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LE XVIIe SIÈCLE.

CONTEXTE.

Prélude au siècle (1598-1610).


En faisant adopter, le 13 avril 1598, l’édit de Nantes grâce auquel les protestants auront liberté de
culte (sauf à Paris), Henri IV mettait un terme aux guerres de religion qui dévastaient le pays, et
marquait l’avènement du nouveau siècle. L’économie du pays allait pouvoir, sous la direction du
populaire Sully qui accède aux finances en 1599, se rétablir. L’année suivante, le roi épouse, en
secondes noces, Marie de Médicis. Cette période de prospérité matérielle voit l’ascension d’une
classe de bourgeois et de fonctionnaires. À l’exemple des nations voisines, la France entreprend une
politique coloniale avec la fondation de la Compagnie des Indes orientales. Mais les résistances et
les complots persistent ; l’assassinat d’Henri IV par Ravaillac en 1610 montre que les fanatismes ne
sont pas éteints.

Le règne de « Louis le Juste » (1610-1643).


À la mort de son père, Louis XIII est âgé d’à peine neuf ans. C’est Marie de Médicis qui assure la
régence, abandonnant les rênes du pouvoir au Florentin Concini. Le rétablissement économique est
compromis, l’autorité royale est contestée par les Grands, Condé en tête. L’exécution de Concini en
1617 et l’exil de la régente à Blois ne suffisent pas à restaurer les pouvoirs du roi qui doit faire face à
des soulèvements protestants, à Montpellier par exemple. C’est par Richelieu, appelé en 1624, que
s’opérera la restauration de la monarchie. Les protestants sont réprimés à La Rochelle et la ville
libérée; les féodaux sont mis au pas, les duels interdits (1626), les comploteurs exécutés (Chalais,
Marillac, Montmorency, Cinq-Mars, De Thou). La vie politique et l’administration sont réorganisées; la
navigation et le commerce (dont Richelieu est le « grand maître ») sont développés. Toutefois, la
guerre de Trente Ans (1618-1648) dans laquelle la France s’engage en 1635, va grever
considérablement les finances du royaume. Le recours à l’impôt, solution traditionnelle pour renflouer
les caisses, provoque des soulèvements populaires (révolte des « croquants » du Sud-Ouest, des «
va-nu-pieds » de Normandie).

L’enfance d’un roi (1643-1661).


Richelieu et Louis XIII meurent à quelques mois de distance (1642- 1643). Anne d’Autriche assure la
régence car l’héritier, le futur Louis XIV, est seulement âgé de cinq ans. La régente confirme comme
Premier ministre le cardinal Mazarin qui se révèle très vite impopulaire. D’autant que pour financer la
guerre, Mazarin augmente ou multiplie les taxes. En 1648, le Parlement se soulève contre cette
politique fiscale, et cette révolution, en s’étendant, donnera naissance à une véritable guerre civile, la
Fronde. À la Fronde parlementaire succède d’ailleurs la Fronde des princes: Condé, son frère Conti,
son beau-frère Longueville sont arrêtés; Turenne s’élève contre l’armée royale. Les affrontements
sont rudes et la France restera meurtrie. Les misères de la guerre civile, jointes à celles de la guerre
étrangère, suscitent des vocations charitables comme celle de saint Vincent de Paul.

Pourtant le traité de Westphalie (1648), en mettant un terme à la guerre de Trente Ans, réorganise
la carte de l’Europe. Plus tard, la paix des Pyrénées (1659) donne à la France l’Artois et le
Roussillon. Une période agitée s’achève; Fouquet est nommé surintendant des Finances (1659) et
le roi prend pour épouse l’infante d’Espagne. Mazarin meurt en mars 1661, le règne personnel de
Louis XIV peut commencer.

