les métiers et corporations…, t. III, p. 156.
184. AN, Y 4, fol. 31v. Les bouchers les remplacèrent en 1416 : « La boucherie de Beauvais où
souloit estre la halle a la Laine ». AN, Z1F 7B, fol. 344 (1417).
185. Voir supra, p. 19, n. 28.
186. « Du fait de la mercerie, il y a XVIII branches foraines et en la ville de Paris il y a XVIII autres
membres… ». AN, Z1A 5, fol. 103v (1411).
187. Étienne Boileau, Réglemens sur les arts et métiers…, p. 191. AN, X1C 132, no 30 (1426). Voir la
surprenante énumération des objets vendus par les merciers en mars 1408 (n. st.). Ordonnances…,
t. IX, p. 305-306.
188. Une seule maison les séparait du côté de la rue de la Tonnellerie (1339). Arch. Assistance
publique, fonds de Saint-Jacques-aux-Pèlerins, l. 51, no 1270 (1) et l. 53, no 1302 (1).
189. Il est question de « tout cil qui estal ont es hales de la Mercerie de Paris soit dessus ou
dessous ». Voir Étienne Boileau, Réglemens sur les arts et métiers…, p. 191.
190. « La halle aux Merciers ou merceries Basses […] aboutissant par l’un des boutz a la rue de
la Tonnellerie et par l’autre bout a une allee sur laquelle est la halle nommee Champeaux » (1454).
AN, JJ 182, no 106. Ordonnances…, t. XIV, p. 318. Voir aussi X1A 1481, fol. 49v ; Journal de Clément
de Fauquembergue, greffier du Parlement de Paris, 1417-1435, éd. A. Tuetey, 3 t., Paris, 1903-1915 (Société
de l’histoire de France), t. III, p. 31-32.
BÂTIMENTS ET LIEUX DE VENTE 55
191. Sciendum est preterea quod nos retinemus potestatem pro nobis et successoribus nostris faciendi aliam halam
ad gentes ejusdem ministerii quotienscumque voluerimus in villa Parisius, prope dictam halam vel longe, ubi vide-
rimus expedire. AN, JJ 30A, fol. 103v, no 297.
192. J. Guerout, « Le palais de la Cité à Paris des origines à 1417 », dans Paris et Île-de-France.
Mémoires… , t. 1, 1949, p. 57-212, t. 2, 1950, p. 21-204 et t. 3, 1951, p. 7-101, au t. 2, p. 90-91.
193. AN, Z1F 6, fol. 9v (1411).
194. AN, K 948, no 29 (21 avril 1323).
195. AN, Z1F 2, fol. 9v (1403). Nombre peut-être exagéré puisqu’en 1454 on ne comptait dans ces
mêmes Basses-Merceries que cinquante-quatre étaux environ. AN, JJ 182, no 106.
196. BNF, fr. 24070, fol. 219 (vers 1425).
197. AN, X1A 67, fol. 247v (10 mai 1432) ; voir aussi X1A 1481, fol. 45v, 49v et 60 (1432-1433) ;
et Journal de Clément de Fauquembergue…, t. III, p. 31 et p. 63-64.
56 ANNE LOMBARD-JOURDAN
198. Ibid.
199. AN, JJ 182, no 106. Ordonnances…, t. XIV, p. 322.
200. Dès 1306, on trouve mention d’un « estal a mercier seant es hautes halles de Paris en la
Mercerie sus les gantiers ». AN, Q1 1186. Et en 1307 : halae super ganteriis. Arch. des Quinze-Vingts,
no 5848, nos 23 et 40.
201. « La viez hale auz Merciers d’en bas ». Arch. des Quinze-Vingts, no 2658.
BÂTIMENTS ET LIEUX DE VENTE 57
cent quatre étaux et on y accédait par deux « montées » ou escaliers, l’une place
aux Poirées210, l’autre place aux Chats211.
Au XIVe siècle, un nouveau local fut mis à la disposition des merciers : la
« Haute Mercerie neuve » située entre la Friperie et la halle au Blé. Le rez-de-
chaussée fut occupé à l’ouest par les tanneurs, puis par les chaussetiers, et à l’est,
par les cordonniers212. L’escalier qui donnait accès à la mercerie de l’étage était
à l’ouest, près des chaussetiers, et laissait un passage qui permettait d’atteindre
la porte ouvrant sur la Tonnellerie, au nord de la halle du Commun213. Quand
Hugues Aubriot mentionne, en juin 1369, la « Haulte Mercerie neuve », il s’agit
donc d’un nom anciennement donné et resté en usage214.
210. Celui-ci, au coin de la rue au Feurre, servait aussi d’accès à la maison du hallier, construite sur
le mur du cimetière des Innocents. Des « degrez » descendaient directement de l’étage à l’intérieur de
la Lingerie. AN, S 14 (1472). Cette maison dite des « Quatre vents » ne fut démolie qu’en 1552.
211. K. Michaëlsson, Le livre de la taille de Paris, l’an de grâce 1313, Göteborg, 1951, p. 65. Un acte
de 1457 (n. st.) mentionne « les degrez par ou l’on monte aux halles de Champeaux, place aux
Chats ». AN, S 14.
212. Super stallis halle predicte que sunt supra halam Sutorum et tannatorum, A.-A. Beugnot, Les Olim…,
t. III, p. 59, no 26 (1301, n. st.). Hale super sutores, Arch. des Quinze-Vingts, no 5848, nos 27 et 40
(1307). « Hautes hales aux Merciers de Paris sus les lormiers (bourreliers) », ibid., no 2384 (1318), etc.
« La halle ou l’en soulloit vendre les cuirs tannés et a present vendent les chaussetiers » (1428),
Arch. Assistance publique, fonds de Saint-Jacques-aux-Pèlerins, l. 9, no 78. Voir aussi l. 50, nos 1212
et 1215. L’étal d’un pelletier est dit « aboutissant a la halle aux Chaussetiers par bas et par en haut
a la halle de la Haulte mercerie ». Ibid., l. 49, no 1203 et l. 50, no 1234.
213. Le même étal de pelletier est dit en 1400 « tenant au degrez de la halle de la Mercerie » et, en
1447, « tenant a la place ou allee ou soulloyent estre les degrez des vieilles halles sur la chausserie ».
Arch. Assistance publique, fonds de Saint-Jacques-aux-Pèlerins, l. 49, no 1203 et 1205 ; l. 51, no 1254.
214. G. Fagniez, Études sur l’industrie…, p. 213 ; Ordonnances…, t. V, p. 147 (29 juin 1369).
215. AN, S 4681B, dossier 4 ; Arch. des Quinze-Vingts, nos 1739 et 2632, 2644, 2645 ; L. Biollay,
« Les anciennes halles… », p. 33-34.
216. H. Sauval, Histoire et recherches…, t. I, p. 649.
217. Arch. Assistance publique, fonds de Saint-Jacques-aux-Pélerins, l. 48, no 1168 ; AN, Z1F 7B,
fol. 344v (1417, n. st.) ; H. Sauval, Histoire et recherches…, t. III, p. 313.
BÂTIMENTS ET LIEUX DE VENTE 59
maisons de la Ferronnerie appuyaient par-derrière leur étage en saillie sur trois piliers
de pierre en la halle des Chaudronniers et sur deux autres en la halle au Cordouan218.
C’est là un exemple de la façon dont les domiciles privés étaient étroitement
imbriqués avec les bâtiments des halles.
5. Halle de Gonesse
223. AN, JJ 56, fol. 131v, no 295 (1318) ; S 935B (1358) ; JJ 145, fol. 218v, no 477 (1394, n. st.).
224. En 1314, les marchands de Bruxelles y mirent indûment en vente leurs draps : Mercatores
de Broissellis indebite et de novo quedam horrea ubi consueverunt vendi allia et cepe ordinaverunt ad vendendum
pannos suos et eos ibi venderunt. Voir A.-A. Beugnot, Les Olim…, t. III, p. 840, no 22 (AN, X1A 4,
fol. 249v).
225.« La halle au Fille » (1349), AN, S 935B. « La halle a la Fillasse » (1409), Arch. Assistance publique,
fonds de Saint-Jacques-aux-Pèlerins, l. 52, no 1282 ; « la halle aux Toiles » (1424), AN, S 1195 (1540), etc.
226. Étienne Boileau, Réglemens sur les arts et métiers…, p. 122, art. XI.
227. Les métiers et corporations…, t. III, p. 40.
228. AN, Z1F 8, fol. 167v et 204.
229. On vendait aussi les harengs en gros, « en la hale aux Gresses a Paris en la place de la hale
au Blé estant au devant et opposite de ladite hale aux Gresses ». Ordonnance du 28 janvier 1399,
n. st. (Les métiers et corporations…, t. I, p. 417).
230. C’est ce qu’on peut déduire de l’interdiction faite au propriétaire d’un étal qui y était adossé
à l’extérieur d’élever celui-ci au-dessus des deux mètres soixante-dix qu’il mesurait déjà. Ibid.
231. Documents parisiens…, t. I, p. 205 ; BNF, fr. 6142, fol. 124v, (1480) ; AN, JJ 119, fol 44v. L.
Auvray, « La halle aux Draps… ».
232. AN, JJ 53, no 36 et JJ 119, no 65, fol. 46 (1316) ; AN, JJ 119, fol. 45v (1381 n. st.).
BÂTIMENTS ET LIEUX DE VENTE 61
Quant aux drapiers venus de l’étranger, d’abord flamands, ils furent presque
exclusivement brabançons à partir des environs de 1300. En fonction de leur
nombre, ils achetaient ou louaient à Paris un bâtiment entier ou quelques travées
dans celui-ci comme lieu permanent d’entrepôt et de vente234. Les marchands d’une
même ville drapière – et sa municipalité – étaient responsables solidairement du
paiement du loyer et de l’entretien du local, ce qui pouvait devenir une lourde charge
en cas de crise économique et de la défection d’une partie des marchands. Un garde
ou « hallier » était chargé de veiller à la protection des biens de tous. Chaque halle
portait le nom de la ville d’origine des marchands qui la louaient, preuve de la régu-
larité et de la continuité des relations existant entre ces villes et Paris.
La halle de Saint-Denis était installée au-dessus de la halle au Fil et la halle de
Louvain au-dessus de la halle au Chanvre. La porte qui, du marché au Blé, ouvrait
sur la rue de la Tonnellerie formait la séparation entre elles235. En 1293, la halle de
Saint-Denis accueillit dans ses trois travées méridionales les drapiers de Lagny.
Entre 1387 et 1403, une partie des drapiers de Bruxelles y fut également transférée.
Les drapiers de Saint-Denis prétendirent en outre vendre leurs draps tous les
samedis près de la halle aux Draps de Paris, sur des bancs et des buffets. À la
requête des marchands parisiens, on le leur interdit ; mais un arrêt du Parlement
de 1309 leur en rendit la possibilité, à condition de ne pas gêner la circulation236.
237. AN, JJ 52, fol. 49, no 91 (voir infra document IV) ; Arch. Assistance publique, fonds de Saint-
Jacques-aux-Pèlerins, l. 51, no 1272 ; l. 52, no 1288 et l. 10, no 85.
238. AN, X1A 5, fol. 11 (8 décembre 1319).
239. Arch. mun. Douai, CC 199 ter, CC 200 et DD 12. G. Espinas, La vie urbaine de Douai au Moyen
Âge, 4 t., Paris, 1913, t. II, p. 876 et n. 4.
240. AN, S 5077B, no 60 ; H. Laurent, Un grand commerce…, p. 154-159.
241. AN, JJ 157, fol. 299, no 501 (1387). Une maison rue de la Tonnellerie est dite en 1425,
aboutir par-derrière « par bas aux murs de la halle aux Thoilles et au fil, par hault a la halle de
Bruxelles ». Arch. Assistance publique, fonds de Saint-Jacques-aux-Pèlerins, l. 52, no 1283.
242. En 1421, deux échoppes situées « devant le pilori » sont dites « selon la couverture des halles
de Bruxelles et de Douay ». Voir H. Sauval, Histoire et recherches…, t. III, preuves, p. 275.
243. A.-A. Beugnot, Les Olim…, t. III, p. 191, no 8 (22 novembre 1306).
244. BNF, fr. 2833, fol. 181v (XVe siècle) ; H. Laurent, Un grand commerce…, p. 155. Voir aussi
Arch. mun. Cambrai, CC 42, fol. 10.
245. H. Dubrulle, Cambrai à la fin du Moyen Âge, Lille, 1904, p. 185 et n. 3.
246. H. Laurent, « Documents relatifs à la procédure en foires de Champagne et de Brie contre
les débiteurs défaillants originaires de Malines », dans Bulletin de la Commission royale des anciennes lois
et ordonnances de Belgique, t. 13, 1er fasc., 1929, p. 79.
247. Documents parisiens…, t. I, p. 205, no 132 ; AN, P 2300, p. 783.
248. AN, JJ 161, no 348 (juillet 1407) ; Documents parisiens…, t. I, p. 205 ; H. Sauval, Histoire et
recherches…, t. III, preuves, p. 527.
249. Arch. Assistance publique, fonds de Saint-Jacques-aux-Pèlerins, l. 51, no 1255 (1404) ; AN,
Z1F 7B, fol. 370 (1416).
BÂTIMENTS ET LIEUX DE VENTE 63
8. Halle Neuve
Les marchands forains n’apportaient pas à Paris que des draps. Ils étaient
tous contraints, sous peine de la perte des denrées et d’une forte amende, de
décharger et de vendre les marchandises importées en la halle Neuve, au sud et
devant la halle au Blé. Il en était de même pour les marchandises que des
Parisiens allaient ou envoyaient chercher en pays étrangers. Les marchands
9. Les fripiers
La corporation des fripiers était importante car elle répondait aux besoins
des moins fortunés et du plus grand nombre. Au XIIIe siècle, ils se tenaient rue
Saint-Denis, devant l’hôpital Sainte-Catherine, et rue de la Charronnerie263.
En 1313, ils vendaient aussi à l’intérieur des Halles (inter clausum halle) et le roi
consentit à leur céder à titre héréditaire les étaux qu’ils occupaient à plusieurs
conditions, les principales étant qu’ils les entretiendraient et n’édifieraient pas
au-dessus de logements pour y demeurer continuellement264. Hugues Aubriot,
prévôt de Paris sous Charles V, voulut obliger tous les fripiers à aller vendre
aux Halles les vendredis et samedis. Ils objectèrent que les Halles étaient
moins passantes que la place des Innocents où ils vendaient, qui était « plain
259. Ordonnance du roi Jean II sur la police et les métiers de la ville de Paris (1er janvier 1351),
titre XIV. Voir Les métiers et corporations…, p. 25-26. En 1402, un marchand de Liège se vit confisquer
dix douzaines de mors de chevaux et vingt-et-une paires d’étriers qu’il avait exposés en vente « hors
halle et sanz visitation ». AN, Y 5224, fol. 61v.
260. Ces ruelles paraissent d’ailleurs souvent se déplacer. Les textes les nomment : « ruelle de la
Petite Friperie », « ruelle qui va a la porte aux Savettiers », « ruelle de la halle aux Cordonniers »,
« carrefour de la halle aux Frippiers », etc., sans qu’on puisse les reporter sur plan.
261.Il est impossible de donner les nombreuses références qui ont permis d’écrire ces dernières lignes.
262. L’Écu-de-Bourgogne, Arch. Assistance publique, fonds de Saint-Jacques-aux-Pèlerins, l. 9, no 78 ;
L’Écu-de-Guyenne, AN, K 981, no 64 ; Le Cheval-Blanc, AN, S 1963 ; La Pomme-de-Pin, La Corne-de-Cerf,
Le Renard-qui-Prêche (XVIe siècle) ; etc.
263. Ordonnances…, t. V, p. 106 ; t. XIV, p. 191 et 280.
264. […] Nec in stallis ipsis continuam poterunt facere mansionem, nec domos ibidem pro remanendo edificare.
Ordonnances…, t. XII, p. 393 (avril 1312).
BÂTIMENTS ET LIEUX DE VENTE 65
Chats, « dessoubz les halles de Champeaulx et couvers d’icelles »271. Lorsque les
merciers avancent en 1432, que les pelletiers n’ont aux Halles « aucun lieu »
(nullum locum) où exposer leurs marchandises, ils veulent seulement dire que cette
corporation importante ne disposait d’aucun local indépendant et convenable où
ils pussent vendre tous ensemble272. En effet, vers 1425, les soixante-dix étaux
qu’ils occupaient alors étaient « assis en plusieurs lieux esdites halles »273.
Le 23 décembre 1367, les pelletiers se virent rappeler leur obligation d’aller
vendre aux Halles deux jours par semaine et de fermer leurs boutiques en ville
ces jours-là274. De plus, en 1369, une ordonnance d’Hugues Aubriot leur assigna
un emplacement, près des fripiers et derrière les maisons de la Rappée et des
Gants qui ouvraient sur le marché aux Poirées275. Mais les pelletiers vendirent
toujours en plusieurs endroits des halles à la fois. Vers 1410, ils projetèrent d’aller
occuper le bâtiment des Basses-Merceries devenu vacant et un long procès les
opposa aux merciers à cette occasion. Les aménagements qu’ils exigeaient alors
nous instruisent sur leurs conditions de travail276.
Ces trois corporations partageaient avec les fripiers et les pelletiers le vaste
emplacement situé au nord de la halle aux Draps. Les deux principales entrées
des Halles du côté de la ville portaient les noms de porte aux Savetiers et de
porte aux Tapissiers277. Les chaussetiers occupaient une rangée de trente-cinq
étaux contre la halle aux Draps278.
Le tableau qui vient d’être dressé ne saurait être complet, mais il donnera
une idée de la multiplicité et de la diversité des activités marchandes aux Halles
et de l’enchevêtrement des lieux où elles s’exerçaient ; ce qui n’empêchait pas une
certaine qualité d’ordre et le respect des règlements.
271. A.-A. Beugnot, Les Olim…, t. III, p. 659, no 27 (1312) ; règlements de 1324, Les métiers et
corporations…, t. III, p. 329, et de mai 1407, Ordonnances…, t. IX, p. 211 ; Arch. des Quinze-Vingts,
no 2656 (1390).
272. Quamvis mercancia pelliparie una de majoribus et communioribus mercanciis dicte ville [Parisiensis] repu-
taretur […] tamen pelliparii ab antiquo nullum locum in dictis halis ad suas merces venales exponendum habuerant,
in ipsorum et rei publice non modicum dedecus et gravamen. AN, X1A 67, fol. 247.
273. BNF, fr. 24070, fol. 219v.
274. AN, Y 2, fol. 66v et X1A 1469, fol. 296.
275. AN, Y 4, fol. 97 et KK 1336, fol. 122v (12 juillet 1369). Arch. Assistance publique, fonds de
Saint-Jacques-aux-Pèlerins, l. 51, no 1254 (1400). Sur ces maisons, voir A. Jourdan, « L’immunité… ».
276. Voir supra, p. 56.
277. BNF, fr. 24070, fol. 219v ; AN, S 4680 (1421) ; AN, K 981, no 63 ; AN, S 90B (1502) ; AN,
X1C 182B, no 184.
278. BNF, fr. 24070, fol. 219v ; Arch. Assistance publique, fonds de Saint-Jacques-aux-Pèlerins,
l. 49, no 1203 (1428). La rue tracée à cet endroit au XVIe siècle fut dite : rue de la Chaussetterie.
BÂTIMENTS ET LIEUX DE VENTE 67
1. Le blé
L’espace réservé aux Halles à la vente en gros du blé et des autres grains était,
écrit Sauval, « une place fort irrégulière à la vérité, mais d’une grandeur très conve-
nable »288. À l’est de ce préau et de plain-pied s’alignait une série de greniers fermés
ou ouverts sur des piliers et des échoppes et des loges étaient plantées çà et là289.
On accédait au marché au Blé par quatre portes : la première, qualifiée de
« grande porte au blé » s’ouvrait rue de la Tonnellerie290 ; la seconde, dite « petit
huys », était plus bas dans la même rue291 ; la troisième ouvrait à l’est, derrière la
halle à la Marée292, et la quatrième au sud, entre la halle aux Cuirs à poil et la
halle aux Graisses. Ces « portes » étaient toutes en réalité des passages ménagés
sous les halles drapières du premier étage, de véritables petites rues par endroits
bordées d’étaux293. La grande porte de la Tonnellerie est appelée parfois : « le
chemin qui va en la halle au Blé »294.
Le blé était apporté aux Halles exclusivement par terre. On vendait là en gros
les blés d’Île-de-France, de Picardie, du Vexin et autres provinces, mais pas ceux de
Beauce et de Hurepoix qui s’écoulaient à la halle « de Beauce », dite aussi « de la
Juiverie », en la Cité. Cette dernière était, avec la Grève, le seul endroit à Paris où l’on
vendit des grains ailleurs qu’aux Halles, où se faisait le commerce de beaucoup le
plus important. La vente du blé commençait à des heures différentes dans ces trois
marchés. À la halle au Blé, elle avait lieu de tierce à midi295. Aussitôt le grain vendu,
il était enlevé par des portefaix et livré au domicile des acheteurs. Les invendus
étaient entreposés jusqu’au marché suivant dans les greniers prévus à cet effet296.
Le prix du meilleur blé vendu le samedi aux halles des Champeaux servit de
bonne heure de référence pour l’établissement de la valeur des biens et le
montant des fermages297.
On vendait aussi à la halle au Blé d’autres céréales, des légumes secs : pois
et fèves298, les farines299 et même les glands300. Chaque catégorie avait son
emplacement attitré301.
Le Poids du roi disposait de toute ancienneté de deux bureaux : l’un rue
des Lombards, l’autre à la halle au Blé. Ce dernier était transféré dans la halle
de la Lingerie pendant la foire Saint-Ladre302. Le chapitre Notre-Dame avait
la jouissance du Poids du roi « à titre d’engagement » et nommait le chargé à
la régie. À la halle au Blé, l’exploitation du Poids du roi se faisait sous deux
des arcades qui bordaient le préau au sud et on faisait remonter son origine
à Philippe Auguste. En 1748, un procès fut intenté à une marchande qui
s’était permis de faire pratiquer un passage entre sa boutique de la rue de la
Cordonnerie et la halle au Blé, bien qu’elle protestât que ce passage ne faci-
litait pas seulement son commerce, mais que le public l’empruntait
journellement303.
2. Le poisson
ville de Paris… », dans Mémoires de la Société royale des antiquaires de France, t. 17, 1844, p. 200-318, à
la p. 248 ; voir aussi L. Cadier et C. Couderc, « Cartulaire et censier de Saint-Merri… ».
298. Un emplacement carré de trois mètres trente de côté environ était réservé à leur vente
derrière la Boîte au Poisson de mer. AN, JJ 145, fol. 218v, no 477 (1394, n. st.).
299. Ordonnance de Jean II (1351), titre IV. Voir Les métiers et corporations…, t. I, p. 8.
300. En 1439, il y eut « tant de gland de chesne, que on le vendoit a la halle au Blé, emprés l’avoyne,
aussi grans sachees comme ble ». Voir Journal d’un bourgeois de Paris…, p. 349.
301. Il est question d’une « halle à l’Avoine » dans l’ordonnance du 28 janvier 1399 (n. st.). Voir
Les métiers et corporations…, t. I, p. 417.
302. BNF, fr. 24070, fol. 215.
303. AN, Q1 1186.
304. Droits de la foire Saint-Ladre, Étienne Boileau, Réglemens sur les arts et métiers…, p. 441. Le
poisson d’eau douce se vendait aussi à l’Apport-Paris, au Petit-Pont et au cimetière Saint-Jean.
BÂTIMENTS ET LIEUX DE VENTE 71
par les formalités aux frontières. Le traité de Boves en 1185 ouvrit le chemin vers
le Ponthieu. Dès 1184, la seigneurie de Saint-Valery-sur-somme et le bourg
d’Ault étaient dans la vassalité de Philippe Auguste. La première allusion faite à
la possibilité de manger du poisson de mer frais à Paris se trouve dans Les
Narbonnais, chanson de geste des premières années du XIIIe siècle305. C’était alors
un mets de luxe.
Le poisson frais venait surtout des côtes de la Manche : de Boulogne, Étaples,
Rue, Vaben306, Le Crotoy, Saint-Valery-sur-Somme, Cayeux, Ault, Le Tréport,
Dieppe307, Honfleur, et, en beaucoup moins grande quantité, de Calais sur la mer
du Nord. Les marchands poissonniers faisaient pêcher le poisson sur la côte et
le confiaient à des transporteurs ou voituriers dits « chasse-marée » qui l’enle-
vaient aussitôt et le livraient dans la capitale à des commissaires-jurés, mandataires
des poissonniers, qui s’occupaient de le vendre en gros, par lots et à la criée. Dès
le milieu du XIIIe siècle, cette division du travail entre armateurs et pêcheurs qui
ne quittaient pas les ports, voituriers qui acheminaient le poisson et mandataires
qui le réceptionnaient et le vendaient à Paris, revêtit des aspects modernes.
