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L’ESPAGNE DE CHARLES QUINT

De Pierre Chaunu, SEDES

Paradoxes du premier XVIè siècle

16e : Siècle de novation


C. Quint : fondateur et constructeur de l’Etat territorial, en consolidant l’œuvre fragile et novatrice des Rois Catholiques ; le
collectionneur de couronnes (17 au total). Une question : Ferdinand a t-il tjrs voulu, de 1504 à 1516, le maintien d’une union
des 2 couronnes trop inégales de la Castille et de l’Aragon ( en effet qui seront surnommées un peu plus tard la Corona et la
Coronilla) ?
2 systèmes sont alors possibles :
- Un entre les Etats de Bourg. et la Castille sur l’axe de la complémentarité économique merina des éleveurs de la Mesta
– draps des Flandres et du Brabant
- un mare cristianum, une thalassocratie catalane, Couronne d’Aragon à gauche, Naples à droite, avec les Baléares,
Corse, Sardaigne et Sicile au centre
2 points de vue contradictoires pour envisager l’œuvre de C. Quint : certes consolidation de l’Etat territorial (avec la
promesse d’un Etat national – porteuse d’avenir) et la Castille gagne dans cette association (jusqu’en 1530-40), car son rôle
est encore relativement effacé. Mais à partir de 1540 elle se substitue aux P-Bas comme centre fédérateur du système- au
moment où l’élite impériale « se  pique au jeu impérial » et où une partie de la noblesse castillane s’identifie en
représentation à l’Empire. De plus la dilatation impériale lui fait perdre une partie des avantages qui découlent du
renforcement de l’Etat à l’intérieur de l’espace castillan et du rapprochement des couronnes ibériques. Le renforcement des
moyens de l’Etat (par la fiscalité notamment) aurait pu s’avérer un facteur social positif mais il se borne à promouvoir la
Castille à son nouveau rang de fédérateur impérial et empêche la concentration des hommes, des moyens et vouloirs - une
des conditions importantes de toutes les grandes mutations. Par ailleurs la confédération Habsbourgeoise en rassemblant
couronnes, Etats et royaumes à la périphérie du Regnum Francorum en a bloqué l’extension géographique. C.Quint a, au
fond, mieux servi (sur le long terme) le royaume de France qu’aucun des Etats des Habsbourg, et en premier lieu la Castille.

La mutation reconquérante de l’ Hispania cristiana

L’Hispania médiévale est triple, « Cristiana, Mora y Judio » (selon la formule d’Americo Castro), à savoir
chrétienne au Nord, musulmane au Sud, avec une élite juive au Nord et au Sud.
Reconquista : de 1225 à 1264 les Espagnes chrétiennes gagnent 174 000 km², le Portugal (« indépendant » depuis
1143) 33 000km², et sur les 174 000 km² de terres nouvelles la Castille en prend les 2/3 : primat de la Castille à l’intérieur de
la Péninsule Ibérique (son aire d’extension géographique a doublé, et il s’opère une mutation culturelle : le castillan devient
dès le XIIIè S. une des premières langues de l’Europe – puis plus tard en Amérique )
La Reconquista précède la Replobacion : l’Esp. et notamment la Castille ouvre sur son territoire une frontière de
peuplement.
De 1475 à 1478 se déroule la guerre dite de la Beltraneja, espèce de guerre civile en Castille qui se double d’une
guerre étrangère : entre les partisans d’Isabelle (victorieuse) appuyés par l’Aragon et ceux de la fille prétendue d’Henri IV
appuyés par le Portugal. Ce qui se joue, ce sont 2 Espagnes :
- la 1ère le Portugal et la Castille
- la 2ème la Castille et l’Aragon
La paradoxale réunion des Couronnes et d’Aragon nécessite ½ Siècle pour se souder (1474-1522).
L’Espagne est marquée par un double mouvement : une ouverture géographique et une fermeture au plan de
l’esprit (expulsion des juifs, conversion de force des musulmans) . Fin d’un christianisme ouvert (de l’époque des traducteurs
de Tolède, ouverts aux influences extérieures au Moyen Age).
De la frontière de chrétienté, l’Esp se constitue en terre de chrétienté (où l’appartenance au groupe se confond avec
l’appartenance de l’Eglise).
Autour de 1487-1495 – une 1ère vague de méfiance à l’égard des chrétiens d’origine juive.
Originalité de L’Espagne : construction au sein du peuple chrétien, d’une frontière de méfiance, constitution d’une
gigantesque « machine répressive », la mise en place de statuts de pureté de sang de l’Eglise de Tolède (sous l’impulsion de
Siliceo, en 1547, poussé par l’opinion publique du petit peuple de Castille).
Procès de Carranza (1558-1559) – archevêque primat de Tolède, qui a des sympathies érasmisantes, est emprisonné
(influence des « éléments durs » de l’ordre dominicain à la tête de l’Inquisition espagnole).

=> Le règne de Charles Quint correspond pour l’Esp. à une accentuation de la mise en communication.

Première partie : Les structures d’une crise

Au sein de la Chrétienté médiévale, l’Espagne avait eu une position marginale (à cause de l’ Hispania islamica).

