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MEDIAS HISTOIRE DE FRANCE HISTOIRE UNIVERSELLE ENCYCLOPÉDIE

Mazarin - L'éminence grise d'Anne d'Autriche

 Kara Iskandar  Biographies Hommes D'états Et Dirigeants 7 décembre 2019

Le cardinal de Mazarin a été le principal ministre de la régente Anne d’autriche durant les premières années du règne de Louis XIV. Il a, de fait, gouverné le

royaume de France de 1643 à sa mort, en mars 1661. On a coutume de marquer de ce jour le début du règne personnel du Roi Soleil, c'est dire l'importance

du prélat italien. Malgré les années de troubles de la Fronde durant la minorité du roi, il a contribué au renforcement de l’absolutisme. Il y eut bien un avant et

un après Mazarin.

Le Diplomate de Sa Sainteté le Pape


Fascinant personnage que ce cardinal-diacre, de son vrai nom Giulio Mazarini. Né dans les Abruzzes le 14 juillet 1602 d’une famille d'ascension récente, il est le fils de Pietro

Mazarini l'intendant du connétable du royaume de Naples. Autant dire que dés sa prime enfance le futur cardinal baigne dans un environnement ou le service de l’état est un

idéal. Elève prometteur il accomplit des études au sein du prestigieux collège romain des Jésuites, puis après un petit détour par l’Espagne revient à Rome pour y devenir

docteur en droit.

Un temps capitaine dans les armées du Pape Urbain VIII, il se fait rapidement remarquer par sa subtilité et son goût de l’intrigue ce qui lui vaut de devenir diplomate. L’Europe

d’alors (nous sommes en 1630) est agitée par l’éternelle rivalité entre l’Espagne et la France qui s’exprime autour de l’affaire de la succession de Mantoue. Le Pape inquiet d’un

possible conflit entre les deux grandes puissances catholiques, charge Mazarin de tempérer les ardeurs guerrières de Louis XIII et Richelieu.

L’ambitieux diplomate fera son entrée dans l’histoire devant la place de Casal où armées françaises et espagnoles s’apprêtaient à s’affronter. Mazarin

surgissant au galop entre les deux lignes et criant « Pace, Pace » (Paix, Paix) un crucifix à la main, empêchera la confrontation et sera un des principaux

artisans du traité de Cherasco (1631) qui réglera l’affaire.

C’est le début d’une ascension fulgurante. Doté d’une redoutable intelligence, le beau Giulio sait séduire qui de droit pour réussir. 4 ans après le traité de

Cherasco le voilà déjà nonce apostolique à Paris soit représentant du Saint Siège auprès du Roi de France. Mazarin qui a endossé l’habit ecclésiastique

est bientôt parrainé, par celui qui sera son mentor : Le Cardinal de Richelieu . Ce dernier fera de lui son éminence grise en matière de diplomatie et lui

accordera la naturalisation.

Mazarin, de Richelieu à Anne d’Autriche


Mazarin est donc à l'origine une « créature » de Richelieu , soit son client. Il lui doit notamment son chapeau de cardinal obtenu en 1641. Néanmoins le rusé Jules qui sait se

ménager plusieurs options entretient d’excellentes relations avec la reine Anne d'Autriche. Entre les partisans de la guerre contre l’Espagne (soit le parti gravitant autour de

Richelieu) et ceux de la paix (dont la Reine fut un temps une figure), Mazarin fait figure d’intermédiaire. Et puis au-delà des manœuvres politiques il existe une certaine attirance

entre Anne et Jules…

Le cardinal et la reine ont-ils été amants? La plupart des travaux récents répondent par la négative. Malgré leur correspondance enflammée,

il est fort probable que leur relation soit restée platonique. Il ne faudrait pas négliger le poids du code moral de la reine, dont la piété toute

espagnole l'avait déjà protégée des avances du beau Buckingham.

Quoi qu'il en soit sur le plan politique, Mazarin et Anne d'Autriche vont former un coupe politique exemplaire, se complétant à merveille. A la

volonté et l’impétuosité de la reine, Mazarin apporte sa subtilité et ses talents de diplomate.

Lorsque le roi Louis XIII décède en mai 1643, Anne d’Autriche devenue régente choisit à la stupeur générale Mazarin comme principal

ministre. Ceux qui pensaient qu’avec la mort de Louis XIII, le temps des « Grands » s’en reviendrait, en furent pour leurs frais. Mazarin formé

aux particularités de la politique française par Richelieu, partage globalement la même vision politique que ce dernier. L’autorité du Roi

passera donc avant tout, même si le Roi n’est encore qu’un enfant de quatre ans…

Anne d’Autriche et Mazarin se donnent pour mission de protéger l'autorité du jeune Louis XIV

et ce malgré les tourments de la Fronde (1648-1653) . A sa manière, diplomatique et

tortueuse, Mazarin prolonge la politique de Richelieu d'affirmation de la monarchie face aux

Grands, aux Parlements et autres corps intermédiaires. Acquis à l'idée d'une monarchie

française puissante il poursuit la guerre initiée par son mentor contre les Espagnols.

Mazarin hérite d’une conjoncture extérieure délicate, la France étant engagée depuis 1635 dans la guerre de Trente Ans contre les

Habsbourg, présents à la fois en Autriche et en Espagne. Après la victoire française à la bataille de Rocroi (mai 1643), le cardinal

Mazarin porte l’offensive du côté de la Bavière. La France enregistre les victoires de Fribourg-en-Brisgau (août 1644), puis de

Nördlingen (août 1645) et de Lens (août 1648).

Conclus en octobre 1648, les traités de Westphalie sont perçus par le ministre comme un succès personnel : d’une part, ils

apportent au royaume de France la haute et la basse Alsace et, d’autre part, ils consacrent l’affaiblissement des Habsbourg,

principaux rivaux de la France.

La fronde
Cependant, la France ne peut jouir durablement des bénéfices de la paix ; le mécontentement gronde depuis longtemps. La poursuite de la guerre a contraint le gouvernement à

lever de nouvelles taxes, provoquant des révoltes populaires en province. De leur côté, les Parlements et la noblesse, titulaires de leurs charges (justice et finance), se sentent

menacés par le pouvoir des intendants, investis par le Conseil du roi pour lever les impôts et créer des tribunaux exceptionnels. Née d’une conjonction de facteurs, la Fronde

manifeste en fait un refus global des progrès de l’absolutisme et de la centralisation monarchique.

Le 26 août 1648, alors que le Parlement de Paris refuse depuis plusieurs mois l’enregistrement de sept nouveaux édits fiscaux, le cardinal décide d’un coup d’éclat : il fait arrêter

trois meneurs de la révolte, notamment le très populaire conseiller Pierre Broussel. Immédiatement éclate une insurrection de la bourgeoisie et des couches populaires

parisiennes — connu sous le nom de journées des Barricades — qui prend fin trois jours plus tard avec la libération de Broussel. La Fronde continue cependant dans les esprits.

Pendant quatre ans, des revendications non structurées et des pamphlets, chansons, libelles satiriques à l'égard de Mazarin (les mazarinades) animent la capitale. Bien décidés

à rétablir l’ordre, le cardinal Mazarin, la reine et le jeune roi quittent clandestinement la capitale pour Saint-Germain dans la nuit du 5 au 6 janvier 1649, pendant que le prince de

Condé entame le siège de la capitale. Parlement et bourgeois tentent de résister et confient le commandement d'une milice à des nobles ; le prince de Conti et la duchesse de

Longueville (frère et sœur de Condé), alliés au cardinal de Retz , sont l’âme de cette résistance parisienne. En accordant des concessions aux Parlements, la paix de Rueil

signée le 30 mars prépare le retour au calme en désamorçant la Fronde parlementaire.

Cependant, la paix de Rueil laisse le peuple et les bourgeois insatisfaits du maintien de Mazarin et de la pression fiscale.

Lorsqu’en janvier 1650, Mazarin fait arrêter Condé, Conti et Longueville, une nouvelle rébellion enflamme la Normandie, le

Poitou, la Bourgogne et l’Aquitaine : à la Fronde parlementaire succède la Fronde des princes. En janvier 1651, le ralliement

au parti des princes de Gaston d’Orléans, jusqu’alors resté fidèle, oblige Mazarin à fuir une première fois à Brühl, près de

Cologne, d’où il continue de s’occuper des affaires du pays en entretenant une correspondance permanente avec la reine.

Rentré en France en décembre 1651, le cardinal Mazarin a l’adresse de s’éloigner une seconde fois, jouant sur l’apaisement

de l’opinion qui commence à se lasser de la ruineuse rébellion des princes. Réfugié à Bouillon pendant près d’un an (avril

1652-février 1653), il fait, peu après le roi, une entrée triomphale dans Paris.

Mazarin, ministre de Louis XIV


Déclaré majeur en septembre 1651, sacré en juin 1654, le roi Louis XIV ne se sépare pas pour autant de son ministre, et lui

laisse exercer de fait le pouvoir jusqu’à sa mort. Plus puissant que jamais, Mazarin se consacre désormais à l’éducation du

roi.

S’appuyant sur des administrateurs de grande valeur — notamment Hugues de Lionne, Michel Le Tellier, Nicolas Fouquet et son intendant particulier Jean-Baptiste Colbert —,

Mazarin est en mesure de redresser les finances du royaume tout en travaillant à en assurer la sécurité. S’il échoue à faire élire Louis XIV au trône impérial (Léopold Ier lui est

préféré), il organise, en 1658, avec les princes allemands de confession protestante, la ligue du Rhin, visant à isoler l’empereur germanique en Europe.

Le couronnement de sa carrière est le traité des Pyrénées (7 novembre 1659), qui met fin à la guerre avec l’Espagne, donne à la France l’Artois et le Roussillon, et décide du

mariage de Louis XIV avec une princesse espagnole, Marie-Thérèse — ce qui doit, ultérieurement, ouvrir la voie aux prétentions françaises sur la couronne d’Espagne. Peu avant

sa mort, Mazarin marie le prince Philippe d’Orléans (frère du roi) avec Henriette d’Angleterre (sœur de Charles II) dans l’objectif de renforcer l’alliance de la France avec ce

puissant voisin.

Une carrière au service de la monarchie... et de sa fortune


Néanmoins si Mazarin sert la monarchie il sert aussi ses intérêts. Toujours à la merci d'une disgrâce et de divers complots, le cardinal fait montre d'un certain empressement à

s'enrichir afin de se protéger. S'étant constitué une solide clientèle de serviteurs dévoués (comme un certain Jean Baptiste Colbert qui devient bien vite son intendant) il

entreprend d'acquérir une immense fortune, certainement la plus importante de l'époque. Mazarin apprécie le luxe, les œuvres d'arts mais fait aussi main basse sur de

nombreuses seigneuries et terres. Se livrant à diverses opérations de spéculations financières, acceptant de nombreux pots de vins, il cumule les charges, titres et offices

distribuant généreusement les prébendes à ses fidèles. Néanmoins il faut garder à l'esprit que le cardinal n'hésite pas à mettre sa fortune au service de l'Etat.

Quoi qu'il en soit cette rapacité, cette avarice, mêlées à sa politique d'autorité lui vaudront de son vivant une réputation

détestable. Fustigé dans de nombreux pamphlets comme un "voleur sicilien", calomnié pour son soi disant statut d'amant

de la reine Anne, il lui faudra éventer plusieurs complots et aller jusqu’à s’exiler en Allemagne à deux reprises au plus fort

de la Fronde (1651 et 1652).

A sa mort le 9 mars 1661, celui qui fut un des plus grands serviteurs de la monarchie française, était certainement le

personnage le plus détesté de France. Il n'en aura pas moins laissé derrière lui une œuvre ministérielle considérable, un

legs politique précieux, dont Louis XIV (dont il eut la responsabilité de l'éducation) sera faire bon usage.