La monarchie absolue (1661-1682)


La personnalité du nouveau roi va peser sur le pays au point de créer une image quasi mystique du
pouvoir monarchique. Le souverain, chef de droit divin, établit une étiquette rigoureuse et décide de
gouverner lui-même, abandonnant à ses ministres les fonctions de gestion. C’est de cette époque
que date l’importance particulière de la cour et de ses rites que le roi transporta plus tard à
Versailles. Deux symboles marquent la toute puissance de Louis XIV: il fait arrêter Fouquet dont
l’éclat le gênait, il choisit comme emblème le soleil.

La grandeur de cette période s’augmente du rôle que joua le ministre qu’avait choisi Mazarin pour lui
succéder, Colbert. D’abord simple intendant aux Finances, Colbert devient en 1655 contrôleur
général et assure la responsabilité de plusieurs ministères (Beaux-arts, Marine, Agriculture,
Commerce...). En matière économique et culturelle, l’œuvre de Colbert fut considérable, laissant le
champ libre à Louis XIV pour mener sa politique religieuse (il souhaite soumettre les protestants et
réduire l’autorité du pape) et ses opérations de prestige (il encourage la vie intellectuelle et artistique).
Le roi peut recevoir solennellement à l’hôtel de ville de Paris le titre de Louis le Grand (1680).

Le soleil déclinant (1682-1715)


La période d’éclat et de faste va s’estomper avec la maturité de Louis XIV. La Déclaration des quatre
articles, rédigée par Bossuet, limite la liberté gallicane et proclame le roi chef de l’Église de France.
La persécution des protestants s’intensifie sous la forme de dragonnades et aboutira à l’abolition de
l’édit de Nantes (15 octobre 1685). La cour, installée à Versailles depuis 1682, s’enferme dans un
protocole rigide. En 1683, disparaissent successivement Marie Thérèse, l’épouse du roi, puis Colbert.
Peu après, Louis XIV épouse secrètement Madame de Maintenon qui l’entraînera dans une attitude
de piété frileuse. Louvois est aux affaires; les guerres dispendieuses (celle de la ligue d’Augsbourg en
1686, par exemple), les récoltes catastrophiques (celle de 1693 provoqua la mort de plus de deux
millions de personnes) achèvent d’assombrir la fin du règne.

LE THÉÂTRE CLASSIQUE.

Le triomphe du théâtre.
Le XVIIe siècle marque surtout l’âge d’or du genre dramatique. Les plus grands auteurs du temps ont
écrit pour la scène et les écrivains mineurs qui s’y sont également attachés sont nombreux. Avant que
la tragédie ne devienne « classique », elle s’exprime dans des œuvres hésitantes qui s’appuient sur
la tradition de la pastorale (Pyrame et Thisbé de Théophile de Viau), exploitent des sujets historiques
(les pièces de Montchrestien, de Hardy, de Mairet, de Tristan), ou reprennent la veine héroïque (J. de
Schélandre, Rotrou, Cyrano). La comédie aussi cherche sa voie en utilisant les ressources du ballet,
des machines, des féeries. De cette profusion théâtrale vont se dégager les trois plus grands auteurs
dramatiques du siècle, Corneille, très influencé à ses débuts par le théâtre baroque, Molière le
rénovateur de la comédie et Racine, le meilleur représentant de cette esthétique du Grand Siècle
portée à la scène.

L’évolution du théâtre reproduit assez bien l’image sociale et littéraire du siècle: une première
période d’euphorie désordonnée, un rétablissement fécond autour d’un genre dominant et codifié, la
tragi-comédie, un temps de maturité et d’épanouissement permettant l’éclosion d’un théâtre total et «
classique », capable de récupérer et de transcender les formes disparates qui l’ont précédé. Ajoutons
pour confirmer cette intégration sociale du théâtre que le genre touche toutes les couches de la
société. Les Grands (à commencer par le roi) parce qu’ils sont les commanditaires et les protecteurs
des dramaturges ; les aristocrates qui apprécient le spectacle et aiment à s’y montrer ; le public
bourgeois et même populaire très friand de divertissement; les comédiens enfin, corporation qui se
développe, s’organise, obtient une certaine reconnaissance. Il n’est pas excessif de comparer notre
XVIIe siècle théâtral à la période élisabéthaine en Angleterre ou au Siècle d’or en Espagne.

