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Les femmes de pouvoir en France

Jeanne d’Arc (1412 ?-1431) Providentielle et fulgurante


Quiz de l'été : Jeanne d'Arc est une des femmes les plus célèbres de l'histoire
occidentale. Savez-vous combien de temps a duré son épopée ? Moins de cent cinquante
jours ! Au-delà de la mythologie catholico-patriotarde qui encombre le personnage, il
est là, son vrai mystère. Quand elle surgit de sa Lorraine, en février-mars 1429,le
royaume est ravagé par une interminable guerre entre deux grandes familles rivales, les
Bourguignons, alliés aux Anglais, et les Armagnacs, repliés au sud de la Loire. Et le
prince qu'elle croit légitime, Charles, fils de Charles VI, n'est qu'un pauvre jouet dans
les mains de ces derniers. Tout va si mal qu'il accepte même de confier une armée à
cette vierge exaltée de 17 ans à peine. En mai, premier miracle : grâce à l'énergie qu'elle
déploie pour galvaniser les défenseurs d'Orléans, les Anglais en lèvent le siège. Le 17
juillet se produit le second. Après une longue marche à travers le royaume qu'elle a
conduite, le futur Charles VII est sacré à Reims. Dieu a choisi, l'ex-faible dauphin a
l'onction qu'il lui manquait pour être un vrai roi. La bergère ne sert plus, elle veut
continuer la bataille mais échoue désormais partout. En 1430,elle se fait prendre à
Compiègne par les Bourguignons qui la vendent aux Anglais. Elle est brûlée un an plus
tard, à Rouen, lâchée par tous..

Anne d'Autriche (1601 -1666) Méprisée et maternelle


Martyrisée par Richelieu, flanquée d'un mari falot, geignard, l'hypocondriaque Louis
XIII, puis conspuée comme la marionnette de Mazarin : Anne d'Autriche donnera dans
l'histoire l'image d'une reine un brin «Desperate Housewives». Quand elle débarque à la
cour de France, elle est écrasée par la reine mère, Marie de Médicis, en pleine guerre
contre son propre fils. Choyée par son père, Philippe III d'Espagne, la pauvrette n'est
pas habituée à se retrouver en terrain hostile. D'autant que l'orgueilleuse avait de grands
desseins : rapprocher les intérêts de la France et de l'Autriche. Sans succès ! Son mari et
sa belle-mère s'empresseront au contraire de lui retirer toutes ses suivantes espagnoles.
Autre humiliation : Louis XIII renâcle à «consommer» le mariage. Lui préférant même
parfois la compagnie de jeunes beaux. Pis, malgré quelques assauts conjugaux, Anne ne
donne pas d'héritier à la couronne. Ce n'est qu'après de nombreux complots -
conspirations contre son mari, manigances avec son amie la duchesse de Chevreuse... -
que le miracle survient : à 37 ans, après de nombreuses années de stérilité, elle tombe
enceinte. Et aura coup sur coup deux fils ! La coquette change, devient une mère louve,
prête à tout pour protéger le petit Louis XIV En 1643, à la mort de Louis XIII, elle
assure la régence. Bien sûr, elle se fait beaucoup d'ennemis en choisissant comme
ministre le subtil Mazarin. Mais c'est lui qui apprendra au futur Roi-Soleil le métier de
monarque. Et notre reine, pas si bête, réussira à sauver le trône du fils, en sortant
victorieuse de la Fronde.

Madame de Pompadour (1721 -1764) Favorite et influente


Clins d'oeil de la postérité ! Pour tout un chacun, Mme de Pompadour, la plus célèbre
des marquises, représente l'archétype de l'aristocrate du XVIIIe siècle, frivole et
raffinée. Pourtant, fille d'un haut financier, elle n'était que bourgeoise, et ne dut son titre
qu'à la faveur royale : il fallait bien qu'elle en eut un pour pouvoir être reçue à la cour.
Elle est aussi la plus fameuse des favorites royales : on en fait une reine de l'érotisme.
Erreur, là encore. En fait, l'amour physique la fait souffrir, et rapidement Louis XV
déserte sa couche. Il ne s'éloigne pas d'elle pour autant, bien au contraire, et lui assigne
ce rôle extraordinaire qu'aucune autre n'a joué à ce point. Pendant dix-neuf ans, et ce
jusqu'à sa mort, Jeanne Poisson - son nom de naissance - devient le personnage le plus
influent du royaume. Le peuple la hait. Versailles la méprise. Elle tient bon, fait et défait
les ministères, impose une esthétique (le «style Pompadour»), défend les écrivains
quand il faut, car elle sait qu'il n'y a pas mieux pour asseoir une réputation, et épaule le
monarque dans les domaines les plus variés. Cela va du choix de ses maîtresses au
renversement des alliances durant la guerre de Sept Ans : la France était alliée de la
Prusse. La marquise déteste Frédéric II (qui le lui rend bien), mais l'impératrice Marie-
Thérèse la cajole. Voilà la France alliée de l'Autriche.