CHAPITRE 1 – L’héritage de Bourgogne

Si l’Esp est à l’écart, la « Bourgogne » est au centre des plus denses systèmes de communication. Charles est avant tout un
Prince bourguignon, il est Habsbourg par son grand-père Maximilien. Né le 24 février 1500, au Prinsenhof de Gand, nommé
Charles en souvenir du Téméraire (mort en 1477 à Nancy). Il reçoit, sous la responsabilité de sa tante, la régente Marguerite
d’Autriche, une éducation qui le prépare à un destin bourguignon et impérial. Proclamation le 5 janvier 1515 de la majorité
de Charles. Le premier entourage de C. Quint est un personnel avec le style, la conception et les méthodes de gouvernement
de l’Etat bourguignon, et en les appliquant à l’Esp, qui a une tradition différente, gêne les ambitions du personnel en place.
Le 1er périple du Roi et de sa Cour en Castille, à l’automne 1517, se révèle une « déception bourguignonne » (insuffisance du
réseau routier, dénuement de l’habitat, accueil moyen, politesse rude, goût des couleurs sombres ( !) et barrière linguistique-
seul le castillan est parlé, ni le français ni le latin ne sont compris). Héritage bourguignon apporte une certaine ouverture
(Bourg : taux de communications élevé, largement ouverte aux échanges). Accélération du volume global des
communications, en particulier avec la Bourgogne (v.1515-1520). Politique bourg., au début du règne : paix avec la France.
La fête, au centre d’une « liturgie sociale » - série des joyeuses entrées (1517-18) mais petit peuple esp. est choqué par son
caractère dispendieux. La Bourgogne se plaint de l’orgueil de l’Esp. , l’Esp se plaint de la cupidité bourg. Huizinga (Le déclin
du Moyen Age) : « l’orgueil est le péché des temps féodaux et hiérarchiques, pendant lesquels possession et richesse sont
encore peu mobiles » ; « la cupidité, c’est le péché dominant de cette époque, où les conditions du pouvoir ont été modifiées
par la circulation de l’argent ». Hantise de la mort (souvenir des grandes pestes). Différence de l’âge au mariage des femmes
est en Castille à la fin du XVIè S. de 5 à 6 ans inférieur à l’âge du mariage de la Flandre, de l’Angleterre et de la France du
Nord : décalage de la Castille de plusieurs siècles / reste de l’Europe.

CHAPITRE 2 – L’héritage espagnol : l’héritage de la « frontière »

Nbreux recensements effectués (1530,41,61,70,87,91) + grandes enquêtes (Relaciones topograficas- 1575- 78)
Enseignements : 1591- poids écrasant de la Castille = noyau dense ( jamais le centre n’a pesé autant / périphérie)
Castille : 378 000 km². 6,5 millions hab. densité 17,2 hab/km²
Aragon : 45000. 332 000. 6,7
Catalogne : 32 000. 362 000. 11
Valence : 19 000. 480 000. 27
Navarre : 12 000. 145 000. 12,1

L’Esp de C. Quint est 1 Esp septentrionale, même continentale (Meseta et Cantabrique : ½ de la population). Vieille Castille,
et au cœur de celle-ci, la vallée du Duero (Cuenca del Duero), centre fédérateur de l’Esp chrétienne. Le rapport au sol  ; les
systèmes agraires :
- à l’Ouest, alternance de vides et champs entourés de pierre
- en Vieille Castille, un openfield céréalier
- au Sud, vignobles et oliviers

Enormes morceaux d’ « incult » : « les paramos (lambeaux calcaires en surplomb) ont toujours été plus ou moins abandonnés
au désert, espaces sans hommes que les villages évitent presque toujours » (Bennassar). La vraie vie s’este installée en
contrebas des plateaux sur les campinas ou campagnes déblayées. Les cuestas apparaissent comme une des formes de relief
préférées de l’habitat, comme les vallées. Règle de l’assolement biennal.
Elevage itinérant (laine fine merina), une tradition- mode d’occupation légère, lié à l’insécurité (bien mobile)  ; la Mesta est
liée à la Reconquista, force trad. de la Mesta (association des éleveurs transhumants, dont le poids social est énorme, en
raison de ses liens avec l’aristocratie foncière et l’aristocratie bourgeoise des exportateurs de laine). L’élevage est proclamé à
l’époque des Rois Catholiques « principal substancia de estos reinos ». L’Etat de finance s’est appuyé sur la production
lainière. La puissance de la Mesta obtient le respect des droits de passage et de possession «  qui rendent difficile la protection
des récoltes ou l’accroissement des surfaces cultivées » (J.Pérez , Comunidades). La Mesta est un peu un Etat dans l’Etat. Les
besoins d’argent du Prince explique la tendance du gouvernement à défendre les privilèges de la Mesta, mais à partir de 1545
les ressources de l’élevage transhumant ont cessé de croître au rythme des besoins de l’Etat.
Genre de vie découle en partie de la nécessité de réaliser un peuplement rapide avec peu d’hommes. Le Nord se distingue par
la petite propriété - minifundio (mise en valeur par des hommes libres qui en général n’ont aucune redevance à donner en
dehors de la dîme- ils obtiennent en fait des fueros). Au Sud – latifundio.
L’Esp est la terre de la propriété communale.
Malgré la montée démographique, l’Esp du XVIè S. (1 gd siècle de croissance démographique) ne connaît pas les conditions
du monde plein, du fait de la « frontière » sans cesse éloignée, donnant lieu à une croissance de type horozontal.
Croissance démographique de la Meseta : augmentation de 25% de 1500 à 1550
30 % de 1500 à 1585
-5 % de 1585 à 1599
Villes dont la population s’est substantiellement accrue en 60 ans, de 1530 à 1591: Séville, Tolède, Jaén, Ségovie, Alcala de
Henares, Madrid, Guadalajara. Villes dont la population a décru ou stagné : Valladolid, Medina del Campo, Cordoba

