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Sainte Jeanne d’Arc

1412 - 1431

et le XVe siècle après Jésus-Christ


Après le XIVe siècle qui fut très douloureux, la première moitié du XVe siècle est encore marquée
par un contexte difficile : la guerre de Cent ans continue, elle ne s’achèvera qu’en 1453, date à
laquelle les Ottomans prendront Constantinople et feront disparaître l’Empire Byzantin, date à
laquelle le Moyen-Âge se termine selon la plupart des historiens. Chez les habitants de chaque
Etat se développe un sentiment national. La guerre de Cent Ans a achevé de créer un patriotisme
français ; la lutte des Espagnols contre les Maures les a unis ; l’éclat de leurs œuvres d’art a donné
aux Italiens le sentiment très vif de leur supériorité intellectuelle ; l’hérésie de Jean Huss et la
guerre des Hussites ont opposé les Tchèques slaves aux Allemands. Dans l’Eglise elle-même les
clergés des différents pays veulent jouir d’une large autonomie vis-à-vis du Saint-Siège. Ainsi
l’idée de l’unité chrétienne s’affaiblit. Et ce n’est pas seulement l’idée de l’unité chrétienne qui est
en déclin, c’est parfois le christianisme lui-même. Le grand schisme, la théorie gallicane, la vie
trop mondaine des papes et de nombreux prélats ont jeté souvent le discrédit sur le clergé.
Certains fidèles ne croient plus que soit nécessaire un intermédiaire entre eux et Dieu.
Le XVe siècle est aussi le siècle de la « Première Renaissance », surtout en Italie. Au sein de toute
la beauté et la vitalité de la culture de Florence, ou de Rome, certains humanistes se sont pris d’un
tel enthousiasme pour les œuvres de l’Antiquité qu’ils en arrivent à se détacher du christianisme :
c’est à Platon, à Sénèque et à Cicéron qu’ils s’attachent, non à l’Evangile. L’art aussi échappe en
partie à l’influence de l’Eglise. Peintres et sculpteurs se mettent au service non plus du clergé mais
d’un prince ou d’un riche particulier. Plutôt que les épisodes de la vie de Jésus-Christ, de la Vierge
et des saints, ils se plaisent à raconter les aventures des dieux et des héros de la mythologie, et ils
sont poussés par un sentiment tout païen, le souci de la gloire. A partir du milieu du XVe siècle,
l’invention de l’imprimerie va donner l’essor à ces idées nouvelles, à ces nouvelles manières de
penser.
Dans les dernières années du XVe siècle (1492), Christophe Colomb découvre l’Amérique, les
Portugais atteignent l’Inde en contournant l’Afrique méridionale : les Européens s’élancent à la
conquête du monde. Le monde occidental en sera révolutionné. Ainsi, tantôt lentement, tantôt
rapidement, selon les hommes et les pays, le Moyen Âge fait place aux Temps Modernes.

Dans ce siècle charnière, et de manière générale dans l’Histoire de l’Eglise, sainte Jeanne d’Arc
semble inclassable. Impossible pour elle de séparer mystique et politique, le Christ et son Eglise
(« c’est tout un de Notre Seigneur et de l’Eglise »), le Ciel et la terre (Dieu, « Roi du ciel et de la
terre » avait-elle fait coudre sur son étendard), sa volonté et celle de Dieu (« Messire Dieu premier
servi »), la nature et la grâce (« Les hommes d’armes batailleront, et Dieu donnera la victoire »).
Même l’habituelle séparation des états de vie semble se briser sur Jeanne : elle vit à la fois l’état
religieux dans la chasteté, la pauvreté, l’obéissance et la vie laïque dans une mission politique.
Jeanne, figure lumineuse de sainteté, fascine depuis toujours, et nous essaierons de nous en
approcher pour essayer de comprendre ce que Dieu a voulu donner à l’Eglise et au monde à
travers elle.

Le contexte politique : le XVe siècle après Jésus-Christ


La population mondiale est estimée à cette époque à 460 millions d'habitants, répartie
essentiellement entre trois grands foyers ; Chine-Japon-Corée, Inde et Europe de l'Ouest. Cette
dernière est encore marquée par la peste noire de 1347–1352 qui a décimé 25 à 50 % de sa
population. Le sentiment qui y scellait l’unité chrétienne, celui de la fraternité des croyants, est
en train de disparaître. La société est devenue une mosaïque de monarchies, de cités, de
seigneureries, de corporations, d’ordres, dont les ressorts s’enchevêtrent mais qui défendent
chacun leurs propres intérêts. Le sentiment national grandit et s’affirme. Il apparaît dans
l’économie, où l’on voit des rois, tel Charles VII en France interdire à leurs sujets de se rendre à
des foires étrangères et exiger que les marchandises nationales soient transportées par des
bateaux nationaux. Il fait, dans bien des cas, corps avec les aspirations religieuses elles-mêmes, ce
sera le cas pour la révolte de Wiclef en Angleterre et celle de Jean Huss en Bohême. Plus
subtilement, le nationalisme colore la culture, qui se différencie : jusqu’au XIVe siècle
l’interdépendance en était la loi, et les hommes de même niveau intellectuel, de mêmes spécialités,
constituaient des communautés internationales sans souci des frontières ; désormais vont
s’affirmer une culture française, une culture allemande, une culture italienne, une culture
flamande. Une Europe aux civilisations multiples se substitue à la civilisation de la chrétienté.
L’autorité de l’Eglise ne suffit pas à rétablir une unité : la papauté d’Avignon, le grand schisme
lui ont fait perdre beaucoup d’influence. Cette perte d’unité mène à des rivalités, un chaos
croissant. Ce sont des chrétiens qui s’affrontent, avec violence. Que ce soit entre la France et
l’Angleterre, au sein de l’Italie ou de l’Allemagne, les conflits sont permanents. Au sein de chaque
société, il y aussi des mouvements d’insurrection sociale.

Le morcellement de l’Europe à la fin du Moyen-Âge

L’Angleterre

Au début du XIVe siècle, le Parlement anglais était devenu une assemblée régulière, sans
l’assentiment de laquelle le roi ne pouvait lever aucun impôt nouveau. Pendant la guerre de Cent
Ans, son autorité ne fit que grandir : les rois avaient besoin d’argent et devaient constamment
s’adresser à lui. Avant d’accorder les subsides qu’ils lui demandaient, le Parlement présentait ses
revendications, faisait écarter les ministres qui ne lui plaisaient pas, indiquait les lois qu’il désirait
voir adopter. A la fin du XIVe siècle, il fut même assez puissant pour contraindre le roi Richard II
à abdiquer, et appela au trône Henri de Lancastre (1399). Quand la guerre de Cent Ans se fut
terminée par la victoire des Français, il y eut en Angleterre
un grand mouvement de mécontentement. De plus, comme
le roi Henri VI de Lancastre avait de fréquentes crises de
folie, un de ses cousins, le duc d’York, essaya de lui ravir la
couronne. Une terrible guerre éclata entre la famille des
Lancastre et celle des York. Chacune des deux ayant dans
ses armoiries une rose, l’une rouge, l’autre blanche, cette guerre est connue sous le nom de guerre
des Deux Roses.
Elle dura trente ans (1455-1485), et fut marquée par d’affreux massacres. Finalement, le trône
revint à un prince apparenté aux Lancastre, Henri Tudor, qui prit le nom de Henri VII et inaugura
une nouvelle dynastie, succédant aux Plantagenets. Les trente années de lutte féroce avaient
décimé l’aristocratie anglaise ; des familles entières avaient été anéanties. Leurs biens, désormais
sans propriétaires, revinrent au roi Henri VII, qui jouit ainsi d’immenses ressources. Quant aux
bourgeois, ils étaient prêts à se soumettre à quiconque rétablirait l’ordre et la paix. Dans ces
conditions, le Parlement, bien loin de s’opposer aux volontés du souverain, était disposé à tout
accepter. Henri VII gouverna de façon autoritaire, mais se fit pardonner son despotisme parce
qu’il maintint l’ordre et enrichit la nation. A ce moment, une grande transformation commençait :
l’Angleterre, jusque-là surtout pays de cultivateurs et d’éleveurs, devenait aussi pays de drapiers
et de commerçants, même si leur commerce de la laine existait déjà auparavant. C’est pourquoi
Henri VII protégea l’industrie de la laine contre la concurrence étrangère et développa la marine
marchande.
L’Espagne

Après la grave défaite de Las Navas de Tolosa que leur avaient infligée les chrétiens sous le
pontificat d’Innocent II en 1212, les musulmans ne possédaient plus à la fin du XIIIe siècle que le
petit royaume de Grenade, au sud-est de l’Espagne. La civilisation y était d’ailleurs très brillante,
comme en témoigne le palais de l’Alhambra. Puis, pendant deux cents ans, il y eut un arrêt de la
Reconquista. Au milieu du XVe siècle, on distinguait dans la péninsule ibérique trois Etats
chrétiens importants ; celui du Portugal sur la côte atlantique, celui d’Aragon sur la côte
méditerranéenne, celui de Castille au centre. Les deux premiers s’intéressaient peu aux affaires
de la péninsule ; ils tournaient toutes leurs ambitions vers le dehors. Les Portugais tentaient
d’occuper le Maroc et exploraient les côtes de l’Afrique1. De leur côté, les Aragonais essayaient
de dominer la Méditerranée occidentale ; ils possédaient les îles Baléares, la Sardaigne, la Sicile,
et un de leurs princes gouvernait le royaume de Naples. Quant à la Castille, elle était déchirée par
les guerres civiles. Tout allait changer à partir de 1469. A
cette date, l’héritière de la Castille, Isabelle, épousa
l’héritier de l’Aragon, Ferdinand. Quand, peu après,
Isabelle et Ferdinand entrèrent en possession chacun de
son royaume, la Castille et l’Aragon ne fusionnèrent pas,
mais ils avaient les mêmes souverains et la même
politique étrangère. L’unité de l’Espagne se préparait.
Elle fit un pas de plus quand « les deux rois » (comme on
appelait Ferdinand et Isabelle) eurent définitivement
chassé d’Espagne les musulmans. En 1492, le royaume de
Grenade fut pris et incorporé à la Castille. Et au moment
même où le royaume de Grenade tombait, Christophe
Colomb faisait, au service d’Isabelle, son premier voyage
à travers l’Atlantique et découvrait l’Amérique. La
Castille allait immédiatement en commencer la conquête :
elle était ainsi la première puissance en Europe à se
donner un grand empire colonial.
En même temps, Ferdinand et Isabelle établissaient solidement leur autorité. Le pays était infesté
de brigands : une justice expéditive les fit disparaître. Le clergé était puissant : Ferdinand se fit
nommer grand maître des principaux ordres religieux et obtint du pape le droit de choisir les
évêques. Les villes s’étaient rendues presque indépendantes : on leur imposa des gouverneurs
royaux. La Castille et l’Aragon avaient depuis longtemps des sortes d’Etats généraux, souvent
indociles : on ne les réunit plus. Enfin, ils prirent de dures mesures envers les musulmans et les
juifs, à partir de 1492, ayant peur d’une instabilité sociale (ils représentaient une part importante
de la population espagnole). Ceux-ci eurent à choisir entre le baptême et l’exil. Beaucoup
quittèrent le pays, et leur départ fit perdre à l’Espagne ses meilleurs agriculteurs. Ceux-mêmes
qui s’étaient convertis demeurèrent suspects aux Espagnols : on les accusait de rester secrètement
fidèles à leur ancienne religion. Contre eux, les rois utilisèrent le tribunal religieux de l’Inquisition,
qui prit en Espagne le nom de Saint-Office et dont ils nommaient les membres. Le grand
inquisiteur Torquemada, un dominicain, en est resté tristement célèbre. Le développement du
pouvoir royal s’accompagna ainsi de l’établissement de l’unité religieuse. L’Espagne allait
désormais, pendant un siècle et demi, jouer en Europe un rôle prépondérant.

