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La convergence des politiques de l’Inquisition et de l’État vis-à-vis des morisques et des Juifs

François Martinez (UBS-Lorient)

[notice biographique : Agrégé d’espagnol, François Martínez est Maître de Conférences à l’Université
de Bretagne-Sud (Lorient). Ses travaux portent sur les morisques, l’Inquisition et différentes
problèmatiques liées à la civilisation du Siècle d’Or, ainsi que sur le roman historique. Sa réflexion
s’oriente vers le questionnement des discours d’exclusion, et sur les modalités de fonctionnement de
l’idéologie.]

Le règne des Rois Catholiques constitue une étape décisive dans la construction de l’État moderne. De
nombreux éléments permettent d’aller dans ce sens. L’Inquisition espagnole participe du phénomène de
renforcement de la monarchie et témoigne du fait que la religion devient un élément essentiel de cette
construction. Le problème des Juifs et des morisques doit être situé dans cette perspective. Après avoir
défini les caractéristiques du pouvoir et ses liens avec l’Inquisition nous tenterons de démontrer que la
politique de l’État et celle de l’Inquisition participent du même phénomène ; à savoir, renforcer la
cohésion nationale dans la perspective de faire de l’Espagne un empire. Nous aborderons différentes
problématiques concernant les Juifs et les morisques afin de mettre en lumière des convergences entre la
politique de l’État et l’attitude de l’Inquisition vis-à-vis de ces communautés.

1-Formation de l’État moderne 


Les Rois Catholiques (Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon) ont posé les fondements d’un
affermissement du pouvoir royal. La Castille a connu, durant le XVe siècle, des luttes fratricides dues en
partie à l’affaiblissement de la monarchie 1. Isabelle et Ferdinand, quand ils se marient (1469), comptent
bien y remédier et mener à bien cette politique de renforcement qui s’inscrit dans la formation de l’État
moderne. Joseph Pérez a souligné que cette union devait être qualifiée de personnelle mais qu’on ne
pouvait parler en aucun cas d’union de royaumes, même lorsque Charles Quint réunirait en une seule
personne cette double monarchie2. Quoi qu’il en soit, cette union vise un essor de la monarchie. La
propagande mise en œuvre par les Rois Catholiques à travers les armoiries figurant sur de nombreux
édifices ou bien la devise « Tanto monta, monta tanto, Isabel como Fernando » contribue à donner une
image forte de la monarchie3.
De nombreux éléments témoignent de la nouvelle conception de l’État. La Santa Hermandad créée en
1476 est une milice chargée de maintenir l’ordre au détriment des pouvoirs rivaux de la monarchie,
notamment la noblesse. La présence royale sera également renforcée grâce à la généralisation des
corregidores chargés de présider les cabildos4.
Sur le plan religieux, le patronage royal est instauré par les Rois Catholiques à Grenade puis sera
généralisé à toute l’Espagne. En pouvant choisir leurs évêques, les Rois se munissent d’un instrument de
contrôle très grand5. L’Inquisition pontificale existait déjà en Aragon, l’innovation des Rois Catholiques
1
« Los dos últimos Trastámaras no estaban a la altura de su difícil misión … Enrique IV fue … una de las figuras más
lamentables de nuestra historia.… su reinado se deslizó luego por un entramado de amistades sospechosas, incapacidad
gubernativa, despilfarro, inmoralidad y enajenación de bienes, rentas y villas de realengo en favor de unos aristócratas
insaciables y esa falta de autoridad en la cumbre repercutía en todo el cuerpo social en forma de desórdenes, anarquía, abusos
impunes, quejas insatisfechas… » Antonio DOMÍNGUEZ ORTIZ : España. Tres milenios de historia. Madrid : Marcial Pons,
2001, 105.
2
« Las dos coronas siguen siendo independientes, a pesar de estar reunidas en la persona de sus respectivos soberanos. Las
conquistas comunes pasan a integrar una u otra de las coronas ; Granada, Las Indias, Navarra forman parte de la corona de
Castilla ; Nápoles, de la corona de Aragón.… los reyes quedan asociados en todos los actos del poder : los documentos
oficiales están redactados en nombre de los dos soberanos » Joseph PÉREZ : « España moderna (1474-1700) Aspectos políticos
y sociales » in Frustración de un imperio. Tome V de Historia de España dirigée par Manuel Tuñón de Lara. Barcelona :
Labor, 1984, 135-259, 143.
3
Joseph PÉREZ : Histoire de l’Espagne. Paris : Fayard, 1996, 153.
4
« …les grandes lignes de la nouvelle organisation du royaume : création de la Santa Hermandad, généralisation des
corregidores, prééminence du Conseil royal, effacement du rôle politique de la noblesse. » Pérez Histoire de l’Espagne 157-
161, 161.
5
Christian HERMANN : « Le patronage royal espagnol : 1525-1750 » in Jean-Philippe GENET, Bernard VINCENT (dir.) : État
et Eglise dans la genèse de l’État moderne. (Actes du colloque de 1984). Madrid : Casa de Velázquez, 1986, 257-271, 260. Cf.
aussi Pérez Frustración 153-154.
-2-
consiste à la contrôler et à généraliser son action à tout le territoire. Les Rois Catholiques vont désormais
privilégier la religion pour renforcer leur pouvoir et la cohésion nationale. De ce point de vue, la sphère
politique tend à rejoindre la sphère spirituelle et les Rois Catholiques se considèrent les vicaires de Dieu 6.
On assiste en quelque sorte à une laïcisation de l’Église et à une cléricalisation de l’État7.
A l’extérieur, l’ambition de l’Espagne est grande. Les rois vont recevoir le qualificatif de catholiques du
pape espagnol Alexandre VI (Rodrigo de Borja) en 1494, alors que le titre de rois d’Espagne avait été
écarté en 1479 lorsque Ferdinand allait hériter de la couronne aragonaise. Cette circonstance est le signe
que la politique espagnole est plus universelle (un des sens de catholique) que nationale 8. La politique des
monarques auprès du Vatican leur permet d’obtenir une mission internationale, celle de garantir l’unité de
la Chrétienté : en propageant la religion catholique (Amériques, Afrique…) et en luttant contre l’infidèle
(Méditerranée) et l’hérétique (Flandres, Allemagne…). Cette mission permet à l’Espagne de nourrir de
grandes ambitions9. La politique d’alliances matrimoniales avec les grands pays d’Europe poursuit un
projet impérialiste qu’incarnera Charles Quint10.
La religion est donc liée à deux questions essentielles durant le règne des Rois Catholiques : renforcer la
cohésion à l’intérieur (État patrimonial indivisible), créer un empire à l’extérieur (État supranational) 11.
Joseph Pérez synthétise ce que va devenir l’Espagne : « Un État qui s’investit lui-même d’une mission
spirituelle, qui considère que son rôle est d’assurer l’unité de la chrétienté à l’extérieur et de préserver
l’orthodoxie à l’intérieur de ses frontières.… L’Espagne a effectivement pratiqué, à partir d’un certain
moment, une sorte de nationalisme religieux, mélange d’intransigeance, d’intolérance et aussi
d’impérialisme tout court. »12.