CHAPITRE 3 – Les Comunidades

- L’héritage des Rois Catholiques

Les villes sont contrôlées par une fraction de l’aristocratie et cet élément social capital, difficilement classable, la hidalguia.
L’institution monarchique essaye d’établir son pouvoir entre les fractions aristocratiques et les couches moyennes, qui
appuient la monarchie. A la mort d’Henri IV, guerre de succession de la Beltraneja. Isabelle se fait proclamer Reine
propriétaire de Castille par la comunidad de Ségovie ( principale ville manufacturière contrôlée par l’hidalguia. L’alliance
avec cette espèce de classe moyenne hétéroclite : ligne politique directrice du nouveau pouvoir.
Vers 1474-1475 apparition de trois partis :
- 1 partie de l’aristocratie : pour une alliance avec l’Aragon
- 1 autre : en faveur du Portugal
- Tiers parti ou parti castillan : petite fraction de l’aristocratie, hidalguia et villes

Guerre indécise jusqu’à la victoire des Castillans à Albuera (février 1479). Une partie de l’Esp victorieuse en 1479 est l’Esp
vaincue de 1521 (les villes). Construction de l’Etat : mise au ban des grands nobles, mise en tutelle des ordres militaires,
contrôle des campagnes par l’intermédiaire d’un prolongement des milices urbaines, la Santa Hermandad, nouvelle
Inquisition espagnole (1477).

- les reconversions de la Reconquête

Dans le prolongement italien (aide de la Castille à l’Aragon) avec la conquête du Royaume de Naples (de 1496 à mars 1504)
et dans l’occupation du Roussillon et de la Cerdagne (restitués à l’Esp par la France à l’occasion du traité du Barcelone du 19
décembre 1493)

- La crise de 1504-07

Jeanne est proclamée reine, mais le pouvoir est exercé par Ferdinand (le régent). Un parti philippiste apparaît, en faveur de
Philippe le Beau, de Bourgogne, son mari, et constitué de nobles opposés à Isabelle et aux letrados et aux conversos. 23 août
1506 : Ferdinand, qui sent la situation lui échapper, s’exile à Naples. Arrivée de Philippe le Beau, mais déception de la
noblesse esp. (devant la maladresse du personnel flamand). Philippe meurt le 26 septembre 1506. Retour de Ferdinand le 20
juillet 1507. Début des importations officielles d’or à Séville en provenance d’Amérique.

- l’avènement

Mort de Ferdinand le 23 janvier 1516. Charles de Gand est proclamé roi de Castille (à Ste Gudule le 13 mars). Celle-ci est
ressentie comme un « Coup d’Etat ». Les rapports continuent dans les couches moyennes ou populaires de la société
espagnole, au début du XVIè S., de s’organiser sur le modèle de la famille lignagère étendue (prédominance en Esp des liens
verticaux et des clientèles – bref selon le genre de vie aristocratique.
4 groupes :
- Charles et le personnel bourguignon (dont Chièvres est le chef)
- L’équipe au pouvoir à la fin du règne de Ferdinand (les « fernandiniens » selon Manuel Giménez Fernandez) : les
letrados, judéo-chrétiens et une fraction de l’aristocratie, menée par le duc d’Albe
- Restes hétérogènes du clan philippiste
- Le tiers parti derrière Cisneros (gens des villes, d’Eglise, petite et moyenne noblesse)

Nbreux troubles et révoltes populaires (caractère antifiscal domine). Cisneros (alors le régent) appelle à la formation d’une
force armée autonome- la gente de ordenanza (les compagnies d’ordonnance qui seront ds le camp des Comunidades.
Madrid et Tolède se rallient à Charles. Un problème se pose alors : Ferdinand, le frère cadet de Charles, qui a été élevé en
Espagne, est appuyé par un parti (les Guzman, Sancho de Paredes). Tension contre les monopoles qui canalisent les
exportations, dont le pôle d’hostilité générale, Burgos et ses marchands (opposition de Ségovie), puis contre Séville et les
Génois (qui monopolise une bonne partie des échanges avec l’Amérique). Soulèvement de l’artisanat et du petit commerce
(problème de la laine : tentation de la conserver et de mettre des barrières à l’entrée des étoffes flamandes). Les Rois
Catholiques avaient soutenu les exportations (besoins fiscaux) mais en 1514, déjà quelques mesures destinées à améliorer la
qualité de la production nationale. Une bureaucratie corrompue s’est mise en place. « Aussi voit-on s’esquisser en 1516 une
démarche collective des villes pour demander au roi de venir assurer personnellement ses responsabilités  » J.Perez. Appel
aux Cortes. Pdt ce tps Chièvres recherche le consentement tacite du roi de France d’une union P-Bas- Castille (nombreux
avantages : vocation d’Anvers de devenir un centre distributeur des richesses des Nveaux mondes, union défensive de la
Flandre et de la Castille pour assurer l’Etat bourguignon).