1
En 1488, ils doublèrent le cap de Bonne-Espérance, et dix ans plus tard, le portugais Vasco de Gama arrivait par
mer en Inde.
L’Italie

L’Italie était morcelée en de nombreux Etats, de grandeur et d’importance très diverses, mais
présentant certains traits communs. Le pouvoir était partout réservé à une minorité de riches
citoyens. Souvent, il était tombé aux mains d’un « tyran » qui gouvernait en maître. L’Italie des
XIVe et XVe siècle est l’Italie des tyrannies. Elle est aussi l’Italie des condottieri. On appelait de ce
nom les chefs des mercenaires qui se mettaient à la solde d’un gouvernement, car les guerres
étaient perpétuelles entre Etats italiens. Contre une cité rivale, les Italiens n’hésitèrent pas à se
chercher un allié à l’étranger. De la fin du XVe siècle au milieu du XVIIIe, l’Italie sera le champ de
bataille où s’affronteront les ambitions des rois de France, des rois d’Espagne et des empereurs.
Ces guerres n’empêchèrent pas l’Italie de s’enrichir par l’industrie et le commerce, et de connaître
un admirable développement littéraire et artistique : le XVe siècle marque pour l’Italie les débuts
de la Renaissance. En particulier, la République de Florence, sous la houlette de la riche famille
des Médicis, sera un lieu de grande création artistique, comme nous le développerons plus bas.

L’Allemagne

Si l’Italie était morcelée, l’Allemagne, depuis le grand Interrègne du XIIIe siècle, l’était encore bien
davantage : c’est par centaines que l’on y comptait au XVe siècle les Etats, grands ou minuscules.
Au-dessus de tous les princes, il y avait bien toujours un Empereur germanique, mais sans
pouvoir. La royauté était élective, non héréditaire, et les électeurs choisissaient le roi tantôt d’une
famille, tantôt d’une autre, pour ne pas laisser se créer une dynastie trop puissante. Cette faiblesse
du pouvoir central avait eu de graves conséquences. A l’intérieur, l’Allemagne était tombée dans
l’anarchie. Les « chevaliers brigands » comme on appelait les nobles pillards, ne connaissaient
que le « droit du poing », c’est-à-dire la force. Au-dehors, le prestige de l’Allemagne diminuait.
Déjà, depuis la mort de Frédéric II en 1250, l’Italie échappait à l’autorité de l’empereur. Vers
l’ouest, des terres d’empire étaient tombées au pouvoir du roi de France (Lyon, le Dauphiné, la
Provence) ou du duc de Bourgogne (la Franche-Comté, la Belgique orientale, le Luxembourg, une
partie de la Hollande). Vers l’Est, l’expansion germanique était arrêtée par les Polonais et les
Hongrois. L’Empire portait maintenant le nom de Saint-Empire romain germanique, comme pour
montrer qu’il n’englobait plus que des territoires germaniques. Pendant que l’empereur perdait
tout pouvoir, certains princes allemands augmentaient leurs territoires et leur prestige. Ainsi, les
Hohenzollern, ou encore les Habsbourg, qui fondèrent la Maison d’Autriche. En 1440, un
Habsbourg fut élu empereur sous le nom de Frédéric III, et la famille réussit à garder la couronne
jusqu’à la suppression de l’empire germanique en 1806.

La chute de Constantinople

De tous temps, les peuples nomades des steppes de l’Asie centrale avaient menacé les terres
fertiles de la Perse, de l’Inde et de la Chine. Du XIIIe au XVe siècle, deux peuples réussirent à
constituer en Asie et en Europe de vastes empires, les Mongols et les Turcs. On sait déjà comment,
dès le XIe siècle, la tribu turque des Seldjoukides avait occupé la Mésopotamie, et la plus grande
partie de l’Asie Mineure. Ses progrès menaçants avaient provoqué la première croisade. Au XIIIe
siècle, d’autres tribus turques avaient envahi le nord de l’Inde et fondé dans la plaine du Gange
un sultanat dont la capitale était Delhi. Elles se montrèrent très intolérantes à l’égard des
indigènes de religion hindoue et leur imposèrent un joug très dur : de là date la haine qui
aujourd’hui encore oppose en Inde les musulmans et les hindous. Enfin les Turcs s’emparèrent
aussi de la Syrie et de l’Egypte : c’est contre eux que saint Louis
dirigea la septième croisade, marquée par sa défaite et sa captivité.
Au début du XIVe siècle, les Seldjoukides, affaiblis, laissèrent la
place en Asie Mineure à une autre tribu turque, celle des Ottomans.
Ceux-ci franchirent les Dardanelles et parurent pour la première fois
en Europe en 1356. Appuyés sur une excellente armée composée de
soldats de métier (fantassins ou janissaires, cavaliers ou spahis), les
sultans ottomans étaient sur le point de détruire l’Empire byzantin.
La civilisation byzantine témoignait aux XIVe et XVe siècle d’une
étonnante vitalité, mais le gouvernement était en pleine décadence.
Il n’y avait plus ni administration, ni armée, ni finances régulières ; les révolutions de palais et les
querelles religieuses sévissaient toujours. Il ne comprenait plus guère que Constantinople, la
Thrace, la Macédoine, le sud du Péloponnèse et quelques îles de la mer Egée. Le reste de la
péninsule des Balkans était aux mains des Bulgares, des Serbes (avec Etienne Douchan dont nous
avons parlé lors de l’étude du XIVe siècle), des Génois, des Vénitiens, des Napolitains ou des
Français.
Les Ottomans n’attaquèrent pas tout de suite Constantinople : ils préférèrent l’isoler en occupant
successivement la Bulgarie et la Serbie. L’arrivée de Tamerlan, turc du Turkestan d’une cruauté
féroce, qui venait de conquérir la Perse, l’Inde du Nord et la Syrie au début du XVe sauva
temporairement l’Empire. Il battit sévèrement les Ottomans à Ankara en 1402. Mais Tamerlan
mourut peu après et son empire se disloqua.
Quand Mahomet II devint sultan, il poussa les préparatifs pour la prise de Constantinople.
L’empereur Constantin XI organisa activement la défense, mais il ne disposait guère que de 10
000 soldats. Après un siège de 54 jours, Constantinople fut enlevée d’assaut, le 29 mai 1453,
l’empereur fut tué, et Sainte-Sophie devint une mosquée, où la croix fut remplacée par le
croissant. Plus de cinquante mille Grecs furent vendus en esclavage. Les chrétiens qui s’étaient
réfugiés à Sainte-Sophie furent égorgés. Tous les
hauts personnages de la cour furent suppliciés.
D’inestimables trésors de l’art et de l’intelligence
furent saccagés. Toute la péninsule des Balkans
tombait aux mains des Ottomans. L’empire
byzantin disparaissait après plus de mille ans
d’existence. Il avait rendu au monde l’immense
service de lui conserver l’héritage intellectuel du
monde antique.
Sa chute n’éveilla pas dans l’Europe chrétienne
l’émotion à laquelle on pouvait s’attendre.
D’ailleurs la domination turque ne semblait pas insupportable : le sultan exigeait certes de lourds
impôts mais il laissait à tous ses sujets leur religion, leur langue, leurs écoles et même leurs lois.
De la sorte, si les Etats serbe, bulgare, grec disparurent, les nations serbe bulgare, grecque
gardèrent leur caractère propre, et au XIXe siècle, elles sauront reconquérir leur indépendance
politique.

L’Europe de l’Est

Un seul État semblait de taille à tenir tête aux Turcs. C’était le royaume de Pologne, qui s’étendait
alors de la mer Baltique à la mer Noire. Il était, il est vrai, menacé par les Allemands qui ont
toujours essayé de repousser les Slaves vers l’Est. Mais au début du XVe, les Polonais avaient
infligé une grave défaite à l’État teutonique à la bataille de Tannenberg, en 1410. Le slavisme
triompha momentanément du germanisme. Débarrassés des Allemands, les Polonais très
catholiques et belliqueux furent pendant trois siècles, les défenseurs de la croix contre le croissant.
Pourtant leur adversaire le plus redoutable ne sera ni l’Allemagne, ni la Turquie, mais un Etat
nouveau : la Russie. Convertis par des disciples de saints Cyrille et Méthode vers l’an mille, les
Russes, dont la capitale était alors Kiev, avaient adopté la religion orthodoxe. Par-là, ils
s’opposaient aux Polonais, aux Hongrois, aux Tchèques, tous catholiques, et ils se rapprochaient
des Serbes, des Bulgares, des Roumains et des Grecs. Mais au XIIIe siècle, ils tombèrent sous la
domination des Mongols. Pendant plus de 200 ans la Russie, entièrement séparée de l’Europe, fut
une annexe de l’Asie. Le salut lui vint des princes de la région de Moscou : ceux-ci avaient été
chargés par le khan mongol de lever en son nom le tribut que lui devait la Russie, et ils en
profitèrent pour affermir leur autorité, jusqu’au jour où l’un d’eux, Ivan III (1462-1505) fut assez
puissant pour chasser les Mongols de la Russie centrale et pour s’imposer aux autres princes
russes. Il enleva ensuite aux Polonais quelques-unes des régions peuplées de Russes qu’ils
occupaient ; enfin il annexa les provinces de la Russie septentrionale (Novgorod, Pskov et Viatka)
jusque-là indépendantes. Il mérita ainsi d’être appelé le « rassembleur de la terre russe ». Ivan III
avait épousé la nièce de Constantin XI, et se posa dès lors en héritier des empereurs grecs. Depuis
ce moment, le but suprême de la politique russe fut toujours d’arracher Constantinople aux Turcs.
Ivan III essaya aussi d’introduire en Russie la civilisation occidentale, mais, pendant longtemps
encore, la Russie allait être beaucoup plus asiatique qu’européenne.
A l’effort que firent les princes de Moscou pour ressusciter la Russie, l’Eglise s’associa pleinement.
La notion d’Etat s’était effondrée dans le chaos de l’invasion mongole, et la précarité des
conditions matérielles était telle que le peuple manquait de retourner à la vie sauvage. Ce fut
l’Eglise qui, par ses rites, sauva la langue russe et les rudiments de l’art. Ce fut elle qui, en
désignant publiquement Moscou comme capitale religieuse de la sainte Russie invita les patriotes
à se grouper autour du prince moscovite. Saint Alexis fonda, en 1365, au Kremlin, le Couvent du
Miracle et fut le premier métropolite à avoir eu la sagesse de transférer sa résidence dans la ville
de Moscou, autour de laquelle commençait à s'unifier la Russie alors morcelée. Cette Eglise russe
devait beaucoup à Byzance. Ses rites, ses vêtements, son art, ses icônes, et tout le monachisme en
était inspirés. Et dans cette Eglise, l’aversion envers l’Ocident, qui faisait partie de la tradition
byzantine, n’avait que trop de raisons de prendre racine : l’Occident n’était-ce pas les chevaliers
teutoniques, les Polonais, les Suédois qui attaquaient les Russes occupés à se battre contre les
Mongols ? Quand, à la veille du drame où allait mourir Byzance, eut lieu la suprême tentative
d’union entre l’Orient et l’Occident, lors du concile de Bâle-Ferrare, le principal des témoins
russes de la cause de l’unité fut Isidore de Kiev. Hélas, à son retour en Russie après le concile, il
fut très mal accueilli, car l’on refusait tout rapprochement avec Rome. Traité en renégat, insulté,
menacé, Isidore de Kiev dut s’enfuir. Et quand la chute de Constantinople fut connue, il parut
très évident pour les Russes que c’était là une punition du ciel. Désormais, Moscou allait
s’enfermer dans une orgueilleuse solitude. C’était elle, et elle seule, qui constituait le centre
lumineux de la foi sans tache. C’était elle qui, dépositaire du glorieux passé, portait au front le
signe authentique de la fidélité chrétienne. Les Tsars (terme venant de César) seront eux aussi
comme les empereurs byzantins, chefs religieux autant que rois. Moscou revendiquera désormais
l’héritage impérial, et ce rêve de domination universelle, que tant de basileus avaient caressé, les
tzars le reprendront, mêlé à un messianisme russe qui survivra jusqu’à nos temps, à tous les
régimes, à tous les gouvernements. Lorsque Ivan III aura épousé la dernière princesse Paléologue,
Sophie, il pourra se poser en successeur de Byzance avec tous les aspects de la légitimité la plus
évidente. En face de la Rome des papes, la « Troisième Rome » se dressera.
Etait-il possible que l’apparition des patriotismes, ce grand fait d’histoire, se plaçât dans une
perspective chrétienne, que les jeunes nations, tout en ayant pleinement conscience de ce qui les
faisait uniques, irremplaçables, prissent place dans un ensemble fraternel qui serait une chrétienté
renouvelée ? Cette double exigence, en apparence contradictoire, des aspirations nationales et des
fidélités de chrétienté, trouvera son expression la plus accomplie dans la sainte héroïne pour qui
le service du roi et celui de Dieu seront inséparables et dont le jeune sang se répandit pour un
idéal qui dépasse celui de toutes les patries : Jeanne d’Arc.