Le cardinal Mazarin a également été un collectionneur d’art éclairé et un grand mécène : fondateur du collège des Quatre-

Nations (qui abrite aujourd’hui l’Institut de France), il a ouvert au public sa bibliothèque personnelle (l’actuelle bibliothèque

Mazarine) et protégé de nombreux artistes, dont l’homme de lettres Gilles Ménage et le compositeur Jean-Baptiste Lully.

On lui doit également l’introduction de l’opéra italien en France.

Bibliographie

- Mazarin , de Claude Dulong. Edtions Perrin, avril 2010.

- Pour l'amour de l'enfant roi : Anne d'Autriche-Jules Mazarin de Alain-Gilles Minella. Perrin, 2008.

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Louis XIV - Le règne du Roi Soleil (1643-1715)

 Kara Iskandar  Histoire de France Souverains Et Chefs D'Etat 1 mars 2021

Louis XIV, surnommé « le Grand » ou « le Roi-Soleil », a été roi de France de 1643 à 1715. Profondément marqué par les troubles de la Fronde, il

décide de gouverner seul après la mort de son ministre Mazarin en 1661. Au cours de son long règne, le plus célèbre des bourbons mène de

nombreuses et coûteuses guerres à travers l’Europe, tout en modernisant l'administration et en intervenant dans le développement économique du

royaume. En 1685, il fait interdire le culte de la religion protestante en faisant révoquer l’édit de Nantes. Ayant choisi le soleil comme emblème, Louis

XIV a porté à son apogée l’absolutisme royal dans une France qui rayonne sur l'Europe, y compris dans les domaines des arts et des lettres, et son

palais de Versailles devient le symbole de sa gloire et de la grandeur de la France.

Louis XIV, Enfant Roi


1638 : La France est en guerre, la France a faim, la France souffre de mille désordres mais la France se réjouit. Après 23 ans de mariage infructueux la

reine Anne d’Autriche vient de donner naissance le 5 Septembre 1638 à Saint Germain à un enfant, à un fils, à un dauphin. Ce n’est pas pour rien que

l’on donne au petit Louis Dieudonné le surnom « d’enfant du miracle ». Miracle à la fois politique : signe d’espoir dans une conjoncture d’une rare gravité et miracle dynastique :

fruit d’une union depuis longtemps dénuée d’amour et ternie de sombres ressentiments.

C’est un fait les parents du futur roi Louis XIV ne s’aiment guère. Louis XIII vieilli bien avant l’heure par la maladie reproche à sa femme d’être restée Espagnole de cœur et de

s’opposer à la politique de son principal ministre : le cardinal de Richelieu. Anne d’Autriche, qui s’est toujours sentie isolée et méprisée à la cour de France est en effet un des

principaux adversaires du cardinal et n’apprécie pas la compagnie d’un mari qui n’aura jamais su exprimer ses sentiments.

C’est alors que le miracle opère. Le Dauphin né, cette reine jusque là plus espagnole que française, plus opposante que femme d’Etat, va

pour amour pour son fils devenir l’un des plus fervents soutiens de la monarchie française et de l’absolutisme naissant. Anne d’Autriche,

non dénuée de sens politique, a bien compris que son fils représente à lui seul un espoir de stabilité pour le royaume. Protéger son fils,

alors que l’on sait son père de santé fragile, c’est aussi se protéger elle-même et son futur statut de régente. Ainsi contrairement à Louis

XIII, le jeune Louis XIV jouira de l’amour inconditionnel et du soutien de sa mère.

Les dernières années du règne de Louis XIII sont à la fois marquées par la guerre contre les Habsbourg mais aussi par d’importants

changements ministériels. Richelieu décédé en décembre 1642, le Roi constitue une nouvelle équipe gouvernementale au sein de

laquelle se distingue déjà un certain Jules Mazarin.

Fascinant personnage que ce cardinal italien, de son vrai nom Giulio Mazarini.Né dans les Abruzzes en 1602 d’une famille dont

l’ascension est récente (son père fut l’indentant du connétable du royaume de Naples), juriste de formation il a d’abord fait carrière

comme officier dans les armées du Pape. S’étant distingué par sa redoutable intelligence il devient l’un des diplomates les plus en vue du

Saint-Père. C’est par ce biais que ce bel homme raffiné, qui a plusieurs fois tenté d’empêcher la guerre entre les puissances catholiques

que sont les Bourbons et les Habsbourg, est recruté par son mentor : le cardinal de Richelieu. Ce dernier fera de lui son éminence grise et

lui accordera la naturalisation.

Mazarin est donc à priori une « créature » de Richelieu, soit son client. Néanmoins le beau Jules qui sait se ménager plusieurs options

entretient d’excellentes relations avec la reine. Entre les partisans de la guerre contre l’Espagne (soit le parti gravitant autour de Richelieu) et ceux de la paix (dont la Reine fut un

temps une figure), Mazarin fait figure d’intermédiaire. Et puis au-delà des manœuvres politiques il existe une certaine attirance entre Anne et Jules…

Alors que le long règne de Louis XIII touche à sa fin, alors que les anciens opposants de Richelieu reviennent peu à peu à la cour, le jeune Louis Dieudonné vit ses premières

années. Souvent effrayé par son père (qui en conçoit une grande colère) le petit dauphin entretient par contre une relation fusionnelle avec sa mère. Il faut dire qu’elle prend

grand soin de lui et ne manque pas une occasion de lui inculquer de solides valeurs morales.

Anne, digne héritière de son aïeul Charles Quint, nourrit de grandes ambitions pour son fils qu’elle entrevoit déjà comme un souverain à l’autorité sans partage. Le jeune Louis

apprend donc très vite à situer son rang et à mépriser ceux qui pourraient le contester. La reine qui fut en son temps l’alliée de ces « Grands » si jaloux de l’autorité des

monarques est devenue pour son fils leur pire ennemi.

Cette conception autoritaire et centralisatrice de la monarchie ne peut que convenir au petit Louis qui fait preuve d’un certain orgueil. Néanmoins on dit de lui que c’est un enfant

gracieux, sérieux (dit-on parfois trop sérieux) à même de se maitriser. Il entretient une relation sereine avec son frère cadet : Philippe futur duc d’Orléans.

La Régence d' Anne d'Autriche


Le 14 mai 1643, Louis XIII ce père qui effraie tant son fils, fini par mourir au terme d’une longue agonie. « Le Roi est mort, Vive le Roi. » Pour les Grands, pour tous les opposants

de la politique de Richelieu il semble que l’heure soit à la revanche. Grande va être leur déception, Anne d’Autriche devenue régente va poursuivre à sa manière la politique de

son défunt mari et du cardinal.

Après avoir manœuvré en souplesse auprès du Parlement, autrefois rabaissé par Richelieu, Anne a nommé pour principal ministre Jules

Mazarin. C’est le début d’un couple politique marquant de l’histoire de France. Jules et Anne ont de nombreux point commun et notamment

celui d’être tous deux des étrangers de naissance.

L’avenir du royaume de France est ainsi entre les mains d’une Espagnole et d’un Italien qui partagent la même ambition : protéger et

maintenir l’autorité du jeune Louis XIV. S’ils ne furent certainement pas amants (on aurait tort de sous estimer la puissance du code moral et

religieux de la reine) Anne d’Autriche et Mazarin se complètent admirablement. A la volonté et l’impétuosité de la régente, Mazarin apporte

sa subtilité et ses talents de diplomate.

Les débuts de la régence apparaissent aux yeux de nombreux français comme une période bénie. Cinq jours après la mort du Roi les

troupes françaises menées par le Duc d’Enghien ( Louis II de Condé) ont remporté une victoire éclatante sur les espagnols à Rocroi. Le

royaume est désormais à l’abri d’une invasion. A l’atmosphère de complot, de suspicion et de répression des années Richelieu succède un

air de « liberté ». Les Grands croient sincèrement leur heure venue et espèrent un retour à une monarchie équilibrée, où le monarque

partagerait de fait son autorité avec la noblesse.

Il ne leur faudra pas longtemps pour comprendre que l’agenda politique d’Anne d’Autriche est à l’opposé de leurs vues. Bientôt les

premières conspirations à l’encontre de la régente et du cardinal débutent. Mazarin que beaucoup considéraient comme un faible, n’hésite

pas à réprimer ces agitations et pendant un temps le calme semble revenu. Pourtant la situation du royaume n’augure rien de bon. La guerre continue à engloutir des sommes

considérables, la pression fiscale épuise les campagnes qui souvent se révoltent, l’endettement et la corruption se généralisent.

Il faut dire que la France d’alors est encore une société clientéliste où le monarque ne dispose pas d’une véritable administration. Que ce soit pour la collecte des impôts,

l’entretien des infrastructures, la conduite de la guerre il doit recourir soit à la grande noblesse, soit à des titulaires d’offices qui font souvent passer leur propre intérêt avant

celui du Roi. D’autre part la faiblesse structurelle du système fiscal d’ancien régime favorise la spéculation et l’émergence de « gens de finance » au pouvoir redoutable.

Sur le plan social et politique le royaume de France est donc divisé, fragmenté. Les Grands s’appuient sur leur clientèles qui elles même se constituent des clientèles de nobles

de moindre rang aux loyautés changeantes. Parallèlement les titulaires d’office et les membres de Parlement jouent leur propre partition politique parfois bien chaotique. Enfin le

peuple, fort divers, des bourgeois de Paris aux paysans du Cantal rallie diverses factions au gré des « émotions populaires » (émeutes, révoltes).

Néanmoins tous partagent confusément cette volonté de ramener le royaume dans le ‘droit chemin’ soit celui d’une monarchie tempérée par les corps intermédiaires, dénuée de

pression fiscale permanente. Ce « premier libéralisme », opposé à la monarchie ‘absolue’ naissante, rêve du retour à un âge d’or qui finalement n’aura jamais existé. Entre ce

rêve et le renforcement de la monarchie des Bourbons il y a une contradiction qui ne pourra être résolue que par l’affrontement.

Mais le jeune Roi est à mille lieux de ces considérations politiques. Elevé comme le veut la coutume par des femmes jusqu’à ses sept ans, il entre ensuite dans le monde des

hommes. Son éducation a été confiée à Mazarin. Cette éducation sera soignée, solide. Louis apprend le latin, la morale mais aussi l’histoire, les mathématiques et l’Italien.

Cependant l’enfant roi n’est pas un élève studieux et il préfère de beaucoup d’autres activités.

Tout comme son père il est d’abord un passionné d’exercices physiques. Chasse, équitation, escrime et jeux guerriers rythment son quotidien. Mais c’est aussi un garçon doté

d’une grande sensibilité artistique. S’il ne brille pas à la guitare ou au luth il est par contre un excellent danseur. Le Roi danse encore et toujours nourrissant un amour sans

bornes pour l’art du ballet.

La Fronde, à l'origine du projet du Roi Soleil


L’enfance insouciante de ce roi de danse ne va guère durer. C’est à un tout autre genre de ballet qu’il va devoir se livrer. La Fronde cette révolte qui couve depuis des années est
ème
sur le point d’exploser. Cet évènement que Jean-Christophe Petifils qualifie de « plus grande catastrophe politique française du XVII siècle » va avoir un impact considérable

sur la maturation politique de Louis XIV. Comprendre la Fronde, c’est comprendre le projet du Roi Soleil.

La Fronde ce nom évoque d’abord un jeu d’enfant, une occupation puérile et frivole. Frivole elle l’est et il faut bien constater qu’elle n’offre pas d’idée directrice, de ligne claire. Il

n’y a d’ailleurs pas une Fronde mais des Fondes. Ce(s) mouvement(s) typique(s) de l’âge Baroque offre(nt) un spectacle chaotique où les brouilleries et les passions comptent

tout autant que les calculs politiques. Ce n’est pas la répétition générale Révolution de 1789 mais bien le dernier acte d’une pièce médiévale.

On l’a vu la ligne politique d’Anne d’Autriche et de Mazarin va à l’encontre des volontés de différents acteurs de la société d’Ancien Régime. Si les grands, la noblesse seconde

où les Parlements ont souvent des intérêts divergents ils peuvent se retrouver dans leur opposition à l’absolutisme naissant. A cette opposition intérieure se conjugue la pression

engendrée par la guerre et habilement alimentée par l’Espagne.

