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PLAIDOYER EN FAVEUR DU RÉPUBLICANISME CHRÉTIEN

(ÉBAUCHE)

« Et celui qui aura autorité sur lui sera de lui, et son dominateur sortira du milieu de lui […]. »
— Jérémie 30:21 (Bible Martin)1

« La véritable justice n’existe que dans cette république dont le Christ est le fondateur et le
gouverneur. »
— Augustin d’Hippone, La Cité de Dieu (2:21), 426 ap. J.-C.2

« Mais cependant le jugement des hommes s’évanouit tantôt, en sorte que ceste majesté éblouit les
yeux, et c’est comme si on donnait un coup de marteau sut la tête de chacun, qu’on n’ose pas juger
ceux qui sont élevés si haut ! »
— Jean Calvin, 32ème sermon sur le Livre de la Genèse, 15 novembre 15593

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1
La Bible Semeur (2000) traduit : « Leur chef sera l’un d’eux, leur souverain sortira de leurs rangs. »
Et la Bible Parole de Vie (2017) : « C’est l’un d’entre eux qui sera leur chef, celui qui les dirigera naîtra au milieu d’eux. »
2
Augustin d’Hippone, La Cité de Dieu, livre 2, chapitre 21 : Sentiment de Cicéron sur la République romaine, traduit par
Émile Saisset, Œuvres complètes de Saint Augustin, Tome 13, Guérin & Cie Éditeurs, Bar-le-Duc (Meuse), 1869, p. 40.
3
Jean Calvin, sermon sur Genèse 6:1-4 (orthographe modernisée), cité dans Max Engammare, « Calvin monarchomaque ?
Du soupçon à l'argument », Archiv für Reformationsgeschichte, Vol. 89, 1998, p. 213.
Table des matières

1. Principe préliminaire : Le fond est plus important que la forme .......................................................... 2

2. Sommaire des théologiens protestants pionniers du républicanisme ................................................. 4

3. Motifs théologiques appuyant le républicanisme chrétien .................................................................. 5

3.1. La validité universelle du régime républicain sous l’Éternel.......................................................... 6

3.2. Le pourpre davidique est obsolète à l’instar du voile déchiré du Temple ..................................... 6

3.3. Le Roi des rois ne peut pas l’être sans l’existence de roitelets mortels ? ..................................... 8

4. Motifs historiques appuyant le républicanisme chrétien ..................................................................... 9

6. La polémique pseudo-royaliste dans le Livre des Juges...................................................................... 10

5. Références bibliographiques .............................................................................................................. 13

5.1. Sources en théologie ................................................................................................................... 13

5.2. Sources en histoire du droit (consultées) .................................................................................... 14

5.3. Sources en histoire du droit (non consultées) ............................................................................. 15

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1. Principe préliminaire : Le fond est plus important que la forme

Jean Calvin : ‹‹ Beaucoup de choses dépendent des circonstances. Si l’on comparait des
gouvernements en dehors de leurs circonstances particulières, il ne serait pas facile de discerner
quelle forme serait la plus utile, tant ils sont équivalents chacun dans leur genre. […] Il est bien vrai
qu’un roi ou une personne seule, qui exerce le pouvoir, peut facilement se laisser entraîner et devenir
un tyran. Mais cela est également facile, lorsque les personnes qui ont de l’influence conspirent pour
établir une domination néfaste. Et il est encore plus facile, là où le peuple détient l’autorité, de voir
s’instaurer la loi de la jungle4. ››

4
Jean Calvin, Institution de la religion chrétienne, Éditions Excelsis, Charols (Drôme), 2009 (1560), p. 1406-1407.
Pierre Viret : ‹‹ Car il ne faut pas espérer que jamais roi, prince, ni peuple puisse avoir prospérité qui
dure, sinon tant que Dieu règnera en tous et sur tous, et qu’ils seront gouvernés par lui ; comme il
appert clairement par les promesses et menaces qu'il a ajoutées à sa loi. [...] Il n’y a ni monarchie, ni
aristocratie, ni démocratie, ni forme de gouvernement quelconque, ayant fondement [ailleurs qu’]en
cette loi de Dieu, qui ne soit convenable à la société humaine, et à toutes républiques auxquelles Dieu
présidera. Au contraire, si cela n'y est, il ne faut attendre sinon une horrible confusion, dissipation,
désolation et ruine extrême de tous empires, royaumes, pays, villes, communautés, peuples et
nations5. ››