Dans ce contexte, la prise de Grenade contribue à redonner à l’Espagne son unité territoriale perdue
depuis l’arrivée des Maures (711). L’Espagne, à l’époque des Rois Catholiques, aurait donc
théoriquement retrouvé une unité politique (l’union entre les Rois Catholiques), une unité territoriale et
l’unité religieuse pour parvenir à cette trinité qui aurait fondé l’Espagne moderne. Tous ces points qui ont
été propagés par l’Histoire officielle sont à nuancer. Cette union personnelle entre Ferdinand et Isabelle
n’a pas été sans mal tant chaque partie paraît faire plus d’efforts pour ne rien céder à l’autre que pour
s’unir13 (concordia de Segovia) et elle aurait bien pu déboucher sur une nouvelle séparation des
6
Joseph PÉREZ : « L’idéologie de l’État » in Christian HERMANN (dir.) : Le premier âge de l’État en Espagne (1450-1700).
Paris : CNRS, 1990, 191-216, 197.
7
« El Estado se sacraliza asumiendo no sólo el poder y la ideología, sino incluso muchas de las funciones anteriormente
reservadas al cuerpo eclesiástico » Paolo PRODI (Il sovrano pontefice. Bolonia : Il Mulino, 1982) cité par Pablo FERNÁNDEZ
ALBALADEJO : « Iglesia y configuración del poder en la monarquía católica (siglos XV-XVII). Algunas consideraciones » in
GENET/VINCENT: État et Eglise 209-216, 210. Cf. Francisco TOMÁS Y VALIENTE : « Relaciones de la Inquisición con el
aparato institucional del Estado » in Joaquín PÉREZ VILLANUEVA (dir.): La Inquisición española. Nueva visión y nuevos
horizontes (colloque Cuenca). Madrid : Siglo XXI, 1980, 41-60.
8
Carmelo LISÓN TOLOSANA : La imagen del rey. Monarquía, realeza y poder ritual en la Casa de los Austrias. Madrid :
Espasa Calpe, 1991, 26. Cf. Fernández Albaladejo 212 ; Pérez Histoire 151.
9
« Derrière le lent échafaudage, il y avait bien le grand dessein d’une monarchie hispanique qui imposerait le catholicisme
partout où elle règnerait. » Bartolomé BENNASSAR, Bernard VINCENT : Le temps de l’Espagne. (XVIe-XVIIe siècles). Paris :
Hachette, 1999, 44.
10
Domínguez Ortiz España 119.
11
Bartolomé BENNASSAR : « Un État, des États » in Hermann Le premier âge 69-86.
12
Pérez : « Idéologie… » 210 ; « Depuis la victoire définitive sur l’Islam, marquée par la prise de Grenade en 1492,
beaucoup ont tendance à voir dans l’Espagne le peuple élu par Dieu pour réaliser une mission particulière… Ainsi se trouvent
réunies, dans l’Espagne du XVIe siècle, les conditions favorables à la naissance et au développement de ce qu’on a appelé
quelquefois la tentation théocratique : on attend du pouvoir politique la réalisation effective du royaume de Dieu, l’État
s’arroge la mission d’assurer le triomphe de la vertu, de la foi, de la religion, en utilisant les moyens que confère la puissance
politique, y compris, si nécessaire, la contrainte. » Pérez « Idéologie …» 212.
13
« Hubo cierta tensión entre los esposos y sus séquitos que se resolvió amistosamente por la Concordia de Segovia [1475],
en virtud de la cual en los documentos de la chancillería regia precedería el nombre de Fernando al de Isabel, pero en la
enumeración de los reinos el de Castilla precedería al de Aragón ; las rentas de Castilla y las de Aragón se emplearían en los
territorios respectivos. La reina concedería en Castilla las mercedes y oficios (a don Fernando no se le podía reconocer igual
potestad en Aragón porque todavía vivía su padre » Domínguez Ortiz España 107, 123. « …los reyes quedan asociados en
todos los actos del poder : los documentos oficiales están redactadados en nombre del rey y de la reina ; el sello es uno, con las
armas de Castilla y Aragón ; del mismo modo, las monedas llevan la efigie y el nombre de los dos soberanos. En vida de doña
Isabel, don Fernando fue, pues, rey en Castilla, y no simple príncipe consorte.  » Pérez Frustración 144 ; « La unión de Castilla
y Aragón estuvo entonces a punto de deshacerse definitivamente, ya que si el hijo nacido en 1509 de aquel matrimonio
[Fernando de Aragón con Germana de Foix] hubiera vivido (sólo vivió unas horas), las dos coronas habrían quedado separadas
otra vez » Pérez Frustración 168.
-3-
royaumes. L’unité territoriale est en fait un expansionisme qui repousse les frontières au-delà de la
Péninsule, et que dire du puzzle ainsi obtenu à l’époque de Philippe II, dispersé à travers le monde.

Tous les points que nous venons de présenter permettent de contextualiser la création de l’Inquisition.
Les facteurs qui expliquent et permettent la création du tribunal ont été résumés par Bartolomé Escandell
Bonet : « En el contexto socio-político de los distintos factores señalados (composición confesional del
cuerpo social español ; enfrentamientos judeo-cristianos con explosiones de furia popular que toma la
justicia por su mano ; la nueva monarquía territorial moderna de Isabel y Fernando ; poderío monárquico
incluso revestido de ciertas prerrogativas jurídicas en el campo eclesiástico), parecen reunirse ya todos los
elementos esenciales para apreciar como históricamente congruente que la unidad en la fe del cuerpo
social pudiera verse como condición y obligada estrategia para la consolidación del naciente Estado
territorial moderno. »14.
L’Inquisition entre donc dans une logique de renforcement du pouvoir monarchique. Il reste cependant à
éclaircir une série de questions sur la nature de ce tribunal et sur le contrôle qu’exerçait la monarchie sur
lui. Il faut tout d’abord rappeler que l’Inquisition existait déjà en Aragon depuis 1232 et à Valence depuis
1420. D’après Ricardo García Cárcel, ce qui différencie l’Inquisition médiévale de l’Inquisition moderne
espagnole c’est, plus que l’efficacité, le « regalismo monárquico y la nacionalidad castellana » au
bénéfice de la « potenciación del recién nacido Estado moderno para lo que se había descubierto un
instrumento realmente idóneo »15.