- les Cortes de Valladolid (5 février 1518)

La tradition veut que l’on ne soit vraiment roi qu’après proclamation par les Cortes (Institution un peu différente des Etats
généraux- réunion bcp plus fréquente mais moins représentative). Les Cortes représentent les villes et symboliquement le
peuple. J. Perez : « Soumises individuellement au pouvoir royal par l’institution des corregidors, les villes pouvaient
théoriquement s’opposer à lui quand elles se réunissent pour les sessions des Cortes. Elles le pourraient si les Cortes étaient
représentatives et si elles avaient su conserver leur indépendance ». 18 villes concernées (Burgos, Soria, Ségovie, Avila,
Valladolid, Léon, Salamanque, Zamora, Toro, Tolède, Cuenca, Guadalajara, Madrid, Séville, Grenade, Cordoue, Jaén et
Murcie). Chacune d’ entre elle est représentée par 2 procuradores. Mais certaines restrictions : les députés représentent des
couches minces de population. Rôle principal des Cortes : voter les servicios (impôt direct). J. Perez : « La révolution des
comunidades ne saurait se réduire à une simple explosion de xénophobie (…) la rapacité des Flamands ne nous donne pas à
elle seule la clé de la révolte de 1520. Cela dit, il est vrai que la Cour s’est ruée sur l’Espagne comme sur un pays conquis »
Le roi jure aux Cortes de réserver places et bénéfices aux seuls Castillans (mais ne tient pas sa promesse) . C’est la période
des « naturalisations » (cartas de naturalenza entre 1518-1519), des évêchés sont donnés aux étrangers. Et enfin, à la mort de
Cisneros, Guillaume de Croy, le neveu de Chièvres, devient titulaire du plus riche bénéfice d’Esp, Tolède. La fierté nationale
est blessée, d’autant plus que le cardinal ne résidera jamais en Esp : pur et simple détournement des revenus de l’Eglise esp.

- le climat conjoncturel

Flambée d’antisémitisme (on parle en effet de réformer l’Inquisition dans un sens favorable aux conversos) , or l’Inquisition
est un « fédérateur social », qui suscite l’enthousiasme populaire (passionnément défendue, d’ailleurs une des doléances des
Cortes de Valladolid). Les moines mendiants (Dominicains et Franciscains) se déchaînent contre les judéo-chrétiens. Peste
(depuis décembre 1517) et typhus (juin 1518). Effondrement de la production des métaux précieux en Amérique. Charles
songe à devenir empereur, Mercurino Gattinara est appelé à la chancellerie ( rôle capital, sorte de maître à penser de Charles,
et il a des vues universelles). Election de C. Quint le 28 juin 1519 contre Henri VIII et François Ier. Selon Gattinara  : « vous
êtes sur la voie de la monarchie universelle, vous allez réunir la chrétienté sous une seule houlette  ». En 1521, principe d’un
partage entre Charles et Ferdinand (qui se voit dévolu les 5 duchés autrichiens et les droits seigneuriaux d’Alsace). Prb. des
finances : 800 000 ducats castillans réclamés pour l’élection impériale. C.Quint : un empereur voyageur (1/4 des jours de son
règne consacré à ses voyages), il a passé 17 ans sur 41 en Esp.

- La crise

Pour une partie de l’aristocratie, pour le vulgo, pour la couche dirigeante, le départ de C.Quint ( qui cherche une alliance avec
Henri VIII) apparaît comme un trahison. Mars 1520 : Salamanque et Tolède sont en état de quasi rébellion (refuse le
servicio). Vote arraché de justesse par Gattinara aux Cortes de Santiago. 2 Castilles s’opposent : l’intérieur contre la
périphérie (qui accepte l’empire avec réticence). Tolède, Salamanque, Cordoue, Madrid, Murcie et Toro s’y opposent. Les
autres villes l’ont accepté.

- le flux

Tolède rebelle en mai 1520 ( le corregidor quitte la ville fin mai). La Comunidad : une explosion antifiscale (certes rumeurs :
impôts sur tout), un mouvement xénophobe, national. Ségovie entre en dissidence (le député qui a voté le servicio est tué),
idem à Zamora, à Burgos. Juin 1520 : le programme de Tolède : prévoit la réunion d’une junte (annuler le servicio, revenir
aux anciens modes de répartition – encabezamientos, interdire sortie de numéraire, désigner un régnicole à la Régence pdt
absence du roi). Opérations militaires du gouvernement autour de Ségovie, ville de Medina del Campo est incendiée.
Caractère communautaire( la ville s’y révèle unité de lieu, communauté d’existence, et le mvt ne touche pas la campagne).
Cadres des milices fondées dans l’hidalguia, encadrement par la capa media. L’aristocratie reste neutre. Point d’orgue : refus
de la reine Jeanne de signer des papiers qui donnent raison aux Comunidades.

- le reflux

Burgos se retire de la junte (sous l’impulsion de la noblesse et des grands marchands) à l’automne 1520. Les campagnes se
dressent contre la Comunidad (pour ses exactions sanglantes). L’aristocratie entre en jeu (peur d’un nouvel ordre social). Les
troupes loyales reçoivent l’aide du Portugal et prennent Tordesillas en décembre 1520, où ils emprisonnent la reine. Dès
février 1521 la Comunidad n’a plus d’argent et le 23 avril 1521, l’armée royale est victorieuse à Villalar. Tolède est vaincue
en février 1522.

