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Douze problèmes d’histoire du christianisme

Michel Grandjean automne 2009

La donation de Constantin : bienfait ou poison pour l’Eglise ?


Plan
1. La donation de Constantin
2. Le problème historiographique de la donation de Constantin
Jan Hus (~1372-1415), Jean Gerson (1363-1429), Nicolas de Cues (1401-1464).
Baronius (1538-1607).
3. Articuler pouvoir ecclésiastique et pouvoir civil
3.1. Le christianisme hors-la-loi
3.2. Le règne du pouvoir civil sur l’Eglise (césaropapisme)
3.3.Le règne de l’Eglise sur le pouvoir civil (théocratie)
Léon le Grand (440-461), pontifex maximus
Grégoire le Grand (590-604)
4. La construction de la suprématie pontificale au Moyen Age
4.1. Grégoire VII (1073-1085) et les Dictatus papae
Léon IX (1049-1054)
Henry IV, empereur (né en 1050, emp. 1056, mort 1106), Canossa
4.2. Innocent III (1098-1216) et l’idéal de la monarchie pontificale
Grégoire IX (1227-1241)
Innocent IV (1243-1254)
conciliarisme
gallicanisme, anglicanisme
5. Un concept moderne et polysémique : la laïcité
Textes

A Reporte-toi cependant au souvenir de tes prédécesseurs et réfléchis ; reviens aux exemples des
empereurs d’heureuse mémoire tels que Constantin, Charlemagne, Arcadius et Valentinien, et
considère-les attentivement (…). Car nous ne pouvons négliger ce fait, connu manifestement du
monde entier, à savoir que ledit Constantin, qui possédait un pouvoir monarchique unique sur tous les
pays de l’univers, a décrété, en accord avec le Sénat et le peuple non seulement de Rome, mais
aussi de tout l’Empire romain, avec le consentement unanime de tous, que le vicaire du prince des
apôtres, qui s’acquittait sur toute la terre du pouvoir du sacerdoce et du gouvernement des âmes, était
digne aussi de posséder sur le monde entier le principat des choses matérielles et des corps.
GRÉGOIRE IX à Frédéric II (1236) ;
tiré de : Marcel PACAUT, op. cit., p. 129.
B Le Sauveur a interdit toute domination terrestre à ses apôtres, mais sa parole divine est devenue
une raillerie et une fable depuis que l’empereur Constantin, trois siècles après la naissance de Jésus
Christ, a donné au pape un royaume. On a entendu ce jour-là une voix d’en haut qui criait : le poison a
été versé dans l’Eglise de Dieu (…). Par la richesse, toute l’Eglise chrétienne a été empoisonnée et
corrompue.
Jan HUS, sermon tchèque ;
tiré de : Ernest DENIS, Huss et la guerre des hussites, Paris, 1878, p. 74.
C Ils manquent de perspicacité et ils ne savent pas remonter à l’origine des choses, ceux qui
s’imaginent que le Siège apostolique a reçu de Constantin la souveraineté de l’Empire, alors qu’il
l’avait auparavant, comme on le sait, par nature et à l’état potentiel.
Innocent IV, bulle Aeger cui lenia (1245) ; tiré de : PACAUT, op. cit., p. 130.
D V. Car les chrétiens ne se distinguent des autres hommes ni par le pays, ni par le langage, ni par
les vêtements. Ils n’habitent pas de villes qui leur soient propres, ils ne se servent pas de quelque
dialecte extraordinaire, leur genre de vie n’a rien de singulier. (…) Ils se conforment aux usages
locaux pour les vêtements, la nourriture et la manière de vivre, tout en manifestant les lois
extraordinaires et vraiment paradoxales de leur république spirituelle.
5. Ils résident chacun dans sa propre patrie, mais comme des étrangers domiciliés. Ils s’acquittent de
tous leurs devoirs de citoyens, et supportent toutes les charges comme des étrangers. Toute terre
étrangère leur est une patrie et toute patrie une terre étrangère (…).
8. Ils sont dans la chair, mais ne vivent pas selon la chair. 9. Ils passent leur vie sur la terre, mais sont
citoyens du ciel. 10. Ils obéissent aux lois établies et leur manière de vivre l’emporte en perfection sur
