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L’Église Orthodoxe – héritière du christianisme indivise

Bref essai pour expliquer l’orthodoxie aux Occidentaux

Icône de la Trinité
Andrei Rublev
Russie, déb. XVe siècle
(L’original se trouve à la Galerie Tretiakov de Moscou)

Considérations générales préliminaires


Principaux éléments et spécificités de l’Orthodoxie

1. Considérations générales préliminaires


Quiconque regarde en profondeur la beauté mystique d’une icône, ou écoute l’harmonie
divine des chants orthodoxes, peut ressentir avec intensité le sentiment d’une transcendance
omniprésente et d’une sacralité accomplie.

C’est dans ce sens qu’il convient d’aborder cet article, qui ne peut être qu’un rapide survol du
vaste domaine du phénomène religieux et de ses ramifications. Nous sommes bien entendu
dans le cadre du Livre, plus particulièrement du christianisme. Au-delà des dogmes et de
l’environnement complexe car polymorphe qui les entourent, ce qui compte surtout c’est la
vie intérieure - invisible aux yeux des profanes -, en opposition avec les réalités et les
apparences extérieures - visibles, c’est la prise de conscience qu’il y a un temps et un espace
sacrés, les seuls qui permettent de construire une spiritualité authentique, de se construire. La
Bible nous donne les clefs de cet accomplissement ; le reste c’est une grille de lecture, une
histoire de regard, ou - plutôt - de conversion du regard.

1
En parlant d’histoire, celle du dialogue de Dieu avec les hommes opère un changement de
priorités, qui se traduit par le fait que l’histoire du monde est, au fond, articulée sur celle des
religions. Cette vision des choses trouve son support dans la perspective linéaire du
christianisme qui remplace les différents cycles proposés par les religions de l’Antiquité.
L’origine - la Genèse - et la fin - la Parousie - échappent au « bon sens », en dépassant notre
pouvoir de compréhension. La science profane, dans l’état actuel des connaissances est
incapable d’expliquer la Révélation1, tout en reconnaissant que le récit évangélique n’est pas
une création purement mythique ou légendaire. Dans cette optique, il n’est pas étonnant de
constater que beaucoup de religions, dont le christianisme, n’ont accordé dans leur phase
émergente aucune importance à la chronologie historique ; ceci est venu en général plus tard,
lors de l’installation de l’institution ecclésiastique.

Tous les détails de l’évolution du christianisme se trouvent dans d’innombrables


bibliothèques, et sont maintenant accessibles sur des sites web bien renseignés. Il est, bien
évidemment, hors de question de la dérouler, contentons-nous seulement de quelques
éléments nécessaires à la bonne compréhension de ce qui va suivre. Un bon résumé est
présenté dans le tableau suivant :

Selon Spiridon Ion Cepleanu — Travail personnel, sur :


https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=18070004

Le mot « Orthodoxie » définit la foi chrétienne pratiquée dans l’esprit apostolique et


conforme aux sept Conciles œcuméniques du premier millénaire. Il désigne explicitement la
conservation du tronc invariable du christianisme après le grand schisme de 1054, quand
Rome et Constantinople se séparent officiellement sur le plan théologique, mais en réalité
pour des raisons bien plus complexes :
 Le manque de communication : l’Église de Byzance parlait le grec – langue des
Évangiles et accessoirement de l’Empire, tandis que Rome gardait toujours le latin.
Les mauvaises traductions dans les échanges ont créé des incompréhensions profondes
 Les luttes géopolitiques : après la séparation définitive de l’Empire romain en deux
entités - occidentale et orientale - à la fin du IVe siècle, Byzance a réussi à durer
encore mille ans et a dominé longtemps une bonne partie de l’Europe et du Proche
Orient. Les invasions migratoires du nord-est et les guerres en Asie, combinées avec
les crises économiques et politiques l’ont poussé vers déclin, jusqu’à la chute de
Constantinople - un des derniers confettis de l’Empire - en 1453. Entre-temps, Rome

1
Le Saint Suaire de Turin est un exemple édifiant

2
renaissait de ses cendres après moult épreuves et un nouveau grand empire occidental
se profilait sous le sceptre de Charlemagne à la fin du VIIIe siècle. Les conflits
d’intérêts combinés avec les luttes d’influence devenaient inévitables et les Églises ont
été mises à contribution pour conforter le pouvoir temporel des protagonistes
 Les rivalités personnelles entre le Pape et le Patriarche byzantin, éternelle insertion du
facteur humain. Il faut aussi prendre en considération le fait que l’occident a toujours
eu la nostalgie de l’Empire romain unitaire, effondré dans sa partie de l’ouest. Les
hommes (de pouvoir comme d’Église) n’ont eu de cesse de vouloir le faire renaître
(comme les divers empereurs, de Charlemagne au Saint Empire Romain Germanique)
ou de reproduire son organisation. Ceci explique le pouvoir et l’autorité détenus par le
Pape de Rome et les rivalités entre rois, empereurs et papes au cours des siècles, ce
que l’Orthodoxie n’a pas connu, ainsi que l’organisation centralisée et pyramidale du
Catholicisme romain.