CHAPITRE 4 – Une société révélée

Les comunidades : aspect presque national, exclusivement castillan. La Galice, les Asturies et les provinces basques sont
restées en dehors du mvt, comme l’Estrémadure et l’Andalousie. Une opposition fondamentale : minifundio au N. (petites
communautés d’habitants), latifundio au S. (immenses domaines, concentration de l’habitat, qui s’expliquent par une
aristocratie réduite et une paysannerie d’ouvriers agricoles). Rôle précoce de la ville en Esp. (place du «  tertiaire » des
journaliers). L’Esp n’a jamais connu le système des grands feudataires. La place de la noblesse est immense (1/10 de la
population), avec ces provinces basques où toute la réputation est réputée noble. Nulle part le poids sur l’appareil
économique et le poids sur les mentalités de la noblesse n’a été aussi considérable qu’en Esp. La société se sent toute entière
nobiliaire. L’administration urbaine en Esp est, paradoxalement, nobiliaire (les nobles se sont installés en ville de façon
précoce). La noblesse est fermée, avec dès le début du XVIè S. un consensus social qui ferme l’accès à l’ hidalguia. La
société esp. est prisonnière d’un modèle aristocratique conservateur du lignage. Multiplication au début du XVIe des
Probanzas (ensemble des démarches nécessaires pour démontrer la hidalguia), qui participent de ce freinage de l’osmose
sociale d’une éventuelle montée de la bourgeoisie vers la noblesse. La noblesse se ferme en fait vers la bas (en incorporant
une partie des catégories intermédiaires et en rejetant les autres). Ce qui exclut irréversiblement du privilège c’est la mancha
(la tache), à savoir une alliance du lignage avec un lignage non chrétien. Les hidalgos sont riches au Sud, plus pauvres au
Nord. Le clergé esp est monastique (et les ordres monastiques se retrouvent au N.), l’Esp est franciscaine. La période 1492-
1520-1525 marque le sommet d’une bourgeoisie en majorité judéo-chrétienne. De plus, en Esp, la bourgeoisie est presque
toujours judéo-chrétienne ou suspectée de l’être. L’artisanat recule dès 1550 puis vers 1570-80 (production artisanale très
fragmentée). 45% du territoire esp est constitué par des roches nues (à la végétation arbustive rare et dégradée). On constate
en Esp un phénomène d’étendue des biens communaux (contre la propriété individuelle). La noblesse esp s’est jetée sur la
rente foncière (renta), la terre reste un instrument de privilège. La diminution de la propriété parcellaire paysanne se poursuit.
Deuxième partie – La conjoncture d’un siècle

- Ouverture et fermeture (le véritable mouvement du règne)

L’économie esp n’a jamais été aussi extravertie qu’en ce 1 er XVIè S. ( un réseau dense d’échanges se constitue). De 1520 à
1540 la Castille assume presque seule la conquête et l’exploitation des nouveaux mondes. L’Amérique et l’extraversion
économique, en donnant à l’Etat les moyens d’une grande politique, entretiennent l’institution monarchique de plus en plus
confondue avec l’institution impériale dans un politique d’intervention à tous les niveaux des affaires. Importance capitale de
l’idée de « frontière » (mais la nouveauté sous C.Quint, c’est la fabrication d’une frontière interne).

CHAPITRE 5 – l’ouverture de l’économie sur le monde

Déjà une tradition méditerranéenne de la Catalogne d’intense communication maritime (rôle de Barcelone jusqu’au XVè S. ).
Dès le XIIIe et le XIVe , début de rattrapage du commerce castillan (crise de la Catalogne entraîne en fait une exportation
des hommes et des techniques vers la Castille aux XVe et XVIe S.)
La Castille apparaît comme un secteur d’exportation de matières premières et d’importation de produits manufacturés. Une
structure du commerce castillan est née des besoins de la reconstruction du Sud vidé de son peuplement. L’ouverture de l’Esp
castillane est liée aux grandes étapes de la Reconquista (appel aux techniciens étrangers du commerce, rapport donc de
dépendance entre un espace dense pourvu de main d’œuvre experte et un espace moins dense, disposant d’un surplus de
matières premières dont sont friands les Flandres et l’Italie).
L’espace castillan est loin d’être homogène (noyau plus dense englobe le Sud de la Vieille Castille, un morceau du Léon et le
NW de la Nouvelle Castille) : un pôle manufacturier de laine, Ségovie, un pôle d’activité artisanale multiple, Tolède (de
l’acier, des armes).

- La transhumance, la Mesta

Prépondérante, malgré une petite « révolution » du maïs (entre 1520 et 1550)


L’excédent de laine négociable inutilisable sur place contribue au maintien des grands courants d’exportation maritime qui
forment les arêtes des routes impériales. Le vieux Roi Catholique avait à la fin de sa vie tenté un commencement de politique
protectionniste qui aurait essayé de retenir la laine pour la manufacture du centre castillan. «  La transhumance fabrique une
race d’hommes durs, assoiffés d’espaces, aptes à toutes les aventures militaires » (phrase intéressante de Chaunu). Les textes
qui renforcent les privilèges du noble corps datent de 1489,1494, 1504 et 1511. En 1550 un conseiller royal est placé à la tête
du conseil de la Mesta. Bref la transhumance est l’une de ces vieilles traditions « intouchables » (d’autant plus que pour
C.Quint l’alliance entre la fiscalité et de la laine est capitale).

- la monnaie : paradoxale stabilité

L’Esp est au cœur de la révolution des prix (mouvement précoce et général, qui affecte les denrées, les produits, les services
et les rémunérations du travail). Pragmatique d’avril 1471 : frappe en dehors des lieux autorisés est interdite, contrôle strict
des officiers royaux. Dans la 1ère ½ du XVIe l’Esp jouit d’un monnaie parfaitement stable (des maravédis castillans ou des
dinars aragonais). Le choix d’un belle monnaie d’or est la clef de voûte d’une grande politique impériale. Le problème, c’est
que la frappe d’or et d’argent aux armes d’Esp circule largement en dehors de l’Esp.

- le combat pour la bonne monnaie

Le règne de C.Quint : une grand règne conservateur.