les lois. 11. Ils aiment tous les hommes et tous les persécutent (…).
VI. En un mot, ce que l’âme est dans le corps, les chrétiens le sont dans le monde. 2. L’âme est
répandue dans tous les membres du corps comme les chrétiens dans les cités du monde. 3. L’âme
habite dans le corps et pourtant elles n’est pas du corps, comme les chrétiens habitent dans le monde
mais ne sont pas du monde…
Epître à Diognète V-VI (fin 2e s.), (éd. et trad. H.-I, Marrou, SC 33bis, 1965, p. 63.65).
E Il y a deux organismes, auguste empereur, par lesquels ce monde est souverainement gouverné :
l’autorité sacrée des pontifes et le pouvoir royal. Mais la puissance des prêtres est d’autant la plus
lourde qu’ils devront, au Jugement dernier, rendre compte au Seigneur des rois eux-mêmes. En effet,
tu le sais, fils très clément, bien que tu commandes le genre humain par ta dignité, tu baisses
cependant la tête avec respect devant les prélats des choses divines ; tu attends d’eux, en recevant
les sacrements célestes, les moyens de ton salut et, tout en disposant d’eux, tu sais qu’il faut être
soumis à l’ordre religieux plutôt que le diriger.
Gélase Ier à l’empereur Anastase (494) ; tiré de PACAUT, op. cit., p. 20.
F 1. L’Eglise romaine a été fondée par le Seigneur seul.
2. Seul le pontife romain est dit à juste titre universel.
3. Seul, il peut déposer ou absoudre les évêques.
6. Vis-à-vis de ceux qui ont été excommuniés par lui, on ne peut entre autres choses habiter sous
le même toit.
9. Le pape est le seul homme dont tous les princes baisent les pieds.
10. Il est le seul dont le nom soit prononcé dans toutes les églises.
11. Son nom est unique dans le monde.
12. Il lui est permis de déposer les empereurs.
19. Il ne doit être jugé par personne.
22. L’Eglise romaine n’a jamais erré ; et selon le témoignage de l’Ecriture, elle n’errera jamais.
27. Le pape peut délier les sujets du serment de fidélité fait aux injustes.
GRÉGOIRE VII, Dictatus papae (1075) ; tiré de : PACAUT, op. cit., p. 66.
G Pour nous qui, selon le devoir de la servitude apostolique, avons à donner à chacun sa justice,
nous ne voulons pas violer le droit des princes, pas plus que nous ne voulons voir notre justice
usurpée par d’autres. Nous reconnaissons donc, comme nous le devons, à ces princes le droit et le
pouvoir d’élire le roi qui doit ensuite être promu à l’Empire, cela leur appartenant notoirement en vertu
d’un droit et d’une coutume ancienne (…). Mais les princes doivent reconnaître et connaissent
généralement que le droit et l’autorité d’examiner la personne élue à la royauté et appelée à l’Empire
nous appartiennent à nous qui l’oignons, le consacrons et le couronnons.
Innocent III, bulle Venerabilem (1202) ; tiré de PACAUT, op. cit., p. 118.
Bibliographie
HUYGHEBAERT, Nicolas, « La Donation de Constantin ramenée à ses véritables dimensions », dans
Revue d’histoire ecclésiastique (1976), p. 45-69.
PACAUT, Marcel, La théocratie. L’Eglise et le Pouvoir au Moyen Age, Paris, Desclée, 1989
(Bibliothèque d’histoire du christianisme 20) (196 p.).
PAUL, Jacques, L’Eglise et la culture en Occident (IXe-XIIe siècles), t. 1 : La sanctification de l’ordre
temporel et spirituel, Paris, PUF (coll. Nouvelle Clio. L’histoire et ses problèmes), 19942 (403 p.).
VALLA, Lorenzo, La donation de Constantin (Sur la donation de Constantin, à lui faussement attribuée
et mensongère) [env. 1440], trad. Jean-Baptiste Giard, Paris, Belles Lettres, 1993.
WILLAIME, Jean-Paul, Le retour du religieux dans la sphère publique. Vers une laïcité de dialogue et de
reconnaissance, Lyon Olivétan, 2008.
Lecture complémentaire
Histoire du christianisme, t. 5, p. 575-595 (Agostino PARAVICINI BAGLIANI, « La suprématie pontifi-
cale… », extrait).

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