Il est important de signaler que d’autres moments conflictuels ont secoué le christianisme bien
avant, comme la séparation des Églises périphériques d’Asie et d’Afrique, notamment
Arménienne, Syrienne, Copte et Éthiopienne, qui n’ont pas adopté le IVe Concile
œcuménique et les suivants. Comme souvent, les malentendus provenaient de mauvaises
traductions et interprétations de la doctrine théologique.

Le coup de grâce dans la dégradation des relations est – ouest a été porte par la IVe Croisade
et le sac de la capitale byzantine en 1204. Les ravages de cette expédition n’ont pas été
oubliés par ceux qui les ont subis et ceci a rendu impossible la réconciliation, malgré plusieurs
tentatives, surtout lors du Concile de Florence - Ferrare de 1438-1439.

Pour les Orthodoxes, tous ces aléas ne représentent nullement une division de l’Église - une,
sainte, catholique et apostolique -, mais la déclinaison de la même foi dans plusieurs formes
de manifestation, nommées confessions. Rien d’étonnant en cela : les religions antérieures et
postérieures au christianisme sont frappées du même syndrome : les Juifs d’avant Jésus
avaient les Pharisiens, les Sadducéens, les Zélotes, les Esséniens. Les musulmans
d’aujourd’hui ont les Sunnites, les Chiites et autres Alaouites. Saint Paul le dit
clairement : « Il faut bien qu’il y ait aussi parmi vous des controverses, afin que ceux qui sont
dignes d’approbation soient manifestés » (Cor. /11,19). Jésus lui-même dit plusieurs fois qu’il
est venu apporter l’épée et la division, ce qui peut paraître troublant en dehors d’une
interprétation purement spirituelle. Ce combat est, au fond, le prix à payer pour surmonter les
difficultés et les diversités sur le chemin de l’universalité et de l’éternité.

Conscients de cet objectif et fidèles à leurs principes, les Orthodoxes ont toujours manifesté
une réserve prudente vis-à-vis de tous les changements et réformes opérés à différents
moments et à différents endroits au niveau des dogmes qui organisent la foi chrétienne. Ces
mutations étant le plus souvent le fruit d’un environnement qui dépassait le corpus religieux,
ils préfèrent l’harmonie du monde en rapport avec l’Église et non le contraire. Ceci s’explique
par le fait que l’émergence et le développement du christianisme ne sont pas un simple détail
parmi bien d’autres dans l’histoire des religions, mais l’avènement d’une vision unique de
l’homme et de son salut. Tant que ce processus n’est pas accompli, la Création n’est pas finie.
Le christianisme est en marche depuis maintenant deux mille ans2, ce qui n’est pas grand-
chose à l’échelle du temps et - vraisemblablement - ce qui reste à faire sera plus important que
ce qui a déjà été fait.

2
C’est à Antioche que, pour la première fois, les disciples reçurent le nom de chrétiens.» (Actes 11 / 25-26)

3
En ce qui concerne les relations entre les Orthodoxes et les Catholiques romains, malgré la
levée des anathèmes réciproques de 1054 et la fin officielle du schisme majeur du 1965, des
divergences existent toujours, certaines insurmontables dans l’immédiat, et la voie de l’entière
réconciliation - scellée par une Communion unique - est encore longue. Cependant, il ne faut
jamais oublier que tout ce qui rapproche les deux confessions est infiniment plus important
que ce qui les sépare. Entre-temps, le milieu du deuxième millénaire a vu apparaître le
Protestantisme et ses divers courants, qui se développent encore de nos jours. Le dialogue est
là aussi bien établi.

Un problème de terminologie reste à clarifier : à l’origine, au début du premier millénaire, on


parlait du Christianisme comme manifestation de la foi en Jésus Christ. Par l’ampleur
ontologique et la richesse spirituelle des Évangiles, il est admis que cette foi contient la
plénitude en elle-même et par elle-même. Cette qualité a gardé son nom grec de catholicité, ce
qui rend les notions de Chrétien et Catholique à peu près équivalentes. Pour mémoire, l’église
principale des monastères grecs est appelée « catholicon », car elle représente - à elle seule -
l’Univers. Il n’y a aucun rapport avec la géographie terrestre, comme cela a été introduit plus
tard, notamment en Occident. Rome a opéré progressivement une triple mutation sémantique,
au détriment de l’étymologie, en remplaçant la définition du Catholicisme romain par
Catholicisme tout court, en la substituant ensuite à la notion même de Chrétien et en
l’appliquant aux territoires couverts par ses fidèles.

