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L’Europe est-elle
chrétienne ?
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Nous avons l’habitude, aujourd’hui, des débats sur les rapports entre Islam
et Europe, Islam et laïcité, Islam et démocratie… Or derrière ces débats se
cache un débat plus profond sur la nature même de l’Europe, et sur sa
relation avec le religieux en général. Une grave crise portant sur la définition
de l’identité européenne et sur la place du religieux est en cours, comme le
montre d’ailleurs la radicalisation catholique en France autour de la Manif
pour Tous, voire la radicalisation laïque autour de questions comme
l’abattage rituel ou la circoncision.
L’État ne peut, depuis lors, plus traduire en normes les « valeurs » car ces
dernières se sont autonomisées dans des sphères politiques distinctes qui se
les disputent âprement, rompant avec plusieurs siècles d’un implicite moral
partagé par la majorité et qui ne nécessitait pas codification. Face au vide
laissé par l’abandon d’un implicite collectif, l’on voudrait codifier le
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Mais il est vrai que le grand traumatisme européen remonte aux guerres de
religion. Ces guerres démarrent sur des questions théologiques (la grâce et
le salut) considérées comme essentielles et non négociables par les acteurs
— les deux dernières des 95 thèses de Martin Luther ne laissent pas de place
au compromis : « Il faut exhorter les chrétiens à s’appliquer à suivre Christ
leur chef à travers les peines, la mort et l’enfer. Et à entrer au ciel par
beaucoup de tribulations plutôt que de se reposer sur la sécurité d’une
fausse paix ».
La violence est religieuse dans son fond comme dans sa mise en scène,
comme l’ont montré par exemple Olivier Christin et Denis Crouzet 1 . Or, il
n’y a rien à négocier sur le religieux, malgré les efforts incessants des rois et
des empereurs (François Ier et Charles Quint par exemple) pour amener les
théologiens des deux camps à trouver un compromis (Poissy, Worms,
Ratisbonne). Les religions se révèlent alors incapables de faire la paix entre
elles car on ne peut pas négocier sur le dogme, mais seulement sur la place
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du religieux (avis aux laïques qui veulent réformer l’Islam !). Comme le
montre Olivier Christin, la paix des religions a été faite par les politiques, en
posant justement que c’est le politique qui devait décider de la place du
religieux 2 . Ce n’est nullement la séparation, car le politique intervient
directement dans le religieux (par exemple la Déclaration des Quatre
articles en 1682, suscitée par Louis XIV, affirme la supériorité du concile sur
le Pape).
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guerres de Religion n’étaient pas gagnables : l’État a donc décidé de faire lui-
même la paix religieuse, en organisant la place du religieux, résolvant ainsi
le vieux conflit entre le Pape et l’Empereur au profit de ce dernier. C’est ce
que signifie le principe Cujus regio, Ejus religio : le souverain décide du
religieux. C’est l’État qui fixe les règles du jeu en matière de religion, et ce
jusqu’à aujourd’hui.
par la constitution pour valider l’islamité des lois votées par le Parlement.
Mais les conflits entre les deux institutions sont permanents.
Alors intervient une troisième instance, le conseil des Experts, qui doit
mettre d’accord le conseil des Gardiens et le parlement. Cette instance est
constituée des hommes du pouvoir, de cette équipe dirigeante qui a fait la
révolution 4 . Je pose la question classique « Qui garde les gardiens ? », c’est-
à-dire qui décide en dernière instance de la vérité religieuse. Alors, un
mollah au fond de la salle lève la main et crie « la Kalachnikov ! ». La
réaction fut très mitigée dans la salle, mais l’argument était posé de manière
juste. Nulle part un théologien n’ira impunément taper à la porte du
dictateur, du président, ou du pouvoir en général pour contester la
conformité d’un argument du pouvoir politique sur des termes religieux.