L’Inquisition avait cependant déjà frappé à Durango (Vizcaya) en 1442 sous le règne de Jean II en
infligeant la peine capitale, ce qui avait d’ailleurs amené la reine doña María à demander l’autorisation au
pape d’envoyer des inquisiteurs à Grenade. De même à Tolède, en 1451, des inquisiteurs avaient été
nommés par le pape Nicolas V pour poursuivre des conversos judaïsants16. Apparemment, ce serait une
visite des Rois Catholiques à Séville qui leur aurait fait prendre la mesure du problème. Séville vivait
dans un chaos qui favorisait l’apostasie des conversos17. Voyant que l’Église ne voulait pas collaborer,
peut-être en raison des appuis dont ceux-ci bénéficiaient, les Rois catholiques en conclurent qu’il fallait
créer une Inquisition nationale18. On voit à travers ce récit que des causes immédiates avaient rendu
« nécessaire » une nouvelle Inquisition. Mais le débat est certainement ailleurs, si l’on en juge par les
négociations acharnées entre les rois et la papauté quant au contrôle du tribunal. Depuis la bulle du pape
Sixte IV (Exigit sincerae devotionis affectus), qui date du 1er novembre 1478 et autorise les Rois
Catholiques à créer le Tribunal, jusqu’à sa ratification par Sixte IV le 23 février 1483 s’écoulent plusieurs
années de négociation. Finalement, le Pape abdique et concède aux Rois le droit de contrôler le
Tribunal19.

14
Bartolomé ESCANDELL BONET : « El contexto socio-político de la aparición de la Inquisición española moderna » in
Joaquín PÉREZ VILLANUEVA, Bartolomé ESCANDELL BONET : Historia de la Inquisición de España y América 1. El
conocimiento científico y el proceso histórico de la institución (1478-1834). Madrid : BAC, 1984, Tome I 267-277, 276.
15
Ricardo GARCÍA CÁRCEL : Orígenes de la Inquisición española : el tribunal de Valencia, 1478-1530. Barcelona : Ed.
Península, 1976, 48.
16
Juan MESEGUER FERNÁNDEZ : « El periodo fundacional (1478-1517) I. Los hechos » in Historia de la Inquisición Tome I
281-370, 287-289
17
« Es obvio que con una justicia remisa y aflojados los resortes del comportamiento social aumentara el número de
conversos que tornaban a las prácticas judaicas y que sin empacho ni recelo se manifestaran como convertidos que habían
apostatado. » Meseguer 291.
18
« Numerosísimas eran las personas implicadas, anudadas por lazos familiares, sociales y profesionales, gozando de
protecciones insospechadas. El movimiento se extendía a todos los reinos de Castilla. … Fernando e Isabel habían llegado a la
convicción que no había instrumento legal con el que hacer frente al movimiento de los falsos conversos, instrumento que
debía estar dotado en su funcionamiento de unidad vertical, no sólo horizontal, de cohesión, rapidez y eficacia » Meseguer 292,
294.
19
« …una bula concediendo a los reyes Fernando e Isabel facultad de elegir dos o tres obispos, arzobispos, u otros varones
próvidos y honestos, presbíteros seculares o regulares, mayores de 40 años de edad, de buena vida y costumbres, maestros o
bachilleres en teología, doctores o licenciados en cánones, en virtud de examen riguroso, para que los así nombrados
inquiriesen en todos los reinos y señoríos de dichos monarcas contra los herejes, apóstatas y fautores, a cuyo fin desde
entonces daba Su Santidad a los elegidos la jurisdicción necesaria para proceder conforme a derecho y costumbre, autorizando
a los reyes para revocar los nombramientos y poner otras personas en lugar de los primeros, y expresando que esta bula no
pudiera ser revocada sin mención especial de su contenido. » Juan Antonio LLORENTE : Historia crítica de la Inquisición en
España. Madrid : Hiperión, 1980. Tome I 126.
-4-
Avec l’Inquisition, le pouvoir royal se dotait d’un instrument redoutable. Le Tribunal était une des
seules institutions ayant juridiction sur tout le territoire, ce qui n’a pas manqué de causer des réactions
d’opposition, plus souvent sur la forme que sur le fond 20. L’Inquisition est très vite devenue un organisme
au-dessus des lois21. Très structuré et centralisé, le Tribunal est dirigé par l’Inquisiteur général qui lui-
même est nommé par le roi 22. Les objectifs politiques du Saint Office ne sont d’ailleurs pas
contradictoires avec ses objectifs religieux. En effet, l’hérésie comme l’Inquisition est un concept mixte :
« el error en la fe tiene una dimensión política… podía el hereje ser presentado como delincuente
político »23. L’Inquisition représentait pour les monarques un instrument de cohésion sociale et
nationale24.
Pour corroborer cette approche théorique, il peut être utile de parler de l’action inquisitoriale. On sait
qu’à ses débuts25, l’Inquisition a surtout persécuté les Juifs convertis au christianisme qui gardaient leur
attachement pour la foi judaïque, commettant ainsi le crime d’apostasie. Cette étape meurtrière, dont il est
difficile d’évaluer l’importance mais dont l’impact psychologique a été très fort, a laissé place à une
accalmie. Il a même été question de supprimer le Tribunal, mais Charles Quint et ses successeurs l’ont bel
et bien maintenue26. On a eu tendance à considérer que l’Inquisition détruisait tout sur son passage. Il faut
pourtant nuancer cette image. On la craignait parce qu’elle brûlait les hérétiques, mais les « relaxés »
furent relativement peu nombreux27. L’impact qu’elle pouvait avoir sur les esprits relevait surtout de la
propagande dont elle usait avec les autodafés, les édits de foi et les visites, et la sensation que personne ne
pouvait y échapper. Le moindre indice pouvait être exploité par la machine inquisitoriale pour anéantir
l’accusé28, d’autant que celui-ci ne savait pas qui l’avait dénoncé et ce qu’on lui reprochait 29. Son
efficacité résidait également dans l’accumulation d’informations qu’elle ne mettait pas forcément à profit.
Par contre, lorsqu’elle avait décidé de détruire des communautés ou des familles, elle disposait des armes
juridiques et psychologiques pour le faire et il était alors très difficile d’en réchapper 30. On voit donc que
20
Pour Valence et l’Aragon en général, Ricardo García Cárcel retrace et analyse les conflits suscités par l’instauration du
tribunal tant au niveau local (opposition forale) qu’au niveau institutionnel (Vatican). « El brazo militar pone el acento en el
peligro de imperialismo jurisdiccional que la Inquisición presupone. El eclesiástico se hace eco de los problemas económicos
que la implantación suscita » Orígenes 61 ; « El intervencionismo absoluto del rey a niveles de protagonismo extraordinario.
La Inquisición es manejada como una entidad económico-religiosa en la que el rey actúa como señor feudal.  » Orígenes 55 ;
« El dominio del rey de la situación no lo perdería ya en ningún momento, especialmente desde la ascensión al trono pontificio
de Alejandro en 1492. Las reticencias de Sixto IV (1471-1483) e Inocencio VIII (1484-1492) se transformarían en la docilidad
de Alejandro VI (1492-1503) tan hábilmente aprovechada por el rey Católico. » Orígenes 71.