À partir du Grand schisme, la branche principale du christianisme oriental qui gravitait autour
de Constantinople a pris définitivement l’attribut d’Orthodoxie (défense de la Vraie Foi).
Ayant la plénitude de la foi, ses pratiquants sont tout aussi catholiques, par essence, que leurs
frères Romains et Protestants. La notion d’Orthodoxie en elle-même existait déjà et était
défendue par des ecclésiastiques éminents, y compris occidentaux, comme les Papes León le
Grand - docteur de l’Église - au Ve siècle et Grégoire le Grand au VIe siècle, dans leurs
combats contre les hérésies. Lors de ces combats, est apparu en 589 au Concile local (non-
œcuménique) de Tolède la notion de filioque3, pour renforcer le côté divin du Christ devant
des courants hérétiques qui niaient sa double nature, ne voyant que l’homme - certes
exceptionnel - en dehors du dogme officiel. Après plusieurs siècles d’opposition, Rome a
toléré, puis admis petit à petit ce changement qui a constitué le principal prétexte théologique
de la rupture avec Constantinople. Cette dispute enflamme encore les théologiens, mais n’a
pas beaucoup de résonance dans la grande masse de fidèles. En tout état de cause,
l’intelligence humaine se brise devant l’immensité du mystère trinitaire.

L’aspect symbolique des trois confessions chrétiennes est à son tour chargé par trois
perceptions différentes de la manifestation divine4 :

Pour les Orthodoxes, Dieu, la Vierge, les Saints et toutes les Puissances célestes
descendent sur Terre pour être proches des gens ; c’est le transcendent qui descend,
qui trouve son illustration dans d’innombrables contes et légendes un peu partout dans
l’espace russe, carpatique et balkanique. La foi, elle, monte comme pour tous les
Chrétiens et cet échange à double sens fonctionne symboliquement comme un
ascenseur spirituel entre les âmes des croyants et l’Éternel

3
Dans le Crédo d’origine, de Nicée – Constantinople, le Saint-Esprit procède du Père ; il est envoyé par le Fils
(Jean 14 / 16-17,26) ; le filioque introduit l’idée que le Saint-Esprit est envoyé par le Père et le Fils.
4
Lucian Blaga « Trilogie de la culture » - Librairie du Savoir, 1995

4

Pour les Catholiques romains, la hiérarchie tissée entre le Ciel et la Terre est régie à
tous les niveaux par les ecclésiastiques, puis par les Saints, établissant des distances
infranchissables par eux-mêmes aux communs des mortels. L’aide de l’Église, les
prières, pèlerinages et autres formes de dévotions sont indispensables à l’élévation des
fidèles, par un élan comparable à un transcendant qui monte

Pour les protestants traditionnels, tout réside dans l’effort personnel, dans la
responsabilité propre, dans un rapport intelligent avec le divin, à la fois spirituel et
rationnel. Le chemin qui monte vers le sommet est plutôt solitaire et chacun le fait à
son rythme.

Une illustration sensible sur la perception différente de la manifestation divine se traduit par
la position du prêtre dans le sanctuaire pendant la liturgie. En Orthodoxie le prêtre est place
devant l’autel, tourné vers la croix du sanctuaire, devant les fidèles qui sont derrière lui,
comme le capitaine d’un navire qui guide les passagers pour les amener vers Dieu. Dans le
Catholicisme romain, depuis Vatican II (1965), le prêtre fait face aux fidèles, de l’autre côté
de l’autel, comme s’il était en capacité de détenir et d’envoyer vers l’assistance une parcelle
de la Divinité.

Bien évidemment, dans l’absolu le sommet est unique même si les trois voies qui y
conduisent partent d’endroits différents. Ceux qui les montent avec patience et détermination
sont de plus en plus proches, au point de pouvoir se prendre par la main. Depuis le Concile
Vatican II, l’Église catholique romaine s’est considérablement rapprochée de la tradition des
Pères ; ainsi, en moins de 60 ans – depuis la première rencontre entre le Patriarche de
Constantinople Athénagoras et le Pape de Rome Paul VI en 1964 - les contacts ont été plus
nombreux qu’en 900 ans de séparation. En 1999, le Pape Jean Paul II a été invité par le
Patriarche de l’Église de Roumanie, premier pays orthodoxe5 à accueillir un Pape depuis le
schisme de 1054. Vingt ans plus tard, le Pape François à fait à son tour le même voyage.