Willem Ouweneel : ‹‹ Le grand historien et politicien réformé néerlandais, Guillaume Groen van
Prinsterer (†1876), fut pendant plusieurs années un membre du Parlement néerlandais. Dans son
œuvre célèbre, L’incroyance et la Révolution [1848], il argumenta qu’aux fins de la science politique
chrétienne, ce qui est décisif n’est pas la forme de l’État en tant que telle – malgré que certaines
formes soient définitivement meilleurs que d’autres – mais le degré auquel, à l’intérieur d’une forme
étatique donnée, les commandements de Dieu sont observés. En d’autres termes, ce qui est essentiel
pour la science politique chrétienne n’est pas prioritairement la structure de l’État, mais sa direction,
son orientation spirituelle, tournée vers Dieu ou vers Satan et le péché — c’est-à-dire, l’intensité de la
manifestation du Royaume de Dieu dans l’État. Considéré de cette façon, la théocratie et la
démocratie ne sont pas des opposés. Au contraire, une démocratie théocratique […] est tout à fait
concevable, et dans l’âge présent, maints chrétiens trouvent cela hautement désirable. C’est une
démocratie qui est gouvernée par une attitude théocratique, entendez, par la reconnaissance que
Dieu est en charge, et par la soumission à sa Parole6. ››

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5
Pierre Viret, Avertissement pour toutes principautés, seigneuries et communautés, prologue dans Instruction chrétienne,
Tome 2 : Exposition sur les Dix Commandements de la loi donnée de Dieu par Moïse, Éditions L’Âge d’Homme, Lausanne
(Romandie), 2009 (1564), p. 42-43.
6
Willem Ouweneel, The World is Christ’s : A Critique of Two Kingdoms Theology, Ezra Press, Toronto (Ontario), 2017, p.
120. Extrait traduit en français par Tribonien Bracton.
2. Sommaire des théologiens protestants pionniers du républicanisme

⇒ Néerlandais :
ê Jan van den Driesche {Johannes Drusius} (1550-1616), professeur d’hébreu, d’araméen et
d’exégèse biblique aux Universités d’Oxford, de Leyde et de Franeker en Frise occidentale
⟨ Critici Sacri (c. 1600) ⟩ ;
ê Pieter van der Cun {Petrus Cunaeus} (1586-1638), recteur de l’Université de Leyde ⟨ De
Republica Hebræorum (1617) ⟩.

⇒ Français :
ê Jacques Bernard (1658-1718), pasteur de l’Église wallonne de Leyde et professeur à
l’Université de Leyde ⟨Nouvelles de la République des Lettres (1700) ⟩;
ê Pierre-Auguste Samson (†?) ⟨ traduction française des Discours sur le Gouvernement
d’Algernon Sydney ↓ (1702) ⟩ ;
ê Jean Barbeyrac (1674-1744), recteur de l’Académie de Lausanne, enseignant au Collège

français de Berlin et professeur à l’Université de Groningue ⟨ traduction française commentée


du De Jure Naturæ et Gentium de Samuel von Pufendorf (1706) ⟩.

⇒ Anglais :
ê Oliver Cromwell (1599-1658), Seigneur-Protecteur de la République d’Angleterre ;
ê John Milton (1608-1674) ⟨ Commonplace Book (1639), Eikonoklastes (1649), Pro Populo
Anglicano Defensio (1651), Second Defence of the English People (1654), The Readie and Easie
Way (1659), Paradise Lost (1667) ⟩ ;
ê John Goodwin (1594-1665) ⟨ Anti-Cavalierisme (1642) ⟩ ;

ê Algernon Sidney (1623-1683) ⟨ Court Maxims (1665), Discourses Concerning Government


(1698) ⟩.

⇒ Écossais :
ê Thomas Gordon (1691-1750) ⟨ Cato’s Letters (1720-1723) corédigées avec John Trenchard

(1662-1723) ⟩ ;
ê John Witherspoon (1723-1794), coauteur de la Déclaration d’indépendance américaine (1776)

et signataire de la Constitution des États-Unis d’Amérique (1787).