21
«… la seule véritable administration nationale du temps : égalité de tous, couverture totale du territoire, sans que tienne
face à elle aucun privilège, concentration, réseau hiérarchisé d’agents partout présents. En principe, l’Inquisition est la seule
institution d’Espagne qui, jusqu’au début du XVIIIe siècle, agisse aussi bien en Aragon qu’en Castille, sur les terres du roi
comme sur celles des seigneurs, en Galice comme en Navarre, qui juge clercs comme laïques. Ces éléments extérieurs
suffiraient à expliquer que les Rois Catholiques aient tellement tenu à la créer et à la contrôler.  » Jean-Pierre DEDIEU : « La
défense de l’orthodoxie » in Le premier âge… 217-237, 228.
22
« L’Inquisition espagnole dépendait d’un inquisiteur général nommé par le pape sur proposition du roi, et fonctionnait en
vase clos, sans que Rome ait droit de regard sur ses affaires. » Dedieu « La défense… » 226.
23
Je cite Jaime Contreras lors du débat organisé par Ricardo García Cárcel pour la revue Manuscrits qui réunissait également
Henry Kamen, Jean-Pierre Dedieu, Francisco Tomás y Valiente : « La Inquisició a debat » Manuscrits n°13, janvier 1995, 31-
55, 37.
24
« …l’action de l’Office tendait à renforcer la cohésion et l’unité culturelle de la nation » Dedieu « La défense… » 230.
25
Voir Jean-Pierre DEDIEU : « Les quatre temps de l’Inquisition » in Bartolomé BENNASSAR : L’Inquisition espagnole. Paris :
Hachette, 1979, 13-40.
26
« A comienzos del reinado de Carlos V, la Inquisición estuvo a punto de ser extinguida ; había cumplido su misión, la de
exterminar aquella fracción (quizás la quinta o sexta parte) de los judeoconversos que se había hecho culpable o sospechosa de
recaer en el judaïsmo. » Domínguez Ortiz España 126. Dans les testaments des Austrias, la clause concernant l’Inquisition
reste la même de Charles Quint à Philippe IV : « …qu’il favorise et fasse favoriser le Saint-Office de l’Inquisition contre la
perversité hérétique et l’apostasie. » Bennassar « Un État… » 73-75.
27
Voir Bartolomé BENNASSAR : « La pédagogie de la peur » in L’Inquisition espagnole 101-137, 114.
28
Les cas de Olavide et Carranza démontrent bien que l’Inquisition peut poursuivre n’importe qui lorsqu’elle le désire. Cf.
Historia de la Inquisición… I 556-598, 1265-1276.
29
Sur ces aspects juridiques voir Jean-Pierre DEDIEU : L’Administration de la foi : l’Inquisition de Tolède (XVI-XVIIIe
siècles). Madrid : Bibliothèque de la Casa de Velazquez, 1989, 111-133.
30
« Trois sources, donc, dans l’information, qui se succèdent dans un ordre à la fois logique et chronologique. La première
utilise en partie les tensions existantes entre morisques et non-morisques ; la seconde, les tensions à l’intérieur de la minorité ;
la troisième, fondée sur les techniques de lavage de cerveau, brise la volonté et jusqu’à la plus forte des solidarités, la
familiale.» Jean-Pierre DEDIEU : « Les Morisques de Daimiel et l’Inquisition (1502-1626) » in Louis CARDAILLAC (dir.) : Les
Morisques et leur temps. Paris : CNRS, 1983, 493-522, 507.
-5-
son action est différente suivant les époques (conversos, morisques, protestants, vieux-chrétiens) et les
tribunaux (les districts de Valence et Saragosse ont une proportion plus grande de morisques) 31. A
Valence, face à des villages exclusivement morisques, elle n’avait que peu de chances d’obtenir des
résultats, mais dans un milieu urbain mixte le processus pouvait s’enclencher à partir du moindre indice 32.
De même, face à des circonstances socio-historiques particulières elle n’hésitait pas à affronter des
personnages a priori intouchables33. Il faut donc voir dans l’Inquisition un instrument politico-juridique au
service de l’État dans sa lutte pour l’uniformisation idéologique et contre l’hérésie au sens large 34. C’est
un instrument au service de l’absolutisme en tant que celui-ci vise à dissoudre toute sorte de contre-
pouvoir.

L’Inquisition fut créée en Espagne pour lutter contre l’hérésie et plus particulièrement pour faire face au
problème des conversos. Il faut tout de même remonter à 1391 pour expliquer ce phénomène. Durant le
XIVe siècle une partie de l’opinion était favorable à une solution totale, à savoir obtenir le baptême
généralisé des Juifs d’Espagne. Avant les pogroms de Séville, Ferrán Martínez, l’archidiacre de Ecija
haranguait les foules en les encourageant à détruire les synagogues tout en formant des groupes
d’agitateurs qui depuis Séville allaient propager la vague de tueries qu’a connue l’Espagne cette année-là.
La conséquence directe de ces événements fut la conversion massive de nombreux Juifs, qui voyaient
dans le baptême un moyen d’éviter le pire. Le débat théologique pouvait alors commencer.
Théoriquement on ne peut venir au christianisme que librement et le baptême forcé n’est pas valable.
Mais il y avait jurisprudence et à une époque reculée un concile avait admis le baptême et obligé les Juifs
à se comporter en bons chrétiens 35. Les mesures de coercition, notamment les lois de Ayllón (1412), ont
pour but de placer les Juifs dans une marginalisation accrue afin qu’ils se convertissent36. Luis Suárez les
résument pour nous : « Las autoridades municipales señalarían inmediatamente un barrio en donde se
ejecutase la separación ; en el plazo de ocho días todos los hebreos no bautizados deberían trasladarse a
ellos y, en adelante, sus salidas y desplazamientos quedarían sujetos a especial vigilancia… La miserable
condición que la sociedad asignaba al judío debía reflejarse también en el aspecto externo : crecidos la
barba y el cabello, fabricados sus vestidos con paños oscuros y baratos, de menos precio de 30 maravedís
la vara, visible la rodela bermeja, en todo harían presente la tristeza y amargura de una situación
perversa… Todos los oficios dignos y de provecho se prohibían… A ningún judío podría en adelante
darse el título honorífico de don. ».
La communauté juive va alors être divisée et transformée. Les Juifs non convertis vont devenir des
artisans appartenant à une classe moyenne faisant front autour de leur leader, Abraham Benveniste, alors
qu’on voit de riches convers occuper les plus hautes fonctions en bénéficiant des arguments favorables à
la conversion développés par Pablo de Santa María (Salomón Ha-Levi), ancien rabbin de Burgos devenu
évêque de cette ville. Alonso de Espina confesseur franciscain de Henri IV, publia en 1461 son
Fortalitium Fidei, dans lequel il dénonçait la mauvaise influence que les Juifs avaient sur les nouveau
convertis et proposait de créer une inquisition pour corriger les erreurs des judaïsants. Cette idée a mûri et
a été appliquée dès 1478, quatre ans après l’avènement d’Isabelle.
