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Paris sous Napoléon Ier

Au début du XIXe siècle, Paris est une ville d’environ 500 000 habitants. Elle n’est dépassée en Europe
que par Londres (1 million) et suivie immédiatement par Vienne et Moscou. Malgré quel¬ques usines
importantes, elle n’est pas encore ar¬rivée au stade de la révolution industrielle.
Napoléon Ier urbaniste apparaît comme l’héritier de l’Ancien Régime : il exécute certaines parties du
1
plan des artistes ; il apporte une solution au problème de l’eau et des fontaines ; il s’inspire des principes
de l’esthétique urbaine classique : ordon¬nances et perspectives.
Les transformations du plan sont redevenues fort difficiles, puisque les biens nationaux ont retrouvé
leurs propriétaires et que pour exproprier il faut payer. L’essentiel est sur la rive droite : création de la rue
de Rivoli et du réseau de rues joignant les Tuileries aux boulevards. La rue de Rivoli est entreprise en
er
1802 en bordure du jardin des Tui¬leries, mais Napoléon I ne la conduira que jus¬qu’à la place des
Pyramides. En même temps, conformément au plan des artistes, sont ouvertes plusieurs voies
perpendiculaires à la rue de Rivoli et portant comme elle des noms de victoires (rues de Mondovi,
Castiglione, Pyramides). La rue de Castiglione est prolongée au delà de la place Vendôme par la rue
Napoléon (aujourd’hui rue de la Paix).
La jonction du Louvre et des Tuileries par le nord, demandée depuis si longtemps, est aussi amor¬cée.
En même temps est préparé le dégagement de l’espace entre Louvre et Tuileries, occupé alors par des
maisons d’habitation et des rues fort étroites, comme la rue Saint-Nicaise, où un attentat avait été dirigé
contre le Premier Consul. Mais on se borna à libérer l’espace où s’éleva l’arc du Carrousel.
Au delà du Louvre, Napoléon fit disparaître entre le Louvre et l’Hôtel de Ville une des parties les plus
encombrées du centre de Paris, les alen¬tours du Châtelet ; sur le site de la vieille prison on aménagea la
place du Châtelet.
La libération de l’île de la Cité était aussi de¬mandée. On démolit quelques églises et surtout pour le
cortège du sacre le parvis de la cathédrale fut agrandi par le recul de l’Hôtel-Dieu. Mais l’île resta un des
quar¬tiers les plus dangereux de Paris.
Sur la rive gauche le Premier Empire exécuta aux moindres frais un certain nombre d’opérations
encore suggérées par le XVIIIe siècle. Il joint la rue de Seine à la rue de Tournon, mais le carrefour de
Bussy n’a rien de la magnifique place qu’on avait pensé dédier à Louis XV. La place Saint-Sulpice n’est
qu’un maigre vestige du projet de Servandoni2 et la place de l’Ecole-de-Médecine de celui de Gondouin3.
De l’Observatoire au Luxem¬bourg Chalgrin4 dessine pourtant en 1808 la belle avenue de l’Observatoire,
autre réalisation (partielle, mais fort réussie) du plan de Colbert et des artistes.
D’autres travaux touchant la Seine se réfèrent, au moins en partie, au projet de Moreau5 : cons¬truction
de nouveaux ponts (pont de la Cité (1803) entre la Cité et l’île Saint-Louis ; pont d’Austerlitz (1806) ; pont
d’Iéna (1813) ; pont des Arts pour les piétons seulement (1803) avec lequel la construc¬tion métallique
fait ses débuts à Paris ; démoli¬tion des maisons sur les anciens ponts ; réfection et construction de
quais, notamment dans l’île de la Cité.
Le problème de l’eau est un de ceux qui préoc¬cupèrent le plus Napoléon. Il amène à Paris les eaux de
l’Ourcq6 par un aqueduc à ciel ouvert dans le bassin de La Villette7. Un décret de 1806 ordonna que 60
fontaines couleraient nuit et jour dans Paris ; Napoléon voulait qu’à cet égard sa capitale fût l’égale de
Rome. La plupart de ces fontaines portent bien la marque héroïque, antiquisante et orientalisante de
l’époque : fontaine égyptienne de la rue Vaneau, fontaine de Mars rue Saint-Domi¬nique, fontaine du
Palmier au Châtelet, fontaine des Lions sur la place du Château-d’Eau.
Les contemporains ont aussi noté l’intérêt que le Consulat et l’Empire ont porté aux jardins pu¬blics :
nouveaux aménagements des Tuileries (sta¬tues antiques) et du Jardin des Plantes ; ouverture au public
du parc Monceaux, ancienne « folie » du duc de Chartres.
Napoléon conserve enfin toute la doctrine d’es¬thétique urbaine de l’Ancien Régime. En ce sens même il
achève son uvre sur plusieurs points. C’est lui qui trouve la perspective terminale des Champs-Elysées,
vainement cherchée jusqu’alors : l’arc de l’Etoile. La rue du Val-de-Grâce est percée dans l’axe de l’église
de François Mansart8 ; la rue Soufflot9 dans l’axe du Panthéon est ouverte en 1807 jusqu’à la rue Saint-
Jacques ; le dôme de Soufflot sert aussi de perspective à la rue d’Ulm. L’avenue de l’Observatoire se
déploie entre l’Observatoire et le palais du Luxembourg. Il donne pour perspec¬tive à la rue Royale le
temple de la Gloire (Made¬leine), qui fait vis-à-vis de l’autre côté de la Seine au temple des Lois (Chambre
des Députés).
Il dote Paris de sa plus grande ordonnance de rue, celle de la rue de Rivoli. Déjà sous le Direc¬toire la
petite rue des Colonnes était, comme l’in¬dique son nom, bordée de portiques. Ils préfigu¬rent ceux de la
rue de Rivoli. Pour celle-ci et pour la rue de Castiglione Fontaine établit le beau pro¬gramme qui fut
exécuté alors et qui a été conservé depuis : au rez-de-chaussée arcades ouvertes sur piliers ; quatre
étages égaux, dont le dernier man¬sardé ; aucune décoration ; sévé¬rité toute militaire, mais d’une
indéniable grandeur.