La France au XVe siècle

La France était gouvernée par Charles VI, le roi fou. Il l’était devenu en 1392. Les grands princes
étaient dans les faits au pouvoir, fêtes et gaspillages étaient usuels. Plus grave que les gaspillages
était la rivalité qui opposait deux princes de sang : un cousin du roi, le duc de Bourgogne, Jean
sans Peur, et un frère du roi, Louis d’Orléans. Pour se débarrasser de son adversaire, Jean sans
Peur le fit assassiner (1407). Ce meurtre déchaîna la guerre civile ; toute la France se divisa en
Armagnacs et Bourguignons. On appelait Armagnacs le parti des Orléans, parce que le chef en
fut le comte d’Armagnac. A Paris, la rivalité des Bourguignons et des Armagnacs fut, à plusieurs
reprises, marquée par d’affreux massacres. Au milieu de ces horreurs, on apprit que le roi
d’Angleterre Henri V venait de débarquer en Normandie, la guerre de Cent ans reprenait. La
guerre étrangère s’ajoutait à la guerre civile, et le roi était fou !
Les armées française et anglaise se rencontrèrent en Picardie, non loin de Crécy, à Azincourt
(1415). Pour la troisième fois après Crécy et Poitiers, la chevalerie française subit un épouvantable
désastre. Le duc de Bourgogne Jean sans Peur, appuyé par les Anglais et la reine Isabeau de
Bavière, femme de Charles VI, paraissait le maître de la France. Mais lors d’une entrevue avec le
dauphin, le futur Charles VII, sur le pont de Montereau, Jean sans Peur fut assassiné en 1419. Ce
crime faillit amener la ruine de la France. La reine Isabeau signa avec les Anglais le désastreux
traité de Troyes en 1420. Elle y déshéritait son fils, le futur Charles VII ; elle donnait sa fille en
mariage au roi d’Angleterre Henri V et le reconnaissait comme héritier du trône de France ! Bien
plus, elle lui abandonnait
immédiatement le gouvernement
du royaume puisque Charles VI
était fou. La France conserverait ses
institutions mais aurait pour roi le
roi d’Angleterre. Dans le même
temps Charles VI mourait à son tour.
Son fils, le « soi-disant dauphin »,
selon l’expression de sa mère, prit à
Bourges le titre de roi, sous le nom
de Charles VII en 1422. Il avait 19
ans. Mais il n’avait aucune autorité
ni sur la Guyenne, ni sur la moitié
de la France située au nord de la
Loire.
En 1428, les Anglais, déjà maîtres de
toute la partie septentrionale de la
France vinrent assiéger la ville d’Orléans. C’était la seule ville au nord de la Loire qui reconnût
encore Charles VII. La population se défendit bravement, mais elle était sur le point de se rendre,
lorsque brusquement tout fut changé dans le royaume de France par l’arrivée de Jeanne d’Arc.
Sainte Jeanne d’Arc

Le 16 mai 1920 Jeanne d’Arc fut canonisée. Alors qu’elle fut réhabilitée vingt-cinq ans après sa
mort, en 1456, pourquoi aurait-il fallu attendre si longtemps pour canoniser celle qui, en dix-neuf
ans d’existence, recueillit un nombre si éloquent de documents, témoignages, faits de guerre et
miracles ? Jeanne d’Arc continue d’inspirer et de questionner les générations qui passent, mystère
inépuisable pour qui s’en approche. Qui est-elle vraiment ?

Son enfance

Jeannette, comme on l’appelait au village de Domremy en Lorraine, est née le 6 janvier


1412 dans le foyer d’Isabelle Romée et Jacques d’Arc, au cœur d’une France dévastée par la guerre
de Cent Ans. Depuis le traité de Troyes (1420), il y a en effet « grande pitié au Royaume de
France » qui subit une double monarchie au profit de l’Angleterre, et est déchirée par la guerre
civile entre Armagnacs et Bourguignons. La date de la naissance de Jeanne reste approximative.
Elle-même ne la connaissait pas exactement : lors de son procès elle déclarera avoir 18 ou 19 ans
mais être née lors d’une nuit d’Épiphanie. Elle est l’aînée et voit la naissance de trois frères et
d’une sœur. Son père, Jacques, est laboureur. Elle possède aussi quelques bêtes. Sa mère, Isabelle,
vient d’un village voisin. Jeannette vit dans la petite maison familiale près de l’église du village,
celle où elle a été baptisée dès sa naissance. Elle passe beaucoup de temps dans
l’édifice religieux où elle aime entendre sonner les cloches qui lui indiquent les
heures. Dès sa plus tendre enfance, elle apprend de la bouche de sa maman les
prières et affirmera plus tard qu’elle tient de sa mère tout ce qu’elle sait sur la
religion. Très pieuse, elle aime assister aux offices et faire des pélerinages. Tout
naturellement, elle fait sa première communion en l’église de son baptême, se
confessera de bonne grâce et communiera souvent. Le témoignage du sacristain
de Domrémy au procès de réhabilitation nous donne l’aperçu d’une Jeanne qui,
malgré son jeune âge, est déjà exigeante envers ses contemporains quand il
s’agit du bien des âmes : « Quand je ne sonnais pas complies, Jeanne m’interpellait et me grondait,
disant que je n’avais pas bien fait, et même elle avait promis de me donner de la laine afin que je
sois exact à sonner complies. »
Jeannette partage la vie quotidienne de la famille. Elle passe le plus clair de son temps avec sa
maman qui, outre les prières, lui apprend ce qu’elle doit savoir pour tenir un ménage lorsqu’elle
en aura l’âge : préparer les repas, laver le linge, coudre, filer, etc… Mais quand il le faut, elle va à
la pâture communale garder le bétail pour remplacer ses frères occupés à d’autres tâches. Elle a
une vie normale de jeune fille de campagne. Jeannette a aussi un grand cœur. Elle n’hésite pas à
partager son quignon de pain avec le mendiant ou à laisser sa couche au vagabond, préférant
dormir dans la paille devant l’âtre. L’histoire la surnomme « la bergère de Domremy », mais
Jeannette était d’abord une bergère des cœurs. Charles Péguy, dans Le mystère de la charité lui
prête ces paroles, alors qu’elle vient de donner tout son déjeuner à deux jeunes orphelins
marchant sur la route : « Les voilà repartis sur la route affameuse. Dans la poussière, dans la boue, dans
la faim. Dans l’avenir, dans la détresse, dans l’anxiété de l’avenir. Qui leur donnera, mon Dieu, qui leur
donnera le pain de chaque jour. (…) Qu’importent nos efforts d’un jour ? qu’importent nos charités ? Je
ne peux pourtant pas donner toujours. Je ne peux pas donner tout. Je ne peux pas donner à tout le
monde.(…) La guerre est plus forte à faire la souffrance. Ah ! maudite soit-elle ! et maudits ceux qui l’ont
apportée sur la terre de France. »
Devant les ravages provoqués par la guerre, elle s’identifie à son peuple assiégé, et supplie Dieu
de l’exaucer pour délivrer le Mont Saint-Michel. Le même jour, dans la soirée, son amie Hauviette
vient annoncer à Jeanne que le Mont Saint Michel est sauvé. Jeannette voit sa prière exaucée :
« Mon Dieu, vous nous avez cette fois exaucées ; Aux Anglais outrageux. Mon Dieu, donnez-le
(…) Vous nous avez montré mieux que par la nous.
parole O mon Dieu, donnez-nous enfin le chef de guerre,
Ce qu’il faut que l’on fasse après qu’on a prié : Vaillant comme un archange et qui sache prier,
Car les bons défenseurs de la montagne sainte, Pareil aux chevaliers qui sur le Mont naguère
Après avoir prié tous les matins là-bas, Terrassaient les Anglais.
Partaient pour la bataille où sans trêve, et sans Qu’il soit chef de bataille et chef de la prière.
plainte, Mais qu’il ne sauve pas seulement telle place
Ils restaient tout le jour, capitaine et soldats. En laissant aux Anglais le restant du pays :
Voilà ce qu’il nous faut : c’est un chef de bataille Dieu de la France, envoyez-nous un chef qui
Qui fasse le matin sa prière à genoux chasse
Comme eux, avant d’aller frapper la bataille De toute France les Anglais bien assaillis.»

Les Voix et son départ

En 1425, Jeanne a 13 ans lorsqu’elle entend «


ses voix » pour la première fois. Il est midi, elle
se trouve dans le jardin familial, tout près de
l’église. Surprise, étonnée, elle garde pour elle
ce qui lui arrive et continue à vivre
normalement, mais ce qu’elle entend
régulièrement fait son chemin en elle. Ses voix
reviennent en effet à plusieurs reprises, et pas
seulement dans ce jardin : elle les entend aussi lorsqu’elle va danser et chanter avec les jeunes
gens du village sous « l’arbre de mai » ou lorsqu’elle garde le bétail. « La première fois, j’eu grand
peur. La voix vint à midi ; c’était l’été, au fond du jardin de mon père… après l’avoir entendue trois fois, je
compris que c’était la voix d’un ange… Elle était belle, douce et humble ; et elle me racontait la grande pitié
qui était au royaume de France… Je dis que j’étais une pauvre fille qui ne savait ni aller à cheval ni faire la
guerre… Mais la voix disait : ‘Va, fille de Dieu’ »2

En 1428, cela fait maintenant trois ans que Jeannette entend et voit saint Michel, sainte Marguerite
d’Antioche et sainte Catherine d’Alexandrie lui dire que la France, au plus mal, a besoin d’elle
pour la sauver. Un matin, après avoir appris la nouvelle du siège d’Orléans, elle décide de partir.
« Mon Dieu, Vous m’avez commandé d’aller dans la bataille :
Pardonnez-moi d’avoir attendu si longtemps j’irai.
Avant de décider ; mais puisque les Anglais Vous m’avez commandé de sauver la France pour
Ont décidé d’aller à l’assaut d’Orléans, monsieur le dauphin : j’y tâcherai.
Je sens qu’il est grand temps que je décide aussi ; Je vous promets que je vous obéirai jusqu’au
Moi, Jeanne, je décide que je vous obéirai. bout : Je le veux. Je sais ce que je dis.
Moi, Jeanne, qui suis votre servante, à vous, qui Quoi qu’il m’arrive à présent, je vous promets que
êtes mon maître, en ce moment-ci je déclare que je je vais commencer et que je vous obéirai jusqu’au
vous obéirai. bout : je l’ai voulu. Je sais ce que j’ai fait. »

2
Minutes du Procès de Jeanne d’Arc
Pour Jeanne, sa mission est simple. Elle l’explique à son oncle à qui elle demande de la conduire
au messire de Baudricourt qui pourra lui fournir l’escorte dont elle a besoin pour aller trouver le
roi. Péguy le raconte ainsi : « Mon oncle, ça n’est pas difficile à comprendre : Le royaume de France
n’appartient à personne qu’à Dieu ; mais Dieu ne veut pas le gouverner lui-même : il veut seulement le
surveiller ; c’est pour cela qu’il en a donné le gouvernement à ses serviteurs les rois de France ; depuis que
le bon roi Charles est mort, c’est à son garçon, monsieur le dauphin, que revient la France pour la
gouverner ; les Anglais veulent s’en emparer quand même ; le bon Dieu ne veut pas les laisser faire ; et c’est
pour les en empêcher qu’il veut que j’aille à monsieur le dauphin. C’est bien simple. » Elle se rend à
quelques lieues de là, sur la route de Vaucouleurs (Meuse). Un de ses cousins y habite. Elle
compte sur lui pour l’emmener à la rencontre du Sire Robert de Baudricourt, capitaine de
Vaucouleurs, comme ses voix l'y invitent depuis quelques semaines. Ce dernier doit lui fournir
un cheval et des hommes mais quand il voit arriver Jeanne, Baudricourt la prend pour une folle
et la renvoie dans son village. L’année suivante, Jeanne n’y tient plus. Il faut à tout prix qu’elle
parte et lève une armée pour « bouter les Anglais hors de France ». Elle prétexte une naissance
prochaine chez une de ses cousines pour partir de la maison familiale et se rapprocher de
Vaucouleurs. De nouveau, elle va à la rencontre de Baudricourt qui, cette fois, l’entend, la croit et
lui donne finalement un cheval et des hommes pour l’accompagner. Nous sommes en février 1429
et l’épopée de Jeanne d’Arc commence.