De 1507 à 1530 : maintien en place de conseillers ou de techniciens aragonais. Les conditions de la stabilité monétaire  : la
laine (maîtrise des cours, et sans concurrence, d’où une balance favorable) puis l’or. La relève, l’Amérique, qui n’entre
véritablement en scène qu’au delà de 1540. De 1520 à 1560 : arrivées officielles- 87 tonnes d’or et 570 tonnes d’argent. Le
miracle de monnaie stable tient de 1520 à 1540 presque exclusivement à la laine, de1540 à 1560 à la laine et à l’or, de 1560 à
1600 à la laine, à l’or de moins en moins et à l’argent des mines du Potosi (à partir de 1580-90). L’Espagne est le pôle cher de
l’Europe (plus anciennement monétaire, parce qu’elle participe à l’espace italien), flambée des prix en 1510-1525 et en 1550-
60. L’Espagne principalement andalouse, attire hommes du Nord, de Cantabrique, de France.

CHAPITRE 6 – l’ouverture américaine

Entre le début et la fin de règne le volume des échanges a triplé (avec l’Amérique surtout). La «  colonisation » espagnole
s’établit dans un rapport au sol particulier : moins de 100 000 Espagnols ont exploré entre 4 et 5 millions de km² et du
moins contrôlé 1,5 million de km². L’Amérique : un 1er Empire centré sur Saint –Domingue (entre 1494 et 1525), puis sur
Cuba, Puerto Rico et la Jamaïque; 1509 : 1ers signes d’une crise économique qui affecte établissements de St Domingue, à
cause de l’effondrement accéléré des restes de population indigène. 2 e empire autour de la conquête de la confédération
aztèque (300 000 km²), victoire de Cortés entre juin et août 1521, puis occupation progressive du territoire maya (1527-
1544), enfin du territoire inca (prise de Cuzco en nov. 1533). Vers 1550-1555 plafonnement de la production minière, reflux
du trafic, puis vers fin des années 1550 un troisième mode d’exploitation (cette fois ciblé sur une croissance verticale).
La conquista a éliminé entre 40 et 60 millions d’hommes (entre 10 et 15 % de l’humanité). 1542 – Nvelles lois (inspirées par
Las Casas) contre l’abusive action des propriétaires de l’encomienda (= pouvoir direct sans intermédiaire du conquistador sur
l’autochtone) mais évolution (ou involution) : continuité entre l’encomienda et la hacienda (généralisation du grand
domaine).

La Casa de Contratacion (depuis 1503) : organisme qui contrôle les flux la protection des navires, donne un cadre juridique
aux initiatives privées. En mai 1521 : création du Consejo Real y Supremo de las Indias (organisme chargé au départ de faire
respecter les intérêts du roi mais devient en fait une sorte d’organisation chargé de la défense des intérêts des marchands). A
partir de 1540 et jusqu’en 1560 le conseil des Indes est dominé par un parti réformateur, d’affinité érasmienne, influencé par
le thomisme rénové qui constitue l’élément intellectuel le plus brillant de la Ré forme catholique en Esp. Grand débat en 1552
à Valladolid qui oppose Las Casas et Sepulveda (sur « l’âme » des Indiens), mais combat perdu d’avance (et en fait dès
1560 : retour progressif des politiques et des réalistes). La Castille a trop besoin des trésors d’Amérique pour face à une
modification des rapports entre les hommes. Fiction des deux royaumes : Roi est certes Roi des Indiens, mais il les
gouvernerait suivant leurs lois
Certes vice-rois (de la Nvelle-Esp, du Pérou) mais vrai pouvoir appartient à l’Audiencia (espèce de parlement, avec des
letrados)- marque en fait l’implantation d’une véritable administration royale, à St Domingue (1511), Mexico (1527), Lima et
Guatemala (1542). Le « Patronato » : évangélisation et hispanisation sont les deux grands processus à l’œuvre, la conquête
missionnaire est l’œuvre du clergé régulier (Dominicains, Franciscains et surtout Augustins). 1516 – nvx évêchés (Saint
Domingue, San Juan de Puerto Rico, Santa Maria) puis progressivement 2 évêchés pour St Domingue, 3 pour les Antilles, un
pour la Terre ferme – 20 sièges en fait créés sous le gouvernement de C.Quint (6 sous Philippe II)
Au départ confusion temporel -spirituel (Juan de Talavera est nommé à la fois évêque et gouverneur du Honduras) mais
C.Quint hostile à cette politique.
Action de l’Eglise :
Dans un premier tps missionnaire (au Mexique) – ouverte, relativement tolérante, n’est pas une acculturation forcée, puis au
Pérou, dans un deuxième temps, une véritable acculturation, méthode dure qui vise à l’extirpation de l’idolâtrie païenne
(après 1560). 1540-55 : augmentation des arrivées de métal (plus de 8 à 9 millions de tonnes d’équivalent or / an)

CHAPITRE 7 – L’ouverture européenne de l’Etat

L’Amérique a rapporté, dans les 20 dernières années du règne, à l’Etat 300 tonnes d’équivalent argent.
Soulèvement de Gand contre la surcharge fiscale des Pays-Bas
Evolution des revenus ordinaires du Roy. de Castille : ½ des revenus de l’Etat (317 millions de maravédis en 1504, 320
millions en 1510). Face à cette croissance trop lente des revenus ordinaires, augmentation des revenus extraordinaires (vente
de titres de noblesse, vénalité des charges, amis moindre qu’en France).
C.Quint entreprend la refonte de l’administration financière de la Castille : création du Consejo de Hacienda en 1522 avec à
la tête Cobos, un conseil des finances pour bannir le désordre.
Esp : poids de la fiscalité indirecte (qui frappe mouvements de marchandises dans les ports et les transactions sur les
marchés). 90 % des revenus ordinaires sont constitués par les alcabalas (impôt des marchés, sur les transactions) et les
almojarifazgos (frappent entrées et sorties des marchandises dans les ports).