Au début de l’année 1648 Paris est en effervescence. Le Parlement et la bourgeoisie de la ville sont excédés par les manœuvres de

Mazarin. Le cardinal ministre soucieux de renflouer les caisses royales, multiplie la vente de nouveaux offices ce qui dévalue d’autant la

valeur de ceux détenus par les parlementaires. D’autre part il accroit la pression fiscale à l’encontre des parlementaires et des bourgeois

parisiens qui jusque là payaient peu d’impôts.

Résultat le Parlement refuse d’enregistrer plusieurs édits fiscaux et entend mener une épreuve de force face à Mazarin. La régente qui

s’est sentie personnellement humiliée doit cependant accepter d’importantes concessions afin d’éviter une révolte de Paris. En avril les

cours souveraines se sentiront même assez fortes pour imposer à la monarchie une charte de vingt sept articles qui érigent le Parlement

en contre pouvoir légal.

La régente et Mazarin semblent avoir perdu la partie mais n’ont en réalité que chercher à gagner du temps. Le 21 août Louis II de Condé

a remporté une nouvelle victoire contre les Espagnols à Lens. Son armée est donc libre pour mater une éventuelle rébellion. Mazarin

profite des célébrations de cette victoire pour faire arrêter plusieurs meneurs de la Fronde parlementaire. Ces arrestations provoquent

immédiatement de graves émeutes et la ville se hérisse de centaines de barricades.

La régente qui a d’abord du faire profil bas comprend que la famille royale est à la merci des émeutiers qui sont le bras armé du

Parlement. Début septembre elle fait quitter Paris à ses enfants et à Mazarin puis les rejoint tout en rappelant les troupes de Condé vers la

capitale. A cette nouvelle, Paris se soulève une fois de plus et Anne d’Autriche qui souhaite éviter une guerre civile, confie à Condé la mission de négocier avec les rebelles. Un

accord est finalement conclu, Mazarin et la régente ont dut faire mine une fois de plus de capituler face aux exigences Parlementaires.

Le petit roi qui n’a que dix ans n’appréhende peut être pas toute la complexité de la situation mais il comprend deux choses. Un : les parlementaires sont un obstacle au bon

fonctionnement de la monarchie, deux : le prince de Condé a largement profité de la crise. Ce prince ambitieux, l’un des meilleurs généraux de son temps n’a d’ailleurs que du

mépris pour le jeune Roi. Condé se verrait bien en lieutenant général du royaume, en tout cas pour le moment il se sait indispensable à la régente.

L’accord entre le Parlement et la monarchie (dit Accord de Saint Germain) était voué à voler en éclat. Les troupes de Condé (des

mercenaires allemands en réalité) restent cantonnées en Ile de France et la Reine ne songe qu’à fuir à nouveau. Anne d’Autriche qui a

d’abord entériné la stratégie conciliatrice et tortueuse de Mazarin est arrivée à la conclusion que seule une épreuve de force pourra

sauver l’autorité qu’elle entend léguer à son fils.

Dans la nuit du 5 au 6 janvier 1649 la famille royale quitte Paris dans le plus grand secret pour Saint Germain en Laye. Tandis que le

Parlement condamne Mazarin au bannissement les troupes de Condé assiègent la capitale. Face à lui les rebelles ont confié le

commandement à son propre frère le Prince de Conti. Conti n’est d’ailleurs pas le seul « Grand » sur lequel les rebelles peuvent

compter. Outre sa sœur la duchesse de Longueville, on retrouve aux côté des frondeurs les ducs de d’Elbeuf, de Beaufort, le Prince

de Marcillac...bref l’élite de la noblesse de France.

Quoi qu’il en soit Condé garde l’initiative et défait toutes les tentatives des rebelles pour briser le siège. Même les troupes du vicomte

de Turenne (alors à la tête de la meilleure armée française), passé pour un temps du côté de la Fronde, sont défaites, leur loyauté ayant

été rachetée à prix d’or par Mazarin.

Le cardinal pense néanmoins qu’il ne faut pas que le conflit ne se poursuivre trop longtemps. Il sait

que les Frondeurs jouissent du soutien de l’Espagne et que la France ne peut se permettre le luxe

d’une guerre civile. D’autre part les nouvelles en provenance d’Angleterre à savoir l’exécution du roi

Charles Ier l’encouragent à chercher une solution négociée. Ainsi une fois de plus un compromis boiteux (la paix de Saint Germain) est signé le
er
1 Avril 1649 (sic.)

Condé contre Mazarin


En échange de l’annulation de l’arrêt de bannissement de Mazarin, les rebelles ont tous étés amnistiés et sont donc libres de reprendre leurs

complots. Seul Condé sort renforcé de cette crise qui a fait de lui le plus puissant prince de France. Une puissance dont il entend bien jouir et

sans entraves.

Il se pose donc en rival de Mazarin, qu’Anne d’Autriche se refuse à désavouer. Il est donc logique que Condé se rapproche peu à peu des

Frondeurs dont les chefs ne sont autres que son frère et sa sœur ! Le 18 janvier 1650 à l’occasion d’un conseil royal, Condé, son frère le Prince

de Conti et le duc de Longueville (soit le beau frère de Condé) sont arrêtés sur ordre de la régente. Anne d’Autriche s’est résolue, encore, à la confrontation…les conséquences

vont en être catastrophiques. L’arrestation des princes va en effet provoquer la révolte de leurs clientèles en province.

La duchesse de Longueville déstabilise la Normandie, Turenne agite le nord de la France (avec le soutien de l’Espagne), l’ouest est soumis à l’influence des ducs de Bouillon et

du Prince de Marsillac, Bordeaux se révolte. L’aggravation de la situation militaire et fiscale du royaume pousse Mazarin à une énième paix de compromis. Pour négocier avec

les rebelles, le cardinal a cette fois recouru au service de Gaston d’Orléans l’oncle du roi…grave erreur.

En effet Gaston d’Orléans toujours aussi peu inspiré en matière politique nourrit une certaine sympathie pour les frondeurs. Il va donc progressivement se rallier à leurs thèses et

le 2 février 1651 se proclame ouvertement contre Mazarin, ultime revanche sur l’héritier de Richelieu . Gaston est alors soutenu par le Parlement de Paris et par les clientèles

des Grands. Mazarin depuis longtemps l’objet d’une campagne de diffamation sans précédent (les fameuses Mazarinades) ne voit son salut que dans la fuite et se réfugie en

Allemagne. La régente et le jeune roi deviennent les otages des Frondeurs.

Dans la nuit du 9 au 10 février 1651 le Palais-Royal est investi par les rebelles. Ces derniers ont cru (à juste titre) qu’Anne d’Autriche allait elle aussi fuir. Afin d’éviter une émeute

la Reine va être contrainte de laisser le peuple défiler dans la chambre du jeune Louis XIV qui feint de dormir. Nuit tragique et humiliante qui marquera à tout jamais le Roi

Soleil.

1651 devrait pourtant être une année glorieuse pour ce jeune roi au physique avenant et de belle prestance. En effet c’est à 13 ans que selon la coutume les rois de france

deviennent majeurs. Mais quand par ce radieux 7 septembre il prend officiellement la tête du royaume il est encore loin de pouvoir régner.

Le pays est dans les faits dirigés par le couple Anne d’Autriche-Mazarin, via une correspondance soutenue et passionnée. Mais l’agitation règne, les Princes qui se déchirent

entre eux se sont aussi brouillés avec les Parlementaires et la perspective d’une réunion des Etats Généraux trouble encore un peu plus la situation.

Condé qui en a finalement assez d’attendre son heure se résout à passer un accord avec l’Espagne pour financer sa prise de pouvoir. Au début de l’automne 1651 on a donc un

royaume divisé entre un camp royal (Anne d’Autriche, Louis XIV et Mazarin bientôt revenu d’exil), un camp parlementaire (avec à sa tête Gaston d’Orléans…) et celui de Condé.

La guerre civile qui n’a jamais totalement cessé reprend de plus belle. Les troupes royales qui peuvent désormais compter sur les services de Turenne (définitivement fâché avec

ses rivaux de la famille Condé) se livrent à un duel féroce avec l’armée Condéenne et ravagent l’Ile de France.

Au final à court d’options, Condé aidé par la fille de Gaston d’Orléans la duchesse de Montpensier parvient à trouver refuge à Paris. Décidant de régler ses comptes avec les

Parlementaires il fait régner la terreur dans la ville. Par cette politique il perd tout soutien de la part des notables et finit par être contraint de fuir la France pour Bruxelles où il se

mettra dorénavant au service de l’Espagne.

Les leçons de la Fronde pour Louis XIV


Le 21 octobre 1652 Louis XIV s’en revient à Paris. La capitale qu’il avait quitté 13 mois plus tôt lui réserve un accueil triomphal. Paris l’insolente, Paris la rebelle, Paris la

frondeuse s’est finalement écœurée de sa propre révolte et se jette aux pieds du vainqueur. Tout comme le reste du royaume elle n’aspire plus qu’à la restauration de l’ordre et à

la paix. La Fronde cette folle guerre civile n’aura donc servi à rien.

Mais quel désastre pour le royaume de France ! Ruines des finances publiques, famines, dévastations en tout genre…la population française est passée de 20 à 18 millions

d’habitants. Le jeune roi qui a connu la peur, la fuite et l’humiliation est parfaitement conscient de la gravité de la situation. Une telle expérience ne pouvait que renforcer son

horreur de l’insubordination et sa soif d’un pouvoir unifié, absolu. De cette révolte des corps sociaux, de cette agitation frénétique et chaotique des princes, de ce triomphe de la

cupidité et de la veulerie, Louis XIV a tiré une formidable leçon de choses. Il sera un roi d’ordre…ou ne sera pas.

Le retour triomphal de Louis XIV dans sa capitale en 1652 ne doit cependant pas faire oublier le fait, que la politique du pays reste pour

une bonne part celle pensée par le Mazarin. Entre 1653 et 1660 ce dernier va s’attacher (de concert avec le roi et sa mère) à étouffer peu

à peu les ferments de contestation du pouvoir royal qui pouvaient encore subsister. Néanmoins là où Richelieu aurait usé de la manière

forte, son successeur préfère faire usage de manœuvres tortueuses.

Ainsi le cardinal Italien en fin connaisseur des relations publiques utilise à merveille le talent de Louis pour la représentation. Le Roi, dont

la prestance impressionne, est fréquemment montré au peuple, aux armées, aux ambassadeurs, le tout selon un plan savamment pensé.

Louis dont on connait le caractère autoritaire, comprend qu’en politique il est encore l’élève de son prestigieux ministre et s’adonne de

bonne grâce à cette ‘campagne de communication’ (pour verser dans l’anachronisme) réglée à grands coups de ballets et d’entrées

triomphales.

Le triomphe de mazarin
Parallèlement à cette entreprise de séduction, Mazarin tend à renforcer l’emprise de la monarchie sur les provinces. Ainsi il généralise le

système des intendances et soumet à un contrôle plus strict les titulaires d’office en province. C’est aussi durant ces années que le

cardinal-ministre renforce sa propre clientèle, affaiblissant par la même celles des Grands.

Outre cette affirmation de l’autorité centrale face aux Provinces (ce qui n’allait pas sans résistances) Mazarin œuvre au redressement de la situation fiscale du royaume, mise à

mal par la Fronde. Force est de constater que cela va de pair avec une politique d’enrichissement personnel sans précédent en Europe. En ces temps, on ne distingue guère la

fortune des dirigeants et les caisses de l’Etat et Mazarin abuse de cette confusion. Toujours à la merci d’une disgrâce, il fait preuve d’une véritable frénésie spéculative,

accumulant une immense fortune. Dans cette entreprise, il est admirablement secondé par son intendant Jean Baptiste Colbert , promis à un brillant avenir.