Le poisson était transporté la nuit dans des paniers oblongs ou bourriches,
garnis d’algues et fixés à droite et à gauche du dos du cheval. Les voituriers utili-
saient des chevaux rapides, tels que les boulonnais dont un type est encore connu
sous le nom de « mareyeur ». La marée se trouvait transportée à une allure régu-
lière qui, malgré une assez lourde charge, permettait de parcourir de douze à
quinze kilomètres à l’heure au trot soutenu. Nous ignorons si des relais étaient
organisés, permettant de changer les chevaux et d’obtenir une plus vive allure.
Mais même sans cela, le poisson pouvait parvenir frais à Paris. Il lui suffisait de
partir vers cinq heures du soir de Boulogne (à deux cent trente-huit kilomètres)
ou vers sept heures du soir du Tréport (à cent soixante-huit kilomètres) pour
arriver le lendemain avant huit heures du matin pour l’ouverture du marché.
Il pénétrait dans Paris par la rue Saint-Denis ou par la rue Comtesse-
d’Artois, dont le prolongement septentrional à travers la Plaine Saint-Denis
était appelé « chemin des Poissonniers »308. Aussitôt franchies les portes de la
ville où il payait le droit de chaussée309, il devait être dirigé vers les Halles, sous
305. Les Narbonnais : chanson de geste, éd. H. Suchier, 2 t., Paris, 1898, t. I, p. 91, vers 2402. Voir Roger
Dion, « La leçon des chansons de geste. “Les Narbonnais” », dans Paris et Île-de-France, Mémoires…,
t. 1, 1949, p. 23-45, aux p. 36-37.
306. Rue et Vaben étaient autrefois des ports de pêche importants. L’ensablement de cette partie
de la côte (Marquenterre) en a fait de petits villages à quelques kilomètres de la mer.
307. AN, JJ 66, no 889 (1329). Éd. dans Documents parisiens…, t. I, p. 65.
308. Ibid., p. 128 (1331). Voir M. Poëte, Une vie de cité…, t. I, p. 367 et R. Mathier, « La rue des
Poissonniers et le quartier de la Goutte-d’Or », dans Le Vieux Montmartre, 1925, p. 325-338.
309. En 1403, un marchand de Boulogne qui accompagnait deux chevaux chargés de hareng saur,
contesta le montant du droit de chaussée qui se payait aux portes de Paris. AN, Z1F 1, fol. 201.
72 ANNE LOMBARD-JOURDAN
peine d’une lourde amende et de la perte des denrées310. Déchargé sur la place
aux Marchands avant huit heures, il était aussitôt vendu en gros, puis revendu
au détail à l’endroit même et emporté dans les différents quartiers de Paris311.
La vente se faisait depuis l’heure de prime sonnant à Saint-Magloire jusqu’à
vêpres sonnant à Saint-Eustache312.
Les deux halles couvertes servant au commerce du poisson sont mentionnées
dès le règne de Louis IX313. Elles étaient construites en enfilade depuis la Pointe
Saint-Eustache et parallèlement au mur de la halle au Blé. Le bâtiment du nord
était appelé « garde de la Marchandise »314, ou « garde du Poisson de mer »315.
Les transporteurs déchargeaient dans cette « halle et garde basse » jusqu’à l’heure
de l’ouverture du marché les harengs et poissons salés qu’ils apportaient. Ils y
mettaient en dépôt jusqu’au marché du lendemain, sans pour cela payer aucune
redevance, les poissons frais qui n’avaient pu être vendus le jour même.
En septembre 1403, un accord intervint entre les poissonniers et le roi. Ce
dernier abolit le droit de « Hellebic » perçu sur le poisson316 et les poissonniers
s’engagèrent à édifier une belle halle à la place de la vieille garde au Poisson, ce
qui coûterait environ mille quatre cent cinquante-deux livres. Une fois construite,
le roi promettait de l’entretenir et de la faire réparer à ses frais quand besoin
serait317. C’était chose faite dès avril 1405318. Le nouvel édifice comportait main-
tenant un étage divisé en chambres et greniers. Les marchands continuèrent à
310. Étienne Boileau, Réglemens sur les arts et métiers…, p. 214 ; J.-M. Richard, « Ordonnance inédite
de Philippe le Bel concernant les métiers de Paris (7 juillet 1307) », dans Mémoires de la Société de l’his-
toire de Paris et de l’Île-de-France, t. 2, 1875, p. 130-141, à la p. 134 ; ordonnance du roi Jean II (1351),
Les métiers et corporations…, t. I, p. 13.
311. Dicta mercatura [piscium marinorum] per quator genera hominum gubernabatur, videlicet per mercatores
foraneos qui pisces marinos piscari faciebant et ad villam nostram mittebant, et per vecturarios qui pro dictis merca-
toribus ipsos pisces ad villam nostram Parisiensem portabant et per venditores ipsorum piscium qui dictos pisces
dictorum mercatorum nomine in dicta villa vendebant, necnon et per stallarios et stallarias, alleciarios et alleciarias
qui a dictis venditoribus dictos pisces emebant et in dicta villa nostra, tam in Parvo Ponte quam in porta Bauderii
et pluribus aliis locis ville predicte, per penas et ad detaillium vendebant (1361). Ordonnances…, t. VI, p. 405 et
N. de Lamare, Traité de la police…, t. III, p. 224.
312. Ordonnance de 1258. N. de Lamare, Traité de la police…, t. III, p. 91 et p. 237 ; voir Les métiers
et corporations…, t. I, p. 414, art. 9.
313.Le plus ancien texte parle d’une rente super quadam domo sita Parisius in Campellis juxta halas ubi venduntur
pisces (mars 1235, n. st.). AN, S 5077B, no 84 ; voir aussi LL 1595, fol. 31 (1258) ; S 3950B, no 2 (1273).
314. Arch. des Quinze-Vingts, no 2522 (1363, n. st.).
315. Ordonnances…, t. VIII, p. 613 (1403) ; AN, JJ 159, fol. 192, no 325 (1405).
316. Le « fief incorporé d’Hellebic » consistait en un droit peu élevé anciennement perçu sur le
poisson de mer frais. Les origines et l’étymologie du nom de ce droit sont obscures. Il fut plusieurs
fois supprimé et rétabli au Moyen Âge. H. Sauval, Histoire et recherches…, t. I, livre 6, p. 659.
317. Ordonnances…, t. VIII, p. 613-616 (septembre 1403).
318. À cette date, Guillaume Lescot se plaint de ce que les cinq petites échoppes qu’il possédait
dans la rue de la Fromagerie aient été démolies « pour l’edifice que l’on a fait de nouvel dessus
ladicte garde ». AN, JJ 159, fol. 87v, no 180 et fol. 192, no 325.
BÂTIMENTS ET LIEUX DE VENTE 73
323. « Toutesfoys quant il y avoit affluence de maree et denrees non salees on avoit bien
acoustumé, que aprés la vente en gros faicte d’icelle maree par les vendeurs, les femmes povoyent
sur petites cellectes vendre la maree non sallee et non le trempis ». AN, Y 3, fol. 65 (2 mars 1499,
n. st.). N. de Lamare, Traité de la police…, t. III, p. 116-117.
324. Jean de Roye, Journal…, t. I, p. 104.
325. AN, Y 3, fol. 49 (voir infra, document VII) et fol. 65. N. de Lamare, Traité de la police…, t. III,
p. 116-117.
326. « C’est assavoir depuis une grande clef atachee contre ung poteau de boys estant et faisant
closture en certains eschoppes et tirant d’icelle clef jusques au ruisseau qui est vers la croix des
Halles et dudit ruisseau en tirant contrebas et suivant ledit ruisseau contrebas, jusques a ung autre
ruisseau qui vient de la Cossonnerie et chet devant la porte de la halle au Blé ». H. Sauval, Histoire
et recherches…, t. I, p. 654 (d’après une sentence du Châtelet du 20 mars 1499, n. st.).
327. On lit dans Le Ménagier de Paris, traité de morale et d’économie domestique composé vers 1393, éd. J.
Pichon, 2 t., Paris, 1846, t. II, p. 200, la définition suivante : « Craspois : c’est baleine salee et doit
estre par lesches tout cru, et cuit en eaue comme lart ; et servir avec vos pois ». Le crapois ne venait
à Paris qu’en Carême : c’était le poisson des pauvres.
328. Voir le procès jugé en Parlement de 1381 à 1385 au sujet de ces étaux. AN, X1A 1471, fol. 445,
et X1A 1472, fol. 46v. Un arrêt mit fin au débat, le 13 février 1385 (n. st.). AN, Y 3, fol. 49.
329. Ordonnances…, t. II, p. 361, art. 125 (1351), et Les métiers et corporations…, t. I, p. 17, art. 44.
330. Ibid., t. I, p. 417 (1399).
BÂTIMENTS ET LIEUX DE VENTE 75
des rigoles pour évacuer les eaux de pluie et le trop plein de la fontaine. Ils
servaient aussi d’exutoires aux eaux salées et malodorantes du trempis. Des
deux principaux ruisseaux, l’un allait du pilori à la Croix, puis séparait du
nord au sud la place aux Marchands de celle du Trempis331 ; l’autre coulait de
la Cossonnerie jusqu’à la porte de la halle au Blé332. Les places à vendre le
poisson étaient rangées côte à côte le long de ces égouts. Les meilleures
étaient disputées333. Les marchandes posaient sur le sol pavé les cuviers où
elles mettaient à dessaler morues et harengs. Au début du XVe siècle, elles
portèrent un temps le poisson à dessaler à « l’Hôtel de la marchandise du
poisson de mer », situé du côté sud de la rue de la Chanvrerie334.
Le soin de louer les étaux et de percevoir les droits sur ceux-ci incombait
au fermier de la boîte au Poisson de mer335, dont la « Maison » était située
derrière la halle de la Marée et au côté gauche de la porte de la halle au Blé336.
Son entretien était à la charge du roi337. Le fermier y percevait des droits sur
le poisson et y payait les rentes établies par le roi sur le montant des taxes
encaissées par la Boîte (pixidis Piscium ale Parisius)338.
3. La viande
4. Le lard
Avant 1416, la seule viande dont le commerce se fit aux Halles était le lard,
dont on mangeait alors de grosses quantités. En 1381, il existait deux grands
étaux à droite et à gauche de la porte aux Savetiers qui ouvrait sur la place aux
Poirées344. Vers 1425, on comptait aux Halles vingt-deux étaux couverts et deux
places à vendre le lard ; leur location appartenait à la ferme du poisson de mer345.
Le 23 janvier 1424 (n. st.), Henri V, roi d’Angleterre [et de France], accorda à de
pauvres gens l’autorisation de vendre du lard au détail aux Halles, moyennant
paiement d’un cens. Les bouchers protestèrent et, forts de leurs privilèges,
exigèrent du prévôt qu’il interdise aux détaillants de poursuivre leur petit
commerce (4 avril 1425). Mais forts de l’autorisation royale, les vendeurs de lard
firent appel au Parlement. Ils s’étaient installés à la Pointe Saint-Eustache, au
carrefour des rues Montmartre et Comtesse-d’Artois. Ils avaient construit des
étaux sur la chaussée, les uns devant les autres, « vendant toutes chairs, tant
fresches que saléees, et par ce faisant fait de boucherie ». Une des détaillantes,
Regnaulde la Mie, exposait sur son seul étal « seize pieces de char de beuf et
trois de mouton, fresches », et sa voisine : « quatorze pieces de char de beuf
fresches et cinq autres de porc salé »346. Plus tard on vendit le porc frais et salé,
le mercredi et le samedi, au sud de la halle au Blé347.
5. La volaille et le gibier
Ils étaient vendus rue de la Cossonnerie. Le nom apparaît à partir du milieu
du XIIIe siècle sous des orthographes variés et vient des « coçons » ou « cosso-
niers », revendeurs et poulaillers, qui y apportaient tous les samedis volailles,
cochons de lait, oisons, pigeons, perdrix, lapins, agneaux, chevreaux, ainsi que
gibier et sauvagine. Leur vente se tint dans cette rue jusqu’au XVIe siècle348.
6. Le pain
Pendant tout le Moyen Âge, le pain consommé à Paris vint en grande
partie des environs et même, en 1419, « d’Amiens et de par delà ». Philippe
Auguste avait autorisé les boulangers forains à apporter leur pain bien cuit aux
Halles le samedi349. Ils vinrent de Notre-Dame-des-Champs et de Saint-
Marcel, mais aussi de Corbeil, Melun, Saint-Brice, Montgison, Montmorency,
Gonesse et lieux avoisinants350. Pendant la minorité de Louis IX, ils abusèrent
de cette licence et louèrent des greniers dans la ville pour vendre leur pain
durant la semaine. Ce qui leur fut interdit. Une ordonnance de 1305 leur
permit de vendre aux Halles tous les jours et une autre de 1307 restreignit
cette autorisation au mercredi et au samedi351. Ces deux jours furent main-
tenus jusqu’au XVIIIe siècle.
Les boulangers parisiens vendaient entre la fontaine et les Grands Piliers
à l’est de la place ; on appelait ceux-ci « les auvens où l’on vend le pain » et
quelquefois « les halles au pain ». Les boulangers de Montgison s’étaient
installés sous les piliers voisins de la rue Pirouette352 et ceux de Corbeil sous
les auvents proches de la rue des Prêcheurs353. Une partie au moins du pain
était vendue sans être déchargée, du haut des charrettes dans lesquelles il avait
été apporté en sacs354.
Paris aimait le bon pain de Gonesse, plus blanc et de meilleur goût que les
autres ; quand il ne pouvait plus être apporté à cause d’un siège, les habitants
songeaient à la reddition. Les boulangers de Paris comptaient sur l’arrivée du pain
de banlieue. Une sentence du prévôt de Paris, en 1488, dut leur enjoindre d’avoir
à cuire chaque jour une quantité de pain suffisant aux besoins de la population355.
7. Le vin
Le marché en gros du vin se tint un temps aux Halles dans les premières
années du XVe siècle. On ignore quand il y fut transféré, mais ce fut avant 1403
car, à cette date, des marchands de vin se plaignirent d’avoir été les victimes de
prétendus taverniers, qui leur avaient acheté leurs vins dans leurs bateaux, en
Grève ou ailleurs, et les avaient revendus à « l’Étape aux Halles »356. Quand
Charles VI se décide, en octobre 1413, à transférer la vente en gros du vin à la
Grève, mesure qui s’imposait, il spécifie que l’étape au Vin se tenait « depuis
certain temps en ça en la place des Halles »357 ; ce qui laisse entendre qu’elle ne
s’y trouvait pas depuis très longtemps. Le lieu de vente ne pouvait être qu’au
nord de la place, près de la fontaine, et semble avoir été mal choisi. Il fut de
courte durée : une quinzaine d’années environ.
Cet espace restreint accueillit encore la vente du charbon de bois, au débouché
de la rue Pirouette. En 1350, on ne le vendait qu’en Grève ; mais un règlement de
police de février 1416 (n. st.) cite les Halles parmi les endroits où le charbon amené
par terre pouvait être déchargé et négocié358. Introduit aux Halles entre ces deux
dates, il y était encore vendu au XVIe siècle359. Plus tard ce fut à la halle au Blé.
Les potiers de terre parisiens et forains avaient coutume de vendre aux Halles
tous les samedis et, chaque fois, ils étaient obligés de « tournoyer et changer
place a tour », sous peine de quarante sous parisis d’amende. Ils ne pouvaient
354. « Aux halles devant la fontaine […] prés des charrettes ou l’en vent le pain es dites hales »
(mars 1385). AN, JJ 126, fol. 87, no 132. Voir L. Mirot, Les insurrections urbaines au début du règne de
Charles VI (1380-1383), Paris, 1905, p. 123, n. 1.
355. N. de Lamare, Traité de la police…, t. II, p. 890.
356. Ordonnances…, t. XV, p. 48. Voir aussi ibid., t. VIII, p. 481 (1401) ; t. IX, p. 712 (1407) ; et
t. XIV, p. 188 (12 février 1452, n. st.).
357. Ibid., t. X, p. 184. Voir supra, p. 46.
358. N. de Lamare, Traité de la police…, t. III, p. 549.
359. La vente du charbon aux Halles est rarement mentionnée. Un seul document permet de la
localiser. La maison à l’enseigne de la Rose-Rouge, est dite, en 1500 (n. st.) « aboutissant par devant
sur le pillory et sur la place au Charbon », AN, S 6347A. Cette maison bien connue appartenait à
Jehan Rose en 1333 et portait l’enseigne d’une rose en 1383. Elle était située sous les Petits Piliers,
entre les rues Jean-Bigne et Pirouette, devant la fontaine.
BÂTIMENTS ET LIEUX DE VENTE 79
décharger leurs chariots ou bêtes de somme avant que les jurés du métier aient
examiné leurs pots360. Ils vendaient sur la place, mais, au XVIe siècle, ils émigrèrent
près des jeux de paume, là où fut tracée la rue de la Poterie.
8. Les légumes
La vente des légumes, des fruits et des produits fermiers est attestée au milieu
du XIIIe siècle. Le Livre des métiers énumère ceux qui étaient apportés en char-
rettes, à dos d’homme ou de bête de somme, ou par bateau sur la Seine. Il y
avait là, entassés à même le sol ou disposés dans des paniers, « auz, oignons,
poiraus, civos, naveaus ou eschaloingnes »361. Les choux et les légumes verts
étaient vendus devant la maison à l’Image de Saint-Michel, entre la Cossonnerie
et la rue au Feurre362.
Ce commerce, ne connut d’abord aux Halles qu’une activité réduite, celle
d’un marché de quartier. Mais il prit très vite de l’ampleur. La première mention
d’une place spécialement réservée à la vente des légumes date du début du
XIVe siècle : « In halis Parisius ubi venduntur porete » (1326)363. « Poirée » – latin
populaire *porrata, dérivé de porrum, poireau – est le terme qui désigne l’ensemble
des légumes verts. On nommait marché « à la Porée » ou « aux Poirées » le long
espace en forme d’entonnoir qui faisait communiquer l’extrémité sud de la place
des Halles avec la rue de la Lingerie. Les cultivateurs des environs apportaient
leurs produits en petites quantités et s’installaient sur la chaussée en ayant soin
de ménager entre eux des couloirs de circulation. C’est au voyer qu’incombait la
distribution des places sur la voie publique, la perception des droits, le contrôle
des denrées et la police des marchands. C’est pourquoi la halle aux Porées ne
figure sur aucun des comptes du domaine ou du hallage364.
En décembre 1409, Charles VI confirma l’exemption de toute imposition
sur les marchands détaillants ou « regrattiers ». À cette occasion, il énumère les
denrées qu’ils vendaient « comme oeufs, fromages, beurrez fraiz, pommes,
poires, serizes, prunes, pesches, noiz, roysins, verjus en grain, nefles, aulx,
oignons, poyreaux, porette, cyvos, cresson, eschervys et quelxconques aultres
menues denrees d’esgrun »365. Cette liste mentionne les légumes alors cultivés
parmi lesquels certains sont aujourd’hui peu connus366. Elle n’est pas limitative
et variait au rythme des saisons. Les oignons, dont on faisait une grosse consom-
mation au Moyen Âge, avaient donné leur nom à la principale porte des Halles,
celle qui ouvrait sur le marché aux Poirées et sur l’agglomération367.
9. Les fruits
Les fruits étaient mis en vente dans la partie nord du marché aux Poirées368,
au sud de la Fromagerie. Quand les arrivages de grains étaient peu importants,
on autorisait « pour Dieu » les pauvres gens à vendre leurs fruits à l’intérieur de
la halle au Blé, dont la porte était voisine369. Les fruits secs : raisins, pruneaux,
« chastaignes et grosses noix »370, ainsi que les fruits exotiques : oranges, figues
fraîches et dattes, étaient également proposés.
366. La « porette » est une sorte d’oignon ; les « civos » sont de petits oignons ; le « chervis » est
une sorte de panais. « Aigrun » peut être considéré comme un synonyme de « poirée ».
367. AN, Y 3, fol. 27v et L 434, no 2 (vers 1325). À la fin du XIVe siècle, la porte aux Oignons prit
le nom de porte aux Savetiers.
368. N. de Lamare, Traité de la police…, t. III, p. 115 et t. IV, p. 648 ; BNF, fr. 24070, fol. 216
(vers 1425).
369. AN, Z1F 6, fol. 49v (1412, n. st.) et fol. 51v et 55.
370. Registre criminel du Châtelet…, t. II, p. 7.
371. AN, S 3755B, no 15 (1367) : « Rue de la Vieille Fromagerie ». AN, Z1F 7B, fol. 447 (1418, n. st.)
et Arch. Assistance publique, fonds de Saint-Jacques-aux-Pèlerins, l. 54, no 1356 (1481).
372. « Item, du coing de la Coçonnerie par devant les frommagiez et les boursiers jusques a la rue
au Feurre ». Itinéraire des percepteurs de la taille (1299). AN, KK 283, fol. 168d. En 1321 (n. st.)
ces maisons sont dites in Campellis, ante mercatum caseorum. AN, JJ 59, fol. 333v, no 608. Dans le Terrier
du roi (1397-1431), une maison est dite faire « le coin de la Cossonnerie et de la halle aux oeufs et
fromages », BNF, fr. 8611, fol. 17.
373. Arch. mun. Douai, CC 200 ; G. Espinas, Les finances de la commune de Douai des origines au XVe
siècle, Paris, 1902, p. 201, n. 5.
374. AN, S 4372.
BÂTIMENTS ET LIEUX DE VENTE 81
Le commerce des légumes et des fruits débordait, dans les périodes de pros-
périté, l’espace qui leur était assigné et, échappant à l’encombrement central,
envahissait rues et carrefours jusqu’à la rue Saint-Honoré et à la Pointe Saint-
Eustache, créant une série de situations de détail dont la somme ne constituait
pas un ensemble. En ce qui concerne les produits d’alimentation, les Halles ne
pouvaient encore prétendre, au Moyen Âge, au titre de « Ventre de Paris ».
CHAPITRE IV
L’histoire des Halles de Paris est faite de l’alternance entre des périodes plus
ou moins longues d’activité intense et d’autres d’abandon et de marasme, corres-
pondant aux guerres, aux désordres et aux crises économiques.
375. A. Lombard-Jourdan, « Les foires de l’abbaye de Saint-Denis. Revue des données et révision
des opinions admises », dans Bibliothèque de l’École des chartes, t. 145, 1987, p. 272-338.
84 ANNE LOMBARD-JOURDAN
jours après Pâques376, insufflaient aux échanges deux fois par an, à six mois
d’intervalle, une vigueur supplémentaire. Pendant le XIIIe siècle et jusqu’au
milieu du XIVe siècle, les Halles furent un marché florissant où étaient mis en
vente tous les produits de l’artisanat d’alors et certaines denrées alimentaires.
Elles prirent en quelque sorte la succession des foires de Champagne qui
s’étiolaient. La draperie flamande connut son apogée à la fin du XIIe siècle et
la draperie brabançonne connut la sienne un siècle plus tard, à l’extrême fin
du XIIIe siècle. Les villes d’Ypres, de Gand et de Bruges, dont les draps
connurent une diffusion énorme en Europe et en particulier aux foires de
Champagne, n’apparaissent pas aux Halles de Paris, non plus que celles de la
Flandre française : Arras, Lille, Saint-Omer. Au contraire, c’est aux Halles de
Paris que les villes drapières brabançonnes – Louvain, Bruxelles, Malines, en
plein essor – s’assureront la possession d’un bâtiment permanent pour y
entreposer et y vendre leurs draps. Quant à la ville de Douai, centre le plus
important de la Flandre française, dont la prospérité se maintint, on la verra,
en 1325, céder, signe des temps, une partie de sa halle parisienne aux
Bruxellois377. En ce qui concerne les draps, dont le commerce revêtait alors
une importance toute particulière, les Halles de Paris répercutèrent les aléas
de la prospérité des Pays-Bas méridionaux.
Elles bénéficièrent aussi de l’exemple qu’offraient les foires de
Champagne : expérience dans le maniement des moyens de traiter les affaires,
mais aussi dans les détails de leur organisation matérielle. Aux foires, les
communautés marchandes des villes drapières n’étaient pas propriétaires des
bâtiments qu’elles occupaient. Elles les louaient aux établissements religieux
qui les avaient fait construire, ou au roi, après la réunion de la Champagne à
la couronne378, et elles les aménageaient en entrepôts et lieux de vente selon
leurs besoins. Les municipalités, maires et échevins, se portaient responsables
et garantes du paiement régulier du prix de ces locations. À Paris, lorsque
Philippe Auguste et ses successeurs décidèrent la construction d’un bâtiment,
c’était pour le louer, le premier locataire restant responsable du paiement du
montant du bail annuel, au cas autorisé où il sous-louerait tout ou partie du
local occupé, comme de l’entretien de l’édifice ; la construction d’une halle
était pour le roi un placement de tout repos.