CORNEILLE.

Un écrivain reconnu.

Le titre de « prince » que l’on a donné à Corneille révèle bien l’empreinte de son œuvre sur tout le
XVIIe siècle. Au cours de sa longue carrière, le dramaturge a su, par son zèle de courtisan et par la
sage prudence de sa vie, résister aux modes et s’imposer comme la référence dramatique du siècle
que seul Racine pourra concurrencer.

Une œuvre novatrice.


Le talent dramatique de Corneille a exploité dans ses trente-trois pièces toute la palette du genre
théâtral :
- les comédies : huit importantes dont Mélite, La Place Royale, L’Illusion comique, Le
Menteur ;
- les tragédies : genre de prédilection, près d’une vingtaine dont la moitié constitue de réels
chefs-d'œuvre (Horace, Cinna, Polyeucte, Rodogune, -e Nicomède, Suréna…) •
- les tragi-comédies, dont Le Cid est le meilleur exemple, et desquelles on rapprocherait les
« comédies héroïques » comme Don Sanche d’Aragon ou Tite et Bérénice et même les
féeries comme Andromède ou La Toison d’or.

Une esthétique baroque


Cette diversité d’inspiration se ressent du climat de mutation sociale et littéraire de la première
moitié du XVII siècle. Dans ses premières œuvres, Corneille emprunte à la mode « baroque » les
thèmes du déguisement et de l’instabilité, le goût du mouvement et de l’ostentation, le ton de la
légèreté et du réalisme. Ce mélange de fantaisie et de vérité aboutit à un univers irréel fait
d’ambiguïté et de fantasmagorie. Clitandre dans le genre sérieux, L’Illusion comique et Le Menteur,
sont les meilleurs exemples de cette veine dont on redécouvre la modernité.

Un théâtre de la grandeur
Mais la célébrité de Corneille est indiscutablement liée à ses réussites tragiques. L’auteur définit
dans les trois Discours sur l’art dramatique ses conceptions théâtrales. L’action de la pièce doit être
illustre, de préférence empruntée à l’histoire ou à la mythologie, car ces « grands sujets [...] remuent
fortement les passions et en opposent l’impétuosité aux lois du devoir ou aux tendresses du sang ».
Les personnages, essentiellement de haute naissance ou remarquables par leur élévation morale,
seront mus par une volonté ferme qui laisse peu de place au sentiment : si l’amour a « toujours de
l’agrément [...] il faut qu’il se contente du second rang dans le poème ». Le devoir, l’estime, la gloire,
le mérite sont les nobles valeurs qui orientent le choix du héros et justifient son sacrifice ; à l’opposé,
l’ambition, la haine, la vengeance conduisent à la vilenie et au malheur. La représentation théâtrale
remplira alors son double objectif : plaire (« la poésie dramatique a pour but le seul plaisir du
spectateur ») et instruire (« quoique l’utile n’y entre que sous la forme du délectable, il ne laisse pas
d’y être nécessaire »).

Le Cid.
Âgé d’à peine trente ans, Corneille obtient avec cette pièce l’un des plus grands succès du siècle.
Inspirée d’un sujet espagnol de Guilhem de Castro, la tragi-comédie, créée au théâtre du Marais,
est toujours inscrite au répertoire.