Dernier défi auquel Mazarin se confronte, celui du Jansénisme : doctrine religieuse interrogeant profondément les relations entre la grâce divine et la liberté humaine. Sans

rentrer plus avant dans les détails théologiques, on peut préciser que le Jansénisme connait un grand succès en France notamment au sein de diverses communautés

monastiques, dont la fameuse abbaye de Port-Royal. Les Jansénistes par leur attachement à la liberté de conscience et leur morale exigeante mettent insidieusement en cause

l’obéissance aux pouvoirs établis. Pour cette raison ils doivent faire face tant à l’hostilité du Pape que de la Monarchie, ce qui leur vaudra de nombreux soutiens au sein de

cercles à la fois Gallicans et opposés à la monarchie absolue.

C’est durant ces années où Mazarin tente de s’imposer face aux éléments sociaux (Parlements, titulaires provinciaux d’offices, cercles jansénistes) qui freinent la marche de

l’absolutisme royal que Louis XIV apprend réellement le métier de Roi. Ce jeune homme n’est pas d’une grande vivacité intellectuelle. Il fait plutôt preuve d’un esprit lent et

méthodique, qui s’explique notamment par son goût de la dissimulation. Louis reste le Roi des coups de théâtre ce qui vaut à son entourage de guetter anxieusement la moindre

de ses réactions.

Sphinx énigmatique dont la réponse favorite est « Je verrais », il parle peu et agit souvent de manière pragmatique. Néanmoins on lui

connait des emportements émotifs et une constante envie de plaire Au final grand timide comme son père, il se complait dans un rôle de

monarque impassible parfois assez éloigné de sa personnalité privée.

Question qui nous amène naturellement à celle de ses amours. Louis est en permanence confronté à la tentation de par les

caractéristiques de la société de cour et y cède parfois. Son premier grand émoi restera Marie Mancini, une nièce de Mazarin dont il fait la

connaissance en 1658. La jeune italienne est une personnalité fascinante, cultivée et dotée d’un esprit vif. Passionnée d’art et de musique

elle aura une nette influence sur Louis dans ces domaines.

La passion qui unit Marie Mancini et Louis contrarie cependant la politique européenne de Mazarin et d’Anne d’Autriche. N’oublions pas

qu’alors la guerre contre l’Espagne continue et qu’il est grand temps d’y mettre fin. Avec la brillante victoire de Turenne à la bataille des

Dunes (14 juin 1658) sur l’armée espagnole de Condé, les Flandres sont à la merci des troupes françaises. Mais voilà : une fois de plus

l’argent manque et la rivalité avec l’Angleterre et les Provinces Unies (Pays-Bas) pointe déjà. La paix franco-espagnole, selon l’usage du

temps, passe par un mariage dynastique entre Louis et l’infante d’Espagne : Marie-Thérèse.

Alors que les négociations de paix se poursuivent à Madrid à Paris Louis vit pleinement son idylle

avec Marie qui fait dés lors preuve d’une ambition démesurée. L’Italienne se verrait bien reine et

entre son amour pour elle et les nécessités du temps Louis hésite, cédant souvent aux caprices de

sa bien-aimé. La raison et la pression de Mazarin et d’Anne d’Autriche finiront par l’emporter et le roi accepte d’épouser Marie-Thérèse.

Ce mariage et le fameux Traité des Pyrénées qui l’accompagne constituent à ne pas en douter le triomphe de Mazarin. La France en sort

renforcée et y gagne le Roussillon, une partie de la Cerdagne et de l’Artois ; ainsi que diverses places fortes et des concessions de la part

du Duc de Lorraine, dont le contrôle des états est d’une valeur stratégique pour le maintien de la présence française en Alsace.

Il ne faut cependant pas en conclure que cette paix devait être durable. Le mariage de Marie-Thérèse s’accompagnait du versement d’une

dot de 500 000 écus d’or, que l’Espagne n’a pas les moyens de payer. Il y a là un Casus-Belli en devenir. Quoi qu’il en soit en ce mois d’août

1660, Paris accueille les époux royaux à l’occasion d’un triomphe qui marque la popularité du Louis et l’affermissement de l’autorité royale.

On ne peut pas dire que le Roi se soit entiché de sa femme, mais cette dernière est d’une fidélité sans failles et très éprise de son mari.

Louis XIV a vécu douloureusement sa séparation avec Marie Mancini mais il en tire néanmoins une leçon politique essentielle : un roi ne

saurait faire passer ses sentiments avant la raison d’état. On ne le reprendra plus à se montrer soumis aux caprices d’une femme, aussi

fascinante soit-elle.

Les débuts du règne de Louis XIV


Le 9 mars 1661, le cardinal Mazarin au sommet de sa puissance, meurt des suites d’une longue maladie. L’opinion ne pleurera pas celui qui dans ses derniers mois se sera

montré plus despotique et corrompu que jamais et ce malgré les immenses services qu’il aura rendu au royaume.

Après la mort de Mazarin, Louis XIV devient roi, pleinement. Beaucoup voulurent y voir le début de son « règne personnel »…Il est juste que le Roi innove en supprimant le

poste de premier ministre (c’est même sa première décision) et en assurant officiellement la conduite des affaires, ce à la surprise générale. Néanmoins il est encore relativement

inexpérimenté et doit affirmer son autorité. Pour ce faire il est lui nécessaire de marquer symboliquement son début de règne par une rupture avec l’ère Mazarin, et comme

souvent cette rupture réclame une victime : ce sera Nicolas Fouquet.

A 46 ans, ce rejeton d’une prestigieuse famille de robe (qui s’invente même un ancêtre Roi d’Ecosse…) était un homme incontournable dans

le système politique français. Agent zélé de la monarchie durant la Fronde (il est alors Procureur général du Parlement), il était devenu en

1653 le surintendant des finances de Mazarin. Il fut donc l’un des acteurs essentiels de politique fiscale et financière française entre 1653-

1661. Bien introduit auprès des milieux des spéculateurs et des courtiers il parviendra à assurer la survie financière du royaume (un tour de

force) au prix de manœuvres souvent douteuses.

Tout comme Mazarin, il ne néglige pas de profiter de son statut pour s’enrichir et verse rapidement dans la corruption (qui soulignons le est

généralisée à l’époque). Esprit brillant, Fouquet est un mécène cultivé qui n’hésite pas à parrainer les plus grands artistes

(Scarron, Molière, La Fontaine, Le Vaux, Le Brun et Le Nôtre pour les plus connus) et surtout à afficher sa réussite. Une réussite tout aussi

insolente que son magnifique château de Vaux-le-Vicomte …une réussite qui lui vaut bien des jalousies.

En effet Fouquet agace par ses nombreuses conquêtes et son train de vie ostentatoire (qui est aussi une nécessité de sa fonction) et compte

bien vite de nombreux ennemis dont au premier plan : Jean Baptiste Colbert.

On a souvent dressé de l’homme de confiance de Mazarin un portrait aux antipodes de celui de Fouquet. A l’exubérance et la prodigalité du

surintendant on a opposé la sobriété et la rigueur de cet « homme de marbre », le « Nord » comme le surnommait Mme de Sévigné. Ce serait

pourtant oublier que tout comme son rival, Colbert est un représentant typique du système mis en place par Mazarin. Contrairement à l’image

que voulurent donner de lui les historiens radicaux de la IIIème République, il n’est pas réellement un exemple de probité.

Mais Colbert a pour lui de maitriser mieux que personne les rouages des montages financiers de l’ère Mazarin. Il dispose d’une connaissance très étendue des diverses

manœuvres de son rival, qui a eu la grande maladresse de faire armer plusieurs places fortes par excès de prudence. Enfin Colbert en technocrate zélé et fidèle a su obtenir

l’attention et l’estime du Roi.

Dans son testament Mazarin avait mis en garde Louis XIV contre le surintendant, qui bien que compétent lui semblait trop ambitieux. Le Roi en pris bonne note et chargea

Colbert, nommé intendant des Finances, de se pencher sur les affaires de Fouquet. Au-delà de la rivalité de personnes, on notera que les deux ministres s’opposaient sur la

méthode à employer quant à la conduite des affaires. Colbert en esprit méthodique penchait pour une rationalisation du fonctionnement de l’état, ce qui était du goût du Roi

inquiété par les expédients dont Fouquet était coutumier.

Des investigations de Colbert résulteront une cabale, faite de sombres manœuvres politiques et juridiques qui aboutiront à la chute du flamboyant surintendant. Au terme de

nombreuses péripéties et d’un procès politique truqué de 3 ans, Fouquet sera reconnu coupable de péculat (détournement de fonds publics) et condamné au bannissement en

décembre 1664. Il sera conduit au donjon de Pignerol où il mourra quinze ans plus tard.

Avec la chute de Fouquet et de son clan, Louis XIV a mis à bas de manière publique et retentissante l’un des symboles du système politico-financier mis en place sous Mazarin.

Cette rupture radicale a pour effet de lui donner les coudées franches pour réformer le fonctionnement de l’état monarchique. C’est là un « coup de majesté » qui a valeur de

symbole et ce malgré les oppositions qu’il put soulever dans le pays.

Fouquet déchu, Colbert nommé Contrôleur général des Finances semble à priori triompher. Il est ainsi chargé du développement économique de la France et possède une

grande marge de manœuvre pour mettre en place sa politique. Sa clientèle et son clan occupent des une place importante à tous les niveaux du royaume.

Néanmoins Louis XIV prend bien garde de ne pas lui laisser trop de pouvoir. Voulant rompre avec la domination d’un seul ministre initiée par Richelieu , il favorise l’émergence

d’un clan rival de celui de Colbert : Les Tellier-Louvois. Cette famille sera au cœur du développement militaire français de l’époque, Colbert se réservant l’expansion navale et

coloniale. Le Roi Soleil avait fait sienne cette maxime : « Diviser pour mieux régner ».

De la Guerre de Dévolution à la Guerre de Hollande


On aurait pu penser que le royaume désormais mûr pour des réformes politiques de grande ampleur, Louis se serait contenté du statu quo sur le plan européen. C’était sous

estimer le désir ardent de s’illustrer du jeune Roi.

De plus si Louis XIV, ne recherche pas à mettre en place une monarchie universelle (le thème solaire qui lui est associé, ayant plus vocation de propagande interne) il n’en est pas

moins conscient de la fragilité de la situation géopolitique de la France. Cette dernière est toujours à la merci d’invasions (notamment au nord et à l’est) il est donc essentiel

d’obtenir des frontières plus aisément défendables (le fameux pré carré). De telles prétentions couplées à l’imprévisibilité du Roi effraient l’Europe. Face à une Espagne

déclinante et à un Saint-Empire plus divisé que jamais, la France première puissance démographique d’Europe fait figure d’ogre.

A la mort du roi d'Espagne Philippe IV en septembre 1665, Louis XIV réclame à Madrid au nom de son épouse divers places de l’actuelle Belgique ainsi que la Franche-Comté.

Il s’agit là de territoires censés compenser la dot qui ne fut jamais versée après son mariage avec l’Infante Marie-Thérèse. Le Roi de France habilla ses revendications d’un

principe juridique (douteux) dit « droit de dévolution. » Lorsque les exigences françaises furent rejetées par l’Espagne en mai 1667, Louis XIV se mit immédiatement en

campagne.

On constatera que cette guerre fut habilement préparée par Le Tellier (assisté de son jeune fils, le marquis de Louvois). La France qui profite alors des premières retombées

économiques du volontarisme économique Colbertien, peut consentir un grand effort financier pour sa préparation militaire. En plus d’aligner des armées nombreuses et bien

pourvues, elle dispose d’excellents chefs tels que Turenne et Condé. Avec la marine renaissant sous l’impulsion de Colbert, le royaume possède le premier et meilleur outil

militaire d’Europe.