Paradoxalement, les Rois Catholiques font figure de protecteurs des Juifs : « son míos, están bajo mi
amparo y protección cada uno de ellos, sus personas y bienes, y les aseguro de todas y cualesquier
personas, porque de derecho canónico y según las leyes de estos nuestros reinos, los judíos son tolerados
y sufridos y nos los mandamos tolerar y sufrir y que vivan en nuestros reinos como nuestros súbditos y
31
Dedieu « Les quatre temps… ».
32
Raphaël CARRASCO : « Historia de una represión : los Moriscos y la Inquisición de Valencia (1566-1620) », Areas, 1988
n°9, 27-50, 30, 36 ; Rafael BENÍTEZ SÁNCHEZ-BLANCO : « La Inquisición ante los moriscos » in Joaquín PEREZ VILLANUEVA,
Bartolomé ESCANDELL BONET : Historia de la Inquisición de España y América III. Temas y Problemas. Madrid : BAC, 2000,
T. III, 695-736, 731.
33
« El proceso de 1540 contra don Sancho de Cardona, almirante de Aragón y protector decidido de los moriscos de
Guadalest, consituye el primer hito de la ofensiva contra las raíces del problema : el proteccionismo señorial » Ricardo GARCÍA
CÁRCEL : Herejía y sociedad. Inquisición en Valencia (1530-1609). Barcelona : Península, 1980, 30.
34
La synthèse est formulée par Antonio Domínguez Ortiz : « el estrecho control que los reyes de España ejercieron sobre la
Inquisición desde el momento mismo de su institución no es argumento válido para negar su carácter eclesiástico » Antonio
DOMÍNGUEZ ORTIZ : « Las presuntas “razones” de la Inquisición » in Historia de la Inquisición III, 57-82, 61.
35
Julio CARO BAROJA : Los judíos en la España moderna y contemporánea. Madrid : ISTMO, 1986, I 39. Luis SUÁREZ
FERNÁNDEZ : Judíos españoles en la edad media. Madrid : Rialp, 1980, 216.
36
Suárez Judíos 225-226.
-6-
vasallos »37. Mais cette protection traditionnelle en Castille 38 place les Juifs dans une situation de bouc
émissaire et de rempart pour ceux qui les utilisent. On peut rappeler les paroles de Jean I condamnant les
sermons enflammés de Ferrán Martínez : « aunque su celo es santo y bueno, debe mirar que con sus
sermones y pláticas no conmueva el pueblo contra los judíos, ca aunque son malos y perversos, están
debajo de mi amparo y podería real »39. En les présentant comme leur propriété, ils considèraient les Juifs
comme ne faisant pas partie du corps social espagnol. Lorsqu’on dit qu’ils doivent être « tolerados y
sufridos » on écarte d’un point de vue discursif la possibilité même de leur intégration à la communauté
nationale et l’on souligne l’anomalie de leur présence40.
Les conversos dans leur diversité ont aussi une place ambiguë. Certains étaient des catholiques sincères
et fervents, d’autres avaient réussi à gravir les échelons d’une société et à se tisser des relations qui les
préservaient. Juan Arias Dávila, évêque de Ségovie, avait tout intérêt à lutter contre l’Inquisition puisque
celle-ci visait des membres de sa famille41.
Tout comme la création de l’Inquisition, l’expulsion des Juifs avait pour but de préserver les conversos
de la mauvaise influence des leurs anciens coreligionnaires 42. C’est Torquemada, inquisiteur général, qui
en est l’instigateur direct43. L’argumentation détaille avec une précision toute inquisitoriale le
prosélytisme juif44. La solution est d’écarter les Juifs pour les empêcher de nuire. Ce qui inquiète le
législateur c’est « el gran daño que a los cristianos [nuevos] se ha seguido y sigue de la participación,
conversación, comunicación que han tenido y tienen con los judíos ». On déplore que les premières
mesures n’aient pas porté leur fruit (« …somos informados que aquello ni las justicias que se han hecho
en algunos de los dichos que se han hallado muy culpantes en los dichos crímenes y delitos contra
Nuestra Santa Fe Católica no basta para entero remedio para obviar y remediar como cese tan gran
oprobio y ofensa de la fe y religión cristiana ») en distinguant plusieurs catégories dans le corps social des
conversos : « los que hasta aquí Dios ha querido guardar » ; « los que cayeron, se enmendaron y
redujeron a la Santa Madre Iglesia ». Mais il faut supprimer la cause : « lo cual según la flaqueza de
nuestra humanidad y astucia y sugestión diabólica, que continuo nos guerrea ligeramente, podría acaecer
si la causa principal desto no se quita ». La « nation » espagnole est présentée comme un « colegio » qui,
pour se préserver, doit punir ceux qui mettent en danger son intégrité « es razón que el tal colegio y
universidad sean disolvidos y aniquilados y los menores por los mayores, y los unos por los otros punidos
y que aquellos que pervierten el buen y honesto vivir de las ciudades y villas y por contagio pueden dañar
a los otros sean expelidos de los pueblos »45.
Cette argumentation semble pointer que l’objectif est non seulement de préserver l’intégrité de
l’Espagne mais aussi d’intégrer la population juive dans le projet national. Cela est d’autant plus vrai
qu’aucun acharnement n’a été commis contre les Juifs puisque les Rois leur assurent leur protection.

37
Suárez Judíos 254.
38
Enrique IV, Alvaro de Luna, voir Suárez 245-246.
39
Suárez Judíos 206.
40
Balmes définit ainsi la tolérance « el sufrimiento de una cosa que se conceptúa mala, pero que se cree conveniente dejarla
sin castigo… de manera que la idea de tolerancia anda siempre acompañada de la idea del mal » cité par Joseph PÉREZ :
Historia de una tragedia. La expulsión de los judíos de España. Barcelona : Crítica, 1993, 35.
41
« La existencia por otra parte de conversos en los escalones altos y bajos de la jerarquía representaba otro obstáculo de no
pequeña monta. Por ley natural se sentirían inclinados a favorecer a los de su raza y parentela sin que por esto haya que
presuponer que compartían su tendencia tornadiza.» Meseguer 294 ; « También debió de surgir en dichas conversaciones la
negligencia de ciertos obispos y sus oficiales —actitud que rima con su calidad de hijos de conversos— en castigar la herejía
judaizante » Meseguer 294.
42
« L’explication la plus plausible est aussi la plus simple, celle qui est donnée, dans le décret d’expulsion. On y lit ceci  :
l’assimilation des conversos est rendue difficile, voire impossible, par la présence de Juifs qui entretiennent avec eux des
rapports de parenté, d’amitié et de travail. Tant qu’il restera des Juifs en Espagne, les conversos, à leur contact, ne pourront
jamais renoncer à des habitudes anciennes et seront incités à judaïser » Pérez Histoire 170.