Les foires de Champagne avaient été surtout une place de transit, un marché
de redistribution à grande échelle. Les Halles de Paris ne jouèrent jamais autant
376. Elle se tenait sur la rive gauche, près de l’abbaye Saint-Germain-des-Prés, qui la céda au roi
en juin 1285. Elle fut transférée aux Halles peu après. Elle tomba en désuétude dès la fin du
XVe siècle. La foire Saint-Ladre se perpétua jusqu’au XVIIe siècle ; voir infra p. 20..
377. G. Espinas, La vie urbaine de Douai…, t. II, p. 876, n. 4 ; id., Les finances…, p. 201, n. 5 ; H.
Laurent, Un grand commerce…, p. 111-159.
378. Ibid., p. 269-270.
GRANDES ÉTAPES DE L’HISTOIRE 85
ce rôle. Elles furent surtout, au Moyen Âge et par la suite, un gros marché de
consommation qui devait répondre aux besoins d’une agglomération énorme
pour l’époque, ainsi que d’une cour fastueuse.
La peste et les débuts de la guerre de Cent Ans, les troubles civils et l’in-
sécurité des routes entraînèrent la décadence du commerce. En 1368,
Charles V constate que, lorsque les Halles sont désertées, c’est « au tres grant
vitupere et esclande de nous et de notre bonne ville de Paris » et il rappelle
l’époque où elles étaient sans conteste « l’une des plus belles choses de Paris a
veoir »379. Au Moyen Âge, la crainte de la disette faisait que l’abondance des
Halles rassurait. Les sages mesures prises par Charles V tentèrent de remédier
aux dégâts provoqués dans l’administration pendant qu’on se souciait en
priorité de la défense du royaume. Le 13 octobre 1368, puis le 26 mars 1369
(n. st.), il conféra pleins pouvoirs au prévôt de Paris, Hugues Aubriot380, pour
réformer les abus aux Halles. Celui-ci constata que les bâtiments n’avaient pas
été entretenus et que les marchands avaient cessé de s’y rendre. Les halles
étaient en ruine et pour la plupart « inhabitables et dechues »381. Le prévôt fit
si bien que l’année suivante les halles étaient à peu près remises en état. Mais
les marchands opposèrent une résistance passive aux ordres royaux et conti-
nuèrent à ne pas y aller. On voulut les y contraindre382, mais sans succès,
jusqu’à ce qu’on allège leurs charges en ramenant de trois à deux les jours de
présence obligatoire au marché. Le 14 août 1372, le prévôt de Paris leur
enjoignit d’aller vendre aux Halles tous les vendredis et samedis, sous peine
d’amendes de plus en plus lourdes en cas de récidive dans l’abstention. Cette
injonction fut renouvelée le 2 mars 1398, le 28 novembre 1400 et le
8 mai 1408383. Mais rien n’y faisait. Les marchands, pour échapper au paiement
des coutumes, continuaient à vendre dans le secret de leurs demeures. Les
perquisitions des agents des fermiers, pour les surprendre en flagrant délit, les
punitions, la perte des denrées, restaient sans résultat. En 1408, les drapiers
habitant sur la rive gauche de la Seine s’excusèrent de ne pouvoir porter leurs
tissus aux jours de marché : ils étaient dans l’impossibilité de franchir le Petit-
Pont « trop etroit et trop coutumierement chargé de gens ». On leur permit de
379. Ordonnances…, t. V, p. 147-148. On lit ailleurs : « C’est mult noble chose que des halles »
(1401). AN, Z1F 1, fol. 4.
380. Sur H. Aubriot, voir R. Cazelles, La société politique et la crise de la royauté sous Philippe VI de
Valois, Paris, 1958, p. 182 et 353.
381. Ordonnances…, t. V, p. 147-149.
382. Ibid., p. 261 (8 mars 1370, n. st.).
383. Ordonnances…, t. II, p. 397 et t. IX, p. 329.
86 ANNE LOMBARD-JOURDAN
s’abstenir jusqu’à ce que les mesures nécessaires aient été prises, mais on leur
défendit de vendre à leur domicile ces jours-là384. Les marchands reculaient
devant l’obligation de traverser une partie de la ville pour porter leurs denrées
au marché ; ils s’encourageaient mutuellement à frauder et faisaient corps dans
l’abstention. Les officiers royaux ne cessaient de récriminer et la Chambre du
Trésor d’infliger de lourdes amendes385. Mais en vain.
Parallèlement, des mesures durent être prises contre les forains qui, pour
échapper au contrôle des maîtres du métier et éviter le paiement des taxes, se
livraient chaque jour davantage à la vente clandestine en chambre. Ils cédaient
en fraude à des prix avantageux une partie au moins des marchandises apportées
à des Parisiens qui ne craignaient pas de pratiquer ce commerce illicite386. Ces
derniers se rendaient même au-devant d’eux sur les routes, presque jusque dans
leurs pays de Bretagne, de Berry, d’Anjou, du Maine, de Poitou, de Normandie
et d’ailleurs, et leur achetaient une partie des vivres qu’ils apportaient : « bestes,
aumailles, moutons, pourceaux, volaille, oeufs, fromage, etc. », qu’ils revendaient
à Paris un tiers plus cher qu’elles ne valaient387. Les guerres ayant fait retourner
chez eux les marchands étrangers qui s’étaient installés dans la capitale, les
marchands parisiens, et notamment les merciers, entreprirent pour se ravitailler
d’importer les produits en gros depuis leurs pays d’origine ; ce qui compliquait
l’inventaire et le contrôle par les fermiers de l’imposition388. Défense expresse
était pourtant faite à tous de s’arrêter ou de décharger à partir du moment où ils
étaient parvenus à une distance de quatre lieues de Paris389.
Les rois, dans les préambules de leurs actes, les chroniqueurs, les poètes392
déploraient les maux qui ravagaient Paris : le manque de travail, la misère, la
faim, les épidémies. En 1408, Charles VI se plaint de la décadence des
Halles :
Ou temps passé, quant les dites halles ont esté habitees et fréquentees par les
marchans et que les gens desdits mestiers y aloient et y envoyaient leurs denrées
et marchandises comme tenus y estoient et sont, ce feust sans comparaison l’une
des plus belles choses de Paris a veoir et qui n’est pas a present dont moult nous
deplaist et non sans cause393.
Et en 1435, une Complainte sur les misères de Paris évoque avec nostalgie la pros-
périté passée de ces mêmes Halles :
De tous païs estrangiers
Les bons deniers
Par chacun jour on t’apportoit.
Marchans, gens de tous mestiers,
Et taverniers,
Laboureurs, chacun riche estoit ;
Marchandise son cours avoit394.
tivement les habitants de cette ville en 1474, fut mise en vente en 1484 ; mais
aucun acquéreur ne se présenta404. La halle de Douai était portée sur vingt-quatre
maisons basses et mal bâties. Le 19 juillet 1494, la ville abandonna volontai-
rement ses droits sur cette halle405 et le roi vendit aux propriétaires des maisons
qu’elle couvrait la possibilité de rehausser celles-ci et de rendre ainsi « plus belle
et plus uniforme » la rue de la Fromagerie406. En janvier 1539, Guillaume de
Montpellier, « fourrier des logis du roi », obtint l’emplacement situé entre la halle
au Blé et la rue de la Tonnellerie « la ou soulloit etre anciennement la halle
Trompee et celle de Bruxelles, dite de Louvain »407.
Ainsi la période qui suivit le retour de Charles VII à Paris avait vu succéder à un
espoir illusoire de rétablir aux Halles une prospérité passée, une volonté de gérer
par des aliénations partielles la liquidation laborieuse des conséquences d’une désaf-
fection inéluctable. Celle-ci ne doit pas être imputée uniquement aux guerres
étrangères et aux troubles civils en partie responsables de la récession du grand
marché. Mais la ville subit, au XIVe siècle, le contre-coup de la dépression écono-
mique qui sévit en Europe. Les marchands étrangers désertent les Halles tandis que
les artisans parisiens se dérobent chaque jour davantage à l’obligation hebdomadaire
d’y aller vendre. On assiste à un étiolement progressif du marché, à un abandon
irrémédiable. Avec les draps et la mercerie disparaissent des Halles les deux plus
importants objets d’échange. Les autres y végètent. Et puis, d’autres techniques,
d’autres méthodes et habitudes commerciales se sont instaurées : les foires sont
tombées en désuétude, les étrangers viennent moins en France, on va maintenant
chercher les marchandises jusqu’à leurs lieux de production ou de fabrication ; et puis,
vendeurs et acheteurs préfèrent la vente en boutique toute la semaine. On ne peut
contraindre les artisans à l’observation rigoureuse de règlements d’un autre âge.
Au début du XVIe siècle, le « marché du roi » n’était plus qu’un ensemble de
constructions délabrées, où se côtoyaient les halles encore fréquentées et celles
inoccupées ou en ruine, des échoppes et des habitations en mauvais état, dans
un lacis inextricable de voies trop étroites.
La halle aux Tisserands fut démolie en 1550, en même temps que la halle au
Cordouan413 ; mais la Réformation épargna la partie occidentale du bâtiment,
où la boucherie de Beauvais se maintint jusqu’à la Révolution. La halle de la
Lingerie fut abattue sous Henri II et son emplacement fut loti et cédé moyennant
l’obligation d’y bâtir, sur un même modèle, des maisons de quatre étages, dont
les arcades du rez-de-chaussée seraient louées à des lingères414. En outre, un
arrêt du 7 février 1554, rendu par les commissaires chargés de la Réformation
des Halles, ordonna de procéder à l’adjudication et à la destruction des deux
travées servant de passages à l’étage au-dessus de la rue de la Lingerie415. Toutes
les halles aux Merciers disparurent.
Par l’édit de 1543, le roi renonçait à la faculté de racheter le terrain et d’en
expulser l’occupant, qui avait effrayé jusque là les acquéreurs éventuels ; ceux-
ci n’avaient à acquitter qu’une somme en principe et un cens annuel ; mais ils
s’obligeaient à construire, dans un délai fixé et à l’alignement des rues
nouvelles, des maisons et manoirs « suivant les plans et devis qu’on leur four-
nissait ». Des commissaires étaient spécialement chargés de faire respecter cet
engagement. En 1551, écrit Gilles Corrozet, « les Halles de Paris furent entiè-
rement baillées a rebastir de neuf et furent dressez, bastis et continuez
excellens edifices, hôtels et maisons sumptueuses pour les bourgeois preneurs
des vieilles places »416.
Au début du XVIe siècle, la construction des quais de la Seine, entreprise
pour améliorer les abords du Louvre quand le roi décida d’y résider, entraîna
l’aménagement du port de l’École. C’était alors un des principaux ports de
commerce de Paris, en raison de la proximité des Halles417. On s’occupa d’y
faciliter le déchargement des marchandises. Les rues en provenance du marché
et orientées nord-sud débouchaient au niveau du fleuve en passant sous des
arches qui, en soutenant le quai, empêchaient que la circulation d’est en ouest
sur la rive ne fût interrompue.
Il est vrai que la « Réformation des Halles » n’eut pas pour objet la réor-
ganisation ni même l’amélioration ponctuelle du marché418. Ce fut avant tout
413. Celle-ci fut reconstruite en 1573. Voir Les métiers et corporations…, t. III, p. 350.
414. H. Sauval, Histoire et recherches…, t. I, p. 648 ; M. Félibien et G. Lobineau, Histoire de la ville…,
t. I, p. 20.
415. AN, S 14. H. Sauval, Histoire et recherches… Les deux traverses figurent sur les plans de Braun
(1530) et de Saint-Victor (1555), mais ont disparu de celui de Belleforest (1575).
416. G. Corrozet et N. B[onfons], Les Antiquitez…, fol. 194v.
417. N. de Lamare, Traité de la police…, t. II, p. 727. L’École Saint-Germain-l’Auxerrois était aussi
depuis le Moyen Âge le lieu de déchargement et de vente immédiate du foin, des bûches et du
charbon, marchandises encombrantes et pondéreuses. Voir Eustache Deschamps, Œuvres
complètes…, t. VII, p. 346, ballade MCCCCIII, vers 90-92.
418. Il faut cependant mentionner l’opération engagée à l’instigation des commissaires pour la
Réformation en vue de décongestionner les Halles : la création, par lettres patentes du
92 ANNE LOMBARD-JOURDAN
21 avril 1558, d’un important marché d’alimentation situé le long du bras sud de la Seine, sur
l’actuel quai du Marché-Neuf ; il comprenait deux boucheries et des marchands d’herbes et de
poisson d’eau douce. J. Martineau, Les Halles de Paris…, p. 153. Sur les conflits provoqués par la
« Réformation » et leur règlement jusqu’aux lettres patentes du 21 avril 1564, voir Léon Biollay,
« Les anciennes halles… », p. 53.
419. S. Sieber, « Description de Paris par Thomas Platter le jeune de Bâle (1599) », dans Mémoires
de la Société de l’histoire de Paris et de l’Île-de-France, t. 23, 1896, p. 167-224, aux p. 197-199.
GRANDES ÉTAPES DE L’HISTOIRE 93
423. Lettres patentes de mai 1661. M. Félibien et G. Lobineau, Histoire de la ville…, t. II, p. 1477.
424. Voir le plan et la façade reproduits dans A. Chastel et al., Système de l’architecture urbaine…, t. I,
p. 315, fig. 404 et fig. 140b. On s’étonne qu’un architecte de l’importance de Charles Chanois ait été
sollicité d’intervenir dans ce bâtiment en 1662. Voir ibid., p. 391 et M.-A. Férault, « Charles Chanois,
architecte parisien (vers 1610-après 1684) », dans Bulletin monumental, t. 148, 1990, p. 117-153, à la
p. 117.
425. L. V. Thiéry, Guide des amateurs…, t. I, p. 478.
426. Ibid., p. 329 et suiv.
427. Ordonnance du 30 janvier 1350, art. XII. Elle s’y tenait encore en 1590. N. de Lamare, Traité
de la police…, t. II, p. 657.
428. Ibid., t. II, p. 1428. Voir A. Chastel et al., « L’aménagement du marché central de Paris… »,
p. 7 et suiv.
429. En 1809, il occupa le bâtiment élevé par Lenoir sur l’emplacement du couvent des Augustins.
GRANDES ÉTAPES DE L’HISTOIRE 95
435. La halle au Blé fut détériorée en 1854 par un nouvel incendie. En 1887 commencèrent, sous la
conduite d’Henri Blondel, les travaux de sa reconversion en Bourse du commerce. Le plan primitif
touchait peu à l’ancien édifice, mais, insuffisamment surveillés, les démolisseurs s’en donnèrent à
cœur joie, faisant disparaître les arcades extérieures et le bel escalier intérieur de Le Camus, qui furent
remplacés par une lourde décoration. Seuls subsistent le plan annulaire, l’isolement et l’aspect d’en-
semble de la halle au Blé de 1762, dans l’édifice que les récents travaux ont bien mis en valeur.
436. En 1811, le projet impérial envisagé au même emplacement fit démolir l’îlot compris entre
les rues du Four et des Prouvaires, où fut construit peu après le marché des Prouvaires.
437. AN, Z1O 222. Transfert effectif le 14 février 1789. Les ossements recueillis furent portés au
lieu-dit la Tombe-Issoire (Catacombes).
GRANDES ÉTAPES DE L’HISTOIRE 97
à cause de l’étroitesse des rues à son angle nord-ouest, il en demeura une annexe,
comme au Moyen Âge, et cela jusqu’en 1858.
D’autre part, le projet d’un commerce exclusivement alimentaire fit abandonner
l’intention d’expédier les Halles ailleurs. Dès 1750, se dessine l’idée d’un marché
réservé à la vente en gros des seules denrées d’approvisionnement, où tous les
revendeurs de Paris et des faubourgs pourraient se ravitailler facilement. Il devait
être central et unique, aussi sa situation d’alors fut-elle jugée « la plus heureuse ».
En 1748, Boffrand imagina un plan magistral. Il envisagea d’implanter les
nouvelles halles sur un vaste terrain couvrant d’ouest en est l’espace libéré de
l’hôtel de Soissons, le nord des vieilles Halles, la place du Pilori et jusqu’à la
rue Saint-Denis. Il monumentalisait cet espace autour d’une place royale en
une espèce de forum à l’antique de conception urbanistique tout à fait neuve.
Il optait pour la vente traditionnelle en plein air et sur le pavé ou « carreau »,
mais à l’intérieur de cours entourées de portiques d’un bel effet, situées entre
une halle au Blé et une halle au Poisson et aux Légumes. L’architecte P. Patte
estimait que « débarassant ce vaste emplacement de toutes ces masures, [il] en
faisoit un des plus beaux endroits de cette capitale et des plus commodes »438.
La force d’inertie de l’administration et des commerces, qui cherchaient, par
habitude, à se maintenir sur place, fit écarter le plan de Boffrand, qui inspirera
plus tard celui de Baltard. La Révolution fit surseoir à toute entreprise
concernant l’amélioration du marché.
Parallèlement, un effort était fait pour désenclaver les Halles. Déjà,
Louis XIV avait décidé, par un arrêt de 1689, la percée de la rue du Roule qui,
en joignant la rue de la Monnaie à celle des Prouvaires, créait une communi-
cation directe entre le quai de la Seine et l’église Saint-Eustache, le port de l’École
et le quartier du marché439. À la fin du XVIIIe siècle, de 1770 à 1800, les expédients
mis en œuvre sont analogues à ceux employés pendant la « Réformation » au
XVIe siècle : l’élargissement de la rue Traînée, quelques alignements ici et là. En
1776, l’achat et la destruction des maisons à la rencontre des rues Comtesse-
d’Artois et Montmartre facilitèrent la circulation au carrefour et l’accès aux
Halles440. En outre, plusieurs passages furent ouverts dans le quartier pour unir
deux rues : celui de la Reine-de-Hongrie (1770), l’impasse Saint-Eustache (1772),
le passage des Chartreux (1779), la rue Calonne, devenue plus tard rue Lafayette,
puis la rue du Contrat-Social (1785)441 et la rue Lenoir (1787). Sur la place, le
pilori avait été supprimé en 1785 et la croix fut abattue à la Révolution (1794)442.
438. P. Patte, Monuments érigés en France à la gloire de Louis XV, Paris, 1765.
439. A. Chastel, « L’îlot de la rue du Roule… », p. 77-129.
440. AN, H 1952, Q1 1211 et K 2425, no 355.
441. Elle allait de la rue des Prouvaires à celle de la Tonnellerie.
442. Lettres patentes du 16 septembre 1785, Bibl. hist. de la Ville de Paris, no 400 239 ; et rapport
du 13 décembre 1794, AN, F13 726.
98 ANNE LOMBARD-JOURDAN
On demeura convaincu, avec Sébastien Mercier, que « les Halles doivent être
rassemblées pour la commodité publique ». Mais on appréhendait d’agir sur place
étant donné le coût des expropriations dans un quartier d’habitat très dense. De
1824 à 1845, on acheva les travaux de démolition de l’ancienne et on perça
quelques rues ou ruelles pour faciliter l’accès aux Halles.
L’expulsion des produits manufacturés se poursuivait. En 1784, la halle aux
Cuirs avait été transférée du bâtiment qu’elle occupait depuis 1573 ouvrant sur
la Lingerie jusqu’à l’emplacement de l’ancienne Comédie italienne, rue
Mauconseil. Elle y resta jusqu’en 1866, date où elle fut à nouveau transférée
dans l’important ensemble construit sur la rive gauche. La Friperie avait gagné
le dessous des piliers qui bordaient le côté occidental de la Tonnellerie, où elle
s’était adjointe la vente de tentures, tapisseries et accessoires d’ameublement. Ce
qui avait pu faire dire à Piganiol de la Force : « C’est ici la garde-robe et le garde-
meuble de toute la France ». Ce commerce fut autoritairement évacué jusqu’au
nouveau marché du Temple, d’abord en 1811, puis en 1834 encore.
Les draps et les toiles étaient toujours vendus dans une des halles de Philippe
Auguste plus ou moins restaurée au XVIe siècle. Dès 1742, il était question de la
rénover complètement, mais des contestations s’élevèrent444 et les travaux ne
commencèrent qu’en 1785. Elle fut d’abord dégagée de toutes les constructions
parasitaires qui s’accrochaient à ses flancs, puis démolie et réédifiée selon le
même plan. La vente en gros des draps occupait le rez-de-chaussée, celle des
draps au détail et des toiles l’étage de ce bâtiment à deux niveaux, dont la maçon-
nerie était soignée et ornée de bossages. Legrand et Molinos la couvrirent d’une
fausse voûte en berceau très éclairée sur toute la longueur de la nef, selon une
technique inspirée de la coupole de la halle au Blé445. La halle aux Draps et aux
Toiles continua à attirer un important courant commercial qu’explique en partie
l’obligation faite aux marchands d’y porter les étoffes neuves pour le contrôle de
leur qualité et le paiement des droits d’entrée qui, par exception, ne se faisait pas
aux barrières d’entrée de la ville446. Elle ferma après le 25 avril 1855 et le grave
incendie de sa voûte en bois et en verre. Le reste du bâtiment fut démoli en
1868. La vente des toiles se perpétua quelques années encore dans un local situé
au premier étage de la halle au Blé. Ce fut le dernier des produits manufacturés
à être vendu aux Halles447.
444. Décision du 11 juillet 1785. Bibl. hist. de la Ville de Paris, no 133 390 et suiv.
445. J. Martineau, Halles de Paris…, p. 169. A. Chastel et al., Système de l’architecture urbaine…, t. I,
p. 217 et n. 50-51.
446. Arrêt du Conseil d’État du 15 mars 1776. Bibl. hist. de la Ville de Paris, no 133 662.
447. En ce qui concerne les commerces des tissus et des chaussures ainsi que la confection, les
Halles furent relayées par les grands magasins implantés sur leur pourtour. Dès 1841, le premier
100 ANNE LOMBARD-JOURDAN
magasin de nouveautés Aux Fabriques de France s’installa Pointe Saint-Eustache à l’angle des rues
Rambuteau et Montorgueil. En 1866, ce fut le tour de La Samaritaine et en 1868, celui de La Belle
Jardinière, sur les quais de la Seine. B. Gilles, « Recherches sur l’origine des grands magasins parisiens,
note d’orientation », dans Paris et Île-de-France. Mémoires…, t. 7, 1955, p. 251-264.
448. Lettres patentes de 1784. AN, F14 186B. Voir le dessin aquarellé et en perspective de cette halle
à la Marée par l’architecte Dumas. BNF, Estampes, Ve. 53 f, t. IV, no 636.
449. Un éphémère marché aux Huîtres se tint sur la voie publique rue Montorgueil de 1845 à 1867.
450. H. Couzy, « Travaux aux Halles… ». Parallèlement on se souciait de doter les quartiers de
Paris de marchés couverts. J.-M. Léri, « Aspect administratif… ».
451. Les tripes et abats faisaient l’objet d’un commerce important. La vente s’en fit longtemps à
l’Apport-Paris. En 1770, elle fut transférée à la halle au Blé, puis rue au Lard et finalement, en 1818,
au marché aux Prouvaires. Voir J. Vidalenc, « Une industrie alimentaire à Paris au XVIIIe siècle : la
préparation et la vente des tripes et abats », dans Paris et Île-de-France. Mémoires…, t. 1, 1949, p. 279-295.
GRANDES ÉTAPES DE L’HISTOIRE 101
orienté vers les Champeaux depuis si longtemps. D’où des solutions « raison-
nables » : extension restreinte, aménagements sur place, qui s’efforcèrent de
concilier les exigences du marché et les réticences du Trésor public.
C’est seulement à partir des années 1840 qu’on commença à envisager le
problème posé de plus en plus impérativement par les Halles dans son ampleur
et sa gravité. Leur superficie s’était un peu accrue ; elles étaient désormais
presque entièrement spécialisées dans le domaine de l’alimentation et dans la
vente en gros ; mais, face à la perpétuelle croissance du volume de leur chiffre
d’affaires, la place leur manquait : elles étouffaient. Une décision devait être prise
et prise vite, car le bon ravitaillement de la capitale en dépendait. On chercha à
régler de la façon la plus satisfaisante possible et dans sa complexe globalité, un
grand problème d’urbanisme. La réflexion sur les nombreux plans d’aména-
gement élaborés aux siècles précédents aida à prendre, au XIXe siècle, les
décisions radicales et devenues incontournables qui s’imposaient et que la
conjoncture économique favorable permettait d’envisager.