Saint Pierre et Saint Paul – fresque byzantine

5
Et de langue latine

5
2. Principaux éléments et spécificités de l’Orthodoxie

L’Église orthodoxe est l’expression d’une continuité spirituelle, car elle a gardé intacts les
enseignements du premier millénaire du christianisme, formulés dans la Sainte Tradition et
dans les Saintes Écritures, ainsi que par les Saints-Pères, de même que la plénitude de l’Église
indivise réunie dans les sept Conciles œcuméniques. Son nom vient des mots grecs : orthos =
droit et doxa = croyance, ou glorification. Elle assure par cela la défense de la succession
apostolique et de la régularité conciliaire. Ses racines tirent leur sève de la tradition juive et
cette proximité trouve son expression la plus évidente dans le plan d’architecture initial de
l’église orthodoxe, qui reproduit celui du Temple de Salomon. En effet, elle est divisée en
trois parties :
 Le narthex (pronaos en grec) ; il est accessible à tous, y compris aux non-baptisés mais
seulement pour la première partie de la Divine Liturgie, jusqu’à la fin de la lecture de
l’Évangile et des prières qui lui succèdent ; en principe, les portes qui séparent le
narthex de la nef - les portes du Royaume de Dieu - sont ensuite fermées
 La nef (naos en grec) ; c’est la place des fidèles baptisés qui participent intégralement
au culte
 Le sanctuaire, l’équivalent du Saint des Saints, où se trouve l’Autel, le successeur de
l’Arche de l’Alliance ; il est réservé aux officiants :

Plan générique d’une église orthodoxe sans absides latérales selon Giles Mairet :
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Plan_type_d%27une_%C3%A9glise_de_rite_byzantin.png

La nef et le sanctuaire sont séparés par une cloison à trois portes nommée iconostase, à la
place du voile du Temple de Salomon (certaines églises orientales gardent toujours un voile).
La porte principale, porte du sanctuaire, est à double battant et sur ses deux panneaux est
représentée l’Annonciation. Elle est ouverte ou fermée, par rapport aux règles de déroulement
des offices. Les deux portes latérales sont normalement fermées. L’iconostase est chargée
d’icônes, notamment les Apôtres et les saints protecteurs de l’édifice. Il opère
symboliquement la séparation entre le monde profane et le monde sacré6.
6
Certaines églises catholiques romaines gardent encore le jubé - tribune transversale élevée entre la nef et le
chœur – qui rappelle l’iconostase d’origine.

6
Iconostase de l’église Saint André, près de Karyès, Mont Athos

Ultérieurement, les églises byzantines adoptent la forme de croix, par le rajout de deux
transepts latéraux. Les églises orthodoxes sont normalement construites avec le Saint des
Saints vers l’Orient.

Au cours des siècles, l’Église orthodoxe a beaucoup souffert des soubresauts de l’Histoire,
réussissant malgré tout à garder intact le trésor spirituel légué par les deux Testaments.

En plus de ce qui a été montré dans la première partie, et d’une manière plus spécifique, la
chute de l’Empire de Byzance a été un évènement qui a laissé des traces profondes dans la
mentalité des peuples orthodoxes. Bien avant, l’expansion arabe d’abord, puis turque, suivies
de l’islamisation de nombreux pays du Moyen et du Proche-Orient, a réduit l’aire
d’implantation de l’Orthodoxie et ceci continue de nos jours. Malgré tout, l’Église orthodoxe
a continué à vivre grâce au profond sentiment religieux des peuples qui ont continué à
pratiquer la foi de leurs ancêtres même sous l’occupation musulmane. Beaucoup de
Byzantins, surtout des classes dirigeantes et du clergé, ont quitté la région allant vers
l’Occident ou vers les pays orthodoxes restés libres. Par exemple, des descendants des
familles impériales Comnène, Paléologue et Cantacuzène, ainsi que de nombreux
ecclésiastiques et d’autres représentants de l’intelligentsia se sont réfugiés sur le territoire de
l’actuelle Roumanie. Leur apport dans l’histoire de ce pays est considérable, dans le domaine
culturel, politique et religieux. Le plan typique des églises orthodoxes de la zone carpatique et
dans les Balkans est celui grec-byzantin.

Le XXe siècle est de loin le siècle le plus dur que l’Église orthodoxe ait connu depuis les
persécutions subies au début du christianisme. Après la révolution bolchevique de 1917 et
surtout après l’occupation soviétique de l’Europe centrale, les massacres, les persécutions
religieuses, la destruction des églises, la fermeture des monastères et la politique athée
agressive des dictatures mises en place par l’occupant ont porté des coups terribles non
seulement à l’Église, mais à l’âme même des peuples orthodoxes (à l’exception de la Grèce
qui – mis à part la guerre civile de la fin des années 40 - n’a pas connu le communisme et son
cortège de malheurs).