43
« …acordé de lo notificar y hacer saber al rey y a la reina nuestros señores. Y como quier que sus altezas, como católicos
príncipes, acordaron de proveer cerca dello, hubieron por bien que yo proveyese por mi oficio en la forma siguiente. Por ende,
con voluntad y consentimiento de sus altezas, acordé de … » Ces paroles sont tirées d’un décret (provisión) promulgué par
Tomás de Torquemada, inquisiteur général, pour l’évêché de Gérone, le 20 mars 1492, à savoir 11 jours avant le décret
d’expulsion pour la Castille. Les deux textes reprennent sensiblement les mêmes arguments et suivent le même schéma. Pérez
Historia de una tragedia 128, 144 et ss.
44
L’Inquisition connaissait parfaitement les pratiques religieuses judaïsantes ; voir García Cárcel Orígenes 209. Voir aussi la
précision de l’Edit de foi décrit par Llorente I 132.
45
Pérez Historia de una tragedia 145-151.
-7-
Ensuite, une campagne destinée à persuader les Juifs de rester en se convertissant a été menée par les
monarques, sous la direction du confesseur d’Isabelle, Fernando de Talavera46.
Ce qu’il nous semble important de souligner, après cette intrusion dans la problématique conversa, c’est
que la politique des Rois Catholiques n’est pas hostile aux Juifs en tant que tels, puisque la création de
l’Inquisition et l’expulsion sont deux mesures visant à éviter que les nouvellement convertis ne
« rechutent », c’est-à-dire ne continuent à pratiquer leur anciens rites. Au-delà du problème ainsi présenté,
nous avons vu qu’un effort d’homogénéisation est amorcé durant ces années et qu’une seule religion
serait dorénavant tolérée (cuius regio eius religio). Mais il faut aussi considérer que les monarques ne
veulent pas perdre le capital humain que représentent autant les conversos que les Juifs. Quant aux statuts
de pureté de sang, ils n’ont jamais reçu l’aval de la monarchie, mais relèvent d’un corporatisme inquiet
face à l’extrême capacité des conversos à s’élever dans l’échelle sociale47.
Les Juifs, tout comme les conversos, se trouvent au centre d’un processus, la formation de l’Etat
moderne, dans lequel pouvoir politique et Inquisition poursuivent un même objectif : dissoudre les liens
qui unissent cette communauté dans sa diversité.

Pour continuer à alimenter notre réflexion, nous allons présenter la problématique morisque, qui s’étale
sur tout le XVIe siècle mais qui occupe tout de même la politique royale et inquisitoriale du règne des
Rois Catholiques. Après la prise de Grenade, le musulman qui se convertit passe du statut de mudéjar à
celui de morisque. Une transition, là encore, se dessine entre le Moyen Age, et son esprit de
« convivencia » qui permet à plusieurs religions de coexister, et l’époque moderne, où une seule religion
doit prévaloir. Les capitulations signées le 25 novembre 1491 entre Les Rois Catholiques et Muhammad
XIII (Boabdil) entrent dans une tradition de la reconquête. Les musulmans pouvaient garder leurs
maisons, leurs biens, leur structures sociales et judiciaires : « Item es asentado e concordado que sus
Altezas e sus descendientes para siempre jamás dejarán vivir al dicho Rey Muley Buaaudili e a los dichos
alcaides, e alcadís, e sabios, e moftíes, e aflaquíes, e caballeros, e escuderos, e viejos e buenos hombres, e
comunidad, chicos e grandes, estar en su ley, e non les mandarán quitar sus algimas e zumas, e
almuédanos, e torres de los dichos almuédanos, para que clamen a sus azalaes, e dejarán e mandarán dejar
a las dichas algimas sus propios e rentas como agora las tienen, e que sean juzgados por su ley zaracena
con consejo de sus alcadís, según costumbre de moros, y les guardarán e mandarán guardar sus buenos
usos y costumbres. »48.
La dimension religieuse n’est pas négligée, puisque non seulement ils peuvent rester musulmans mais
on ne devra pas les forcer à devenir chrétiens, et plus encore les chrétiens devenus musulmans dans une
époque précédente ne seraient pas obligés de redevenir catholiques49.
Mais les circonstances ont changé les chrétiens n’ont plus rien à craindre, ils peuvent s’imposer en tant
que vainqueurs50. Miguel Angel Ladero Quesada explique l’échec des capitulations par la nouvelle
orientation de l’État et l’attitude arrogante du vainqueur sur le vaincu 51. La situation évolue très
rapidement, puisque la population musulmane va diminuer de moitié, moitié que viendra compenser

46
« Una intensa campaña de predicaciones y exhortaciones tuvo lugar durante estas semanas, a la cual no fueron ajenos los
propios reyes, que prometían beneficios a quienes abrazasen el bautismo » Suárez 270, Meseguer 296.
47
Albert SICROFF : Los estatutos de limpieza de sangre. Controversias entre los siglos XV y XVII. Madrid : Taurus, 1985.
Voir aussi Dedieu « La défense ».
48
Julio CARO BAROJA : Los moriscos del reino de Granada. Madrid : ISTMO, 1991, 41.
49
« …que no se permitirá que ninguna persona maltrate de obra ni de palabra a los cristianos o cristianas que antes destas
capitulaciones se hubieren vuelto moros, y que si algún moro tuviere alguna renegada por mujer, no será apremiada a ser
cristiana contra su voluntad… que ningún moro ni mora serán apremiados a ser cristianos contra su voluntad  » Florencio
JANER: Condición social de los moriscos de España ; causa de su expulsión y consecuencias que ésta produjo en el orden
económico y político. Barcelona : Altafulla, 1987, 225-226.
50
« Los cristianos no tenían que temer represalias directas, revanchas, incursiones en su propio suelo, seguidas de áspero
cautiverio, organizadas por un poder estatal » Caro Baroja Los Moriscos 41.
51
« No lo fue por las tendencias políticas del momento, que hacían resaltar los factores de inasimilación sobre los de
convivencia entre comunidades de distinta cultura y creaban constantemente para el poder político el dilema de resolver de
modo urgente el problema mediante la anulación del grupo más débil : no lo fue, asimismo, por la presión humana ejercida por
el conquistador, andaluz las más veces, sobre el vencido granadino, manifestada en el afán de ocupar tierras, de reivindicar una
posición preferente, que la Corona quiso favorecer pero no contra justicia, de manifestar, en suma, su condición de vencedor
sobre un enemigo molesto durante siglos. » Miguel Angel LADERO QUESADA : Granada. Historia de un país islámico (1232-
1571). Madrid : Gredos, 1989, 262.
-8-
l’arrivée massive de chrétiens52. Les cadres sont partis, il ne reste plus que la population humble et
quelques « collaborateurs » généreusement récompensés pour leur aide53. Une à une, les clauses
avantageuses des capitulations vont être transgressées. D’autres mesures viendront les remplacer : il leur
sera interdit de posséder des armes, de changer de résidence, ils pourront vendre des propriétés mais ne
pourront plus les acheter. Le centre de Grenade (la médina) sera bientôt réservé aux chrétiens, obligeant
les musulmans à aller habiter dans l’Albaicín. Ces restrictions auront pour résultat que les chrétiens
occuperont les zones agricoles les plus riches et les zones urbaines54.