Cet individu finira invariablement en prison, en Iran comme en Arabie
Saoudite (et autrefois sur le bûcher comme Savonarole à Florence)
S OUVERAINETÉ ET SÉCULARISATION
Tout État est séculier, et cela n’a rien à voir avec la pratique religieuse des
populations. Il existe des États séculiers où la pratique religieuse est très
forte, par exemple les États-Unis, où le premier amendement défend la
séparation du religieux et du politique. La différence avec la France réside
dans le fait que dans le système américain, la séparation protège le religieux
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Mais il se trouve qu’en Europe, elle l’a aussi été. Cette déchristianisation est
sociologiquement mesurable. Par exemple, historiquement on l’a faite par
l’étude des testaments. Jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, les hommes et
femmes dotés d’un patrimoine tendent à léguer une partie plus ou moins
importante à l’Église à leur mort, pour assurer le salut de leur âme 5 . Au
XVIIIe, les femmes continuent à léguer dans la même proportion, tandis
que les legs masculins chutent. Au XIXe siècle, le phénomène se poursuit
avec la montée du dimorphisme sexuel dans l’Église. Si le clergé reste
masculin, l’assistance des paroisses se féminise de plus en plus, tandis que
le nombre de nonnes dépasse le nombre de moines. De nombreux critères
objectifs de pratique religieuses sont au XXe établis par les sociologues.
Leur travail est facilité avec l’Église catholique, puisque c’est une
bureaucratie qui tient des registres. On a des registres de participation à la
messe, du denier de Saint-Pierre, des baptêmes, des confessions, etc.
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La question s’est posée en termes explicites à la fin des années 1990, lorsque
des députés européens proposent de mentionner les racines chrétiennes de
l’Europe dans le préambule de la constitution européenne.
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Puisque les laïcs ne comprennent plus rien au sacré, et qu’ils trouvent les
croyants au mieux bizarres, au pire fanatiques, si les croyants veulent vivre
paisiblement leurs convictions dans la société sécularisée, ils doivent les
transcrire en langue laïque. L’Église a bien compris cette traduction : la lutte
contre l’avortement devient la « lutte pour la vie ». La défense de la famille
traditionnelle devient le refus d’une « révolution anthropologique dans les
sociétés occidentales ». On ne parle plus des normes divines ou de la
volonté de Dieu. Le discours de l’Église ne dit plus s’opposer à l’avortement
à cause de tel passage des Écritures, mais au nom du droit à la vie. Sur
Vatican II, il est intéressant d’écouter la position des traditionalistes
ennemis du concile. Ce n’est pas parce qu’ils sont de droite ou d’extrême-
droite que leurs arguments sont fallacieux 6 . Le passage du latin au français
comme langue liturgique a donné lieu à une édulcoration des formulations
latines. Certaines prières ne sont aujourd’hui autorisées qu’en latin, comme
la prière pour la conversion des juifs (oremus et pro perfidis judaeis), pour
sauver les apparences (on dit alors que perfidus ne se traduit pas par
perfide) 7 .
Les années 1960 sont selon moi une période clé, équivalente aux années
juste après 1517 et la publication des 95 thèses. Après Vatican II, triomphe de
l’auto-sécularisation du religieux, vient en 1968 Humanae Vitae, encyclique
qui défend une position maximaliste interdisant toute pratique sexuelle non
destinée à la procréation. Les catholiques ne comprennent pas ce coup de
tonnerre dans un ciel bleu. Les laïcs s’indignent de ce pape réactionnaire.
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Jusque dans les années 1960, dans le cadre de cette culture dominante
chrétienne sécularisée, la référence à la loi naturelle, élaborée entre autres
par saint Thomas d’Aquin, fait qu’il n’y a pas besoin d’être croyant pour être
moralement bon. L’humanité partage une morale naturelle fondée sur une
loi naturelle. Jules Ferry, dans sa « Lettre aux instituteurs », leur explique
qu’ils trouveront d’eux-mêmes des paroles qui ne heurteront aucun « père
de famille ». Pour Jules Ferry, il est évident qu’à l’époque il n’y a qu’une
morale partagée par tous (il la compare à l’arithmétique dans l’évidence
qu’elle implique).