Cette guerre sera pour l’époque une guerre éclair. Commencée en mai 1667 elle s’achève à peine un an plus tard au traité d’Aix la Chapelle. Louis XIV qui a participé

personnellement aux campagnes (et mis plusieurs fois sa vie en danger au point d’excéder Turenne) n’a cependant pas obtenu la victoire qu’il souhaitait. Certes il parvient à

annexer de nombreuses places au nord (bientôt fortifiées par Vauban), mais la frontière en résultant est encore difficilement défendable.

Le Roi de France a été opté pour la modération notamment parce qu’il estime que l’effondrement final de l’Espagne n’est plus qu’une

question d’années. En effet l’héritier de Philippe IV : Charles II est un être chétif et maladif, affligé d’un nombre impressionnant de tares

congénitales. On pense sa mort prochaine et Louis XIV, comme l’empereur Léopold à Vienne, se prépare à se partager son héritage. Enfin

l’ambitieux roi de France projette déjà sa prochaine guerre, celle qui le verra envahir les Provinces-Unies (Pays-Bas actuels)…

La Guerre de Dévolution a achevé de convaincre de nombreuses cours européennes que le Royaume de France possédait des visées

hégémoniques sur le continent. Ainsi en janvier 1668, la Suède, les Provinces-Unies et l’Angleterre se sont alliées pour freiner l’expansion

française aux Pays-Bas espagnols. Louis XIV sait que cette coalition tient pour beaucoup à l’activisme des néerlandais (et surtout à celui

du futur stathouder Guillaume d’Orange). Les marchands hollandais (les Pays-Bas sont à l’époque la première puissance commerciale

d’Europe) redoutent la présence française au sud de leurs frontières et prennent ombrage des prétentions coloniales et navales de

Colbert.

Néanmoins ce dernier est opposé à tout conflit avec les Provinces-Unies, estimant qu’il faudrait d’abord renforcer l’économie nationale.

D’autres ministres du Roi-Soleil pensent eux qu’une guerre en Hollande ne cadre pas avec le grand projet géopolitique d’alors : à savoir le

démembrement de l’empire Espagnol. Mais Louis XIV, frustré par le résultat mitigé de la guerre de Dévolution et conforté par l’optimisme

de Turenne et Louvois finit par se décider pour l’épreuve de force. Il faut dire qu’il a alors remporté un beau succès diplomatique en

retournant le roi d’Angleterre Charles II contre les Hollandais, ce à grand renfort de subsides.

Le 22 mars 1672 la flotte anglaise attaque un convoi hollandais au large de l’Ile de White, le 6 avril suivant la France déclare la guerre aux

Provinces-Unies. L’offensive qui aurait du être un jeu d’enfant, se révèle bien vite un casse tête pour les Français. Certes les places ennemies tombent les unes après les autres,

mais le 20 juin les néerlandais rompent leurs écluses et provoquent l’inondation du pays.

Les troupes françaises s’embourbent dans une campagne harassante, faisant face à une résistance acharnée menée par Guillaume d’Orange, le nouveau stathouder. Peu après

l’empereur Habsbourg décide de se joindre au combat contre les Français et entraine à sa suite le Brandebourg. Les troupes françaises sont alors contraintes de reculer et

d’adopter une posture plus défensive. L’année suivante l’Espagne se rallie à la Grande Alliance de La Haye. De locale, la guerre est devenue européenne…elle va durer encore 5

longues années.

Face à une coalition d’ampleur inédite, les forces françaises vont offrir une prestation plus qu’honorable et ce sur tous les fronts, à terre comme en mer. Le conflit est acharné,

cruel même et les troupes françaises commettront de nombreuses exactions en Hollande mais aussi au Palatinat.

Sur le pan intérieur, la situation se dégrade peu à peu. Les excédents financiers du début du règne ne sont plus possibles et Colbert se voit contraint de recourir à des acrobaties

financières que n’aurait pas renié Fouquet…La pression fiscale qui en résulte conjuguée à la hausse du coût des produits de première nécessité vont provoquer plusieurs

révoltes populaires principalement en 1674-1675.

Louis XIV malgré sa volonté d’obtenir un terme favorable à cette guerre accepte des pourparlers lorsque l’Angleterre finit par se rapprocher des Hollandais. Ces négociations

initiées dés 1677 seront d’une grande complexité au vu du nombre de belligérants impliqués. Elles sont de plus menées en parallèle avec les offensives françaises du début de

1678, à l’occasion desquelles les Pays-Bas espagnols sont partiellement conquis. Avec les troupes françaises devant Anvers, les Provinces-Unies sont à la merci de Louis XIV.

Ce dernier entame donc la phase finale des négociations en position de force.

Louis le Grand
Le traité de Nimègue (août 1678) qui en résulte vaudra au Roi de Force son surnom de « Louis le Grand ». Il peut en effet apparaitre alors comme le grand vainqueur de cette

guerre, une manière d’arbitre de l’Europe. La France qui a su défaire une coalition imposante obtient des Provinces-Unies qu’elles autorisent le culte catholique et de l’Espagne :

la Franche-Comté, le Cambrésis, une partie du Hainaut et la partie de l’Artois qui lui manquait. De l’empereur et duc de Lorraine, Paris obtient des concessions et quelques

places fortes stratégiques. Les frontières françaises atteignent désormais le Rhin, l‘encerclement du royaume par les Habsbourg est brisé.

Ce triomphe (inespéré au vu de la situation en 1674) ne doit cependant pas masquer les faiblesses de la position française. Le royaume a lourdement souffert du fardeau de la

guerre, les finances sont au plus mal. Le conflit a d’autre part condamné à l’échec les tentatives d’expansion commerciale et coloniale voulues par Colbert, tout comme il a

empêché la modernisation économique du royaume. Les conséquences à long terme en seront dramatiques.

De plus il faut souligner que les Provinces-Unies ont sauvegardé leur territoire. Guillaume d’Orange dispose toujours d’un redoutable pouvoir de nuisance. Enfin le comportement

des troupes françaises a retourné l’opinion de nombreux états allemands contre Louis XIV, désormais décrié comme un despote sanguinaire. Quoi qu’il en soit, en 1678 le Roi

Soleil est au zénith d’une gloire pour jamais associée à Versailles…

Plus que beaucoup d’autres entreprises le projet Versaillais est associé au nom de Louis XIV. Il évoque à la fois le raffinement d’une société de cour parvenue à un extrême

degré de sophistication mais aussi de sombres intrigues et des dépenses somptuaires qui pesèrent lourdement sur le destin du Royaume. Qu’en était-il en réalité ? Pourquoi

Louis décide t-il au cours des années 1670 (la décision fut semble t-il définitivement prise en 1677) de fixer la cour à Versailles ?

Si sa relative méfiance par rapport à l’agitation Parisienne joue un rôle dans cette décision, rappelons-nous les frayeurs de la Fronde, nul doute que pour le Roi Soleil le départ

du Louvre est un moyen d’imprimer sa marque dans l’Histoire de France. Passionné d’architecture et d’ordre, voulant plier la nature à sa volonté tout comme les hommes, la

transformation d’un modeste relais de chasse en un vaste complexe curial est un acte éminemment politique. A bien des égards il signifie le passage de l’âge baroque, violent et

chaotique à l’âge classique, qui se veut raison et unité.

Le Château de Versailles , symbole du règne de Louis XIV


Tout au long du règne, Versailles sera un immense chantier où travailleront jusqu’à 36 000 personnes. Le Roi participe largement à la conduite des travaux et s’entoure des

meilleurs artistes de son temps. Ainsi Jules Hardouin-Mansart, chargé de diriger les travaux d'agrandissement et d'embellissement du château de Versailles à partir de 1678, et

qui fut à l'origine de la création de la galerie des Glaces. On estime que la construction de Versailles représente, l’équivalent de 3 à 4% des dépenses annuelles de l’Etat, ce qui

est à la fois considérable mais moins ruineux que ce que l’on a pu affirmer. Sans compter que ces dépenses constituent un investissement politique précieux.

Si Versailles va permettre de fixer la grande aristocratie au sein d’un système où le Roi exerce un contrôle renforcé, c’est aussi un moyen de promouvoir l’excellence de l’art et de

la culture française dans l’Europe tout entière. Ainsi la cour Versaillaise devient-elle rapidement la grande référence pour les souverains Européens, qui n’auront de cesse de s’en

inspirer.

Au sein de cette nouvelle cour, Louis incarne largement sa propre idée de la monarchie. La cour du Louvre des années 1660-1670, rappelait encore à bien des égards celle de

Louis XIII. Il ne faut pas oublier non plus qu’elle restait aussi tributaire des fréquents voyages du Roi, tout comme les ministères. A Versailles l’ordre s’impose selon les

conceptions mécanistes de l’époque. Tout gravite autour du Roi, astre et repère des courtisans. Louis XIV va mettre en scène sa vie, comme peu de souverains avant lui, avec

un sens inné du spectacle. Un cérémonial élaboré rythme sa journée, qu’il s’agisse de son lever (à 7 heures 30 chaque jour), sa toilette, ses besoins naturels (accompagner le Roi

lorsqu’il est à la chaise percée est un insigne honneur !), ses repas ou son coucher.

A Versailles, la principale préoccupation des courtisans reste l’étiquette et les nombreux conflits d’égo qu’elle peut entrainer. Louis saura en user avec un art consommé pour

maintenir la noblesse dans un état de tension et de dépendance permanente. Poussés à tenir leur rang, les courtisans bien vite endettés, représentent d’autant moins une

menace que leur présence à Versailles affaiblit leur influence en Province. C’est ainsi qu’à l’instar de nombreux auteurs l’on peut parler de véritable ‘domestication de la

noblesse’. Noblesse qui ne justifie plus son rang et ses privilèges que par le service du Roi, à la cour ou sur les champs de bataille.

Néanmoins le système Versaillais, dont le maintien exige de constants efforts de la part du Roi, connait ses côtés sombres. Un

tel rassemblement de puissants, aiguillonnés par la jalousie et la constante recherche de la faveur du Roi ne peut que devenir

un lieu d’intrigues. Ainsi le scandale de l’affaire des Poisons (1679-1680), qui implique de très hauts personnages (comme la

duchesse de Bouillon) rappelle que la vie du Roi et celle de ses proches reste à la merci de complots. Complots en partie

motivés et favorisés par la vie sentimentale agitée de Louis.

Marié à la sage et prude Marie-Thérèse, Louis en a eu six-enfants dont un seul parviendra à l’âge adulte : Louis de France dit le

Grand Dauphin. Le Roi ne se satisfait pas de cette relation conjugale terne et entretient diverses amours (les tentations ne

manquent pas) adultères. On retiendra notamment parmi ses maitresses, sa belle sœur Henriette d’Angleterre ou encore la

délicieuse Louise de la Vallière (qui lui fera cinq ou six enfants), mais surtout Madame de Montespan et Madame de

Maintenon.

Madame de Montespan fit irruption dans la vie de Louis au cours de l’année 1666. Cette marquise ravissante dotée d’un esprit vif, fut pour beaucoup dans la prise de confiance

en soi d’un Roi jusque là encore gauche et mal à l’aise avec les femmes. Odieuse avec ses rivales et bien décidée à conserver le Roi pour elle, la Marquise de Montespan

donnera à Louis quatre enfants qui parviendront à l’âge adulte. Parmi eux, ses deux fils fils (le Duc du Maine et le Comte de Toulouse) joueront un rôle politique important. La

relation passionnée et sensuelle qui unissait Louis et Mme de Montespan, est à certains égards révélatrice de l’éloignement du Roi par rapport à la religion. Malgré les sermons

de Bossuet et le conformisme catholique du temps, Louis parvenu à la quarantaine restait l’esclave de ses sens.

Ce fut son dernier et grand amour qui le ramena à la Foi, ce qui ne fut pas sans conséquences politiques. Pour élever ses enfants, la Marquise de Montespan avait porté son

choix sur Françoise d’Aubigné, veuve de Scarron un poète libertin. Intelligente et pieuse, sans pourtant renoncer aux plaisirs de l’amour, la veuve Scarron s’était fait remarquer

pour son bons sens et son esprit. Sa fonction d’éducatrice des bâtards royaux lui permit de rencontrer le Roi. Ce dernier tomba progressivement sous le charme de celle qu’il fit

marquise de Maintenon. Au-delà de la relation charnelle qui va les unir, existe entre eux une grande complicité intellectuelle, Françoise étant à même d’être une confidente

compréhensive mais ferme pour le Roi.