Deux points étaient désormais acquis, en tout cas pour l’administration : le
maintien du marché au même emplacement et l’abandon de la vente à l’air libre.
456. Charpente de la salle du Théâtre français (1790) par Victor Louis (1735-1811), pont des Arts
(1803), coupole de la halle au Blé par Bélanger et Brunet (1811), salles de lecture de la bibliothèque
Sainte-Geneviève et de la Bibliothèque nationale (1865) par Henri Labrouste (1801-1875) ; les gares
enfin, mirent à profit pour couvrir de vastes espaces toutes les ressources qu’offraient les nouveaux
produits de l’industrie : la fonte, le fer laminé, puis l’acier à partir de 1855. Hostile à toute archi-
tecture métallique, le critique d’art anglais John Ruskin (1819-1900) qualifiait ces réalisations de
« nids de guêpes » et de « trous à rats ».
104 ANNE LOMBARD-JOURDAN
457. V. Baltard et F. Callet, Monographie des Halles… ; article de L. Malo dans Le Monde,
27 août 1969, p. 9.
GRANDES ÉTAPES DE L’HISTOIRE 105
458. Au niveau de ces caves, Baltard avait prévu, comme le plan dû à Horeau, le départ de voies
ferrées dans la direction des gares parisiennes.
459.Périmètre dessiné par le boulevard de Sébastopol et les rues Étienne-Marcel, du Louvre et de Rivoli.
106 ANNE LOMBARD-JOURDAN
chiffre d’affaires était énorme. Au matin, tout était emporté et une armée de
balayeurs nettoyait le territoire.
Les difficultés à vaincre pour conserver aux Halles une place à l’intérieur de
la ville, le prix énorme à payer pour les expropriations, le coût des travaux
engagés se justifiaient par la perspective d’un long avenir. Mais les Halles
centrales prévues en 1857 pour un million deux cent mille habitants, durent en
1900 en approvisionner deux millions six cent mille et se révélèrent nettement
insuffisantes. En 1896 déjà, la vente en gros avait dû être seule autorisée à l’abri
des pavillons et la vente au détail reflua à l’entour460. Les Halles s’acheminaient
vers l’asphyxie ou une nouvelle transformation. Elles devaient nourrir, au-delà
de Paris, une banlieue désormais construite et qui ne ravitaillait plus, mais au
contraire consommait. Les provinces envoyaient toujours au marché de la
capitale les excédents de leurs récoltes : mais elles s’y procuraient aussi tout ce
qu’elles ne produisaient pas elles-mêmes et de quoi satisfaire les gourmandises
les plus exotiques. Les Halles acquirent les caractères d’une « sorte de Bourse de
l’alimentation à caractère national », agissant sur l’économie de toute la France
par l’établissement des prix de référence. Elles devinrent l’entrepôt central et
l’organe principal de redistribution de la production nationale et des importa-
tions étrangères. C’est d’une halle-gare dont on avait maintenant besoin. L’exil
des Halles, devenu obligatoire, fut finalement rendu admissible parce qu’elles
avaient changé de nature. Elles n’étaient plus à l’échelle d’une ville, du seul Paris,
mais à celle de tout un pays, la France, et de la France en liaison avec l’étranger.
La conscience collective réussit à rompre avec la tradition du marché dans la
ville. C’était désormais d’un marché d’intérêt national qu’il s’agissait.
La décision était prise, encore fallait-il choisir le terrain qui les accueillerait.
Trente-deux sites aménageables autour de Paris étaient candidats. À la fin de
1961, le choix se porta sur des territoires dépendant des communes de Rungis,
Chevilly et Thiais dans la banlieue sud, à quinze kilomètres des anciennes Halles
et à neuf kilomètres de Paris. L’espace des nouvelles Halles prendrait appui d’une
part sur l’autoroute menant de Paris à l’aéroport d’Orly, et de l’autre, sur le
carrefour de la Belle-Épine.
460. En 1965, au moment de leur fermeture, les pavillons couvraient une superficie d’environ
vingt-sept mille mètres carrés et les emplacements de vente sur la voie publique vingt-trois mille
mètres carrés.
461. Sur le problème du transfert des Halles à Rungis, consulter la bibliographie publiée dans A.
Chastel et al., Système de l’architecture urbaine…, p. 35, n. 45.
GRANDES ÉTAPES DE L’HISTOIRE 107
C’est le 13 juillet 1962 que fut publié le décret relatif à la création d’un
marché d’intérêt national implanté à Rungis et où devraient être transférées
toutes les transactions qui s’effectuaient aux Halles462. Le même décret prévoyait
en outre la création d’une société d’économie mixte chargée de l’aménagement
et de la gestion des nouvelles Halles.
Les travaux commencèrent aussitôt à Rungis. Il fallut plus de six années pour
les mener à bien : aménagement de six cent hectares de sol dont le tiers fut
occupé par les bâtiments destinés à la vente et le reste par l’ensemble du
complexe commercial, véritable centre de redistribution alimentaire ;
construction des divers et multiples magasins, mais aussi de leurs annexes :
immenses entrepôts frigorifiques, ateliers de réparations, ainsi qu’une gare ferro-
viaire, une gare routière, une gare de triage, des milliers de places de
stationnement, auxquels il faut ajouter un centre administratif (SEMMARIS), le
service vétérinaire, les douanes, ainsi que tous les organes nécessaires au bon
fonctionnement de cette véritable ville adventice : une poste, des banques, un
centre médico-social, une pharmacie, un commissariat de police, une station-
service ; enfin, un important centre hôtelier pour tenir lieu des quatre cent
restaurants et de la cinquantaine d’hôtels répartis aux alentours des Halles de
Baltard. On a estimé à trente-cinq mille environ le nombre de personnes manda-
taires, commissionnaires, grossistes, employés, commerçants, acteurs habituels
du marché, qui furent déplacés – certains disaient « déportés » – à Rungis.
La date définitive et irrévocable du transfert des Halles à Rungis fut fixée
au 3 mars 1969463. La viande et les abats, dont on avait d’abord projeté de
transférer la vente à la Villette, n’évacuèrent leurs pavillons pour gagner Rungis
qu’au début de 1973. Certains soupiraient encore en voyant sortir des murs de
la cité ces Halles, « entrailles de la ville » (Balzac, César Birotteau, 1857), « temple
aux victuailles » (Napoléon III), « ventre de Paris » (Zola, 1873). La trans-
plantation allait-elle réussir ?
Dans les bâtiments neufs, bétonnés, à la propreté et à l’hygiéne impeccables,
les commerçants travaillent et vivent entre eux, l’entrée étant difficile à ceux qui
n’ont rien à y faire. Les Halles de Paris n’ont pu emporter avec elles leur passé huit
fois centenaire et leurs contacts continuels avec les habitants du quartier. La caté-
gorie socio-professionnelle hétérogène, mais permanente et unie, « des gens de
Halles » a vite recréé à Rungis une ambiance particulière et très nouvelle. Dans la
cadence des arrivages, plus de diables pour transporter les sacs ou les charges, plus
de « forts de la Halle ». En raison des distances à parcourir, les manutentionnaires
roulent en chariots électriques et les acheteurs circulent en bicyclette.
La marée parvient à Rungis dans la nuit, dès deux heures du matin et les arri-
vages se succèdent ensuite sans interruption. La cadence des ventes s’accélère
dans les grands bâtiments. Le volume et le chiffre des affaires sont énormes, par
exemple trois mille tonnes de viande en moyenne chaque jour. En fin d’après-
midi, vers dix-huit heures, Rungis s’apaise. Il est livré aux services de nettoiement
qui ont peu de temps pour faire disparaître les déchets équivalents à ceux
produits par une ville de deux cent mille habitants.
Mais que fallait-il faire des trente-deux hectares libérés au cœur de la capitale
par le départ de son marché, espace sur lequel s’exerçait la pression d’une ville
à forte densité de population et où le moindre pouce de sol était âprement
convoité ? Deux réalisations devaient être menés de front : la création du plus
grand marché d’Europe464 et la rénovation du centre de Paris.
Le carreau des Halles et le plateau Beaubourg se trouvaient libérés en même
temps. Il fallait trouver des solutions pour réhabiliter ces quartiers du milieu de
la rive droite, auxquels leur intérêt historique conférait une importance et une
valeur particulières. C’était la plus grande opération engagée dans la capitale
depuis celle du baron Haussmann.
Au plateau Beaubourg, les décisions furent assez faciles à prendre. Elles ne
nous concernent pas directement ici, mais rappelons que dès novembre 1969,
l’idée avait été lancée par le président Georges Pompidou d’y faire construire un
Centre international d’art contemporain que, le 5 juillet 1971, un jury interna-
tional de dix membres se réunit au Grand Palais pour examiner les sept cent
projets exposés et que, le 10 janvier 1972, parut le décret portant création de l’éta-
blissement public Beaubourg. Il s’agissait d’un édifice polyvalent destiné à servir
des fonctions et comprenant : un musée, une bibliothèque de lecture, des salles
d’exposition expérimentale, une salle de recherches acoustiques, un théâtre, une
cinémathèque et des espaces d’animation culturelle. L’architecture novatrice du
bâtiment fut très critiquée, mais cela n’empêcha pas le Centre Georges Pompidou
de connaître l’affluence et un franc succès dès son inauguration (juin 1977).
Au même moment, à l’ouest, se posait un grave problème : comment
insuffler une vie nouvelle à ce quartier des Halles, voué au commerce depuis
huit cents ans et brusquement vide et béant ? Comment l’ouvrir sur ses voisins
et sur la rue de Rivoli ?
De tous les quartiers de Paris, celui des Halles fut celui qui au cours des
temps a suscité le plus de projets, de plans et de discussions : lors de la
« Réformation », au XVIe siècle, puis avant la construction des Halles de Baltard,
dans la seconde moitié du XIXe siècle, enfin, au moment du transfert des Halles
à Rungis (1962-1969) et après. La presse rend compte fidèlement du désarroi qui
règne alors. Les décideurs responsables des mesures nécessaires, mais aussi tous
les Parisiens, attentifs dès qu’on touche à leur ville, étudient et discutent les possi-
bilités offertes. Ils peuvent constater combien il est délicat de modifier le tissu
urbain, surtout dans un quartier au riche passé et dont la densité de population
est une des plus fortes au monde465. C’est ce qui justifie tant de tergiversations,
d’ordres et de contre-ordres, qui témoignent d’une saine appréhension : celle de
défigurer le centre de la capitale par une malencontreuse décision et une réali-
sation irrémédiable.
La veille de Noël 1966, le Conseil municipal donna le feu vert aux expro-
priations. L’engagement avait été pris qu’une partie des immeubles anciens
serait restaurée et une autre rénovée. Une sérieuse enquête avait été menée
pour recenser et sauvegarder ce qui présentait un intérêt : motifs architec-
turaux, escaliers, ornements sculptés, ferronneries, dans les maisons destinées
à la démolition. Mais les pavillons de Baltard, devenus inutiles, étaient
toujours debout. La foule les envahit et leurs « parapluies » servirent d’abris
à des rassemblements, à des activités ludiques, à des manifestations festives,
à un parking. Une vraie bataille s’engagea entre ceux qui demandaient l’éva-
cuation de ce « tas de ferrailles », afin de permettre l’éxécution du plan
projeté, et ceux qui restaient attachés à ce « chef d’œuvre de construction
métallique », bâtiment pionnier dont le type fut exporté à l’étranger et
notamment en Amérique. Malheureusement, on avait oublié de les faire
classer monuments historiques. Un recours en ce sens, introduit précipi-
tamment, fut refusé466.
Les quatre pavillons situés à l’ouest étaient encore occupés par les grossistes
en viande qui ne les quittèrent pour gagner Rungis qu’en décembre 1972 ; mais
on exigeait la démolition immédiate des six pavillons de l’est. L’espace qu’ils
occupaient devait être impérativement dégagé pour permettre de creuser
l’énorme cratère du chantier à ciel ouvert du métro express régional. Un ultime
effort fut accompli pour essayer de sauver l’œuvre de Baltard : protestations des
associations de sauvegarde du patrimoine et manifestations dans le quartier,
démarches, lettres et pétitions d’amateurs d’art et de conservateurs de musées de
France et de l’étranger, notamment d’Amérique et du Japon467. Face à cette
énorme pression médiatique, il fut décidé à Paris que le pavillon 8 des Halles,
situé à l’angle des rues Baltard et Berger, serait conservé.
465. En 1842, cette densité était estimée à mille habitants par hectare, chacun disposant d’une
surface de sept mètres carrés.
466. La France a toujours préféré son architecture classique de pierre et s’emploie à la protéger
mieux que son architecture de fer, que des Français ont été pourtant les premiers à construire : la
Galerie des machines de Contamine et Dutert a été détruite et la tour Eiffel l’a échappé belle.
467. Les Américains apprécient l’architecture métallique et considèrent les halles de Baltard
comme un prototype. Un banquier, M. Orrin Hein, offrit un moment d’acheter les pavillons et de
les faire démonter pour les transporter aux États-Unis (Le Monde, 19 et 22 juin 1971).
110 ANNE LOMBARD-JOURDAN
468. Au XVIIIe siècle, les Postes aux chevaux avaient occupé plusieurs emplacements voisins du
Louvre. Jusqu’au début du XIXe siècle, le transport des voyageurs et des marchandises depuis la
province fut assuré par des voitures dont les relais étaient situés au centre de la capitale, proches
du quartier des Halles et des berges de la Seine pour l’entretien des chevaux – par exemple, les
messageries Laffite et Gaillard dont le siège était dans l’ancien hôtel d’Aligre, au nord de la rue
Saint-Honoré. Cet état des choses dura jusqu’à l’apparition des chemins de fer et la répartition
périphérique des gares ferroviaires.
GRANDES ÉTAPES DE L’HISTOIRE 111
469. L’affreux, mais nécessaire bloc de béton surnommé « Château Pilon » du centre technique
et de climatisation ; mais on a heureusement renoncé à l’implantation du ministère des Finances,
qui a été installé à Bercy.
CHAPITRE V
470.Il apparaît aux environs de 1100, dans la Chanson de Roland, à propos des « escuz de quarters » (écar-
telés) » des chevaliers (La Chanson de Roland, éd. C. Segre, 2 t., Genève, 1989, t. I, p. 289, vers 3867).
471. Sur les quartiers de Paris, divisions fiscales et militaires voir : J. Favier, Les contribuables pari-
siens à la fin de la guerre de Cent Ans : les rôles d’impôt de 1421, 1423 et 1438, Genève/Paris, 1970,
p. 263-264 ; et J. Guerout, « Fiscalité, topographie et démographie à Paris au Moyen Âge », dans
Bibliothèque de l’École des chartes, t. 130, 1972, p. 84-87 et 420-421.
472. « S’ensuivent les noms des rues de la ville de Paris et la despence d’icelle… ». BNF, fr. 4437,
fol. 242. Cet opuscule a été publié par A. Bonnardot, Études sur Gilles Corrozet et sur deux anciens
ouvrages relatifs à l’histoire de la ville de Paris, Paris, 1848, p. 37 et suiv.
473. Les divisions de la ville, dir. C. Topalov, Paris, 2002. Voir aussi Les quartiers de Paris du Moyen Âge
au début du XXe siècle (recherches nouvelles), Paris, 1992 (Cahier du CREPIF, Centre de recherches et
d’études sur Paris et l’Île-de-France, 38).
114 ANNE LOMBARD-JOURDAN
la Révolution pour désigner cette seigneurie. Les rois s’intéressèrent aussitôt à cette
terre qui jouxtait leur censive et sur laquelle débordaient les activités de leur marché.
Dès 1190, Philippe Auguste se fit céder le droit de haute justice attaché à l’immunité
de Frogier, ainsi que la justice du marchand (justicia mercatoris quantum pertinet ad merca-
turam). Puis le roi disputa à l’évêque de Paris le droit de suzeraineté auquel celui-ci
prétendait sur le fief de Thérouanne, comme faisant partie de la terra episcopi. Enfin,
le 17 janvier 1331 (n. st.), après de multiples négociations et péripéties, Philippe VI
acheta cette terre sur laquelle, deux ans après, il obtint les droits de suzeraineté par
échange avec le comte de Dammartin. Désormais la terre de Thérouanne ne
dépendit plus que du roi. À l’intérieur de ce fief et jusqu’en 1331, un maire était
chargé de rendre la justice moyenne et basse, de faire régner l’ordre et de percevoir
les cens pour fonds de terre et les amendes jusqu’à soixante sous.
Au nord de la censive du roi s’étendait un territoire à peu près carré qui,
en décembre 1237, appartenait à Jean de Joigny et dont il garda le nom. Il devint
« franc-fief de Joigny » lorsque, au XIVe siècle, il passa par mariage dans la famille
de Châtillon, dont il adopta la qualité noble. Il était limité par les rues Comtesse-
d’Artois, Mauconseil, Maudétour et, au sud, par une ligne parallèle aux Petits
Piliers des Halles. Un maire y accomplissait les mêmes tâches et y jouissait des
mêmes prérogatives que celui du fief de Thérouanne.
Jouxtant celui de Joigny au nord se trouvait un autre fief qui avait appartenu
à « dame Isabelle de Gif » et dépendit d’Eudes, évêque de Paris (1197-1208). Ce
fief fut donné en bénéfice aux deux chapelains appelés à desservir la chapelle
Saint-André, fondée en l’église Saint-Eustache par Guillaume Point l’Asne,
en février 1230 (n. st.). Il avait pour limites les rues Mauconseil, Montorgueil,
Beaurepaire et des Deux-Portes.
Fiefs et censives compartimentaient le sol et conditionnaient les intérêts du
quartier et la vie quotidienne des habitants. L’extrême division féodale, la compli-
cation et la confusion des droits et des devoirs de chacun semblent aujourd’hui
difficiles à vivre. Peu à peu, à force de contestations, d’échanges et de cessions, les
petits domaines disparurent. Au milieu du XVIIe siècle, le sol urbain n’était plus partagé
qu’entre la mainmorte du clergé et le domaine du roi. Pour mettre fin aux conflits
qui opposaient sans cesse les tribunaux royaux aux juridictions ecclésiastiques,
Louis XIV supprima ces dernières moyennant compensation, par un édit de 1674.
Du point de vue de la vie spirituelle, les habitants fixés aux alentours du marché
dépendirent d’abord de l’immense paroisse de Saint-Germain-l’Auxerrois qui
couvrait toute la partie occidentale de la rive droite jusqu’à la boucle de la Seine,
Saint-Cloud et Saint-Ouen476. Mais l’accroissement rapide de la population du
quartier nécessita bientôt la création de nouvelles églises et le démembrement de
476. AN, L 573, no 12. Cité dans É. Raunié, M. Prinet et al., Épitaphier du vieux Paris, Paris, 1890-
2000 (Histoire générale de Paris), t. IV, p. 1, n. 2.
116 ANNE LOMBARD-JOURDAN
paroisses. Celle des Saints-Innocents existait de façon sûre aux environs de 1150477.
Elle ne comprit jamais que les maisons édifiées sur le pourtour du cimetière478.
Une chapelle dédiée à sainte Agnès avait été fondée à proximité du marché du
côté nord. Ses origines sont obscures. La sentence d’arbitres qui en fait mention
pour la première fois en février 1214 (n. st.) la qualifie de « neuve » (nova capella sancte
Agnetis)479, ce qui date sa construction des premières années du XIIIe siècle. Le
démembrement d’une nouvelle paroisse, refusé en décembre 1216, fut accordé
quelque temps après480. Cette paroisse, dite de Saint-Eustache (Witace ou Huitasse)
après que des reliques de ce saint aient été apportées de l’abbaye de Saint-Denis,
devint une des plus peuplée de Paris. L’église se révéla bientôt trop petite et, aux
grandes fêtes, une partie des paroissiens assistaient au service depuis le parvis481.
Agrandie en 1432, l’église dut être entièrement reconstruite plus vaste. Sa première
pierre fut posée en 1532, mais elle ne fut consacrée, incomplètement achevée faute
d’argent, qu’en 1637482. La paroisse Saint-Eustache couvrait ce qui ne faisait pas
partie de celle des Innocents, c’est-à-dire la presque totalité du quartier des Halles.
En 1426, on trouve mentionnée l’existence d’une horloge fixée contre le mur
du chevet de l’église et dont le cadran dominait le pont Alais et le carrefour de
la Pointe Saint-Eustache. Une des plus anciennes horloges publiques à être
signalées à Paris, elle donnait l’heure au grand marché voisin483.
II. — LE MARCHÉ
477. Cartulaire général de Paris…, no 368 ; Gallia christiana in provincias ecclesiasticas distributa…, 16 t.,
Paris, 1715-1865, t. VII, p. 254.
478.Abbé J. Lebeuf, Histoire de la ville…, t. I, p. 47. La cure des Saints-Innocents fut supprimée en 1786,
en même temps que le cimetière ; la paroisse fut réunie à celle de Saint-Jacques-de-la-Boucherie.
479. AN, LL 387, fol. 15 et 53v.
480.[…] fuit edificata ecclesia Sancti Eustachii in dicta capella Sancte Agnetis et in parochiam erecta, in qua curatus
seu vicarius perpetuus […] fuit institutus. M. Félibien et G. Lobineau, Histoire de la ville…, t. III, p. 103.
481. AN, X1A 4797, fol. 35 (28 août 1432) ; A. Le Roux de Lincy, Histoire de l’église…, p. 35 ;
Chronique du Religieux de Saint-Denys…, t. V, p. 86.
482. L. Laurens, Saint-Eustache, Paris, 1948 ; L. Perrel, Saint-Eustache, Lyon, 1955.
483. Une maison est dite située « devant et a l’opposite du Pont Alaiz et de l’orloge de ladicte
eglise Saint Eustache » en 1426 (Arch. Assistance publique, fonds de Saint-Jacques-aux-Pèlerins,
l. 53, no 1344) et « devant le kadran Sainct Eustace » en 1524 (ibid., no 1365). L’église voisine de Saint-
Jacques-aux-Pèlerins offrait aussi, du côté de la rue Saint-Denis, une horloge qui fut dotée en 1393
de jaquemarts en forme d’angelots auxquels vinrent s’ajouter, au siècle suivant, deux anges et un
« homme sauvage ». Cette horloge indiqua l’heure au quartier jusqu’à ce qu’elle fût déplacée en
1617. Voir F. Baron, « Le décor sculpté et peint de l’hôpital Saint-Jacques-aux-Pèlerins », dans
Bulletin monumental, t. 133, 1975, p. 29-72, à la p. 36.
LE QUARTIER DES HALLES DANS PARIS 117
forcés d’y décharger et d’y mettre en vente les denrées qu’ils apportaient. La totalité
des échanges par grosses quantités et une partie des ventes au détail s’y faisaient. Les
revendeurs venaient s’y approvisionner avant de redistribuer les produits acquis
entre les différents marchés de proximité de la ville : l’Apport-Paris, la porte
Baudoyer et le cimetière Saint-Jean sur la rive droite ; le Petit-Pont et la place
Maubert, sur la rive gauche. Les Halles régulaient l’activité régionale orientée, en
priorité et de plus en plus avec le temps, vers le ravitaillement quotidien et la satis-
faction des besoins et des exigences de la population d’une très grande ville et de sa
banlieue, ainsi que d’une cour royale aux goûts raffinés et somptueux ; elles entre-
posaient et redistribuaient le nécessaire et le superflu. Car à la première économie
de besoin s’était ajoutée une économie de gain, qui influait sur la croissance de la ville.
Ramassé autour du noyau compact formé par l’ensemble des bâtiments des
Halles, le quartier possédait un réseau stradal qui témoignait assez mal de la force
attractive exercée par le marché. Compris dans l’angle droit formé par deux grandes
voies de passage, les rues Saint-Denis et de la Ferronnerie, il était comme isolé du
reste de la ville par le courant ininterrompu de circulation qui les parcourait. Pour
pénétrer à l’intérieur du marché par le sud, il fallait emprunter la rue étroite et embar-
rassée de la Lingerie en passant sous ses deux traverses ; ou, par l’est, une des trois
rues parallèles qui se détachaient perpendiculairement de la rue Saint-Denis : rues des
Prêcheurs, de la Cossonnerie et au Feurre, elles aussi étroites et souvent encombrées.
À l’ouest et au nord, des rues parallèles entre elles épousaient la courbe dessinée
par l’enceinte de 1190. Le côté occidental de la rue de la Tonnellerie composé d’une
série de maisons sur piliers ne présentait aucune ouverture vers l’ouest484. Au nord
de la place des Halles débouchaient seulement à l’angle est la rue exiguë de Pirouette
et, au milieu, un passage étroit qui permettait aux piétons de gagner la Grande
Truanderie485. Cette ruelle séparait deux pâtés de maisons par crainte d’incendie.