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Ce consensus se brise totalement dans les années 1960, et les zones grises
disparaissent (et avec elle, très logiquement, les « cathos de gauche »). On
peut constater l’évolution de la paroisse territoriale. Le baptême dans une
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décembre 2016).
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soit qu’ils vont chercher quelque chose de différent auprès du pape. Ils
viennent aux JMJ pour participer à une grande messe, ou même simplement
à une grande rencontre chaleureuse où l’on est entre soi, entre frères et
sœurs sous le regard du Père. On y vit une grande expérience, on éprouve
un flash de spiritualité, puis on rentre à la fac ou au lycée, en gardant peut-
être contact avec la fille ou le garçon qu’on a rencontré…
Dans le fond, les gens qui se raccrochent à la foi et qui se disent croyants, et
en particulier les born-again et les convertis, ne sont pas dans une quête
culturelle. Ce qui les intéresse, ce n’est ni la culture, ni l’institutionnalisation
du religieux. Il s’agit d’une quête individuelle, éventuellement
individualiste, entre pairs.
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problème d’adéquation.
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La norme est explicite tandis que la valeur est implicite. On peut, bien sûr,
traduire des valeurs en normes. On peut traduire par exemple une valeur
comme l’honneur en un code de l’honneur. Toutes les cultures ont inventé
des codages variés pour les valeurs qui les animent. Mais si on a besoin que
tout soit explicite, c’est qu’on ne partage plus d’implicite. Aujourd’hui, rien
ne va sans dire, et ce qui est non-dit est suspect. Le simple terme de non-dit
est dévalorisé, ce qui met la psychanalyse dans une crise profonde,
puisqu’elle est maintenant considérée comme réactionnaire, patriarcale,
parce qu’elle pose une certaine irréductibilité de ce non-dit. La crise
profonde de la culture est liée au fait que l’on partage de moins en moins de
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choses dans l’implicite, et que tout doit être dans le dit et dans le normé. Ce
n’est pas par hasard que cette exigence d’explicite s’attaque aussi à la liberté
religieuse : le secret de la confession vient d’être aboli par le Parlement
australien (janvier 2018) et la circoncision des enfants pour des raisons
religieuses est sérieusement contestée en Europe du nord, parce qu’elle ne
repose pas sur l’accord explicite de l’enfant.
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R ESOCIALISER LE RELIGIEUX
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allemand !
Cette situation est caractérisée par une hypocrisie totale. Sous le terme
d’identité chrétienne, on ne met plus les valeurs chrétiennes sécularisées, et
ce depuis la coupure des années 1960. À la place, on installe les nouvelles
valeurs. Vous remarquerez que les partis populistes européens ne sont
pratiquement plus chrétiens. Les uns ne se réfèrent plus aux racines
chrétiennes comme le parti de Geert Wilders aux Pays-Bas, qui porte haut
les valeurs de 1968. En tournée au Texas face à des extrémistes locaux, il est
applaudi à tout rompre jusqu’au moment où il dit que le problème avec les
musulmans est qu’ils refusent les droits des homosexuels. Ce n’est pas
exactement l’attitude que ces Texans reprochaient aux musulmans.
L’évolution de Marine Le Pen est intéressante : elle qui a hérité d’un parti
qui défendait explicitement l’identité chrétienne de l’Europe, elle a mis en
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En Italie, la situation politique et sociale était, dans les années 1950, très
clivée, comme en France, avec un fort Parti Communiste, une Démocratie
Chrétienne, et deux sociétés civiles différentes, avec certes un peu plus
d’intermariages qu’en France. Il y a très souvent des crucifix dans les salles
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L’État italien a gagné, mais les évêques ont de bonnes raisons de s’inquiéter
de cette assimilation d’un symbole religieux à une sorte de gadget culturel.
La prochaine affaire qui sera bientôt jugée à la Cour européenne des droits
de l’homme à Strasbourg et que j’attends avec impatience est l’interdiction
des minarets en Suisse. L’État helvétique, qui était contre l’interdiction des
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minarets, mais qui, une fois la votation effectuée, fut obligé de défendre les
résultats auprès de Strasbourg, a mis en place une argumentation habile.