Elle jouera ainsi un rôle de conseillère officieuse et ne sera pas pour rien dans le rapprochement du Roi avec les cercles dévots. Un retour à la foi, que marquera leur union

secrète après la mort de la Reine et dont on ignore encore la date exacte (1683 ou 1688 ?).

De la révocation de l’Edit de Nantes à la Succession d’Espagne


Egaré dans le péché (selon les conceptions du temps) jusqu’au début des années 1680, Louis revenu à une pratique plus régulière de la religion catholique va se rapprocher peu

à peu des options du parti dévot. Il ne faut cependant pas simplement y voir, l’acte d’un homme vieillissant (et à la santé de plus en plus fragile) mais aussi la décision

longuement réfléchie d’un Roi qui ne cesse de repenser le rôle de la France en Europe. Les années 1680 sont celles de l’affirmation d’un bloc Protestant (Provinces-Unies puis

Angleterre) rival de Paris, mais aussi d’une opposition renouvelée avec les Habsbourg dans la perspective de la succession d’Espagne.

Louis XIV a pour intérêt d’incarner le renouveau catholique afin de légitimer ses entreprises internationales. On le sait cela se traduira notamment, par ce que l’on cite souvent

comme l’une des plus grandes fautes de son règne : la Révocation de l’ Edit de Nantes . Cette décision est le résultat d’un long processus entamé sous le règne précédent et

qui vise à mettre fin à l’exception religieuse française. En effet la France est l’un des très rares états d’Europe où cohabitent officiellement deux religions. Une situation mal vécue

par Louis qui y voit une entrave à l’unité du Royaume et un danger politique potentiel. En effet il n’est pas sans ignorer que les rivaux protestants de la France (et au premier chef

Guillaume d’Orange) répandent leur propagande au sein des milieux huguenots et y comptent un certain nombre d’alliés.

Louis entend parvenir à la fin du protestantisme dans son royaume, par la contrainte et le prosélytisme. Les grands nobles protestants sont poussés à la conversion, les

huguenots les plus modestes se voient forcés d’héberger des soldats, ce qui donnera lieu aux terribles dragonnades. En 1685 l’ultime pas est franchi, lorsque l’Edit de

Fontainebleau est proclamé. La Religion Prétendue Réformée (RPR) est interdite, le Royaume redevient un état où un seul culte est autorisé : le culte catholique.

Si un certain nombre de protestants de convertissent, de nombreux autres vont fuir la France et iront grossir les rangs des ennemis du Roi-Soleil, tant en Angleterre, qu’aux

Pays-Bas et en Prusse. La France y perd peut être 200 000 sujets, dont de nombreux artisans et bourgeois réputés. Elle y gagne cependant un grand crédit auprès des

puissances catholiques. L’Edit de Fontainebleau constituera d’ailleurs l’une des mesures les plus populaires du règne du Roi-Soleil et sera accueillie par un concert de louanges

et de festivités. L’esprit de tolérance des Lumières était encore loin…

Les années 1680 marquées par la gloire Versaillaise et l’affirmation de l’unité religieuse du Royaume, sont aussi celles d’une politique extérieure agressive qui provoque un

nouveau conflit européen. A partir de 1678, Louis (trop) sûr de sa force après la Paix de Nimègue tente d’agrandir son royaume en prenant parti du flou juridique institué par les

divers traités européens antérieurs. Par un mélange subtil d’artifices juridiques (les fameuses Chambres de Réunion), d’achat des faveurs de Princes étrangers et de coups de

force, le Roi-Soleil met la main sur divers territoires en Alsace, en Lorraine puis aux Pays-Bas Espagnols.

Devant cet expansionnisme à peine voilé se constitue une ligue défensive, la Ligue d’Augsbourg qui finir par réunir : les Provinces-Unies (Pays Bas actuels), la Suède, l’Espagne,

le Brandebourg (futur royaume de Prusse), la Bavière, la Saxe mais aussi l’Angleterre et l’Autriche… Louis qui n’a pas su convaincre de la légitimité de ses revendications, se

retrouve donc face à une alliance réunissant l’essentiel des puissances d’Europe. Le conflit qui va en résulter durera neuf ans (1688-1697).

Cette guerre de Neuf-Ans, constitue une épreuve terrible pour le royaume de France mais aussi un test pour la solidité du régime mis en

place par Louis XIV. La France qui bénéficie de revenus importants, d’infrastructures développées et d’une unité de direction parvient à se

mesurer une fois de plus à une coalition paneuropéenne. L’armée crée par Louvois, la Marine rêvée par Colbert et ce malgré certains revers

parviennent globalement à prendre la main sur leurs adversaires.

L’empreinte du Roi sur les opérations, tout comme sur les diverses négociations est plus forte que jamais après 1691. Cette année voit en

effet avec la mort de Louvois la fin du système ministériel initié depuis la chute de Fouquet. Jamais plus la France de Louis XIV ne connaitra

de ministre disposant d’une vaste clientèle aux ordres.

1691 bien plus que 1661 représente l’avènement de la monarchie absolue. A 53 ans Louis doté d’une solide expérience, plus Roi-Soleil que

jamais se consacre à sa tâche avec une passion étonnante. Chaque ministre rend compte de la moindre de ces décisions à Louis, qui

d’ailleurs entretient avec habileté un flou artistique sur leurs attributions et compétences respectives. Aux clientèles ministérielles se

substitue une monarchie ‘administrative’ qui contribuera largement à l’évolution politique ultérieure de la France. Néanmoins cette

concentration des pouvoirs ne sera pas sans conséquences néfastes. Louis désormais entouré de courtisans, s’isole peu à peu dans un

arbitraire royal qui le coupe des réalités du terrain.

Or pour la France des années 1690, celles-ci sont terribles. Les aléas climatiques de l’époque (le petit âge glaciaire, décrit par Emmanuel

Le Roy Ladurie) ont des effets catastrophiques sur l’activité agricole. Aux famines qui en résultent, viennent s’ajouter les désordres politiques et les révoltes entrainés par la

pression fiscale. Entre 1693 et 1694 la situation tourne au drame national et l’on estime le nombre de victimes à plus d’un million (sur 22 millions de sujets). Cette crise entraine

l’émergence d’un mouvement diffus d’opposition à l’absolutisme royal, qui trouvera finalement à s’exprimer à la mort du Roi et au début de la Régence de Philippe d’Orléans.

Dans cette atmosphère de contestation, qu’alimente des débats religieux intenses (problématique du Jansénisme, mais aussi engouement pour le quiétisme) le Roi s’il continue

son action réformatrice doit cependant renoncer à certains projets. Ainsi celui d’une refonte du système fiscal (en partie inspiré des réflexions de Vauban ) n’aboutira jamais,

avec de graves conséquences à long-terme pour l’avenir du Royaume. D’autre part Louis désireux de ménager les cercles Ultramontains (c'est-à-dire partisan du Pape contre

les velléités d’autonomie de l’Eglise de France) fini par verser dans une orthodoxie religieuse répressive.

En 1697 lorsque la guerre de neuf ans prend fin par le Traité de Ryswick, le royaume de France apparait une fois de plus comme victorieux. Louis XIV se voit reconnaitre

l’annexion de l’essentiel de l’Alsace ainsi que St Domingue. Néanmoins ce n’est là qu’une suspension d’armes, tous les regards étant tournés vers Madrid. Le Roi Charles II

d’Espagne, que Louis a souhaité ménager en lui rendant les Pays-Bas Espagnols qu’il occupait, prépare alors sa succession. Cette dernière pourrait bien décider de l’avenir de

l’Europe…

Le crépuscule du Roi-Soleil
Voilà prés de 35 ans que les principales puissances du continent attendent la mort du Roi « ensorcelé » (El Hechizado, c’est ainsi que l’on surnommait Charles II en raison de ses

nombreuses infirmités). Charles II qui n’a jamais eu d’enfant est à la tête d’un immense empire, 23 couronnes, des possessions sur 4 continents…

La cour de Madrid grouille d’agents étrangers qui essaient de convaincre Charles et ses conseillers de rédiger un testament favorable à leurs souverains. Le Roi exsangue est
er
sous l’influence de deux grands partis. Le plus puissant est certainement celui qui représente les intérêts de son cousin de Vienne, l’Empereur Léopold 1 . Face à cette camarilla

pro Autrichienne, s’est constitué un parti pro Français qui après la paix de Ryswick apparait de plus en plus puissant. Charles II craint en effet qu’à sa mort son empire soit

dépecé entre différentes puissances (et d’ailleurs divers accords de partage seront signés, mais jamais respectés) ce qui signifierait à terme la ruine de l’Espagne.

Le Roi ‘ensorcelé’ cherche donc à confier son héritage à un état suffisamment puissant pour en maintenir l’unité. Il finit par lui apparaitre que ce dernier ne peut être que la

France, un choix qui lui a d’ailleurs été recommandé par le Pape en personne. Le 2 octobre 1700, Charles II mourant rédige un ultime testament qui fait de Philippe d’Anjou son

légataire universel. Philippe d’Anjou n’est autre que le deuxième fils de Louis de France, le Grand Dauphin. Si Louis XIV accepte le testament, la maison de France montera

donc sur le trône d’Espagne. Ce serait dépasser là, les rêves les plus fous de ses prédécesseurs Bourbon. Mais ce serait aussi mécontenter toutes les autres grandes

puissances européennes et risquer une nouvelle guerre continentale.

Lorsque la nouvelle de la mort de Charles II parvient à la cour de Louis XIV le 9 novembre 1700, ce dernier est pleinement conscient de l’enjeu. Il sait que la France ne s’est

toujours pas remise des guerres précédentes et que malgré son rapprochement avec le Pape, sa cause reste perçue comme illégitime à l’étranger. Après une longue réflexion,

Louis prend la décision d’accepter le testament. Par un de ses coups de théâtre dont il fut si coutumier, il convoque son petit-fils à son lever et le présente aux courtisans avec

ses simples mots : « Messieurs, voilà le Roi d’Espagne ! ».

Dans les mois qui suivent Philippe d’Anjou, devenu Philippe V d’Espagne va prendre possession de son nouveau royaume. Il est assisté dans sa tâche par un entourage français,

largement influencé par Versailles. Cette véritable révolution diplomatique, qui permet à la France de tirer profit des richesses inouïes de l’Empire Espagnol devait conduire une

fois de plus l’Europe au conflit. Après diverses tractations sans lendemain, l’Angleterre, les Provinces-Unies et l’Empereur déclarent la guerre à la France le 15 mai 1702.

Ces trois puissances sont bientôt rejointes par divers princes allemands (dont le Roi en Prusse) mais aussi par le Danemark. Financièrement les opérations sont assurées par une

Angleterre en pleine expansion économique. Sur le plan politique la coalition anti-française est animée par trois personnalités exceptionnelles : le Prince Eugène de Savoie

Carignan brillant général des armées autrichiennes, Heinsius l’avisé Grand pensionnaire de Hollande et John Churchill Duc de Marlborough arriviste génial et sans scrupules,

mari de la favorite de la reine Anne d’Angleterre.

Face à triumvirat d’exception, le sort de l’alliance Franco-espagnole (à laquelle s’est greffée la Bavière, Cologne et une Savoie peu fiable) repose sur les épaules d’un Louis XIV

sur le déclin. Le Roi Soleil est en effet entré dans une vieillesse douloureuse, marquée par la maladie et le poids d’une charge de plus en plus écrasante. Dans l’épreuve il

favorise désormais la fidélité sur la compétence et accorde ainsi sa confiance à des chefs militaires loyaux mais médiocres, au premier chef le maréchal de Villeroy.