L’action se passe à la cour de Castille où deux grands – don Diègue, vieillard respecté, père de
Rodrigue, et don Gormas, général victorieux et père de Chimène – se disputent le poste de
gouverneur de l’infant. La querelle des pères va nuire à l’amour des enfants car Rodrigue, à la
demande de son père, offensé, doit se battre avec le père de Chimène. L’offenseur est tué et sa fille,
malgré ses sentiments, réclame justice au roi. Mais le coupable, Rodrigue, est en train de repousser
les Maures qui menacent la ville. Devenu « Cid » (seigneur), il accepte un duel judiciaire dont il sort
vainqueur et, en récompense de sa bravoure, reçoit le pardon du roi. Chimène, avec le temps, lui
reviendra.

Cette pièce marque la naissance du « grand Corneille » qui, sans renier son inspiration
baroque, s’affirme comme un maître du théâtre sérieux.
• Le spectacle et l’éloquence : L’œuvre tire d’abord son éclat et son retentissement de
l’habile transformation de l’actualité en spectacle et d’une grande virtuosité dans le
dialogue. Le monologue pathétique de Don Diègue, les stances de Rodrigue, le récit de la
bataille sont des morceaux d’anthologie.

• Le conflit entre l’honneur et l’amour : Le grand mérite de la tragi-comédie, c’est que


Corneille y expérimente un des ressorts essentiels de son théâtre: le conflit. En effet, la
situation pousse à son extrême le choc de deux exigences contradictoires d’où doit naître
l’émotion. Le cas personnel des jeunes gens concentre tragiquement le dilemme qui oppose
l’engagement politique à la passion amoureuse.

• La querelle du Cid – L’enthousiasme suscité par la pièce provoque des jalousies. Les rivaux
de Corneille l’accusent de plagiat, lui reprochent les entorses aux lois du théâtre classique,
la subversion morale,le danger. La querelle s’envenime, l’Académie prend -tièdement parti.
Il faut l’intervention de Richelieu pour mettre un terme à la -polémique.

L’Illusion comique (1636).


Corneille s’est déjà fait connaître comme un brillant auteur de comédies quand le succès de Mairet
avec sa tragédie Sophonisbe l’incline à s’essayer au genre tragique avec Médée qui échoue.
Revenant à la comédie l’année suivante, il donne ce « caprice » à la verve débridée.
Le vieux Pridamant vient consulter le magicien Alcandre pour s’informer du sort de son fils Clindor.
Un coup de baguette magique fait apparaître le jeune homme qui s’est mis au service de Matamore,
soldat fanfaron, et qui courtise Isabelle, pourtant promise par son père à Adraste. La rivalité provoque
un duel où Clindor tue Adraste. Sur le point d’être arrêté, le meurtrier parvient à s’échapper en
emmenant Isabelle dans sa fuite. Deux ans plus tard, Clindor a délaissé Isabelle pour séduire
l’épouse d’un prince qui le fait poignarder. Désespoir d’Isabelle; désespoir de Pridamant. Mais le
magicien intervient: Clindor et Isabelle sont devenus comédiens et se donnaient en représentation.

• « Un étrange monstre ». C’est ainsi que Corneille définit sa pièce dans son Épître
préliminaire, et il faut reconnaître que cette comédie échappe aux lois du genre par sa
grande liberté de ton et de forme (refus des unités, multiplication des actions, mélange des
genres, recours à la magie, structure irrégulière...).

• Un spectacle baroque. Cette comédie récupère la tradition de la Commedia dell’arte dans ses
thèmes – mariage forcé, rivalité amoureuse, déguisements – et ses personnages – capitan,
barbon, jeunes premiers. Mais cette veine se mêle aux influences baroques perceptibles
dans le mouvement, les transformations scéniques, la richesse du décor, la gaieté et la
parodie, notamment avec Matamore, prototype du soldat hâbleur et poltron.

• Le théâtre dans le théâtre. La modernité de la pièce repose sur l’effet de « mise en abyme »
et l’exploitation des ressources de l’illusion créée par la donnée initiale. Le théâtre est un art
de magicien. Chaque personnage porte un masque, voire deux, parle dans un langage
affecté, vit des épisodes aussi dangereux que fictifs. Cette duplicité de convention doit
toutefois nous aider à vaincre les forces de l’imaginaire pour parvenir à la vérité des êtres.