Selon lui, l’interdiction n’est pas une atteinte à la liberté religieuse des
musulmans puisque le minaret relève du culturel. Il est exact que le minaret
n’existait pas à l’époque de Mahomet, qu’il en a existé des variétés
différentes selon les régions, que c’est à l’origine une construction inspirée
des clochers d’église, et il n’est en rien nécessaire à la pratique. On peut
répondre à toutes les exigences rituelles de la religion sans minaret, or les
mosquées sans minaret ne sont pas interdites. L’argument de l’État suisse
contribue à dé-culturaliser l’Islam traditionnel. On ne peut plus construire
des mosquées turques en Suisse, mais rien ne vous empêche de construire
des mosquées suisses (avec une tour d’horloge par exemple). D’ailleurs, il
n’y avait que quatre mosquées avec minarets dans toute la Suisse, parce que
les ambassades saoudiennes ou turques, mécènes des édifices, avaient exigé
des mosquées semblables à celles de leur pays d’origine.
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Au Danemark, l’abattage rituel est interdit, parce que le droit des animaux
l’emporte désormais sur la liberté religieuse, dixit la ministre de la Justice.
Cela revient à faire de la liberté religieuse une liberté comme une autre,
mais sur le plan mineur. Or la liberté religieuse est très spécifique.
La loi de 1905, par exemple, n’est ni une loi sur la religion, ni sur la foi, ni
sur la croyance ou sur la pratique privée. Elle est une loi sur l’exercice du
culte, c’est-à-dire sur la pratique publique de la religion. Si on interroge
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encore une fois des personnes dans la rue sur la définition de la laïcité, elles
répondront invariablement qu’elle signifie que la religion est privée. La loi
de 1905 fixe au contraire l’organisation de la pratique religieuse dans
l’espace public sous le contrôle de l’État, qui décide de la place du religieux,
mais considère que le religieux a sa place dans la société. Par exemple, les
prières de rue ne sont pas illégales en France, sinon la police aurait arrêté
les contrevenants. Seulement, quand on organise une manifestation sur la
voie publique, il faut déclarer sa présence auprès des services municipaux.
Mais aucune loi n’interdit à l’archevêque de Paris de faire un chemin de
croix de Notre-Dame à Montmartre.
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intense pratique religieuse n’a rien de surprenant chez une partie des
croyants, quelle que soit la religion (Luther n’était ni un libéral, ni un simple
maître à penser). Chaque religion essaie de mettre en place des systèmes et
des institutions de gestion de cette intensité ou radicalité. Les catholiques
ont le monastère, institution reconnue et respectée. Les moines n’ayant pas
de descendance, cela simplifie le problème. Mais les salafistes n’ont pas de
monastère, vivent en famille, et prêchent dans les rues, ce qui bien sûr créé
le problème du « scandale », de l’excessive visibilité du religieux (que l’on
retrouve avec les pacifiques loubavitchs).
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C ONCLUSION
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Dans les pays catholiques, l’Église perd un peu partout son rapport
privilégié à l’État et n’a plus de relais politique (c’est la droite espagnole qui
a voté le mariage homosexuel). La démocratie chrétienne a disparu (en
partie par usure et en partie parce que l’Église – le Pape Jean-Paul II – ne
voulait plus de parti intermédiaire, incarnation politique de la « zone grise »
dont nous parlions plus haut). En revanche, l’influence de l’Église se
développe à travers les associations internationales de fidèles de droit
pontifical, qui, on l’a vu, ne sont pas territoriales et non soumises au
contrôle de l’évêque. Même dans des pays aussi profondément catholiques
que l’Italie, l’Église dominante se reconstitue en communauté de foi et tend
à se vivre de plus en plus comme une minorité, phénomène accentué par le
fait que la droite conservatrice et populiste a cessé de se référer au
catholicisme pour ne plus se réclamer que d’une vague « identité
chrétienne » qui n’a plus rien à voir avec les valeurs défendues par le Pape.