⇒ Américains :
ê John Cotton (1585-1652), fondateur de la Colonie du Massachusetts ;

ê Thomas Hooker (1586-1647), fondateur de la Colonie du Connecticut ;

ê John Davenport (1597-1670), fondateur de la Colonie de New Haven ;


ê John Eliot (1604-1690), fondateur de la missiologie réformée ;
ê Samuel Adams (1722-1803), fondateur des Fils de la Liberté, délégué au Congrès continental
et Gouverneur du Massachusetts ;
ê Patrick Henry (1736-1799), membre de la Chambre des Bourgeois (assemblée législative
coloniale) de la Virginie, délégué au Congrès continental et Gouverneur de la Virginie ;
ê Samuel Langdon (1723-1797), président de l’Université Harvard et aumônier de la Cour
générale du Massachusetts ;
ê James Dana (1735-1812), pasteur réformé congrégationaliste à Wallingford au Connecticut

puis à New Haven dans cette même juridiction ;


ê Samuel Cooper (1725-1783), pasteur réformé congrégationaliste à Boston, aumônier de la
Cour générale du Massachusetts et cofondateur de l’Académie américaine des arts et des
sciences (AAAS).
ê Joseph Huntington (1735-1794), pasteur réformé congrégationaliste à Coventry au
Connecticut et aumônier de l’Assemblée générale du Connecticut à Hartford ;

Ì Ì Ì

3. Motifs théologiques appuyant le républicanisme chrétien

Textes bibliques fondant le républicanisme chrétien :


Exode 18:13-26 ; Deutéronome 1:9-18 ; 1 Samuel 8:1-22 +
10:17-19 + 12:18-20 ; Ésaïe 6:1-5 + 26:13 ; Osée 13:9-11.
3.1. La validité universelle du régime républicain sous l’Éternel

Dans les Écritures Saintes, la plate-forme de magistrature civile universelle et perpétuelle prévue par
l’Éternel pour l’organisation politique des collectivités humaines est le dispositif électoral et collégial
des chefs de 10, 50, 100 et 1000 (lire Exode 18:13-26 conjointement avec Deutéronome 1:9-18),
contrairement à la royauté préfigurative qui était temporellement limitée à l’Alliance davidique (1re
moitié du Ier millénaire av. J.-C.) et géographiquement limitée à la Terre d’Israël (Levant-Sud)7.

Comme nous le verrons, le fait que les Hébreux se soient éventuellement dotés d’une royauté
terrestre ne milite pas en défaveur du républicanisme chrétien, puisque Dieu était fondamentalement
opposé à l’établissement de cette royauté terrestre (1 Samuel 8:6-8, 10:17-19 et 12:1/12-15/19-25 ;
Osée 13:9-11), même s’Il avait antérieurement décrété qu’Il l’utiliserait temporairement pour
parvenir à ses fins rédemptrices.

Les quelques cas particuliers de chefs d'État israélites non-royaux sélectionnés directement par
l'Éternel (tels Moïse, Josué, Samson, Éli, Samuel) sont tous – eux aussi – des cas sui generis (uniques
en leur genre). Choisis par une intervention surnaturelle de Dieu puis oints/sacrés/intronisés en vertu
d’une révélation spéciale d'Icelui, leur poste à la tête du peuple allianciel échappait au mécanisme
normal de nomination des magistrats (c-à-d le système des chefs de 10, 50, 100 et 1000 ↑). Dans
notre contexte de canonicité fermée, de Sola Scriptura (Marc 7:5-13 etc.) et de cessation des dons
surnaturels de révélation (1 Corinthiens 13:8 etc.), en l’absence de prophète inspiré pouvant nous
informer de la volonté secrète spécifique de Dieu, ce type de nomination ex cathedra est à écarter.

3.2. Le pourpre davidique est obsolète à l’instar du voile déchiré du Temple

Quant au maintien multi-séculaire de la dynastie davidique en Antiquité, elle faisait partie des
« préfigurations », « images », « ombres », « maquettes » ou « prototypes » de l’Ancienne Alliance
pointant vers la Nouvelle Alliance. La dynastie davidique servait à préparer la venue de son dernier et


7
John Eidsmoe, Theological and Historical Foundations of Law, Vol. 1 : Ancient Wisdom, Tolle Lege Press, Powder Springs
(Géorgie), 2011, p. 340-347 ; Rousas Rushdoony, Commentaries on the Pentateuch, Vol. 2 : Exodus, Ross House Books,
Vallecito (Californie), 2004, p. 229-232 {→ Exode 18:13-27} ; Id., Commentaries on the Pentateuch, Vol. 5 : Deuteronomy,
Ross House Books, Vallecito (Californie), 2008, p. 7-12 {→ Deutéronome 1:5-18}.
ultime représentant, le roi Jésus-Christ (Ésaïe 55:3-5, Ézéchiel 34:23-25). Sous la Nouvelle Alliance,
c’est Jésus-Christ et nul autre qui siège sur le trône royal de David (Actes 2:29-36, etc.). Il est donc
juridiquement inapproprié d’invoquer la dynastie davidique en faveur de la monarchie héréditaire
aujourd’hui, comme le font encore les papistes intégristes et autres légitimistes aux idées désuètes.