A la déclaration de guerre, le Royaume de France peut compter sur une armée d’environ 250 000 hommes et d’une marine considérable. Néanmoins face à elle ses ennemis

accomplissent un effort militaire sans précédent : 100 000 hommes pour l’Empereur, 75 000 pour l’Angleterre, plus de 100 000 pour les Provinces Unies. Si la France a pour elle

d’occuper une situation stratégique centrale, ses rivaux peuvent aisément la forcer à des efforts divergents. D’autre part la centralisation du système de commandement

Français, où tout doit passer devant le Roi, prive les armées franco-espagnoles de la réactivité de leurs ennemies.

La Guerre de Succession d’Espagne, par son ampleur, sa durée et l’étendue de ses opérations (en Europe, mais aussi aux Amériques) préfigure les conflits mondiaux. Elle se

caractérise aussi par une mobilisation des opinions publiques, à grand coup de propagande et de pamphlets. Elle participe ainsi de la longue maturation des consciences

nationales qui bouleverseront l’Europe par la suite.

Les premières années sont à l’avantage de la France qui conserve une certaine initiative stratégique. L’Empereur qui doit affronter une révolte Hongroise soutenue par la France

passe même très prés de la catastrophe en 1703. Néanmoins les divergences entre l’électeur de Bavière et le maréchal de Villars permettent aux armées autrichiennes de se

ressaisir et de sauver Vienne. Dans les mois qui suivent la défection de la Savoie au profit de l’Empereur amorce un retournement de situation contre la France. Avec la prise de

Gibraltar par les anglais en 1704 et la révolte protestante des Camisards, Louis XIV semble avoir définitivement perdu la main.

C’est le début d’une période extrêmement rude pour Louis et son royaume. Aux défaites militaires (Blenheim, Ramillies…) et à l’agitation intérieure viennent s’ajouter une fois

de plus la colère de la nature. Le début de 1709 est celui de l’hiver le plus rigoureux du règne, le « Grand Hyver » selon la langue du temps. La Somme, la Seine, la Garonne sont

prises dans les glaces tout comme le vieux port de Marseille. Les oiseaux gèlent vivant sur les branches des arbres, on ne coupe plus le pain qu’à la hache…Au dégel succèdent

des précipitations records qui achèvent de ruiner les récoltes. Malgré tous les efforts déployés par la couronne, la famine est inévitable et tuera plus de 600 000 français.

La fin de règne
Le Roi isolé dans sa cour de Versailles, cède comme beaucoup au pessimisme. De telles calamités ne sont-elles pas le signe que Dieu désapprouve sa conduite ? Soutenu en ce

sens par Madame de Maintenon, Louis se résigne à négocier la paix. Mais voilà les conditions proposées par les coalisées frisent l’insulte. Heinsius demande notamment à

Louis XIV de s’engager à chasser par les armes, si besoin est, son petit fils du trône d’Espagne, qui doit revenir à Charles III le nouvel empereur. Faire la guerre à son petit-fils

au profit de l’Autriche ? C’est une condition à laquelle Louis ne peut se résigner. La guerre continue…

La guerre continue, mais la France est épuisée et la France a faim. Des émeutes éclatent un peu partout, le Dauphin lui-même manque se faire lyncher par la foule à Paris. On

demande la Paix et du Pain. La vindicte populaire n’épargne même plus le roi et son entourage, notamment Madame de Maintenon. Beaucoup hésitent encore à s’attaquer au

monarque sacré et préfèrent donc accuser son épouse secrète des pires crimes. D’autres s’en référent à Ravaillac et Brutus, dans des affiches qui rappellent celles que l’on

retrouvera en 1792. Louis accuse le coup et congédie Michel Chamillart, le contrôleur général des Finances, qui servira de bouc-émissaire. Pour la première fois un ministre du

Roi-Soleil est chassé par la pression extérieure.

La crise politique de 1709 trouve son aboutissement dans l’une des dernières grandes initiatives de Louis et certainement l’une des plus étonnantes. Le 12 juin 1709 le roi

adresse au peuple une lettre pour lui expliquer sa politique et les raisons de la poursuite de la guerre. Cet appel au peuple, traduit les limites de l’absolutisme Louis quatorzien.

On ne demande plus aux FRANÇAIS (le mot est écrit en majuscules) d’obéir, mais bien de soutenir le Roi, en bons patriotes. Ce texte que Jean-Christian Petifils qualifie de

« Churchillien » va connaitre un très large succès. Très largement diffusé, lu jusque sur les champs de bataille, il va contribuer à un sursaut national qui stupéfiera l’Europe.

En 1709 les armées françaises ont du se replier sur le « Pré Carré » et abandonner l’Italie et l’Allemagne. Mais que ce soit au siège de Tournai où à Malplaquet elles font payer

chèrement toute avancée aux troupes des coalisés. Face à cette résistance inattendue et les nouveaux sacrifices qu’elle entraine, la coalition commence à se fissurer. A Londres

Marlborough entre en disgrâce et l’on commence à dissocier les intérêts du nouveau Royaume-Uni (l’Angleterre et l’Ecosse se sont unies en 1707) de ceux de Vienne. Les

Britanniques placent désormais leurs projets coloniaux et commerciaux au dessus de la compétition entre Vienne et Paris. Ils sont prêts à sortir du conflit à condition de

renforcer leurs possessions outre-mer. Du côté de l’Empereur on comprend que l’Espagne est définitivement perdue (les partisans des Habsbourg y sont repoussés par les

Franco-espagnols). Enfin tous les belligérants sont confrontés à l’épuisement de leurs finances et de leurs économies. Les négociations reprennent donc.

Elles aboutissent en 1712-1713 au Congrès d’Utrecht. Le résultat fait la part belle au concept d’équilibre des puissances (voire de sécurité collective en étant ambitieux)

naissant. Philippe V conserve le trône d’Espagne, mais doit renoncer à celui de France pour lui et ses descendants. La France conserve ses conquêtes antérieures (Alsace,

Franche-Comté, Artois, Roussillon) mais cède l’Acadie aux Anglais. Quant à l’empereur il récupérera par la suite les Pays-Bas espagnols (sécurisés par des garnisons

néerlandaises) et le Milanais.

Louis XIV accueille ce traité d’autant plus de soulagement que le destin s’est abattu lourdement sur sa famille au cours des mois précédents. En 1711 son fils a été terrassé par la

Variole, l’année suivante son petit fils et nouvel héritier : le Duc de Bourgogne est lui aussi emporté par la maladie. L’héritier du trône est alors un petit garçon de deux ans de

santé fragile : son arrière petit fils, le futur Louis XV. Cette situation ouvre la porte à toute une série d’intrigues et de conspirations qui menacent la stabilité du royaume.

Le Roi Soleil conscient des risques que cela représente, va en 1714 inclure dans la lignée de succession ses deux bâtards : le Duc du Maine et le Comte de Toulouse. C’est là une

innovation qui viole les lois non écrites du royaume (dites Lois Fondamentales) et qui va provoquer une énième poussée de contestation. Devant ce que l’on estime être une

ultime manifestation de l’arbitraire absolutiste, on complote et on conspire, préparant la France à une monarchie équilibrée (par le poids politique de la noblesse) qui sera une

source d’inspiration pour les théoriciens libéraux du XVIII éme siècle.

Pour régent de son arrière petit-fils, le Roi a choisi son neveu : Philippe d’Orléans. L’homme réputé fantasque et libertin, semble à priori proche du parti de la réaction

aristocratique anti-absolutiste. C’est mal connaitre cet officier compétent et très instruit, certes inconstant mais qui saura préserver l’essentiel de l’héritage politique des

Bourbons.

Ainsi rassuré sur sa succession, Louis XIV va vivre ses derniers mois dans une atmosphère pesante marquée par le poids des deuils et des chagrins accumulés. Le 9 août 1715 le

Roi Soleil se plaint à ses médecins de douleurs à la jambe gauche. Le 21 l’on arrive à la conclusion que celle-ci est affectée par la gangrène. Les médecins reconnaissent leur

impuissance et le 26 Louis fait venir son héritier à son chevet. Il lui confie ces quelques mots : « Mon cher enfant, vous allez être le plus grand roi du monde, n’oubliez jamais les

obligations que vous devez à Dieu. Ne n’imitez pas dans les guerres ; tâchez de maintenir toujours la paix avec vos voisins, de soulager votre peuple autant que vous pourrez… »

Face à la mort le Roi-Soleil reste lucide et ne cache pas ses remords.

Bien décidé à faire de sa mort un spectacle, comme il le fit de sa vie, il fera en sorte que ses courtisans assistent à son agonie. Après tout comme il le déclare : « Ils ont suivi tout

le cours de ma vie ; il est juste qu’ils me voient finir. » Son dernier souci sera de se mettre en paix avec un Dieu, dont il redoutera jusqu’au dernier moment le jugement. Le
er er
1 septembre 1715, vers 8 heures 45 du matin il rend son dernier souffle. 72 ans de règne viennent de s’achever. En apprenant la nouvelle Frédéric Guillaume I de Prusse

déclare : « Messieurs, le Roi est mort ! ». Tout est dit…

Le siècle de Louis XIV


Comment rendre justice et évaluer en quelques lignes, le bilan d’un règne effectif de 54 ans ? En 1661 la France sur laquelle Louis XIV va régner est encore une puissance

émergente dont les frontières sont à la merci de l’encerclement que lui fait subir les Habsbourg. En 1715 c’est la première puissance militaire d’Europe, dotée de frontières sûres

et d’un prestige culturel sans équivalent.

Cependant l’amour de la gloire et de la guerre du Roi-Soleil auront coûté à la France, la modernisation de ses structures économiques et financières qui assureront à plus long-

terme le triomphe de sa rivale Britannique. Engoncé dans l’absolutisme, charge trop lourde pour un seul homme, le Royaume n’aura pu se défaire des archaïsmes socio-

économiques qui pèseront tant sur son avenir.

Malgré tout, le souverain sera parvenu à s’ériger comme l’incarnation du principe d’unité de la nation. Par la domestication d’une noblesse, autrefois si turbulente, par la

mobilisation de toutes les énergies vers un seul et même but, Louis XIV aura ancré dans la culture nationale l’idée d’un édifice institutionnel, patrimoine et intérêt commun de

tous les Français.

Comme il l’énonça si bien lui-même : « Je m’en vais, mais l’Etat demeurera toujours… »

Bibliographie

- Lucien Bély, Louis XIV : le plus grand roi du monde , Gisserot, coll. Histoire, 2005

- Louis XIV. Homme et roi , biographie de Thierry Sarmant. Tallandier, 2014.

- Le siècle de Louis XIV . Collectif, Tempus 2017.

- Louis XIV , biographie de J.C Petitfils. Tempus, 2018.

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Jean-Baptiste Colbert (1619-1683) - Biographie

 Ninon du Plessy  Biographies Hommes D'états Et Dirigeants 9 septembre 2020

Après avoir évincé son rival Fouquet, Colbert a été Contrôleur général des Finances (1665), secrétaire d’État à la Maison du roi et à la Marine (1668),

et influenca fortement la politique intérieure et extérieure du Roi Soleil. Plus illustre des grands commis de l'Etat, Colbert a non seulement marqué

son temps sous Louis XIV, mais aussi laissé une empreinte durable sur la politique française, au point de donner son nom à une doctrine : le

colbertisme, mélange de protectionnisme et d'intervention de l'Etat dans l'économie.