Diane de Poitiers (1499-1566) Jouisseuse et diplomate


Ne dites pas que le goût des hommes jeunes pour les femmes dans la plénitude
commence avec les stars hollywoodiennes d'aujourd'hui. Quand il s'amourache de Diane
de Poitiers, Henri II, le fils de François Ier, n'a que 19 ans. Veuve d'un aristocrate de haut
lignage, elle en a vingt de plus. Pour gouverner le royaume et mener la guerre aux
Habsbourg, le jeune roi est d'une autorité sans faille, mais en amour il aime être materné
et idéalise celle qui devient sa maîtresse à plus d'un titre. Plus cultivée que lui, experte
en amour, considérée comme la Vénus de son temps, elle a participé à son éducation et
le conseille. Très catholique, Diane combat l'influence du parti protestant en plein essor.
C'est aussi elle qui suggère à Henri II de ne pas négliger son épouse légitime, une
certaine Catherine de Médicis, qui tarde à donner un héritier à la couronne (voir ci-
dessous) . La Florentine entre néanmoins en guerre contre une favorite trop puissante
dont le culte confine à l'idolâtrie : le roi fait réaliser des statues de Diane chasseresse à
l'image de sa favorite. Choyée, Diane dispose d'une cour brillante, protège peintres
(François Clouet) et poètes (Ronsard) et se voit même offrir des bijoux de la couronne
et le château de Chenonceaux. Elle ne les restituera qu'à la mort du roi en 1559, se
retirera dans son château d'Anet (Eure-et-Loir) et s'éteindra en 1566.

Catherine de Médicis (1519-1589) Politique ou sanguinaire


Le coup de lance et la tache de sang : deux symboles pour résumer la vie d'une des
femmes les plus controversées de l'histoire de France. Le coup de lance, donné
accidentellement lors d'un tournoi (1559), est celui qui tue son mari, Henri II. Jusque-là,
Catherine, pâle petite Italienne, n'était qu'une reine dans l'ombre, éclipsée par la
somptueuse maîtresse royale, Diane de Poitiers. Veuve, elle triomphe. Trois de ses fils
régneront tour à tour, mais ils sont bien trop jeunes, et c'est elle qui en leur nom contrôle
le pouvoir. Sous le règne du second, Charles IX (1550-1574), elle est éclaboussée par
l'horrible tache : elle-même a fait venir à Paris les grands protestants pour célébrer le
mariage de sa fille Margot avec leur chef, Henri de Navarre. Le grand ministre
huguenot, Coligny est attaqué par des catholiques. Les protestants réclament vengeance.
Redoutant leur furie, Catherine perd pied et pousse le roi, son fils, à ordonner l'horreur :
toute licence est donnée aux papistes fanatisés de massacrer les protestants. Cela se
passe le 24 août 1572, jour de la Saint-Barthélemy, date sinistre. N'oublions pas
qu'auparavant, dans cette France ravagée par la guerre civile, Catherine avait tout fait
pour essayer une politique de conciliation entre les chrétiens ennemis et, fait nouveau,
tout tenté pour placer l'autorité monarchique au-dessus des partis et des croyances.

Marie-Antoinette (1755-1793) Scandaleuse ou martyre


Ses innombrables fans ne se remettent toujours pas de sa mort tragique. Les
républicains voient toujours en elle le symbole de ce que la monarchie peut produire de
pire. Deux siècles après sa mort, Marie-Antoinette (1755-1793) divise toujours, et cela
se comprend : sa vie donne autant d'armes aux uns qu'aux autres. La petite Autrichienne
de 15 ans mariée au futur Louis XVI au nom de la raison diplomatique est écervelée,
capricieuse, dépensière. Son goût immodéré pour le jeu et les fêtes somptueuses lui font
mériter le surnom de «Madame Déficit» dont le peuple l'accable. Seulement, sitôt que
souttle le grand vent de la Révolution, elle devient l'élément fort du couple royal, à côté
de son monarque d'époux perdu, déboussolé. Cela ne signifie pas que ses choix
politiques sont justes : malgré un double jeu avec quelques révolutionnaires modérés,
elle n'espère jamais que la victoire de sa chère Autriche, pays ennemi de celui sur lequel
elle est censée régner. Cela n'enlève rien non plus à la dignité dont elle fait preuve
durant le procès ignominieux et bâclé que la jeune République lui intente et qui lui
coûte sa tête, le 16 octobre 1793. Ses dernières paroles, dit sa légende, furent des mots
d'excuse pour le bourreau. Elle lui avait par mégarde marché sur le pied.

Doan Bui, François Reynaert, Sylvain Courage


Le Nouvel Observateur, semaine du 23 juillet 2009

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