Aucune porte n’ouvrait sur elle et les charrettes n’y pouvaient passer. Au XIIIe siècle
dans son Dit des rues de Paris, Guillot l’appelle « petite ruelete Jehan Bigne » et ajoute
qu’elle était « furète », c’est-à-dire que les vols y étaient fréquents486.
L’espace était rare et disputé aux alentours du marché. Les jardins disparurent ;
on construisit des corps de logis au fond des cours intérieures ; et puis les habitations
se haussèrent de plusieurs étages pour satisfaire à la demande de logements. Elles en
comptaient généralement deux ou trois : l’une d’elle, rue de la Truanderie, en
possédait cinq en 1343 et, en 1442, on trouve mention d’une maison de « six étages
avec le cellier » sur la place aux Chats488. La plupart des domiciles possédaient deux
issues : sur la rue de devant et sur celle de derrière. C’était le pignon et non la pente
du toit qui était en façade. La construction était en colombage avec charpente appa-
rente et encorbellements. Les toits étaient couverts de tuiles, l’ardoise n’apparaissant
qu’à partir du XIVe siècle489. Un long couloir, souvent pavé et voûté, passait sous le
bâtiment de façade, permettant d’accéder à la cour intérieure où se trouvait le puits,
l’écurie et, au fond, le second corps de logis. Cette allée pouvait être assez large pour
que deux chevaux s’y croisent et elle était fermée sur la rue par une lourde porte490.
La maison du boucher Jean de Rueil, construite au-dessus de l’entrée prin-
cipale des Halles, la porte aux Savetiers – laquelle ouvrait sur le marché aux
Poirées – est connue avec précision grâce à un document détaillé491. Elle
jouxtait l’hôtel construit sur le terrain de l’immunité accordée par Louis VII à
Adelende Gente492. Ces demeures sont des exemples parfaits de ce qu’étaient
la plupart des maisons du quartier.
V. — LA POPULATION
493. À la fin du XIIIe siècle, les rôles de la taille mentionnent Robert Raspé. La maison est louée
par le ménage des Rappez (AN, Y 3, fol. 27v.) ; puis, en 1349, elle est appelée « maison de la dicte
feu Rappee » (AN, S 1401, no 12) ; et enfin simplement, « maison de la Rappee ». Cet hôtel est bien
connu grâce à la déclaration du temporel de Saint-Martin des Champs (décembre 1532) (AN, P
28902) et par de nombreux plans du XVIIIe siècle : AN, Q1 10995 (1705) ; S 14292 (1743) ; N II
(Seine), 34, 78, 102, etc. Voir A. Jourdan, « L’immunité… ».
494. AN, S 1401, S 1402, P 2890 2 ; Arch. Assistance publique, fonds de Saint-Jacques-aux-
Pélerins, l. 52, no 1300 et l. 53, no 1324 ; et les articles cités supra, p. 19 et n. 31.
495. Voir supra, p. 46-50.
120 ANNE LOMBARD-JOURDAN
496. Voir entre autres B. Geremek, « La lutte contre le vagabondage à Paris au XIVe et XVe siècles »,
dans Ricerche storiche ed economiche in memoria di Corrado Barbagallo, éd. L. De Rosa, [Naples, 1970],
p. 211-236.
497. AN, JJ 127, fol. 42, no 65. Voir L. Mirot, Les insurrections urbaines…, p. 168-169.
498. Registre criminel du Châtelet…, t. I, p. 433.
499. Ibid., t. II, p. 45.
500. AN, X2A 51, 19 septembre 1487.
501. N. de Lamare, Traité de la police…, t. IV, p. 681.
502. Ils travaillaient « au noir » car ils n’appartenaient pas à la corporation de ce métier. Voir l’or-
donnance de Louis XI de juin 1467. N. de Lamare, Traité de la police…, t. II, p. 128.
503. Journal d’un bourgeois de Paris…, p. 262.
504. Ibid., p. 125, 135 et 142.
LE QUARTIER DES HALLES DANS PARIS 121
505. Michel de Montaigne, Les Essais, éd. J. Basalmo, M. Magnien et C. Magnien-Simonin, Paris,
2007, livre I, chap. XXV, p. 179.
506. Il fut loti en octobre 1543, sur l’ordre de François Ier, sous forme de vingt-deux parcelles
vendues pour y construire des maisons ou hôtels. L’actuel hôtel des postes a été construit en 1880
à cet emplacement.
507. Catherine de Médicis transféra les Filles repenties à l’abbaye Saint-Magloire, rue Saint-Denis et
fit construire, de 1574 à 1584, par l’architecte Bullant le magnifique « hôtel de la Reine » qu’elle habita
quatorze ans. À sa mort, il fut acheté par Charles de Bourbon-Condé, comte de Soissons.
508. A. d’Héricourt, Hôtel d’Artois à Paris, Arras, 1863 ; réimpr. dans La statistique monumentale du
département du Pas-de-Calais, t. II, Arras, 1873. J.-M. Richard, Mahaut…, p. 286 et 289. Philippe
Plagnieux, « La tour “Jean sans peur”, une épave de la résidence parisienne des ducs de Bourgogne »,
dans Histoire de l’art, 1/2, 1988, p. 11-20 ; id., « Hôtel du duc de Bourgogne (hôtel d’Artois) », dans
Paris 1400. Les arts sous Charles VI. Catalogue de l’exposition du musée du Louvre, Paris, 2004, p. 138 ; id.,
« La résidence de Jean sans Peur : un palais pour la réforme du royaume », dans La cour du prince.
Cour de France, cours d’Europe (XIIe-XVe siècle), à paraître.
509. La chronique d’Enguerran de Monstrelet, éd. L. Douët d’Arcq, 6 t., Paris, 1857-1862, t. I, p. 113
et 392. L’hôtel de Bourgogne fut loti en 1543 sur l’ordre de François Ier. Seule la tour Jean sans Peur
subsiste au 20, rue Étienne-Marcel.
122 ANNE LOMBARD-JOURDAN
Les jours de marché, deux ou trois fois par semaine, marquaient les temps forts
d’une activité qui, aux Halles médiévales, était continuelle. Après la « Réformation »
du XVIe siècle, le commerce des denrées alimentaires, qui n’avait cessé de croître,
combla les vides provoqués par le départ lent mais irréversible des produits
fabriqués. En tous temps les marchés ont suscité l’intérêt des curieux par le spec-
tacle de leurs articles variés et colorés et par l’ambiance qui y règne. Les Parisiens
considéraient les Halles comme un lieu de détente et de distraction. Au début du
XIVe siècle, Jean de Jandun décrit avec admiration les longues galeries des Halles
qu’on ne se lassait pas de parcourir ; et, au XIXe siècle, Émile Zola peint les énormes
« natures mortes » des pavillons de Baltard avec un enthousiasme comparable, bien
que légumes, fruits et viandes aient remplacé les tissus et objets fabriqués.
Les étuves, les nombreuses tavernes, les jeux de paume et de dés516 des rues
voisines exerçaient aussi leur attrait. Villon buvait à l’enseigne des Trumelières
et plaisantait madame de Bruyères, propriétaire « sous les piliers », censée prêcher
la Bible aux lingères de mauvaise conduite, qui vendaient sous la halle voisine.
Rabelais flânait au cimetière des Innocents et, au XVIIIe siècle, Sébastien Mercier
observait, critiquait et ironisait à loisir.
L’espace laissé libre du carreau des Halles était, en dehors des heures de son
activité marchande, le lieu des attroupements. Les exécutions capitales drainaient
toujours la foule, et les malheureux tournés au pilori servaient de but aux insultes,
aux quolibets et aux jets de projectiles variés. Tristes spectacles relativement
fréquents au Moyen Âge, plus rares ensuite. Des groupes se formaient autour des
jongleurs, acrobates et « joueurs de farses publiques »517, des ménestrels518, des
bateleurs519, des montreurs d’animaux apprivoisés et dressés, comme ours,
516. On jouait aux dés près du jeu de paume « entre deux halles » (AN, X2A 51, 19 septembre 1487)
ou « en lieux cloz et en chambres » (AN, X2A 17, fol. 236v, 1416).
517. « […] joueurs de farses publiques […] portant baniere et enseigne et faisant spectaculum sui
corporis », ibid.
518. À la fin du XIIIe siècle, certains habitaient aux Halles. AN, KK 283, fol. 43c, 44b et 103. En
1390, deux femmes habitant rue du Bourg-l’Abbé avaient coutume d’aller voir ensemble « les jeux
que les menestrez fesoyent es Hales ». Voir Registre criminel du Châtelet…, t. I, p. 265.
519. « Un nommé Jacob, qui est de Tournay, montre jeux de bateaux es hales de Paris »
(25 mars 1390, n. st.). Ibid., t. I, p. 257. Les bateaux étaient les gobelets qui servaient aux bateleurs
pour exécuter leurs tours.
124 ANNE LOMBARD-JOURDAN
La place de Grève fut dès l’origine le lieu de réunion des bourgeois de Paris ;
la place des Halles s’affirma de bonne heure en tant que lieu naturel de rassem-
blement du « menu peuple ». En raison de sa grande fréquentation, la publicité y
était assurée ; aussi les décisions royales y étaient-elles proclamées et, dans un but
de dissuasion, les coupables y étaient châtiés, que ce soit par l’éxécution capitale sur
l’échafaud ou par l’exposition au pilori pour faux-monnayage, faux témoignage,
fraude marchande, vol ou blasphème. Pendant les troubles civils qui agitèrent Paris
de 1358 à 1436 et, moins nettement peut-être, pendant les guerres de Religion, la
Fronde ou la Révolution, le quartier des Halles fut le bastion des pauvres gens, le
rendez-vous des mécontents, le foyer de la résistance aux autorités du moment.
525. Ajoutons les passages des condamnés au Châtelet qu’on menait pendre au gibet de
Montfaucon.
526. Journal d’un bourgeois de Paris…, p. 276.
527. Chronique des règnes de Jean II et de Charles V, éd. R. Delachenal, 4 t., Paris, 1910-1920 (Société
de l’histoire de France), t. I, p. 134-135.
126 ANNE LOMBARD-JOURDAN
habile. Aux pauvres gens accourus, il dit « que l’ennemi était partout, mais qu’il
avait attention de mourir et de vivre avec eux », que ceux qui avaient pris le gouver-
nement et disposaient des finances n’y mettaient pas remède et que cela devait
changer. La foule l’acclama.
Mais Étienne Marcel et les grands bourgeois estimaient que le Dauphin
« se estudioit faire en la bonne cité de Paris des menuz contre eux grant
commocion…»528. Le prévôt riposta en convoquant les habitants pour le
lendemain, toujours aux Halles, mais en la salle de Saint-Jacques-de-l’Hôpital.
Le Dauphin s’y présenta, mais se retira presque aussitôt : il fut soupçonné
d’avoir pris la fuite. Parlant en dernier, le prévôt des marchands se fit
applaudir. L’affection populaire se portait maintenant vers lui529. Le
22 février suivant, il osa pénétrer dans le Palais à la tête de trois mille hommes,
et les maréchaux de Champagne et de Normandie, conseillers du Dauphin,
furent assassinés sous les yeux de ce dernier.
Beaucoup de Parisiens restaient pourtant fidèles à la royauté. Quand
Étienne Marcel projeta d’ouvrir au roi de Navarre les portes de la ville, ce fut
encore aux Halles que se rendit Jean Maillart pour soulever le peuple530. Il y
retrouva le chevalier Pépin des Essarts et tous deux conduisirent la foule
déchaînée au cri de « Montjoie ! » jusqu’au prévôt des marchands qui était alors
à la Bastille Saint-Antoine. Il fut massacré ainsi que sa petite escorte. Et ce fut
encore aux Halles que Jean Maillart se rendit le lendemain 1er août pour faire
approuver sa conduite par le « menu peuple »531.
528. Voir la lettre d’Étienne Marcel adressée à l’échevinage d’Ypres. J. Kervyn de Lettenhove,
« Deux lettres d’Étienne Marcel… », dans Bulletin de l’Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-
arts de Belgique, t. 20, 3e partie, 1853, p 87-105, à la p. 96.
529. Chronique des règnes de Jean II et de Charles V…, t. I, p. 136 et suiv.
530. Ibid., p. 207. Voir aussi les textes cités par R. Delachenal dans Chronique des règnes de Jean II et
de Charles V…, t. I, p. 453, n. 5 ; et ce texte peu connu :
Jehan Maillart lors, les armes plaines
Print du roy, aux trois fleurs de lys,
Crians : « Monjoye saint Denis ! »
Portant en ses poins la banniere
De France ; et par bonne maniere
Va es Halles ; et a son cri
Chascuns ala, et le suy
Crians joieusement « Monjoye ! »
Adonc le peuple se resjoye
Quant il oient le cri crier
Qu’om n’avoit osé publier
Par longtemps au roy et regent.
Poésies morales et historiques d’Eustache Deschamps…, éd. G.-A Crapelet, Paris, 1832, p. L.
531. Jean Froissart, Chroniques, éd. S. Luce, G. Raynaud et al., 15 t., Paris, 1869-1875 (Société de
l’histoire de France), t. V, p. 117.
LE QUARTIER DES HALLES DANS PARIS 127
Jusqu’alors celui-ci avait joué un rôle surtout passif : on l’avait consulté, solli-
citant son accord et son approbation ; on l’avait fait témoin et, semblait-il, arbitre
d’une lutte qui ne se livrait qu’entre les puissants. Il avait ainsi pris conscience de
son pouvoir et désormais participa à la marche des événements. L’occasion s’en
présenta peu après.
La veille, l’annonce avait été faite aux Halles de la levée d’une nouvelle
taxe sur les ventes et on s’était préparé à la résistance. Les émeutiers coururent
à l’Hôtel de Ville et s’emparèrent des douze mille maillets de plomb
qu’Hugues Aubriot y avait fait déposer en prévision de la lutte contre les
Anglais ; puis ils s’attaquèrent aux maisons des officiers royaux et pillèrent.
Maîtres de la ville, ils en fermèrent les portes. Se désolidarisant du mouvement
des « menus », les riches bourgeois et marchands exposèrent au roi « comme
les plus grands de la ville et principaux en estoient courroucés et desplaisans
et que ce qui avoit esté fait estoit par mechantes gens de bas estat »532. La
répression fut terrible.
537. « Extrait d’une chronique anonyme pour le règne de Charles VI (1400-1422) [dite des
Cordeliers] », dans La chronique d’Enguerran de Monstrelet…, t. VI, p. 191-327, à la p. 219.
538. Voir supra, p. 122.
539. La chronique d’Enguerran de Monstrelet…, t. II, p. 459 et t. VI, p. 152.
540. Chronique du Religieux de Saint-Denys…, t. V, p. 446 ; Journal d’un bourgeois de Paris…, p. 56.
541. Guillaume Cousinot, « Fragments de la geste des nobles françois ou chronique de G.
Cousinot le chancelier », dans Chronique de la Pucelle ou chronique de Cousinot, éd. A. Vallet de Viriville,
Paris, 1859, p. 153.
542. Procès de Nicolas d’Orgemont, édité dans L. Mirot, Les insurrections urbaines…, app. X, p. 275.
LE QUARTIER DES HALLES DANS PARIS 129
543. La chronique d’Enguerran de Monstrelet…, t. III, p. 141 ; Jean Le Fèvre de Saint-Rémy, Chronique de
Jean Le Fèvre, seigneur de Saint-Rémy, éd. Fr. Morand, Paris, 1876-1881 (Société de l’histoire de France),
t. I, p. 287. De nombreuses maisons du quartier des Halles furent confisquées et vendues comme ayant
appartenu à des séditieux bannis du royaume. AN, Z1F 7B, fol. 256v, 280, 281v, etc. (1415-1416).
544. Perceval de Cagny, Chroniques (1239-1438), éd. H. Moranvillé, Paris, 1902 (Société de l’histoire
de France), p. 106.
545. Guillaume Cousinot, « Fragments de la geste des nobles… », p. 168. Les autres chroniques
rendent compte des faits de façon analogue.
546. Journal d’un bourgeois de Paris…, p. 90 et suiv.
547. Ibid., p. 96-97.
548. « Et cependant fut pris ledit Capeluche, bourreau, qui beuvoit en la Rappee es Halles, et incon-
tinent on luy couppa la teste ». Jean Juvénal des Ursins, Histoire de Charles VI roy de France…, p. 353.
549. AN, X1A 1480, fol. 144 ; La chronique d’Enguerran de Monstrelet…, t. III, p. 291 ; Journal d’un bour-
geois de Paris…, p. 110 ; Journal de Clément de Fauquembergue…, t. I, p. 155 et 156, n. 1.
130 ANNE LOMBARD-JOURDAN
capitale où désormais Jean sans Peur régnait en maître. C’est avec douleur et
colère que les gens des Halles apprirent le meurtre de celui-ci à Montereau, le
10 septembre 1419.
La capitale était toujours aux mains des Anglais et des Bourguignons. Mais
le duc de Bedford, oncle d’Henri VI et régent, était à la fois vexé et inquiet des
témoignages d’attachement des Parisiens à l’égard de Philippe le Bon. Il se
méfiait de tant de popularité mais était forcé de ménager le duc. C’est alors que
l’entrée des « royaux » dans la ville devint possible.
Le 13 avril 1436, à l’aube, Michel de Lailler, qui s’était entendu avec le
connétable de Richemont, appela les Parisiens aux armes550. Pendant qu’aux
Halles on se préparait à combattre, il se dirigea avec une forte troupe vers la
porte Saint-Denis, pour donner le change aux Anglais. L’armée de Richemont
se présentait par le sud et approchait de la porte Saint-Michel quand on lui
cria d’aller à la porte Saint-Jacques, en ajoutant : « On besoingne pour vous aux
Halles »551. Les Anglais, qui redoutaient surtout ce quartier, y envoyèrent le
prévôt avec tous les siens552. Mais ils comprirent vite que la lutte serait inutile.
Richemont entra dans Paris sans coup férir. Il était environ sept heures du
matin. Descendant la rue Saint-Jacques et traversant l’île de la Cité, il arriva
place de Grève. On vint alors lui dire que les Anglais s’étaient enfermés dans
la Bastille et que, tout étant bien, « il lui plut tirer vers le quartier des Halles
pour les reconforter »553. Il alla jusque devant l’église des Saints-Innocents, où
on le fit boire et on lui offrit des épices. Après seulement, il se rendit à Notre-
Dame où il entendit la messe tout armé.
Vainqueur, Richemont fit preuve d’une sage modération. L’allégresse régnait
à Paris dans la tranquillité et l’abondance retrouvées. Il vint tant de vivres et de
blé que, les Halles ne suffisant plus, il fallut ouvrir à nouveau le marché de la
Juiverie dans la Cité, qui était fermé depuis plus de vingt années. Le roi ne fit son
entrée dans la ville que le 12 novembre 1437 et il n’y séjourna que trois semaines.
L’autorité légitime était rétablie à Paris, mais les Écorcheurs sévirent encore long-
temps en banlieue. Les Parisiens ne se sentirent vraiment libérés qu’après la prise
de Pontoise, que les Anglais défendirent avec acharnement (19 septembre 1441).
Le commerce put alors reprendre peu à peu et un gros effort fut fait pour
remédier à l’état déplorable des Halles.
Sous les règnes de Charles VI et de Charles VII, on voit au quartier des Halles
s’accentuer la scission entre les « menus », pauvres, souvent sans travail, prêts à
tout, et les « gros et principaux », riches marchands et bourgeois bien nantis. Il
fallut attendre ensuite d’autres raisons et les désordres des guerres de Religion
pour que des bandes armées parcourent à nouveau les rues et que René Benoist,
curé de Saint-Eustache à partir de 1569, exerçât sur ses paroissiens un ascendant
qui lui valut le surnom de « pape des Halles »554. La population du quartier sut
toujours affirmer ses choix, manifester ses préférences.
La Fronde débuta aux Halles, lors de l’arrestation de Pierre Broussel, le
26 août 1648. Conseiller à la Grand’ chambre du Parlement, il s’était rendu
populaire par la simplicité de son comportement et par son opposition aux
mesures financières rigoureuses prises par Mazarin. Les « gens des Halles »,
réclamant à grands cris la libération du prisonnier, s’engagèrent dans la rue
Saint-Honoré en direction du Palais-Royal où demeurait la régente Anne
d’Autriche. Apprenant l’émeute, l’ambitieux Paul de Gondi, coadjuteur de l’ar-
chevêque de Paris, voulut en profiter pour acquérir de la popularité. Quittant,
en costume de chœur, l’église Notre-Dame où il venait de célébrer le Te Deum
pour la victoire de Lens, il gagna, lui aussi et dans le même but, le Palais-Royal,
où la reine l’écouta à peine. Devenu cardinal de Retz, il a, dans ses Mémoires,
raconté le déroulement de cette folle journée. Sur le chemin du retour, il fut
bloqué par la foule près de la Croix-du-Trahoir et rejoint par une trentaine
d’hommes armés qui débouchèrent de la rue des Prouvaires. Dans la bagarre,
il tomba par terre, se releva, fut enfin reconnu et acclamé. Suivi par les émeu-
tiers, il prit alors le chemin des Halles où il y trouva, écrit-il, « cette fourmilière
de fripons toute en armes ». Par un discours habile, il parvint à leur faire
déposer les armes avant la nuit. Le lendemain, Paris était couvert de douze cents
barricades et peu après Broussel, était libéré. La Fronde ne faisait que
commencer. Le jeune Louis XIV, qui garda toujours le souvenir de ces impres-
sionnantes journées de révolte, dut quitter la ville.
Le gouverneur de Paris était alors un partisan de la Fronde : François de
Vendôme, duc de Beaufort (1616-1669), le petit-fils d’Henri IV et de Gabrielle
d’Estrées. Grand, bien fait, affable, il avait tout pour séduire et devint l’idole du
peuple qui le nomma « roi des Halles ». Le duc se montrait très fier de ce titre et
de ses nouveaux partisans ; il disait que « si on le persécutait à la cour, il viendrait
554. É. Pasquier, René Benoist, le pape des Halles (1521-1608), Angers, 1913.
132 ANNE LOMBARD-JOURDAN
loger au milieu des Halles où là, plus de vingt mille hommes le garderaient ».
Les dames de la Halle proposèrent de lui prêter de l’argent et même de lui
constituer une pension de soixante mille livres. Son ascendant fut extrême555.
Mais les marchands de Paris comprirent vite que les désordres de la Fronde
nuisaient à la prospérité de leurs affaires. Ils souhaitèrent le retour de l’autorité
royale qu’accompagnaient l’ordre et la paix. Louis XIV rentra à Paris le
23 octobre 1652.
Il est significatif que le financier genèvois Necker (1732-1804) ait été promu,
lui aussi, « roi des Halles ». Devenu directeur général du Trésor royal en 1776, il
avait su inspirer confiance au monde marchand qui le soutint et manifesta en sa
faveur lors des multiples épisodes – renvois, rappels, démissions, retours – de sa
carrière mouvementée jusqu’en 1790.
Mais, désormais, le quartier des Halles n’était plus le seul, dans Paris agrandi,
à s’intéresser aux événements et à essayer d’en orienter la marche et l’issue.
555. Ce vaillant homme de guerre, après une jeunesse tumultueuse, fut placé par Louis XIV à la
tête de la flotte. Il combattit les Turcs en Méditerranée et mourut au siège de Candie (1669).
CHAPITRE VI
Le chemin parcouru par la capitale peut, d’une certaine façon, être mesuré à
l’échelle de son marché, depuis le « petit champ » limité par un fossé au XIIe siècle
jusqu’aux gigantesques Halles de Rungis au XXe siècle. Toutefois il fallut attendre
les années 1850 et les pavillons de Baltard pour qu’évolue l’idée qu’on se faisait
de ce que devait être le marché parisien. Il demeura jusque là confiné à l’intérieur
du gros mur protecteur dont l’avait entouré Philippe Auguste et du cadre
inchangé de son quartier. Une fois de plus, on vérifie ici l’extraordinaire force
d’inertie des ensembles urbains construits, de ces « noyaux anciens » qui ont été
étudiés notamment en Italie556, et on aperçoit à l’évidence combien le quartier
forme un tout homogène. L’obligation faite au Moyen Âge à tous les artisans de
la ville de fermer boutique et d’aller vendre aux Halles et celle faite aux
marchands forains de venir y décharger toutes les denrées qu’ils apportaient,
firent de celles-ci plusieurs jours par semaine le centre de l’activité commerciale
de la ville. L’intégralité des ventes en gros et une grande partie des ventes au
détail y étaient conclues et les revendeurs de tous métiers devaient s’y approvi-
sionner. Leur force d’attraction et leur activité de redistribution, en continuelle
progression, étaient donc considérables.