MOLIÈRE.

L’homme de théâtre.
Avant d’être un auteur à succès, le plus célèbre du répertoire, Molière est un comédien et un directeur
de troupe. Son œuvre est le prolongement de son travail de la scène. S’inspirant des comédiens
italiens, il joue ou compose en province des farces. Ce registre populaire, dans lequel il manifeste un
réel talent d’écrivain et d’acteur, ne sera jamais abandonné́ et reste perceptible dans des pièces
tardives et plus ambitieuses.

Le rénovateur de la comédie.
Formé aux sources conjointes de la farce française et de la comédie italienne, Molière est parvenu
en moins de vingt ans de carrière à renouveler le genre de la comédie en France. Pour satisfaire les
goûts du public, pour complaire au roi, pour répondre à la concurrence et pour faire vivre sa troupe, il
alterne les spectacles de pur divertissement destinés à faire « rire le parterre », les comédies-ballets
où s’intercalent de la musique, des ballets ou des machines, les œuvres polémiques soucieuses de
défendre ses principes et répondre à ses détracteurs, les comédies d’intrigues riches en péripéties et
en rebondissements, les pièces satiriques, comédies de mœurs et de caractères où il peut satisfaire
sa vocation avouée: peindre les hommes et leurs travers.

La grande règle de toutes les règles.


Dorante dans La Critique de l’École des femmes s’en prend aux fameuses règles théâtrales: « Vous
êtes de plaisantes gens avec vos règles, dont vous embarrassez les ignorants et nous étourdissez
tous les jours [...] Je voudrais bien savoir si la grande règle de toutes les règles n’est pas de plaire ».
Ce principe, que Molière revendique régulièrement, s’appuie sur une volonté de simplicité et un goût
de la vérité. La simplicité se mesure au schématisme des intrigues, souvent réduites à peu de choses
ou inspirées de modèles conventionnels. La vérité se perçoit dans l’étude des caractères (un avare,
un impie, un faux dévot, un misanthrope...) devenus types universels. Les personnages ne sont plus
de simples créatures de fiction, mais des êtres vivants, agités de passions et de vices, victimes de
ridicules, ancrés dans une réalité sociale.

Amuser et corriger
On rit beaucoup, et toujours avec Molière. Son succès d’origine, de même que son universalité,
tiennent à l’invention d’un langage comique simple et efficace. Aucune de ses œuvres, même les
plus graves, n'oublie ce ressort essentiel de la comédie. Les formes du comique sont variées: les
lazzi et les effets burlesques dans les farces; la satire dans « les grandes comédies » ou le
comique « de contraste » né d’une opposition spectaculaire; la parodie.
Molière pense toujours, par son œuvre comique, rectifier les défauts de l’humanité. Dénonciation des
excès et conjuration cathartique, le théâtre doit indiquer les voies de la mesure: respecter en tout la
nature, résister aux passions, se montrer raisonnable. Cette morale du bon sens, jugée parfois
bourgeoise et conformiste, est défendue par Philinte dans Le Misanthrope.

Le Misanthrope (1666).
Cette comédie en cinq actes et en vers a été représentée le 4 juin 1666 devant un parterre
moyennement conquis.
Le misanthrope Alceste, amoureux de la coquette Célimène, attend de la jeune femme qu’elle se
décide à repousser ses prétendants et à se prononcer ouvertement pour lui. Mais il lui faut supporter
Oronte et ses mauvais vers, Acaste et Clitandre, ridicules petits marquis, Arsinoé, la prude qui rêve
de supplanter Célimène dans le cœur du misanthrope. Rendu jaloux par un billet compromettant
destiné à Célimène, Alceste adresse des reproches à la jeune femme avant de se confondre en
excuses. Enfin, alors que ses affaires tournent mal (un procès perdu risque de le jeter en prison), il
presse la coquette de se déclarer, lui pardonne son double jeu et lui propose de partager sa retraite.
Célimène refuse. Le misanthrope se retire du monde.