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rejoignent mais chaque pays continue de les gérer à partir d’un imaginaire
politique « traditionnel » (au sens de tradition reconstruite) : la laïcité en
France, la catholicité en Italie et en Pologne (où elle est reconstruite en
idéologie d’État)… Mais aucune de ces nostalgies, exacerbées par les
populismes, ne peut justement gérer la demande religieuse, la demande de
foi, exprimée par des individus qui soient rejoignent des « communautés de
foi » qui s’organisent sur d’autres valeurs (fraternités chrétiennes, salafistes,
haredims), soit peuvent être tentées par des formes de nihilisme suicidaire.
S OURCES
1 Denis Crouzet, Les guerriers de Dieu. La violence au temps des troubles de religion, vers
1525-vers 1610, Seyssel, Champ Vallon, 1990 ; Olivier Christin, Une révolution symbolique :
l’iconoclasme huguenot et la reconstruction catholique, Paris, Éd. de Minuit, 1991. Olivier
Christin, La paix de religion. L’autonomisation de la raison politique au XVIe siècle, Paris, Éd.
du Seuil, 1997↑
2 Olivier Christin, La paix de religion. L’autonomisation de la raison politique au XVIe siècle,
Paris, Éd. du Seuil, 1997.↑
Olivier Roy, L’échec de l’Islam politique, Paris, Éd. du Seuil, 1992.↑
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4 Nous pouvons ici constater l’ambiguïté du concept de souveraineté dans le contexte iranien.
En effet, adoptée en 1979, la Constitution de la République islamique d’Iran repose sur deux
piliers fondamentaux : la reconnaissance de la souveraineté absolue en Dieu – souveraineté
divine, essence de l’Etat islamique – et la reconnaissance de la souveraineté populaire,
fondement de légitimité politique. Cette double souveraineté à la base de l’Etat islamique
rend le système politique iranien assez complexe dans sa conception ainsi que dans son
fonctionnement. La double souveraineté peut donc être vue, d’un côté, comme l’expression
du double caractère de la République islamique (comme son nom l’indique) : républicain et
théocratique ; et, de l’autre, comme “cause” d’un double effet : l’institutionnalisation de la
fonction du Guide Suprême en tant que chef de l’Etat (couvrant une fonction politique et
religieuse) et l’intégration du recours au suffrage universel pour la légitimation du régime,
conformément au modèle de l’État moderne démocratique.↑
5 Michel Vovelle, Piété baroque et déchristianisation en Provence au XVIIIe siècle. Les
attitudes devant la mort d’après les clauses de testaments, Paris, Éd. du Seuil, 1973 ; Pierre
Chaunu, La mort à Paris, XVIe-XVIIIe siècle, Paris, Fayard, 1978.↑
6 Voir http://home.scarlet.be/amdg/pn/traductions_francaises_missel.pdf.↑
7 Nous rectifions : aujourd’hui la mention de la judaica perfidia et des perfidi judei est
désormais absente dans la liturgie latine. Elle a disparu du rite latin avant la fin du Concile
Vatican II (1959) avec es corrections apportées par Jean XXIII.↑
8 Olivier Roy, La sainte ignorance. Le temps de la religion sans culture, Paris, Éd. du Seuil,
2008.↑
9 Voir Olivier Roy, « De quoi le cochon est-il le nom ? », Le Monde, 10 janvier 2018. Note de
l’éditeur ↑
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C RÉDITS
Ce texte prononcé à l'École normale supérieure le 17 novembre 2017 dans le cadre du cycle de
conférences Une certaine idée de l'Europe a été transcrit par Pierre Mennerat et édité par
Emmanuel Phatthanasinh, Lucie Rondeau du Noyer, Pierre Salvadori et Raffaele Alberto Ventura.
Une version remaniée par l'auteur et élargie est parue chez Seuil en janvier 2019 sous le même
titre.
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