La carrière fulgurante de Colbert sous Louis XIV


Fils d’un marchand drapier qui n’avait pas fait de très bonnes affaires, Fouquet commença sa carrière comme petit commis dans les bureaux de la

Guerre, sous Le Tellier. Conseiller d’État en 1649, il devint « domestique » de Mazarin, dont il tint les comptes et géra les biens personnels. Devenu

l’homme de confiance du cardinal, il lui rendit de grands services et fut son agent à Paris lorsque Mazarin dut s'exiler durant les troubles de la

Fronde. Tout en se montrant un serviteur zélé, Colbert n’oubliait pas ses propres intérêts; en faisant les affaires du cardinal, il faisait les siennes et s’enrichit, un peu vite, car il

était peu scrupuleux sur les moyens à employer pour y parvenir. Mais c’était un travailleur acharné, épris d’ordre et de méthode, un homme de cabinet aux dossiers bien tenus,

un fonctionnaire sérieux, incontestablement dévoué à l’État. Autant que son ambition de redonner à la France des finances saines, c’est la jalousie féroce qu’il éprouvait à l’égard

de Fouquet, grand seigneur mondain et fastueux, qui le poussa, dès octobre 1659, à adresser à Louis XIV un terrible réquisitoire contre la gestion du surintendant.

Dès ce moment Colbert faisait acte de candidature à la succession de Fouquet. Mazarin, peu avant de mourir (1661), le recommanda spécialement au

jeune roi. Nommé intendant des Finances (1661), Colbert continua de constituer patiemment, sans bruit, un lourd dossier concernant les malversations

de Fouquet; il éclaira, harcela le roi en secret et ce long travail de sape aboutit enfin à la chute du surintendant (septembre 1661). Surintendant des

Bâtiments et Manufactures (1664), il reçut l’année suivante la charge de contrôleur général des Finances (1665), qui ne lui donnait pas tous les pouvoirs

de Fouquet car Louis XIV, décidé à régner personnellement se réservait l’ordonnancement des dépenses. Colbert sut rester à son rang de petit

bourgeois anobli, en donnant au monarque l’illusion d’être le seul maître.

C’était un froid bureaucrate, «capable de perfidies noires, de violences, de bassesses» (Lavisse). La cour le détestait, mais il ignorait la cour. Sa fidélité

inconditionnelle lui valut d’être comblé de faveurs et de titres ; avec ses premières fonctions, il cumula encore les postes de secrétaire d’État à la

Maison du roi (1668) et à la Marine (1669); il profita de la vieillesse de Séguier pour empiéter sur le législatif et sur le judiciaire; il devint seigneur et

marquis de Seignelay et, avec une fatuité drôle, il s’essayait à dire «mes sujets», «mes vassaux», «ma rivière». Il plaça ses frères, ses filles (qui devinrent

duchesses de Chevreuse, de Beauvilliers et de Mortemart), ses fils (l’un alla à la Marine, l’autre à l’archevêché de Rouen), son beau-frère, son neveu, ses cousins... Du

gouvernement, ne lui échappaient que les Affaires étrangères (à Lionne) et la Guerre (à Le Tellier). Pendant longtemps, d’ailleurs, une âpre lutte pour les places et les honneurs

opposa le clan Colbert et le clan Le Tellier.

Les réformes de Colbert


Si l’homme n’éveille guère la sympathie - surtout en contraste avec sa victime, le séduisant Fouquet —, la grandeur du ministre est indéniable. Pendant près de vingt-cinq ans,

Colbert porta la responsabilité de toute la vie économique et financière de la France. Il fut un des plus grands ministres de la monarchie, le principal artisan de la puissance de

Louis XIV. Son action réformatrice s’exerça dans les domaines les plus divers, financier, économique, commercial, maritime, intellectuel, avec le souci constant de la richesse et

de la gloire du roi, c’est-à-dire de l’État. «Nous ne sommes pas en un règne de petites choses », disait-il dès 1664. Dans la politique de grandeur où l’ambition de Louis XIV

engageait la France, faire face à des guerres et à une diplomatie également coûteuse», sans parler du grand train de la cour de Versailles, était une tâche accablante pour un

ministre des Finances.

Dédaigneux de l’«intendance», Louis XIV n’hésitait pas à anticiper largement sur les recettes, et Colbert ne réussit pas à éliminer le déficit qui reparut dès la guerre de Hollande

(1672), pour ne plus disparaître. Dès sa venue aux affaires, Colbert avait cependant pris des mesures draconiennes pour faire rendre gorge aux puissances d’argent. La chambre

de justice de 1662 réussit à obtenir quelques restitutions des fermiers de l’État. Mais les besoins militaires obligèrent bientôt Colbert à recourir aux expédients, comme l’avaient

fait ses prédécesseurs; il fallut fonder une Caisse des emprunts (1674), créer et vendre des offices, augmenter les impôts indirects.

Pourtant, Colbert s’était attaqué à un des aspects essentiels du problème financier, la réforme du système fiscal. En raison de la diversité de l'ancienne

France, encore hérissée de privilèges et de libertés, la fiscalité était d’une confusion et d’une variété extrêmes. Pour assurer un meilleur rendement de la

taille, impôt roturier, Colbert entreprit la chasse aux faux nobles et aux fausses exemptions fiscales; en 1680, il créa la Ferme générale, qui fut chargée de

lever toutes les autres contributions; la comptabilité publique fut ordonnée et simplifiée. Mais ces mesures n’eussent pu produire tout leur effet que si

elles se fussent inscrites dans le cadre d’une rationalisation générale de l’administration. Colbert s’irritait de la variété des régimes administratifs du

royaume; c’est dans le dessein d’y mettre un terme qu’il développa le pouvoir des intendants, qui, d’abord simples enquêteurs et administrateurs,

devinrent à partir de 1680 des administrateurs fixes, et qu’il poussa Louis XIV à l’œuvre de codification de la justice, réalisée par les grandes ordonnances

qui se succédèrent de 1667 à 1685 (notamment l'Ordonnance civile d’avril 1667, l'Ordonnance criminelle de 1670 et l’Ordonnance du commerce de 1673).

L'économie au service de l'Etat


C’est à l’économie, condition de la santé financière et de la puissance politique de l’État, que Colbert s’est surtout attaché. Son gouvernement marque l’apogée du mercantilisme

français, auquel on a justement donné le nom de «colbertisme». En fait, Colbert fut moins un théoricien que le réalisateur des idées exprimées avant lui en France par

Montchrétien et Laffemas. Comme tous les spécialistes européens de son temps, il était convaincu que la richesse d’un État réside essentiellement dans la quantité de numéraire

qu’il possède; il croyait également que la quantité disponible de métaux précieux est fixe et que le volume du commerce mondial est stable. «Il est certain, écrit-il, que pour

augmenter les cent cinquante millions qui roulent dans le public, de vingt, trente, soixante millions, il faut bien qu’on le prenne aux Etats voisins. »

Dès lors, le commerce n’est rien d’autre qu’une guerre d’argent, «une guerre perpétuelle et paisible d’esprit et d’industrie entre toutes les nations». Puisqu’une nation ne peut

s’enrichir qu’en ruinant les autres pays, il faut assurer une plus-value des exportations sur les importations, vendre beaucoup, acheter peu afin de constituer en France une

grande réserve de métaux précieux. Le procédé le plus simple consistait évidemment à frapper de lourds droits de douane les produits concurrents étrangers et à abaisser les

droits sur les produits nationaux. L’État de Colbert fut résolument protectionniste : le tarif douanier de 1664 fut aggravé par le tarif de 1667, qui prohibait pratiquement les

produits hollandais et anglais (mais il fallut y renoncer après 1678). Cet État se montrait également dirigiste. il intervenait sans cesse et prétendait réglementer toute la vie

économique. «Il faut réduire toutes les professions de vos sujets à celles qui peuvent être utiles », écrivait Colbert à Louis XIV.

Les manufactures royales


Pour vendre à bon compte, Colbert imposa une politique de bas salaires, mais, comme il fallait permettre à la main-d’œuvre de vivre, l’État sacrifia pratiquement l’agriculture en

fixant au plus bas possible les prix agricoles (les paysans se virent accorder, en compensation, une protection contre les excès du fisc). L’aspect positif du colbertisme, c’est le

puissant encouragement donné à l’industrie, c’est une politique d’investissement menée par l’État pour susciter dans tout le pays des entreprises nouvelles, des «manufactures»,

qui permirent d’accroître rapidement le volume des exportations. Colbert sut comprendre que la France, ne disposant pas comme l'Espagne, des mines d'or et d'argent de

l'Amérique, ne pouvait s’enrichir que par une puissante expansion industrielle et commerciale. La grande industrie naquit en France avec Colbert, mais sous l’orientation et le

contrôle de l’État, qui lui imposa des règlements minutieux. Fortes du privilège royal. Les manufactures bénéficièrent du monopole d’une fabrication, et de la protection d'«

inspecteurs des manufactures» chargés de réprimer les fraudes.

Louis XIV à la manufacture des Gobelins" />Certaines manufactures étaient dirigées par l'État (Gobelins, Beauvais),

d’autres simplement encouragées et privilégiées; leur installation fut facile et rapide car, la plupart du temps, la

manufacture faisait travailler une foule de petits ateliers dispersés. Pour améliorer le commerce intérieur, Colbert créa des

routes, des voies d’eau (canaux des Deux-Mers, d’Orléans), mais son premier souci était le grand commerce

d’exportation. Il accomplit un effort immense dans le domaine de la marine, estimant que «la prospérité de la marine

marchande est le meilleur critérium de la prospérité du commerce extérieur». On agrandit et aménagea les ports de

Brest, Cherbourg, Rochefort, Toulon. Colbert institua un conseil des constructions navales et organisa une puissante

flotte de guerre pour protéger les lignes commerciales et les comptoirs lointains; en 1668 fut inaugurée (inscription

maritime, pour le recrutement des équipages de la marine parmi les populations des régions côtières.

Sur le modèle des sociétés anglaises et hollandaises, on créa des compagnies de commerce monopolistes et privilégiées

(Compagnie des Indes orientales, 1664; Compagnie des Indes occidentales. 1664; Compagnie du Nord, 1669; Compagnie

du Levant, 1670). Enfin le colbertisme poussait à l’expansion coloniale, mais, dans ce domaine, Colbert se heurta à une incurable indifférence du public français pour les terres

lointaines. En 1685, Colbert légifère sur le statut des esclaves dans les colonies ( Code Noir (ou « édit sur la police des esclaves »).

En résumé, le colbertisme constitua un effort sans précédent pour émanciper l’économie française du cadre désuet des diversités régionales et locales, et des corporations en

voie de sclérose; il fut à l’origine de la prospérité durable de villes comme Amiens, Aubusson, Saint-Étienne, Elbeuf. Mais il a eu aussi son revers : l’agriculture trop sacrifiée; les

fabriques bientôt sclérosées par les règlements qui les avaient, à l’origine, stimulées; les méfaits du dirigisme, qui identifiait trop le bien de la nation à la puissance de l’État; et

surtout ce protectionnisme outrancier qui, en se donnant ouvertement comme objectif la ruine des autres nations, fut le grand générateur des guerres incessantes du règne de

Louis XIV.

Colbert, protecteur des Arts et des Lettres


Cette même passion d’ordre, d’unité et de réglementation rationnelle, Colbert, en sa qualité de surintendant des Bâtiments, Arts et Manufactures, la manifesta lorsqu’il entreprit

d’organiser pour le service de l’État la vie artistique et intellectuelle. Grand dispensateur du mécénat royal, il fonda l’Académie des inscriptions et belles-lettres (1663),

l’Académie des sciences (1666), l’Académie de France à Rome (1666); il réorganisa les académies de peinture et de sculpture (1664), de musique (1669), d’architecture (1671); on

lui doit également l’observatoire de Paris. Il trouva en Le Brun l’agent d’un académisme artistique orienté vers la louange du Roi-Soleil. Ses Lettres, Instructions et Mémoires ont

été publiés par P. Clément (1861).

Lorsque Colbert tente de restreindre les dépenses royales, il perd de son influence auprès du Roi Soleil et, à partir de 1680, il est progressivement remplacé par le marquis de

Louvois. Lorsqu’il meurt, épuisé de travail, il laisse à Louis XIV un royaume au plus haut de sa puissance.

Bibliographie

- Le grand Colbert , de Thierry Sarmant et Mathieu Stoll. Tallandier, 2019.

- Colbert : la vertu usurpée , biographie de François d'Aubert. Perrin, 2010.

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