Aujourd'hui, la majorité des chrétiens évangéliques croient que lors de l'instauration de la monarchie
israélite en la personne de Saül au tournant du Ier millénaire avant notre ère, le péché des Hébreux fut
seulement leur mauvaise motivation (faire « comme les autres nations »), et non le spasme
monarchiste lui-même. C'est ce qui apparaît à la lecture superficielle des textes bibliques pertinents,
et sans surprise, c'est la position retenue par les juifs talmudistes imités par les preux royalistes8.

Cette position souffre d'une grave faiblesse qui lui est fatale. Dans la prophétie-prédiction sur
l'établissement de la royauté en Deutéronome 17:14-20 – un texte prima facie plutôt sympathique à
la royauté – il est clairement énoncé que les Hébreux agiraient afin d'avoir « un roi comme toutes les
nations qui [les] entourent » (verset 14 in fine). Donc dès le départ, le concept de royauté était
étroitement entrelacé avec la rébellion anti-Dieu.

Par conséquent, on ne peut pas soutenir que l'Éternel s'attendait que les Hébreux élisent un roi pour
qu'Il règne sur eux (ce qui aurait été SUPERFLU puisqu'Il régnait DÉJÀ sur eux, cf. Juges 8:22-23 + 1
Samuel 12:12 + Ésaïe 6:1-5) puis ensuite que les Hébreux se seraient écartés de la « bonne monarchie
» voulue par l'Éternel en s'orientant vers une « mauvaise monarchie » par émulation des nations
environnantes. La monarchie est purement et simplement antagoniste à la volonté divine et au droit
biblique, point barre. Cela, nonobstant le fait que Dieu, dans sa souveraineté providentielle, utilisa
une monarchie particulière pendant une période déterminée de son plan historico-rédemptif au
Levant-Sud (tout comme Il utilisa temporairement d'autres aberrations, telle la polygamie et la
répudiation maritale, ou encore la vente en esclavage du patriarche Joseph… « vous aviez formé le
projet de me faire du mal, [mais] Dieu l’a transformé en bien » dixit Genèse 50:20, Bible Colombe).


8
Sur la filiation talmudique de l’exégèse monarchiste moderne : Eric Nelson, The Hebrew Republic : Jewish Sources and the
Transformation of European Political Thought, Harvard University Press, Cambridge (Massachusetts), 2011, p. 31-37.
De surcroît, si l’Éternel fut spécifiquement fâché par l'unique fait que les Israélites demandèrent une
royauté humaine pour ressembler aux nations païennes d’alentour, nous devrions s'attendre à ce qu'Il
nous instruise de façon conséquente dans sa révélation écrite. Or Dieu ne nous enseigne cela nulle
part où Il prend pourtant soin de nous communiquer son ire divine devant la désobéissance
monarchiste (1 Samuel 10:17-19 & 12:12-20, Osée 13:9-11). Il s'ensuit que c'est la monarchie
humaine elle-même qui posait problème, et non simplement la motivation circonstancielle des
Israélites égarés.

[AJOUTER CONTEXTUALISATION] Concernant le cas spécifique de David, Urie et Bath-Shéba, il n'y


avait pas de témoins de l'adultère, donc la justice civile israélite n'aurait pas pu condamner David
légalement. Le prophète Nathan fut seulement informé de l'affaire par une révélation spéciale directe
de l'Éternel. Cet épisode particulier n'est donc pas juridiquement normatif en droit biblique. (En
passant, cette historiette est fréquemment brandie par les libéraux & piétistes à l'encontre de la
peine capitale dont le bien-fondé est pourtant consacré dans l’Ancien Testament puis confirmé dans
le Nouveau Testament.)