Les Rois Catholiques vont confier la tâche de réorganiser Grenade d’un point de vue administratif et
religieux à deux personnalités le Comte de Tendilla et Hernando de Talavera. Talavera adoptait des
méthodes persuasives en n’hésitant pas à utiliser la langue arabe pour convaincre 55. Il a réussi, semble-t-il
à gagner la confiance des grenadins qui l’appellent « alfaquí mayor de los cristianos » et même à obtenir
quelques conversions, ce qui restait l’objectif primordial, non avoué dans les capitulations 56. On considère
souvent que c’est l’arrivée de Francisco de Cisneros en 1499 et ses conversions massives forcées qui ont
tout fait basculer et amené les grenadins à se révolter 57. Cela est vrai, mais les raisons sont multiples.
Nous l’avons dit la population chrétienne se faisait plus pressante, et la législation aussi 58. Lorsque les
Rois catholiques arrivèrent dans la ville, ils furent déçus par le nombre réduit des conversions et laissèrent
Cisneros imposer sa façon de voir les choses. Les musulmans ne tardèrent pas à se révolter mettant en
danger la vie de l’archevêque de Tolède. Seule l’intervention conjuguée de Talavera et du comte de
Tendilla a réussi à tranquilliser les insurgés. Talavera trouvera une solution intermédiaire : les rebelles
obtiendront le pardon à condition qu’ils se convertissent. Par ailleurs, il obligera les maures convertis à ne
plus avoir de contact avec les non convertis et à adopter des us et des coutumes de chrétiens 59. Ce qu’il
faut obtenir plus que la conversion, fût-elle sincère, c’est de gommer tous signes pouvant rattacher le
nouveau converti à son ancienne communauté et éviter les relations avec elle.
Cisneros était venu à Grenade avec une mission inquisitoriale, celle de ramener dans le droit chemin les
elches (renégats) et baptiser leurs enfants. Une fois que la plupart des musulmans deviennent des
morisques, l’Inquisition a un droit de juridiction sur eux et peut les poursuivre. On a souvent considéré
52
Ladero 266, 278.
53
Ladero 267-268.
54
Ladero 278 ; Caro Baroja Los Moriscos 44.
55
Cela n’était pas automatique car Juan de Ribera, archevêque de Valence de 1569 à 1611 était contre. « Fray Hernando tenía
una idea clara sobre cómo se debía estimular la conversión respetando los hábitos culturales y las creencias que no fuesen
incompatibles con la fe cristiana.… Talavera fundó un colegio-seminario, el de San Cecilio, modélico entre los pretridentinos,
y tanto antes como, sobre todo, después de los sucesos de 1499-1501, intentó procedimientos evangelizadores que utilizasen la
lengua árabe y las costumbres granadinas, al estimular las traducciones de fragmentos bíblicos y evangélicos, al utilizar
zambras y otros bailes moriscos en la procesión del Corpus Christi, o sustituir el latín por el árabe en algún momento de la
liturgia. » Ladero 272.
56
« Se trataba de convencer después de vencer completanto la victoria militar con la victoria moral. Se buscaba la integración
total de los musulmanes en el nuevo orden. El conde y el arzobispo desplegaron en íntima colaboración sustentada con los
lazos de una entrañable amistad, singulares dotes de celo, compresión diplomacia, que les granjearon la simpatía y el sincero
aprecio de los musulmanes. » Juan MESEGUER FERNÁNDEZ : « Fernando de Talavera, Cisneros y la Inquisición en Granada »
in PÉREZ VILLANUEVA : La Inquisición española 371-400, 373.
57
« Con él [Cisneros] las presiones tomaron un aire violento y organizó bautismos en masa, sin dilaciones ni escrúpulos. No
había más que una dura alternativa : o convertirse al cristianismo o padecer grandes prisiones y torturas » Caro Baroja Los
Moriscos 48.
58
« El 22 de marzo de 1498 se preparan las primeras disposiciones prohibitivas de la mezcla de mudéjares y cristianos, a los
que por orden del arzobispo, se les veda, so pena de excomunión, vender vino a aquellos, arrendarles las casas para sus bodas,
comer carnes de reses degolladas por ellos, utilizar sus baños, y que sus mujeres se sirvieran de parteras moras pudiendo
haberlas cristianas » Antonio GALLEGO y BURÍN, Alfonso GÁMIR SANDOVAL : Los moriscos del Reino de Granada según el
sínodo de Guadix de 1554. Granada : Archivum, 1996, 17.
59
« Fray Hernando de Talavera dirige a los convertidos del Albaicín un Memorial en el que, con aire de paternal
benevolencia, señala la suma de lo que quería guardasen los moriscos. Esta “suma” comprendía el olvido de toda ceremonia
musulmana en oraciones, ayunos, pascuas, fiestas, bodas, nacimientos, baños y entierros ; la obligación de aprender todos a
persignarse y rezar el Padre Nuestro, Ave María, Credo, confesar y comulgar, hacer sus testamentos y mandas pías como
cristianos, enviar sus hijos a la Iglesia a aprender la doctrina, tener hospitales y cofradías y en sus casas venerar algunas
imágenes. Y “para que vuestra conversación sea sin escándalo de los cristanos de nación y no piensen que aún tenéis la secta
de Mahoma en el corazón, es menester que conforméis en todo y por todo a la buena y honesta conversación de los buenos y
honestos cristianos en vestir y calzar y afeitar y en comer y en mesas y en viandas guisadas como comúnmente las guisan, y en
vuestro andar y en vuestro dar y tomar y, más que mucho en vuestro hablar, olvidando cuanto pudiéredes la lengua arábiga y
haciéndola olvidar y que nunca se hable en vuestras casas” » Gallego/Gámir Los Moriscos 18.
-9-
que la reine s’était opposée à la création immédiate d’un Tribunal à Grenade considérant qu’il fallait
consentir un délai aux nouveau convertis60. Le Tribunal fut cependant créé en 1499 avec à sa tête le
terrible Rodrigo de Lucero (Tenebrero)61. L’action contre les néophytes fut bien réelle, même s’il faut
reconnaître qu’elle ne fut pas massive62. Quoi qu’il en soit, peu de conversions furent sincères, même les
notables grenadins qui y avaient vu un moyen de se maintenir furent déçus63.
Le 12 février 1502, une cédule royale oblige les musulmans de Castille à choisir entre la conversion ou
l’exil, cela ressemble à l’édit d’expulsion des Juifs, même si, dans ce cas, il s’agit d’éviter un exode
massif. Ainsi, il ne leur était pas possible d’atteindre le Maghreb à partir des côtes castillanes, ce qui les
obligeait à passer par l’Aragon ou le Portugal64. D’autres mesures avaient été adoptées pour empêcher la
fuite des convertis vers l’Afrique.