Travaux de la Restauration et de la Monarchie de Juillet


Deux préfets, Chabrol, resté en fonctions jus¬qu’en 1830, et Rambuteau (1833-1848) font la liaison
entre Napoléon Ier et Napoléon III.
On doit à la Monarchie de Juillet l’achèvement de deux grandes entre¬prises architecturales de
Napoléon Ier : l’arc de triomphe de l’Etoile (1836) et la Madeleine (1842). Elle a donné à la place de la
Bastille sa forme ac¬tuelle, d’ailleurs bien médiocre, et élevé la colonne de Juillet. Il y a mieux :
l’aménagement de la place de la Concorde. Hittorff dirigea les travaux : érection de l’obélisque de
Louksor ; installation sur les gué¬rites construites par Gabriel des statues des villes de France,
notamment Lille et Strasbourg par Pradier ; fontaines jaillissantes à vasques. L’idée de l’obélisque
appartient à Louis-Philippe : « Il ne rappelle aucun événement politique et il est sûr de rester. » La partie
basse des Champs-Elysées jus¬qu’à l’allée des Veuves (avenue Montaigne) était un coupe-gorge ; le sol
fut nivelé et planté ; des lieux de divertissement (cirque, diorama) s’y ins¬tallèrent et ce devint une
promenade de bonne compagnie. Les Grands Boulevards furent « abaissés, nivelés, réparés » de la
Bastille à la Madeleine ; Rambuteau aimait beaucoup les arbres et il en planta beaucoup. Le centre de la
ville ne fut pas négligé. Le nom même du préfet reste attaché à la rue de Rambuteau, qui relia le Marais
aux Halles. Il prolongea jusqu’à la Seine la rue Vieille-du-Temple ; dans la Cité ce furent la rue d’Arcole,
perpendiculaire à la Seine, et la rue de Constantine, parallèle au fleuve. Napo¬léon III agira sur les mêmes
points, mais avec quelle ampleur : sous Louis-Philippe, à la rue de Rambuteau, si importante, le Conseil
municipal n’accorda qu’une largeur de 13 mètres.
A la veille de la Révolution de février 1848, le gouvernement avait fait accepter par les Chambres un
programme de 80 millions de travaux : élargis¬sement des rues Montmartre, Saint-Denis, de la Harpe ;
continuation de la rue de Rivoli ; percée de la rue de Lyon ; aménagement des Halles.
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1
En 1794, une « Commission des artistes » réalise un plan qui propose de nouvelles percées dans Paris.
(Pierre Lavedan, Histoire de Paris, PUF, 1960)
2
Giovanni Niccolò (Jean Nicolas) Geronimo Servandoni, (1695-1766), est un peintre, décorateur de théâtre
et architecte franco-italien. Il est l’auteur de la façade d’un style classique de l’église Saint-Sulpice.
3
Jacques Gondouin de Folleville est un architecte français (1737-1818).
4
Jean-François-Thérèse Chalgrin est un architecte français (1739-1811). Architecte emblématique du
style Louis XVI caractérisé par sa monumentalité austère, il représente la phase dite « grecque » ou
« dorique » du néoclassicisme. En 1806, Napoléon Ier le chargea de construire un monument à la gloire de
la Grande Armée. L’arc de triomphe de l’Étoile a, pour l’essentiel, été conçu par Chalgrin, mais celui-ci
mourut peu après le début de la construction. Le projet fut modifié par Louis-Robert Goust et Mercier et la
réalisation ne fut achevée qu’en 1836 sous la monarchie de Juillet.
5
Louis Moreau est un architecte français (1790-1862). Il est le père de Gustave Moreau.
6
Le canal de l’Ourcq est un canal du Bassin parisien suivant dans un premier temps le cours de la rivière
Ourcq, avant de s’en séparer à Mareuil-sur-Ourcq pour rejoindre directement le bassin de la Villette à Paris.
7
Le bassin de la Villette est le plus grand plan d’eau artificiel de Paris. Il a été mis en eaux le
2 décembre 1808. Situé dans le 19e arrondissement de la capitale, il relie le canal de l’Ourcq au canal
Saint-Martin et constitue l’un des éléments du réseau des canaux parisiens.
8
François Mansart (1598-1666) est un architecte français. Il est considéré comme le principal précurseur
de l’architecture classique en France. Parmi ses réalisations citons : Hôtel de Toulouse, siège actuel de la
Banque de France ; aile Gaston d’Orléans du château de Blois qui servira de modèle pour le Palais du
Luxembourg ; château de Maisons-Laffitte, reconnu comme le chef-d’ uvre de Mansart copié dans toute
l’Europe ; hôtel de Guénégaud (rue des Archives à Paris) ; hôtel Carnavalet (rue de Sévigné) ; église du Val-
de-Grâce.
9
Jacques-Germain Soufflot (1713-1780) est un grand architecte français qui a exercé une profonde
influence sur le mouvement néoclassique. Ses réalisations à Paris : une partie de l’Hôtel de la Marine,
place de la Concorde à Paris ;
église Sainte-Geneviève à Paris, aujourd’hui Panthéon (il meurt avant la fin des travaux).
(Pierre Lavedan, Histoire de Paris, PUF, 1960)

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