3.3. Le Roi des rois ne peut pas l’être sans l’existence de roitelets mortels ?

[AJOUTER CONTEXTUALISATION] Concernant l'expression grecque « Basileus basileōn » dans le


Nouveau Testament, maladroitement traduite par « Roi des rois » dans nos Bibles françaises → Non,
cette expression ne valide aucunement le royalisme. Petit rappel du contexte historico-politique :
Dans le monde romain, la république remplace la royauté en 509 av. J.-C., puis le principat remplace
la république en 27 av. J.-C. Conséquemment, au Ier siècle ap. J.-C., lorsque – par exemple – l'apôtre
Pierre écrit aux chrétiens d'être soumis au « roi » (βασιλεύς = Basileus, cf. 1 Pierre 2:13), hé bien il
peut difficilement référer à un « roi » qui n'existe plus depuis au-delà d'un demi-millénaire ! Il s'ensuit
que le terme « basileus », et par extension l'expression « Basileus basileōn », ne valide pas la royauté
héréditaire dite (à tort) de droit divin. Par « basileus », les auteurs inspirés du Nouveau Testament
désignent la magistrature supérieure de façon générale, laquelle magistrature n'est pas forcément
monarchique.
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4. Motifs historiques appuyant le républicanisme chrétien

[AJOUTER CONTEXTUALISATION] L'institution du gouvernement civil doit procéder exclusivement de


l'autorité des Écritures Saintes, et non pas être échafaudée par l’imagination humaine déchue, faillible
et pécheresse. En ce sens, la prétendue stabilité historique (?!) et le soi-disant pragmatisme
traditionnel (?!) allégué par le discours monarchiste ne saurait primer sur la Parole de Dieu.

À titre subsidiaire, ajoutons que l'idole qu'est la monarchie *héréditaire* fut la source d'une myriade
de guerres dynastiques *héréditaires* ayant inutilement ensanglantées l'ensemble de l’Europe (sans
parler des autres continents) pendant plusieurs millénaires. Conséquemment, même si l’expérience
historique devait l’emporter sur la Bible (ce qui n’est pas le cas), le monarchisme héréditaire ne
s’avèrerait certainement pas meilleur que le républicanisme constitutionnel.

J'encourage le lecteur à considérer cet enjeu hors de l’étroit carcan culturel franco-français, où
républicanisme est synonyme de déchristianisation, et où la monarchie légitimiste/héréditaire se
présente comme le seul rempart valable contre ladite déchristianisation. En d'autres temps et
d'autres lieux, ce fut – maintes et maintes fois – carrément le contraire (Suisse, Pays-Bas, îles
britanniques, Amérique du Nord, Afrique du Sud, etc.). Si l’on tient compte de la sauvage persécution
des vaudois médiévaux, des bûchers de la Réformation, des massacres de Cahors, Wassy et Tours, des
hécatombes de la saison des Saint-Barthélemy, de la famine artificielle de Sancerre, du populicide de
La Rochelle, des dragonnades, des galères de Marseille, de la destruction des Cévennes, de la tour de
Constance, du Désert huguenot, puis de la Terreur blanche à la Révolution et aux Restaurations
(moins sanglante que la Terreur rouge, mais davantage anti-réformée), ce métarécit mielleux colporté
par les adulateurs de la dynastie capétienne est discrédité même dans l’étroit cadre hexagonal de la
vieille France.

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6. La polémique pseudo-royaliste dans le Livre des Juges

Le cliché amateur d'une période des juges chaotique à cause de l'absence d'un pouvoir royal
centralisateur doit être rejeté. À vrai dire, nous n'avons pas beaucoup de renseignements sur la
longue vie de la République hébraïque (grosso modo de 1410 à 1045 av. J.-C., soit environ trois siècles
et-demi !). Dieu a jugé suffisant de nous révéler que des informations fragmentaires sur cette période.
Nous avons toutefois assez d'indicateurs dans la Bible pour faire les observations suivantes...

‹‹ If any one will attentively read over the Book of Judges, and take the trouble to compare the
times of oppression and adversity with those of independence and prosperity, he will find the
duration of the former less than one-fourth that of the latter. [...] It is quite apparent,
therefore, that the Israelites experienced much more of prosperity than of adversity in the
time of the judges. Under their government, the nation enjoyed periods of repose, happiness,
and plenty [...]. Wherefore, then, change the republican to the regal form ? Pride and folly
prompted the revolution ; a revolution soon repented of with bitter but unavailing regrets ; a
revolution in which lay buried the seeds of despotism and ultimate dissolution9. ››