• Entre le rire et les larmes : Cette pièce, qu’on a jugée parfois dépourvue d’intrigue, a
déconcerté par sa tonalité complexe. En effet, le caractère parfois outrancier d’Alceste
peut prêter à rire, de même que les situations dramatiques. Pourtant, la sincérité du
personnage, sa révolte contre les tromperies du monde, sa souffrance occasionnée par
un amour mal récompensé, tirent la comédie du côté du drame et justifient les lectures «
sérieuses » de l’époque moderne. Les accents de l’atrabilaire sont ceux de la tragédie.
• La satire de la mondanité : L’amertume du ton s’explique par la volonté satirique de
Molière soucieux de dénoncer les mœurs et les habitudes des salons. Là règnent la
flatterie, la courtoisie feinte, la conversation stérile, la médisance; là dominent les
figures de petits marquis, de poètes ridicules, de coquettes, de prudes. La comédie
devient tableau documentaire d’un monde d’artifice où le seul sincère – Alceste,
qu’on hésite à condamner – fait figure d’indésirable qui sera impitoyablement écarté.

RACINE.

Une œuvre concentrée.


Comparée à celle de Corneille, l’œuvre de Racine est plutôt réduite, puisqu’on lui doit seulement
onze tragédies (le tiers de la production cornélienne). Elle est également concentrée dans le
temps, puisque neuf de ces pièces sont composées en un peu plus de douze ans (du 20 juin 1664
pour La Thébaïde au 1er janvier 1677 pour Phèdre, soit près d’une tragédie par an). Elle est enfin
étroitement orientée, puisqu’à l’exception de sa comédie en trois actes Les Plaideurs, de quelques
poèmes latins ou français, d’essais de circonstance (épigrammes, discours, chroniques),
l’ensemble de sa production relève d’un seul genre, la tragédie.

Un théâtre de courtisans.
Avec beaucoup d’opportunisme et d’habileté, Racine a su mener une carrière brillante qui a favorisé
sa gloire littéraire et assuré sa fortune matérielle. Si bien que son œuvre dramatique paraît
indissociable du milieu dans lequel elle a été écrite, celui de la cour de Louis XIV. Ainsi les sujets,
empruntés essentiellement à l’Antiquité gréco-latine, seront toujours marqués de grandeur et de
gravité, les personnages seront des rois, des princes, des courtisans, c’est-à-dire les doubles – à
peine masqués par le décalage spatial ou temporel – des protecteurs du poète. La figure tutélaire du
roi (ou de ses avatars : Dieu, empereur, prince, héros, père...) est au centre de l’univers tragique. Elle
récupère, sous la forme de l’autorité profane, les attributs du destin et conditionne le comportement
des personnages. La splendeur des rois, pour lesquels le courtisan Racine nourrit admiration et
crainte, se confond avec la volonté des dieux auxquels le janséniste reconnaît un pouvoir supérieur.

Le tragique des passions.


De ce heurt frontal entre la liberté du héros et la toute-puissance incontrôlable des forces
transcendantes naît le tragique. Le théâtre de Racine aime à illustrer les ravages douloureux d’une
passion dévorante et mortifère. Faute de pouvoir satisfaire leur amour exclusif, les héroïnes (par
exemple Atalide, Hermione, Phèdre) se tournent vers la mort – donnée ou reçue. Les héros eux-
mêmes (Néron, Oreste, Thésée...) deviennent les jouets de la fatalité. Sous l’empire de la passion, le
personnage le plus digne se transforme en monstre dont le châtiment – mérité et inéluctable – nous
rappelle aux lois de la pitié et de la mesure. Le peintre de la cour et des Grands devient alors
l’impitoyable témoin de la condition humaine

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