7
Depuis 1989, l’Église a repris sa place et joue un rôle important dans ces pays. Son devoir
pastoral est immense, pour guérir les blessures provoquées par des décennies de souffrances.
Elle a aussi une action sociale justifiée par la situation économique précaire qui génère des
besoins permanents.

SACREMENTS
L’Église orthodoxe connaît principalement sept sacrements, proches de ceux de l’Église
catholique romaine :
1. Le Baptême
Il est célébré par triple immersion, symbolisant la descente aux enfers et la Résurrection du
Christ le troisième jour. Il libère du péché originel et offre la naissance pour une vie nouvelle.
En général, il est administré aux enfants à quelques semaines ou mois après la naissance. Le
baptême confère la plénitude de l’Église, donnant à chacun le droit et le devoir de témoigner
du Royaume.
2. La Confirmation ou l’Onction du Saint Chrême, encore dénommée Chrismation
Dans l’Église orthodoxe elle se fait juste après le baptême. Le nouveau baptisé reçoit la force
du savoir spirituel et la possibilité de recevoir les dons du Saint Esprit, ainsi que la qualité de
participer à la vie divine.
3. L’Eucharistie
Comme la confirmation, la première Communion a lieu à la fin de la cérémonie du baptême.
La Communion se fait toujours sous les deux espèces : pain levé (non azyme) - ancienne
coutume apostolique symbolisant l’effet fermentateur de l’Esprit Saint - et vin, consacrés,
corps et sang du Christ, distribués régulièrement à l’ensemble des fidèles à jour de leurs
confessions.
4. Le Pardon et la Réconciliation
Seul Dieu est capable de pardonner. Aussi en Orthodoxie à l’issue de la confession, le prêtre
prie Dieu qu’il pardonne au pécheur. L’absolution donnée par l’évêque ou le prêtre se fait
sous la forme « Que Dieu te pardonne ! » et non « Je te pardonne ! ».
5. L’Onction des malades
Pour la guérison du corps et de l’âme, elle est - dans l’Église orthodoxe - pratiquée assez
souvent, et pas seulement avant la mort (l’Extrême-Onction).
6. L’Ordination
L’Église orthodoxe est constituée de trois ordres majeurs : le diaconat, la prêtrise et
l’épiscopat (conservés également par le Catholicisme romain et certaines Églises issues de la
Réforme). Le prêtre et le diacre sont, dans les paroisses, généralement choisis parmi les
hommes mariés. S’ils sont célibataires, ils ne peuvent plus se marier après l’ordination. Les
évêques sont choisis parmi les moines ; un veuf devenu moine peut accéder à l’épiscopat. On
doit rappeler que dans l’Église orthodoxe tous les évêques sont égaux, les titres d’archevêque,
métropolite (évêque qui dirige plusieurs diocèses) et patriarche (chef spirituel d’une Église
nationale autocéphale) sont des titres de l’administration ecclésiastique qui confèrent une
primauté parmi les égaux. Ainsi, une décision ecclésiale ne peut être prise que par la réunion
d’une assemblée (synode, concile) regroupant l’ensemble des évêques. Il s’agit là d’une
continuité établie par le Christ et les apôtres eux-mêmes lors de la fondation des premières
églises.

8
7. Le Mariage
L’Église orthodoxe célèbre un sacrement du mariage, appelé « couronnement », qui lui est
propre et qui fait suite à l’office de bénédiction des anneaux, ou fiançailles. Le divorce n’est
en principe pas admis, mais il est pardonné en cas de force majeure7. Le sacrement du
mariage n’étant pas un acte magique mais un don de la Grâce, les personnes qui s’y engagent
peuvent faillir à cette vocation. Dans ces cas, l’Église peut admettre que la Grâce n’a pas été
reçue, accepter la séparation et permettre éventuellement le remariage ; cependant, elle ne
l’encourage pas, à cause du caractère éternel du lien matrimonial. Elle le tolère néanmoins
dans un acte d'oikonomia (économie) bienveillant lorsque, dans des cas très particuliers et très
concrets, il apparait comme la meilleure solution pour les fidèles.