Rien ne la prédestinait à être chef de guerre ; elle ne


disposait a priori d’aucune des qualités ou compétences
requises pour la mission qui lui était confiée : libérer la
France des Anglais, par la force. Qu’est-ce qui
caractérise Jeanne ? Si l’on contemple sa vie, on y note
un trait marquant, une constante, une ligne conductrice,
qui en fait une vie fulgurante, sans détours : son
obéissance. Une obéissance radicale qui la conduit à
accomplir sa mission, une obéissance qui participe de
celle du Fils de Dieu, jusqu’au don de sa vie. Jeanne a
vécu cette obéissance exceptionnelle qui « n’est pas une disposition parmi d’autres, mais qui est
première et fondatrice à l’égard de toute autre posture humaine vis-à-vis de Dieu [ …] et qui précède même
les vertus théologales. » 3 Il fallait quelqu’un qui soit prêt, au moment décisif, et à chaque instant, à
dire oui. Une personne qui soit prête à obéir pour tout, à obéir à la lettre, prête à se laisser guider
pas à pas, à commettre des folies, comme celle de traverser la France occupée pour aller trouver
le Dauphin, prête à se faire montrer du doigt en enfreignant les règles de la bienséance en revêtant
des habits d’homme, ou à guider une troupe de soldats alors qu’elle ne connaît pas l’art de la
guerre… Une femme prête à se lancer la première dans une bataille avec pour seule arme un
simple étendard portant l’inscription « Jhesus Maria », capable d’avoir les yeux tellement fixés sur
Dieu qu’elle en oublierait ses propres capacités/incapacités pour la mission, mais qu’elle s’en
remettrait totalement à Celui qui lui avait confiée. Ce fût Jeanne. Du premier appel de Jeanne,
Adrienne Von Speyr dit « qu’elle a dit oui de tout son être et voulait obéir totalement » . Elle incarne
la personne disponible, réquisitionnée par le Ciel : « La disponibilité à obéir à la Parole divine exige
une purification intérieure parfaite, un vide, une disponibilité sans réserves à tout ce que la Parole peut
susciter et ordonner. Au moment de la décision, il s’agit de laisser tout ce qui est propre même au risque de
voir s’évanouir toute sa personnalité : c’est un autre monde qui nous requiert. »

3
Pascal IDE, « L’amour comme obéissance dans la Trilogie de Hans Urs von Balthasar », Annales Theologici, 22 (2008), p. 35-77
Si les saints vivent tous l’obéissance, certains d’entre eux incarnent de manière plus particulière
encore, lumineuse, une obéissance d’amour qui renvoie à celle du Fils envers Son Père. De fait,
toute obéissance chrétienne est insérée dans l’obéissance du Fils, et « le fondement ultime de
l’obéissance est l’amour car le modèle de toute obéissance est la relation entre le Père et le Fils »
Jeanne, quant à elle, rend manifeste cette grande obéissance, héroïque humainement. Elle est
toujours suspendue à ce que lui disent ses Voix, sans appui humain, contrainte de se laisser
conduire, d’avancer sans filet, sans pouvoir se raccrocher à aucune certitude sinon celle qu’elle
doit suivre : elle reçoit sa mission instant après instant. Elle attend l’ordre de ses voix pour lancer
la bataille, obéit quand elle reçoit sa prochaine destination, consulte ses Voix avant de répondre
aux questions des juges lors de son procès… Chez Jeanne, pas de plan prévu à l’avance : Dieu
commande, elle obéit, et s’impatiente quand les armées ne sont pas aussi promptes qu’elle à se
mettre en route.

La rencontre avec le dauphin et Jeanne d’Arc « chef de bataille »

En mars 1429, elle arrive à Chinon et rencontre le «


gentil dauphin » Charles. Elle ne l’a jamais vu et il
se cache dans la foule des courtisans, après avoir
placé un autre sur le trône, mais Jeanne ne se laisse
pas prendre et elle vient s’agenouiller aux pieds de
Charles, qui en est très surpris. Elle lui fait part du
dessein annoncé par ses voix. Charles la croit et il
lui confie le rôle de « chef des armées ». Mais
Jeanne n’est ni guerrière ni soldat. Son épée
marquée de cinq croix, que ses voix lui ont fait
trouver en creusant derrière l’autel de l’église Sainte Catherine de Fierbois et que la tradition
attribue à Charles Martel, reste le plus souvent au fourreau : elle préfère brandir sa bannière,
brodée aux noms de Jésus et Marie, pour galvaniser les troupes plutôt que d’attaquer elle-même
les adversaires.

Comment des milliers d’hommes ont-ils pu se ranger aussi soudainement derrière la bannière de
Jeanne ? Celle qui est instruite par la cour céleste pendant 3 ans dans le village de son père, vit en
lien direct avec l’Eglise triomphante, réalité
permanente où les anges et les saints sont invités à
contribuer, sous les ordres du Christ, à la réalisation du
plan divin. Forte de cette certitude et confiante dans
l’origine des ordres, Jeanne est naturellement pourvue
d’une autorité puissante.
Cette autorité, loin d’être despotique, est ancrée dans le
souci des âmes : sous les ordres de Jeanne chacun
apprend qu’il se bat pour la victoire finale contre
l’Anglais tout autant que pour le salut de son âme.
Finalement, rencontrer Jeanne équivaut à faire le point
sur son âme et sur les comptes à rendre à son Créateur,
perspective extrêmement concrète en temps de guerre. La discussion suivante rapportée par Jean
de Metz – écuyer de Beaudricourt, celui même qui fournira à Jeanne les vêtements d’homme qui
la condamneront – est fascinante. En quatre phrases ce chevalier pieux et clairvoyant se soumet
à l’autorité de Jeanne, une paysanne de la Meuse d’à peine 16 ans :
« – Ma mie que faites-vous ici ? Ne faut-il pas que le roi soit jeté hors du royaume et que nous soyons
anglais ?
Et la pucelle me répondit :
– Je suis venu ici à chambre de roi (place forte de Vaucouleurs), pour parler à Robert Baudricourt, pour
qu’il veuille me conduire ou me faire conduire au roi ; mais il ne fait pas attention à moi, ni à mes paroles ;
et pourtant, avant que ce soit la mi-carême, il faut que je sois auprès du roi, dussé-je m’y user les pieds
jusqu’aux genoux. Il n’y a en effet personne au monde, ni rois, ni ducs, ni fille du roi d’Ecosse ??? ou autres,
qui puisse recouvrer le royaume de France, et il n’aura secours si ce n’est de moi ; bien que j’eusse bien
préféré filer auprès de ma pauvre mère, car ce n’est pas mon état, mais il faut que j’aille et que je fasse cela,
car mon Seigneur veut que j’agisse ainsi.
Je lui ai demandé qui était son seigneur. Et elle me dit que c’était Dieu. Et alors moi Jean, qui témoigne ici,
j’ai promis à la pucelle, mettant ma main dans la sienne en geste de foi, que, Dieu aidant, je la conduirais
vers le roi.»

Convaincu, Charles a cependant la prudence de faire examiner Jeanne par des théologiens de
l’Université de Poitiers, pour donner un jugement sur sa foi et sa santé. Le bon sens de Jeanne y
fait immédiatement sensation. « En quelle langue parlent vos Voix? demanda l'un des frères -
Meilleure que la vôtre, répliqua-t-elle. -Croyez-vous en Dieu? -Mieux que vous. » Des matrones
vérifient même sa virginité. Charles lui donna une armure, une garde de quelques hommes, et
l'autorisa à se joindre au dernier convoi destiné à secourir Orléans. Jeanne fit faire un étendard
timbré de la fleur de lis et des mots Jhesus Maria. De tous les autres chefs de guerre, rudes et
parfois cruels, il n'en est pas un qui ose s'opposer à la jeune fille, tous ont cœur de lui obéir. Les
hommes ne jurent plus, elle renvoie les prostituées qui s'attachent d'ordinaire au convoi.Le 8 mai
de la même année, Jeanne délivre Orléans du joug des Anglais. Ses voix l’aident et la conseillent
en cette bataille décisive qui est finalement gagnée rapidement,
contre toute attente. Dès lors, délaissant Paris et les objectifs
militaires naturels, Jeanne ne pense plus qu’au sacre du roi, car
c’est « le plaisir de Dieu ». Charles VII sera couronné à Reims dès
le 17 juillet. Jeanne réussit ainsi la première et la plus
fondamentale partie de sa mission, car cette onction du Ciel
change tout. Obtenir le couronnement de Charles VII n’est pas
d’abord un acte politique sinon mystique car elle a conscience que
c’est redonner à la monarchie sa dimension organique comme ce
qui alimente l’âme du peuple, lui redonne son unité et
souveraineté. Elle ne se bat pas pour défendre une idée politique,
mais pour redonner vie à un corps et à son âme, celui de son
peuple, de sa patrie, du Royaume de France. L’onction reçue par
le roi, la même que celle qui marqua Clovis mille ans auparavant est la marque de la disponibilité
de la France pour Dieu. Le sacre oint ce fils de l'Eglise du Saint-Esprit pour l'aider à accomplir sa
mission sur terre de lieutenant de Dieu, gardien de la Loi divine et de l’alliance avec l'Eglise.

Par la suite, Jeanne essuie plusieurs échecs, principalement causés par la lenteur du roi et des
capitaines d’armée à suivre ses conseils et décisions.

Sa « passion »

À Compiègne, Jeanne est abandonnée par Charles VII, faite prisonnière par les Bourguignons le
23 mai 1430 qui la vendent ensuite aux Anglais. De février à mai de l’année suivante, c’est la
période de son procès à Rouen devant un tribunal ecclésiastique de 40 membres présidé par
Pierre Cauchon, évêque de Beauvais. Jeanne est malmenée par ses accusateurs, et on lui reproche
de porter des habits d’homme. Accusée finalement d’être relapse, hérétique, apostat et subissant
70 chefs d’accusation, Jeanne est condamnée au bûcher. Durant sa détention, elle ne peut ni
assister à la messe, ni communier mais le matin de son exécution, elle y est enfin autorisée : elle
se confesse, assiste à la messe et communie une dernière fois.