Autrement dit, l'Ancien Testament nous laisse comprendre que malgré que les Hébreux aient
plusieurs fois encourus le courroux divin manifesté sous la forme de dominations étrangères
(philistine, cananéenne, moabite, ammonite, etc.) pendant la période des juges, en dehors de ces
châtiments circonscrits dans le temps, la République hébraïque se portait bien pendant ± ¾ des ≈ 350
ans de son existence. Dans cet ordre d’idées, dans la série de quatre allusions au manque de roi qui
figurent dans le Livre des Juges (« il n’y avait point de roi en Israël, chacun faisait ce qui lui semblait
bon », cf. 17:6, 18:1, 19:1 et 21:25), il est clair que c’est de la royauté directe et immédiate de Dieu
sur son peuple dont il est question10


9
Enoch Cobb Wines, Commentaries on the Laws of the Ancient Hebrews, American Vision Press, Powder Springs (Géorgie),
2009 (1853), p. 547-548, cité dans John Eidsmoe, Historical and Theological Foundations of Law, op. cit., p. 347.
10
Jean-Marc Berthoud, Apologie pour la loi de Dieu, Éditions L’Âge d’Homme, Lausanne (Romandie), 1996, p. 101 {→ Juges
21:25}.
Un commentaire biblique sur la révolution monarchiste israélite11

‹‹ It has become common in recent years to find commentators taking the last two stories in Judges as
arguments in favor of some type of central state presided over by a human king. [...] I should simply
like to take up the matter in general terms, and summarize here in one place my arguments against
this viewpoint.

[T]he story of Gideon argues against monarchy. Gideon rebuked those who offered him the crown,
saying “the LORD shall rule over you” (8:23). We read in 2:18 concerning the judges themselves that
“the LORD was with the judge.” It follows then that the True Kingship of the Lord was made manifest
through the judges themselves, and no human monarchy was necessary. Accordingly, when the
people rejected the judges, they were rejecting the kingship of the Lord, as He told Samuel : “They
have not rejected you, but they have rejected Me from being king over them” (1 Sam. 8:7).

[T]he story of Abimelech clearly argues against monarchy. The parable of the trees makes this
abundantly clear, expressing only contempt for the idea of human kingship. More sheer anarchy is
seen in the history of Israel’s first king than in any other story in the book, for it is here we read of
unchecked highway robbery and open civil war. There is nothing promonarchical here, though the
story has an important place in a theology of monarchy, as we shall see.

[A]s we saw, the story of Jephthah argues against monarchy. Whatever kind of headship was offered
to Jephthah, and whatever kind of house Jephthah was trying to build, it was not approved by the
LORD.

[T]he Book of Judges everywhere presents civil chaos and oppression as the result of sin and
apostasy, not as the result of lack of central authority. Indeed, the desire for central authority is
presented as the people’s alternative to repentance. Rather than serve the Lord and live moral lives,
and have social peace as a result of that, the people want to live as they please and have a strong
central state to guarantee them social peace. Centralism is thus everywhere presented as a
counterfeit to moral virtue.


11
James Jordan, [Commentary on the Book of] Judges : God’s War Against Humanism, épilogue : The Polemic Against
Kingship in Judges and the Authorship of Judges, Geneva Ministries, Tyler (Texas), 1985, p. 329-334.
[T]his should be clearly in the reader’s mind by the time he gets to the two appendices to the [end of
the] book. When we read there that “there was no king in Israel, and every man did what was right in
his own eyes,” we are not at liberty to think that the author of Judges was so incapable of maintaining
a train of thought as to reverse in his last five chapters the whole polemic developed in the main body
of his work. That is hardly credible. The statement, “there was no king in Israel”, taken in context,
must be taken as a reference to the Kingship of the Lord.

[T]he fact that events recorded in the two appendices to Judges happen early in the period provides
what strikes me as a strong argument against the human kingship interpretation. If what is needed to
prevent social anarchy is a human king, why did conditions improve later on under the leadership of
such judges as Deborah and Gideon ? It seems to be assumed that these stories provide a polemic
for human kingship based on the horrors of the decline at the end of the period, but these horrors
occurred at the beginning of the period.

[M]any commentators assume that the office of judge in Israel was only intermittent. Between the
judges, anarchy reigned, Thus, this was an inadequate system of civil government, and showed the
need for a king. On the contrary, however, Deuteronomy 17:9 assumes that there is a permanent
office of judge, and the records of the “minor judges” (discussed in chapter 9 of this study) show
continuity in office. There was always a judge in office as president, chief executive, and chief judicial
officer for the nation.