LE CULTE LITURGIQUE
L’élévation mystique et le sens du mystère accompagnent en permanence les offices, car leur
rôle c’est le ré-enchantement du monde. La quête orthodoxe est un chemin de liberté comprise
dans le sens des responsabilités envers Dieu et envers son prochain, manifestée par l’amour et
la fraternité.
Les offices
Les offices de l’Église permettent à la communauté des baptisés de se réunir pour écouter la
Parole de Dieu, pour célébrer les gestes, rites, signes et actions dont le Christ invisiblement
présent est l’auteur véritable ; dans cette célébration est communiquée la Grâce du Saint
Esprit en réponse à la foi des fidèles. Ces différents offices qui culminent en la « Divine
Liturgie » (liturgie eucharistique) sont chantés sans instruments ; l’être humain tout entier
porte sans intermédiaire la Parole par sa voix et par son souffle, signe de l’Esprit Saint.
La principale liturgie est celle de Saint Jean Chrysostome, célébrée aussi souvent que
possible, surtout chaque Dimanche. Lors du Grand Carême et à l’occasion de quelques autres
événements est officiée la liturgie de Saint Basile le Grand, qui contient quelques prières
supplémentaires. Pendant le temps pascal, en semaine, est officiée aussi la liturgie des Dons
présanctifiés de Saint Grégoire le Grand, Pape de Rome.
La Messe catholique romaine habituelle est un raccourci de la Divine Liturgie de Saint Jean
Chrysostome8, d’autres offices - comme les Vêpres - sont très proches entre les deux
confessions et peuvent être célébrés en commun. La Cathédrale Notre Dame de Paris
organisait régulièrement des Vêpres orthodoxes en présence du Cardinal Archevêque de la
capitale et des dignitaires orthodoxes : Métropolites, Archevêques, Évêques siégeant en
France.
L’icône
Image sainte, fenêtre ouverte vers le divin, elle signifie de façon visible la vérité du monde
invisible. Dieu s’est fait Homme pour être vu, entendu et touché. L’Incarnation du Verbe est
le fondement de la vénération des icônes, du saint Évangile et de la Croix. On trouve ici l’un
des caractères forts de l’Orthodoxie et les représentations du Christ, de la Vierge, le rappel des
figures des saints et de leurs actions en sont les thèmes majeurs. Nous les regardons et elles
nous regardent, dans une contemplation réciproque éclairée par la lumière du Prologue de
l’Évangile de Saint Jean, lumière qui a vaincu les ténèbres. Les icônes orthodoxes sont
réalisées selon des règles strictes sur le plan de la composition des sujets, de la technique et
aussi de la vie personnelle de l’artiste : par exemple, le jeûne et la prière sont obligatoires -
ora et labora ! Ce sont les conditions indispensables sur le plan théologique pour faire

7
A relativiser, dans la mesure où il n’y a qu’un seul péché impardonnable, le péché contre l’Esprit Saint.
8
Certains monastères catholiques romains l’officient intégralement.

9
ressortir la beauté, car l’esprit de l’Orthodoxie est philocalique (philocalie signifiant l’amour
de la beauté). Le théologien orthodoxe Paul Evdokimov écrit au début du premier chapitre de
son livre « L’art de l’icône »9 : « Le beau est la splendeur du vrai – disait Platon : affirmation
que le génie de la langue grecque a complétée en forgeant un terme unique, kalokagathia, qui
fait du bon et du beau les deux versants d’un seul sommet. Au degré ultime de la synthèse,
celle de la Bible, le vrai et le bon s’ouvrent à la contemplation, leur vivante symbiose marque
l’intégrité de l’être et fait jaillir la beauté ».
La fonction de l’icône dans l’Orthodoxie est plus importante que nulle part ailleurs, à tel point
que cela a donné lieu au VIII-IXe siècles à une lutte féroce entre les pour et les contres, ce que
l’on appelle la crise iconoclaste. Si les Orthodoxes n’adorent pas les icônes (seul Dieu est à
adorer), ils les vénèrent pour l’ouverture vers le monde spirituel et divin qu’elles représentent,
car ce sont des fenêtres vers le Ciel. La transfiguration en est la clé et cela se voit en
particulier dans le visage des personnages. La lumière est signifiée de deux manières : celle
matérielle liée à l’éclairage des objets mais surtout celle intérieure en chacun des personnages,
figurée par la carnation (couleur de fond pour la chair) pure et assez claire. Par ailleurs, le
monde est représenté en perspective inversée afin que le contemplateur devienne le point
convergeant de l’icône pour établir ainsi un lien intime avec elle. L'espace représenté sur
l'icône s'affranchit de notre vision terrestre en trois dimensions. Elle est bien évidemment
autre chose qu’une simple image peinte sur un morceau de bois.
La prière du cœur (ou la prière de Jésus, l’hésychasme)
La plus simple et directe manière de s’adresser à Dieu est la prière du cœur : « Seigneur Jésus
Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi pécheur », véritable icône verbale, à utiliser à tout
moment et en toutes circonstances.