- La guerre

Discours de Rome en 1536 : C. Quint dit vouloir « guerroyer contre les Infidèles et non contre les Chrétiens » - engagement
sincère mais peu respecté
Alliance de l’Esp, du Pape et de l’Angleterre pour défaire la France à Pavie (24-25 fév. 1525) et traité de Madrid (14 jan.
1526) : obtention de la Bourgogne contre la libération de François Ier prisonnier  , mais en fait la Bourgogne n’entrera pas
dans le giron impérial. Paix de Cambrai (3 août 1529) : instaure un modus vivendi de paix et d’équilibre, puis Cateau-
Cambrésis (1559)
Entre temps période de paix (1529-1536) puis de guerre courte (armée impériale « contenue » en Provence) puis entre 1542
et 1544, François Ier essaye de reprendre le Milanais mais l’armée impériale montre sa force à Château-Thierry (1544). En
1552 la France occupe les deux évêchés de Toul et de Verdun et la ville de Metz. Puis Saint Quentin (grande victoire
espagnole de Philippe II, mais non poursuivie jusqu’à Paris).
L’Amérique donne à la Castille pour 50 ans la redoutable et épuisante position de puissance dominante. Pendant tout le
règne, les besoins ont précédé les revenus. D’où les emprunts (selon Ramon Carande) :
De 1520 à 1556, 29 millions de ducats à l’intérêt énorme de 28 ,69 %
De 1520 à 1532, 5,3 millions de ducats avec un tx d’intérêt 17,65 %
De 1532 à 1542, 5,4 millions de ducats, 21,27 %
Au départ banque allemande majoritaire, puis banque italienne (rôle des Génois de plus en plus important)

L’ESPAGNE DES REFUS

Grande hantise de « pureté » qui marque la conscience collective de l’Esp.

CHAPITRE 8 – L’Espagne des refus : les statuts de pureté de sang

Une fermeture, deux exemples notables : les statuts de pureté de sang de l’Eglise de Tolède et le rejet de la « tentation
érasmienne »
Une date tournant : 1547

Adoption par l’Eglise de Tolède, sous l’influence de Juan Martinez Siliceo, archevêque de petite extraction, du statut qui
exclut les descendants de chrétiens d’origine juive de toutes responsabilités. Changement radical : séparation d’avec les
manières de sentir et d’être du reste de l’Europe
L’Esp chrétienne est au Moyen Age le seul pays de la Chrétienté où d’importantes communautés religieuses ont pu vivre sans
être inquiétées (depuis début de l’ère chrétienne, important peuplement juif). Après l’arrivée des musulmans les 2 Esp.
ennemies mais complémentaires entrent en communication par l’intermédiaire des juifs (dont les élites sont polyglottes et
techniciennes, dans le bon sens du terme). Rôle capital des juifs au sein des écoles de traducteurs (XIIe – XIIIe), à Tolède
notamment ! En réalité les juifs ont été très tôt les alliés de l’Hispania Cristiana (par leur degré d’hispanisation).
Mouvement de rejet (dès 1391). Tournant psychologique : alignement de l’Esp. sur les structures européennes dans une
conjoncture économique dramatique. Rôle de l’arrivée des colons du Sud de la France (antisémites).
Explosion de 1391- terme d’un catastrophique second XIVe S. avec des pestes, des mauvaises récoltes et des troubles
monétaires - (matanza : espèce de pogrom) : brutale flambée d’intolérance à Séville et à Valence.
Impôts sont affermés à des capitalistes juifs : en fait caractère antifiscal et anti-judaïque
Début des conversions accélérées (massives en Aragon, d’où cette idée constante que le personnel aragonais des Rois
Catholiques est en majorité judéo-chrétien)
Début du XVe : apparition d’un groupe puissant de judéo-chrétiens (poids social énorme). Percée des Conversos à la tête de
l’Etat et de la société espagnole est impressionnante, mais gde erreur de l’anti-judaïsme des conversos (assimilation des
judéo-chrétiens suppose en effet le maintien d’un milieu juif nettement caractérisé)
Emeute antifiscale dirigée contre les juifs percepteurs à Tolède en 1449 (apparition par ailleurs du 1 er statut de pureté de sang)
Inquisition : « fantastique machine d’écrasement de la bourgeoisie et de destruction par l’intérieur de la liberté de l’esprit,
cette condition sine qua non de la modernisation et du progrès » (selon Chaunu), confirmée par une bulle du pape Sixte IV le
1er nov. 1478, Torquemada, un judéo-chrétien est nommé inquisiteur général d’Aragon, de Valence et de Catalogne. Statut de
pureté de sang (limpieza de sangre) confirmé par un bref du 22 déc. 1495 du pape Alexandre VI – d’origine espagnole !
Les statuts commencent (fin Xve, début XVIe) à fermer aux conversos l’entrée des collèges (comme au Colegio Viejo de
Salamanca, en 1498). C.Quint s’y oppose, chaque fois qu’il le peut mais la mise en place des statuts reste en dehors de tout
contrôle.