Pourtant, si l’on excepte la réalisation pionnière de Philippe Auguste, aucun
souci architectural n’eut l’occasion de s’exercer en leur faveur. « Comment,
556. Sur les noyaux urbains anciens en Italie, voir : L. von Matt, Il centro storico di Genova, Gênes,
1969 ; G. De Carlo, Urbino. La storia di una città e il piano della sua evoluzione urbanistica, Padoue, 1966 ;
C. Aymonino, M. Brusatin, G. Fabbri, M. Lena, P. Lovero, S. Lucianetti et A. Rossi, La città di
Padova : saggio di analisi urbana, Rome, 1970 ; E. R. Trincanato, Venezia minore, Milan, 1948.
134 ANNE LOMBARD-JOURDAN
s’indignait Dussaussoy en 1767, une nation éclairée et qui aime la gloire a-t-elle
pu supporter si longtemps, au centre de la capitale, ces marchés dégoûtants, ces
Halles infectées ? » 557. Comment expliquer, en effet, une aussi longue et aussi
complète carence des autorités, une si profonde désaffection du public ? Dans
la même ville, on élevait des palais et de magnifiques édifices religieux, en
particulier, de 1532 à 1637, l’église Saint-Eustache, l’ambitieuse « cathédrale
des Halles », aussi vaste que Notre-Dame. Mais, quand il s’agissait du marché,
tous les projets échouaient. Faut-il invoquer les difficultés pratiques d’une telle
opération d’urbanisme, le défaut d’imagination des décideurs, le coût des
expropriations, la résistance des intérêts en place ? Tout cela ne pouvait faire
reculer un État moderne qui, sur d’autres chantiers, fit aboutir de plus délicates
entreprises. Sans doute faut-il faire intervenir le coefficient humain, l’opinion
générale et bien ancrée sur ce que doit être le marché dans la ville : utile et
sans prétention aucune. À cette conviction profonde vinrent s’ajouter d’autres
considérations. D’abord la préférence pour le « marché couvert », qui
remplacera le traditionnel « marché au vent », en plein air et sur le pavé ; ce
choix, déjà préconisé par Philippe Auguste, ira en se concrétisant. Et puis l’idée
que les bâtiments publics, les marchés comme les hôtels de ville ou les églises,
doivent être isolés, débarrassés de toute construction adventice et bien
desservis par des voies d’accès.
L’histoire des Halles répercute les attitudes mentales successivement
adoptées à l’égard de l’activité marchande : valorisée au Moyen Âge, celle-ci fut
tenue pour strictement utilitaire pendant l’Ancien Régime, puis fut remise à sa
juste place par la bourgeoisie du Second Empire. Les Halles de Philippe Auguste
et celles de Baltard marquent deux pôles entre lesquels, pendant plusieurs siècles,
régna l’indigence architecturale et une inertie administrative presque totale.
C’est, nous l’avons vu, à l’intérieur de la primitive limite d’un fossé que s’ef-
fectuèrent d’abord les échanges commerciaux et que se développa un marché
florissant. Le « fossé du Champeau » avait un caractère à la fois symbolique et
juridique. Il dessinait et enfermait un territoire que longèrent des rues et qui
englobait l’extrêmité occidentale du cimetière des Innocents558.
557. M. Dussaussoy, Le citoyen désintéressé ou diverses idées patriotiques concernant quelques établissemens et
embellissemens utiles à la ville de Paris…, Paris, 1767, p. 62.
558. La partie du cimetière ainsi délimitée appartenait à l’Hôtel-Dieu de Paris « de toute
ancienneté » (ab antiquo). Lettres patentes de septembre 1351. Arch. Assistance publique, fonds de
l’Hôtel-Dieu, layette 7bis, l. 58, cote Aa. On l’appelait « la fosse des pauvres » (fovea pauperum). AN,
LL 400, fol. 27v.
UN DÉVELOPPEMENT LONGTEMPS ENTRAVÉ 135
Après leur accord de 1137, le roi partagea un temps avec l’évêque les revenus
et les charges du marché en plein vent. Puis Philippe Auguste, conscient de l’in-
térêt économique de celui-ci, y transféra la foire Saint-Ladre, achetée aux lépreux
en 1181, et y fit édifier deux « halles » entourées d’un mur protecteur. Cet ensemble
clôturé et bâti en pierre de taille matérialisait et affirmait, au milieu du marché
partagé et ceint d’un simple fossé, la présence et l’autorité royales. Les « gros
murs »559, les « murs des hales le roy nostre sire »560, ces « anciens murs »561, que
Germain Brice, en 1712, qualifiait de « fortes murailles »562, fréquemment
mentionnés dans les actes et dont on distingue encore le tracé sur les plans de
Jaillot et de Verniquet, ne sont autres que ceux dont Philippe Auguste avait entouré
ses deux halles. Nécessaires en 1183 pour mettre le marché construit dans un
terrain vague à l’abri des voleurs et des bandes ennemies et pillardes – les Anglais
campaient alors à Gisors –, ils devinrent inutiles par la suite. Ils présentèrent alors
l’inconvénient de corseter le marché et de nuire à sa libre expansion. D’autant plus
que les bâtiments destinés à la vente édifiés ensuite prirent appui sur eux du côté
intérieur et que les maisons des rues adjacentes en firent autant du côté extérieur.
Cet épais carcan de pierre ne sera rompu qu’au XVIe siècle, lorsque, à la
« Réformation », on le percera pour livrer passage à des rues nouvelles.
La clôture défensive de Philippe Auguste fut presque aussitôt doublée par la
galerie sur piliers qui occupait le rez-de-chaussée de maisons alignées sur le bord
du primitif « fossé du Champeau » et tournées vers l’intérieur du marché. Sur
deux des côtés de la place des Halles et tout le long de la rue de la Tonnellerie,
le premier étage en surplomb des maisons portées en avant sur de gros piliers
de pierre ménageait un passage continu, sorte de chemin de ronde, qui faisait le
tour du marché et rendait difficile les communications avec l’extérieur.
Enfin, toujours sous le règne de Philippe Auguste, un troisième enfermement
de l’ensemble compact des Halles intervint en 1190, avec la construction de l’en-
ceinte destinée à protéger la rive droite de Paris. Celle-ci vint clore en arc de cercle
l’angle droit formé par la route menant à Saint-Denis avec celle qui longeait la
Seine dans la direction de Clichy. D’abord ressentie comme lointaine, cette ligne
de fortification fut bientôt rejointe par la prolifération des maisons. Le dessin des
rues, rectilignes et perpendiculaires les unes aux autres à l’est, concentriques et
parallèles au rempart à l’ouest, témoigne de la rapidité avec laquelle elles furent
tracées. Le rempart, percé à l’origine de peu de portes, pour des raisons défen-
sives, ajouta un nouvel obstacle à l’ouverture du marché sur l’extérieur.
559. Arch. Assistance publique, fonds de Saint-Jacques-aux-Pèlerins, l. 51, no 1273 (1353) ; l. 53,
no 1316 (1539) ; Arch. Quinze-Vingts, no 3963 (1453) ; BNF, fr. 26310, nos 76 et 78 (1540).
560. AN, JJ 66, no 669 (1331, n. st.), édité dans Documents parisiens…, t. I, p. 102, no 70.
561. Arch. Assistance publique, fonds de Saint-Jacques-aux-Pèlerins, l. 53, no 1304 (1467) ; etc.
562. G. Brice, Description de la ville de Paris…, éd. P. Codet, Genève-Paris, 1971, p. 517.
136 ANNE LOMBARD-JOURDAN
563. Registre des délibérations de la ville de Paris…, t. I, p. 87, art. CLVI. La vieille porte Montorgueil et
sa couverture de plomb ne fut entièrement démolie qu’en février 1504. AN, X1A 4845, fol. 154-155.
564. Arrêt du Conseil du 6 mai 1775. AN, H 1952 et Q1 1211 ; plan Arch. nat., K 2425, no 355
(avril 1776) et lithographie de Marlet (1821) reproduite dans M. Poëte, Une vie de cité…, Album,
no 472.
565. Voir supra, p. 117 : « Le réseau stradal ».
UN DÉVELOPPEMENT LONGTEMPS ENTRAVÉ 137
immédiat mais demeurées dans leur orbite, celles-ci évoluèrent à l’intérieur des
limites que Philippe Auguste leur avait assignées.
La hala, en bois et couverte, utilisée de bonne heure par l’homme pour mettre
à l’abri son habitat, ses récoltes et son bétail, servit aussi pour accueillir les
marchands et leurs denrées pendant la durée des foires. Mais les domus ou halae que
Philippe Auguste fit édifier en pierre de taille, bien que conservant leur plan élémen-
taire, revêtirent des proportions et une solidité qui leur conféraient une vraie
monumentalité. Dans la description détaillée qu’il en donne au XIIe siècle, Rigord
vante leur commodité puisqu’on pouvait y vendre à l’aise et « très proprement » ;
mais il insiste aussi sur leur bel aspect. Construites « pour la plus grande utilité de
ses usagers » (ob maximam institorum utilitatem), elles l’étaient aussi « pour l’ornement
de la ville » (ob decorem). On appliquait pour la première fois à un bâtiment civil
urbain, une technique de construction nouvellement utilisée à Paris pour des
édifices religieux : les moellons grossièrement cassés au marteau étaient remplacés
par des blocs aux arêtes régulières, débités au même gabarit et facilement ajus-
tables. Guillaume le Breton parle de « murs lisses » (politi muri) et de construction
soignée, faits de « pierres équarries » (quadrati lapides) et donc plaisants à l’œil566.
À côté des bâtiments des halles mais à l’intérieur de leur rempart, un espace
libre avait été réservé. Les places de nos villes, vouées à une active circulation,
destinent aux piétons d’étroits refuges. Le Moyen Âge avait choisi de faire des
siennes des lieux à l’écart et relativement tranquilles567. Elles étaient souvent
triangulaires parce que cette forme est naturelle là où convergent trois voies.
Elle est devenue extrêmement rare à notre époque où les places sont quadran-
gulaires ou circulaires568.
Quant aux allées couvertes, galeries sur piliers ou portiques voûtés sur
arcades, elles bordaient souvent, au Moyen Âge, les côtés des places de marché,
surtout le côté nord exposé au soleil. On les appelait « couverts », « avant
soliers », « auvents » ou « avans ». L’emplacement sous les piliers était vendu avec
la maison et les propriétaires devaient l’entretenir sans pour cela le considérer
comme une dépendance de leur demeure. Le passage devait toujours rester libre.
566. Voir les textes de Rigord et de Guillaume le Breton cités dans A. Lombard-Jourdan. Aux
origines de Paris…, n. 492.
567. Ce parti-pris architectural a été mis d’abord en évidence par C. Sitte, Die Städtbau nach seinen
künstlerichen Grundsätzen..., Vienne, 1889 ; trad. française C. Martin, L’art de bâtir les villes : l’urbanisme
selon ses fondements artistiques, Genève-Paris, 1902. Voir aussi P. Lavedan, Histoire de l’urbanisme.
Antiquité, Moyen Âge, Paris, 1926.
568. La place Dauphine construite en 1607, à l’initiative d’Achille de Harlay, est aujourd’hui une
exception à Paris.
138 ANNE LOMBARD-JOURDAN
Toutefois, la tentation était grande d’y installer son ouvroir ou d’y accomplir les
activités pour lesquelles la place manquait à l’intérieur.
La place triangulaire des Halles était bordée sur deux côtés par une de ces
galeries piétonnières. Celle du nord mesurait six pieds, soit deux mètres
environ de large et on l’appelait : les « Petits Piliers » ; celle à l’est mesurait
plus du double, soit quinze pieds et demi ou plus de cinq mètres de profondeur
et on l’appelait les « Grands Piliers » ou, à partir du XVe siècle, les « piliers des
Potiers d’étain »569. Elles mettaient les piétons à l’abri de la pluie, mais aussi de
la bousculade du marché. Guillot de Paris dit en vers, au XIIIe siècle, comment,
venant de la Cossonnerie :
Et por moi mieux garder des halles,
Par-dessous les avans des halles
Ving en la rue a Prescheurs570.
Certaines activités marchandes s’exerçaient sous le profond abri des Grands
Piliers. Les boulangers forains y vendaient le pain qu’ils apportaient à Paris
entre la rue Pirouette et celle de la Cossonnerie. Les potiers d’étain étalèrent au
XVe siècle entre cette dernière et la rue des Prêcheurs. Sous les piliers de la
Tonnellerie, Sébastien Mercier signale, au XVIIIe siècle, la « longue file de
boutiques qui vendent de vieux habits dans des magasins mal éclairés et où les
taches et les couleurs disparaissent »571. Des fripiers en objets d’ameublement
y étaient encore installés au XIXe siècle.
Au nord de la place des Halles se dressaient une grande croix, une
fontaine572 et le pilori. Contemporain des premières Halles, ce dernier était le
seul que possédât dans Paris le roi haut-justicier. Au XVIIe siècle, cette peine
n’était plus que très rarement infligée. La démolition du pilori fut ordonnée en
1785 « pour procurer aux Halles plus d’étendue »573. Une miniature du
569. Sur ces « piliers de pierre de taille », voir Arch. Assistance publique, fonds de Saint-Jacques-aux-
Pèlerins, l. 49, nos 1206 et 1207. R. Quenedey parle d’une « partie ouverte du rez-de-chaussée où
l’ossature subsiste, mais dont le colombage est supprimé sur toute la façade et aux extrémités de la
galerie », L’habitation rouennaise. Étude d’histoire, de géographie et d’archéologie urbaine, Rouen, 1926, p. 200.
Sur un petit plan du XVIIe siècle (AN, S 944) on peut compter dix piliers de la Pointe Saint-Eustache
à la rue de la Réale (ancienne ruelle Jean-Bigne), quatorze piliers de cette dernière à la rue Pirouette,
dix de celle-ci à la rue des Prêcheurs et douze ensuite jusqu’à la rue de la Cossonnerie. Ces piliers furent
démolis, conformément aux décrets du 10 mars 1852 et du 21 juin 1854, au moment de l’agrandis-
sement des Halles (Commission municipale du Vieux-Paris. Procès-verbaux, 1900, p. 52). Trois d’entre eux
subsistèrent aux nos 1 et 3 de la rue Pirouette (no 106 de la rue Rambuteau) jusqu’en 1935. Voir supra
p. 207, l’eau-forte de Potémont-Martial représentant les piliers de la Tonnellerie.
570. Abbé J. Lebeuf, Histoire de la ville…, t. I, p. 364.
571. L.-S. Mercier, Tableau…, t. II, p. 220.
572. Sur la fontaine voir supra, p. 42-43.
573. Lettres patentes du 16 septembre 1785. BNF, Coll. Joly de Fleury, 558, dossier 7391. Le
pilori des Halles a donné lieu à un grand nombre de dessins et gravures, tous inspirés du dessin
UN DÉVELOPPEMENT LONGTEMPS ENTRAVÉ 139
XVe siècle offre la seule image qui existe de ce petit édifice au Moyen Âge : il
était bâti en colombage574. Il fut reconstruit en pierre en 1542 et maintes fois
représenté depuis. C’était une tourelle octogonale qui comprenait un rez-de-
chaussée et un étage. Le carcan tournant fait de deux cercles de fer entre
lesquels étaient emprisonnés le cou et les mains des suppliciés occupait la
partie supérieure. Le bourreau avait la libre disposition du rez-de-chaussée et
la faculté d’autoriser que des auvents ou appentis y soient appuyés. Lors des
exécutions capitales, une estrade en bois était dressée à côté du pilori et le
bourreau y opérait aux yeux de tous575.
Toutes les condamnations à la pendaison, au bûcher ou à la décapitation
étaient primitivement éxécutées sur la place des Halles. Une chronique anonyme
prétend qu’en 1318 les marchands supplièrent le roi Philippe V d’interdire qu’on
donne la mort au cœur du marché. Ayant obtenu son accord, ils firent édifier « ne
croix mout belle et de coustable euvre » au milieu de la place, à l’endroit où une
femme de Beauvais avait été brûlée576. Il s’agit sans doute d’un on-dit ou d’une
invention du chroniqueur cherchant à suppléer à l’ignorance où l’on était
concernant l’origine de cette croix monumentale. Elle avait plus de trente pieds
(presque dix mètres) de hauteur. Elle fut abattue en 1794 « comme signe de
superstition »577 et aucune image n’en a été conservée.
Les bourgeois de Paris apprécièrent l’initiative de Philippe Auguste qui
matérialisait l’activité marchande et consacrait son importance dans la ville.
Rien de comparable toutefois aux belles halles des villes flamandes ou braban-
çonnes : Ypres, Bruges, Gand, Louvain, Bruxelles ou Douai. À leurs fonctions
économiques de lieux de marché et d’entrepôt, celles-ci ajoutaient le rôle de
lieu de réunion officiel de la communauté, de maison de ville. Leur beffroi
symbolisait l’indépendance féodale et leur aspect architectural reflétait la
richesse matérielle et la puissance civique de « Marchandise ». Rien de tel à Paris,
anonyme de la Collection Destailleur, BNF. Voir aussi supra p. 204 et 205 la gravure d’Aliamet
(1759) d’après la peinture disparue d’Étienne Jeaurat (1757) et la peinture de P. L. Debucourt (1782).
574. Londres, British Library, Harleian, ms. 4379, fol. 64.
575. D’après H. Sauval (Histoire et recherches…, t. II, liv. X, p. 589), il y avait encore auprès du pilori,
une écurie et un appentis où on conservait les corps des suppliciés jusqu’à leur transport à
Montfaucon.
576. « Chronique parisienne anonyme des années 1316 à 1339 », éd. A. Hellot, dans Mémoires de
la Société de l’histoire de Paris et de l’Île de France, t. 11, 1884, p. 1-207, aux p. 34-35, § 24. En 1321, un
homme fut encore supplicié sur une roue de charrette (ibid., § 67) et beaucoup d’autres furent
exécutés aux Halles après lui. En 1515, le bourreau Fleuriot s’y étant pris à plusieurs fois pour
décapiter un condamné, fut lapidé par la foule, puis brûlé dans le réduit au-dessous du pilori où il
s’était réfugié. Journal d’un bourgeois de Paris…, p. 53.
577. Un rapport du 22 frimaire an III signale qu’elle est « couchée sur le pavé près de la fontaine »,
qu’elle provoque journellement des accidents et doit être enlevée. AN, F13 726 (3 pièces). Elle est
encore portée sur les plans suivants : AN, N III (Seine) 943, Q1 1187 et Q1* 10997, fol. 85v.
140 ANNE LOMBARD-JOURDAN
Pendant des siècles, les velléités de réforme avaient avorté. Les difficultés
pratiques, techniques, financières ne suffisent pas à expliquer cet échec. Le coût
prohibitif des expropriations dans un secteur très dense d’habitat, souvent
allégué, ne le justifie pas non plus. Jusqu’au Second Empire, la volonté de chan-
gement se heurta à une véritable pesanteur culturelle. En l’occurrence, ce fut
l’idée qu’on se faisait de ce que devait être un marché qui freina les initiatives.
Nicolas Frochot, préfet de la Seine, traduit bien, au début du XIXe siècle, l’état
d’esprit de l’administration d’Ancien Régime : « Une halle ne saurait compter
parmi les monuments d’une grande ville. C’est un établissement utile, qui ne
doit que se laisser voir. Donnez-lui le nécessaire, rien de plus »579. L’avis prévalait
que, s’agissant des halles, toute monumentalité était superflue.
Les Halles représentaient l’abondance dans la ville en un temps où régnait la
crainte atavique de la disette. Les descriptions des contemporains – depuis les
« trésors inestimables » de Jean de Jandun, en 1323, jusqu’aux « gigantesques
natures mortes des huit pavillons » du romancier Zola – traduisent la satisfaction
ressentie par les Parisiens quand ils contemplaient le concours universel des
produits qui leur étaient réservés. Ils se sentent rassurés par la certitude de ne
manquer de rien, car la pénurie amène les troubles civils. Il est vraisemblable d’ail-
leurs que l’enthousiasme suscité par la richesse et la variété des marchandises ainsi
offertes, et surtout par leur quantité, ait éclipsé l’intérêt qu’ils auraient pu porter
aux édifices qui les contenaient. Si Rigord décrit avec précision les halles de
Philippe Auguste, c’est qu’il les a vu construire et jamais les pavillons de Baltard
ne furent autant admirés que lorsqu’on put les voir vides et désaffectés. Nos infor-
mateurs se sont généralement montrés avares de renseignements sur l’aspect des
lieux où opéraient les marchands et sur leur installation matérielle.
Établissement urbain sans autre ambition que de « se laisser voir », les halles
devaient néanmoins répondre à un certain nombre d’impératifs et de critères.
Fidèles à la tradition, elles restèrent tardivement un marché polyvalent. La force
de la coutume y maintiendra, sans raison valable, la vente des produits fabriqués
(draps et toiles, friperie) jusqu’au XIXe siècle. Dans le même ordre d’idée, les
foires médiévales, bien qu’elles correspondent à un mode d’échange périmé,
continueront à se tenir aux Halles, dans leurs limites habituelles et aux mêmes
dates, celle de Saint-Germain-des-Prés jusqu’au XVIe siècle et celle de Saint-
Lazare jusqu’en 1700. Elles disparurent, écrit Sauval, « sans qu’on en sache la
cause », c’est-à-dire non par un acte autoritaire de suppression, mais par une
désaffection progressive.
579. Carnets de Frochot, cités dans A. Chastel et al., « L’aménagement du marché central de
Paris… », p. 80, n. 1.
142 ANNE LOMBARD-JOURDAN
582. Voir la description que fait Sébastien Mercier, à la fin du XVIIIe siècle, de la saleté « repous-
sante » des Halles. Tableau…, t. II, p. 220 et 265.
583. En 1553, les habitants du quartier s’étant plaints de la puanteur occasionnée par le trempis
de la morue salée, qu’ils accusaient de donner la peste, le Parlement décida qu’ils devaient supporter
ce désagrément « en considération des services irremplaçables rendus au public ».
584. Voir supra, p. 36 et n. 88.
144 ANNE LOMBARD-JOURDAN
en mars 1969, il avait fallu enfin rompre avec de longues habitudes, renoncer à
voir le marché dans la ville.
Des mutations profondes étaient intervenues dans la structure et le méca-
nisme de l’appareil commercial par suite de l’apparition de nouvelles méthodes
de vente : la prolifération des supermarchés en libre service, les produits longue
conservation et surgelés, les ventes sur catalogue par correspondance, les soldes
qui sollicitent les consommateurs et la publicité qui les harcèle à domicile, etc.
Une industrie à haute productivité exige impérieusement un éventail élargi de la
distribution, de multiples débouchés et un commerce superactif et compétitif.
Des innovations sont en perpétuel accomplissement à un rythme qui s’accélère
chaque jour davantage.
C’est ce qui explique sans doute un retour parallèle et paradoxal au passé, un
nouvel attachement au patrimoine historique. Après avoir été longtemps
démolies comme inutiles et encombrantes, les vieilles halles des provinces de
France sont soigneusement conservées. Certaines abritent encore le marché local
ou ont été reconverties à d’autres usages. Celles restées sans emploi témoignent
du passé, intouchables monuments funéraires d’une activité marchande révolue.
Dans Paris éventré, vidé des pavillons de Baltard, amputé de sa fonction nour-
ricière essentielle, rien cependant où l’on puisse accrocher un souvenir. Toutefois,
curieux retour des choses : alors que le premier grand marché parisien naquit
jadis « aux Champeaux », à la périphérie de la ville médiévale, le second,
huit siècles plus tard, s’installa sur un terrain de la nouvelle banlieue, dans les
champs de Rungis, et répond toujours à l’appellation de « Halles ».
ANNEXES
L’essentiel de la documentation écrite et des plans ayant servi à l’élaboration
de cet ouvrage est tiré des dépôts d’archives parisiens : Archives nationales de
France, Archives de l’Assistance publique, Archives des Quinze-Vingts, ainsi
que de la Bibliothèque nationale de France. Les références sont données en note
et quelques documents choisis parmi les plus représentatifs des réalités des
Halles médiévales ont été transcrits. Les nombreuses chroniques et les mémoires
consultés ont permis de compléter le simple rapport des faits par des notations
précises et vivantes.
Les plans de restitution des Halles et de leur quartier ont reçu pour base
topographique le plan que l’architecte Edme Verniquet commença en 1771 et qui
ne fut terminé qu’en 1799. Qualifié de « parfait » et méritant cette épithète, il est
le premier plan géométral de Paris. Reproduit en grisé, il sert de fond aux resti-
tutions proposées585. Par ailleurs, le plan cavalier de Truschet et Hoyau, dit Plan
de Bâle (vers 1550), a été agrandi et offre un aspect approximatif du quartier
avant les transformations qu’y apporta la Réformation des Halles.