ORGANISATION
L’Église indivise du Ier millénaire était organisée en Pentarchie, c’est-à-dire les cinq
patriarcats, dans l’ordre : Rome, Constantinople, Alexandrie, Antioche, Jérusalem, qui étaient
à la fois en communion et indépendants. Il faut souligner que l’Église d’Orient reconnaissait
au Pape de Rome un rôle important, celui de primus inter pares, le premier parmi les égaux.
Il avait un rôle d’arbitrage dans certaines régions de l’Empire et son autorité était importante
dans les Conciles universels, appelés « œcuméniques ».
Après la séparation de 1054, le Patriarche de Constantinople a repris dans le monde orthodoxe
le rôle de primus inter pares : son autorité spirituelle est donc parmi les évêques et non sur
eux. Il est notable que même pendant l’apogée de l’Empire byzantin le pouvoir temporel et le
pouvoir spirituel étaient séparés et se sont généralement équilibrés, dans un rapport plus ou
moins harmonieux. Leur relation était appelée symphonie.
Faisant suite aux aléas de l’histoire, l’Église de Russie est déclarée autocéphale en 1448,
suivie par celles de Grèce en 1833, de Serbie en 1879, de Roumanie en 1885 et de Bulgarie en
1945.
L’autocéphalie, basée sur le principe canonique de la territorialité, est liée aux traditions
locales et à la vie nationale d’un pays. Le conditionnement de la hiérarchie ecclésiastique est
assez présent et la résistance d’un certain nombre de superstitions assez forte. Le nombre total
d’Orthodoxes dans le monde est d’environ 250 000 000 de personnes, considérable, quoique
moins important que celui des Catholiques romains et des Protestants. Ils sont concentrés pour

9
« L’art de l’icône – Théologie de la beauté », Desclée de Brouwer, 1972

10
l’essentiel dans la moitié orientale de l’Europe, mais ils sont maintenant présents sur tous les
continents.
Le vrai Chef de l’Église c’est Jésus Christ lui-même. Les responsables des Églises nationales
canoniques pratiquent le principe de conciliarité – prise de commun accord des décisions
importantes concernant le corpus doctrinal et le relationnel avec les autres confessions et
religions, à l’instar du modèle œcuménique du premier millénaire.
À l’occasion de la Contre-réforme, entre les XVIe et XVII siècles, Rome a fait passer de son
côté un certain nombre d’églises orthodoxes et orientales, regroupées sous la dénomination
générique d’Églises catholiques de rite byzantin10. Ces églises ont gardé leurs rituels
d’origine, ainsi que l’essentiel de leurs règles, par exemple le mariage des prêtres - abandonné
par l’Église latine au début du deuxième millénaire.

ENSEIGNEMENT
L’Église orthodoxe est toujours restée fidèle aux préceptes de l’Église indivise, à la théologie
de Pères de l’Église et des sept Conciles œcuméniques. Elle n’a jamais senti le besoin de
réaliser une synthèse entre la philosophie grecque classique (qu’elle a pourtant dans les gènes)
et la théologie. Il n’y a pas eu non plus de développement scolastique où de déclinaisons
monastiques multiples comme en Occident. L’enseignement des Pères a continué à se
développer, jusqu’à nos jours, sans jamais changer le dogme chrétien initial. La théologie
orthodoxe est celle de la prière comme seul moyen de contact avec Dieu. Il est dit que « Celui
qui prie est théologien et théologien est celui qui prie ».
Une des divergences dogmatiques avec le Catholicisme romain concerne la procession du
Saint Esprit (l’addition du mot latin filioque en Occident, à la fin du premier millénaire,
comme nous l’avons déjà évoqué). Les Orthodoxes confessent que l’Esprit Saint procède
seulement du Père (Jean XV / 26) et le Credo toujours proclamé est celui de Nicée-
Constantinople, du IVe siècle. La place et l’importance de l’Esprit Saint sont fondamentales
pour les Orthodoxes et ils défendent l’équilibre trinitaire divin révélé aux débuts du
christianisme.
La Sainte Vierge est très honorée, en tant que « Mère de Dieu », mère de notre Seigneur Jésus
Christ ; elle a effacé par son consentement le péché d’Ève. Le dogme tardif de l’Immaculée
Conception n’est pas accepté par les Orthodoxes, car il met en cause l’humanité de la Vierge
Marie ainsi que son libre arbitre et par conséquent son mérite personnel. A sa mort, la Vierge
s’est « endormie » et Jésus est venu chercher son âme pour le monter au Ciel. Par la suite, son
corps est parti à son tour de sa tombe (ce qui explique L’Assomption catholique romaine,
dogme établi définitivement en 1950).

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Appelées aussi uniates ou gréco-catholiques.

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La Dormition de la Vierge – Sienne, Museo dell'Opera Metropolitana del Duomo, sec. XIV-XV

Le Purgatoire, n’est pas reconnu par les Orthodoxes, car dans l’au-delà le temps ne suit pas
les cycles et la chronologie terrestres. L’éternité n’a ni commencement ni fin, et encore moins
des paliers intermédiaires.
De même, l’idée de déclarer l’infaillibilité d’un responsable de l’Église – aussi haut placé,
respectable et méritant soit-il - n’est pas acceptable par les Orthodoxes qui savent que la
nature humaine est intrinsèquement soumise au péché. Le Christ seul peut faire œuvre de
rédemption et Lui, qui est toujours proche des gens, les accompagne dans tous les moments de
leur vie, y compris dans les errances, les erreurs et les fautes.