[S]ome commentators speak as if the last two stories in judges show that if there had been a king, he
could have prevented these horrible things from happening, or at least taken care of the situations
once they came about. But how ? Did the later kings of Israel prevent anarchy and apostasy ?

[A]t the end of the period of the judges, which comes in 1 Samuel 8, is the people’s demand for the
king who will be like the kings of the nations. This is clearly and explicitly seen as a rejection of the
Lord’s kingship. It is hardly credible for an orthodox interpreter to assert that the Bible argues for
human kingship in one place, and condemns it in another. [...]

The Book of Judges does provide an important theological canon for the interpretation of the books of
Samuel and Kings. Whenever Israel sinned, they were sold into slavery to a foreign nation and
oppressed until they repented and God raised up a deliverer. [...] Later on in history, after the
establishment of a permanent monarchy in Jerusalem, God no longer brought in foreign oppressors
upon the people when they sinned. Instead, He gave them bad kings. The story of Abimelech in the
context of Judges shows us that the reign of bad kings in Judah and Israel later on is to be seen in the
same category as oppressions from foreign nations. Good kings were like the judges; bad kings were
like the Ammonites, Amalekites, and so forth. [...]

The climax of Saul’s disobedience was his sparing of Agag, king of Amalek. By doing this, Saul virtually
identified himself with one of the “kings of the nations” — after all, royalty do not kill one another. At
that point, the reign of Saul over Israel comes to be seen as an Amalekite oppression, and Saul as an
Amalekite ruler (1 Sam. 15). [...]

This principle, that Israel is sold into bondage to internal powers (bad kings) analogous to the external
powers (nations) that enslaved them during the period of the judges, is seen equally clearly in the
history of Solomon and Rehoboam. [U]pon his [= Solomon’s] death, the people demanded of
Rehoboam that he “lighten their yoke” (1 Kings 12:4-11). Rehoboam’s refusal to do this resulted in
the division of the kingdom, according to the principle laid down at the Tower of Babel whereby God
splits and shatters centralized statist powers. Thus, so far from uniting the kingdom [or rather :
uniting the nation], the strong centralized state and its king actually split it ! ››

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5. Références bibliographiques

5.1. Sources en théologie

• Émile Saisset, Œuvres complètes de Saint Augustin, Tome 13, Guérin & Cie Éditeurs, Bar-le-Duc
(Meuse), 1869, 686 p.

• Pierre Viret, Instruction chrétienne, Tome 2 : Exposition sur les Dix Commandements de la loi donnée
de Dieu par Moïse, Éditions L’Âge d’Homme, Lausanne (Romandie), 2009 (1564), 846 p.

• Jean Calvin, Institution de la religion chrétienne, Éditions Excelsis, Charols (Drôme), 2009 (1560),
1515 p.
• Jean-Marc Berthoud, Apologie pour la loi de Dieu, Éditions L’Âge d’Homme, Lausanne (Romandie),
1996, 206 p.

• Robert Charles Sproul Sr, La sainteté de Dieu, Publications chrétiennes, Trois-Rivières (Mauricie),
2020, p. 30-31 sur 237 {→ Ésaïe 6:1-5}.

• Rousas Rushdoony, Commentaries on the Pentateuch, Vol. 2 : Exodus, Ross House Books, Vallecito
(Californie), 2004, 592 p.

• Rousas Rushdoony, Commentaries on the Pentateuch, Vol. 5 : Deuteronomy, Ross House Books,
Vallecito (Californie), 2008, 549 p.

• James Jordan, [Commentary on the Book of] Judges : God’s War Against Humanism, Geneva
Ministries, Tyler (Texas), 1985, p. 147-152 sur 334.

• Willem Ouweneel, The World is Christ’s : A Critique of Two Kingdoms Theology, Ezra Press, Toronto
(Ontario), 2017, 399 p.

5.2. Sources en histoire du droit (consultées)

• Max Engammare, « Calvin monarchomaque ? Du soupçon à l’argument », Archiv für


Reformationsgeschichte, Vol. 89, 1998, p. 207-226.

• John Eidsmoe, Theological and Historical Foundations of Law, Vol. 1 : Ancient Wisdom, Tolle Lege
Press, Powder Springs (Géorgie), 2011, 488 p.

• Eric Nelson, « “Talmudical Commonwealthmen” [sic] and the Rise of Republican Exclusivism »,
Historical Journal, Vol. 50, N° 4, décembre 2007, p. 809-835.