Il existe très peu d’images des Halles de Paris au Moyen Âge et pas beaucoup
plus pour l’époque moderne. Les premières connues sont fantaisistes et n’ap-
portent aucune information. Une belle miniature de Jean Fouquet est censée
représenter les Champeaux à l’occasion du supplice des disciples d’Amaury de
Baine, auquel assista Philippe Auguste en 1212, mais derrière le bûcher où
brûlent les hérétiques on voit la Bastille, le Temple et le gibet de Montfaucon586.
Les artistes qui ont volontiers figuré les principaux monuments de la capitale,
Grand-Pont, palais de la Cité, Louvre, etc., n’ont pas été tentés par le « marché
le roi », en raison, peut-être, de la difficulté du motif ou de son apparent manque
d’intérêt. Si l’un d’eux, au XVe siècle, peint la fontaine, le pilori et les piliers de la
place des halles, c’est pour situer et encadrer l’exécution d’un célèbre brigand
(fig. 3). Pour appréhender quelque peu l’ancienne et débordante activité du grand
marché parisien, il faut consulter un manuscrit rouennais de la traduction des
Éthiques d’Aristote par Nicole Oresme (fig. 4) ou un décor d’éventail (fig. 9).
585. Je remercie bien vivement ici Catherine Zacharopoulou qui a donné aux cinq plans leur
forme pour l’impression.
586.Les grandes chroniques de France. Reproduction intégrale en fac-similé des miniatures de Fouquet (manuscrit français
6465 de la Bibliothèque nationale de Paris), éd. Fr. Avril, M.-Th. Gousset et B. Guenée, Paris, 1987, pl. 26.
148 ANNE LOMBARD-JOURDAN
Bail perpétuel par Louis IX aux merciers et courroiers de Paris d’une halle et d’un
appentis situés entre les deux halles aux Drapiers de Paris, à charge d’entretien et moyennant
150 l. p. de rente annuelle, payables en toute circonstance par la communauté dudit métier, étant
réservée au roi et à ses successeurs la possibilité de faire édifier à Paris une nouvelle halle à la
Mercerie chaque fois que besoin en serait.
II
1293, 28 avril
Lettres par lesquelles Guillaume de Hangest, prévôt de Paris, assigne aux drapiers de
Lagny trois travées de la halle dite de Saint-Denis, en échange de la place qu’ils occupaient
auprès des drapiers d’Amiens dans la halle du Commun.
A tous ceulx qui ces presentes lettres verront, Guillaume de Hangest, garde de
la prevosté de Paris, salut. Saichent tous que comme nous eussions deshebergiez les
drapiers de Laigny du lieu la ou ils souloient vendre et avoient vendu par longtemps
leurs draps, en la halle notre seigneur le roy que l’en appelle la halle du Commun
delez les drapiers d’Amiens, pour ce que cil d’Amiens avoient pou place et il ne
nous sembloit pas que ce fust bonne chose que ils feussent hebergiez en deux
parties des halles et que ce ne seroit pas le prouffit notre seigneur le roy ; et pour
DOCUMENTS D’ARCHIVES 151
ce nous appellames les halliers, c’est assavoir Anceau d’Argentueil, Guiart le Cirier,
Geffroy d’Argentueil et Robert aux Gans, et leur demandasmes la ou l’en pourroit
hebergier les devant dits drappiers de Laigny souffisant, et ils nous dirent que on
les hebergeroit bien en un des chiefs de la halle que l’en dit de Saint Denis, et nous
menerent au lieu. Et nous, le lieu veu, par le conseil desdits halliers et de plusieurs
autres bonnes gens et de l’octroy et de l’assentement de nos maistres de la court
notre seigneur le roy ou de leur commandement, octroyasmes et baillasmes ausdits
drappiers de Laigny et pour le profit (fol. 73v) notre seigneur le roy, trois travees ou
chief de ladite halle de Saint Denis tant seulement, c’est assavoir la premiere auprés
l’entree de l’huys de la halle du Commun, la ou celui qui queult le tonlieu siet, et les
deux autres travees aprés ensuivans en avalant vers la porte du marchié au Blé, si
comme elles se comportent en un costé de la halle et en l’autre, pour le prix que la
place que ils avoient en la halle du Commun delez ceulx d’Amiens dessus dits leur
coustoit, c’est assavoir pour soixante dix sols parisis que ils rendront et payeront
chacun an a notre seigneur le roy aux termes accoustumez, en telle maniere que ils
pourront faire estaulx pour monstrer leurs draps et veues si comme il leur plaira, a
leur coust ; en telle maniere que ils ne fassent prejudice a autruy, et iront et vendront
audit lieu et feront porter leurs draps par la porte devers le marchié au blé toutes
les fois que il leur plaira ; et tiendront le devant dit lieu aus us et aux coustumes que
ils tenoient l’autre lieu en la halle que l’en dit du Commun. En tesmoing de ce nous
avons mis en ces lettres le seel de la prevosté de Paris, en l’an de grace M. IIc.IIIIxx.
XIII., le mardy aprés la feste Saint Marc evangeliste.
III
1296, 7 novembre
BNF, ms. 2833, fol. 181v [Noster2, fol. 247] (XVe siècle)587.
Hale quas rex debet sustinere, tradite per magistrum Johannem de Sereuz, mercurio post
[festum] Omnium Sanctorum XCVIo.
[Le]s Halles :
Aux ferrons, aux pelletiers, de Cambray, de Douay, et la halle de commun.
587. Voir J. Petit et al., Essai de restitution des plus anciens mémoriaux de la chambre des comptes de Paris,
Paris, 1899 (Bibliothèque de la Faculté des lettres, 7), no 284.
152 ANNE LOMBARD-JOURDAN
IV
Cession anticipée par Louis X aux marchands de Louvain de la halle contiguë a celle de
Saint-Denis, alors tenue à vie par Jeanne veuve d’Étienne Marcel, à dater de la mort de celle-
ci et moyennant 50 l. p. de rente annuelle et perpétuelle.
588. L’auteur énumère les richesses accumulées dans la halle à la Mercerie, dite des Champeaux, et
réparties entre les galeries de ses deux étages. Il peint l’étonnement et l’admiration des visiteurs au spec-
tacle des marchandises exposées. En raison de son importance, nous reproduisons ici, bien qu’il ait
déjà été publié, le texte latin de Jean de Jandun. La traduction en français qu’en ont donné les éditeurs
(ibid., p. 51) est parfois sujette à caution. Les titres en italique figurent en marge du texte.
589. Doublures de manteaux ou de vêtements en fourrure ou en étoffe.
590. Cendal, tissu de soie de la nature du taffetas.
591. Miroirs.
154 ANNE LOMBARD-JOURDAN
VI
Karolus, etc. Notum facimus universis presentibus pariter et futuris nos infra-
scriptas vidisse litteras quarum tenor talis est : « A tous ceulx qui ces lettres
verront Pierre de Senz, receveur et voyer de Paris, salut. Savoir faisons que nous
avons receues et retenues par devers nous a la descharge de nostre compte ordi-
naire de la recepte de Paris unes lettres de nos seigneurs les conseillers du roy
nostre sire sur le fait de son domaine et tresoriers a Paris, esquelles lettres
deuement signees estoient plaqués en la marge dessoubz deux de leurs signés et
a ycelles lettres estoient attachee, une grant supplication soubz un autre des
signés de noz diz seigneurs, desquelles lettres et supplication les teneurs s’en-
suient. Et premierement la teneur des lettres de nos diz seigneurs :
« Les conseillers et tresoriers sur le fait du demaine du royaume a Paris au
receveur et voyer, salut. Veu la requeste Jehan de Rueil, bourgois de Paris, ci
atachee soubz l’un de nos signés, et consideré le traictié et les choses dont en
ladicte requeste est faicte mencion, avecques ce que aucuns de nous ont dili-
gemment visité les choses dessus dictes et sur ycelle sceu la verité, pour plus
seurement proceder sur ce, declairie[e]s et limitees toutes les parties des choses
dessus dictes, nous vous mandons en commettant se mestier est que, appellé
aveques vous le procureur du roy nostre dit seigneur oudit tresor, vous faciéz
visiter, mesurer et teser tous lesdiz auvens et estaux et toutes les appartenances
d’icelles et, s’il y a aucune chose qui porte prejudice a la voyerie ou a la chose
publique, faictes le repparer et mettre en estat deu et, selon le rapport des juréz
et ceste presente ordenance, traictié ou composition, lui donnéz sur ce voz
lettres, lesquelles nous ferons confermer par lettres d’icelui seigneur sitost que
nous en serons requis. (fol. 45) Escript a Paris, le premier jour de decembre mil
CCC quatre vin. »
Item s’ensuit la teneur de ladicte supplication : « A mes seigneurs les conseillers
et tresoriers sur le fait du demaine du royaume. Supplie humblement Jehan de
592. L’acte porte en marge : Confirmatio verificacionis cujusdam requeste cum pluribus aliis litteris pro
Johanne de Rueil. Son importance réside dans le fait qu’il concerne un ensemble de biens situés autour
de la porte aux Savetiers, en plein cœur des Halles.
DOCUMENTS D’ARCHIVES 155
Rueil, bourgois de Paris, que comme en faisant la cerche par les commissaires
ordenéz sur le fait de la visitation du demaine du roy es halles de Paris yceuls
commissaires aient trouvé que ledit suppliant a et tient de son propre heritaige
es dictes halles deux maisons entretenans a la porte aux Savatiers, tenant d’une
part a l’ostel de la Rappee et d’autre part a la halle de Cambrai, aboutissant, si
comme on entre par ladicte porte aux Savatiers, au costé destre, a un petit huis
estouppé de la halle aux Cuirs a poil, en alant en la halle commune ou l’en vent
les ongnons et d’autre part, a senestre, a Michel Tibart, boucher de la Grant
boucherie de Paris ; esquelles maisons tiennent et pendent un grant auvent en
deux pieces ataché a ycelles maisons au lonc par dehors ; et desoubz icellui auvent
a certains petiz estal ou estaux a vendre lars, a destre et a senestre de ladicte
porte ; disans lesdiz commissaires que ycellui auvent et estaux sont sur la voyerie
du roy a qui en appartient proufit, ledit suppliant disant le contraire et que le roy
Philippe593, que Dieux absoille, bailla ycelles maisons avecques leurs appendences
dessus dictes a Pierre de Senebron, dit de Salins594, jadiz son sergent d’armes et
a ses hoirs, pour dix sept livres douze solz parisis, si comme par ses lettrees en
las de soye et cire vert desquelles les vidimus sont cy atachiéz peut apparoir. Et
dés le temps d’icellui don et ottroy tenoit et pendoit ledit auvent qui estoit et a
tousjours esté des appartenances d’iceulx hostelz et ainsi en ont joy paisiblement
ledit feu de Senebron, sa fille, mere dudit suppliant, et icellui suppliant et ont
soustenu ledit auvent et fait faire a leurs despens la chaucié de dessoubz
toutesfoys que mestier en a esté. Et aussi ont fait leur proufit du dessoubz dudit
auvent et sur la chaucee en le baillant a loyer a ceulx qui lesdiz hostelz ont tenu ;
et aucune foys ont loué a bouchers ou autres gens pour tailler lars dessoubz ledit
auvent ; et, nonobstant ce et le tiltre dudit suppliant qui de raison equite lui doit
estre tenu et gardé, lesdiz commissaires par leur volenté ont de fait osté et fait
louer lesdiz estal ou estaux a vendre lars et ont voulu abatre l’auvent qui est au-
dessus d’iceulx en disant que ce est voyerie et que fait de voyerie ne doit estre
comprins es dons et tiltres dessus diz et que, supposé que lui et ses predecesseurs
en eussent joy, comme dessus est dit, au veu et au sceu des gens et officiers du
roy, l’en supposoit que chacun eust bon et juste tiltre et que onques mais visitation
ne fu faicte es dictes halles sur le fait du demaine du roy, ledit suppliant disant le
contraire et que ledit auvent estoit des appartenances dudit hostel et en devoit joir
comme dessus est dit, par la maniere que la chaucee de dessoubz se contient et
estre tenu et gardé en saisine et possession et restablissemens desdiz estaux par
les causes devant dictes. Finablement, pour eschever toute maniere de plait et
rigueur, les granz despens et le lonc empeschement que s’en povoit ensuir, ledit
suppliant a tractié et accordé, s’il vous plaist, avecques lesdiz commissaires, en la
595. Autre copie de cet acte : AN, JJ 44, fol. 29, no 52.
DOCUMENTS D’ARCHIVES 159
ottroyons et donnons par ces lettres audit Pierre et a Jehanne, sa femme, pour
eulx, leurs hoirs et leurs successeurs et pour ceulx qui d’eulx auront cause, deux
places appellees eschoppes, seans es halles de Paris, dedens la halle commune,
c’est assavoir : l’une a destre partie, si comme l’en entre a la porte aux Ongnons,
tenant de l’un des bous a ladicte porte et a la maison dudit Pierre et de l’autre
bout a un huis estant ou costé de la halle aux Cuirs et par devers ladicte porte
et tenant de l’un des costéz au mur de ladicte halle aux Cuirs et de l’autre costé
a la voyerie de ladicte halle commune ; et l’autre place seant a la senestre partie
de ladicte porte aux Ongnons, tenant de l’un des bous a la maison dudit Pierre
et de l’autre bout a l’estal Estienne de Saint Yon et tenant de l’un des costéz
au mur de la maison Saint Martin et de l’autre costé a la voyerie de ladicte halle
commune ; lesquelles deux places par information sur ce faicte de nostre
commandement par le prevost de Paris, laquelle enqueste ou information nous
avons [fait] diligeamment veoir, pevent valoir par an, pour autre dix livres
quatre solz six denier[s] parisis de cens ou de rente perpetue chacun an ; et les
doivent lesdiz Pierre et Jehanne, sa femme, edifier et retenir souffisamment et
doivent et sont tenuz ou leurs hoirs ou ceulx qui tenront lesdictes places ou
eschoppes rendre et paier chacun an a nous ou a noz successeurs, roy de
France, cent solz tournois de cens perpetuel aux termes que l’en paie noz cens
en la ville de Paris. Et, pour ce que soit ferme chose et estable perpetuelment,
nous avons fait mettre nostre seel en ces presentes lettres, sauf en autres choses
nostre droit et en toutes l’autruy. Donné au boys de Vincennes, ou moys de
decembre, l’an de grace mil trois cens et sez596. »
Par vertu desquelles lettres de noz diz seigneurs les conseillers et tresoriers
cy dessus transcriptes au commencement de ces presentes lettres en enterinant
le droit que Jehan de Rueil nommé en ycelles a et doit avoir es maisons,
eschoppes et appartenances, dont cy dessus est faicte mencion, declarrees aux
lettres et tiltres royaulx cy dessus trancripts. Aprés ce que icelles maisons,
eschoppes et appartenances ont esté par nous veues, tesees, mesurees et
abonnees par les gardes et juréz de la voyerie de Paris en nostre presence et aussi
du procureur du roy, nostre dit seigneur, si comme ou rapport desdiz juréz ci
dessus escript est plus a plain declarré, nous, ou nom et pour le roy nostre dit
seigneur, avons osté et mis au neant l’empeschement qui mis avoit esté par les
commissaires (fol. 46v) odenéz sur la visitation du demaine du roy es halles de
Paris es dictes maisons, eschoppes, auvens, estaux a lars et autres appartenences
declarrees plus a plain en la requeste dudit Rueil cy dessus transcripte, et yceulx
delivréz a plain audit Jehan de Rueil, pour en joir et user de cy en avent paisi-
blement par lui et par ses hoirs et par ceulx qui de lui et de ses hoirs ont ou
auront cause a tousjours perpetuelment selon le lonc et le lé, le haut et par la
596. Autre copie du même acte : AN, JJ 53, fol. 13v, no 36.
160 ANNE LOMBARD-JOURDAN
maniere que oudit rapport est plus a plain declaré, parmi ce qui il promis et jure
par la foy de son corps, et a ce faire et les autres choses qui s’ensuient s’est obligé
par lettres du Chastellet de Paris, que, dedent troiz moys a compter de la date de
ces presentes, il fera recoupper et estressier le grant auvent qui est a l’encontre
de sa dicte maison, entre l’ostel de Saint Martin et le degré de la halle, demi pié
sur le lonc et par la maniere qui est declarree oudit rapport.
Item il soustendra a touzjours a ses despens ledit degré de la halle de Malines
qui est commun tant comme sa maison se comporte.
Item les deux estaux ou l’en vent lart qui sont dessouz ledit auvent seront
couppéz a liveau dudit auvent, dedens lesdiz troiz moys, et si seront retraiz plus
arrieres d’une part et d’autre, si comme dit est oudit rapport, pour ce que l’allee
de la porte de la halle aux Savetiers est entre lesdis deux estaux, affin que le
peuple puisse miex passer et rappasser senz empeschement.
Item ledit de Rueil ou ses aians cause ne pourront de cy en avant faire plus
hault ediffice qu’il a a present en deux loges ou l’en vent souliers et en deux
autres loges tenant et ou l’en vent ongnons qui sont entre le corps de sa maison
et le petit huis estoupé d’ancienneté de la halle aux Cuirs, pour ce que, se il faisoit
plus hault ediffice qu’il y a a present, il estouperoit les veues d’icelle halle, si
comme oudit rapport est plus a plain declairé.
Item fera retranchier dedens le temps dessus dit tous les petiz auvens qui sont
encontre sa dicte maison ou l’en vent petiz souliers, par tele maniere qu’ils
n’aurront que troiz piéz de lé, si comme oudit rapport est declairé.
Item il sera tenuz de faire escoinçonner un autre auvent qui est au lonc d’une
loge seant a l’opposite de la maison ou sont les petiz auvens dessus diz, laquelle
loge est des appartenances de ses dictes maisons et eschoppez.
Item sera tenuz de soustenir toute la maçonnerie de ladicte porte aux Savetiers
a ses propres coulx et despens et toutes les appartenances des ses dicte[s]
maisons et eschoppes en tant que tenuz y puet estre par raison.
Item paieront ledit de Rueil et ses aians cause quarante solz parisis de rente
chacun an perpetuelment oultre et par dessus les dix sept livres douze solz parisis
qu’il en paient par an en la ferme des halles de Paris avant ce present traictié ou
accort. Ainsi sont dix neuf livres douze solz parisis de rente qu’il devra chacun
an au roy, lesquelles il ou ses aians cause paieront et seront tenus de paier a tous-
jours perpetuelment chacun an en la recepte de Paris, aux quatre termes a Paris
acoustuméz, c’est assavoir Pasques, Saint Jehan, Saint Remi, Noël, a chacun
d’iceulx termes le quart par efgal porcion ; et les dix sept livres douze solz parisis
qu’il paient chacun an avant ce present accort au fermier des halles, comme dit
est, seront ostees et defalquees de ladicte ferme, en sera faicte mencion par ledit
receveur, quant il baillera ladicte ferme a la Saint Jehan prochainement venant.
Item parmi ce present traictié ou accort et pour tenir paisiblement lesdictes
maisons, eschoppes, auvens, estaux a lars et appartenances, ledit Jehan a finé oultre
DOCUMENTS D’ARCHIVES 161
les quarente solz parisis de rente annuelle de creue dessus diz a quarante franz d’or
pour une foiz, si comme en la fin de la requeste cy dessus transcripte est plus a plain
declairé, lesquelz quarente franz il nous a payéz comptans pour le roy et d’iceulx
nous tenons pour contens et bien payéz et l’en quittons et tous autres a qui quit-
tance en puet et doit appartenir. Si donnons en mandement de par le roy nostre
dit seigneur a touz a qui il appartient, prions et requerons touz autres, que ledit
Jehan de Rueil et ses aians cause sueffrent, facent et laissent joir et user paisi-
blement desdictes maisons, eschoppes, auvens, estaux a lars et leurs appartenances
a tousjours perpetuelment, par la forme et maniere que cy dessus est devisé, senz
leur donner aucun empeschement ; lesquelz, en tant que faire ce povons a cause
de nostre dit office et commission, nous leur promettons garentir, delivrer et
deffendre envers et contre tous, par la maniere que dit est, aux propres coulx et
despens du roy nostre dit seigneur. En tesmoing de ce, nous aivons seellé ces lettres
de nostre seel avecques lequel a greigneur congnoissance d’icellui nous, Michel le
Ferron, garde du seel de la prevosté de Paris, y avons mis le seel de ladicte prevosté.
Ce fu fait et donné le VIII. jour de janvier l’an mil CCC IIIIxx. »
Quas quidem litteras suprascriptas, tractatum, tradicionem et accordum ac
omnia alia et singula in eisdem litteris contenta ratas habentes atque gratas, eas
et ea volumus, ratificamus et approbamus, ac ex nostris auctoritate regia specia-
lique gratia tenore presentium confirmamus. Quod ut firmum et stabile
perseveret in futurum presentibus litteris nostrum fecimus apponi sigillum, salvo
in aliis jure nostro et in omnibus quolibet alieno. Datum Parisius anno Domini
Mo CCCmo octogesimo, regni nostri primo, mense januarii. »
VII
VIII
« Lettre de deffense de l’evesque de Paris que aucuns libraires, merciers, ferrons, etc. ne
vendent ou cimetiere des Sains Innocens a Paris ».
G. DE LINGONIS
Collation faicte
DOCUMENTS D’ARCHIVES 167
IX
Vers 1425597.
Rapport de Guillaume Breteau, receveur du roi à Paris, sur le domaine du roi à Paris et
en particulier aux Halles.
BNF, ms. 24070 (Livre blanc du Châtelet), fol. 212-219v. Copie du XVe siècle.
597. Cette date est approximative. Guillaume Breteau est attesté comme receveur de Paris en
1412 et de 1416 à 1418 ; en 1429, il s’intitule « notaire et secretaire du roy ». En mai 1454, il est dit
« jadis receveur de Paris », mort depuis longtemps. (AN, Y 5232, fol. 27v).
168 ANNE LOMBARD-JOURDAN
598. Charles VI transféra l’étape au Vin des Halles en Grève en octobre 1413. Voir supra, p. 46 et 78.
DOCUMENTS D’ARCHIVES 169
1432, 10 mai.
Arrêt du Parlement qui met fin au procès entre la communauté des pelletiers de Paris et
celle des merciers, au sujet des conditions de la location de la halle des Basses-Merceries qui
appartenait aux seconds.