MONACHISME
Dans l’Église orthodoxe, tous les moines sont organisés et vivent leur foi selon la règle du
Saint Basile le Grand (IVe siècle). Les monastères, conduits par un higoumène ou starets
(« vieux » en slavon), sont soumis dans la plupart des cas à l’autorité canonique de l’évêque
du lieu. Il existe pourtant des monastères qui dépendent d’un autre monastère, plus important,
situé ailleurs. Dans le monachisme orthodoxe il existe un équilibre entre vie contemplative et
vie active et, comme en Occident, les moines et les moniales travaillent beaucoup pour
subvenir aux besoins matériels de leurs communautés.
Il est à mentionner que l’un des fondateurs du monachisme occidental, Saint Jean Cassien (Ve
siècle), était originaire du territoire actuel de la Roumanie. Après avoir vécu 15 ans parmi les
moines d’Égypte il fut envoyé à Rome par Saint Jean Chrysostome et à la demande du Pape
il partit en Gaule où il fonda des communautés religieuses dans la région de Marseille. Ses
reliques sont gardées et vénérées dans l’église de l’abbaye Saint Victor, dans la cité
phocéenne. Il fut un lien entre l’Orient et l’Occident.

L’ORTHODOXIE EN OCCIDENT
Les premiers noyaux sont apparus au XIXe siècle, notamment après 1848, quand des réfugiés
des principautés roumaines fuyant la répression post-révolutionnaire ont créé les premières
paroisses. Des Russes riches qui passaient beaucoup de temps en Occident et des Grecs qui
voyageaient partout en ont fait autant. Par la suite, les bouleversements historiques du XXe
siècle ont eu comme résultat le développement d’une diaspora (« dispersion ») orthodoxe plus
large : d’abord par les Russes après les événements de 1917, ensuite par les Grecs après 1922,
puis par les autres peuples de l’Europe Centrale et de l’Est après la Seconde Guerre mondiale.

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Les flux migratoires ont fait que les Orthodoxes sont maintenant présents et connus partout
dans le monde. Le nombre total d’Orthodoxes recensés en France se situe aux alentours de
250000 à 300000 personnes, mais ils sont probablement beaucoup plus nombreux. La plupart
d’entre eux, sans oublier les fidèles Français de souche, sont issus de l’immigration ; ils sont
organisés, pour l’essentiel, sur des critères de nationalité d’origine puisque, s’il existe
aujourd’hui une Orthodoxie en France, il n’existe pas une Orthodoxie de France avec son
propre patriarcat. Les évêques respectifs sont réunis dans l’Assemblée des Évêques
Orthodoxes de France, organe consultatif qui n’est pas encore une structure synodale. Ces
évêques - tout en ayant une large autonomie dans leurs diocèses - font toujours partie des
Saints synodes de leur pays d’origine, les seuls à avoir en dernière instance pouvoir de
décision en ce qui concerne les questions de fond.

Les Orthodoxes d’ici et d’ailleurs considèrent qu’ils ont le devoir de transmettre leur foi à
leurs enfants ; leur rôle est de témoigner avec les autres confessions chrétiennes le Royaume,
dans un monde de plus en plus matérialiste, sans vrai horizon spirituel et qui s’éloigne
souvent de l’Évangile. Ils pensent contribuer ainsi à restaurer l’unité des Chrétiens, unité pour
laquelle les Orthodoxes, et surtout leurs moines, n’ont pas cessé de prier depuis des siècles à
chaque service religieux.

L’Église orthodoxe, tout en préservant la stabilité de son ecclésiologie traditionnelle et le


respect des dogmes fondateurs du christianisme - et justement pour appliquer leur
enseignement - est également présente dans le monde moderne. Depuis qu’elle est redevenue
libre après la chute du communisme en Europe, elle s’implique de plus en plus dans les
œuvres sociales, notamment vis-à-vis des plus démunis (à l’Est comme à l’Ouest), et
intervient avec force auprès de plus hautes instances nationales et internationales dans les
débats majeurs concernant la paix, l’écologie et la bioéthique, par des prises de position
appréciées, respectées et souvent appliquées.

L’Église orthodoxe ne se confond avec aucun système philosophique, politique ou


économique. Elle annonce le Royaume de Dieu. Les fidèles sont loyaux envers l’État, mais
leur soumission n’est pas servile. Ils dénoncent tout ce qui nuit à la personne et n’ont d’autre
programme à annoncer que l’Évangile lui-même.

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