Sur la place du vieux marché de Rouen, le matin du 30 mai 1431, est


dressé son bûcher. Jeanne vit ici ses derniers instants en clamant le nom
de « Jésus » à plusieurs reprises.
« La passion de Jeanne reproduit en plusieurs traits celle de Jésus-Christ »
nous dit Jean Guitton dans Problème et mystère de Jeanne d’Arc. Pour
Jeanne comme pour le Christ, on note une enfance simple et laborieuse,
un appel à la vie publique assortie de quelques faits extraordinaires et
d’une forme de succès, puis une opposition croissante, un délaissement
de ceux qui les suivaient, la montée de la jalousie et de la peur des
puissants, l’abandon de ses amis… Jeanne est livrée aux anglais à prix
d’argent par les Bourguignons, comme le Christ est livré par Judas ;
tous deux subissent un procès régulier mais partisan. Leur vie s’achève
par une agonie, une déréliction, et enfin, une mort violente et précipitée
qui prend la forme d’un sacrifice. Ils subissent la mort infamante de l’hérétique pour elle, et des
grands brigands pour Lui. Le cœur du Christ est transpercé par la lance du centurion qui se
convertit, celui de Jeanne est ramassé intact dans les cendres par son bourreau. « En devenant
ainsi totalement obéissante, elle détourne le regard de Dieu de la désobéissance des autres. Elle
expie la faute de ceux qui la brûlent. » nous dit Adrienne von Speyr. Sa mission est de sauver la
France des Anglais, mais plus profondément encore, sa mission d’obéissance la conduit à sauver
l’âme et l’honneur de la France, en offrant sa vie, à la suite du Christ, pour son pays, pour ceux
qu’elle aime (son roi) comme pour ses ennemis, Anglais et Bourguignons, et pour les gens
d’Eglise qui l’ont tant fait souffrir. Une mission beaucoup plus vaste, plus profonde que ce qu’elle
aurait pu imaginer. A la suite de Christ, elle est conduite à prendre en charge le péché des autres.

En 1456, Jeanne est réhabilitée suite au procès lancé par sa mère. En 1869, sa cause de béatification
est introduite par Mgr Dupanloud, évêque d’Orléans. En 1909 elle est déclarée bienheureuse, et
onze ans plus tard, en 1920, elle accède à la sainteté, près de 500 ans après sa mort. Sa fête est fixée
à la date de son martyre, le 30 mai. En 1922, enfin, la France décide de faire solennellement de
Jeanne d’Arc, « la sainte de la Patrie », sa patronne secondaire.

L’Eglise au XVe siècle

La fin du grand Schisme

Nous avons étudié le mois dernier le grand Schisme d’Occident, et vu qu’il s’était terminé avec
le concile de Constance, en 1414, qui déposa deux papes. Le troisième démissionna et un nouveau
pape, Martin V, fut régulièrement élu, auquel se rallia toute la chrétienté. Le schisme était terminé,
mais il eut deux graves conséquences : le développement des hérésies et la crise conciliaire.

Les hérésies les plus importantes furent celles de Wyclif en Angleterre et Jean Huss en Bohême.
Dans ces deux pays elles s’accompagnèrent d’un violent mouvement national dirigé contre la
papauté. Elles cherchent à exploiter, en le détournant, le désir de réforme qui existe dans l’âme
fidèle, et y ajoutent des notions dogmatiques empruntées aux courants du temps. Wyclif se dressa
avec violence contre les abus de l’Eglise et la dépravation du clergé, tout attaché selon lui aux
biens de la terre. D’autre part il exploitait habilement le courant nationaliste qui animait alors son
pays et le rendait plus ou moins hostile au gouvernement pontifical, surtout depuis que les papes
étaient installés en Avignon. Ses critiques se firent radicales. Pour lui, l’Eglise n’était pas le pape,
les évêques, les croyants de son époque, mais l’assemblée des élus, des hommes que Dieu sauve,
et eux seuls. A l’Eglise établie dans ses institutions, sa hiérarchie, il oppose une société invisible,
transcendante. Du pape au dernier curé, comme personne n’est sûr d’être sauvé, personne n’est
non plus sûr de son autorité. Les prédestinés eux en revanche jouissent d’un sacerdoce surnaturel,
ils sont immédiatement en contact avec Dieu. Il va jusqu’à qualifier le pape « d’homme du péché ».
Il publie un traité sur l’Eucharistie où il attaque la transsubstantiation.
Au XVe siècle, ses théories passèrent en Bohême. Elles y furent d’autant mieux accueillies que les
Tchèques, Slaves, étaient indignés de voir les papes nommer en Bohême des évêques et des abbés
allemands. Le mécontentement s’incarna dans un prêtre tchèque, Jean Huss. Aux thèses de Wyclif
il ajouta que le chrétien doit appuyer sa foi sur la seule Parole de Dieu, sur l’Écriture Sainte, que
la Tradition n’était qu’un mot. Il rejette la confession, la confirmation et l’extrême onction,
condamne le culte des saints, refuse les indulgences et enseigne la prédestination. Il finit par être
arrêté, condamné comme hérétique et brûlé vif en 1415. Ses partisans se soulevèrent alors,
l’archevêque de Prague fut assiégé et contraint à la fuite, l’hôtel de ville fut envahi et plusieurs
conseillers catholiques défenestrés. Avec cette défenestration de Prague (1419) commença une
terrible guerre, à la fois religieuse et nationale, la guerre des Hussites, qui ravagea pendant vingt
ans la Bohême et l’Allemagne (1419-1436).
Ces remises en cause de l’Eglise nourriront un siècle plus tard la Réforme protestante : au
frontispice d’un livre de chant hussite du XVIe siècle, on verra une gravure symbolique : Wyclif
allume un briquet, Jean Huss porte du combustible, mais c’est Luther qui brandit la torche.

L’autre conséquence du schisme fut la « crise conciliaire » : ce terme désigne des tensions qui
surviennent de 1414 à 1449 à la fin du grand schisme d’Occident et la remise en cause l'autorité
du Pape sur les conciles. Après le schisme, les « conciliaristes » soutenaient que le pape ne devait
avoir qu’une autorité limitée dans l’Eglise, et que, dans les cas graves, il devait consulter le
concile : c’était en effet grâce au concile de Constance que le schisme avait pu être résolu. Le décret
Frequens qui y fut institué déclarait le concile comme autorité normale et régulière dans l’Eglise,
fixait sa périodicité (cinq ans d’abord, puis sept et dix), en somme ne laissait plus au Pape que le
rôle de premier ministre élu par un Parlement qui le contrôlerait. Les tenants du conciliarisme
ajoutaient que le pape n’avait pas à se mêler des élections épiscopales, qu’il devait laisser
beaucoup plus d’initiative et de liberté aux évêques dans leurs diocèses.
Le concile suivant fut décisif pour le futur de la « direction » de l’Eglise : ce fut le long et
rebondissant concile de « Bâle-Ferrare-Florence-Rome », qui commença à Bâle en 1431, l’année de
la mort de Jeanne d’Arc, sous le pontificat d’Eugène IV. Le 14 décembre 1431, le concile s’affirme
supérieur au pape et confirme le décret Frequens rendu à Constance. Eugène IV, prétextant une
faible participation, dissout le concile de Bâle et le transfère à Bologne, mais appuyé par
l'empereur Sigismond, le concile continue à siéger, dans un état d’esprit d’opposition au pape. Le
roi de France Charles VII appuyait le concile. Le 29 avril 1432, les pères du concile somment le
pape de révoquer la bulle de dissolution, et devant son refus ouvrent un procès contre lui.
Pendant 5 ans les confrontations continuent.
En 1437, le pape, arguant de la nécessité de tenir un concile d’union avec les orthodoxes, transfère
le concile de Bâle à Ferrare. Le 8 janvier 1438 s'ouvre le concile de Ferrare, qui déclare nulles toutes
les décisions prises par le concile de Bâle. Celui-ci suspend le pape et prend en main le
gouvernement de l’Église le 24 janvier. Eugène IV excommunie les pères du concile de Bâle le 15
février. Ceux-ci répliquent le 25 juin 1439 et déclarent hérétique Eugène IV, le déposent, et
désignent un nouveau pape qui prend le nom de Félix V. Les pères du concile de Bâle se séparent
en 1443, prévoyant la tenue d'un nouveau concile général à Lyon dans trois ans. Le noyau dur
des prélats schismatiques reste à Bâle. L'antipape ne recrute que peu d'adhérents. L'antipape,
devant l'insistance de la France, finit par abdiquer le 7 avril 1449 et les partisans du conciliarisme
arrêtent pour la plupart leur lutte.

Une variante de cette théorie conciliariste reçut le nom de « gallicanisme », c’est-à-dire « théorie
française », car elle fut surtout soutenue par les théologiens de l’Université de Paris et par les
évêques français. Charles VII lui donna même force de loi : il publia un règlement en vertu duquel
les pouvoirs du Saint-Siège sur le clergé français étaient considérablement diminués. Ce fut la
Pragmatique Sanction de Bourges, en 1438. On mit en pratique les recommandations des Pères du
concile de Bâle, les élections des évêques furent confiées aux chapitres cathédraux, celles des
Abbés aux moines. Quant à l’appel à la juridiction apostolique, il ne fut admis que si tous les
tribunaux intermédiaires français avaient été consultés. Eugène IV et ses successeurs refusèrent
constamment d’approuver cet acte fait en dehors d’eux. Mais l’Eglise française garda pendant de
nombreux siècles sa prétention de s’administrer elle-même, et le roi revendiqua le droit de
contrôle sur l’Eglise nationale. La crise conciliaire connaîtra un ultime rebondissement lors de la
convocation en 1511 d'un concile à Pise par le roi Louis XII de France, qui rassemble
essentiellement des évêques français et opte pour un conciliarisme radical. En réaction, Jules II
convoquera le Ve concile du Latran, qui prononcera une condamnation officielle et catégorique
des théories conciliaires.
Dans l’ensemble de l’Eglise se vivait aussi cette crise d’autorité : les évêques n’étaient pas plus
obéis, dans bien des diocèses, que le pape. Dans les ordres religieux, dont nombreux s’étaient
scindés pendant le schisme, il y avait une fragmentation en groupes nationaux, plus ou moins
inféodés aux princes. Les grandes abbayes bénédictines, les couvents des prémontrés,
échappaient pratiquement à toute autorité centrale. Pendant trente ans, le chapitre général des
cisterciens ne put se réunir.

Au cœur de cette crise conciliaire eut lieu un événement important pour l’histoire de l’Eglise : le
5 juillet 1439, les prélats grecs et latins, en
présence du pape et de l’empereur byzantin,
signent lors du concile de Florence un décret
d’union qui marque la réconciliation des
Églises d’Orient et d’Occident. Si ce décret est
rapidement tombé en désuétude, il reste d’une
importance capitale dans l’histoire de l’Église.