- Les statuts de « Pureté de sang » de l’Eglise de Tolède

D’origine plébéienne (adopté le 23 juillet 1547), contre attaque menée par le Doyen Del Castillo, sans succès.
Années 1548-1556 marquent la fin de la résistance, Rome et l’institution monarchique se rallient. «  Les statuts de pureté de
sang réalisent au niveau de la structure sociale ce que le rejet des courants érasmiens traduit au plan de l’intelligence et de la
sensibilité »

Chapitre 9 – Le refus de la réforme

Entre ouverture (1517-1532 : une certaine séduction de l’érasmisme) et fermeture (1532-1560 : phase de refus)

Obsession de l’idée de lignage, de pureté, de frontière

1507-1525 : Esp mise soudain au contact au niveau de ses élites des courants de pensée du reste de la Chrétienté
Cisneros : est mêlé aux trois gds événements qui marquent profondément l’histoire spirituelle de l’Esp au début du XVIe, la
réforme monastique, la fondation de l’université d’Alcala et l’édition de la Bible polyglotte.
Artisan de la réforme monastique (dans tous les ordres), fondation du collège de San Gregorio à Valladolid en 1496
Fondation de l’université d’Alcala (autonome) en 1509, dont le but est d’améliorer la qualité et les connaissances des clercs
(fort courant thomiste) – un des centres européens d’un humanisme chrétien très pieux, 2 gds noms : Hernando de Herrera et
Antonio de Nebrija (un des plus gds humanistes esp, symbole d’une Esp européenne car latiniste, mais aussi auteur de la 1 ère
grammaire espagnole – Gramatica castillana)
1er chancelier de l’université : l’abbé Pedro de Lerma, jusqu’au jour où il se trouve accusé d’érasmisme par l’Inquisition.
Enseignement du grec, choix de la double voie, et thomiste et scotiste, avec même une place pour la tendance ockhamiste
(gde ouverture d’esprit)
La Bible polyglotte – qui aligne les différentes versions : Vulgate, Septante, textes grecs et hébreux -  « gloire d’Alcala, dans
les annales de l’humanisme, est une des plus importantes réalisations à cette époque de la science philologique aidée par l’art
de l’imprimerie » (Marcel Bataillon, Erasme et l’Espagne)
Les élites appellent à la lecture et à l’étude des textes d’Erasme. Cisneros et l’élite prient Erasme de venir séjourner en
Espagne (réponse fameuse : « non placet Hispania » pour cause de préjugés – encore des « juifs » ) 
Illuminisme : trait essentiel de la vie spirituelle esp, sorte de mysticisme sensible. Gd succès de l’Enchiridion d’Erasme, qui
préconise une religion plus intellectuelle et intériorisée
Puis début de l’ère des rejets :  nouvelle élite (le courant vieux chrétien) et petit peuple trouvent leur identité dans une image
rajeunie de la Croisade : retrouver la pureté originelle, conserver l’héritage spirituel de l’Hispania Cristiana. A partir de 1540
tout craque (les érasmiens se cachent, redoutent des procès, l’Inquisition triomphe- Carranza emprisonné 17 ans ! )

CHAPITRE 10 – Formes et sensibilité


La civilisation ibérique échappe aux modes de transcription écrite ( c’est au niveau du geste, des sons, des formes qu’il
convient de se placer)

L’Esp est méditerranéenne, par un point au moins, la concentration de l’habitat (même le village a une struture urbaine –
plaza au centre)
La fête joue un rôle considérable (elle confédère la communauté d’habitants, les lignages, les classes d’âge), elle a été la
relation publique de la monarchie. L’Arc de triomphe est typique du culturel importé en Esp. Fêtes sont nombreuses – « tout
est prétexte à fêtes » (Bennassar).
Fêtes religieuses (les plus importantes sont la Semaine Sainte et le Corpus Christi)
Multiplication de l’auto sacramental (divertissement religieux)et des entremesses (divertissement profane).
La course de Toros – élément de la culture du petit peuple (« jeu cruel, jeu dangereux qui libère le goût du sang, le besoin de
meurtre et de violence »)
Sorcellerie est plutôt tolérée jusqu’en 1527 (lorsque l’Inquisition s’en mêle).
Triomphe d’un gothique flamboyant à l’époque des Rois Catholiques, puis sous C.Quint, où prédominent les formes
anciennes. Influence de l’art mudéjar (en Andalousie)
Influence des modèles italiens de la Renaissance, mais l’art ibérique : placage sur une structure traditionnelle des influences
étrangères, typiques du génie de l’Esp, qui ne cède que sur les détail mais préserve toujours l’essentiel (génie éclectique de
cet art).
Plateresque : ornement italien par son origine, mais très espagnol dans son exécution – hôpital Santa Cruz de Tolède
Importance de la sculpture polychrome de bois, retables esp.
Génie musical – gd siècle musical esp.
Sculptures – rôle d’Alonso Berruguete, le plus populaire et le plus admiré de son tps

Conclusion

« Le drame de l’Esp, en ce 1er XVIè S. (…) c’est celui de passage trop brutal du finistère de la Chrétienté, au centre d’un
monde trop vaste (…) Pour éviter de se dissoudre, l’Esp s’est refermée ». Charles Quint abdique le gouvernement des P-Bas
en 1555, celui de l’Esp en janvier 1556, il gagne alors le couvent de Yuste. Grandeur de l’homme  ? Mai 1521 – il a laissé
partir libre Martin Luther, en mobilisant Machiavel dans son discours. Charles, satisfait d’apprendre les victoires de St
Quentin et Gravelines, s’éteint le 21 sept 1558.

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