• Eric Nelson, The Hebrew Republic : Jewish Sources and the Transformation of European Political
Thought, Harvard University Press, Cambridge (Massachusetts), 2011, 229 p.

• Kim Ian Parker, The Oxford Handbook of the Bible in Early Modern England (1530-1700), Chapitre
24 : « “A King Like Other Nations” : Political Theory and the Hebrew Republic in the Early Modern Age
», Oxford University Press, Oxford (R.-U.), 2015, p. 384-396 sur 783.
• François Quastana, « La réception des “Discours sur le Gouvernement” d’Algernon Sidney au XVIIIe
siècle français », Cahiers de l’Institut d’histoire de la Révolution française, N° 5, 2013, p. 1-25.

• Michael Winship, « Algernon Sidney's Calvinist Republicanism », Journal of British Studies, Vol. 49,
N° 4, octobre 2010, p. 753-773.

• Shira Wolosky, « Biblical Republicanism : John Cotton's “Moses His Judicials” and American
Hebraism », Hebraic Political Studies (Université hébraïque de Jérusalem), Vol. 4, N° 2, printemps
2009, p. 104-127 sur 440+.

• Eran Shalev, « “A Perfect Republic” : The Mosaic Constitution in Revolutionary New England (1775-
1788) », New England Quarterly (MIT Press), Vol. 82, N° 2, juin 2009, p. 235-263.

• Gary DeMar, God and Government : A Biblical, Historical, and Constitutional Perspective, American
Vision Press, Powder Springs (Géorgie), 2011, p. 89-93 sur 786.

5.3. Sources en histoire du droit (non consultées)

• Algernon Sidney, Discours sur le gouvernement, réparti en 3 tomes, Presses universitaires de Caen,
Caen (Calvados), 2019, 1562 p. (total cumulatif).

• James Hankins, « Exclusivist Republicanism and the Non-Monarchical Republic », Political Theory,
Vol. 38, N° 4, août 2010, p. 452-482.

• Philip Gorski, American Covenant : Civil Religion from the Puritans to the Present, chapitre 3 :
Hebraic Republicanism, Princeton University Press, Princeton (New Jersey), 2017, p. 60-82 sur 336.

• Eran Shalev, American Zion : The Old Testament as a Political Text from the Revolution to the Civil
War, chapitres 1 & 2, Yale University Press, New Haven (Connecticut), 2013, p. 15-49 et 50-83 sur 256.

• Enoch Cobb Wines, Commentaries on the Laws of the Ancient Hebrews, American Vision Press,
Powder Springs (Géorgie), 2009 (1853), 642 p.

• Nathan Perl-Rosenthal, « The “Divine Right of Republics” : Hebraic Republicanism and the Debate
over Kingless Government in Revolutionary America », William & Mary Quarterly (Omohundro
Institute of Early American History and Culture), Vol. 66, N° 3, juillet 2009, p. 535-564...
Résumé ↑ : ‹‹ The period from 1650 to 1800 saw the rise, decline, and revival of an
antimonarchical Hebraic republican tradition. This essay retraces that tradition and documents
its role in the American Revolution as a step toward a fuller mapping of eighteenth-century
Anglo-American republicanism. Employed prominently by leading seventeenth-century
republicans, including John Milton and Algernon Sidney, the Hebraic tradition used biblical
exegesis to argue that God hated monarchy and favored kingless republics. Though
republican thinkers publicly disavowed it in the wake of the Glorious Revolution, the tradition
persisted and spread across the Anglo-American Atlantic in the early eighteenth century. It
returned to public debate in early 1776, at the moment when American patriots were
hesitating between their long-standing allegiance to king and monarchy and the reality of an
impending split with Britain. Thomas Paine’s Common Sense, which played a pivotal role in
ending patriot loyalism, argued at length that God disapproved of kingly government. The
vigorous debate elicited by this portion of Common Sense spread Hebraic republican
arguments across the American colonies. These ideas contributed to the patriot leadership’s
rapid embrace of kingless government in the first months of 1776 and thus the decisive break
with Britain in July 1776. After independence, New England ministers found a new function for
Hebraic republican exegeses, adapting them to offer divine sanction and guidance to the
republican governments then being formed. ››

• Carlo Sigonio, The Hebrew Republic, Shalem Press, Jérusalem, 2010 (1582), 480 p.

• Petrus Cunaeus, The Hebrew Republic, Shalem Press, Jérusalem, 2006 (1617), 372 p.

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