Enée Sylvius Piccolomini fait acte de soumission


au pontife Eugène IV.
Lorsque le concile de Bâle commença, comme nous avons vu plus haut, l’empereur byzantin Jean
VIII Paléologue et le patriarche Joseph II de Constantinople manifestèrent le souhait d’un
rapprochement avec Rome. Les Grecs acceptèrent de se déplacer en Italie, à Ferrare, où le concile
s’était déplacé. Étaient présents le pape Eugène IV, plus de 70 prélats occidentaux, l’empereur
byzantin, le patriarche de Constantinople, les archevêques d’Éphèse, de Nicée et de Kiev, des
représentants des patriarches d’Alexandrie, d’Antioche et de Jérusalem, ainsi qu’un nombre
important de Pères abbés et de théologiens. Comme on le voit, les Grecs s’étaient déplacés en
grand nombre, prouvant ainsi l’importance que revêtait pour eux cet évènement. D’emblée le
sujet fut clair : l’objet en était l’union des Grecs et des Latins.
En janvier 1439, le concile fut transféré à Florence. Le principal point d’achoppement entre les
deux parties concernait la question dogmatique de la Procession de Saint-Esprit. Les Latins
affirment que l’Esprit Saint procède du Père et du Fils, ce qui est représenté par la formule filioque
dans le Credo, et ce que les Grecs rejettent, considérant qu’il est suffisant de dire que l’Esprit saint
procède du Père. Les discussions théologiques et patristiques sur ce sujet furent particulièrement
épineuses. Les mois se passèrent sans qu’un accord ne semble possible. Plusieurs fois le concile
fut au bord de la rupture, mais la ténacité du Pape et de l’empereur permit de toujours maintenir
un lien diplomatique entre les Pères. De guerre lasse, le pape prononça devant l’assemblée
conciliaire un discours d’une grande sincérité, soulignant l’importance, pour des hommes de
Dieu tous inspirés par l’Esprit Saint, de réaliser cette union de foi. Pour la première fois, l’élan du
cœur et de la prière prit le pas sur des discussions parfois bien stériles et arides ; les Grecs furent
touchés par cet argument, d’autant plus que le patriarche Joseph, mourant, affirma sa volonté de
rejoindre l’Église de Rome. Les Grecs acceptèrent alors le dogme défini par l’utilisation de
l’expression filioque. À partir de là, les discussions sur les autres différends furent nettement plus
rapides et détendues. Entamés le 11 juin 1439, ces débats concernaient principalement la primauté
du pape comme chef de l’Église.
Finalement, le Décret d’Union des Églises fut signé le 5 juillet 1439 par le pape, l’empereur, et
presque tous les Pères présents au concile (seuls deux prélats grecs le refusèrent). Ce décret se
présente comme une déclaration de foi rédigée en latin et en grec. Il proclame que « le mur qui
séparait Église occidentale et Église orientale est tombé, la paix et la concorde sont de retour. » La
bulle papale Laetentur coeli (« Que les cieux se réjouissent ») présente le résultat des discussions
et l’accord historique entre Grecs et Latins. Il y est défini que le Saint-Esprit procède du Père et
du Fils comme d’une seule cause et que le mot filioque est légitime. D’autre part, le Pontife romain
est désigné comme le successeur de Pierre et chef de l’Église, « possédant le pouvoir plénier
attaché à cette fonction ». C’est d’ailleurs depuis ce décret d’union que la formule « vicaire du
Christ » s’impose de manière durable.
On a souvent accusé les Grecs d’avoir davantage recherché une aide politique qu’un accord
doctrinal, en raison des menaces que les Ottomans faisaient peser sur l’empire byzantin. Certes,
l’insécurité grandissante dans laquelle se trouvait l’empire leur faisait aussi espérer un soutien
matériel de la part de l’Occident. Cependant, une très grande partie du haut clergé grec désirait
ardemment le dialogue, et il serait réducteur, injuste et même erroné de dénier aux protagonistes
de ce concile un sincère désir de réconciliation. On constate d’ailleurs que, malgré les
incompréhensions et les tensions, les Grecs ne peuvent se résoudre à quitter la terre italienne et
restent jusqu’à ce que l’accord soit trouvé. Un vrai travail de l’Esprit Saint, selon toute apparence.
Pourquoi ce décret d’union tomba-t-il si rapidement en déshérence ? Plusieurs éléments viennent
expliquer cet état de fait. De retour dans l’empire en février 1440, les Pères grecs n’ont pas tous
eu la force de faire accepter cette union à un clergé local qui avait développé une forte répulsion
à l’égard des Latins. D’autre part, l’invasion de l’empire byzantin en 1453 par les Ottomans
détourna les priorités de l’Église grecque vers un sujet plus immédiat et plus urgent : la
sauvegarde de la foi chrétienne dans un monde devenu hostile. Enfin, l’absence de réaction de
l’Occident face à cette invasion alimenta une durable rancoeur. Cependant, le chemin était tracé
pour d’autres bulles d’union et, durant les années 1440, des accords furent signés avec les
Arméniens, les Coptes, les Chaldéens, les Syriens et les Maronites.
La Première Renaissance
La Renaissance ! A seulement prononcer les syllabes de ce mot, des images multiples affluent à
la mémoire. En haut de l’échafaud dressé dans la chapelle Sixtine, Michel-Ange, travaillant
étendu tout le jour, et quand le pinceau s’attarde dans sa main lasse, un pape impérieux le somme
de continuer. Dans les jardins de sa villa, Laurent le Magnifique, prince des Mécènes, écoute
l’Académie que fonda son père Côme poursuivre avec Platon de savants dialogues. Partout
l’esprit humain crépite d’intelligence et de génie ; le talent immense de trois générations d’artistes
prépare à l’avenir un trésor qui ne s’épuisera point. Un songe d’or enveloppe l’Italie, fait de luxe
et de gloire, de passion créatrice et de beauté. Il est courant de choisir l'époque de Pétrarque pour
voir les prémices de ce mouvement, soit les années 1330. Pétrarque voyait les siècles précédents
comme un âge des ténèbres, qu'il opposait à l'ère lumineuse de l'Antiquité classique. Dans son
poème Africa, il espérait que « lorsque les ténèbres se dissiperont, les générations à venir
réussiront à trouver le chemin du retour à la claire splendeur du passé antique ». En réalité,
l'Antiquité était loin d'être inconnue au Moyen Âge, comme nous l’avons vu lors de nos
précédentes rencontres : toute une partie de la culture antique était conservée dès le haut Moyen
Âge grâce à Boèce, Isidore de Séville, ou Bède le Vénérable ; Platon était déjà connu à la cour de
Charlemagne ; l'essentiel des œuvres d'Aristote ainsi qu'un grand nombre d'œuvres d'autres
auteurs grecs étaient déjà traduites au XIIe siècle en latin, au cours de ce que l'on appelle la
Renaissance du XIIe siècle. Les textes qui ont été sauvés de l'Antiquité l'ont été, pour ce qui est
des auteurs latins, par les copistes médiévaux dans les monastères.
Au XVe siècle, la Renaissance s'intensifie en Italie : les historiens de l'art parlent de Première
Renaissance ou Quattrocento. De cette première Renaissance, la grande ville fut Florence, et les
grands artistes Brunelleschi, Alberti, ou encore le grand Fra Angelico. C'est au cours de ce siècle
que la chute de l'Empire byzantin (1453) provoque l'afflux de savants byzantins dans la péninsule
italienne, menant à un apport plus grand encore des textes grecs. Le tableau de lumière comporte
cependant de grands pans d’ombre. Ce n’est pas sans raison qu'à Florence épouvantée la voix de
Savonarole annonce l’inéluctable châtiment. Car dans cette grande activité intellectuelle et
artistique, le sang est souvent répandu, et la vie peu vertueuse. Cruelle politique que celle dont
Machiavel, d’un œil froid, considère le jeu : une papauté casquée la pratique aussi bien que les
tyrans. L’horreur se mêle au beau, images contradictoires et pourtant indissociables. Si le siècle
abonde en personnalités hors-série, chez qui rien n’est médiocre, vertus, talents ni vices, c’est bien
parce qu’il est un siècle de fermentation prodigieuse, où une nouvelle conception de l’homme et
du monde cherche à naître, où tout est remis en question. C’est donc réduire le contenu historique
de la Renaissance que de la définir comme un simple retour à l’étude des lettres antiques et une
redécouverte de l’art gréco-romain.
Devant ce phénomène, qu’allait faire l’Eglise ? Tâcherait-elle de s’opposer à ce courant de pensée,
à cette poussée de sève, ou, au contraire, tenterait elle d’imprimer la marque du Christ sur cette
naissante civilisation ? Entre les vérités immuables dont elle avait la garde et les données
nouvelles du monde réussirait-elle à opérer une synthèse ?

Un pontificat tournant : Nicolas V (1447 – 1455)

Lorsque Nicolas V monte sur le siège de saint Pierre, la crise conciliaire est finie. La France du roi
Charles VII avait solennellement regagné le giron de l’Eglise romaine. Nicolas V se trouva amené
à être pape italien au moins autant que pontife universel. Le Sacré Collège était composé d’un
nombre croissant de cardinaux italiens, et nous avons vu plus haut quelle mosaïque était le
royaume d’Italie. Le pape considérait comme un de ses premiers devoirs de sauvegarder
l’indépendance de sa ville et de ses Etats dans une situation inquiétante. Nicolas V se dit aussi
que la papauté pourrait constituer l’élément ordonnateur qui manquait si cruellement à la
péninsule : cela passa dans son esprit par la splendeur de Rome. A Florence, où il avait vécu, il
avait été en contact avec l’élite du mouvement littéraire et artistique, et il s’était passionné pour
lui. Devenu pape, il voulut que Rome, capitale de la foi éclairée par l’Esprit-Saint, soit aussi
capitale de l’esprit qui guide l’art et l’intelligence. Cette ville qu’il avait trouvée en ruine
deviendrait la plus belle du monde et le centre de culture le plus vivant du temps ! Il se mit donc
en devoir d’y appeler les artistes, et avec l’aide du génial Alberti conçut de faire du Vatican, de la
Cité Léonine et de Saint-Pierre un ensemble architectural qui n’eût pas ailleurs de rival. Les
peintres les meilleurs, Fra Angelico en tête, en couvriraient de chefs-d’oeuvre les surfaces. Quant
à la basilique sous laquelle dormait le Prince des Apôtres, elle dépasserait en magnificence tout
ce qu’on pourrait voir sur terre : pour lui faire place, on n’hésiterait pas à décider la ruine de la
vénérable constantinienne, manière de sacrilège qui devait, plus tard, être fort critiqué. Ami des
lettres autant que des arts, Nicolas V entreprit de rassembler les manuscrits précieux et les livres
rares qui allaient constituer la Bibliothèque Vaticane. Ainsi Nicolas V fut il le premier « pape de
la Renaissance », le premier successeur de Pierre qui eût l’idée de faire servir à la gloire de Dieu
et de son Eglise l’élan créateur qui soulevait alors l’Italie. Cette belle et grande idée était-elle sans
danger ? Tant s’occuper d’érudition et d’architecture, n’était-ce pas courir le risque de négliger
des intérêts plus sérieux ?

Car au fur et à mesure que les années passaient, on continuait à construire beaucoup pour Dieu,
mais non pour Lui seul comme jadis. L’art, au moins autant qu’à louer Dieu, visait à flatter
l’homme dans son individualisme et son orgueil. Autant que des églises et peut être davantage,
on bâtissait des palais, dans ce beau style florentin. L’habitude s’imposait des tombeaux de plus
en plus grands et riches. L’art du portrait se développait. La contradiction, qui sera la loi de tout
le siècle, était grande. Tous ces maîtres qui travaillaient pour les églises et les couvents puisant
dans l’Ecriture tant de thèmes admirables qu’ils abordaient avec un évident respect, consacraient
aussi leurs talents à traiter de sujets païens. A l’exception du seul Fra Angelico, il n’est pas un
artiste de cette époque qui n’ait dans son œuvre des Cupidons, et autres Venus. A la fin de la
première période de la Renaissance, ce péril était discernable mais pas encore menaçant. Dans
l’ensemble, les préoccupations profanes n’avaient pas encore fait beaucoup de tort à l’inspiration
religieuse. Mais qu’adviendrait il si le courant païen l’emportait, dans l’inspiration, ou encore si,
poussé par l’orgueil, l’art tendait à devenir sa propre justification, sa raison d’être ?