Si l’on fait un premier bilan, on autorise des musulmans vaincus à rester à Grenade en leur assurant une
certaine continuité, notamment religieuse. Non seulement leur espace économique et social se réduit mais
la pression religieuse devient de plus en plus forte, tant sur le plan de la prédication que sur le plan de la
répression inquisitoriale. A partir de là, la législation les obligeant à renoncer à leurs modes de vie
(vêtements, langue, coutumes, rites musulmans…) ne cessera de peser sur eux jusqu’à la rébellion de
1568, dite des Alpujarras65.
On pourrait faire le parallèle avec les morisques de la couronne d’Aragon qui furent involontairement
mêlés aux Germanías de Valence en 1521 et baptisés de force par les agermanados qui faisaient rejaillir
sur eux le conflit qui les opposait avec les nobles. Le baptême, encore plus involontaire qu’à Grenade, est
reconnu par l’assemblée de théologiens que réunit Charles Quint en 1524 pour la circonstance : le
baptême est déclaré valable car ils pouvaient choisir la mort plutôt que le baptême. Un nouvel édit
d’expulsion est promulgué pour l’Aragon en 1526, qui limite les embarquements aux ports galiciens 66. La
grande majorité des morisques a préféré rester, et une fois chrétiens ils n’avaient plus la possibilité de
partir, sauf clandestinement.
Une trêve (concordia) fut néanmoins accordée vis-à-vis de l’Inquisition moyennant 50 000 ducats pour
Valence, et 90 000 pour Grenade67. Bien que modérée l’action inquisitoriale jusqu’aux années 1560 fut
tout de même réelle68. Mais on peut dire que dans leur majorité les morisques sont restés fidèles à la
religion de leurs ancêtres. Pourquoi en aurait-il été autrement puisque la religion qui les accueillait en son
sein, leur demandait des contributions financières, mais ne les exonérait pas des tributs qu’ils devaient
payer en tant que morisques69.
60
Llorente I 255 ; Caro Baroja Los moriscos 50.
61
Llorente 255. Celui-ci sera ensuite Inquisiteur de Cordoue et sa véhémence suscitera des plaintes du Vatican. Joaquín
PÉREZ VILLANUEVA, Bartolomé ESCANDELL BONET : Historia de la Inquisición de España y América II. Las estructuras del
Santo Oficio. Madrid : BAC : 1993, 293.
62
Avant 1499 et après 1502, Grenade dépendait du Tribunal de Jaén ou de Córdoba. Cisneros avait été investi dès son arrivée
à Grenade de la tâche de poursuivre les renégats et de reprendre les affaires instruites par Talavera et Lucero. Leur relation fut
très certainement tendue à en croire le procès que el Tenebrero a fait à Talavera et sa famille conversa. Villanueva/Bonet
Historia de la Inquisición II 24 ; Meseguer « Fernando de Talavera… » 379.
63
Au début, certains morisques avaient été autorisés à participer au conseil municipal (veinticuatros). Ils étaient 9 sur 24
1500, et en 1522, il n’en restait plus que deux qui n’étaient d’ailleurs plus perçus comme des morisques ni par les chrétiens ni
par les morisques (« las de los Granada Venegas y los Córdobas, sincera y lealmente incorporados al cristianismo y al servicio
de los monarcas españoles »). Les musulmans avaient quitté le conseil municipal dès 1497. Gallego/Gámir 17, 19.
64
Llorente 256.
65
Meseguer « Fernando de Talavera » 374. Antonio DOMÍNGUEZ ORTIZ, Bernard VINCENT : Historia de los moriscos : vida
y tragedia de una minoría. Madrid : Alianza editorial, 1989, 21, 35.
66
García Orígenes 126-134.
67
« La etapa de 1526 a 1550 se puede caracterizar como la de la prórroga del mudejarismo sobre la base del establecimiento
de acuerdos entre la monarquía y los ya teóricos moriscos. La contradicción entre el bautismo teórico y la conversión real se
tapó con la concordia de 1526. La firme protección señorial de sus vasallos, las sustanciosas ofertas por parte de los
moriscos —50 000 ducados por parte de los valencianos, y por parte de los granadinos 90 000 ducados en 6 años— y el triunfo
del criterio teológico escotista —frente al tomista— de que la gracia del bautismo sería suficiente para la redención de los
infieles, garantizaron la inmovilización de la Inquisición respecto a los moriscos y la fijación de unos plazos para la
terminación de lo conversión, plazos curiosamente diferentes : 40 años de prohibición a la Inquisición de proceder contra los
moriscos y 10 años para eliminar el uso de la lengua y el vestido » Ricardo GARCÍA CÁRCEL, Doris MORENO MARTÍNEZ :
Inquisición. Historia crítica. Madrid : Temas de hoy, 2000, 234.
68
García /Moreno Inquisición 235, 240.
69
« Los señores feudales se niegan a que el cambio de religión implique un cambio en el status de dependencia servil de los
moriscos. Estos, por su parte, se oponen rotundamente a « vivir como cristianos y pagar como moros ». El rey ante el dilema
- 10 -
Pour les besoins de la démonstration, nous n’avons pas tenu compte de la diversité des situations qui
existaient dans la Péninsule, que ce soit pour les morisques ou pour les conversos. Mais au bout du
compte, les mesures adoptées n’ont pas toujours tenu compte de cette diversité et s’appliquaient à tout le
territoire.
Nous voyons une fois encore avec les morisques que les autorités avaient cherché à conserver la
population musulmane, et pas seulement pour satisfaire les besoins financiers des nobles propriétaires
terriens. On voulait intégrer cette population, malgré elle, mais tout en étant incapable de lui garantir des
conditions de vie équitables. Face à l’adversité, cette communauté faisait corps, quelquefois
indépendamment du problème strictement religieux, car même lorsque la conduite du morisque était
irréprochable on lui demandait de prouver sa sincérité en devenant un ennemi de son ancienne
communauté.

L’Inquisition comme l’État cherche à dissoudre des communautés qui étaient en train de se convertir à
des degrés très divers mais qui n’en ressentaient pas moins un lien communautaire fort. La critique de
l’Inquisition doit être faite, mais dans une critique plus globale d’un État qui impose une forme de pensée
unique sans autoriser la pluralité. Le règne des Rois Catholiques a servi de charnière entre l’Espagne
médiévale, celle des trois religions, et l’Espagne moderne, celle de la pré-réforme menée par Cisneros et
de l’Inquisition menée par Torquemada. Le règne de Charles V s’est ouvert sur l’érasmisme et s’est fermé
sur la Contre Réforme. Les destinées nationales rencontrent parfois des problèmes religieux et humains
qu’ils affrontent avec plus ou moins de réussite. Les Juifs et les morisques auront été les victimes d’un
processus historique, mais en aucun cas la cible d’un Etat raciste ou intolérant.

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opta por favorecer los intereses señoriales y la Inquisición no perdona lo que desde el punto de vista rigurosamente teórico es
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- 11 -
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