Cum lis mota fuisset coram preposito nostro Parisiensi inter communitatem
proprietariorum phale seu hale Bassarum Merceriarum ville nostre Parisiensis
ex una parte et communitatem pellipariorum dicte ville ex altera, dicto, agendo
et defendendo hinc inde super eo quod communitas dictorum proprietariorum
dicebat quod regulariter omnes mercatores et operarii ministeriorum seu
mercium dicte ville nostre de Parisius ad halas ejusdem ville et loca seu plateas
in dictis halis ab antiquo eis destinatos per quamlibet ebdomadam ire, videlicet
nonnulli in diebus veneris et sabbati et alii in diebus sabbati dumtaxat et ibidem
sub pena emende suas merces venales exponere tenebantur (fol. 247v), que loca
seu platee ad decoracionem dicte ville et ut melius et seriosius rei publice provi-
deretur ac gentes tam foranee quam dicte ville emere seu vendere volentes,
delocis in quibus mercatores juxta suarum mercium distinctionem degerent
celerius et expedicius cerciorate extarent, ordinate fuerant et, quamvis mercancia
pelliparie una de majoribus et communioribus mercanciis dicte ville reputaretur,
predicti tamen pelliparii ab antiquo nullum locum in dictis halis ad suas merces
venales exponendum habuerant, in ipsorum et rei publice non modicum dedecus
et gravamen. Ob quod dicti pelliparii, volentes aliis mercatoribus esse conformes,
predictam halam Bassarum Merceriarum, quam dicti proprietarii a predecesso-
ribus nostris ad certum redditum annuum acceperant, illo tunc vagam et clausam
advisaverant, advisatamque, si dicti proprietarii assentirent, ad suas merces
predictis diebus venales exponendum per nos eisdem assignari requisierant. Dicti
eciam pelliparii per certum accordum cum proprietariis habitum in predicta hala
Bassarum Merceriarum diebus publici mercati suas merces venales exponere et
pro qualibet traveia ipsius hale duo stalla continente per annum octo libras
Parisiensium et sic pro stallo quatuor libras Parisiensium jam dictis proprietariis
solvere promiserant. Certaque informacione per quendem commissarium
Castelletti nostri Pariensis facta, et per tunc cancellarium et gentes magni consilii
regni nostri Francie visa, quod dicti pelliparii ad predictam halam Bassarum
Merceriarum diebus veneris et sabbati irent et ibidem et non alibi, sub penis ad
hoc introductis, prefatis diebus suas merces venales exponerent, necnon bis in
anno, videlicet septimana ante festum nativitatis beati Johannis Baptiste et
septimana ante festum natalis Domini, prout drapperii dicte ville nostre facere
consueverant, ad locum proicerent ordinatum extiterat. Pretextu quorum ordi-
nacionis et accordi supradicti proprietarii dictam halam Bassarum Merceriarum
de materia grossarum maçonnerie et carpenterie in eadem hala IIM librarum
Turonensium summam salvo pluri exponendo de novo construxerant et edifi-
caverant ; ac ipsa constructa eoque dicti pelliparii suas merces cretam seu croiam
continere et pro ipsa croia reicienda aerem requirere ipsamque halam, si per
modum appenticii constructa esset, propiciorem fore, proposuerant in dictorum
proprietariorum non (fol. 248) modicum dampnum et gravamen. Ex ordinacione
procuratoris nostri et lathomorum et ca[r]pentatorum nobis juratorum, ipsa hala
172 ANNE LOMBARD-JOURDAN
demolita fuerat, qua demolita dicti proprietarii quatuor stalla per modum appen-
ticiorum in ipsa hala construxerant eisque factis et per dictos pelliparios advisatis,
dicti pelliparii ad predictam halam secundum dictorum ordinacionis et accordi
tenorem, dummodo allia stalla ad instar predictorum quatuor stallorum edifica-
rentur, ire et pro quolibet stallo quatuor libras Parisiensium solvere promiserant
; ob quod dicti proprietarii alia XXXII° stalla ad dictorum quatuor stallorum
[i]nstar construxerant ac ipsam halam cum suis portis et pertinenciis ad usum
seu mercanciam dictorum pellipariorum debite disposuerant, quibus non obstan-
tibus iidem pelliparii ad dictam halam ire et ibidem suas merces venales exponere
recusaverant ; et ob hoc coram dicto preposito nostro ad requestam dictorum
proprietariorum adjornati et demum per sentenciam dicti prepositi de data diei
decima maii anni Domini millesimi CCCCmi Xmi ad eumdum ad dictam halam in
diebus veneris et sabbati suas merces venales ibidem exponendo et pro quolibet
dictorum stallorum quatuor libras Parisiensium dicitis proprietariis solvendo,
condempnati extiterant. Cui sentencie supradicti pelliparii acquieverant, et si octo
vel novem dictorum pellipariorum prefate sentencie acquiescere renuerant, ipsi
tamen ad eumdum ad dictam halam in diebus sabbati et solvendum pro stallo
pariter ut pellipariii antedicti per sentencias de datis tercie diei septembris et XVe
novembris anni millesimi CCCCmi XIe condempnati fuerant. Quas sentencias
exenquendo, certus examinator noster in supradicto Castelleto antedictis pelli-
pariis de eumdo ad dictam halam diebus sabbati, secumdum tenorem dictarum
sentenciarum, preceperat. Quibus preceptis nonnulli ex dictis pellipariis obtem-
perare renuerant, et ob hoc gagiati et coram dicto preposito ad requestam dicti
procuratoris nostri adjournari extiterant et tandem, partibus auditis et in scrip-
turis appunctatis, prefatus prepositus per suam sentenciam de data die[i] XXIIe
septembris anni millesimi CCCCmi XIIIIi supradicta precepta dictis pellipariis de
eumdo ad dictam halam in diebus sabbati secumdum tenorem sentenciarum
supradictarum ad bonam et justam causam facta fuisse, et dictos pelliparios ad
malam et injustam causam in contrarium se opposuisse, declaraverat. Quarum
sentenciarum ac eciam inchoati processus tempore XXXVI stalla et (fol. 248v) pro
presenti LXII° in dicta hala extabant, ad causam que dictorum stallorum commu-
nitas dictorum pellipariorum per annum in quatuor libris Parisiensium pro
quolibet stallo hac in arreragiis dictarum librarum Parisiensium, presertim in arre-
ragiis que ad causam dictorum XXXVI stallorum a data dicte sentencie de XVa
novembris anni millesimi CCCCmi XIi usque ad tempus inchoati processus obve-
nerant erga communitatem dictorum proprietariorum, ut ipsi proprietarii
dicebant, tenebatur ; que tamen arreragia ad summam IIIc LXVIIIto librarum
Parisiensium ascendencia ac eciam dictas quatuor libras Parisiensium per annum
communitas dictorum pellipariorum communitati proprietariorum ; quod si
predictorum arreragiorum tempore dicti pelliparii claves predicte hale minime
habuerant eamque dicti proprietarii locaverant hoc tamen culpa dictorum pelli-
DOCUMENTS D’ARCHIVES 173
pariorum qui ad dictam halam ire et pro quolibet stallorum ejusdem dictas
quatuor libras Parisiensium solvere renuerant, erat et fuerat. Dicti eciam proprie-
tarii ad dictam halam aut portas ejusdem aliter quam sint faciendas vel in eisdem
tabulas construendas, ut dicta communitas pellipariorum, in quantum actrix
extabat, requisierat, se minime teneri proposuerant. Quare petebat comitas
dictorum proprietariorum, in quantum actrix extabat, communitatem dictorum
pellipariorum ad IIIIc LXVIII librarum Parisiensium summam pro arreragiis
dictarum quatuor librarum Parisiensium ad causam et pro quolibet dictorum
XXXVI stallorum debitorum que tempore hujus inchoati processus obvenerant
ac ad arreragia que ipso processu pendente obvenerant prefate communitati
proprietariorum solvendum condempnari. Et in quantum communitas ipsorum
pellipariorum actrix extabat, ipsam ad suas requestas et conclusiones faciendum
non admicti et si admictebatur communitatem ipsorum proprietariorum ab
eisdem requestis et conclusionibus absolvi ac communitatem ipsorum pellipa-
riorum in expensis communitati ipsorum proprietariorum condempnari.
Communitate dictorum pellipariorum in contrarium dicente et proponente quod
dicti pelliparii nullum contractum aut quasi contractum cum dictis proprietariis
habuerant et si contractum, vel accordum cum eis habuerant, predictam tamen
halam pro tempore quod dicti proprietarii arreragia pecierant, eoque dicta hala
indisposita et minus conveniens usui pelliparie erat et fuerat, minime occupa-
verant ; quinymo dicti proprietarii predictam halam supradicto tempore nonnullis
corderiis et aliis personis locaverant mercedemque locacionis receperant et ob
hoc ad dictam halam ire necnon dicta arreragia ac eciam quatuor libras
Parisiensium per annum solvere iidem pelliparii licite racusaverant et si contra
ipsos pelliparios (fol. 249) alique sentencie date fuerant hoc tamen contra singulos
et non contra ipsorum pellipariorum communitatem et ad utilitatem procura-
toris nostri et non dictorum proprietariorum erat et fuerat ; dicte eciam sentencie,
donec certus processus inter quosdam singulares dictorum pellipariorum sua
stalla in haula fraperie se habere asserentes determinaretur, et in tempore hujus
inchoati processus nondum terminatus extabat, supersedere debuerant. Dicebat
insuper communitas pellipariorum quod dicti proprietarii predictam halam debite
pangere, numerumque sufficientem stallorum, quodlibet stallum latitudinis XII
pedum, ac in eorum stallorum quolibet certas tabletas latitudinis duorum pedum
ad merces pelliparie in pila ponendum construere, necnon portas ejusdem hale
debitorum latitudinis et introitus ad dictas merces in eadem hala cum equis et
quadriga deportandum facere promiserant et si predicta facere non promiserant,
ipsa tamen facere et dictam halam in statu utili ad usum mercancie pelliparie
disponere debuerant, dictique pelliparii, dummodo predicta per dictos proprie-
tarios completa extarent, predictas quatuor libras Parisiensium per annum solvere
minime recusarant, sed donec completa forent ad ipsas quatuor libras
Parisiensium aut arreragia earumdem non teneri proposuerant. Quare petebat
174 ANNE LOMBARD-JOURDAN
vers
enis
Mo
vers Saint-D
ntm
artre
Saint-Eustache
Saint-Magloire
vers
Nante
rre e
t Cli
chy H A L L E S
Saints-Innocents
Cimetière
100 m
A. Lombard-Jourdan
Le fossé du Champeau (avant 1137), limite du marché primitif, puis de la censive du roi
Le gros mur du roi (1183)
Les maisons aux piliers, adossées au fossé
L’enceinte de la rive droite (1190)
PLANS DE RESTITUTION 179
is
ver s
vers Saint-Den
Mon
tma
rtre
0)
19 Saint-Eustache
ste (1
Augu
pe
ilip
e Ph
n te d
cei
En 3 Saint-Magloire
CHAMPEAUX Halle
Halle au Poisson
vers au Blé
Nan
terre
et C
lichy
Hall 1
e aux
Drap
Halle s
aux T
issera
nds
Cimetière
Saints-Innocents
2
100 m
A. Lombard-Jourdan
R. M
d’Artois
eret
o
Rue
n tm
erd
du C
Rue M
Saint-Eustache artre ygne
R. C tesse
Rue 13
de
R. Traînée Pont la
Gran
Alais de-T
ruan
derie
e
R. Jean Bign
Pointe
Saint-Eustache
13
s
vaire
Rue de la
Rueette Petite-Truanderie
Prou
u
Piro
étour
des
ellerie
Maud
7 W
Tonn N"
Rue
M' V
Rue
Rue
8 U
Rue
de la
S1 Chan
de
M T1 9 vre rie
la F
la
rom
2
N T
ag
Halle Rue
erie
L' des
au Blé S2 Prêch
T3 eurs
L"
2 N'
P 3 Y
O
Rue
O' de
la C
K Z
de
G osson
neri e
G' 4
Q2 1 X
1
R1 Q a
Rue
b
1 Z
Q
A R2
5
D
J C 6 Rue
Rue au
is
Feurr
-Den
de e
10
la
Saint
I B E
erie
Fer 8
Ling
ron H2 11
ner F
Rue
e la
ie E'
R. d
Saints-
H1 Cimetière Innocents
F'
is
na
6 12
on
urd
Pl.
Bo
R. aux Chats
des
de
la L 13
ima Vieille
R.
A. Lombard-Jourdan
PLANS DE RESTITUTION 181
Légende
4. Les Halles de Paris à la fin du XVIIIe siècle : nouveaux marchés et nouveaux passages
Halle à la Volaille
Postes (1672-1679),
puis halle aux Cuirs
(1785)
1
Messageries 2
Saint-Eustache
Fontaine
Halle
au Blé 3
Marché Marché
(1762-1767)
des Prouvaires aux Poissons
(1818-1862) (1822)
4
Marché
à la Verdure Marché
et aux fruits au Beurre
(1823)
Halle
6
aux Carpes
Halle aux Draps (1661)
Fontaine (1784-1789) Halle aux
Pommes de terre
5
100 m
A. Lombard-Jourdan
Rue
Étien
ne-M
88)
arcel
re (18
Pompiers (186
Hôtel des 5)
Louv
téléphones
8)
u
(185
Rue d
igo
Turb
de
Saint-Eustache Rue
Rue
Bourse Ram
butea
du commerce u (183
(1889) 8)
Rue
rd
Balta
l
stopo
Séba
Anto cot
nis
ine-C
Rue
e-Les
Rue arêm
t-De
e
Pierr
Sain
de
Berge
r
Rue
Fontaine
6)
evard
Rue
186
Ru
ed
Boul
uf (
es
Square
-Ne
Ha
des
ont
lles
Innocents
du P
(18
100 m
67)
Rue
A. Lombard-Jourdan
DOCUMENTS ICONOGRAPHIQUES
600. Voir C. Richard, Notice sur l’ancienne bibliothèque des échevins de la ville de Rouen, Rouen, 1845, p. 150-
165 ; et É. van Moë, « Les Éthiques, Politiques et Économiques d’Aristote traduits par Nicole Oresme,
manuscrit de la bibliothèque de Rouen », dans Trésors des bibliothèques de France, t. III, Paris, 1930, p. 3-15.
DOCUMENTS ICONOGRAPHIQUES 187
601. Voir P. Dorbec, L’histoire de Paris au Musée Carnavalet, Paris, 1929, p. 11-12 et pl. III.
188 ANNE LOMBARD-JOURDAN
602. Voir J. Wilhelm, « Une peinture de Debucourt… », dans Bulletin du Musée Carnavalet, juin 1954,
p. 2-8. Signalons ici que le tableau du peintre italien Giuseppe Canella (1788-1847) conservé au
Musée Carnavalet ne figure pas les Halles de Paris, comme on a pu souvent l’écrire, mais un marché
couvert encore non identifié.
190 ANNE LOMBARD-JOURDAN
AUVRAY (L.), « La halle aux Draps dite de Malines et la halle aux Cuirs sous
Louis XI », dans Bulletin de la Société de l’histoire de Paris et de l’Île-de-France, 1893,
t. 20, p. 77-80.
BABELON (J.-P.), « Les relevés d’architecture du quartier des Halles avant les
destructions de 1852-1854. Une source inédite sur l’iconographie parisienne
entre le Louvre et l’Hôtel de Ville », dans Gazette des beaux-arts, t. 70, juillet-août
1967, p. 1-90.
BABELON (J.-P.), FLEURY (M.) et SACY (J. DE), Richesses d’art du quartier des Halles
maison par maison, Paris, 1968.
BALTARD (V.) et CALLET (F.), Monographie des Halles centrales de Paris construites
sous le règne de Napoléon III et sous l’administration d’Haussmann, Paris, 1863 ; 2e éd.,
Paris, 1873.
CALABI (D.), Il mercato e la citta : piazze, starde, architetture d’Europa in età modena,
Venise, 1993.
CHASTEL (A.) et MALLET (A.), « L’îlot de la rue du Roule et ses abords », dans
Paris et Île-de-France. Mémoires…, t. 16-17, 1965-1966, p. 1-129.
COUZY (H.), « Travaux aux Halles dans la première moitié du XIXe siècle,
d’après une liasse de documents conservés aux Archives nationales », dans
Bulletin de la Société de l’histoire de l’art français, 1973, p. 247-254.
DU CAMP (M.), Paris, ses organes, ses fonctions et sa vie dans la seconde moitié du
XIXe siècle, Paris, 1879.
EVENSON (N.), « The Assassination of les Halles », dans Journal of the Society
of Architectural Historians, t. 32, no 4, 1973, p. 308-315.
FAGNIEZ (G.), Études sur l'industrie et la classe industrielle à Paris, au XIIIe et au XIVe
siècle, Paris, 1877 (Bibliothèque de l’École des hautes études, 33).
FÉLIBIEN (M.) et LOBINEAU (G.), Histoire de la ville de Paris, 5 t., Paris, 1725.
FORTIER (B.), La politique de l’espace parisien à la fin de l’Ancien Régime, Paris, 1975.
GAILLARD (H.), Paris, la ville, l’urbanisme parisien à l’heure d’Haussmann, Paris, 1977.
HALPHEN (L.), Paris sous les premiers Capétiens (987-1223). Étude de topographie
historique, Paris, 1909.
HUGUENEY (J.), « Les Halles centrales de Paris au XIXe siècle », dans La vie
urbaine, nouv. série, 1968, p. 81-130.
JOURDAN (A.), « La ville étudiée dans ses quartiers : autour des Halles de Paris
au Moyen Âge », dans Annales d’histoire économique et sociale, t. 7, 1935, p. 295-301.
LA MARE (N. DE), Traité de la police, où l’on trouvera l’histoire de son établissement,
les fonctions et les prérogatives de ses magistrats, tous les loix et tous les règlemens qui la
concernent... , 4 t., Paris, 1719-1738.
LAVEDAN (P.), « Napoléon Ier. Les Halles de Paris », dans Archives de l’art
français, nouv. période, t. 24, 1969, p. 23-29.
MALLET (F.), « Le quartier des Halles de Paris. Étude d’un héritage millénaire.
Observations sur l’évolution des fonctions urbaines », dans Annales de géographie,
1967, t. 76, no 413, p. 1-28.
MARTINEAU (J.), Les Halles de Paris des origines à 1789. Évolution matérielle, juri-
dique et économique, Paris, 1960.
Paris et ses historiens aux XIVe et XVe siècles, éd. A. Leroux de Lincy et L.-M.
Tisserand, Paris, 1867 (Histoire générale de Paris).
PITON (C.), Comment Paris s’est transformé. Le quartier des Halles, Paris, 1891.
BIBLIOGRAPHIE 221
POËTE (M.), Une vie de cité. Paris de sa naissance à nos jours, 3 t., Paris, 1924-1927.
SAUVAL (H.), Histoire et recherches des antiquités de la ville de Paris, 3 t., Paris, 1724.
SEDILLE (P.), « Victor Baltard, architecte », dans Gazette des beaux-arts, 1er mai
1874, p. 485-496.
THIERY (L.-V.), Guide des amateurs et des étrangers voyageurs à Paris ou description
raisonnée de cette ville et de tout ce qu’elle contient de remarquable, 3 t., Paris, 1787.
Victor Baltard. Projets inédits pour les Halles centrales, [catalogue d’exposition,]
Bibliothèque historique de la ville de Paris, Paris, 1978.
VIGNEAU (J.), Les Halles centrales de Paris. Autrefois et aujourd’hui, Paris, 1908.
WIEBENSON (D.), « The two doms of the halle au Blé de Paris », dans The Art
Bulletin, juin 1973, p. 262-279.
Vaben, 71
Vacquer, Théodore, 15
Valenciennes, 41
Vasconi, Claude, 110
Vendôme, François de (duc de
Beaufort), 131
Venise, 67
Ventre de Paris, Le, 105
INDEX
DE
TOPONYMIE PARISIENNE
Cet index recense les noms de lieux, voies, bâtiments et de tout autre élément
de topographie parisienne cités dans cet ouvrage. Les limites géographiques
retenues sont celles du Paris actuel.
Les noms ont été modernisés et, dans la mesure du possible, ramenés à leur
forme la plus courante ; des renvois ont été créés lorsqu'une forme s'avère sensi-
blement différente de celle retenue pour l'entrée principale. Lorsque, cas
extrêmement fréquent, un lieu est désigné par un nom composé, associant un
nom commun générique et un terme permettant d'identifier le lieu, tel que
« rue de… », « halle à… », « hôtel de… » et bien d'autres encore, le nom commun
a été retenu comme entrée principale ; des renvois depuis tout autre terme
composant le nom permettent de faciliter les recherches.
66, 67, 90, 149, 169, 170, 181 Paon, voir hôtellerie du
des Champeaux, voir halle à la Paroisse
Mercerie de Saint-Eustache, 116, 127
Neuve (Haute Mercerie neuve), de Saint-Germain-l’Auxerrois, 14,
58, 67, 169, 181 115
voir aussi Galerie mercière du Palais de Saint-Jacques-de-la-Boucherie,
Merderet, voir rue 116
Messageries des Saints-Innocents, 116
Gaillard, 110, 181 Passage
Laffite, 110, 181 de la Reine-de-Hongrie, 97, 181
Ministère des Finances, 111 des Chartreux, 97, 181
Miracles, voir cour des Pavillons de Baltard, 6, 7, 10, 94, 100-
Monnaie, voir rue de la 111, 123, 133, 134, 140, 141, 143,
Montfaucon, voir gibet de 144, 148, 177, 183, 191, 192, 216
Montmartre, voir abbaye de, égout de, Pelletiers, voir étaux aux, halle aux
porte, rue, Pestel, voir taverne du
Montorgueil, voir porte, rue Petit Lendit, voir halle du
Mouton, voir taverne du Petit Palais, voir halle de Gonesse
Mur du roi (gros), 29, 51, 59, 177- Petit-Pont, voir pont
179 Petite Friperie, voir Friperie
Nesle, voir hôtel de Petite-Truanderie, voir rue de la
Neuve-des-Deux-Jeux-de-Paume, Petits Carreaux, 100
voir rue Petits Piliers, voir piliers du Pilori
Neuve-Notre-Dame, voir rue Petits Tas, voir marché aux
Notre-Dame, voir église, hôtellerie de Pierre à Poisson, 93
l’Image-Notre-Dame, rue Neuve- Piliers
Notre-Dame de la Tonnellerie, 99, 138, 182,
Notre-Dame-des-Champs, voir église 190, 207
Notre-Dame-du-Bois, voir tour des Halles, 43, 115, 124, 135, 137,
Novum forum, voir forum 148, 177
des Potiers d’étain (Grands Piliers),
Œufs, voir marché aux 17, 47, 77, 80, 86, 138
Oignons, voir halle aux, porte aux du Pilori (Petits Piliers), 17, 47,
Orgemont, voir chapelle d’ 78, 115, 138
Orléans, voir hôtel d’ Pilori, 42, 62, 65, 74, 75, 97, 100, 123,
Ouest, gare de l’, voir gare Saint- 125, 129, 138, 139, 147, 181,186,
Lazare 188, 189, 200
Outre-Petit-Pont, voir quartier d’ voir aussi piliers du, place du
Pirouette, voir rue
Pain, voir marché au Place
Palais au Trempis, 73-75, 165, 181
de la Cité, 55, 147 aux Chats, 17, 45, 49, 58, 65, 118,
Grand Palais, 108 180
Palais-Royal, 131 aux Marchands, 72, 73, 75, 165,
Petit Palais, voir halle de Gonesse 181, 188
INDEX DE TOPONYMIE PARISIENNE 239
PRÉFACE. .. . . . . .. . . .. . .. . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . .. . . . .. . . . . . . .. . . . .. . . . .. . . . 5
INTRODUCTION. . . . . . . . .. . . . . . .. . . . . . . . .. . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . .. . .. . . . . .. . . . .. .. . . 9
CHAPITRE PREMIER
L’implantation du « marché du roi » aux Champeaux
CHAPITRE II
Aspects matériels et réalités fonctionnelles des halles médiévales
CHAPITRE III
Répartition des bâtiments et lieux de vente
CHAPITRE IV
Les grandes étapes de l’histoire des Halles
CHAPITRE V
Le quartier des Halles dans Paris
CHAPITRE VI
Un développement longtemps entravé
ANNEXES
Documents d’archives. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . .. .. . . . . .. . . . .. . . . .. . . . . .. .. . 1 4 9
Plans de restitution. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . .. . . .. . . .. . . . .. . . . .. . . . . .. .. . . . .. 1 7 7
Documents iconographiques. . . . . .. . . . . . . . .. . . . . . . .. . . . .. . .. .. . . . . . . .. . . . .. . . . .. . 1 8 5
Bibliographie. . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. .. . . .. . . . .. . . . . .. .. . . . .. . . . .. . . 2 1 7
Index général. . . . . .. . . . .. . . . . . . . .. . . . . . . . .. . . . . . . . .. ... . . . .. . . . .. . . . .. . . . . . . .. . . . .. . . 2 2 3
Index de toponymie parisienne. . . . . .. . . . . . . . .. .. . . . . .. . . . .. . . ... . . . . . . .. . . . .. . . . . 2 3 1
Comment approvisionner une ville de la taille de Paris ? C’est à cette
nécessité que répond le quartier des Halles depuis le XIIe siècle. Ce qui n’était
alors qu’un marché né spontanément à l’intérieur du cimetière des Champeaux,
à la périphérie de la ville, est peu à peu devenu le poumon économique de la
capitale, sous l’effet de la croissance urbaine et des efforts des autorités
publiques. Celles-ci n’ont cessé d’aménager les Halles pour mieux les contrôler :
construction des deux premiers bâtiments destinés aux marchands par Philippe
Auguste en 1183, réforme d’Hugues Aubriot au XIVe siècle, Réformation du XVIe
siècle, construction des pavillons Baltard en 1857 et enfin transfert à Rungis en
1969. Ces opérations ambitieuses ne résument cependant pas l’histoire des
Halles : le foisonnement, souvent désordonné, de l’activité marchande,
l’impuissance à contenir et à organiser cette dernière, l’abandon auquel fut laissé
le quartier à certaines époques, à la fin du Moyen Âge ou pendant les trois siècles
qui précédèrent les aménagements du Second Empire, ont aussi laissé leur
marque dans le paysage urbain. Épisodes de déclin ou périodes florissantes, ces
phases témoignent toutes de l’enfermement auquel furent soumises les Halles
et leur activité, au nom de la conception qu’architectes, urbanistes et dirigeants
se faisaient d’un marché au cœur de la ville.
C’est cette histoire qu’Anne Lombard-Jourdan s’attache à reconstruire dans
sa globalité, en suivant les marchands de tous horizons venus alimenter Paris, en
décrivant halles, rues, places et étaux au gré des évolutions urbaines, en scrutant
les témoignages textuels et iconographiques de la physionomie changeante du
quartier. Fruit de trois quarts de siècle de recherche, son ouvrage offre ainsi un
panorama éclairant de ce que furent les Halles de Paris.
ISBN 978-2-35723-003-3
Prix France 15 €