L’humanisme

La question se posait de façon plus pressante encore sur un autre plan, celui du mouvement des
idées, qui constitue le deuxième pan de la Renaissance. On l’appelle humanisme, et ses origines
remontent au XIVe siècle, lorsque Dante avait choisi pour guide dans son mystérieux périple
Virgile, présenté comme l’archétype de la raison, et quand Pétrarque avait déclaré attacher plus
d’importance à la découverte d’un manuscrit ancien qu’à la prise d’une ville. Au seuil du
Quattrocento, cet intérêt pour les lettres antiques était devenu un engouement irrésistible. Il
n’était guère d’esprit soucieux de culture qui y échappa. A l’imitation de l’Antiquité, des
Académies s’étaient constituées où des hommes de culture et de goût se réunissaient pour
discuter art et littérature. Aux conciles, les secrétaires apostoliques chargés d’accompagner les
cardinaux avaient discuté entre eux de Plaute et de Térence autant au moins que de théologie et
de droit canon. Les grands humanistes furent nombreux : l’un des plus connus est Pic de la
Mirandole (1463 – 1494).
De cet énorme brassage de travaux et d’idées, que devait il sortir ? beaucoup de bien assurément,
ce fut un grand siècle où la grammaire, l’éloquence, la poésie, l’histoire furent tant à l’honneur,
où les langues antiques furent si bien pratiquées. La fièvre de connaissance qui travaillait ces
milieux trouvait dans l’humanisme des anciens le meilleur des encouragements, à l’image de ce
précepte de Térence « Je suis homme et rien de ce qui est humain ne m’est étranger ». Pénétrer au
cœur du mystère qu’est l’homme, mais aussi de celui qu’est le monde, qu’est la vie, étaient tâches
également nécessaires. Les méthodes de connaissance changeaient. Ce qui comptait désormais,
ce à quoi l’on se fiait, c’était l’observation, l’expérience, l’étude de la nature. L’esprit critique
prenait une importance croissante. Par ailleurs, l’homme tendait à devenir le centre unique
d’intérêt, la norme de tout, la mesure du monde. Le risque était évident de perte de sens : dans la
perspective chrétienne, ce n’est pas l’homme qui est premier, c’est Dieu. Certes, le christianisme
est bien, en un sens profond, un humanisme puisque le Christ s’est incarné. L’Eglise a toujours
reconnu la place de la raison, il suffit de lire les Pères de l’Eglise et saint Thomas d’Aquin pour
s’en convaincre. Mais le christianisme, s’il loue la nature, la soumet à la grâce ; s’il emploie la
raison, c’est ordonnée à la foi ; s’il exalte l’homme, c’est dans la mesure où il voit en lui une
ressemblance divine. Le danger était que l’orgueil prévalût et que l’homme, seul, naturel,
raisonnable, décidât de se passer de Dieu… Pic de la Mirandole fut l’un des rares à concevoir un
humanisme où la nature était exalté dans la beauté, l’intelligence, le génie, mais ne trouvait son
accomplissement que par la grâce ; très sagement il mettait en garde contre les excès mêmes où
cette nature pouvait porter l’homme, et recommandait l’ascèse ; il s’irritait même contre le culte
excessif des belles-lettres, qu’il eût voulu tourner vers Dieu. Erasme ou encore Thomas More
pensaient de la même façon. Ce n’était pas que, dans leur grande majorité, les humanistes fussent
écartés du christianisme : la plupart étaient croyants, ou en tout cas respectueux des dogmes et
des usages. Pétrarque disait ainsi « Plus j’entends parler contre la religion, plus j’aime le Christ et
me sens ferme en ma foi ». Seulement ils laissaient coexister au centre de leurs pensées un certain
paganisme dont ils ne se rendaient même pas compte qu’il était inconciliable avec la foi. Ils
trouvaient normal d’aller à la messe et d’avoir une lampe allumée devant le buste de Platon.

Pour opérer à nouveau la synthèse entre le christianisme et l’humanisme, il eût fallu un génie
capable de saisir d’un coup toutes les données du temps et de les coordonner avec la Révélation
chrétienne. Mais cet autre Thomas d’Aquin manqua et ce fut dans la confusion et l’incertitude
que l’Eglise s’avança sur ce terrain mouvant. De nombreuses universités continuaient à se fonder,
mais la vie universitaire se modifia profondément. D’une part elle perdit en partie son caractère
international. Chaque souverain voulut désormais posséder ses propres universités et interdire à
ses étudiants de fréquenter celles de l’étranger. D’autre part, elles ne conservèrent plus la large
autonomie dont elles jouissaient jusque-là : Charles VII plaça celle de Paris sous l’autorité du
Parlement. Enfin, la valeur de l’enseignement donné par les Universités baissa considérablement.
Et la théologie souffrait d’un autre phénomène : au XVe siècle, la mystique s’épanouit, mais
s’isole : devant les multiples épreuves vécues au XIVe et au début du XVe siècle, l’âme chrétienne
voit un seul recours : Dieu. Se donner tout entier à l’Unique, vivre exclusivement en Lui et pour
Lui, telle est la seule chance pour le fidèle. La mystique s’épanouit, mais change de caractère. A
la grande époque du Moyen-Âge, elle avait fait corps avec la vie et la pensée : un saint Bernard,
tout en gardant avec le divin ineffable un contact quotidien avait mené la prodigieuse existence
d’homme d’action que l’on sait ; dans les écoles et les universités on avait d’autre part cherché à
fondre en un tout la théologie avide de connaître Dieu et le désir de l’aimer, de le contempler ; et
les Ordres mendiants avaient glorieusement travaillé à cette synthèse, en les personnes de saint
Thomas d’Aquin et saint Bonaventure. A mesure que le mystique prend de l’élan, elle se séparera
de plus en plus de l’activité intellectuelle. Cet élan est parti de Maître Eckhart, lui succèdent Jean
Tauler, ou Henri Suso. Naît ensuite au milieu du XIVe siècle la devotio moderna, aux Pays-Bas au
départ. Qu’entend-on par là ? une façon de chercher la perfection, une technique spirituelle qui
repose sur la formation intérieure de l’être ; une mystique modeste, sans éclats ni phénomènes
exceptionnels, mais qui soumet l’homme tout entier à l’imitation du seul modèle, le Christ. Si elle
fait faire à la conscience d’immenses progrès dans l’analyse du cœur, la connaissance
psychologique, l’affinement des sentiments, c’est aussi au détriment du travail intellectuel, de la
théologie même. Cette vie en Dieu a été formulée, pour l’édification et l’admiration des siècles,
dans un petit livre inépuisable, l’Imitation de Jésus-Christ, une des œuvres majeures non seulement
de la vie chrétienne, mais de la littérature. Son auteur en reste ignoré. Publié vers 1400, cet
ouvrage eut une influence considérable sur toute la chrétienté. C’est par lui que le courant de la
devotio moderna préparera le croyant du temps de demain, moins communautaire que celui du
Moyen-Âge, mais plus intérieur. Toutefois, ce fossé creusé entre la théologie et la vie spirituelle
contribuera à préparer le divorce entre la religion et la raison dont souffrira le monde moderne.

Ainsi, alors que le Moyen-Âge était caractérisé par l’intime union de la foi et de la pensée - la
littérature, la philosophie, les sciences, tout y avait des bases religieuses – à partir de la seconde
moitié du XIVe, la rupture se consomme. L’intelligence va se vouloir autonome. Un climat
nouveau commence à s’établir, qui sera celui de la pensée moderne.

L’invention de l’imprimerie

L'une des inventions les plus importantes de l’histoire de l’humanité eut lieu en ce milieu de XVe
siècle. Alors que jusqu’au XIVe siècle on recopiait tous les manuscrits à la main, un premier
progrès avait constitué auparavant à graver un texte en relief sur une planche de bois : il suffisait
ensuite d’encrer les lettres et d’y appliquer une feuille de papier. Mais les lettres – ou caractères
– ne pouvaient pas servir pour un autre texte car elles n’étaient pas mobiles ; de plus elles
s’usaient très vite. La grande idée consista d’une part à faire des caractères mobiles et d’autre part
à les fondre en métal. Le nouveau procédé, auquel on travaillait aussi en Hollande et à Avignon,
fut mis au point vers 1450, par un Allemand de Mayence, Gutenberg, qui avait travaillé à
Strasbourg. Le premier livre imprimé fut une Bible. L’invention de l’imprimerie s’accompagna
d’une autre grande nouveauté : le papier de chiffon remplaça le parchemin. Utilisé par les Chinois
dès le 1e siècle avant notre ère, il se répandit en Perse, puis par l’intermédiaire des Arabes fut
introduit en Europe. Longtemps dédaigné à cause de sa fragilité, le papier l’emporta
définitivement au XVe siècle, grâce à sa légèreté, sa flexibilité et son faible coût de revient.
L’invention de l’imprimerie, simple progrès technique en apparence, est l’un des événements les
plus importants de toute l’Histoire, un de ceux qui ont révolutionné le monde. En créant un livre
moins onéreux et en le répandant, elle a rendu possible la diffusion de toutes les idées et de toutes
les connaissances humaines, au risque de se passer d’un transmetteur humain, d’une relation
directe.
La première édition imprimée de la Bible apparut en 1455. On imprimait aussi les classiques
romains (Cicéron...). L'Imago mundi du cardinal Pierre d'Ailly, qui fut écrit en 1410, fut imprimé
en 1483 et fut l'un des fondements de la connaissance géographique utilisée par Christophe
Colomb et les navigateurs pendant les grandes découvertes.
La diffusion de l'humanisme fut favorisée par des érudits qui se firent imprimeurs et des
imprimeurs qui s'intéressèrent à l'érudition. L'imprimerie permettait de lire les idées avec
détachement et esprit critique. En ce sens, elle a été un catalyseur des idées de la Réforme
protestante à partir du XVIe siècle. Le livre imprimé eut un impact considérable sur la première
diffusion de la Réforme, et réciproquement la Réforme stimula le développement de l'imprimerie.
Un essor économique et scientifique

Cette effervescence intellectuelle et artistique allait de pair avec un essor économique et


scientifique. L’Italie du Nord et la Toscane continuaient à exercer une véritable suprématie
commerciale et industrielle. Les Vénitiens allaient toujours chercher en Syrie et en Egypte les
épices de l’Extrême-Orient. Les Génois, chassés de la mer Noire par l’avance des Turcs,
participaient aux découvertes des Portugais, le long des côtes occidentales de l’Afrique.
Arrivaient alors sucre de canne de l’île de Madère et poivre du golfe de Guinée. De son côté,
Florence s’enrichissait par l’industrie des draps, à laquelle venait s’ajouter celle de la soie, et
surtout par la banque : elle avait pour clients tous les princes de l’Europe, et les papes.
Les produits de l’Orient, les somptueuses étoffes de Venise, les draps et les soieries de Florence
continuaient à être apportés en Flandre aux foires de Bruges. Mais on n’utilisait plus la route de
France par la Champagne, rendue trop incertaine par la guerre franco-anglaise. On passait par
Strasbourg ou Cologne, ou encore on passait par le Tyrol. Les villes de l’Allemagne du Sud-Ouest
et les villes rhénanes connurent au XVe siècle une extrême prospérité. A Bruges arrivaient
également, comme au XIIIe siècle, les produits des régions riveraines de la mer Baltique – goudron,
bois, poisson salé ou séché, blé, fourrures, cire, fer, cuivre – qu’apportaient les marchands
allemands, unis dans la Hanse germanique. Au XVe siècle, la Hanse groupait plus de soixante
villes de l’Allemagne du Nord et elle avait des comptoirs
en Pologne, en Russie, en Suède, en Norvège et à
Londres. Elle était un véritable Etat, avait ses impôts, ses
tribunaux, ses diplomates, sa flotte de guerre. En France,
Jacques Cœur, le grand argentier de Charles VII fut le
plus grand acteur du commerce avec le reste du monde.
Dans le domaine scientifique, nous avons vu déjà depuis
saint Albert le Grand et Guillaume d’Ockham, le
développement de la science expérimentale, dont les
prémices avaient été notables chez le pape de l’An Mil,
Sylvestre II. Au XVe siècle, nous constatons un grand
essor des sciences dans la géométrie et la mécanique, comme dans les sciences physiques et
naturelles. Les progrès de l’astronomie, de la géographie, de la cartographie, de l’art nautique
préparent ainsi les grands voyages maritimes des Espagnols, des Portugais et des Italiens. On
parvint à mesurer plus exactement le temps, et les premières horloges à poids apparurent. La
connaissance plus approfondie des lois de l’hydraulique permit la construction d’écluses et de
dragues. C’est au milieu du XVe siècle qu’on mît au point la caravelle, capable d’affronter les fortes
houles des océans.

Les papes de la fin du XVe siècle

A Nicolas V succéda Calixte III (1455-1458), le premier Borgia, un Espagnol, qui s’occupa
principalement de la contre-offensive contre les Turcs, à son appel saint Jean de Capistran entre
autres permit de sauver Belgrade en 1456. Il réhabilita aussi Jeanne d’Arc. Mais il fut l’un des
premiers à introduire le népotisme au Vatican : la Curie et les bureaux du Vatican se virent confier
à d’autres Borgia, et trois de ses neveux devinrent cardinaux, sans le mériter par leurs vertus.
L’un d’entre eux était Rodrigo Borgia, le futur pape Alexandre VI. A la mort de l’Espagnol fut élu
Pie II (1458-1464), humaniste lui-même, lié à toute l’élite intellectuelle du temps, et qui assuma
aussi les grands problèmes politiques du temps (empêcher Naples de mettre à feu l’Italie du Sud,
surveiller l’Allemagne, jouer au plus fin avec Louis XI pour que la Pragmatique Sanction cessa de
faire du roi de France le chef quasi absolu du clergé français). Il voulut reprendre l’idée d’une
croisade, unir toute la chrétienté contre le Turc, mais mourut avant d’avoir pu mener à bien ce
projet. Paul II (1464-1471) aimait aussi les arts, mais les tendances qu’il observait chez certains
humanistes l’inquiétaient. Car peu à peu, à l’humanisme chrétien s’opposait un humanisme païen,
désormais résolu. On vit apparaître une attitude intellectuelle que le Moyen-Âge avait totalement
ignorée : le scepticisme religieux. C’est la marque de la naissance du « monde moderne ». Ce
scepticisme allait désormais gagner du terrain. A la place de la foi chrétienne, certains humanistes
mettaient un idéal païen : la conception chrétienne de la vie repose sur la certitude que la nature
humaine, corrompue par le péché, a besoin du secours de Dieu pour retrouver son intégrité ; elle
ajoute que l’homme, surnaturellement, participe à la vie divine s’il reçoit la grâce de Dieu. Le
paganisme repose sur une conception radicalement différente : c’est la nature elle-même qui est
la condition unique de tout ce qui est sur la terre, le but de la connaissance et de l’action, le concept
de valeur qui permet d’apprécier ce qui est juste, sain, parfait. « Sequere naturam » La Révélation
n'est qu’une entrave. L’idéal de la virtù signifie la qualité d’âme de l’homme totalement affirmé,
résolu à tirer de lui seul et de ses efforts sa fin ultime et sa perfection. L’importance prise alors
par le concept de « génie » totalement ignoré au Moyen-Âge est caractéristique de cette époque.
Suivre la nature c’est aussi céder aux instincts moins nobles. Le plus grand promoteur de ce
mouvement sera le fameux Machiavel (1469-1527), pour qui le vice, la vertu sont des produits
naturels, rien d’autre. La fin justifie les moyens, et au nom de la virtù tout est légitime.
Cette licence pour toute liberté des mœurs et machiavélisme politique viendra contaminer les
futurs papes de l’Eglise. Sixte IV (1471-1484) participa à de nombreux complots, nomma au Sacré
Collège des proches et des familiers sans mérite, puis Innocent VIII (1484-1492) avait promis pour
être élu pape de nombreux cadeaux à ce qui voteraient pour lui. Sous son pontificat, le Sacré
Collège était peuplé de cardinaux mondains, grands amateurs de palais somptueux et de fêtes
licencieuses. On comprend alors que devant de tels spectacles des voix indignées se furent élevées,
comme celle de Savonarole à Florence. Lui succéda le pontificat le plus déplorable qu’ait jamais
connu l’histoire chrétienne : celui d’Alexandre VI Borgia (1492-1503). Connu pour ses mœurs
dissolues, son pontificat est marqué en 1493 par la bulle Inter cætera, qui partagea le Nouveau
Monde entre l'Espagne et le Portugal.

La nécessité d’une réforme

A l’image des derniers papes du XVe siècle, un grand nombre d’ecclésiastiques semblaient oublier
le sens de leur mission religieuse : beaucoup de prélats ne résidaient pas dans leur diocèse, ils
vivaient à la Cour, allaient à la guerre, étaient ambassadeurs. En même temps, ils cumulaient des
évêchés et des abbayes. La commende était répandue : des laïcs, des femmes même, recevaient
un évêché ou une abbaye ; ils en abandonnaient la direction à un ecclésiastique et en touchaient
les revenus à titre d’administrateurs, ou commenditaires.
Les autres points qu’il faudrait combattre à cette époque sont l’absentéisme, un mal extrêmement
répandu, ainsi que l’ignorance, car de nombreux prêtres ne sont pas bien formés. Les ordres
religieux et mendiants sont aussi affectés par la crise. Sainte Colette de Corbie, contemporaine ou
presque de Jeanne d’Arc, sera une figure de renouvellement de l’ordre des Clarisses. Par monts
et par vaux, parcourant la France et l’Europe, montée sur sa mule en très humble équipage, elle
vient frapper aux portes des monastères pour les rappeler à leur fidélité au Christ. Non sans
résistance, elle parviendra à réformer de nombreux couvents, et à faire naître des maisons
nouvelles. Comme dit Claudel : « Sans cesse en route, comme une aiguille diligente à travers la
France déchirée, Colette en recoud par-dessous les morceaux avec la charité. » Tous les
catholiques pieux demandaient au Saint-Siège d’entreprendre la lutte contre les abus. Mais la
réforme ne peut se réaliser pleinement dans l’Eglise que si la papauté en assume la charge, en
formule les décisions, les fait appliquer. Or la Papauté du XVe siècle est tout d’abord contestée,
affaiblie, puis très peu encline en la deuxième moitié du siècle à faire appliquer une réforme
qu’elle ne vit pas elle-même…
La foi restait pourtant très vivre dans toutes les classes de la société. La foule se pressait autour
des prédicateurs, elle témoignait d’une ardente dévotion à l’égard de la Sainte Vierge ; elle lisait
avec ferveur de nombreux livres de piété, et comme nous l’avons vu plus haut la mystique se
répandait. La réalité n’est jamais manichéenne, et l’Eglise recèle toujours de trésors en son sein.
De son sein n’aurait pas pu partir le grand élan réformateur qui sera celui du concile de Trente
s’il n’y avait eu, à côté de trop nombreux pasteurs infidèles, l’immense foule des prêtres honnêtes,
sérieux, qui cherchaient, du mieux de leur science à éduquer leurs ouailles et à maintenir parmi
elles la foi vivante. Les manquements du clergé sont vrais, il est hors de doute qu’il y a des moines
et des prêtres qui ne sont pas fidèles à leurs vœux, mais sont-ils la majorité ? Un prêtre qui se
conduit mal provoque beaucoup plus de bavardages que mille qui se conduisent bien. Vers le
milieu du XVe siècle, les registres de l’archidiacre de Josas ne signalent, sur 200 paroisses, que 10
prêtres coupables de mauvaise tenue.
Toutefois, il est vrai que le respect à l’égard du clergé diminua chez beaucoup de fidèles. Alors
même qu’ils restaient attachés aux dogmes du catholicisme certains en vinrent à ne plus regarder
le prêtre comme l’intermédiaire nécessaire entre Dieu et eux. Leur religion devint ainsi toute
individuelle. Et dans leur désir de s’attacher aux paroles mêmes de Jésus et des apôtres, nombre
de chrétiens très pieux en vinrent à dédaigner la Tradition. Le mouvement fut particulièrement
vif en Allemagne : c’est un Allemand, Luther, qui, le premier, au début du XVIe siècle, ayant
perdu tout espoir de voir l’Eglise se réformer elle-même, rompra avec elle et dressera contre elle
une grande partie de l’Allemagne.
Le XVIe siècle sera ainsi un siècle « d’accomplissement » de grands mouvements commencés au
XVe : la Réforme protestante, la Renaissance et la Conquête du Nouveau Monde.
Annexe

Tableau récapitulatif du XVe siècle


Le reste du monde

En Afrique
XIVe et XVe siècles : organisation d'états centralisés en Afrique centrale.
Vers 1400 : offensive de l’Islam au Darfour
1414 : Apogée du comptoir arabe de Zanzibar sur la côte swahilie.
1415 : conquête de Ceuta par le Portugal. Début des expéditions atlantiques des navigateurs
portugais. Ils s'installent à Madère (1419) et aux Açores (1427) puis explorent les côtes africaines :
ils passent le cap Vert (1444), l’Équateur (1471), le cap de Bonne-Espérance (1488) et ouvrent la
route des Indes en réalisant la première circumnavigation de l'Afrique (1497-1499).
1430-1433 : les Touaregs s'emparent de Tombouctou (1430)
Vers 1450-1629 : l’État de Monomotapa, fondé par Nyatsimba Mutota entre le Zambèze et le
Limpopo, les régions aurifères de l’actuel Zimbabwe, connaît une période florissante grâce au
commerce avec les Arabes de Sofala. Il échange de l’or contre des produits de Perse, d’Inde, de
Malaisie ou de Chine.

En Amérique
Vers 1400-1450 : période tardive de la civilisation du Mississippi. Début du déclin des Mound
Builders et abandon des villes amérindiennes, sans doute causés par la raréfaction des ressources
(sur-chasse, destructions des forêts, épuisement des sols agricoles) et les changements climatiques
du petit âge glaciaire.
1428-1521 : fondation et expansion de l'empire aztèque au Mexique. Ils développent une
civilisation brillante, héritière des Toltèques, de Teotihuacan et des Mayas, et soumettent leurs
voisins.
1438-1471 : expansion rapide de l’empire inca au Pérou qui devient un puissant État centralisé
pendant le règne de l'empereur Pachacutec.
Vers 1441-1461 : la capitale maya Mayapan est détruite par un soulèvement paysan contre les
noble. L’État est divisée en petites communautés. La civilisation maya arrive à son terme.
1471-1525 : l'Empire Inca est à son apogée au Pérou et en Bolivie sous les règnes de Tupac
Yupanqui et Huayna Capac.
1492 : Christophe Colomb atteint l'Amérique. Début de l'Époque moderne.
1492-1498 : trois premiers voyages de Christophe Colomb ; premiers contacts d'Européens avec
les Amérindiens aux Antilles.

En Asie et Pacifique
Vers 1400, en Indonésie : l’islam prend pied au début du siècle dans l’ouest de Java. L’Islam fait
disparaître le système des castes au profit de la conception de l’égalité des hommes devant Dieu.
L’hindouisme recule et finit par trouver refuge à Bali.
1405-1433 : la dynastie Ming, qui fait de Pékin sa capitale (1421), s'ouvre au monde avec les
expéditions de l'amiral Zheng He avant de se replier sur elle-même sur le plan diplomatique et
commercial à la suite de rivalités de pouvoir à la cour impériale, de catastrophes naturelles et
d'échecs militaires face aux Oïrats (1449).
Vers 1432 : menacé par les thaïs du royaume d'Ayutthaya, le roi khmer Ponhea Yat abandonne
d'Angkor et installe sa capitale à Basan (Srey Santhor) puis à Chaktomuk (« quatre faces »), sur le
site de Phnom Penh. Déclin de l'Empire khmer.
1497-1499 : le navigateur portugais Vasco de Gama est le premier Européen à atteindre les Indes
par voie de mer en contournant le cap de Bonne-Espérance.

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